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numéro 51 - OCTOBRE, NOVEMBRE 2009
magazine 51 - OCTOBRE 2009<br />
On nous raconte des histoires. Et il<br />
faut croire qu’on aime ça. À mesure que<br />
l’établissement des faits a déserté la<br />
presse, le récit s’est glissé dans la place<br />
laissée vacante. Pas une marque, pas un<br />
produit, pas même une personnalité<br />
sans histoire – la belle, pas la maudite.<br />
Quant à l’investigation, avec un grand<br />
« I », qui serait le salut de cette presse<br />
en ces temps d’Internet et de formats<br />
courts, il y a belle lurette qu’elle est le<br />
fait des livres, dont l’économie dépend du<br />
nombre de lecteurs et non des marques.<br />
S’il y a lieu de déprimer ? Pas tant que ça ;<br />
juste de repenser les fondements.
Brèves P. 08<br />
5 magazines P. 10<br />
Rodeo, I love you, Ranked, Mint, Wound.<br />
Interview P. 20<br />
Vincent Darré a dessiné pour plusieurs maisons<br />
de mode, mais s’en détourne aujourd’hui pour<br />
préférer la variété d’une pratique plus proche des<br />
arts décoratifs : mobilier, mode, tissu, image…<br />
par Cédric Saint André Perrin.<br />
Images P. 24<br />
Une erreur de fichier ou un voyage dans le<br />
temps ? Des images des années 60 se sont<br />
immiscées dans le réel de l’été 2009. Voyage<br />
dans le temps.<br />
par Céline Mallet.<br />
Histoire P. 26<br />
Du côté du signe plutôt que de l’indispensable, le<br />
chapeau masculin a une histoire tourmentée, où<br />
l’Histoire le dispute à l’élégance.<br />
par Marlène Van de Casteele.<br />
Logo P. 28<br />
A Venise cet été, le visiteur mondain a vu<br />
beaucoup d’expositions, peu de publicités mais<br />
surtout un logo qui en vaut mille.<br />
par Yorgo Tloupas.<br />
Off record P. 30<br />
Une période de tension est toujours propice à<br />
s’interroger sur les signes (de la mode) : que<br />
véhiculent les logos ? quel rôle jouent les blogs ?<br />
où se vendra la mode demain ?<br />
par Angelo Cirimele.<br />
Re-naissance P. 34<br />
Portfolio de Milo Keller et Julien Gallico.<br />
Biographie P. 48<br />
André Courrèges n’a pas seulement imposé le<br />
blanc et la mini-jupe. Retour sur une vie bien<br />
remplie et un peu obsessionnelle.<br />
par Marlène Van de Casteele.<br />
Inspiration P. 50<br />
Mais d’où viennent ces lunettes carrées que<br />
l’on croise au nez de quiconque a choisi de se<br />
promener en ville ?<br />
par Florence Tétier.<br />
Commissariat P. 52<br />
Marta Gili a remis le Jeu de Paume au centre<br />
du Paris artistique ; l’occasion de revenir sur les<br />
références et les pratiques de cette commissaire<br />
autodidacte de l’image.<br />
par Emmanuelle Lequeux.<br />
Casting sauvage P. 56<br />
Portfolio de Brice Compagnon.<br />
Rencontre P. 66<br />
Yusuke ne veut plus dessiner (de la mode) pour<br />
les hommes mais pour les chiens. Comment en<br />
est-on arrivé là ?<br />
par Mathias Ohrel.<br />
Consumer P. 68<br />
Un magazine promotionnel à la gloire d’une<br />
personne ? Oui, c’est possible. Pourtant, il ne se<br />
présente pas à une élection mais est DJ.<br />
Design P. 70<br />
Le design doit avoir une fonction et est donc<br />
généreux par essence. Et si un designer prenait<br />
le contrepied de cette affirmation ?<br />
par Pierre Doze.<br />
Projection P. 72<br />
Comment les déchets sont-ils devenus la dernière<br />
mémoire de notre frénétique consommation ?<br />
par Sylvain Ohrel<br />
Points de vue P. 75<br />
Dans la même journée, trois personnages vont<br />
être confrontés à la même œuvre.<br />
par Géraldine Miquelot.<br />
Rétrovision P. 76<br />
Dans les années 50, Robert Delpire était directeur<br />
technique de Neuf et de L’Œil ; avant qu’on<br />
éprouve le besoin d’affubler du terme<br />
« artistique » les titres des graphistes.<br />
par Pierre Ponant.<br />
Agenda P. 79<br />
Adresses P. 82<br />
digital lab janvier.fr
Directeur éditorial<br />
Angelo Cirimele<br />
Dir ECTEurS artistiqueS de ce numéro<br />
Milo Keller & Julien Gallico / twinroom.net<br />
PHOTOGRAPHES<br />
Brice Compagnon, Milo Keller & Julien Gallico<br />
Contributeurs<br />
Pierre Doze, Emmanuelle Lequeux,<br />
Céline Mallet, Géraldine Miquelot,<br />
Mathias Ohrel, Sylvain Ohrel, Pierre Ponant,<br />
Florence Tétier, Marlène Van de Casteele,<br />
Cédric Saint André Perrin, Yorgo Tloupas.<br />
Traduction<br />
Kate van den Boogert<br />
Design original<br />
Yorgo Tloupas<br />
Couverture<br />
Milo Keller & Julien Gallico<br />
Remerciements<br />
Saif Mahdhi, Jean-Marc (Le Petit-Oiseau)<br />
Annabelle Jouot, Camille Wodling,<br />
Monsieur X.<br />
Secrétaire de rédaction<br />
Anaïs Chourin<br />
Éditeur<br />
Angelo Cirimele<br />
RETOUCHes<br />
Janvier<br />
Imprimeur<br />
SIO<br />
94120 Fontenay-sous-Bois<br />
Email<br />
magazinemagazine@gmail.com<br />
Issn n° 1633-5821<br />
Correspondance<br />
ACP : 32, bd de Strasbourg, 75010 Paris<br />
t. 06 16 399 242<br />
© <strong>Magazine</strong> et les auteurs, tous droits de reproduction<br />
réservés. <strong>Magazine</strong> n’est pas responsable des textes,<br />
photos et illustrations publiées, qui engagent la seule<br />
responsabilité de leurs auteurs.<br />
aBonnement/Subscription<br />
<strong>Magazine</strong> est gratuit, mais vous pouvez aussi le recevoir<br />
chez vous ou au bureau.<br />
Abonnement France 1 an / 5 numéros / 40 euros.<br />
Abonnement hors France 1 an / 5 numéros / 50 euros.<br />
Envoyez votre règlement en chèque à l’ordre d’ACP<br />
à l’adresse suivante :<br />
ACP – <strong>Magazine</strong><br />
32, boulevard de Strasbourg<br />
75010 Paris
MAGAZINE N 51, PAGE 8<br />
Ça s’est passé cet été (part 2) : Parce qu’elle aime<br />
bien les chiffres ronds pour rajeunir son lectorat et<br />
parce qu’on ne sait pas encore si Grazia marchera,<br />
Elle a passé son prix de vente de 2,30 à 2 euros.<br />
La centenaire librairie Brentano’s (1895) de l’avenue<br />
de l’Opéra (2e) a définitivement fermé ses portes.<br />
What happened this summer (part 2) :<br />
Because it likes round figures, to attract a<br />
younger readership and because it doesn’t<br />
yet know if Grazia will work, Elle has<br />
reduced its cover price from 2.30 to 2 euros.<br />
The century old bookshop Brentano’s (1895)<br />
on the Avenue de l’Opéra (2nd) has closed its<br />
doors for good.<br />
Une exposition consacrée à la mode, mais dont<br />
le vêtement n’est pas le centre arrive à Paris.<br />
« Dysfashional » se veut réflexive et prospective,<br />
et présentera des propositions de Hussein Chalayan,<br />
Raf Simons, Grit & Jerszy Seymour, Pierre<br />
Hardy et Bless, entre autres. Passage du Désir, à<br />
partir du 29 octobre.<br />
An exhibition dedicated to fashion, but where the<br />
garment is not at the centre, lands in Paris. “Dysfashional”<br />
wants to be self-critical and focus on<br />
emerging talent and ideas and will present propositions<br />
by Hussein Chalayan, Raf Simons, Grit &<br />
Jerszy Seymour, Pierre Hardy and Bless, among<br />
others. Passage du Désir, from 29 October.<br />
The Day Before est le prochain documentaire en<br />
quatre épisodes signé Loïc Prigent, qui a suivi<br />
quatre maisons (Proenza Schouler, Jean Paul<br />
Gaultier, Sonia Rykiel et Fendi) 36 heures avant<br />
leur défilé. Pas encore de date de diffusion communiquée.<br />
The Day Before is the new documentary in<br />
4 episodes from Loïc Prigent, who followed four<br />
fashion houses (Proenza Schouler, Jean Paul<br />
Gaultier, Sonia Rykiel and Fendi) for the 36 hours<br />
leading up to their fashion show. The screening<br />
date has not yet been made public.<br />
Ça s’est passé cet été : les mensuels Femmes et<br />
Atmosphères ont fusionné, premier numéro en octobre.<br />
Le supplément de Libération Next est devenu<br />
un mensuel indépendant, vendu 1 euro, mais son<br />
contenu a peu évolué. Exit Le Monde 2, place au<br />
Monde magazine (aussi peu d’évolutions).<br />
What happened this summer: the monthlies<br />
Femmes and Atmosphères merged, the first<br />
issue’s due out in October. Liberation’s supplement<br />
Next has become an independent monthly, sold<br />
for 1 euro, though the content has changed little.<br />
Out with Le Monde 2, in with Monde magazine.<br />
Une rétrospective Yves Saint Laurent se tiendra au<br />
Petit Palais en mars 2010. Vêtements mais aussi<br />
objets, dessins, photos et films retraçant 40 ans<br />
de carrière. En attendant, Yves Saint Laurent Tout<br />
terriblement de Jérôme de Missolz, un documentaire<br />
consacré au styliste, sort en DVD chez Arte<br />
Editions en novembre.<br />
An Yves Saint Laurent retrospective will take<br />
place at the Petit Palais in March 2010. Clothes,<br />
but also objects, drawings, photos and films will<br />
retrace his 40 year career. In the meantime, Yves<br />
Saint Laurent Tout terriblement by Jérôme de Missolz,<br />
a documentary about the designer, comes<br />
out on DVD from Arte Editions in November.<br />
Grazia en chiffres : 2 ans de gestation, 6 numéros<br />
zéro, une lectrice souhaitée entre 25 et 35 ans, un<br />
prix de vente de 1 euro et bientôt deux ou presque,<br />
45 % de mode et beauté, 35 % d’actualité, 10 %<br />
de people et 10 % de culture... le tout pour 25 millions<br />
d’euros investis. La crise ? Quelle crise ?<br />
Grazia in figures : 2 years in the making, 6 number<br />
zeros, a target readership of women between<br />
25 and 35, an initial cover price of 1 euro soon<br />
to be 2 euros or thereabouts, 45% fashion and<br />
beauty, 35% news, 10% celebrity gossip and<br />
10% culture... all that for an investment of<br />
25 million euros. The GFC? What GFC?<br />
Rencontre du mass market et de l’indie media :<br />
Gap s’est associé à la blogueuse Garance Doré<br />
en exposant une série d’illustrations dans une<br />
boutique éphémère londonienne, parfois reprises<br />
sur des T-shirts.<br />
Meeting of the mass market and indie<br />
media: Gap has joined forces with blogger<br />
Garance Doré, exhibiting, in a pop-up store in<br />
London, a series of illustrations some of which<br />
are printed on T‐shirts too.<br />
Le film Logorama, réalisé par H5 et reprenant<br />
pléthore de logos dans une même narration, sera<br />
projeté lors de la 100 e du magazine « Mensomadaire<br />
», sur Canal +, le 16 octobre.<br />
The film Logorama, by H5, which re-employs a<br />
plethora of logos in the one narrative, will be projected<br />
during the 100th episode of the TV series<br />
“Mensomadaire”, on Canal+, the 16 October.<br />
L’art continue de se déplacer dans les interstices.<br />
Après le bar de la dernière Biennale de Venise,<br />
conçu par l’artiste Tobias Rehberger (et qui lui<br />
a valu un Lion d’or), c’est au stand de la galerie<br />
Alain-Gutharc à la Fiac d’être mis en espace par<br />
Christian Lacroix.<br />
Art continues to move into the cracks: after the<br />
bar at the last Venice Biennale, thought up by<br />
Tobias Rehberger (and which won him a Golden<br />
Lion), Alain Gutharc gallery’s stand at the Fiac<br />
will be designed by Christian Lacroix.<br />
Faute de financement, l’exposition « Kate<br />
Moss » prévue aux Arts Déco fin novembre est<br />
repoussée à 2011.<br />
Due to a shortfall in financing, the exhibition<br />
“Kate Moss”, originally scheduled at the Arts<br />
Déco Museum for the end of November, has been<br />
pushed back to 2011.<br />
Agnès b. a annoncé la création de la « Fondation<br />
Agnès Troublé dite agnès b. ». Le lieu<br />
ouvrira début 2010, mais on ne sait pas<br />
encore où, même en insistant.<br />
Agnès b. has announced the creation of the<br />
‘Fondation Agnès Troublé dite agnès b.’ (Agnès<br />
Troublé known as agnès b. Foundation). It will<br />
open early 2010, though we don’t know where<br />
yet, even after insisting.<br />
Mesurons la crise : le numéro de septembre 2009<br />
de Vogue US compte 584 pages, contre 798 l’année<br />
passée, soit – 25 %.<br />
Let’s measure the Crisis: the September 2009<br />
issue of Vogue US has 534 pages, versus<br />
798 last year, so a drop of 25%.<br />
L’Ecole nationale supérieure des arts décoratifs<br />
(ENSAD) a publié un appel d’offres pour la refonte<br />
de son identité visuelle (logo et charte graphique).<br />
Les outils actuels élaborés par les M/M (Paris),<br />
anciens étudiants de l’école, seraient-ils trop<br />
décoratifs et pas assez pratiques ?<br />
The Ecole nationale supérieure des arts décoratifs<br />
(ENSAD) has made a call for entries for the<br />
redesign of its visual identity (logo and design).<br />
Is the current version, created by M/M(Paris),<br />
former students of the school, too decorative and<br />
not sufficiently practical?<br />
La boisson Red Bull va ouvrir une galerie d’art<br />
à Paris. « 12 Mail » accueillera une exposition<br />
consacrée au magazine Sang Bleu pour son ouverture,<br />
cette fashion week.<br />
The energy drink Red Bull is to open an art gallery in<br />
Paris. ‘12 Mail’ will present an exhibition dedicated to the<br />
magazine Sang Bleu for its opening, this fashion week.<br />
On attend début 2010 des nouvelles formules :<br />
Les Cahiers du Cinéma (à présent dirigé par Stéphane<br />
Delorme) et Les Inrockuptibles, racheté par<br />
Matthieu Pigasse et dirigé par Bernard Zekri (exiTélé),<br />
avec une tonalité plus sociale et politique.<br />
Rappel mathématique : 2010 + 2 = 2012.<br />
We’re expecting a few makeovers for the beginning<br />
of 2010 : Les Cahiers du Cinéma (currently directed<br />
by Stéphane Delorme) and Les Inrockuptibles,<br />
bought out by Matthieu Pigasse and run by Bernard<br />
Zekri (ex iTélé), with a more social and political tone.<br />
A mathematical reminder: 2010 + 2 = 2012<br />
C’est Surface to Air qui est en charge de la campagne<br />
de lancement de la marque japonaise Uniqlo, qui a<br />
ouvert une boutique de 2 000 m2 rue Scribe (9e).<br />
Surface to Air is in charge of the launch campaign<br />
for the Japanese brand Uniqlo, which has opened<br />
a 2,000 m2 flagship rue Scribe (9th).<br />
Il y a encore des marques qui se lancent : Thomsen,<br />
spécialiste de la chemise, imaginée par le trio<br />
Alix Thomsen (styliste), Franck Cohen (ex-American<br />
Apparel) et Lionel Bensemoun (Monsieur le<br />
Baron) a ouvert sa première boutique parisienne<br />
dans le Marais.<br />
Brands continue to be launched: Thomsen, shirt specialist,<br />
created by the trio Alix Thomsen (designer),<br />
Franck Cohen (ex-American Apparel) and Lionel<br />
Bensemoun (Mr le Baron) has opened its first Parisian<br />
store in the Marais.<br />
Valse des DA : Interview est repris en main par<br />
Fabien Baron (après le départ de Glen O’Brien et<br />
des graphistes M/M (Paris), et retrouve son logo.<br />
The waltz of the ADs: Interview is taken in<br />
hand by Fabien Baron (following the departure<br />
of Glen O’Brien and the graphic designers M/M<br />
[Paris]) and gets back its logo.<br />
Les Inrocks ont confié leur nouvelle formule à la<br />
nouvelle génération : Etienne Robial – qui a signé<br />
la première identité de Canal + en 1984. En kiosque<br />
dès mars 2010.<br />
Les Inrocks magazine have put their redesign in<br />
the hands of the new generation: Etienne Robial,<br />
who designed Canal+’s first visual identity back<br />
in 1984. On newstands from March 2010.<br />
Hermès a ouvert une boutique éphémère rue de<br />
Grenelle (7 e ), en attendant son nouvel espace rue<br />
de Sèvres (6 e ), prévu fin 2010.<br />
Hermès has opened a pop-up store rue de<br />
Grenelle (7th), until its new space rue de Sèvres<br />
(6th) opens, scheduled for the end of 2010.<br />
Olivier Zahm (Purple) devient photographe et signe<br />
sa première campagne pour Zadig & Voltaire.<br />
Olivier Zahm (Purple) turns photographer and<br />
signs his first campaign for Zadig & Voltaire.<br />
Le Bon Marché propose une exposition consacrée<br />
au photographe Guy Bourdin, en présentant<br />
15 vidéos de shooting ou de moments plus intimes.<br />
Jusqu’au 29 octobre.<br />
Le Bon Marché presents an exhibition dedicated<br />
to the photographer Guy Bourdin, presenting<br />
15 videos of shoots and of more private moments.<br />
Until 29 October.<br />
Après Gareth Pugh, c’est Giles Deacon qui a remporté<br />
le prix de l’Andam et qui défilera à Paris, au<br />
Palais de Tokyo, pour la première fois en octobre.<br />
After Gareth Pugh it’s Giles Deacon who has won<br />
the Andam prize and who will show in Paris, at<br />
the Palais de Tokyo, for the first time in October.<br />
Le magazine de design Intramuros a confié la<br />
refonte de son logo à H5.<br />
The design magazine Intramuros has entrusted<br />
the redesign of its logo to H5.<br />
« Balenciaga Paris », le premier parfum Balenciaga<br />
de l’ère Ghesquière est annoncé pour février, avec<br />
Charlotte Gainsbourg photographiée par Steven<br />
Meisel pour égérie.<br />
‘Balenciaga Paris’, the first Balenciaga perfume<br />
launched during Ghesquière’s reign, is out February,<br />
with Charlotte Gainsbourg photographed by<br />
Steven Meisel as its face.<br />
Neville Brody est le nouveau directeur artistique<br />
d’Arena Homme+ , précédemment designé par<br />
M/M (Paris).<br />
Neville Brody is the new artistic director of Arena<br />
Homme+, formerly designed by M/M (Paris).<br />
Terry Richardson a shooté le prochain calendrier<br />
Pirelli au Brésil.<br />
Terry Richardson shot the next Pirelli calendar<br />
in Brazil.
