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La Mémoire Vive Niché dans la rue des Trois frères, en plein cœur ...

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L'ACTUALITE LITTERAIRE<br />

Que j’avais quoi ? Vingt ans. Que je sortais <strong>des</strong> beaux-arts et qu’à mon<br />

retour <strong>dans</strong> le vil<strong>la</strong>ge natal où se trouvai<strong>en</strong>t mes par<strong>en</strong>ts, j’ai reçu <strong>la</strong><br />

convocation pour le service militaire.<br />

J’avais demandé à être <strong>dans</strong> l’armée de l’air pour échapper à <strong>la</strong> guerre<br />

d’Algérie. On me forma au radar. Je n’y ai pas fait long feu, peu de temps<br />

après mon arrivée, une note gouvernem<strong>en</strong>tale tomba : l’armée de l’air devait<br />

rejoindre l’armée de terre <strong>en</strong> Algérie.<br />

Le gouvernem<strong>en</strong>t français avait besoin de r<strong>en</strong>forts pour préserver son<br />

“ jouet ” !<br />

On att<strong>en</strong>dait, incessamm<strong>en</strong>t, le grand général, lequel vi<strong>en</strong>drait saluer <strong>la</strong><br />

masse popu<strong>la</strong>ire et remettre, d’un coup de référ<strong>en</strong>dum, son “ méchoui ” égaré<br />

<strong>dans</strong> le droit chemin.<br />

Tu vois, Anna, les fées aussi port<strong>en</strong>t <strong>des</strong> médailles militaires !<br />

Un bon souverain ne devant pas salir ses souliers sur le chemin poussiéreux<br />

du s<strong>en</strong>tier de <strong>la</strong> gloire, il était nécessaire de déb<strong>la</strong>yer l’accès et nous autres,<br />

troufions, étions donc appelés pour gonfler les bastions qui convaincrai<strong>en</strong>t <strong>la</strong><br />

popu<strong>la</strong>tion qu’il était bon d’être Français <strong>en</strong> Algérie !<br />

Une permission de deux jours pour voir mes par<strong>en</strong>ts. Un paquetage vite<br />

bouclé et je pr<strong>en</strong>ais <strong>la</strong> route pour quinze mois sans savoir où elle al<strong>la</strong>it me<br />

m<strong>en</strong>er.<br />

<strong>La</strong> question du refus ne se posait même pas. En 1956, Anna, ta loi n’aurait<br />

pas fait pas le poids. Alors, c’était le devoir, <strong>la</strong> famille, <strong>la</strong> patrie…<br />

L’obéissance !<br />

J’avais beau lire L’Express, sout<strong>en</strong>ir l’indép<strong>en</strong>dance de l’Algérie, un sort<br />

contraire p<strong>la</strong>ça un fusil <strong>en</strong> travers de ma vie. Ce que j’y trouvais à redire n’y<br />

avait pas sa p<strong>la</strong>ce, de toutes les façons, je suivais d’autant plus docilem<strong>en</strong>t<br />

qu’à vingt ans on est soucieux d’appart<strong>en</strong>ir à un groupe. Je n’al<strong>la</strong>is pas<br />

fléchir devant les copains; j’étais appelé, je répondais.<br />

Le voyage fut <strong>des</strong> plus épiques. Il faut te figurer, Anna, <strong>des</strong> wagons remplis<br />

de militaires totalem<strong>en</strong>t déboussolés, une organisation si précaire qu’au<br />

regard de celle-ci, l’ANPE d’aujourd’hui passerait pour un modèle de<br />

droiture.<br />

Après l’Est où nous fîmes escale, on nous expédia vers les hauteurs de<br />

Marseille.<br />

Là, on nous parqua <strong>dans</strong> un fort. On nous assigna <strong>des</strong> numéros. A peine<br />

comm<strong>en</strong>cions-nous à lier connaissance qu’un militaire débarquait et hur<strong>la</strong>it :<br />

“ Les numéros pairs à droite, les numéros impairs à gauche ”.<br />

On se regardait, dépités, arguant un sceptique :<br />

“ Bon, bah, salut mon vieux ! A <strong>la</strong> prochaine, peut-être ?”, sachant<br />

pertinemm<strong>en</strong>t que nos routes ne se rejoindrai<strong>en</strong>t pas. Ici, y a pas d’attaches<br />

possibles.<br />

Le manège infernal dura bi<strong>en</strong> une dizaine de jours.<br />

Un matin, le groupe auquel j’appart<strong>en</strong>ais reçu l’ordre d’embarquer sur le<br />

“ El Djezaïr ”.<br />

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