MAGAZINE N 51, PAGE 10<br />
Rodeo<br />
Italie, bimestriel, 164 p., n o 57, 225 x 325 mm,<br />
5,90 euros.<br />
Editor in chief: Marcelo Burlon<br />
Creative director: Tim McIntyre<br />
Deputy editor: Leo Mansueto<br />
Publisher: Superstudio<br />
rodeomagazine.it<br />
On éprouve un sentiment étrange après avoir<br />
regardé et lu Rodeo : enthousiaste et contrarié.<br />
Pourtant, peu de magazines italiens peuvent se<br />
targuer d’une telle tenue, tous s’effaçant devant le<br />
Vogue italien et sa démesure. Beaucoup d’informations,<br />
une DA affûtée et élégante, qui n’a rien à<br />
envier à des titres hollandais ou anglais, une mode<br />
affirmée et minimaliste, qui demanderait même à<br />
s’étendre sur davantage de doubles pages. Rodeo<br />
se situe entre le lifestyle et le culturel : 50 pages<br />
de mode ouvrent le magazine, puis s’entremêlent<br />
20 pages d’art, des sections design, musique,<br />
photo… le tout lié par une pléthore d’infos courtes,<br />
un agenda, des chroniques et même un poster<br />
central « pin-up calendrier », recto homme, verso<br />
femme. L’identité de Rodeo est d’ailleurs plutôt<br />
masculine et gay. Dans ses sujets, le magazine part<br />
aisément au Japon (l’architecte Sou Fujimoto), à<br />
New York (Mike Mills ou Arto Lindsay), ou encore<br />
à Londres et Berlin ; comme pour conjurer le côté<br />
provincial de Milan. Et c’est peut-être là que réside<br />
la légère déception de Rodeo : le DA est anglais<br />
(Tim McIntyre), l’invité design new-yorkais (Felix<br />
Burrichter de Pin-up magazine), les photographes<br />
de mode américains ou suédois… A se demander<br />
si Rodeo est un magazine international édité<br />
à Milan ou un magazine italien avec une spécificité.<br />
On aurait préféré la deuxième hypothèse.<br />
Extrait<br />
ALESSIA GIACOBINO<br />
Non delego de la mia vita<br />
Riminse, trentenne, Alessia Giacobino ha una<br />
grinta invidiabile e le idee molto chiare su come<br />
gestire gli eventi: si lascia andare a nuove esperienze<br />
con l’istinto di chi sa che contaminazione<br />
è un mezzo più che mai utile per definire la<br />
propria identità. Sposata, una figlia di 3 anni<br />
(Allegra), appassionata d’arte (al liceo artistico<br />
utilizzava materiali provenienti dal mondo<br />
dell’edilizia per costruire le sue sculture), Alessia<br />
ha studiato architettura, per accontentare i genitori,<br />
proprietari di negozi di abbigliamento, che<br />
“volevano verderla sistemata”. E il lavoro sicuro<br />
è arrivato… quando nel 2000 ha deciso di sperimentare<br />
il mondo della moda, alla sua maniera,<br />
senza deleghe, in un’azienda dallo scenario surreale.<br />
Il marchio è Jonofui, che sfila a Milano dal<br />
2005. Ma il suo cv non si chiuderà qui…<br />
—Cosa intendi quando dici “non delego niente” ?<br />
Che mi piace decidere tutto, ogni dettaglio, une<br />
cerniera, un bottone… é un mio difetto ! Non so<br />
delegare e non mi piace nemmeno; scelgo anche i<br />
clienti, quelli che non mi piacciono restano fuori dal<br />
mio parco. Ho richieste da oltre 300 esercizi; ne<br />
scelgo solo 20. Alla lunga l’istinto paga, con quei<br />
clienti c’è un rapporto che dura da sette anni.<br />
—Sei un capo detestabile ?<br />
(ride, ndr) No, tutt’altro: la mia azienda, che ha<br />
sede in un mulino-fucina, non è industrializzata.<br />
Siamo come una famiglia, condividiamo tutto. Da<br />
noi privato e lavoro si fondono e quando ci salta<br />
in mente un’idea ci sentiamo anche alle tre del<br />
mattino.<br />
[…] Harold Baberini, p. 52
MAGAZINE N 51, PAGE 12<br />
I love you<br />
Allemagne, semestriel, 68 p., n o 1, 240 x 335 mm,<br />
5 euros.<br />
Editor in chief & creative director: Christiane<br />
Bördner<br />
Fashion direction: Alexx & Anton<br />
Design: Philippa Bllod<br />
Publisher: E-design + communication Gmbh<br />
iloveyou-magazine.com<br />
Bonne nouvelle : on peut encore se faire plaisir.<br />
Un grand format, 68 pages d’érotisme, beaucoup<br />
de liberté et un prix modique (5 euros) ! Une<br />
déclaration donc (I love you) et une liste de<br />
prénoms, masculins et féminins, qui ont participé<br />
au magazine. Si l’air du temps est au magazine<br />
érotique, comme un retour de balancier du porno<br />
chic et de la vague Richardson (on aura aussi<br />
remarqué Jacques, magazine très vintage et un<br />
peu creux), celui-ci a la particularité d’être créé<br />
par une femme, qui se faufile entre sensualité<br />
et évocation. Quelques citations de Bataille (en<br />
allemand !), le récit d’un rêve, une pub 50, un long<br />
échange de mails et quelques confidences. Les<br />
textes sont courts et procèdent du même mouvement<br />
: suggérer. Côté DA, c’est élégant et vintage<br />
ce qu’il faut, sauf quelques images que la typo<br />
couvre comme un vêtement… et qu’on dirait<br />
tout droit sorties de Self Service. Et dans une<br />
typo minuscule, juste sous le titre : « my printed<br />
blog » ; ça commence à devenir intéressant. I love<br />
you est une nouvelle preuve que les médias ne<br />
s’annulent pas mais offrent de multiples variantes,<br />
régénérant les formes. Pour clore ce conte<br />
merveilleux, quelques faits et mécanismes :<br />
l’éditrice, Christiane Bördner, est DA et agent<br />
de son annoying husband (ainsi présenté dans<br />
l’ours) Marcus Gaab, dont une série est publiée.<br />
Mi-book, mi-blog, I love you ne se cache pas et<br />
a l’élégance de ne pas nous imposer de pub en<br />
4 e de couverture, mais une citation sur l’édition<br />
de Clay Shirky, gourou de la post-information : “It<br />
makes increasingly less sense even to talk about<br />
a publishing industry, because the core problem<br />
publishing solves —the incredible difficulty, complexity,<br />
and expense of making something available<br />
to the public— has stopped being a problem.”<br />
Extrait<br />
I like the sound of kissing<br />
From: Christiane Bördner christiane@christianeboerdner.com<br />
Subject: Would love to print your images in my<br />
magazine!<br />
Date: Wednesday, May 6, 2009, 5:37 AM<br />
To: massimog@gammacurta.com<br />
I Found your images in a blog. I was wondering<br />
if you would mind me printing them in my<br />
magazine, enclosed is a rough layout. I am a<br />
great Art Director from Berlin with a sexy idea<br />
but not a big budget yet. The only thing I can<br />
offer you is being part in something remarkable<br />
beautiful with a credit. The <strong>Magazine</strong> is planned<br />
to be launched at the beginning of July for Berlin<br />
Fashionweek. If you want to see more of the<br />
magazine just give me a shout. Would love to<br />
hear from you.<br />
Best from Berlin<br />
christiane<br />
From: massimog@gammacurta.com<br />
Subject: Would love to print your images in<br />
my magazine!<br />
Date: 6 mai 2009, 18:02:52 MESZ<br />
To: christiane@christianeboerdner.com<br />
Hi Christiane,<br />
Thanks for the interest, the “Sweet Fashion”<br />
story has been published in many magazines<br />
and few books and I am doing an exhibition in<br />
Cannes for the film festival but it has always<br />
been published as part of an article about me,<br />
basically talking about my work and never in<br />
the way you want to use it. The problem is that<br />
I either give the whole story as a fashion editorial<br />
to a magazine (I refused Wallpaper and<br />
Wound for different reasons) or it has to be<br />
either a cover or a piece about me. So if you<br />
want to use it in a different way I’ll be happy<br />
to send you the scan, like that I don’t think it<br />
works for me. I am a starving artist in NYC<br />
trying to do what’s best for me and trying to<br />
protect my work so please do understand my<br />
reasons.<br />
Thanks so much<br />
Massimo<br />
[…] p. 20
MAGAZINE N 51, PAGE 14<br />
Ranked<br />
Angleterre, one shot, 112 p., n o 1, 230 x 300 mm,<br />
9,95 euros.<br />
Photography: Rankin<br />
Design: Them<br />
Co-ordinator: Vicky Lawton<br />
Written and edited by: John O’Reilly<br />
Publisher: Rankin<br />
rankinlive.com<br />
D’accord, c’est dans le cadre d’une importante<br />
exposition rétrospective consacrée au photographe<br />
Rankin que Ranked paraît. D’accord, la publication<br />
est à mi-chemin du catalogue d’exposition<br />
et du magazine ; d’accord, ce n’est probablement<br />
pas un caprice du type « je veux un magazine »,<br />
puisque Rankin est aussi fondateur de Dazed &<br />
Confused. Alors, quoi ? Ranked, c’est 112 pages à<br />
la gloire de Rankin et ça frise la mégalomanie,<br />
même si personne ne niera son style, son intuition<br />
et la variété de ses images. Mais on a l’impression<br />
qu’un switch s’est produit : avant, les magazines<br />
de style parlaient de ceux qui les réalisaient (DA,<br />
photographes, éditeurs…), mais prenaient pour<br />
cela le prétexte de la mode, de la musique, de l’art.<br />
Aujourd’hui, c’est d’emblée qu’on balance : « je<br />
vous parle de moi ». Et même si le personnage peut<br />
être passionnant, la démarche manque d’élégance,<br />
de pudeur et peut-être d’intérêt, car on apprend<br />
plus des gens qui nous parlent du monde que<br />
d’eux-mêmes. A travers Dazed & Confused, on a<br />
vu un style, pas un personnage – de plus. Alors,<br />
certes, de nombreux textes de Ranked transpirent<br />
l’ambiance d’un shooting, le face à face Rankin/<br />
David Bailey (le maître) est intéressant et vivant,<br />
et on objectera que le vrai contenu est ici celui des<br />
images. Reste que si vous connaissez l’inventeur<br />
du concept qui succédera au personal branding, je<br />
veux bien l’interviewer.<br />
Extrait<br />
BAILEY + RANKIN<br />
David Bailey & Rankin in Conversation<br />
Rankin: So obviously I’m a massive fan. This is<br />
weird, I feel like that TV presenter-what’s his<br />
name?<br />
Bailey: Paxman? [Laughing]<br />
R: Or Parkinson.<br />
B: Oh God, he’s the worst.<br />
R: Have you seen on any of those shows?<br />
B: Nah.<br />
R: You’ve been on Chris Evan’s show haven’t you?<br />
TA?<br />
B: Yeah, but that’s because I did a film for his<br />
company, a model film. I only do interviews if<br />
I’m selling something normally —otherwise you<br />
become rent-a-voice.<br />
R: But when you first started to become famous,<br />
or infamous, you must been doing a certain<br />
amount of self-promotion.<br />
B: The truth is I didn’t really care.<br />
R: Right, they all just loved you.<br />
B: No! Not at all! Not all of them [Laughs]. People<br />
don’t want to write about somebody whose<br />
hobby is fishing or gardening or…<br />
R: Or bird-watching.<br />
B: I like bird-watching. I could have been a, what<br />
are they called? A twitcher. I love anoraks. I think<br />
anoraks are the best people in a way because<br />
they are passionate about what they do. I mean,<br />
you’re a sort of anorak —you’re a photographic<br />
one aren’t you?<br />
R: Yeah.<br />
B: I’m a photographic anorak. And I love people<br />
who build model planes, model trains, they seem<br />
to be the last people left with any passion. I’m<br />
all for anoraks.<br />
Favorite Photographers<br />
R: Or bird-watching.<br />
R: If you had to pick your favorite photographer<br />
of all time…<br />
B: Well, that’s an impossible question, like which<br />
painter or which composer. Current ones? Or<br />
dead ones? Dead ones because they’re less<br />
competition.<br />
R: [Laughs] Funny. There are so many young<br />
photographers, some who were inspired by you.<br />
Are you aware of the young photographers now?<br />
Are you a photo-fanatic?<br />
B: I don’t know all of them —there’s a Rankin,<br />
and a few others.<br />
[…] p. 45
MAGAZINE N 51, PAGE 16<br />
mint<br />
M51 – Mint<br />
Pays-Bas, annuel, 132 + 96 p., n o 6,<br />
210 x 280 mm, 12 euros.<br />
Editors in chief: Charlotte Lokin<br />
& Frank Jurgen Wijlens.<br />
Art direction: Tara Dougans<br />
Editor: Lisa Goudans<br />
Production: Danielle Verheul & Famke Visser<br />
Publisher: Amsterdam Fashion Institute<br />
amfi.hva.nl<br />
Difficile d’échapper au commerce ou l’impératif,<br />
catégorique ou plus sournois, « achetez ! » qui<br />
règne en maître dans les magazines de mode.<br />
Pourtant, il arrive qu’un magazine parle de mode<br />
en soi, de création, d’expérimentation et de personnes<br />
qui ne sont pas des people. Internationalisation<br />
et concurrence obligent, les écoles de<br />
mode déploient beaucoup d’énergie et de moyens<br />
pour présenter le travail de leurs étudiants. Et<br />
contrairement à l’exposition, statique et temporaire,<br />
le magazine s’avère la meilleure vitrine et<br />
archive. C’est à ce moment que tout peut être<br />
gâché par un annuaire de créateurs ou réussi par<br />
une forme plus proche du sujet. L’AMFI (Amsterdam<br />
Fashion Institute) a donc divisé l’exercice en<br />
deux : un répertoire des diplômés avec quelquesunes<br />
de leurs créations et un vrai magazine :<br />
Mint. On y trouve ce qui nourrit l’inspiration des<br />
futurs stylistes, mais aussi des interviews plus<br />
générales sur la mode, des tentatives formelles<br />
montrant que la mode n’est souvent que vintage,<br />
beaucoup d’illustrations et quelques idéaux. Pour<br />
faire exister – et faire partager – ces aspirations<br />
de mode, il est d’une nécessité impérieuse<br />
que le trait des dessins, que les photos et le<br />
graphisme traduisent la nouveauté du contenu ;<br />
et cette course en avant est assez enthousiasmante.<br />
Nul doute que le projet sera copié par<br />
des écoles françaises mais pas avant quelques<br />
années ; rien ne presse.<br />
Extrait<br />
QUIRKS AND DETAILS<br />
Alex Abramento, a self-professed “apparel<br />
designer, illustrator and part-time bus boy” is a<br />
young man who reflects a refreshing old-world<br />
quality in his designs. His work is tasteful with a<br />
little punch of humor.<br />
“For me clothing is a way to outwardly express<br />
your personality. The way a person moves changes<br />
with each garment. The more subtlety, detail<br />
and thought that is put into one’s dress the more<br />
honest the result. A young man in grey sweatshirt<br />
can say just as much with his clothing as a girl<br />
wearing 5 different patterns in one outfit. It’s<br />
obvious when a person is wearing what’s right for<br />
him or her. This thought is nothing new —but that<br />
is clothing means to me.<br />
The world needs fashion. It aids people in developing<br />
their personality and creativity. I’m not sure<br />
if I need fashion. Maybe it sounds completely stupid,<br />
but fashion is a force that chooses you, not<br />
the other way around. I design for others because<br />
I would be honored to affect people’s lives with<br />
my craft; to make them dream a bit. I’ve always<br />
enjoyed giving gifts more than receiving them.<br />
I do what I do primarily because it’s something<br />
I need to get out of my system. I can’t imagine<br />
myself doing anything else. I’m also a bit of a<br />
dreamer, so I self-indulgently create things I wish<br />
existed, especially when I draw. I also do what<br />
I do to gain experience, make mistakes, and to<br />
have no regrets —the essentials.<br />
I don’t think the fashion industry is an uncertain<br />
industry. I think its nature is actually rather predictable.”<br />
[…] Lisa Goudsmit p. 23
MAGAZINE N 51, PAGE 18<br />
WOUND<br />
Angleterre, trimestriel, 192 p., n o 7, 230 x 300 mm,<br />
16,95 euros.<br />
Editor in chief: Francis Malone<br />
Fashion director: Laurent Dombrowicz<br />
Art director: Linda Elander<br />
Design director: Vita Piccolomini<br />
Publisher: Wound media<br />
woundmedia.com<br />
Un magazine indépendant, de 200 pages, au papier<br />
luxueux, avec quatre couvertures différentes pour<br />
un même numéro… ça frise l’indécence en temps<br />
de crise. Mais Wound (blessure) n’en a cure, puisque<br />
malgré la plaie, le combat a dû être victorieux.<br />
Côté image : une débauche de séries lisses et maîtrisées,<br />
très voire trop construites, toutes pourtant<br />
de photographes différents. C’est une ligne plus bas<br />
que réside l’explication : Laurent Dombrowicz, le<br />
fashion editor, est de toutes les séries ou presque.<br />
Styliste de mode réputé, il fait donc briller son image<br />
aux yeux de ses clients pour mieux les séduire,<br />
et joue au courtisan, pour tenter d’être désiré à son<br />
tour. Une fois la mécanique démontée, le contenu.<br />
Un thème : la grande illusion, et quatre sections :<br />
art, mode, architecture, design (original…). Beaucoup<br />
de textes cela dit, révérencieux avec les marques,<br />
plus libre avec les artistes (voir l’interview<br />
de Wim Delvoye en extrait). Wound fait penser à<br />
un menu, duquel serait proscrits sel, poivre, épices,<br />
graisses et même vin. Je me demande si je ne préfère<br />
pas le consumer de McDo.<br />
Extrait<br />
INTERVIEW<br />
Kate Mayne speaks with Wim and learns all<br />
about digestion, pigs and his plans for a challenging<br />
new tower at this year’s Venice extravaganza.<br />
He is internationally renowned for his Cloaca<br />
machines that replicate the human digestive<br />
system; they take in food like humans do, and<br />
deliver a perfectly formed turd onto a plate at<br />
the end of the digestion process. Delvoye has<br />
caused outrage amongst those who care for animal<br />
rights, by tattooing the backs of pigs as if<br />
they were biker’s back, and then, by analogy, tattooing<br />
a human’s being back as well according to<br />
a similar motif. The pig’s skins are stretched and<br />
sold after the animal has been slaughtered. The<br />
same fate awaits Tim’s back after his death. Tim<br />
is a friend of Delvoye; a relationship that grew<br />
out of the model/tattooist relationship facilitated<br />
by Delvoye’s practice. When Tim dies, his tattooed<br />
back will become the property of a collector,<br />
a sale that has already been established<br />
by contract. Patterning seems rife amongst the<br />
output of Wim Delvoye, as his work tends to<br />
marry elements that are at odds with each other,<br />
in such a way that nevertheless merge successfully,<br />
putting the viewer in a position of simultaneous<br />
recognition of incompatible parts. For<br />
an artist whose earlier works included football<br />
posts lined with traditional looking stained glass<br />
windows, and gas canisters painted in patterns<br />
of delft blue tiling, his work transpires to be far<br />
more consistent than a first glance would seem<br />
to suggest. The work seems to court controversy,<br />
which tends to make Delvoye a kind of<br />
bad boy of the art world.<br />
[…] Kate Mayne p. 143
MAGAZINE N 51, PAGE 20<br />
Les créateurs [de mode] ne<br />
peuvent pas tenir éternellement;<br />
ils disent ce qu’ils ont à dire,<br />
incarnent leur génération,<br />
illustrent leur époque,<br />
après, à d’autres de s’y coller !<br />
Vincent Darré<br />
Ancien élève du Studio Berçot, longtemps collaborateur de Karl Lagerfeld, puis styliste<br />
de Moschino et éphémère directeur artistique d’Ungaro, Vincent Darré a ouvert, depuis<br />
un an, rue du Mont-Thabor, à Paris, un espace entre galerie et cabinet de curiositéS<br />
dédié à son mobilier dadaïste. Touche-à-tout, ce dandy grand teint dessine également des<br />
costumes de spectacle, quand il ne réalise pas le stylisme d’images de mode.<br />
Décorateur, designer, costumier… comment<br />
définir votre job ?<br />
Déjà, je n’ai pas un métier. J’espère ne jamais<br />
avoir l’impression de travailler… Je réponds<br />
plutôt à des lubies. Rien dans mon parcours<br />
ne relève d’un plan de carrière ; je fonctionne<br />
davantage par étapes, au gré des expériences,<br />
des aventures, et des rencontres. Ma règle de<br />
conduite : faire ce à quoi l’on ne s’attend pas.<br />
La mode a longtemps été votre activité…<br />
J’ai toujours fait de la mode, et d’autres choses<br />
à côté, parce que j’ai toujours considéré<br />
la mode comme une forme de prison. Une prison<br />
dorée, certes, dans laquelle on s’amuse<br />
bien – et Dieu sait que je me suis beaucoup<br />
amusé –, mais également un milieu très<br />
fermé. Le job tourne vite en rond, avec ses<br />
collections tous les six mois, ses défilés…<br />
Tout au long de votre parcours, vous n’avez eu de<br />
cesse de vous réinventer.<br />
Ce qui me fait peur, ce n’est pas de vieillir, mais<br />
de devenir blasé ou aigri. Se réinventer évite de<br />
tourner en rond.<br />
La décennie écoulée, vous avez principalement<br />
travaillé pour Moschino, puis Ungaro.<br />
Moschino, cela me correspondait tout à fait.<br />
De son vivant, Franco Moschino se comportait<br />
comme un anarchiste, son travail tournait en<br />
dérision les codes de la mode. J’aime beaucoup<br />
l’humour sur la mode, et en aucun cas la mode<br />
se prenant au sérieux.<br />
Chez Ungaro, ce fut un peu moins l’osmose…<br />
Ungaro, le problème, c’est que ce n’était pas vraiment<br />
pour moi. Le style maison se résume à des<br />
couleurs flashy, des volants en veux-tu en voilà, et<br />
le mélange de 36 imprimés… Tout le contraire<br />
de ce que j’aime ! L’aventure aura duré un an, et<br />
quand elle s’est arrêtée : la déprime ! Je ne pouvais<br />
même plus ouvrir un canard de mode sans<br />
me mettre à pleurer… Après avoir beaucoup<br />
pleuré, j’ai bien dû me mettre à réfléchir. Comme<br />
j’avais de l’argent à la banque – ce qui n’avait pas<br />
toujours été le cas –, j’ai pris le temps, pendant<br />
deux ans, de développer le projet de la Maison<br />
Darré, que j’avais en tête depuis vingt ans.<br />
Quel fut le déclic ?<br />
Une exposition sur le dadaïsme à Beaubourg. Je<br />
venais de terminer mon passage chez Ungaro,<br />
donc assez déprimé, et tout à coup, en voyant les<br />
œuvres, j’ai compris que je me trompais sur ma vie.<br />
Au départ, j’aime les collages, les choses abruptes<br />
et énergiques. Je m’étais pourtant mis une pression<br />
de dingue pour devenir directeur artistique ;<br />
c’était la mode à l’époque, il fallait être directeur<br />
artistique d’une grande Maison. Mais ce n’était pas<br />
du tout un truc pour moi ! Répondre sagement à ce<br />
que l’on attend de moi, je ne sais pas faire.<br />
Ces deux ans de « vacances » vous furent donc<br />
profitables.<br />
Il faut du temps pour faire germer les choses en<br />
soi. Quand tu travailles dans la mode, on ne te<br />
laisse plus le temps de penser. C’est un cycle<br />
infernal imposé par les règles du prêt-à-porter.<br />
Il faut penser à la prochaine saison en dessinant<br />
la pré-collection tout en planchant sur les accessoires<br />
du défilé. Allez, il faut enchaîner ! Et ne<br />
surtout pas oublier de devenir célèbre. Pour cela,<br />
on doit te voir sur un maximum de photos. Tu<br />
dois donc sortir, répondre à des interviews. Mais<br />
quelle fatigue…<br />
A travers la Maison Darré, vous vous consacrez à<br />
présent à la décoration. La mode vous amuseraitelle<br />
moins ?<br />
Beaucoup moins. Au démarrage de la Maison<br />
Darré, je rêvais, comme du temps de la sécession<br />
viennoise, de décliner un univers global à travers du<br />
mobilier, avec une garde-robe adaptée. Je m’amusais<br />
à faire les meubles, les tapis, mais au moment<br />
de dessiner les vêtements, cela devenait rébarbatif.<br />
J’avais l’impression d’employer des recettes. Je me<br />
demandais si les pièces allaient se vendre… Des<br />
conditionnements inconscients, imposés par des<br />
années à travailler dans l’industrie, s’enclenchaient.<br />
Je n’arrivais plus à créer librement…<br />
Vous avez un problème avec ce qu’est devenue la<br />
mode aujourd’hui.<br />
La mode est un exercice qui a beaucoup changé<br />
ces quinze dernières années. A part quelques personnes<br />
qui pratiquent cette activité à leur guise,<br />
comme Azzedine Alaïa, la majorité des gens sont<br />
aujourd’hui là pour gagner beaucoup de fric et ne<br />
font donc que des concessions.<br />
Comment analysez-vous cette évolution ?<br />
J’ai vu le truc venir. A mes débuts, dans les<br />
années 80, je faisais du free-lance en Italie ; et<br />
l’Italie, ça a toujours été le business. La France a<br />
suivi le mouvement dans les années 90. Depuis,<br />
tout le monde ne pense qu’au fric. On connaît<br />
l’histoire : les griffes ont été rachetées par des<br />
grands groupes, tout s’est contracté, jusqu’à l’asphyxie<br />
que l’on constate aujourd’hui.<br />
Les affaires ne sont plus franchement florissantes,<br />
des Maisons comme Dior ferment des boutiques<br />
en douce, l’avenir de Christian Lacroix est<br />
incertain…<br />
Le Parti Socialiste disparaît aussi ; tout arrive en<br />
même temps. Les valeurs changent. J’espère que<br />
les gens vont enfin se détacher du pouvoir de<br />
l’argent. La mode, beaucoup ont cru que c’était la<br />
poule aux œufs d’or, un bon business avec lequel<br />
on allait indéfiniment pouvoir gagner beaucoup<br />
d’argent. C’était mal connaître cette activité…<br />
Il n’y a jamais de recette qui tienne. A reproduire<br />
sans cesse les mêmes schémas, on lasse…<br />
Vous voulez dire que les belles années du luxe<br />
sont derrière nous ?<br />
Le luxe, voilà un mot qui ne veut plus rien dire ;<br />
si le luxe c’est l’avenue Montaigne, merci bien !<br />
L’avenue Montaigne a le charme réfrigéré d’un<br />
« duty free ». Les soi-disant « grands groupes »<br />
ont réussi à transformer de vieilles Maisons en<br />
machines à produire des cochonneries. Et ils s’étonnent<br />
de ne plus vendre aucun vêtement. Rien de<br />
bien nouveau… En vérité, Pierre Cardin avait déjà<br />
fait le coup avec ses licences à tire-larigot dans<br />
les années 70, avec pour résultat de galvauder son<br />
nom. C’est ce qui arrive aujourd’hui à toutes ces<br />
griffes surexploitées : le rêve s’est envolé !<br />
Comment trouvez-vous la mode actuelle ?<br />
Nous sommes dans une époque de morts vivants.<br />
Il n’y a plus que des griffes avec des noms de<br />
morts, cercueils dans lesquels on case de pauvres<br />
gosses chargés de réanimer le cadavre. Avant,<br />
une Maison, ça durait dix ans ; Schiaparelli a tenu<br />
dix ans, Chanel, bon, deux fois dix ans – elle est<br />
partie, puis revenue. Les créateurs ne peuvent<br />
pas tenir éternellement ; ils disent ce qu’ils ont<br />
à dire, incarnent leur génération, illustrent leur<br />
époque, après, à d’autres de s’y coller ! Maintenant,<br />
on a des griffes zombies. Quelle ne fut<br />
pas ma surprise d’apprendre que des financiers<br />
italiens avaient l’intention de relancer Madeleine<br />
Vionnet. Madeleine Vionnet, c’était formidable<br />
– l’exposition aux Arts décoratifs le prouve<br />
assez –, mais elle est morte ! Et là, qu’est-ce que<br />
le petit monde de la mode attend fébrilement ?<br />
Le « come-back » de Céline en octobre… Mais<br />
Céline, c’est une mode pour petite-bourgeoise en<br />
bottes ! Ça ne fait vraiment pas rêver ! Aucune<br />
histoire, pas de patrimoine stylistique, juste une<br />
brave fille, super bien payée – Phoebe Philo –,<br />
qui se retrouve avec une patate chaude entre les<br />
mains. Tout cela parce que Céline c’est soi-disant<br />
un nom. Et ce n’est pas fini, on annonce aussi la<br />
relance de Carven ! Carven… On pourrait faire<br />
une liste de tout ce que l’histoire de la mode a<br />
connu de pire à l’attention des financiers en mal<br />
d’investissements.
Vous avez également travaillé pour la presse.<br />
Par hasard, là encore. En vacances avec François<br />
Hallard [photographe de mode et de décoration,<br />
ndlr], nous nous amusions à faire une série<br />
en hommage à Arletty, qui venait de mourir. Il<br />
a montré ses clichés à Brigitte Langevin, alors<br />
rédactrice en chef mode au Glamour, le résultat<br />
lui a plu, j’ai alors travaillé pour eux. Je faisais du<br />
stylisme, mais aussi des décors, je racontais des<br />
histoires… Plus tard, pour le Vogue, plutôt que<br />
de travailler avec des photographes qui ne me<br />
plaisaient pas, j’ai décidé de prendre moi-même<br />
les clichés. Ne connaissant rien à la technique,<br />
j’avais tout de même un assistant qui s’occupait<br />
de tout… Ce qui m’amuse c’est l’inattendu, faire<br />
ce que tu pensais ne pas pouvoir faire.<br />
La presse vous intéresse ?<br />
Si c’est pour réaliser des choses bricolées, comme<br />
l’étaient les revues surréalistes d’autrefois, des<br />
trucs qui ne se prennent pas au sérieux, oui, cela<br />
peut être intéressant ! Autrement, devoir dire merci<br />
à tous les annonceurs, c’est d’un barbant…<br />
Vous regardez les journaux pourtant…<br />
Oui… ce qui me tombe sous la main chez le<br />
coiffeur ou le dentiste. Dire qu’avant je ne pouvais<br />
pas passer deux jours sans me ruer dans les<br />
kiosques rafler toutes les revues… Paradoxalement,<br />
ce qui m’intéresse le plus aujourd’hui dans<br />
les magazines de mode, ce sont les articles sur<br />
les artistes, le design, le cinéma. Et plus que tout,<br />
les interviews d’acteurs – je suis très concierge,<br />
j’adore les ragots. Mais les séries de mode, je me<br />
force vraiment à les regarder pour me tenir au<br />
courant. Je me demande à qui cela peut encore<br />
faire de l’effet ces photos de mannequins avec un<br />
coup la main à droite, puis la main à gauche et<br />
la main à la taille sur la double page suivante. De<br />
pauvres gamines qu’on déguise pour illustrer le<br />
retour des années 90, après nous avoir bassinés<br />
avec le rétro 80, et rabattus les seventies… Une<br />
série ne peut être excitante que si elle amène<br />
quelque chose d’un peu étrange qui dépasse la<br />
simple illustration d’une tendance. Il faut renouveler<br />
le contexte.<br />
Vous avez également une carrière de costumier.<br />
J’habille surtout Arielle Dombasle, et l’on s’amuse<br />
beaucoup. Elle m’entraîne dans chacune de ses<br />
galères, qui varient d’un film de cape et d’épée à<br />
un album concept. C’est à chaque fois un exercice<br />
de style autour de son personnage. De là à<br />
devenir costumier dans le milieu du spectacle et<br />
du cinéma, à devoir habiller Monsieur et Madame<br />
Tout-le-monde dans une bonne comédie à la<br />
française : non ! Pour Milady de Josée Dayan,<br />
je m’étais retrouvé à faire, en plus des costumes<br />
d’Arielle, ceux des autres acteurs. Je devenais<br />
fou, même si le casting était plutôt drôle. J’avais<br />
des mousquetaires assez rock’n’roll : Guillaume<br />
Depardieu complètement pété, Florent Pagny en<br />
d’Artagnan… Mais tu t’ennuies tellement sur les<br />
tournages, tous ces temps d’attente entre deux<br />
scènes. Je n’ai pas la patience…<br />
Une autre de vos grandes occupations, c’est la<br />
mondanité.<br />
Les gens me reprochent beaucoup d’être mondain…<br />
Pourtant, rien que le terme même<br />
« mondain » est amusant ; tellement vieillot ! Et<br />
puis mondain, ça fait « personne qui s’intéresse<br />
au monde », alors, si c’est ça, oui ! je suis mondain.<br />
J’adore rencontrer des gens, et les plus belles<br />
rencontres se font quand on est saoul. A jeun,<br />
à un déjeuner, je n’y arrive pas… Il me faut<br />
boire et fumer pour dépasser ma timidité. Saoul,<br />
je peux parler à la terre entière, lier des amitiés.<br />
Une des choses les plus importantes dans la vie,<br />
c’est l’amitié. Sentir autour de soi un petit cercle<br />
qui protège. On vit dans un monde où tu peux un<br />
jour avoir un super boulot, être le roi du monde,<br />
et puis le lendemain te faire virer, te retrouver<br />
sans rien. Là, si tu n’as pas des amis, t’es un peu<br />
foutu… J’en connais pas mal qui sont derrière<br />
leur téléphone à attendre. Mais quoi ?<br />
Vous avez fait vos classes dans les nuits du<br />
Palace.<br />
Les années 80 étaient une période complètement<br />
libre. On la résume souvent à une période très<br />
bling-bling. Elle était certes effervescente et clinquante,<br />
mais pas du tout fric. Les jeux de positions<br />
sociales n’existaient pas, les gens n’avaient<br />
pas de plan de carrière, ils voulaient s’amuser.<br />
Et puis on croisait des gens très différents. Ce qui<br />
me manque le plus dans les nuits, aujourd’hui, ce<br />
sont les mélanges. Au Palace, j’ai rencontré Erté,<br />
un illustrateur de mode des années 30. Tu vois un<br />
type de 80 balais aller en boîte aujourd’hui ?<br />
Les fêtes ont beaucoup changé elles aussi ?<br />
Dans les années 80, les bals étaient donnés par<br />
des gens qui jetaient leur argent par les fenêtres<br />
; on se battait alors pour être invité à une<br />
fête. Les soirées sont aujourd’hui sponsorisées<br />
par des marques qui lancent des produits, et les<br />
attachées de presse font à présent des pieds et<br />
des mains pour y rabattre des gens que cela fait<br />
chier. Les actrices sont payées pour porter des<br />
robes, les PDG paradent, et le gros des invités<br />
fait de la figuration… Ce n’est plus la maîtresse<br />
de maison qui t’accueille, mais un mur de logos<br />
devant lequel il faut prendre la pose. Les tenues<br />
sont au diapason du système, les strass crépitent<br />
pour rassurer sur la bonne santé du compte en<br />
banque de ces dames. On est dans une surenchère<br />
macho : elles sont toutes là pour montrer<br />
qu’elles ont un sac plus gros que leur copine !<br />
Rassurez-moi, vous vous amusez encore…<br />
Si tu arrives à une fête dans l’état d’esprit de<br />
devoir représenter quelque chose – la boîte pour<br />
laquelle tu travailles, ton statut social –, bref de<br />
te vendre, c’est sinistre. Si tu viens avec un verre<br />
dans le nez et trois copains pour foutre la merde,<br />
tu t’amuses toujours…<br />
Mode et déco fonctionnent-elles de la même<br />
façon ?<br />
A part Karl Lagerfeld, qui change de mobilier et<br />
de maison comme de chemise, non. Les gens<br />
modifient moins souvent leur cadre de vie.<br />
Votre mobilier aux formes squelettiques, chaise<br />
au dossier façon vertèbres ou table basse en<br />
forme de bassin… peut dérouter.<br />
Le fondement de tous ces objets, c’est mon propre<br />
corps. Je suis Vincent le Désossé ; mon squelette<br />
est très voyant : je n’ai pas grand-chose<br />
d’autre que la peau sur les os.<br />
On ne peut pas vraiment qualifier votre mobilier<br />
de design.<br />
Ce qui m’intéressait, enfant – et m’intéresse toujours<br />
–, c’est ce que l’on appelait autrefois les<br />
« arts décoratifs ». Quelque chose englobant la<br />
mode, le mobilier, les tissus, les bijoux…<br />
Vous avez créé le décor du Montana, une boîte de nuit.<br />
Comme tout ce qui m’arrive, c’est une histoire<br />
d’amis. André, et surtout Olivier Zahm, à qui l’on<br />
proposait de s’occuper de cet endroit, acceptèrent<br />
à condition que je réalise la déco ! Ils voulaient<br />
une « Tutch Vincent Darré ». La « tutch », c’est<br />
que je me suis retrouvé à faire tout le décor en<br />
trois semaines, avec les électriciens sur le dos,<br />
le menuisier me demandant où placer la caisse<br />
derrière le bar. Tu parles d’une « tutch » ! Mais,<br />
c’était très amusant. Je souhaitais inventer un<br />
endroit qui ressemble à l’idée que se serait faite<br />
des Américains d’une cave à Saint-Germain dans<br />
les années 60.<br />
Avez-vous peur de vieillir ?<br />
Il y a des étapes dans la vie. A 20 ans, tu fais<br />
n’importe quoi : tu peux prendre toutes les drogues,<br />
sortir tous les soirs – il faut bien en profiter<br />
parce qu’après c’est fini ! La trentaine venue, tu<br />
te dis qu’il va bien falloir travailler et faire quelque<br />
chose de ta vie, et là, tu entames ce que les gens<br />
appellent une carrière – c’est important de ne<br />
pas se rater au départ parce qu’après c’est plus<br />
difficile de prendre le train en route. A 40, tu passes<br />
par de grands questionnements : qu’est-ce<br />
que j’ai dans mon armoire ? Qui sont mes amis ?<br />
Suis-je amoureux de la personne dans mon lit ?<br />
Qu’est-ce que je garde ? Qu’est-ce que je jette ?<br />
C’est l’âge où tu réalises qu’il te reste dix ans<br />
pour faire quelque chose de créatif dans ta vie.<br />
Après, cela devient plus compliqué… Moi, je me<br />
suis réveillé au dernier moment, j’ai 50 ans et<br />
cela fait un an que j’ai ouvert la Maison Darré,<br />
c’était ric-rac !<br />
Propos recueillis par Cédric Saint André Perrin<br />
Je me demande à qui cela peut<br />
encore faire de l’effet ces<br />
photos de mannequins avec<br />
un coup la main à droite,<br />
puis la main à gauche et<br />
la main à la taille sur la<br />
double page suivante.<br />
Ce qui me manque le plus dans<br />
les nuits aujourd’hui, ce sont<br />
les mélanges. Au Palace, j’ai<br />
rencontré Erté, un illustrateur<br />
de mode des années 30. Tu<br />
vois un type de 80 balais aller<br />
en boîte aujourd’hui ?
MAGAZINE N 51, PAGE 24<br />
Le temps arrêté<br />
Coup sur coup, deux marques de luxe exhument des images publicitaires datées. Et ne<br />
regardent plus devant mais derrière, non plus dans un mouvement, mais dans une pose<br />
figée. Deux stars comme on n’en fait plus, ou plutôt un temps capable de « stariser » qui<br />
s’est évanoui. Reste quelques photos…<br />
Plus forte que les figures<br />
promotionnelles de l’acteur et de<br />
l’athlète réunies, la présence de<br />
Kennedy évoque immanquablement<br />
ce conte de fées moderne d’ambition<br />
et de pouvoir. […] Kennedy, c’est<br />
l’éternelle promesse, un horizon<br />
utopique.<br />
C’est d’abord une photographie d’archive sur<br />
laquelle vient sommairement prendre place l’objet<br />
promu par le publicitaire ; il s’agit d’une montre de<br />
luxe. La phrase d’accroche et le logo de la marque<br />
peuvent se permettre de rester discrets au premier<br />
regard puisque ce dernier achoppe immédiatement<br />
sur la figure de John Fitzgerald Kennedy. Explication<br />
: les montres suisses Omega furent appréciées<br />
par le président qui lança la guerre des étoiles et<br />
les modèles Speedmaster adoubés un peu plus tard<br />
par la NASA ; ces super joujoux techniques bénéficient<br />
depuis lors d’une présence exclusive dans<br />
l’espace. Aujourd’hui, quarantième anniversaire du<br />
premier pas sur la Lune et échange de bons procédés<br />
: la Fondation Kennedy a autorisé l’utilisation<br />
de documents ; sur le site Internet d’Omega, à la<br />
rubrique Speedmaster, on a donc droit à un extrait<br />
du discours de 1962, d’où sont issues la citation<br />
(“We choose to go to the Moon”) et l’image papier,<br />
accompagné d’un résumé de la conquête spatiale<br />
américaine – en toute simplicité.<br />
Qu’un homme à qui le temps manqua devienne<br />
l’ambassadeur d’un objet qui en symbolise la<br />
maîtrise est d’ailleurs en soi assez ironique. Mais<br />
l’aura comme le rayonnement de Kennedy sont<br />
inversement proportionnels à sa trajectoire politique,<br />
suffisamment brève pour conjurer toute relecture<br />
critique conséquente. Plus forte que les figures<br />
promotionnelles de l’acteur et de l’athlète réunies, la<br />
présence de Kennedy évoque immanquablement ce<br />
conte de fées moderne d’ambition et de pouvoir, où<br />
l’héroïne serait une étoile filante, virtuelle mais non<br />
pas moins fascinante : Kennedy, c’est l’éternelle<br />
promesse, un horizon utopique. Dans une perspective<br />
cynique, on peut bien utiliser sous prétexte<br />
de commémoration la figure de Kennedy comme<br />
signe d’une optimisation maximale du temps et sa<br />
nécessité : Speedmaster, donc… Même si l’hyper<br />
maîtrise en reviendrait bien plutôt à l’entreprise<br />
Omega qui, en un condensé confondant, ferait<br />
presque passer l’histoire dense d’enjeux politiques,<br />
idéologiques, de prouesses humaines et scientifiques,<br />
pour l’une des plus ambitieuses campagnes<br />
commerciales jamais élaborées – après tout, qui<br />
se soucie aujourd’hui d’explorer les étoiles ? Autant<br />
en exploiter l’éclat ici-bas, quand bien même il ne<br />
serait qu’un reflet.<br />
C’est enfin un bel homme qui prête en 2009 son<br />
visage à la promotion d’une eau Dior qui fit date.<br />
La photographie qui en actualise le désir apparaît<br />
cette fois avoir été élaborée il y a quelques<br />
mois : le clair-obscur de velours et la précision<br />
du grain, le cadrage empathique allié à l’épure<br />
classieuse, et bien sûr la jeunesse sensuelle…<br />
d’Alain Delon en 1966, année où fut créée l’eau<br />
en question. Troublante campagne qui, en voulant<br />
fédérer les générations, évoque le temps et<br />
le nie en apparence, lorsque quarante années<br />
s’évaporent à la surface (enchanteresse et codifiée)<br />
d’une instantanéité de papier glacé. Magie<br />
des stratégies marketing qui, pour conjurer un<br />
présent dangereusement mouvant, brandissent<br />
des « il y a longtemps » qu’elles maquillent en<br />
« toujours » – le temps et son épaisseur y font de<br />
drôles de loopings.<br />
Publicité Omega été 2009<br />
Publicité Dior Parfums 1966 puis 2009<br />
Céline Mallet
MAGAZINE N 51, PAGE 26<br />
Le chapeau masculin<br />
Soumis aux conventions bien plus qu’aux modes, les hommes esclaves du protocole<br />
vestimentaire n’ont cessé de se trahir par leurs chapeaux. Sans doute parce que, sous<br />
leurs casques protecteurs, ils avaient souvent tendance à oublier qu’ils n’étaient que des<br />
hommes. Statut, attitude, croyances, « Si tu veux cacher tes opinions, marche tête nue »,<br />
disait le dicton. le chapeau véhicule des messages sémiotiques que la standardisation de<br />
la tenue masculine a réduit à une poignée de mots…<br />
Bonnet<br />
Jusqu’au xii e siècle, les hommes ne portent presque<br />
jamais de chapeau, excepté ce simple bout de<br />
cuir maintenu sous le menton par des rubans. Les<br />
nobles qui, pendant des générations, avaient proclamé<br />
leur supériorité sur les serfs en gardant leurs<br />
cheveux longs, refusèrent d’adopter ce couvre-chef<br />
sous prétexte qu’il était efféminé – il est vrai qu’il<br />
ressemblait à un bonnet de nourrisson… Mais<br />
au fil des rébellions, le bonnet plus fréquemment<br />
porté sans attache devint le signe distinctif de la<br />
noblesse. Et se mit à coiffer, au xix e siècle, toutes<br />
les classes sociales et toutes les conditions.<br />
Capuchon<br />
Au cours du Moyen-Age, seule la nécessité<br />
de voyager oblige les hommes à se munir d’un<br />
chapeau. Ample et pointu, attaché à une cape<br />
pour recouvrir les épaules, le capuchon devient à<br />
la fin du xii e siècle une entité séparée, avant de<br />
se sophistiquer au début du xiv e siècle : enroulé<br />
autour de la tête comme un turban ou porté<br />
comme un bonnet, on ne le distinguait pratiquement<br />
plus de ses confrères couvre-chefs.<br />
Liripipion<br />
Au fil des décennies, la pointe du capuchon<br />
s’étire comme une pâte à chewing-gum pour finir<br />
par se balancer dans le dos comme la queue<br />
d’un animal, et par toucher terre… au point qu’il<br />
fallut le draper comme un turban pour ne pas<br />
s’empêtrer les pieds. Conscients de son pouvoir<br />
de suggestion, seigneurs et féodés arboraient<br />
ce symbole phallique avec délectation – tout<br />
comme ils chaussaient leurs pieds de poulaines<br />
pointues.<br />
Gorgerette<br />
Plumes et broches ornées de bijoux escaladent le<br />
liripipion, pour faire le paon sur la tête feutrée de<br />
ces riches messieurs.<br />
Chaperon<br />
Fils du capuchon-turban ayant acquis son<br />
indépendance à la fin du xii e siècle, cagoule et<br />
capuche à la fois, il s’agrémente au xiv e siècle<br />
d’une cornette dégoulinante, avant de se faire<br />
coudre en drapé sur des bourrelets et qu’une<br />
gorgerette Renaissance dressée en crête de coq<br />
ne lui grimpe sur le dos. En raison de son unisexualité<br />
et des multiples manières de l’enfiler,<br />
il porte à préjudice. Ainsi, tiré vers l’avant à la<br />
mode « embronché », il cache le visage et offre<br />
des facilités pour les agressions à main armée,<br />
si bien qu’un décret de 1399 le limite aux enterrements.<br />
Toque<br />
Au xvi e siècle, l’innovation est surtout vestimentaire.<br />
Le chapeau accessoire est devenu si banal que<br />
tous les hommes sans distinction se doivent d’en<br />
porter un, sous peine de mépris et d’insignifiance.<br />
Sous Henri III, les fraises tuyautées sont si envahissantes<br />
qu’il faut rétablir l’harmonie de la silhouette<br />
avec de petites toques ornées de plumes.<br />
Pain de sucre<br />
Digne descendant du bonnet, dans la famille des<br />
chapeaux pointus coniques, il est le plus populaire<br />
des xvi e et xvii e siècles. Bien qu’il fût très volatile, il<br />
avait au moins un avantage thermique : il permettait<br />
de se réfrigérer le cerveau en bloquant l’air à<br />
l’intérieur du cône.<br />
Tuyau de poêle<br />
Charles I er d’Angleterre (1625 – 1649) portait<br />
un chapeau dont la haute calotte en forme de<br />
tube ressemblait étrangement à un « tuyau de<br />
poêle ». Il était fait des plus beaux poils de castor<br />
importés du Canada et traités à grands frais<br />
pour donner à la surface du chapeau de chauds<br />
reflets rouges. Victime de la première Révolution<br />
anglaise, le roi à la calotte décapitée refusa<br />
d’ôter son « tuyau » en présence du tribunal et<br />
de la guillotine, anéantissant ainsi la mode des<br />
chapeaux à calotte haute pour plus d’un siècle.<br />
Cavalier<br />
Au début du xvii e siècle, les chapeaux atteignent<br />
de nouveaux sommets d’extravagance. Volumineux<br />
et somptueusement garni de plumes, ce<br />
digne figurant du siècle de Louis XIV entre dans<br />
la légende sur la tête des Trois Mousquetaires.<br />
Pourtant, s’il donnait beaucoup d’allure aux<br />
militaires, il était inconfortable dans la mesure<br />
où ses larges bords en oreille de chien devaient<br />
constamment être retroussés pour ne pas occulter<br />
la vision.<br />
Tricorne<br />
La nécessité de corner le « cavalier », pour plus<br />
de praticité, se fit pressante. On commença par<br />
l’épingler sur le côté droit afin que l’on pût, au<br />
moins, balancer son bras droit correctement. Puis<br />
on releva et épingla les trois côtés pour qu’un<br />
homme au galop ne risquât pas d’être désarçonné<br />
en le maintenant. Porté par les gentilshommes<br />
et les courtisans, bordé généralement<br />
d’une belle frange de plumes d’autruche, il fut<br />
l’un des principaux couvre-chefs survivants du<br />
xviii e siècle face au monopole de la perruque.<br />
Bicorne<br />
La Révolution donna le coup de grâce au tricorne.<br />
Les chapeaux étant devenus superflus, sinon pour<br />
parader, les hommes adoptèrent le bicorne, dit<br />
aussi le « chapeau bras » (car il avait été créé pour<br />
être porté à la main plutôt que sur la tête ; l’élégant<br />
ne pouvant pas prendre le risque de déplacer sa<br />
perruque ou de faire tomber de la poudre sur ses<br />
épaules…). La calotte aplatie, celui-ci n’était pas<br />
très élégant, mais il avait une solennité qui correspondait<br />
parfaitement aux attitudes de l’Homme<br />
Nouveau et aux attentes de Napoléon…<br />
Bonnet phrygien<br />
Emblème de liberté et de démocratie, ce bonnet<br />
mou replié à l’avant comme une corne, existe<br />
déjà depuis belle lurette – on le donnait aux<br />
esclaves grecs et aux romains affranchis – lorsque<br />
les révolutionnaires décident d’en chapeauter<br />
Marianne, allégorie de la République. Si « on<br />
ne peut mener une révolution en haut-de-forme »,<br />
on ne peut non plus diriger un gouvernement en<br />
bonnet phrygien (car le chapeau mou sous-entendait<br />
l’anarchie).<br />
Haut-de-forme<br />
Sujet favori du courrier des lecteurs, cette mode qui<br />
vint du gentilhomme de la campagne – ce dernier<br />
avait rétréci les bords de son chapeau en guise de<br />
casque de protection rudimentaire pour minimiser<br />
les blessures de chute de cheval – eut toujours<br />
ses détracteurs. Sans doute par aversion du siècle<br />
envers ses « gros bonnets » (hommes d’affaires,<br />
banquiers, politiciens…) qui, pour afficher leur<br />
supériorité, s’affublaient de cette tour de prestige<br />
aussi absurde qu’elle était malcommode.<br />
Casquette<br />
Dans l’Angleterre victorienne, le chapeau du chasseur<br />
de cerfs – dont s’inspira Conan Doyle pour coiffer la<br />
tête de son héros Sherlock Holmes – évoquait avant<br />
tout le sportif campagnard, mais il était aussi un<br />
accessoire justicier, pour celui qui consacrait sa vie à<br />
la réflexion ou à la recherche de malfaiteurs…<br />
Melon<br />
En 1850, le chapeau prend le melon. Lassé de<br />
ses chapeaux mous peu résistants aux rigueurs<br />
de la vie, Mister Coke rêvait d’un chapeau aussi<br />
rigide qu’un haut-de-forme, mais pas aussi haut.<br />
La maison Lock & Co lui proposa la solution de<br />
la calotte ronde, qu’il testa en sautant à pieds<br />
joints sur la calotte. Le bowler hat – du nom de<br />
famille du fabricant – se fit le solennel allié de la<br />
classe dirigeante proche de l’ouvrier, représentant<br />
à la manière « melon bosselé » de Charlie Chaplin<br />
la vulnérabilité pathétique d’un homme dont la<br />
dignité (écornée) tient à son chapeau.<br />
Stetson<br />
A la suite de la tournée de Buffalo Bill (1898),<br />
« Le chapeau de la conquête de l’Ouest », créé par<br />
le chapelier américain John B. Stetson, devint un<br />
accessoire vital pour tous les cow-boys du showbusiness.<br />
Miroir de la virilité masculine, vissé sur<br />
la tête de James Dean ou de Ronald Reagan, il<br />
aurait pu être le descendant du tricorne.<br />
Béret<br />
Pendant la Deuxième Guerre mondiale, le béret<br />
basque – couvre-chef français le plus commun<br />
– fut adopté par les maquisards afin de<br />
n’éveiller aucun soupçon… Penché sur la tête<br />
de Che Guevara, il fut pris à son insu pour le<br />
symbole mondial du guérillero révolutionnaire.<br />
Les oubliés du chapeau<br />
La liste est longue, citons en vrac : bitos, bloum,<br />
borsalino, canotier, chéchia, chapska, cumberland,<br />
fédora, galurin, jim crow, homburg, képi,<br />
panama, pilos, pétase, sombrero, suroît, talpack,<br />
trilby, turf, wellington…<br />
Marlène Van de Casteele
MAGAZINE N 51, PAGE 28<br />
Practise NZ at the Venice Biennale 2009 02 / 02 / 09<br />
Logotype Modular Variation<br />
au détour d’un canal, engoncé<br />
dans ma veste de costume<br />
usée et me dandinant dans mes<br />
chaussures inadaptées, j’ai été<br />
frappé de plein fouet par un<br />
symbole d’une beauté rivalisant<br />
– voire surpassant – celle de<br />
la sérénissime.<br />
New Zealand<br />
at the<br />
Venice Biennale<br />
2009<br />
Initiales NZ<br />
Quand Venise, ville du plus grand classicisme, accueille une biennale d’art contemporain,<br />
le meilleur graphisme y pointe parfois le bout de son logo.<br />
Practise NZ at the Venice Biennale 2009<br />
Logotype Modular Variation<br />
Ouverture de la Biennale de Venise, juin 2009.<br />
L’élite de la culture mondiale est là, crapahutant<br />
de palazzo en palazzo, voguant sur des taxis à<br />
60 euros la minute, se nourrissant de petits fours<br />
et de Bellini. La ville est envahie de banderoles<br />
et d’affiches à la gloire des différents pavillons<br />
nationaux, et chaque pays semble avoir produit<br />
un sac en tissu, à porter en bandoulière, aux<br />
couleurs de son exposition. On identifie en un<br />
clin d’œil le professionnel du monde de l’art :<br />
lunettes Ray Ban Wayfarer, veste de costume<br />
usée, chaussures totalement inadaptées à une<br />
ville comme Venise, où il faut marcher des heures<br />
durant, et surtout un (ou plusieurs) art bag sous<br />
le bras. Informe et mou, produit en Chine pour<br />
deux centimes, il est devenu le signe imparable<br />
pour différencier le critique d’art du touriste à la<br />
recherche du pont des Soupirs.<br />
Il n’y a dans les jardins de l’arsenal que quelques<br />
pavillons, construits depuis longtemps et<br />
signes d’une lointaine époque géopolitique – la<br />
Yougoslavie et la Tchécoslovaquie n’existent<br />
plus mais exposent toujours. Pour les centaines<br />
d’autres pays, désireux de se faire une place<br />
sur la mappemonde de l’art contemporain, une<br />
seule solution : louer un lieu dans la ville ou<br />
dans les hangars de l’arsenal et en faire la<br />
promotion, dans l’espoir que les visiteurs feront<br />
l’effort d’y aller. Contrairement à sa voisine australienne,<br />
la Nouvelle-Zélande n’a pas de pavillon<br />
permanent, et est donc hébergée dans deux<br />
lieux distincts de la ville.<br />
Et c’est donc au détour d’un canal, engoncé dans<br />
ma veste de costume usée et me dandinant dans<br />
mes chaussures inadaptées, que j’ai été frappé<br />
de plein fouet par un symbole d’une beauté rivalisant<br />
– voire surpassant – celle de la sérénissime.<br />
Mes yeux, au vu d’un petit sigle bleu azur, ont<br />
soudainement doublé de volume, et j’ai immédiatement<br />
perdu tout intérêt pour les détails délicats<br />
des façades du Palais des Doges, les installations<br />
sonores de Bruce Nauman ou les jambes des jeunes<br />
journalistes françaises. Jamais je n’avais vu<br />
un geste visuel d’une telle force, jamais je n’avais<br />
pensé qu’un N et un Z pouvaient avoir exactement<br />
la même forme sans avoir à basculer. Du pur<br />
génie, du concentré d’efficacité visuelle plus fort<br />
que le crack. Pour me remettre de ce choc, il m’a<br />
fallu plus d’un cocktail au bar de l’Hôtel Bauer.<br />
D’où pouvait donc venir ce NZ hypnotisant ?<br />
James Goggin, jeune graphiste basé a Londres,<br />
s’est vu confier cette année l’identité de la<br />
mission néo-zélandaise. Lauréat d’un concours<br />
réunissant plusieurs agences, il a créé un signe<br />
qui vient s’inscrire dans la liste très fermée des<br />
Logos Parfaits. Avec les deux initiales du pays,<br />
N et Z, il a réussi à composer un pictogramme<br />
entièrement symétrique, purement angulaire et<br />
graphique, mais avec un niveau de lecture et de<br />
compréhension quasiment immédiat. Pourtant,<br />
James Goggin a rencontré moult résistances<br />
dans les sphères du New Zealand Art Council,<br />
aux différents stades d’élaboration de cette<br />
identité, à tel point que le pictogramme a failli<br />
ne pas être inclus dans la solution visuelle finale.<br />
J’ai encore du mal à comprendre comment des<br />
responsables d’institution artistique peuvent ne<br />
pas saisir la force d’un tel travail. Selon James,<br />
on peut non seulement lire le N et le Z dans le<br />
logo, mais aussi le V de Venise, une flèche descendant<br />
vers le bas (pointant vers l’hémisphère<br />
sud), et une référence aux gravures sur bois<br />
maories. Au final, le site Web sur lequel le logo<br />
a été mis en place (2009.nzatvenice.com) a été<br />
relégué au deuxième plan derrière une nouvelle<br />
version réalisée en cachette par le gouvernement<br />
d’Auckland (nzatvenice.com). Et, bien sûr, dans<br />
cette identité bis, on retrouve un atrocissime logo<br />
« Creative NZ » aux accents ethniques.<br />
Heureusement, et pour quelques mois encore (la Biennale<br />
se termine en novembre), la plus belle ville du<br />
monde accueille un des plus beaux logos au monde.<br />
Yorgo Tloupas<br />
Site Internet de James Goggin : practise.co.uk<br />
New Zealand<br />
at the<br />
at the<br />
Venice Biennale<br />
2009 2009<br />
New Zealand<br />
at the<br />
Venice Biennale<br />
2009<br />
New Zealand<br />
Venice Biennale<br />
www.practise.co.uk 01 / 01
MAGAZINE N 51, PAGE 30<br />
un logo de luxe qui voulait<br />
dire « je suis beau, jeune,<br />
riche et intelligent » veut<br />
aujourd’hui dire « je suis fauché,<br />
en banlieue lointaine, et<br />
je rêverais de rentrer au VIP ».<br />
SLOW FASHION<br />
Comment se porte le superflu en période de crise ? On annonce le retour en force du<br />
basique, mais si les logos se sont faits plus discrets, la guerre des signes fait toujours<br />
rage dans la rue. Quel rôle jouent les blogs dans ce système bien huilé de la mode ?<br />
Un entretien à visage couvert propose quelques réponses.<br />
Sur le modèle de la slow food, on parle désormais<br />
d’un mouvement de slow fashion [acheter moins<br />
et mieux, plus basique et moins ostentatoire].<br />
Qu’en pensez-vous ?<br />
C’est effectivement écrit dans n’importe quel<br />
magazine de mode, ce qui serait une raison de<br />
s’en méfier… pourtant je pense que c’est vrai.<br />
Il y a effectivement une consommation plus lente<br />
et pour des raisons multiples. Au départ, il y a<br />
une peur alimentée par tous les médias qui répètent<br />
: « gardez bien vos sous, il ne va pas y en<br />
avoir beaucoup dans les temps à venir », ce qui<br />
a affecté les achats compulsifs, spontanés ou<br />
« superflus », les « it-bag » par exemple, qui n’ont<br />
plus vraiment la cote. Ensuite, il y a eu le temps<br />
de la preuve : chacun a été affecté par la crise,<br />
soit qu’il connaisse dans son entourage quelqu’un<br />
qui ait été licencié soit qu’il ait vu une entreprise<br />
mettre la clé sous la porte, et ça a donné un vrai<br />
coup de frein à la conso. On a alors parlé de<br />
consommation raisonnée, l’acheteur se demandant<br />
: de quoi ai-je vraiment besoin ?<br />
Ce mouvement touche-t-il tous les consommateurs<br />
?<br />
Même les populations qui n’étaient pas encore<br />
affectées commencent à avoir ce raisonnement.<br />
Dans les magazines de mode, on ne parle plus<br />
de fashionistas [consommateurs de mode effrénés]<br />
mais de recesionnistas, une nouvelle espèce<br />
tout aussi branchée. Et on assiste à l’inverse de<br />
ce que l’on a connu depuis dix ans avec la fast<br />
fashion : deux collections par an ne suffisaient<br />
pas, il en fallait quatre, on devait accélérer le<br />
rythme des visites dans les magasins, les messages<br />
RP étaient plus radicaux : on installait un<br />
produit, pas exemple un gros sac, pour le détrôner<br />
quelques mois après par un plus petit et ainsi<br />
de suite. Parallèlement, on assistait à la quasidisparition<br />
de la mode minimaliste, le classicisme<br />
était devenu ringard et on lui préférait le changement<br />
pour le changement, comme une valeur<br />
en soi : enjoy present, enjoy yourself. Dès qu’un<br />
discours différent s’affichait, par exemple « il me<br />
faut un truc qui me va vraiment », on passait pour<br />
un ringard ou un réac parce qu’on ne voulait pas<br />
entrer dans ce modèle en mouvement.<br />
Vous disiez que ce mouvement de « recesionnistas<br />
» était devenu à la mode. N’est-ce pas antinomique<br />
?<br />
Il y a un phénomène récent dans le quartier<br />
des boutiques de luxe à New York : les femmes<br />
commencent à ne plus vouloir que le sac de leur<br />
shopping soit labellisé luxe, comme si ça n’était<br />
pas respectueux des autres, pas compassionnel<br />
ni visionnaire quant à la situation actuelle qui<br />
dit plutôt : « tu consommes, tu n’es pas dans le<br />
coup ». Et des boutiques de luxe new-yorkaises<br />
commencent à donner des sacs sans logo. On<br />
entre ainsi dans « la mode de culpabilité », et ça<br />
devient à la mode de dire « ce sac, je ne l’ai pas<br />
acheté, je l’ai récupéré de ma grand–mère et il<br />
est génial », ou alors « avec cette crise, je suis<br />
retourné voir dans mon dressing et j’ai redécouvert<br />
ce truc que je n’avais mis qu’une fois », etc.<br />
En deux mots, ça redevient chic de dire « j’ai<br />
fait une affaire ». Ça devient « mode », y compris<br />
pour la bourgeoise classique d’aller chercher un<br />
top chez H&M ; et être dans le coup aujourd’hui<br />
ce n’est pas choisir une consommation exhibitionniste<br />
mais maline.<br />
Ce n’est donc pas qu’une question de budget, mais<br />
presque de style de consommation…<br />
Absolument, et ça explique aussi le boom des<br />
ventes en ligne à travers des sites comme venteprivée.com,<br />
dont les promotions sont parfois<br />
douteuses ou artificielles. Ce succès est expliqué<br />
par la quête de la bonne affaire et, ce qui est<br />
nouveau, de la honte d’être vu faisant du shopping.<br />
C’est aujourd’hui beaucoup plus chic de dire<br />
« samedi, je suis allé dans un parc » que « j’étais<br />
chez APC, puis rue Saint-Honoré » ; y compris<br />
pour des branchés. Et indépendamment de l’aspect<br />
financier, les après-midi troc redeviennent<br />
« dans le coup » chez la bourgeoise moyenne,<br />
alors que les petites branchées parisiennes se<br />
servent de leur blog pour montrer ce qu’elles ont<br />
dans leur penderie et font du troc en ligne. C’est<br />
une autre forme de mondanité : se retrouver chez<br />
une amie où chacune aura apporté une valise de<br />
vêtements qu’elle ne met plus ; comme une sorte<br />
de réseau social !<br />
Le succès pérenne d’enseignes comme Muji et<br />
celui annoncé d’Uniqlo, qui proposent des basiques<br />
de qualité, inquiète-t-il les mastodontes de<br />
la mode que sont les H&M, Zara, etc. ?<br />
De toute manière, ils prennent ces arrivées en considération.<br />
Uniqlo a l’air de débarquer la tête haute, en<br />
sachant ce qu’il fait, et les enseignes déjà installées<br />
sont suffisamment avisées pour ne pas rester les<br />
bras croisés. Je ne serais pas surpris par exemple<br />
que H&M inaugure un corner « classics ».<br />
La prochaine bataille de la mode aurait donc lieu<br />
sur le terrain des basiques ?<br />
Heureusement, la mode obéit à des mécanismes<br />
difficiles à prévoir… On m’a annoncé ce matin<br />
que Lane Crawford, la boutique new-yorkaise qui<br />
avait investi la première le créneau minimaliste,<br />
venait de fermer. Dans les années 90, on nous<br />
avait apporté cette réponse : consommez moins,<br />
consommez mieux. Philippe Starck avait sorti son<br />
catalogue « Good goods » avec ce concept et,<br />
même si je ne le porte pas dans mon cœur dès<br />
lors qu’il est en train de polluer tous les palaces<br />
du monde avec ses chaises en plastoc et ses lustres<br />
kitsch, reconnaissons qu’il était visionnaire.<br />
Dans les années 90, on a cru que la réponse<br />
à cette consommation débile c’était le minimalisme,<br />
puis on a vu que ce n’était qu’un message<br />
de mode comme les autres ; enfin, on est revenu<br />
aux motifs, aux imprimés. […]<br />
Est-ce que la réponse aujourd’hui est de proposer<br />
des basiques ? Pas sûr, parce que tout le monde<br />
en possède déjà et les marques qui en proposent<br />
ne parviennent pas aujourd’hui à écouler leurs<br />
stocks. Je pense que toutes les marques vont<br />
être dans une certaine difficulté, pas uniquement<br />
celles qui proposent des vêtements bariolés ou<br />
ostentatoires. […] Toutefois, on constate des<br />
situations paradoxales : les commandes de perles<br />
et de strass ne se sont jamais aussi bien portées…<br />
c’est un contrecoup de la forte demande<br />
sur le minimalisme qui amène des petits malins<br />
à se positionner à l’opposé en disant : pendant<br />
la crise, faisons la fête ! De même, apparemment<br />
Paul & Joe marche bien, alors que Vanessa Bruno,<br />
non ; on ne parvient pas à tout expliquer…<br />
Que faire alors ?<br />
Je crois que les marques doivent revenir à ce<br />
qu’elles savent faire et ce pour quoi la marque<br />
a un sens. Que ce soit des sacs de luxe ou les<br />
meilleures chaussures de sport… même si 85 %<br />
des baskets finissent dans la rue et non dans la<br />
pratique d’un sport. Car si les consommateurs en<br />
viennent à n’acheter que ce dont ils ont besoin,<br />
ils privilégieront des références.<br />
Dans le streetwear, la surface ostentatoire dédiée<br />
aux logos est plus restreinte. Naomie Klein n’a-telle<br />
pas gagné en apparence la partie avec son<br />
livre No logo ?<br />
En tout cas, elle a gagné une bataille. Et je suis<br />
certain qu’elle va de nouveau faire couler beaucoup<br />
d’encre, car certains lecteurs vont relire<br />
No logo et une nouvelle génération va le découvrir.<br />
Elle a saisi quelque chose de profondément<br />
vrai. Le caractère ostentatoire du logo est un<br />
phénomène dont ont besoin les consommateurs<br />
qui sont pauvres, autant en termes de signe que<br />
d’argent. Concrètement, ça signifie qu’un logo de<br />
luxe qui voulait dire « je suis beau, jeune, riche et<br />
intelligent » veut aujourd’hui dire « je suis fauché,<br />
en banlieue lointaine et je rêverais de rentrer au<br />
VIP ». Si on est beau, jeune, riche et intelligent,<br />
on a un pull Margiela ou un T‐shirt noir Hanes<br />
à 15 euros ; on n’a pas besoin de le revendiquer
haut et fort, comme les « jeunes de banlieue »,<br />
habillés en noir Zara, avec ceinture ou paire de<br />
lunettes Dolce & Gabbana, seuls accessoires où<br />
les logos sont visibles, et pas trop chers. […] On<br />
pourrait regarder cette variation des looks, entre<br />
logos d’un côté et subtilité des marques de l’autre,<br />
comme une lutte des classes ou plutôt une lutte<br />
des représentations de classes. Quoi qu’on dise, la<br />
gamine du 16 e , ça l’agace de savoir que la gamine<br />
de banlieue s’habille avec ses marques, et comme<br />
l’élément « logo » a été adopté par ceux qui disent<br />
« je veux du luxe ; moi aussi j’ai et j’aurai, je ne<br />
vais pas suivre le chemin et je vais jouir de la vie<br />
comme vous, petits bourgeois », alors ces signes<br />
ont été abandonnés par ces mêmes petits bourgeois<br />
à qui s’adressait le message. Parce que derrière<br />
une lutte de signes, c’est aussi une lutte de<br />
classes qui se manifeste. En ce sens, les Champs-<br />
Elysées sont une avenue incroyable, parce qu’elle<br />
réunit les plus riches et les plus pauvres : celui qui<br />
vient s’offrir une glace sur la plus belle avenue du<br />
monde et la riche famille moyen-orientale qui fait<br />
son shopping. Et il y a pléthore de logos, du plus<br />
subtil au plus ostentatoire.<br />
Comment la jeune consommatrice bourgeoise<br />
type réagit au fait qu’une jeunesse plus pauvre<br />
préempte les signes du luxe que sont les logos ?<br />
Soit elle n’en affiche aucun, soit elle en affiche<br />
les « vrais », comme le sac Saint Laurent et non<br />
la seule boucle de ceinture. Mais ça se joue aussi<br />
sur une autre sélection de marques, des APC,<br />
agnès b. ou Margiela, ainsi que sur des sélections<br />
de lieux. […] Cette lutte sur le terrain des signes<br />
va au-delà des objets et des logos : maintenant,<br />
la banlieusarde aussi a adopté le size zero, la<br />
silhouette de Kate Moss, c’est‐à‐dire longiligne<br />
et sans fesses. Après son régime, Karl Lagerfeld<br />
disait que le vrai luxe ce n’était pas d’acheter des<br />
vêtements mais de pouvoir les porter comme des<br />
mannequins. Aujourd’hui, les princesses comme<br />
les aristocrates du monde entier ressemblent à<br />
des mannequins, il faut être maigre pour être<br />
moderne et puissant. Et de ce point de vue,<br />
il n’y a pas de différence entre la bourgeoise et<br />
la banlieusarde.<br />
On parle de signes et de codes, mais à quoi fontils<br />
référence ?<br />
Il y a encore peu, les vêtements étaient porteurs<br />
de message, je pense aux punks, par exemple,<br />
et à leur rébellion contre le système ; aujourd’hui,<br />
il n’y a pas de revendication intéressante, si<br />
ce n’est d’avoir le droit à la fête – et à ce qui<br />
va avec : amusement, sexe, intégration. On se<br />
demande où sont passés les étudiants cultivés<br />
et révoltés des décennies précédentes… Même<br />
l’étudiant en lettres veut ressembler à un branché<br />
absurde qui passe ses week-ends en boîte de<br />
nuit… Quand on regarde ce que les gamines qui<br />
font Sciences Po mettent sur leur facebook, ce<br />
n’est pas le livre qu’elles ont lu, mais des images<br />
d’elles en teuf, avec un cocktail fluo… A quoi ça<br />
sert d’être plus maline que les autres si ce qui<br />
est revendiqué comme étant la partie cool de sa<br />
vie c’est ce même truc cheap ? Si c’est le mode<br />
de vie qui les fait rêver, ils peuvent arrêter leurs<br />
études immédiatement, parce que sans référence<br />
ou bagage, on peut enchaîner les vernissages, les<br />
open bars et les fêtes.<br />
Quelle est la réelle influence des réseaux sociaux<br />
et des blogs sur les comportements d’achat ?<br />
Cela concerne uniquement un public friand de<br />
nouveauté ou cela va-t-il au-delà ?<br />
Ça ne concerne pas que les branchés, c’est devenu<br />
un raz-de-marée et c’est même ce qui a transformé<br />
la branchitude en mouvement de masse.<br />
Le blog est un système de diffusion très rapide,<br />
car, pour schématiser, les gamins ont aujourd’hui<br />
des bandes de copains de deux mille personnes,<br />
et même s’ils ne se voient pas tous les jours, ils<br />
échangent et « partagent » tous les jours. Et on<br />
sait que des blogs amateurs sont devenus plus<br />
influents que des sites professionnels et que la<br />
blogosphère est génératrice de tendances.<br />
Comment composent les marques avec ce phénomène<br />
?<br />
Elles sont toujours en retard… et elles s’allient<br />
avec des blogueuses influentes, en les chouchoutant,<br />
en leur offrant des choses, des accès, et<br />
surtout en leur disant : « vous êtes des journalistes<br />
de mode », ce qu’elles ont toujours rêvé d’être…<br />
Dans la réalité, la bascule s’est opérée il y a un<br />
an, quand les quelques blogueuses influentes qui<br />
faisaient leur reportage à l’entrée des défilés ont<br />
tout à coup eu droit à une chaise.<br />
La boucle semble bouclée… Ont-elles maintenant<br />
la même fonction qu’une journaliste classique<br />
pour une marque ?<br />
Oui, à la différence qu’elles ont l’impression<br />
d’être indépendantes et qu’elles ont effectivement<br />
cette crédibilité – tant qu’elles ne ternissent pas<br />
leur blog avec des logos… Les marques l’ont<br />
d’ailleurs bien compris, elles leur donnent des<br />
produits, les invitent à leurs soldes de presse<br />
et peuvent même aider le blog à mieux vivre<br />
économiquement, mais elles demandent que leur<br />
logo n’apparaisse surtout pas… C’est beaucoup<br />
plus intéressant qu’une blogueuse dise comment<br />
elle porte tel vêtement et avec quoi, c’est-à-dire<br />
qu’elle écrive ce que l’on peut oser. Ça n’est pas<br />
un micro-phénomène, il y a une dizaine de blogs<br />
influents, dont certains annoncent dix mille visites<br />
par jour, et leurs auteurs commencent même<br />
à être reconnues dans la rue…<br />
Que pensez-vous des sites de silhouettes comme<br />
facehunter, thesartorialist, etc. ? De quelle mode<br />
parlent-ils ?<br />
Autant ça m’excitait dans ID de voir des silhouettes<br />
de rue, autant dans ces blogs ça ne m’intéresse<br />
pas beaucoup. Parce qu’ils ne donnent<br />
pas une photographie de la rue, sur 5 000 personnes<br />
croisées, ils vont en choisir 10 qui ne<br />
ressemblent pas aux autres… Or, ce qui serait<br />
vraiment intéressant, ce serait de compiler 50,<br />
60, 70 looks identiques. Par exemple : lundi, je<br />
vous montre tous les types que je vais croiser<br />
et qui se ressemblent ; mardi, toutes les filles<br />
avec une robe chasuble, etc. Ce serait alors une<br />
vraie documentation historique, un peu comme<br />
en constitue le duo hollandais Versluis et Uyttenbroek<br />
avec leur série Exactitudes. Pour voir<br />
et analyser ce qu’est la mode aujourd’hui, il est<br />
plus intéressant de regarder ceux qui n’ont pas<br />
de subtilité ni conscience de leur look, toutes ces<br />
filles qui sont persuadées de porter « la mode<br />
qui leur ressemble » avec une paire de ballerines,<br />
une robe chemise et une frange…<br />
Comment vendra-t-on la mode<br />
dans trois ans ?<br />
On en vendra beaucoup par service personnalisé,<br />
sur Internet. D’ailleurs, je crois beaucoup à la<br />
revanche de la province.<br />
On s’habillerait comme à Angoulême ?<br />
Non, mais maintenant Angoulême peut s’habiller<br />
comme Paris. Les kids peuvent avoir les<br />
mêmes baskets ou T-shirts en série limitée. Ils<br />
savent en temps réel ce qui existe et ce qui<br />
est dans le coup. Enfin, il y a un tel complexe<br />
et une telle frustration que le kid à Rouen qui<br />
veut être à la mode le sera beaucoup plus<br />
qu’ici. Avant, il devait être accompagné à Paris<br />
par ses parents, aujourd’hui il peut tout faire à<br />
distance. On connaissait déjà ce phénomène en<br />
musique : les journalistes pointus viennent de<br />
province, ils lancent un blog, se font connaître,<br />
et ce n’est que dans un deuxième temps qu’ils<br />
montent à Paris […] La mode est un secteur<br />
aussi paradoxal et, malgré ce que je disais<br />
en début d’interview qui concerne surtout une<br />
minorité branchée, je crois qu’on va globalement<br />
continuer à consommer de la fast fashion et<br />
que les mastodontes comme H&M inventeront<br />
de nouvelles solutions. En revanche, je pense<br />
qu’il y aura un certain écrémage dans les marques,<br />
dont beaucoup sont en train de souffrir en<br />
ce moment, et certaines ne survivront pas à la<br />
rentrée. […] Je crois qu’on va consommer de<br />
la mode en solderie, des collections de l’année<br />
passée, vraies ou fausses, c’est-à-dire des collections<br />
produites uniquement pour le moment<br />
des soldes, dont on fait croire qu’elles auraient<br />
une valeur supérieure alors qu’elles ne sont vendues<br />
nulle part ailleurs. […] J’aurais bien aimé<br />
dire qu’on allait revenir à une certaine qualité,<br />
mais j’ai peur qu’il n’en soit rien…<br />
Propos recueillis par Angelo Cirimele<br />
Dans les années 90, on a<br />
cru que la réponse à cette<br />
consommation débile c’était le<br />
minimalisme, on a vu ensuite que<br />
ce n’était qu’un message de mode<br />
comme les autres ; puis, on est<br />
revenu aux motifs, aux imprimés.<br />
Aujourd’hui, il faut<br />
être maigre pour être<br />
moderne et puissant.<br />
de ce point de vue, il n’y a<br />
pas de différence entre la<br />
bourgeoise et la banlieusarde.
MAGAZINE N 51, PAGE 34<br />
Photography<br />
Milo keller & Julien Gallico<br />
Hair and Make-up<br />
Meg Zlatoff / calliste<br />
Yumi Endo / Marie-France
Neuf jeunes créateurs qui façonnent la mode de demain.<br />
chacun porte ses propres créations.<br />
HUBERT KARALY<br />
jewellery designer<br />
BARNABé HARDY<br />
men designer<br />
YAZ<br />
jewellery designer<br />
BARNABé FILLON<br />
perfume creator<br />
ROMAIN KREMER<br />
men designer<br />
LIGIA DIAZ<br />
jewellery designer<br />
Bóas Kristjánsson<br />
men designer<br />
RéGINA DABDAD<br />
jewellery designer<br />
ANNABELLE JOUOT<br />
fashion editor
MAGAZINE N 51, PAGE 48<br />
André Courrèges<br />
1923 : Naissance à Pau, d’un père majordome,<br />
d’une mère toute de noir vêtue.<br />
1940 : Aussi loin qu’il se souvienne, la peinture,<br />
le dessin et la mode l’ont toujours attiré, mais<br />
pour faire plaisir à papa-maman, il entreprend<br />
des études d’ingénieur. « J’ai passé des années<br />
aux Ponts et Chaussées. Je m’y suis ennuyé à<br />
mourir. » A la Libération, il plaque tout et s’enfuit à<br />
Paris travailler pour diverses maisons de couture,<br />
tout en suivant des cours à l’Ecole supérieure des<br />
industries du vêtement.<br />
1950 : Foudroyé par l’art de Cristobal Balenciaga,<br />
il fait des pieds et des mains pour entrer dans<br />
la maison du couturier monacal : « Je veux<br />
travailler chez vous sans être payé, comme le<br />
dernier des apprentis. » Engagé comme coupeur<br />
dans un atelier tailleur, forgé à l’école de la<br />
rigueur et de l’exigence, il y acquiert les techniques<br />
d’un métier qui s’apparente à ses yeux au<br />
travail de l’architecte. Il y rencontre aussi sa<br />
« créativité complémentaire » et future épouse,<br />
Coqueline Barrière.<br />
1961 : « Sous les grands arbres, il ne pousse rien.<br />
Je suis un petit gland sous le grand chêne que<br />
vous êtes. Il faut que je vous quitte pour vivre. »<br />
Après onze années de collaboration avec Balenciaga,<br />
le premier des apprentis s’en va fonder sa<br />
propre maison de couture, au 48, avenue Kléber<br />
à Paris, achetée grâce à un prêt sans intérêt du<br />
patron délaissé, qui refusera d’être remboursé<br />
et qui lui fournira en prime clientes et directeur<br />
administratif. Empreint de minimalisme et de<br />
pureté graphique, Courrèges élabore au cours de<br />
ses premières collections un style dépouillé dans<br />
l’esprit de son illustre maître. « J’étais tellement<br />
imprégné par Monsieur Balenciaga, j’aimais tellement<br />
son art qu’il m’a fallu trois ou quatre ans<br />
pour tout oublier et faire naître mon style. »<br />
1964 : Un style qui, une fois trouvé, déclenche<br />
un raz-de-marée. La collection « Fille de lune »<br />
produit sur la haute couture un effet comparable<br />
à celui du New Look de 1947. « Il fallait, en<br />
s’appuyant sur de nouvelles règles techniques et<br />
esthétiques, inventer un vêtement moderne, un<br />
vêtement dans lequel on entrerait comme dans<br />
une boîte. » Outre le rythme endiablé des mannequins<br />
noirs sautillant sur du jazz, et les matériaux<br />
novateurs (whipcord, vinyle, nylon) disséminés<br />
dans les collections aux formes géométriques et<br />
aux couleurs layettes, « la bombe Courrèges »,<br />
comme le qualifient alors toutes les revues de<br />
mode, s’applique à redéfinir les proportions féminines<br />
en laissant le champ libre à l’expression<br />
des potentialités physiques du corps : robes<br />
trapèzes gommant la taille et les hanches, jupes<br />
outrageusement mini– dont Mary Quant et Courrèges<br />
se disputent toujours la paternité –, pantalons<br />
tout terrain et bottines plates remettent<br />
les femmes en position de course. Et les rajeunissent<br />
de quinze ans. Robettes, combi-short,<br />
babies, couettes… le verdict de Chanel est<br />
sans appel : « Cet homme s’acharne à détruire la<br />
femme, à dissimuler ses formes, à la transformer<br />
en petite fille. » Et celui de la presse, unanime :<br />
« Goodbye le lady look ! » cancanent les chroniqueuses<br />
américaines, envoûtées. Une presse qui,<br />
accusée de favoriser le plagiat, ne sera bientôt<br />
plus invitée aux défilés feu d’artifice. Le couturier<br />
susceptible s’accorde sept cents jours de retraite,<br />
réservant désormais sa production à sa clientèle<br />
privée.<br />
1968 : L’ennemi de la copie se distingue pourtant<br />
par une volonté farouche de rendre sa couture<br />
accessible au plus grand nombre. Par sa double<br />
formation artistique et technique, il entend saisir<br />
le mouvement qui s’amorce de la couture vers<br />
l’industrie. Ayant recours à la fabrication en série,<br />
qui permettait de diviser les prix par cinq, il crée<br />
alors « Couture Future », une ligne de prêt-à-porter<br />
de luxe dont chaque modèle est disponible<br />
en quatre ou cinq tailles. Hostile à toute politique<br />
de licence, le couturier de l’épure décide<br />
de tout concevoir, de tout fabriquer et de tout<br />
distribuer dans le respect des critères de qualité<br />
de la haute couture. Et ce dans son usine pilote<br />
décapotable aux armatures futuristes, implantée<br />
à Pau qui, à l’instar de son nouveau fief,<br />
rue François-I er , exhibe un décor blanc optique<br />
luminescent, résolument moderne. « Mon œuvre<br />
est faite de couleurs dans lesquelles le blanc,<br />
traduction de la lumière, le bleu azur, traduction<br />
du cosmos, et l’argent, reflet de la lune, servent<br />
de structures. »<br />
1972 : Tandis que la couture intègre progressivement<br />
les pratiques sportives inhérentes à toute<br />
« vie moderne », le couturier athlète en tenue de<br />
tennisman immaculée – « Les gens s’habillent en<br />
noir parce que ce n’est pas salissant. Ils réenfilent<br />
chaque matin des vêtements sales. La vie<br />
moderne exige que l’on soit propre intérieurement<br />
et extérieurement. » – ne se contente pas de<br />
proposer un énième vestiaire sportif mais fait du<br />
sportwear un mode de vie. « Pour moi, une journée<br />
de travail, c’est comme une partie de pelote,<br />
c’est une épreuve sportive. » En chef de laboratoire,<br />
médiateur entre la mode et la technologie<br />
de pointe, il s’approprie des matières et des fibres<br />
techniques (toile cirée, voilure de parachute)<br />
usuellement destinées à l’armée, à l’aéronautique<br />
ou au monde sportif. Sa collection « Hyperbole »<br />
se compose de « praticables » – blousons à boutons-pression,<br />
maillots, soutiens-gorges, collants<br />
seconde peau intégrale – que les 15 000 membres<br />
du personnel des JO de Munich, mutés en<br />
points information orange, se feront une (fausse)<br />
joie de tester. Bizarrement, la mode du « collantvérité<br />
» ne prendra pas chez les hommes…<br />
« J’ai cru que l’homme allait lui aussi évoluer…<br />
J’ai cru que la lumière, la clarté, que j’amenais<br />
aux femmes allait lui aussi le séduire. En fait, si<br />
la femme a transformé son mode de vie, l’homme<br />
pour l’essentiel est resté le même.»<br />
1979 : A la tête d’un empire multinational commercialisant<br />
à tout-va prêt-à-porter, parfums,<br />
maroquinerie, linge de maison, papeterie, téléphonie,<br />
gastronomie, Courrèges retourne sa veste<br />
pour développer une politique de licences et plagier<br />
le champion toute catégorie, Pierre Cardin.<br />
Ne jamais dire « jamais ».<br />
1985 : Soucieux de poser sa griffe dans des secteurs<br />
jusque-là inexploités, le couturier en blouse<br />
blanche conçoit pour le personnel hospitalier un<br />
vestiaire aseptisé en non-tissé – matière jetable<br />
stérilisée, proche du papier – remboursé par la<br />
sécu. Bleues ou roses, ponctuées de mouettes<br />
blanches stylisées – « Rien ne m’apaise plus<br />
qu’un vol de mouettes au-dessus de la mer. » –<br />
ou de petits carreaux vichy, cette fois, le personnel<br />
n’aura pas opposé de résistance (sans<br />
doute en raison du caractère jetable des combinaisons)<br />
: « Une compagnie aérienne m’avait<br />
demandé de concevoir des uniformes. Le personnel<br />
a refusé mes projets pourtant approuvés<br />
par la direction… » Après avoir été sollicité par<br />
les religieuses et les moines bénédictins pour un<br />
« relooking », il cultive le secret espoir de travestir<br />
les policiers en playmobils arc-en-ciel : « Les<br />
couleurs employées seraient différentes selon les<br />
saisons, le rang et le corps… »<br />
1988 : Promoteur d’un style global, il s’attaque à<br />
toutes les formes de l’environnement quotidien,<br />
dessinant à tour de bras voitures (Toyota, Mercedes,<br />
Matra), scooters (Honda), montres (Seiko),<br />
appareils photo (Minolta), clubs de golf, cuisines<br />
ou clenches de porte. La faute à ses partenaires<br />
japonais, le groupe Itokin, qui lui cherche des<br />
noises et l’empêche de faire de la haute couture<br />
sous prétexte de rentabilité. Frustré, il cherche<br />
d’autres moyens d’expression et finit par accepter<br />
la proposition de la société OPI : griffer de son<br />
nom un programme immobilier, les « Perspectives<br />
Courrèges », en se faisant décorateur d’intérieur<br />
et de façade. Cinq cents logements entièrement<br />
blancs et suffisamment décloisonnés pour pouvoir<br />
– à l’instar de son appartement parisien –<br />
y implanter un vélodrome, seront ainsi vendus à<br />
Suresnes. Après tout, une maison est comme une<br />
robe : une réponse à des besoins.<br />
1994 : Après s’être libéré de l’emprise japonaise,<br />
Courrèges retrouve le chemin des défilés haute<br />
couture et confie la réalisation de ses collections<br />
à Jean-Charles de Castelbajac, quatre saisons<br />
durant. Avant de passer le flambeau à son épouse<br />
hyperactive et à sa fille Clafoutis (qui préféra<br />
ensuite assumer son second prénom, Marie),<br />
il mesure sa cote de popularité en rééditant<br />
du Courrèges revu et à peine corrigé, pour finir<br />
par repeindre les bus parisiens à ses couleurs.<br />
« Toute femme plongée dans Courrèges subit une<br />
importante poussée d’optimisme ! » rééditent à<br />
leur tour les publicités. Rassuré par la nouvelle<br />
vague de plagiat, qui le décide à apposer sa griffe<br />
sur chacune de ses créations, et par la déferlante<br />
euphorisante, il peut se retirer l’esprit tranquille<br />
et se consacrer à ses passions premières : la<br />
peinture et la sculpture.<br />
2000 : Pendant ce temps, « Coqueline l’emmerdeuse<br />
» (comme elle se définit) organise des<br />
« écrandéfilés » et des happenings ubuesques<br />
enrobés d’une aura mystique… Préoccupée<br />
par l’environnement et l’évolution de la recherche<br />
scientifique, elle planche secrètement sur un<br />
concept de « vêtement génétiquement modifié » ;<br />
une fameuse protéine censée remplacer à terme<br />
le textile traditionnel.<br />
2008 : Toujours aux manettes de sa maison<br />
de couture, toujours dans l’action, super mamie<br />
Coqueline entend démontrer, au volant de ses voitures<br />
électriques – la Bulle, la Exe ou la Zooop ;<br />
bijoux écologiques destinés à participer au challenge<br />
bibendum organisé par Michelin – que rien<br />
n’est impossible : « Quand on veut, on peut ! »<br />
Marlène Van de Casteele
MAGAZINE N 51, PAGE 50<br />
Lunettes carrées,<br />
circa 65<br />
Illustrations par Florence Tétier<br />
1971<br />
1966<br />
1967<br />
1978<br />
1970<br />
1967<br />
1961
MAGAZINE N 51, PAGE 52<br />
Je suis dans la recherche<br />
constante d’un dispositif qui<br />
amène l’intime dans le public et<br />
le public dans l’intime […]<br />
Marta Gili<br />
Elle fait partie du nouveau paysage de l’art contemporain parisien, avec le suisse Marc-<br />
Olivier Wahler : la très catalane Marta Gili dirige le Jeu de Paume depuis trois ans, après un<br />
parcours très riche mené la plupart du temps à Barcelone. Naviguant avec aisance entre<br />
art contemporain et « photo-photo », cette dynamique quinquagénaire revient avec nous<br />
sur sa conception de l’image – à l’acception très large selon elle. Mais aussi sur ses années<br />
de jeunesse dans l’Espagne post-franquiste, et sa participation au travail de mémoire<br />
nécessaire qu’a dû depuis entreprendre son pays. Lentement, trop lentement pour elle.<br />
Vous dirigez le Jeu de Paume depuis 2006. Mais<br />
qu’en est-il de votre passé en Espagne et de<br />
votre carrière à Barcelone ?<br />
Mes origines sont éclectiques, comme moi. J’ai<br />
commencé en faisant des études de psychologie<br />
et de philosophie, je suis une autodidacte<br />
de l’image. C’est d’ailleurs le cas de tous les<br />
Espagnols de ma génération qui travaillent<br />
dans l’art : ils viennent plutôt de la philosophie<br />
et de l’histoire, aucune formation n’existait<br />
alors en art. Ma première année d’étudiante<br />
s’est déroulée en 1975, juste après la mort<br />
de Franco : autant dire que cette année-là on<br />
a beaucoup fait la fête et très peu étudié. Je<br />
suis peu à peu passée aux sciences de l’éducation,<br />
puis à un master de psychologie clinique.<br />
Et à 23 ans, j’ai commencé à travailler<br />
comme psy, dans une équipe, aux côtés d’un<br />
psychiatre. Mais dès mes études, j’avais commencé,<br />
pour les financer, un mi-temps dans<br />
une école de photographie, où j’effectuais de<br />
petits travaux de secrétariat. Peu à peu, je me<br />
suis mise à y organiser des colloques et séminaires,<br />
auxquels j’invitais mes professeurs de<br />
fac à participer. Je me souviens encore du<br />
titre très prétentieux de mon premier colloque<br />
: « Perception inconsciente et image photographique<br />
» ! A l’université, j’ai commencé à<br />
donner de petits séminaires autour de l’image<br />
et du portrait. Et un jour, je suis tombée sur<br />
un livre américain écrit par un psy qui utilisait<br />
les albums de famille de ses patients pour<br />
déclencher la parole, qui tentait d’essuyer le<br />
silence à partir de commentaires sur les photos.<br />
Ça m’a emballée, je m’en suis beaucoup<br />
inspirée pour mes séances à l’université.<br />
Quels sont vos premiers souvenirs d’images<br />
fortes ?<br />
Mes premières images en mouvement, vues à la<br />
télé, sont les premiers pas de l’homme sur la<br />
Lune et l’assassinat de Kennedy. Je me suis<br />
formée avec ces deux éléments qui n’appartenaient<br />
pas à mon propre pays.<br />
Mais quel a été le déclic qui vous a définitivement<br />
fait passer de la psychologie à la photographie ?<br />
Un jour, alors que j’étais enceinte, j’ai eu une<br />
expérience pénible avec un patient, il a menacé<br />
mon enfant et j’ai eu très peur. J’ai tout de suite<br />
décidé de tout quitter, et j’ai continué dans<br />
l’image, en travaillant pour le festival Printemps<br />
de la photographie, né à Barcelone en 1982.<br />
J’ai commencé en réalisant une exposition sur<br />
Renger-Patzsch, un des membres de la nouvelle<br />
objectivité allemande des années 20, puis une<br />
expo sur la « ville-fantôme » à la fondation Miró.<br />
Avez-vous alors, comme commissaire, accompagné<br />
les mouvements de la Movida ?<br />
La movida est un mouvement typiquement<br />
madrilène du début des années 80, nous avons<br />
vécu des choses différentes à Barcelone.<br />
A la fin des années 70, dans quel état était la<br />
photographie espagnole ? On peut imaginer que le<br />
patrimoine photographique de ce siècle tragique<br />
n’était guère mis en valeur.<br />
Le patrimoine photographique du xx e siècle était<br />
uniquement constitué de photographies cachées<br />
ou oubliées. L’humanisme ou le néo-réalisme avait<br />
existé aussi en Espagne, mais il était complètement<br />
ignoré. Il y a eu un énorme travail à faire<br />
pour mettre à jour toutes ces images historiques.<br />
Quand j’ai travaillé à la Caixa de Barcelone – une<br />
fondation créée par une banque –, j’ai fait près<br />
de 50 expositions afin de donner de la visibilité<br />
aux fonds photographiques du xix e siècle jusqu’aux<br />
artistes encore vivants. Des gens comme Centelles<br />
– que nous avons exposé cet été à l’Hôtel de<br />
Sully – étaient complètement oubliés. Et même<br />
eux ne tenaient pas à être connus. Ils restaient<br />
chargés de peur et de préjugés. Centelles se<br />
cachait derrière ses images de pub, et Campana,<br />
qui avait photographié la guerre civile espagnole, se<br />
cachait derrière les photos de sport qu’il réalisait<br />
pour une agence de presse. Tout était à redécouvrir.<br />
Comment avez-vous procédé pour révéler cet<br />
immense patrimoine ?<br />
J’ai travaillé directement avec les artistes, car la<br />
plupart d’entre eux étaient vivants. Ce qui n’était<br />
pas toujours évident. J’appartiens, comme je l’ai<br />
dit, à la génération qui a eu 18 ans à la mort de<br />
Franco, celle qui a démarré sa jeunesse avec un<br />
nouvel esprit, une envie de tout rompre, même<br />
trop. Alors, nous avions envie d’aller vite, mais<br />
c’était impossible. Les photographes avec qui je<br />
travaillais restaient inconsciemment aveugles ;<br />
ils préféraient par exemple montrer uniquement<br />
leurs images anecdotiques, alors que c’était les<br />
clichés historiques qui m’intéressaient. J’ai eu<br />
des discussions longues et très riches avec eux.<br />
Je devais faire avec leurs préjugés et les miens,<br />
leur peur et ma rage. J’ai beaucoup appris avec<br />
eux, en autodidacte.<br />
Aujourd’hui, qu’a fait l’Espagne de ce patrimoine ?<br />
Beaucoup de gens ont travaillé sur ces archives<br />
de manière beaucoup plus approfondie que<br />
moi, notamment sur les donations des familles.<br />
Depuis Franco, il y avait une volonté en Espagne<br />
de tout centraliser. Ce n’est que récemment que<br />
les archives d’Etat ont été ouvertes à Salamanque<br />
et rendues à chacune des communautés, qui<br />
ont de bien meilleures capacités de gestion de<br />
leur mémoire collective. Mais tout s’est fait très<br />
lentement : ainsi, ces procès de la mémoire historique,<br />
qui voient s’ouvrir les fosses communes<br />
afin d’identifier enfin les cadavres tombés sous<br />
la guerre civile, n’ont commencé que très récemment.<br />
Pendant les quarante ans de la dictature,<br />
on avait oublié que des gens avaient disparu sans<br />
être jamais retrouvés. Pendant quarante ans,<br />
il y a eu une narration de l’Espagne complètement<br />
faussée. Et cela a mis trente ans avant<br />
que se fasse ce travail de mémoire. De la même<br />
manière que Franco est mort très lentement, la
démocratie s’est construite chez nous de façon<br />
très lente. Longtemps, on s’est borné au consensuel.<br />
Cela s’est fait sans violence, mais il y a des<br />
choses que ma génération commence à savoir<br />
seulement maintenant. Par exemple, j’ai réalisé<br />
une exposition sur le pictorialisme tardif en Espagne,<br />
un mouvement aussi décadent que le régime<br />
qui s’est perpétué jusqu’aux années 50 alors qu’il<br />
n’a pas survécu aux années 1910 dans les autres<br />
pays. Aujourd’hui, je pourrais dire qu’il s’agit bel<br />
et bien d’un style de propagande du régime franquiste.<br />
A l’époque où j’ai fait l’exposition, c’était<br />
beaucoup plus délicat :on développait un langage<br />
entre les lignes ; il n’y avait plus de censure, mais<br />
on ne pouvait néanmoins mettre l’évidence en<br />
évidence. Il fallait faire peu à peu.<br />
Votre formation en psychologie vous aide-t-elle<br />
dans votre lecture de l’image ?<br />
Très peu, car l’image a beaucoup évolué : elle<br />
est beaucoup plus dans l’anthropologie – le<br />
politique ou le social – que dans la psychologie.<br />
Alors qu’en Espagne, dans les années 70,<br />
il y avait toute une photographie « d’expression<br />
personnelle » comme on disait alors : moi, je<br />
m’exprime de manière expressionniste et je me<br />
fous de la société. C’était alors inévitable de<br />
psychologiser. Aujourd’hui, on est bien davantage<br />
dans les grands récits.<br />
Après le Printemps de la photographie, vous<br />
êtes donc passée comme vous l’évoquiez à la<br />
tête des arts plastiques à la Caixa.<br />
J’avais commencé à faire des critiques d’art<br />
pour El Pais ou La Vanguardia. Et, un jour,<br />
on me demande d’écrire un article sur une<br />
expo montée par la Caixa sur Jan Saudek.<br />
Je l’ai détestée ! Cette espèce de post-pictorialisme<br />
qui mettait en avant le corps de la<br />
femme comme objet ! En tant que féministe,<br />
j’ai toujours trouvé cela dégueulasse. Et je<br />
ne comprenais pas que la Caixa, qui était<br />
censée faire un travail social, puisse montrer<br />
cela. Suite à l’article, très violent, ils m’ont<br />
contactée ! J’ai argumenté, et ils m’ont alors<br />
proposé de faire une petite programmation<br />
en free-lance, au début des années 90. La<br />
place qu’ils ont consacrée à l’image a été<br />
toujours plus importante de 1994 à 2003.<br />
J’avais un bon budget, une totale liberté dans<br />
ma programmation, et il était aussi urgent<br />
de traiter du patrimoine que du contemporain.<br />
Le seul problème, c’est que la Caixa<br />
était encore réticente à montrer des artistes<br />
vivants. J’ai donc dû beaucoup ruser, notamment<br />
en faisant des expositions collectives,<br />
où je pouvais les infiltrer. J’ai fait tellement<br />
d’expositions collectives qu’aujourd’hui je<br />
suis très réticente à en faire de nouveau.<br />
Pourquoi ?<br />
Depuis mon arrivée au Jeu de Paume, j’essaie<br />
vraiment d’éviter. On a abusé des expos thématiques,<br />
moi la première, je fais mon mea culpa.<br />
Dans de tels cadres, les artistes sont là souvent<br />
pour illustrer les idées des commissaires, si bien<br />
qu’on voit les mêmes participer à des thématiques<br />
complètement différentes, de « la lettre » à « la<br />
mélancolie ». Cela donne des artistes multifonctions.<br />
Je préfère vraiment aujourd’hui travailler<br />
avec une seule personne, voir ce qu’il ou elle a à<br />
partager avec nous. Par exemple, j’ai beaucoup<br />
aimé travailler avec Sophie Ristelhueber. Comme<br />
elle est très connue en Espagne, moi et mes<br />
collègues s’en servant comme d’une référence<br />
constante dès qu’il s’agissait d’évoquer le documentalisme<br />
subjectif, j’ai été très surprise de voir<br />
qu’en France elle restait méconnue. Ce n’est pas<br />
facile de parler et de travailler avec elle, mais j’ai<br />
adoré, et j’ai le sentiment de comprendre seulement<br />
maintenant son travail, après avoir enfin eu<br />
le temps de l’écoute et du regard en silence. Bref,<br />
travailler avec un artiste me donne plus de plaisir,<br />
même s’il y a des tensions. J’en suis à un âge<br />
où je préfère me donner des tensions que faire<br />
plaisir à mes idées. Accepter de se faire bousculer<br />
demeure pour moi primordial, j’ai toujours<br />
eu peur d’être inflexible. Dans le monde de l’art<br />
contemporain, il y a tellement d’institutions qui<br />
deviennent endogamiques tant on a peur d’être<br />
bousculé, d’être trop dans le populisme ou à l’inverse<br />
dans l’intellectualisation. Il y a tellement de<br />
diables qui effraient ! Et de préjugés maladifs.<br />
Une institution comme le Jeu de Paume est<br />
justement au cœur de ces préjugés : il faut à<br />
la fois satisfaire la communauté qui n’aspire<br />
à voir que de la « photo-photo », et celle des<br />
arts plastiques. Deux tribus qui n’échangent<br />
guère…<br />
Il y a en Espagne les mêmes frontières qui<br />
ne mènent nulle part. Les frontières n’existent<br />
que si on s’y arrête. Je suis très heureuse<br />
d’être justement dans cet interstice. Le Jeu de<br />
Paume doit être dans cet interstice, faire partir<br />
la réflexion sur cette question. Pour moi, ces<br />
deux mondes n’ont jamais été opposés. Quand<br />
j’étais à la Caixa, j’exposais autant Cartier-<br />
Bresson que Doug Aitken ou Pierre Huyghe,<br />
ou encore le dessin animé. C’est l’image qui<br />
m’intéresse. L’image est une invention récente,<br />
elle a à peine 180 ans. Et, qu’on le veuille ou<br />
non, toute archéologie de la pensée sur l’image<br />
est contemporaine. Toute exposition, même<br />
historique, est contemporaine : c’est pourquoi<br />
Robert Frank et Sophie Ristelhueber ont si bien<br />
marché ensemble, rassemblés autour de la<br />
notion de document.<br />
Votre programmation satellite, confiée à de jeunes<br />
curateurs et consacrée à de jeunes artistes,<br />
semble un peu négligée par le public et la presse.<br />
Comment y remédier ?<br />
Je sais que c’est bizarre, je sais que l’espace est<br />
difficile, que c’est une programmation excentrique<br />
et « ex-centrique », mais j’y tiens beaucoup.<br />
C’est l’enfant terrible du Jeu de Paume, quelque<br />
chose de nécessaire. Même s’il n’y a que 10 %<br />
des visiteurs qui y passent, je compte sur un effet<br />
de contamination. Simplement, il ne faut pas en<br />
avoir des attentes trop hautes. Tout est question<br />
d’équilibre. Je peux faire Farocki et Graham, très<br />
connus dans le milieu de l’art mais qui n’ont attiré<br />
que 23 000 visiteurs, parce que je sais que je<br />
fais Fellini à l’automne. Et je sais que Lee Miller<br />
amène du monde, qui découvre Jordi Colomer et<br />
Denis Savary. Ce dernier a quand même vu défiler<br />
4 000 personnes, ce qui n’est pas rien pour un<br />
jeune artiste.<br />
Comment travaillez-vous avec les artistes ?<br />
J’essaie surtout de ne pas en donner une image<br />
consensuelle, d’un point de vue historique ou<br />
esthétique ; de chercher des médiations alternatives.<br />
Je sais que ce mot est interdit, mais on ne<br />
peut nier que toute institution publique, la poste<br />
ou un musée, est une médiation avec le public.<br />
Je suis dans la recherche constante d’un dispositif<br />
qui amène l’intime dans le public et le public<br />
dans l’intime. Mettre ensemble Farocki et Rodney<br />
Graham, cela n’a rien d’évident : mais c’est un<br />
processus alternatif qui provoque des choses.<br />
Je ne sais pas si c’est réussi ou pas, mais en<br />
tout cas on est dans la recherche. Idem pour<br />
l’exposition « Richard Avedon ». Quand je suis<br />
arrivée à la tête du Jeu de Paume, elle était déjà<br />
programmée. Mais j’ai remarqué que dans la liste<br />
des œuvres manquait la série « American West ».<br />
Je l’avais montrée à Barcelone un an avant la<br />
mort du photographe et je connaissais sa force.<br />
Mais la plupart des Américains détestent cette<br />
série : du conservateur du MoMA à la fondation<br />
Avedon elle-même. Ils sont persuadés que l’artiste<br />
s’était moqué de la pauvreté sociale de ses<br />
modèles. Pour en avoir parlé avec lui, je savais<br />
que c’était complètement faux, il n’y a dans cette<br />
série aucune ironie. J’ai dû insister, payer très<br />
cher pour la faire venir du Texas. Mais, au final,<br />
je suis sûre que c’est elle qui a amené tant de<br />
monde dans l’exposition : à ce jour, c’est notre<br />
record, avec 130 000 visiteurs. Pour moi, rompre<br />
avec le consensus, c’est ça.<br />
Propos recueillis par Emmanuelle Lequeux<br />
On a abusé des expos<br />
thématiques, moi la première,<br />
je fais mon mea culpa. Dans de<br />
tels cadres, les artistes sont<br />
souvent là pour illustrer les<br />
idées des commissaires.<br />
Je sais que ce mot est interdit,<br />
mais on ne peut nier que toute<br />
institution publique, la poste<br />
ou un musée, est une médiation<br />
avec le public.
MAGAZINE N 51, PAGE 56<br />
Casting & Photography<br />
BRICE COMPAGNON
Il y a plusieurs manières de concevoir le métier de casting director :<br />
assis derrière un bureau et recevant des postulants ou en marche dans<br />
les rues des villes. Brice Compagnon a choisi l’hypothèse deux. à la<br />
recherche du « canon de beauté », mais surtout de « gueules » capables<br />
de figer l’attention du regardeur. S’il a croisé quelques inconnues<br />
aujourd’hui devenues stars, il a longtemps parcouru le monde pour<br />
Oliviero Toscani (période Benetton) pour lui dénicher ce que le visage<br />
humain pouvait avoir d’étrange, d’asymétrique ou d’outré. Il n’est<br />
alors plus question de beauté au sens classique, mais d’humanité : ce<br />
qui me différentie mais aussi ce qui m’est commun à ces inconnus.
MAGAZINE N 51, PAGE 66<br />
— Mais Yusuke, dessiner pour<br />
quelqu’un et pour un animal,<br />
ce n’est pas pareil, si ?<br />
Yusuke<br />
Puisque Bonaparte était déjà pris, Curzio s’était choisi Malaparte comme nom de famille.<br />
« Dans La Peau – à son ami Jack qui le prévient : “Ils vont te tuer comme un chien” –,<br />
Malaparte répond, C’est une très belle mort, Jack. J’ai toujours rêvé d’être, un jour, tué<br />
comme un chien. » …/…<br />
…/… Il retrouvera plus tard son chien Febo<br />
dans le silence d’un laboratoire clandestin, où l’on<br />
a coupé les cordes vocales des bêtes avant de<br />
les torturer. Il y a aussi Julius Winsome, le personnage<br />
pacifique de Gérard Donovan, dont les<br />
balles crépitent dans la forêt enneigée du Maine<br />
après la mort de son chien Hobbes ; les Nouveaux<br />
Prédateurs, groupuscule terroriste qui, dans l’imagination<br />
de Jean-Christophe Ruffin, veut tuer les<br />
pauvres pour sauver la planète ; Johnny Walken,<br />
silhouette de bouteille dans Kafka sur le rivage et<br />
ami de Murakami dans la vraie vie, qui a dressé<br />
ses chiens pour ramener des chats vivants et<br />
manger leur cœur encore battant…<br />
Mes lectures de l’été giclent sur les parois de<br />
mon esprit lorsque je rencontre Yusuke à la<br />
rentrée. La douceur de sa voix, la gentillesse de<br />
son sourire et l’humilité de ses phrases n’enlèvent<br />
rien à sa détermination : après avoir passé<br />
près de vingt ans à dessiner de la mode pour ses<br />
semblables, il a décidé de reprendre le chemin de<br />
l’école, de se former au toilettage pour chiens et<br />
de partir vivre à Vancouver.<br />
Yusuke est arrivé à Paris à la fin des années 80,<br />
quand « la mode c’était vraiment créatif. C’était<br />
l’époque de Jean Paul Gaultier, Thierry Mugler,<br />
Montana, Yohji Yamamoto ; on construisait des<br />
concepts. Aujourd’hui, c’est pas concept mais marketing,<br />
et je voulais créer d’autres concepts, pour<br />
amener quelque chose de fin, d’heureux pour les<br />
gens ». La dernière fois qu’il est rentré au Japon,<br />
« alors qu’en Europe aujourd’hui c’est le babyboom,<br />
je n’ai rencontré que des gens qui veulent<br />
éviter d’avoir des enfants, parce que c’est trop cher<br />
mais surtout parce qu’ils ont peur pour leur futur.<br />
Donc ils sont attirés par les animaux domestiques.<br />
Un chien vit au maximum jusqu’à 18 ans, ils peuvent<br />
assurer sa vie jusqu’à la fin de ses jours. Ces<br />
femmes célibataires qui voient leur chien comme<br />
leur enfant, qui les nourrissent, les promènent et<br />
les coiffent, sont devenues une mode ».<br />
Donc Yusuke, finalement, ne quitte pas la mode,<br />
il va seulement créer pour une clientèle nouvelle.<br />
« Au Japon, quand j’étais petit, il y avait à côté<br />
de chez moi cette dame qui faisait des vêtements<br />
pour son chien. Je trouvais ça tellement mignon<br />
les chapeaux, les petits kimonos, ces robes, ces<br />
manteaux, les pulls tricotés… Mais surtout que<br />
le concept de sa vie, ce soit de créer quelque<br />
chose pour quelqu’un. Elle était très très vieille<br />
et elle donnait tout son temps pour fabriquer des<br />
vêtements pour son chien. Moi qui n’ai pas joué<br />
avec des poupées, j’avais trouvé quelque chose<br />
de mignon à faire. »<br />
Mais Yusuke, dessiner pour quelqu’un et pour<br />
un animal, ce n’est pas pareil, si ? « Pour des<br />
animaux, c’est un peu extravagant, mais c’est pour<br />
se faire plaisir, comme des parents qui dépensent<br />
leur argent pour leurs enfants. Maintenant, ils le<br />
font pour les chiens. Je vais commencer à coiffer, à<br />
magnifier, à colorer aussi, ça commence : éclaircir<br />
le poil, et surtout colorer en marron et en noir, pour<br />
les chiens qui deviennent blancs en vieillissant.<br />
Donc je vais apprendre tout ça, les extensions,<br />
aussi, ça peut être hyper intéressant. »<br />
Enfant, Yusuke avait un mini colley. « Mes parents<br />
me l’ont acheté, ma mère a lu tous les bouquins<br />
pour que le chien soit parfait, et elle m’a donné<br />
une mission : le brosser, faire sa toilette et le<br />
promener trois fois par jour. En fait, ce qui me<br />
plaisait c’est que le chien soit toujours content. Et<br />
puis… [Yusuke se met à bégayer, je comprends<br />
que c’est l’émotion, je ne comprends pas ce qu’il<br />
essaie de me dire] … par accident, oui, c’était<br />
quand j’avais 17 ans, qu’on l’a… » Le premier<br />
grand chagrin de Yusuke date de cet accident,<br />
il y a vingt-cinq ans.<br />
Il avait décidé de ne plus avoir de chien, mais,<br />
arrivé à Paris, alors qu’il se promenait sur les quais,<br />
il a vu un petit chien dans un aquarium ; « Même<br />
pas en cage, il était tellement petit. Un ratier. Le<br />
monsieur m’a dit qu’il avait un problème, son ventre<br />
était gonflé. Il a baissé le prix (parce que j’étais<br />
étudiant) à 400 francs. Au milieu de la nuit, il ne<br />
s’était toujours pas nourri, alors j’ai appelé un vétérinaire<br />
à deux heures du matin. Le docteur a fait<br />
ce qu’il fallait, et pendant trois mois je lui ai fait<br />
une piqûre tous les matins. Il a vécu dix-huit ans,<br />
et ce chien qui devait mourir le premier jour a eu le<br />
temps de faire des voyages, en Espagne l’été avec<br />
moi, à Vienne pour Noël… j’avais fait un vêtement<br />
pour ce voyage, pour le protéger de la neige. »<br />
Yusuke pense tout simplement qu’il a suffisamment<br />
travaillé pour les hommes. « Le reste de<br />
mon énergie, je veux le donner à des animaux, à<br />
des chiens. C’est pour ça que je veux aller vivre<br />
à Vancouver, avec les chiens que j’aime, les bois,<br />
la nature. » Dans cette nouvelle vie, la routine ne<br />
changera pas forcément : « Le matin, les chiens<br />
et le chat viennent me réveiller vers huit heures.<br />
Je fais du riz, on prend le petit déjeuner, puis<br />
on sort, et après on fait chacun nos choses. »<br />
Yusuke n’a jamais vécu avec un autre homme.<br />
« Avant c’était à cause du travail, maintenant ce<br />
sont les chiens », dit-il dans un sourire. « Les<br />
chiens, tu as 100 % de retour de ton amour, sans<br />
condition, sans trahison. Ils sont plus tôt adultes<br />
que les bébés, ils écoutent, ils adorent mes massages.<br />
C’est par eux que je connais les gens du<br />
quartier, les enfants qui viennent les caresser.<br />
Ils ramènent des visages, des gens nouveaux,<br />
des vieilles dames. Ils font sortir la gentillesse<br />
des gens naturellement. Les gens qui n’aiment<br />
pas les chiens sont des gens que je ne pourrais<br />
jamais aimer. »<br />
Yusuke, fatigué des villes, s’éloigne encore. Mais<br />
sa passion pour les chiens le rapproche de son<br />
Japon natal. « La vie des chiens à une époque<br />
était plus importante que celle des humains. Un<br />
shogun [le cinquième, Tsunayoshi Tokugawa,<br />
qui a régné à la fin du xvii e siècle, ndlr] avait<br />
décidé que les chiens étaient plus importants<br />
que les hommes. Les gens qui faisaient du mal<br />
aux chiens avaient la tête coupée. Il y a aussi<br />
l’histoire que les gens adorent du chien très<br />
obéissant, qui tous les soirs allait chercher son<br />
maître gare de Shibuya à 18 h. La guerre commence,<br />
le maître part à la guerre et ne revient<br />
jamais, mais le chien continue tous les soirs à<br />
aller chercher son maître. Il y a une statue du<br />
chien sur la gare de Shibuya. »<br />
Après Vancouver, Yusuke ira à Los Angeles. Et<br />
pourquoi pas créera une école de surf pour les<br />
chiens californiens. « Je veux amener les chiens<br />
au même niveau que les humains. Créer une<br />
école pour les chiens sportifs, par discipline. »<br />
C’est promis, on ira voir. « Avec les animaux, on<br />
tient ses promesses. On ne dit pas “désolé… la<br />
prochaine fois” », me rappelle Yusuke.<br />
Tel maître, tel chien, paraît-il. Les miens ont toujours<br />
été très gentils et un peu dingues. Ceux<br />
de Yusuke reçoivent beaucoup d’amour. Mais le<br />
minuscule échantillon de maîtres-à-chiens que<br />
j’ai interrogés m’a rassuré : la tendance écologiste<br />
à l’inculpation du genre humain, les mouvements<br />
de libération animale, la deep ecology<br />
– qui est dans le collimateur du FBI depuis une<br />
dizaine d’années –, la préférence des urbains<br />
pour les animaux domestiques et le développement<br />
des salons de beauté pour chiens et chats<br />
ne conduisent pas forcément au malthusianisme<br />
des écoterroristes radicaux. La belle théorie de<br />
Gaïa, développée par Lovelock il y a tout juste<br />
trente ans, dans le sillage des enfants hippies<br />
de Mother Earth, n’a pas produit une génération<br />
antihumaniste. Juste un peu plus narcissique.<br />
« Mon chien », écrivait Malaparte, « représente la<br />
partie la meilleure de moi, la plus humble, la plus<br />
pure, la plus secrète. Je n’ai jamais aimé autant<br />
une femme, un frère, un ami que Febo. C’était<br />
un chien comme moi… C’était un être noble,<br />
la créature la plus noble que j’avais rencontrée<br />
dans ma vie. »<br />
Mathias Ohrel
MAGAZINE N 51, PAGE 68<br />
PLAYBOB<br />
Voici quelques équations que nous allons bientôt<br />
pouvoir mettre à la poubelle : magazine = information,<br />
magazine de marque = catalogue de<br />
produits, biographie = livre. En quelques années,<br />
ces frontières ont volé en éclats et parfois pour le<br />
meilleur, comme quand certaines marques comme<br />
Acne, Mini ou American Apparel livrent des<br />
magazines plus intéressant que les « vrais ».<br />
Mais voilà, le blog est passé par là. Pas un « minipeople<br />
», pas un pseudo-activiste, pas un clubber,<br />
pas un simili-artiste qui n’ait le sien, le plus souvent<br />
pour dire « j’ai vu ça et ça et ça », à la manière de<br />
post-it visuels. Car le seul sujet d’un blog est son<br />
auteur. Même si son contenu montre des paysages,<br />
du graphisme, de la mode, le sujet est le regardeur<br />
et ce regard à travers lequel je regarde à mon tour<br />
le monde. Je ne me moque pas. Si Olivier Zahm<br />
vient de signer une campagne de publicité en tant<br />
que photographe, son blog-journal intime, souvent<br />
en noir et blanc, n’y est certainement pas étranger.<br />
Ce petit programme informatique aurait donc fait<br />
mieux que douze ans de magazine de mode…<br />
Cette longue introduction pour vous parler de<br />
Monsieur Bob, qui a 40 ans et beaucoup plus<br />
de disques, qui aime les filles nues et le potentiel<br />
évocateur de son année de naissance. Donc,<br />
Monsieur Bob va éditer un magazine à sa gloire :<br />
comment Bob a commencé ; le dernier album de<br />
Monsieur Bob ; ses amis ; ses collègues de travail<br />
; ses clips ; et même ses fausses pubs. Certes,<br />
ça fait un « objet promo » qui a de la gueule :<br />
96 pages de faux Playboy (avec son accord), le<br />
tout gratuit et même avec une certaine sincérité<br />
dans la démarche.<br />
On sait bien les sommets atteints par le personal<br />
branding et l’importance prise par les personnes<br />
au détriment de leur production, y compris dans<br />
d’autres domaines que ceux de la création. Mais il<br />
faut certainement avoir une double dose de mégalomanie<br />
pour penser pouvoir intéresser, avec sa<br />
petite personne, le lecteur lambda croisé au hasard<br />
de la rue des Archives. Il y a une politesse que<br />
j’aime dans la presse : celle de s’effacer devant<br />
le monde pour le raconter, et n’apparaître que<br />
discrètement, de sa signature. Alors, je n’ai pas<br />
résisté, j’ai compté : 23 apparitions de Bob dans<br />
les 96 pages du magazine. Heureusement, Playbob<br />
présente aussi l’actualité de 1969 en cinéma,<br />
musique, graphisme, etc. Sans oublier la playmate<br />
en poster central, puisqu’on fait dans le régressif…<br />
Il y a de quoi être dérouté, à moins que Playbob ne<br />
soit le dossier de presse, maquetté, imprimé et prêt<br />
à l’emploi à l’usage de la presse…<br />
France, one shot, 100 p., 210 x 280 mm, gratuit.<br />
Chef de projet, rédactrice en chef : Carole Thomé<br />
Directrice artistique : Stéphanie Buisseret<br />
Directeur de la publication : Bob Sinclar<br />
Production : Danielle Verheul & Famke Visser<br />
Éditeur : Yellow productions
MAGAZINE N 51, PAGE 70<br />
à la différence de l’artiste ou<br />
de l’écrivain, le designer se voit<br />
dénié le droit à la méchanceté.<br />
pour aller vite, sa posture doit<br />
nécessairement être généreuse.<br />
-Beau et bien ?<br />
-Ou affreux,<br />
sale et méchant.<br />
Réanimer le design, voilà l’affaire. Le cabinet de curiosités est-il l’horizon indépassable<br />
de l’avenir domestique ? Du plaidoyer pour un nouvel enchantement du monde (Andrea<br />
Branzi) à la transformation de l’exception en système (Li Edelkoort), quelques pistes<br />
d’actualité et autant d’interrogations sans fond – pas sans fondements.<br />
Andrea Branzi : « Le rapport entre l’homme et<br />
les objets est un rapport opaque, tout n’apparaît<br />
pas à la lumière du jour. Certains objets portent<br />
bonheur, d’autres non. La culture du projet a<br />
perdu cette capacité charismatique et, en présence<br />
d’un milieu de plus en plus aseptisé et anonyme,<br />
ce sont les objets qui se chargent de ce<br />
témoignage, grâce à leur fonction chamanique de<br />
connexion de la réalité quotidienne à une dimension<br />
plus profonde et inexplorée. » Cette proposition<br />
accompagne l’exposition (1) de quelques<br />
pièces, essentiellement en bois, recourant aux<br />
assemblages et recyclage de matériaux anciens,<br />
de grillage à poule et de divers autres signaux de<br />
nature moins physique. Mystère, magie, mystique<br />
et techno 3M associées : histoire, mythologie et<br />
animismes sont injectés par Branzi dans ses pièces<br />
comme le xylophène par le restaurateur dans<br />
sa lutte contre le termite. Il agit en technicien.<br />
Tandis que s’achève la décennie qui a vu le design<br />
entrer dans la galerie avec un lustre inédit, d’autres<br />
sorciers du design s’agitent dans leur laboratoire.<br />
La galerie Kréo fête en septembre l’anniversaire<br />
d’un phénomène qu’elle a mené tout ce temps ;<br />
Li Edelkoort sélectionne 149 pièces à l’occasion<br />
d’une vaste vente aux enchères (2), célébration<br />
hors normes du chaudron néerlandais remué sans<br />
retenue pendant ces mêmes dix années tandis<br />
qu’elle dirigeait la Design Academy d’Eindhoven.<br />
Et où sommes-nous parvenus ? On commence<br />
avec la dame (n’oubliez pas le guide). La transformation<br />
de l’exception en système, de l’anomalie<br />
en procédé, du bizarre en principe de clonage,<br />
génère un vertige. Un sentiment étrange d’étouffement<br />
face à ce qui se lit comme l’étalage des<br />
panoplies issues d’une lecture mécaniquement<br />
altérée des fiches de cuisine du design. Durcir le<br />
mou, ramollir le rigide, le petit démesuré, le grand<br />
microbe, le tank porcelaine : un bréviaire de postures<br />
surréalistes devenu exhausteur de goût.<br />
L’absurde posé en dogme n’est pas moins une<br />
plaie que le mobilier de bureau d’un open space<br />
de télémarketing. Répandu partout, il est aplatissement<br />
des excroissances de l’esprit. Dans cette<br />
nouvelle soupe ou bouillon d’inculture, où l’ignorance<br />
est posée en gage de liberté, les objets<br />
s’entre-dévorent d’autant plus férocement que<br />
la majorité sont des monstres. La lampe d’une<br />
demoiselle Karin Frankenstein entamant la sélec-<br />
tion de Li Edelkoort nous ravit forcément. C’est<br />
aussi l’effet catalogue, inévitable ; la succession<br />
folle devient orgie nauséeuse. Bref, on s’ennuie à<br />
nouveau là où l’excitation devait renaître. L’intrépide<br />
tentative de fuite du champ de ruines fonctionnalistes<br />
est devenue caricature, un slogan rebelle de<br />
Ben sur la couverture du cahier de textes.<br />
Essayer de comprendre les motifs de la grande<br />
fatigue : pourquoi si peu de productions du design<br />
susceptibles d’éveiller la curiosité ? de donner à<br />
nouveau l’envie de rencontrer celui ou celle qui se<br />
tient derrière ? de sauter avec lui sur des ressorts<br />
de création ? Trop de design redondant, anecdotique,<br />
maniéré. Chaises stériles, canapés mortels,<br />
électroménager ignoble. Les galeries de design<br />
se disputent encore une majorité d’artifices où<br />
le précieux le dispute à la prétention. Démagogie<br />
et vulgarité, entrechats de vénalité. Comme cela<br />
arrive parfois, une citation se pose alors, même<br />
pas convoquée, de celles qui s’attrapent comme<br />
l’organisme affaibli embrasse en octobre tous les<br />
virus à portée. Elle ouvre une nouvelle perspective,<br />
d’emblée splendide.<br />
Simone Weil : « Dans la vie, le bien est beau et<br />
toujours nouveau, le mal ennuyeux et toujours<br />
le même. Dans la littérature, au contraire, le<br />
bien est plat et fastidieux, le mal, intéressant et<br />
varié. La raison à cela est la présence dans la<br />
réalité d’une nécessité qui est absente dans la<br />
fiction. » (3) La simplicité de la proposition est<br />
troublante. Sa dernière partie exige un peu plus<br />
de concentration. Pour peu que l’on considère<br />
effectivement cette « nécessité », c’est bien<br />
d’elle dont le design se ferait l’écho, puisque<br />
c’est dans la vie qu’il envisage son ancrage et<br />
sa destination. On se dit, tiens, voilà une clé<br />
pour comprendre l’ennui. Le design, voué à ce<br />
service qu’est celui de l’accomplissement d’une<br />
fonction, se trouve évidemment préoccupé de<br />
bien. A la différence de l’artiste ou de l’écrivain,<br />
le designer se voit dénié le droit à la méchanceté.<br />
Pour aller vite, sa posture doit nécessairement<br />
être généreuse. Mais le design a su y être<br />
intéressant et varié, n’envisageant que cette fin.<br />
Jusqu’à ce qu’il se trouve un peu trop adapté<br />
aux grands bureaux et aux grandes prisons,<br />
motifs de la haine farouche que vouaient Debord<br />
et consorts au Corbusier, pour l’exemple, et à<br />
tous les bâtisseurs de cimetières verticaux et<br />
de garrots de chaise. Le designer contemporain,<br />
lorsqu’il s’enduit d’altruisme et de perspective<br />
sociale, ressemble à un adolescent plongeant<br />
sa main dans le gel capillaire « saut du lit ».<br />
Son discours d’autant moins inspiré qu’il n’est<br />
évidemment pas sincère, malheureux perroquet<br />
modèle Gropius. Son problème majeur : il ne sait<br />
plus comment rendre service, mais il n’a pas<br />
non plus le talent à la production de quoi que ce<br />
soit d’autre, parce qu’on ne lui a appris que ça.<br />
Ce qui lui manque, simplement, c’est le style,<br />
et ça ne s’est jamais vraiment appris dans les<br />
écoles. Le design, comme la littérature, ne peut<br />
s’en passer (en a-t-il jamais été autrement, au<br />
fond ?) – ce n’est pas une question de bien ou<br />
de mal, mais d’écriture. Où l’on retrouve assez<br />
fatalement Céline : « Je crois que le rôle documentaire<br />
et même psychologique du roman est<br />
terminé, voilà mon impression, eh bien, qu’est-ce<br />
qu’il lui reste ? eh bien, il ne lui reste pas grandchose<br />
: il lui reste le style. » (4)<br />
Avec Andrea Branzi et la possibilité d’un objet<br />
qui ne porte pas bonheur, ou Hella Jongerius et<br />
ses cauchemardesques pièces de mobilier aux<br />
accouplements animaux contre-nature (dernières<br />
importantes propositions chez Kréo), nous<br />
retrouvons quelque chose de « sale ». L’objet<br />
prend le risque littéraire, avec l’argument mystique/animiste<br />
(Branzi) ou décoratif/narratif (Jongerius).<br />
Il pourrait pénétrer aussi le territoire du<br />
mal, sans pour autant avoir vocation à étrangler<br />
son utilisateur ou castrer celui invité à s’y asseoir.<br />
Il faudra donc, décidément, apprendre à distinguer<br />
d’entre les foules (encore prospères) quels<br />
sont les avortons trop vite échappés des éprouvettes<br />
et où se dressent des chimères envoûtées.<br />
Quel est le mobilier du prince Malko et à partir de<br />
quel moment la décoration devient-elle légitime ?<br />
Il y a encore tant de possibilités. Et c’est toujours<br />
sur nous que ça retombe. Tant mieux.<br />
Pierre Doze<br />
(1) Grandi Legno, galerie Azzedine Alaïa, du<br />
10 décembre 2009 au 10 janvier 2010. Voir aussi<br />
l’exposition « Les années Staudenmeyer, 25 ans<br />
de design en France » au Passage de Retz, à<br />
partir du 3 décembre et à l’occasion de la parution<br />
d’un livre consacré à Pierre Staudenmeyer.<br />
(2) Pierre Bergé & associés, 13 septembre.<br />
(3) Morale et Littérature, 1944, publié sous le<br />
pseudonyme d’Emile Novis.<br />
(4) Cité dans Dieu, qu’ils étaient lourds !!!,<br />
monologue adapté et mis en scène par Ludovic<br />
Langelin (2009), fondé sur des entretiens<br />
radiophonique de Louis-Ferdinand Céline entre<br />
1955 et 1959.
MAGAZINE N 51, PAGE 72<br />
Quant à savoir pourquoi<br />
l’électricité s’est arrêtée…<br />
On a beaucoup parlé, et puis on<br />
s’est tu, et il a fallu se résoudre<br />
à ne jamais savoir pourquoi.<br />
Les résilients<br />
Déchets et décomposition prolifèrent, accompagnant comme son ombre la fièvre<br />
consommatrice. Mais l’Histoire opère un renversement et transforme le rebut en signe<br />
d’une époque révolue.<br />
La lumière s’est éteinte progressivement, par<br />
plaques, comme dans un dernier et fantastique<br />
remake de Billie Jean. Ceux qui habitaient sur les<br />
hauteurs ont dû assister à un sacré spectacle. On<br />
dit que tout est parti de la côte est de l’Empire,<br />
mais comme personne ne peut rien affirmer…<br />
De toute façon, maintenant, c’est la nuit. Et en<br />
Occident comme dans toutes les grandes villes du<br />
monde, il n’y a plus de survivants. Il n’y aura plus<br />
jamais de clip vidéo, de G8, ni d’i-Phone. Plus<br />
jamais de Coupe du Monde, d’Audi A4, d’écran<br />
plat, ni de G20. C’est à cause de la lumière.<br />
Quand elle s’est éteinte, la moisissure noire s’est<br />
développée en quelques heures, anéantissant<br />
toute forme de vie humaine citadine. Il paraît que<br />
c’étaient des spores qui s’étaient accumulées là<br />
depuis des années, à l’insu de tous, parce que<br />
la lumière les empêchait d’éclore. C’étaient des<br />
spores qui aimaient le propre, le rangé. Des spores<br />
qui aimaient la vie confinée, les rituels de<br />
bureau, la consommation de masse. Des spores<br />
qui aimaient l’énergie nucléaire, l’industrie chimique<br />
et agro-alimentaire, les loisirs organisés et<br />
la substitution de la vie par sa représentation<br />
orchestrée selon les lois du désir organisé. Des<br />
spores qui s’accommodaient des relations sociales<br />
qui prévalaient en ce temps-là. Bref des spores<br />
qui proliféraient agréablement à l’ombre de ce<br />
qui avait été appelé alors un choix de société.<br />
Quant à savoir pourquoi l’électricité s’est arrêtée…<br />
On a parlé d’OVNI, de conspiration, de<br />
l’axe du mal, de barbus fanatiques, de hackers<br />
boutonneux. On a parlé de surcharge, de risque<br />
de système, de choc exogène, d’équilibre de<br />
Nash. On a parlé d’allocation sous-optimale au<br />
sens de Pareto, d’asymétrie informationnelle et<br />
de contrats de second rang. On a beaucoup parlé,<br />
et puis on s’est tu, et il a fallu se résoudre à<br />
ne jamais savoir pourquoi. Mais le mystère de<br />
la naissance, de l’étincelle première, de la cause<br />
dont elle est la conséquence n’est-il pas le lot de<br />
toute civilisation, même post-humaine ?<br />
C’est marrant de penser que ceux qui avaient<br />
tant voulu se protéger du risque de vivre avaient<br />
fini par en mourir. C’est un peu triste pour les<br />
médecins, les architectes, les psychanalystes et<br />
autres apôtres de la survie. Mais, après tout, ils<br />
connaissaient sans doute la formule selon laquelle<br />
« il n’est pas donné à tout le monde d’avoir une<br />
mort heureuse ». Ils avaient bien dû se rendre à<br />
l’évidence du désintérêt profond que leur accordait<br />
le pouvoir, et de la compromission fatale à<br />
laquelle ils avaient été contraints. Ils avaient bien<br />
dû imaginer que leurs stratégies de survie déguisées<br />
en espérance ne laissaient guère de place<br />
à l’idée de liberté. Et sinon, c’est qu’ils méritaient<br />
de crever. Et puis, ils nous ont tout de même<br />
laissé un nom, à nous, les Résilients. Et ce n’est<br />
pas si mal. C’est comme un lien ténu, un petit<br />
fil conceptuel qui nous rattache au passé et au<br />
prodigieux destin de l’espèce précédente.<br />
C’est marrant de penser que nous, qui avions été<br />
rejetés dans les décharges, qui avions été circonscrits,<br />
placés à la périphérie de la joie, sommes<br />
aujourd’hui les seuls héritiers du sommet de<br />
la création, ce que l’on appelait avant l’humanité.<br />
On nous avait baptisés les réprouvés, les clandestins,<br />
les pauvres. Mais, en fait de conditionnement,<br />
celui des ordures s’était avéré moins<br />
létal que celui des humains ! De l’autre côté de<br />
la consommation, la fange nous avait mis à distance,<br />
l’excrément nous avait accordé sa grâce, la<br />
souillure nous avait préservé des foudres de l’apocalypse.<br />
Nous sommes la Nouvelle Jérusalem.<br />
Bien au chaud dans les dédales d’immondices<br />
rejetées par le centre, dans ces cités cyclopéennes<br />
qui poussèrent aux bordures de l’Occident,<br />
nous avions regardé s’écrouler cet édifice qu’on<br />
disait là pour mille et mille ans. Aménagées au<br />
creux des tonnes de couches pour bébé, entre<br />
les ruisseaux de mercure, au pied des collines<br />
de sacs plastiques, en bordure des forêts de<br />
carcasses de voitures, à l’aplomb des falaises<br />
d’électroménager pourrissant, au bord des lacs<br />
d’acide de batterie, nos maisons s’organisaient<br />
autour d’un bonheur réel qui s’était frayé un chemin<br />
dans l’immondice. Contraints à la solidarité<br />
par la toxicité, nous avions survécu quand tout<br />
semblait devoir s’arrêter. Pasteur l’avait bien dit :<br />
le microbe n’est rien, le terrain est tout.<br />
Et nous étions là, hésitant entre science-fiction<br />
et préhistoire, sous le grand dôme des excréments<br />
du monde disparu ; sondant la matière<br />
molle et chaude, seul héritage de la civilisation<br />
précédente. Interrogeant l’ordure dans l’espoir de<br />
comprendre ce qui avait bien pu se passer. Cette<br />
question, on ne pouvait jamais l’occulter, à cause<br />
de l’odeur, la chaude puanteur de la décomposition.<br />
La décomposition, le dernier trésor du<br />
monde libre. Cette providentielle source d’énergie<br />
qui nous avait maintenus en vie quand le monde<br />
précédant s’était écroulé. Avant que finalement<br />
nous mutâmes. Elle était partout, elle était nous,<br />
on lui devait tout. Entièrement coupés de toute<br />
autre mémoire, la puanteur était devenue peu à<br />
peu le seul vrai lien qui nous unissait encore aux<br />
hommes et à leur souvenir. Un lien ténu mais réel,<br />
d’autant plus vivant et universel qu’il s’adressait<br />
à chacun, sans distinction de milieu, d’origine ou<br />
de capital culturel. Car tous les esprits et tous<br />
les cœurs s’animent au secret de l’arôme. Car<br />
toutes les mauvaises odeurs nous concernent et<br />
semblent nous révéler quelque chose sur nousmêmes.<br />
Car tous les parfums obligent à la vérité<br />
du souvenir. Et quand notre histoire devint finalement<br />
une archéologie du déchet, l’odeur prit la<br />
place centrale et délicate de la mémoire vivante.<br />
Les générations se succédant, il fallut transmettre<br />
ce pouvoir d’évocation mnésique. C’était un<br />
exercice quotidien pour les familles, comme une<br />
sorte de devoir de mémoire, d’éducation pratiquée<br />
sans y penser. Au gré des promenades<br />
dominicales sur les grands plateaux de fange, au<br />
détour des sentiers serpentant dans la vidange,<br />
quand un fumet caractéristique se détachait de<br />
la puanteur totale, le bon père de famille évoquait<br />
alors le souvenir du mot associé à l’odeur, comme<br />
autrefois on faisait réciter les départements. Bien<br />
sûr, la généalogie de la pourriture n’échappait pas<br />
aux approximations immanquables que le temps<br />
apporte, mais même lorsqu’un mot s’était peu à<br />
peu substitué à un autre, la force d’évocation de<br />
l’odeur faisait jaillir dans l’imagination des images<br />
semblables à aucune autre. Et c’est comme ça<br />
que, bien des années après l’an zéro, alors que<br />
l’enseigne à l’arche d’or n’était plus qu’un concept,<br />
celui qui n’avait rien connu de cet ancien monde<br />
était capable de parler d’un cheeseburger.<br />
Sylvain Ohrel
MAGAZINE N 51, PAGE 75<br />
La fragilité du vide<br />
Elle s’était retrouvée à travailler dans cette galerie d’art par hasard, pour payer le<br />
loyer. Après tout, une assistante était une assistante et il ne fallait pas être plus<br />
débrouillarde que dans la banque ou l’assurance.<br />
« Aaaah, et voici la merveille, le<br />
clou (...) pu tout aussi bien la<br />
rater (...) un défi au principe<br />
de l’exposition – l’artiste a<br />
voulu la situer précisément,<br />
hors de la scénographie »<br />
première édition<br />
FOIRE D’ART CONTEMPORAIN<br />
Bourse du Commerce, Paris<br />
22-25 octobre 2009<br />
—<br />
cutlog.org<br />
La fragilité du vide,<br />
six sacs plastiques, 2008,<br />
Kader Attia.<br />
Le premier jour, le galeriste, pressé, l’envoya<br />
repérer la dernière curiosité de son écurie dans<br />
une grande exposition ministérielle : « C’est huit<br />
sacs en plastique, de couleurs vives, posés à<br />
même le sol, à gauche en entrant, ils ne sont<br />
même pas sur la scéno, il y a seulement une<br />
bande de gaffer qui délimite l’espace, tu ne peux<br />
pas les rater. »<br />
Elle aperçut l’un des trois commissaires de<br />
l’exposition qui était déjà là, en compagnie d’un<br />
groupe de collectionneurs allemands : « Aaaah, et<br />
voici la merveille, le clou (...) pu tout aussi bien<br />
la rater (...) un défi au principe de l’exposition<br />
– l’artiste a voulu la situer, précisément, hors de<br />
la scénographie (...) excellente notice en donne<br />
d’ailleurs quelques (...) entre l’espace visuellement<br />
scénographié et le reste de (...) situe entre<br />
le visible et l’invisible, entre (...) et (...) et l’infiniment<br />
(...) entre-deux de l’exposition traduit bien<br />
toute l’ambiguïté (...) banals et (...) ne peuvent<br />
laisser indifférent. L’artiste Kader Attia (...) vision<br />
très pessimiste de la société actuelle, en convoquant<br />
le signe le plus quotidien de la pollution, le<br />
sac plastique, (...) plastique peut être entendu<br />
comme la matière issue du pétrole, un autre symbole<br />
(...) grandes considérations écologiques (...)<br />
donner une forme, créer par la simple mise en<br />
espace, par le modelé le plus minimal. (...) On<br />
peut aborder cette œuvre comme une mise en<br />
garde, un signal (...) dramatique à l’échelle de<br />
la planète. Les sacs plastiques, effectivement,<br />
sont le symbole de la société de (...) toute la<br />
complexité de notre système (...) richesses<br />
absurdes (...) s’effondrer à tout moment (...) tant<br />
de richesses et de pouvoir qui reposent sur (...)<br />
formes minimales. Et (...) tout à fait intéressant.<br />
Le sac (...) plastiquement contradictoire : léger<br />
et fragile (...) garde la trace (...) parlait d’une<br />
anecdote – qui ne peut, certainement, rendre<br />
compte de toute la complexité de l’œuvre, mais<br />
qui mérite que l’on s’y attarde – autour d’une<br />
vision, dans la rue, d’un (...) de ce qu’il avait<br />
contenu (...) des volumes, du poids, par le seul<br />
effet du vide. La métonymie plastique que (...)<br />
paradoxe de la sculpture ici résumé : donner du<br />
volume en enlevant de la matière. »<br />
L’assistante ne traîna pas et partit déjeuner avec<br />
une amie, chargée de com chez Fauchon :<br />
« Et alors, c’est une installation minimaliste, un<br />
peu dans l’exposition et un peu invisible, ça<br />
représente le paradoxe entre le vide et le plein,<br />
c’est comme, tu sais, les start-up et tout ça, des<br />
grandes entreprises, des trucs de fou créés en<br />
un rien de temps, et pouf ! à la première crise, ça<br />
lâche. Et aussi, les sacs plastiques qui gardent<br />
la forme de ce qu’ils ont contenu, c’est comme<br />
un peu l’expression du plein et du vide à la fois,<br />
comme les vides et les pleins en sculpture, et<br />
aussi la pollution, parce que les sacs poubelles,<br />
on commence seulement à s’en rendre compte,<br />
mais ça représente des tonnes de plastiques qui<br />
ne se biodégradent jamais et ça, ça pollue à une<br />
vitesse folle. Alors, c’est le parti pris de la vie quotidienne<br />
dans sa fragilité, au point de ne montrer<br />
que ce que nous considérons comme de la poubelle.<br />
Enfin, en tout cas, c’est une œuvre balèze<br />
qui pose les questions de l’œuvre, de l’exposition,<br />
de l’art dans les expositions, du rôle de l’artiste<br />
du plastique et des tas de questions comme ça,<br />
hyper importantes au jour d’aujourd’hui.<br />
— Oui, mais quand même, c’est surtout une<br />
énorme arnaque à la production, non ? Et le<br />
public marche ? Vraiment, personne n’a pensé à<br />
jeter un déchet dans les sacs ?! »<br />
L’artiste, pensif, fit aussi sa visite, avant celle de<br />
la presse : « Ce gaffer au sol, c’est n’importe<br />
quoi, en deux deux ça va être noir de poussière<br />
avec ce béton pourri. C’est quand même un sacré<br />
cadeau à la prod, s’il y a le moindre truc au<br />
retour, je leur fais payer plein pot. Et vu la notice<br />
de pacotille que je me tape, ils n’ont pas intérêt à<br />
louper leurs visites. »<br />
Géraldine Miquelot<br />
les personnages de ce texte sont fictionnels.
MAGAZINE N 51, PAGE 76<br />
L’œil Neuf<br />
Quels furent les débuts d’un grand éditeur de la photographie contemporaine ?<br />
Dans les années 50, Robert Delpire, alors directeur technique, met en place les<br />
formules de Neuf et de L’œil.<br />
Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale,<br />
en France, la société civile se mobilise pour la<br />
reconstruction du pays. Le secteur des industries<br />
graphiques, qui a souffert du pillage et de<br />
la répression pendant l’Occupation, est particulièrement<br />
sollicité pour y contribuer. De nombreuses<br />
initiatives, productions et réalisations<br />
voient le jour dans le champ du graphisme et de<br />
la typographie. Le nouvel Etat, qui a nationalisé<br />
l’ensemble des grandes entreprises de service<br />
public, doit emprunter et lance de vastes campagnes<br />
publicitaires pour financer la « reconstruction<br />
». Des commandes sont passées à<br />
quelques figures de l’affiche des années 30,<br />
comme Paul Colin, Jean Carlu ou Raymond Gid,<br />
mais c’est la nouvelle génération, souvent issue<br />
de l’école Estienne, à Paris, qui profite de cet état<br />
de fait pour s’affirmer. Les murs des administrations,<br />
des bâtiments publics, des écoles s’ornent<br />
des visuels de Jacques Nathan-Garamond, Jean<br />
Colin, Guy Georget, Villemot et quelques autres.<br />
Le ministère des Finances constitue une commission<br />
de l’imprimé pour redéfinir les normes en<br />
usage dans l’administration.<br />
Il est fait appel au typographe Maximilien Vox,<br />
bien que celui-ci ait mis son savoir-faire au service<br />
du régime de Vichy. Vox assisté d’Henri Jonquières<br />
et de Marcel Jacno s’attèlent à la charge<br />
et, en 1952, le typographe publie une nomenclature<br />
de caractères, la célèbre « classification<br />
Vox ». Néanmoins, la modernité française ne<br />
se reflète pas dans des recherches graphiques<br />
d’avant-garde. Le ton est plutôt à une effervescence<br />
néo-classique. Peut-être le résultat de<br />
positions protectionnistes et idéologiques prises,<br />
dès les années 20-30, par les grandes fonderies<br />
comme Deberny & Peignot, face aux théories de<br />
la Nouvelle typographie développées par l’Allemand<br />
Jan Tschichold.<br />
Début des années 50, le design éditorial, lui aussi,<br />
fait l’objet d’une refonte en profondeur. Un design<br />
qui profite de l’invention des ingénieurs français,<br />
René Higonnet et Louis Moyroud, la photocomposeuse.<br />
Un prototype, nommé Photon, est fabriqué<br />
en 1946 avec le soutien d’industriels américains<br />
et, en 1954, un premier modèle, baptisé Lumitype,<br />
débarque chez Deberny & Peignot. Cette<br />
nouvelle évolution technologique et les recherches<br />
de l’architecte Pierre Faucheux, passé au<br />
graphisme, annoncent par ailleurs la réinvention<br />
du livre-objet, dont les clubs de livres, organismes<br />
de vente par correspondance inspirés des<br />
systèmes allemand et américain, s’emparent. Le<br />
travail de Faucheux ne se limite pas au seul livre.<br />
En 1950, il est sollicité par un jeune étudiant en<br />
médecine, Robert Delpire qui, féru de journalisme<br />
et un peu malgré lui, a pris la direction d’une<br />
nouvelle revue, Neuf. Neuf est l’organe de presse<br />
de la Maison de la médecine qui regroupe les<br />
activités culturelles et sportives des étudiants.<br />
Pour Delpire, il ne s’agit pas de faire un simple<br />
bulletin d’association mais une vraie revue avec<br />
de « bons » textes et des illustrations de qualité.<br />
Tout manque, surtout l’argent, mais pas le culot.<br />
Robert Delpire s’adresse aux artistes, photographes,<br />
écrivains et illustrateurs de renom. La une du numéro<br />
un, qui paraît en juin 1950, propose la photographie<br />
d’un masque « Haïda » de la collection d’André Breton<br />
prise par Facchetti. André Breton participe à ce<br />
premier sommaire avec une « Note sur les masques<br />
à transformation de la côte pacifique Nord-Ouest »,<br />
qui révèle la particularité de certains masques possédant<br />
un élément capable de pivoter sur lui-même.<br />
Le numéro deux, en date de Noël 1950, offre sa<br />
une à Brassaï. Le sommaire s’ouvre sur des articles<br />
médicaux puis des articles aux signatures prestigieuses<br />
: « De la vocation d’écrivain » par Jean-Paul Sartre<br />
; « Marc Chagall, peintre de l’amour heureux » par<br />
Michel Ragon ; « Brassaï » par Henry Miller ; « Extraits<br />
de l’Histoire de Marie » par Brassaï ; « Izis » par Marc<br />
Bernard ; « La jeune fille brune » par Marcel Mouloudji.<br />
En tout : 82 pages de textes, d’illustrations en noir<br />
et blanc et en couleur tirées à 5 000 exemplaires,<br />
vendues essentiellement par abonnement. Le comité<br />
de rédaction est composé d’internes des hôpitaux et<br />
de la collaboration, en tant que directeur technique,<br />
de Pierre Faucheux.<br />
Robert Delpire dit de cette collaboration : « J’ai<br />
rencontré Pierre Faucheux à une époque où<br />
je ne savais rien d’un métier qui me fascinait,<br />
celui d’éditeur. Je n’avais que des intentions, des<br />
envies, des aspirations : publier des livres, créer<br />
une revue. Pierre Faucheux m’a apporté ce que je<br />
n’aurais pu faire sans lui : une parfaite connaissance<br />
des techniques mais surtout une liberté<br />
d’esprit, une fantaisie, une aisance exceptionnelle<br />
à manipuler la lettre et l’image dans un constant<br />
refus des conventions et des habitudes. Pendant<br />
un temps, j’ai tout appris de lui et je lui en suis<br />
encore très reconnaissant. » Si la maquette reste<br />
sage et relativement classique, Neuf devient une<br />
Pour Delpire, il ne s’agit pas<br />
de faire un simple bulletin<br />
d’association mais une vraie<br />
revue avec de « bons » textes<br />
et des illustrations de qualité.<br />
Tout manque, surtout l’argent,<br />
mais pas le culot.<br />
revue de référence pour la nouvelle avant-garde<br />
photographique qu’incarnent Cartier-Bresson,<br />
Doisneau, Werner Bischof, Robert Frank et<br />
William Klein. Mais l’originalité de Neuf tient<br />
aussi dans le mélange des genres et un certain<br />
éclectisme illustratif.<br />
Robert Delpire rencontre le dessinateur André François,<br />
à qui il confie la une du numéro six, Spécial<br />
dessin humoristique. Instinctivement, Delpire donne<br />
un nouveau statut au dessin dit « de presse ». Des<br />
artistes et dessinateurs, inclassables, interviennent<br />
dans les pages de la revue comme Mose, Chaval<br />
ou Steinberg. Cette ligne éditoriale va conditionner<br />
et affirmer l’originalité de son travail d’éditeur. En<br />
1955, la collaboration avec Pierre Faucheux se<br />
poursuit avec la conception de la maquette d’une<br />
nouvelle revue d’art, « L’Œil ». Editée en Suisse<br />
mais conçue rue des Saints-Pères à Paris, la revue<br />
propose un autre regard sur la peinture. Directeur<br />
technique (on ne parle pas encore de directeur<br />
artistique) du magazine, Robert Delpire porte, avec<br />
une maquette sobre, un œil neuf sur la création<br />
contemporaine. Une démarche et une posture qui<br />
définissent, depuis une cinquantaine d’années, l’un<br />
des grands éditeurs d’images contemporaines.<br />
Pierre Ponant
Van Leo - Sherihan actrice égyptienne - Le Caire, Egypte, 1976 - Collection Fondation Arabe pour l’Image - © Fondation Arabe pour l’Image<br />
Le programme de Paris Photo dans<br />
l’édition parisienne du 11 nov. de<br />
19-22 NOV. 09 - Carrousel du Louvre, Paris - www.parisphoto.fr<br />
Photographie arabe et iranienne à l’honneur<br />
Je 1. 10<br />
Cinéma<br />
Festival du cinéma allemand<br />
Coloration politique pour cette<br />
14 e édition, 20 e anniversaire de la<br />
chute du Mur oblige.<br />
L’Arlequin, >6/10<br />
Edition<br />
Les plus beaux livres suisses<br />
Si ce concours existe depuis deux ans<br />
en France, il a beaucoup à apprendre<br />
de son pendant suisse, dont les<br />
lauréats 2008 seront ici présentés.<br />
Centre culturel suisse, >19h, >12/12<br />
Ve 2.10<br />
<strong>Magazine</strong><br />
Sang Bleu<br />
Ouverture de la galerie 12 Mail, avec<br />
l’helvétique magazine Sang Bleu<br />
comme premier guest. Bichromie,<br />
dessins et tatoos au programme.<br />
12 Mail, 18h, >20/12<br />
Marché<br />
Hôtel bohème #4<br />
34 créateurs indépendants de<br />
bijoux, mode, déco et accessoires se<br />
réunissent dans un hôtel particulier<br />
pour présenter leur production.<br />
6 rue Beauregard (2 e ), 12>20h,<br />
>4/10<br />
Sa 3.10<br />
Art<br />
Nuit Blanche<br />
De la rue Sedaine (Malte Martin) à<br />
l’école des Arts déco, en passant par<br />
les Buttes-Chaumont.<br />
En ville, 19>7h<br />
Performance<br />
Frasq<br />
Premières rencontres de la<br />
performance, organisée dans 7 lieux<br />
d’Ile-de-France, dont Betonsalon,<br />
Glassbox, Immanence. Paroles et<br />
performances pendant 3 semaines.<br />
Infos sur frasq.com<br />
En ville, >25/10<br />
Di 4.10<br />
Mode<br />
Les sœurs (ou la méthode)<br />
Des séries mode en forme de tableaux<br />
vivants – composés d’images fixes et<br />
animées – projetées dans la vitrine de<br />
la librairie Artazart.<br />
Artazart, >19h, >28/11<br />
Lu 5.10<br />
Anniversaire<br />
Point Ephémère<br />
Pour fêter ses 5 ans, le lieu<br />
multiculturel au bord du canal propose<br />
une multitude de fêtes (donc deux<br />
anniversaires les 16 et 31), des<br />
concerts et une exposition des artistes<br />
passés en résidence depuis 2004.<br />
Infos sur pointephemere.org<br />
Point Ephémère, >31/10<br />
Littérature<br />
Jean Echenoz<br />
Rencontre avec l’un des plus grands<br />
auteurs français contemporains, qui<br />
viendra répondre à cette question :<br />
« Ecrire, pourquoi écrire ? »<br />
Centre Pompidou, 19h<br />
Ma 6.10<br />
Graphisme<br />
« Double vie »<br />
Une exposition personnelle consacrée<br />
au graphiste Malte Martin, qui investit<br />
souvent l’espace public avec des<br />
typographies choisies.<br />
Galerie Anatome, >19h, >23/12<br />
Me 7.10<br />
Art<br />
« La subversion des images »<br />
L’image dans toutes ses acceptions<br />
par le mouvement qui l’a le plus<br />
expérimentée : le Surréalisme.<br />
Centre Pompidou, >21h, 10/12 e.,<br />
>11/01<br />
Je 8.10<br />
Mode<br />
Festival Asvoff<br />
Asvoff, pour « A shaded view<br />
on fashion film », imaginé par<br />
Diane Pernet et rassemblant les<br />
films de mode les plus créatifs.<br />
Centre Pompidou, 20h, 4/6 e.<br />
Design<br />
Puces du design<br />
Nuova Italia est le mot d’ordre de<br />
cette nouvelle édition des puces<br />
auxquelles Sam Baron et sa Fabrica<br />
ainsi que Secondome sont invités.<br />
Quai de Loire, >11/10<br />
Cinéma<br />
Fémis<br />
Journée de projection des films de<br />
fin d’études d’étudiants de la Fémis,<br />
promo 2008.<br />
Cinémathèque, 11>18h30, 5/6,50 e.<br />
Visite<br />
Soirée nomade<br />
En marge de l’exposition « Né dans<br />
la rue », le philosophe Alain Milon et<br />
l’artiste Jean Faucheur proposent une<br />
promenade entre les 11 e et 20 e arrondissements,<br />
guidée par les graffitis.<br />
Fondation Cartier, sur réservation<br />
Ve 9.10<br />
Photo<br />
« August Sander »<br />
Le maître allemand (1876-1964), qui<br />
a saisi les visages comme les paysages<br />
ou les fleurs fera l’objet d’une<br />
rétrospective avec tirages d’époque.<br />
Fondation HCB, >18h30, 3/6 e.,<br />
>20/12<br />
Design<br />
« Mobi-boom, le mobilier de 1945<br />
à 1975 »<br />
Invention de la scène française et<br />
démocratisation du mobilier contemporain,<br />
une tranche d’histoire et<br />
d’industrie à travers des objets.<br />
Les Arts décoratifs, >18h, 6,50/8 e.,<br />
>2/01<br />
Sa 10.10<br />
Art<br />
Vernissages<br />
Rue Louise-Weiss puis dans le Marais,<br />
où Karsten Greve fête ses 20 ans,<br />
où Valentin présente George Henry<br />
Longly.<br />
En ville<br />
Di 11.10<br />
Art<br />
« La confusion des sens »<br />
Exposition articulée autour du<br />
corps et de ses sensations, avec<br />
Renaud Auguste-Dormeuil, Berdaguer<br />
& Péjus, Céleste Boursier-Mougenot,<br />
Didier Fiuza Faustino, Laurent Grasso,<br />
Véronique Joumard et Laurent Saksik.<br />
Espace Louis-Vuitton, >19h, 10/01<br />
Cinéma<br />
Master Class<br />
Jacques Audiard remplace<br />
Isabelle Huppert au pied levé pour<br />
présenter, commenter et interroger<br />
quelques images de son choix.<br />
Forum des images, 15h30, 4/5 e.<br />
MAGAZINE N 51, PAGE 79<br />
Ma 13.10<br />
Art<br />
« Erwin Olaf »<br />
Derniers jours de l’exposition du<br />
photographe néerlandais qui rend<br />
hommage à la peinture classique<br />
espagnole (Zurbarán, Velázquez,<br />
El Greco).<br />
Galerie Magda Danysz, >19h, >17/10<br />
Me 14.10<br />
Art<br />
« Les archipels réinventés» /<br />
« Soulages »<br />
Exposition réunissant les œuvres<br />
lauréates des dix Prix Ricard. Pour<br />
mémoire : Tatiana Trouvé, Boris Achour,<br />
Loris Gréaud, Berdaguer & Péjus,<br />
Didier Marcel, Natacha Lesueur,<br />
Matthieu Laurette, Mircea Cantor,<br />
Vincent Lamouroux et Raphaël Zarka.<br />
Plus haut, l’expo « Soulages », le<br />
maître du noir.<br />
Centre Pompidou, >21h, 10/12 e.,<br />
>11/01<br />
Photo<br />
« Voyages »<br />
Les regards de cinq photographes et<br />
d’un vidéaste japonais sur l’archipel et<br />
sur d’autres pays. Villes, campagnes<br />
et même constructions imaginaires.<br />
Maison de la culture du Japon, >19h<br />
>23/01<br />
Cinéma<br />
Kino Polska<br />
Festival de cinéma polonais, qui présentera<br />
un panorama des réalisateurs<br />
contemporains, une rétrospective<br />
Wajda et une sélection de courts<br />
d’écoles de cinéma.<br />
Reflet Médicis, >20/10<br />
Je 15.10<br />
Art<br />
« Chasing Napoleon »<br />
Confrontation de travaux d’artistes,<br />
de scientifiques et d’activistes à la<br />
poursuite d’une utopie mise en œuvre<br />
par une traque incessante. Vernissage.<br />
Palais de Tokyo, >17/01<br />
Performance<br />
« Grand Magasin »<br />
Une performance conçue pour<br />
l’exposition « Planète des signes » et<br />
qui combinera probablement danse,<br />
théâtre et performance.<br />
Le Plateau, 19h30, 4 e., sur<br />
réservation
Ve 16.10<br />
Art<br />
Storyboard<br />
Quatre rendez-vous, qui combineront<br />
événements, performances et projections,<br />
avec des artistes de la galerie<br />
mais pas seulement. Vernissage.<br />
Gb agency, 18h, >7/11<br />
Cinéma<br />
Avant-garde<br />
Films sur et de Dalí, reportages,<br />
fictions et expérimentations.<br />
Cinémathèque, 19h30+21h30,<br />
5/6,50 e.<br />
Art<br />
« Deadline »<br />
La dernière production, ou 12 artistes<br />
confrontés à une mort imminente et<br />
qui ont continué à créer : Absalon,<br />
Gilles Aillaud, James Lee Byars,<br />
Chen Zhen, Willem de Kooning,<br />
Felix Gonzalez-Torres, Hans Hartung,<br />
Jörg Immendorff, Martin Kippenberger,<br />
Robert Mapplethorpe, Joan Mitchell,<br />
Hannah Villiger.<br />
Musée d’Art moderne, >18h,<br />
4,50/6 e., >10/01<br />
Lu 19.10<br />
Cinéma<br />
Michael Haneke<br />
Ouverture de l’hommage au cinéaste<br />
autrichien, qui présentera ses films<br />
de cinéma et de télévision inédits en<br />
France.<br />
Cinémathèque, 18h, 5/6,50 e.<br />
Ma 20.10<br />
Cinéma / Art<br />
« Federico Fellini / Francesco Vezzoli »<br />
Images et documentation du cinéaste<br />
en regard d’une installation de l’artiste<br />
italien et d’un chapiteau mimant un<br />
cirque.<br />
Jeu de Paume, >19h, 4/6 e., >17/01<br />
Art<br />
« Antidote »<br />
5 e édition de cette exposition qui<br />
vise à mettre en avant la jeune<br />
scène française. Cette année :<br />
Dove Allouche, Pierre-Olivier Arnaud,<br />
Etienne Chambaud, Isabelle Cornaro,<br />
Aurélien Froment, Laurent Montaron et<br />
quelques autres.<br />
Galerie des Galeries, >19h, >9/01<br />
Me 21.10<br />
Art<br />
Fiac + Slick + Show Off + Cutlog<br />
C’est donc la saison des foires d’art<br />
contemporain : la Fiac au Grand Palais<br />
et au Louvre, Slick au 104, Show Off<br />
au port des Champs-Elysées et Cutlog<br />
à la Bourse du commerce. Vernissage<br />
ce soir.<br />
En ville, >25/11<br />
Histoire<br />
« Berlin, l’effacement des traces<br />
1989-2009 »<br />
De la disparition des signes de<br />
l’ancienne RDA noyés dans la nouvelle<br />
identité germanique à leur réapparition<br />
inopinée ; photos, documents, objets<br />
quotidiens…<br />
Musée d’Histoire contemporaine,<br />
>17h30, 3/5 e., >31/12<br />
Cinéma<br />
Le Ruban blanc<br />
De Michael Haneke, 2009, 144’.<br />
Le dernier Haneke, en noir et blanc,<br />
qui se déroule pendant la Première<br />
Guerre mondiale et met aux prises les<br />
différents habitants d’un village.<br />
En salles<br />
Je 22.10<br />
Art<br />
Vernissages<br />
La contiguïté des foires a donné des<br />
idées : Saâdane Afif chez Michel Rein,<br />
Delphine Coindet chez Laurent Godin,<br />
Jean-Michel Othoniel chez Emmanuel<br />
Perrotin…<br />
En ville<br />
Photo<br />
Prix Pictet<br />
12 photographes internationaux,<br />
dont Nadav Kander et Darren Almond,<br />
sur un même thème : la Terre.<br />
Passage de Retz, >19h, >22/11<br />
Concert dessiné<br />
Soirée nomade<br />
Un concert de Rodolphe Burger, accompagné<br />
par le duo de dessinateurs<br />
Dupuy & Berberian ; ou l’inverse du<br />
film muet accompagné au piano.<br />
Fondation Cartier, 20h30,<br />
4,50/6,50 e., sur réservation<br />
Performance<br />
« Drama Queens »<br />
Conçue par les plasticiens Elmgreen &<br />
Dragset (qui ont commis les pavillons<br />
scandinaves de la dernière Biennale<br />
de Venise), une performance sans<br />
acteurs, dans laquelle des sculptures<br />
règlent leur compte aux utopies qui<br />
les ont vu naître.<br />
Centre Pompidou, 20h30, 10/14 e.,<br />
>23/10<br />
Ve 23.10<br />
Art<br />
« Arche 2009 »<br />
L’artiste chinois Huang Yong Ping<br />
propose une installation dont l’idée a<br />
germé suite à l’incendie du magasin<br />
parisien de taxidermie Deyrolle.<br />
Beaux-Arts de Paris, >19h, >5/12<br />
Sa 24.10<br />
Art<br />
« Habiter 2050 »<br />
L’artiste Alain Bublex installe un<br />
paysage mystérieux dans la Galerie<br />
des enfants, qui projette ce que sera<br />
la réalité quotidienne en 2050.<br />
Centre Pompidou, >19h, >8/03<br />
Cinéma<br />
Le Joli Mai<br />
De Chris Marker, 1963, 150’.<br />
Printemps 62, le cinéaste enquête sur<br />
la France d’alors, au beau milieu des<br />
Trente Glorieuses. Eclairant.<br />
Cinémathèque, 20h30, 5/6,50 e.<br />
Di 25.10<br />
Art<br />
« Soulèvements »<br />
Exposition consacrée à Jean-Jacques<br />
Lebel autour d’écrits, d’objets et de<br />
pièces d’autres artistes avec lesquels<br />
il dialogue ; dans le cadre du Festival<br />
d’automne.<br />
Maison Rouge, >19h, 5/7 e. >17/01<br />
Lu 26.10<br />
Photo<br />
« Printemps new-yorkais »<br />
Un séjour que le photographe<br />
Fred Lebain a ponctué de clichés en<br />
forme de carte postale qui interrogent<br />
la ville comme décor.<br />
Les Prairies de Paris, >19h, >28/12<br />
Me 28.10<br />
Photo + graphisme<br />
« Delpire »<br />
L’exposition arlésienne monte à<br />
Paris : photographies, publications et<br />
films pour rendre compte du travail<br />
de Robert Delpire, des années 50 à<br />
aujourd’hui.<br />
MEP, >19h, >24/01<br />
Cinéma<br />
Irène<br />
D’Alain Cavalier, 2008, 85’. Le dernier<br />
Cavalier, présenté à Cannes dans « Un<br />
certain regard », intimiste et économe<br />
de moyens mais pas de regards.<br />
En salles<br />
Je 29.10<br />
Mode<br />
« Dysfashional »<br />
Exposition consacrée à la mode mais<br />
pas axée sur le vêtement. Les univers,<br />
inspirations et expérimentations auront<br />
plutôt la vedette. Avec, entre autres :<br />
Hussein Chalayan, Raf Simons,<br />
Bless, Maison Martin Margiela,<br />
Gaspard Yurkievich, Antonio Marras,<br />
Bernhard Willhelm, Pierre Hardy,<br />
Kostas Murkudis.<br />
Passage du Désir, >19h >29/11<br />
Cinéma<br />
La Faim<br />
De Henning Carlsen, 1966, 111’.<br />
Film danois d’après le roman de Knut<br />
Hamsun qui mêle rêve et drame social.<br />
Maison du Danemark, 20h<br />
Ve 30.10<br />
Cinéma<br />
« Avant-garde »<br />
L’aventure prodigieuse de la<br />
dentelière et du rhinocéros de Dalí et<br />
Robert Descharmes + un portrait de<br />
Dalí par Jean-Christophe Averty.<br />
Cinémathèque, 19h30+21h30,<br />
5/6,50 e.<br />
A venir<br />
Cinéma<br />
Avant-première<br />
Les Herbes folles d’Alain Resnais,<br />
2009, 104’.<br />
Cinémathèque, 20h, 5/6,50 e., sur<br />
réservation<br />
Edition<br />
Salon light<br />
6 e édition de ce salon d’éditeurs<br />
indépendants internationaux réunis par<br />
le Cneai, avec à la clé une table ronde,<br />
une conférence et même un bal.<br />
Point Ephémère, 6>8/11<br />
Art<br />
Roman Ondak<br />
Dans le cadre du Festival d’automne,<br />
l’artiste slovène présente « Here or<br />
Elsewhere », une installation qui<br />
interroge le rapport réalité/fiction et<br />
sculpture/performance.<br />
Espace topographique de l’art, >19h,<br />
7/11 > 20/12<br />
Photo<br />
« Glissement de terrains »<br />
Variations autour du paysage,<br />
jusqu’à la nature morte, pour sept<br />
photographes, dont Charlotte Leduc et<br />
Aude Buttazzoni. Une exposition mais<br />
deux vernissages !<br />
Galerie Vieille-du-Temple, 19h.<br />
Vernissages 7 + 10/11, >28/11<br />
Design<br />
Salon du vintage<br />
4 e édition qui rassemble mode, design<br />
et accessoires sur les trois étages d’un<br />
immeuble le temps d’un week-end.<br />
180A bd Saint-Germain, 10>20h,<br />
14 > 15/11<br />
Art<br />
« Variations continues »<br />
Quatre artistes turcs invités à présenter<br />
leurs travaux à Paris, l’occasion<br />
de découvrir la scène contemporaine<br />
turque.<br />
Crédac, 20/11 > 17/01
ADRESSES<br />
/12 Mail 12, r. du Mail - 2 e<br />
M° Etienne-Marcel<br />
/104 104, r. d’Aubervilliers - 19 e<br />
M° Riquet 01 53 35 50 00<br />
/Agnès b. 1, r. Dieu - 10 e<br />
M° République 01 42 03 47 99<br />
/L’Arlequin 76, r. de Rennes - 6 e<br />
M° Saint-Sulpice 01 45 44 28 80<br />
/Artazart 83, q. de Valmy - 10 e<br />
M° République 01 40 40 24 00<br />
/Les Arts décoratifs<br />
107, r. de Rivoli - 1 er<br />
M° Palais-Royal 01 44 55 57 50<br />
/Art Process 52, r. Sedaine - 11 e<br />
M° Voltaire 01 47 00 90 85<br />
/Atelier Cardenas-Bellanger<br />
43, r. Quincampoix - 4 e<br />
M° Rambuteau 01 48 87 47 65<br />
/La Bank 42, r. Volta - 3 e<br />
M° Arts-et-Métiers 01 42 72 06 90<br />
/Beaux-arts de Paris<br />
13, q. Malaquais - 6 e<br />
M° Saint-Germain 01 47 03 54 58<br />
/Bourse du commerce 2, r. Viarmes<br />
- 1 er M° Halles 01 44 76 06 37<br />
/Bétonsalon 9, espl. Pierre Vidal-Naquet<br />
- 13 e M° Bibliothèque 01 45 84 17 56<br />
/Centre culturel suédois 11, r. Payenne<br />
- 3 e M° Saint-Paul 01 44 78 80 20<br />
/Centre culturel suisse<br />
32 + 38, r. des Francs-Bourgeois - 3 e<br />
M° Rambuteau 01 42 71 44 50<br />
/Centre Pompidou<br />
piazza Beaubourg - 4 e<br />
M° Rambuteau 01 44 78 12 33<br />
/Centre Wallonie-Bruxelles<br />
127, r. Saint-Martin - 4 e<br />
M° Rambuteau 01 53 01 96 96<br />
/Chambre avec vues<br />
3, r. Jules-Vallès - 11e<br />
M° Charonne 01 40 52 53 00<br />
/Cinémathèque 51, r. de Bercy - 12 e<br />
M° Bercy 01 71 19 33 33<br />
/Cité de l’Architecture<br />
1, pl. du Trocadéro - 16 e<br />
M° Trocadéro 01 58 51 52 00<br />
/Cneai Ile des impressionnistes -<br />
78400 Chatou 01 39 52 45 35<br />
/Colette 213, r. Saint-Honoré - 1 er<br />
M° Tuileries 01 55 35 33 90<br />
/Crédac<br />
93, av. Georges-Gosnat - 94 Ivry<br />
M° Mairie d’Ivry 01 49 60 25 06<br />
/De la Ville Café 34, bd de Bonne-<br />
Nouvelle - 2 e<br />
M° Bonne-Nouvelle 01 48 24 48 09<br />
/Ecole du Louvre pl. du Carrousel - 1 er<br />
M° Palais-Royal 01 55 35 19 24<br />
/Esag 29, r. du Dragon - 6 e<br />
M° Saint-Sulpice 01 42 22 55 07<br />
/Espace Louis Vuitton 60, r. de Bassano<br />
- 8 e M° George-V 01 55 80 33 80<br />
/Espace topographique de l’art<br />
15, r. de Thorigny - 3 e<br />
M° Filles-du-Calvaire 01 40 29 44 28<br />
/Fat galerie 1, r. Dupetit-Thouars - 3 e<br />
M° Temple - 01 44 54 00 84<br />
/Fondation Cartier<br />
261, bd Raspail - 14 e<br />
M° Denfert-Rochereau 01 42 18 56 50<br />
/Fondation HCB 2, imp. Lebouis - 14 e<br />
M° Gaité 01 56 80 27 00<br />
/Fondation Ricard 12, r. Boissy-d’Anglas<br />
- 8 e M° Concorde 01 53 30 88 00<br />
/Forum des images porte Saint-Eustache<br />
- 1 er M° Halles 01 44 76 63 00<br />
/French Trotters 30, r. de Charonne -<br />
11 e M° Bastille 01 47 00 84 35<br />
/Galerie Martine Aboucaya<br />
5, r. Sainte-Anastase - 3 e<br />
M° Filles-du-Calvaire 01 42 76 92 75<br />
/Galerie Anatome 38, r. Sedaine - 11 e<br />
M° Bastille 01 48 06 98 81<br />
/Galerie Air de Paris 32, r. Louise-<br />
Weiss - 13 e<br />
M° Bibliothèque 01 44 23 02 77<br />
/Galerie Eric Allart 8, r. de Beaune - 7 e<br />
M° Rue-du-Bac 01 42 61 17 50<br />
/Galerie Art Concept<br />
16, r. Duchefdelaville - 13 e<br />
M° Bibliothèque 01 53 60 90 30<br />
/Galerie d’architecture 11, r. des<br />
Blancs-Manteaux - 4 e<br />
M° Saint-Paul 01 49 96 64 00<br />
/Galerie E.L Bannwarth<br />
68, r. Julien-Lacroix - 20 e<br />
M° Belleville 01 40 33 60 17<br />
/Galerie Anne Barrault<br />
22, r. Saint-Claude - 3 e<br />
M° St-Sébastien-Froissart 01 44 78 91 67<br />
/Galerie M & T de La Châtre<br />
4, r. Saintonge - 3 e<br />
M° St-Sébastien-Froissart 01 42 71 89 50<br />
/Galerie Philippe Chaume<br />
9, r. de Marseille - 10 e<br />
M° République 01 42 39 12 60<br />
/Galerie Chez Valentin<br />
9, r. Saint-Gilles - 3 e<br />
M° Chemin-Vert 01 48 87 42 55<br />
/Galerie Lucile Corty 2, r. Borda - 3 e<br />
M° Arts-et-Métiers 01 44 78 91 14<br />
/Galerie Crèvecœur<br />
30, r. de Malte - 11 e<br />
M° République 01 43 38 80 17<br />
/Galerie Chantal Crousel<br />
10, r. Charlot - 3 e<br />
M° Filles-du-Calvaire 01 42 77 38 87<br />
/Galerie Magda Danysz<br />
78, r. Amelot - 11 e<br />
M° Filles-du-Calvaire 01 45 83 38 51<br />
/Galerie Patricia Dorfmann<br />
61, r. de la Verrerie - 4 e<br />
M° Hôtel-de-Ville 01 42 77 55 41<br />
/Galerie Les Filles du Calvaire<br />
17, r. des Filles-du-Calvaire - 3 e<br />
M° Filles-du-Calvaire 01 42 74 47 05<br />
/Galerie Paul Frèches<br />
12, r. André-Barzacq - 18 e<br />
M° Abbesses 01 53 90 21 12<br />
/Galerie des Galeries<br />
40, bd Haussmann - 9 e<br />
M° Chaussée-d’Antin 01 42 82 34 56<br />
/Galerie gb agency 20, r. Louise-Weiss<br />
- 13 e M° Bibliothèque 01 53 79 07 13<br />
/Galerie Laurent Godin<br />
5, r. du Grenier-Saint-Lazare - 3 e<br />
M° Rambuteau 01 42 71 10 6<br />
/Galerie Marian Goodman<br />
79, r. du Temple - 3 e<br />
M° Rambuteau 01 48 04 70 52<br />
/Galerie Alain Gutharc<br />
7, r. Saint-Claude - 3 e<br />
M° St-Sébastien-Froissart 01 47 00 32 10<br />
/Galerie Eva Hober<br />
9, r. des Arquebusiers - 3 e<br />
M° St-Sébastien-Froissart 01 48 04 78 68<br />
/Galerie du Jour<br />
44, r. Quincampoix - 4 e<br />
M° Rambuteau 01 54 54 55 90<br />
/Galerie Jousse Entreprise<br />
24/34, r. Louise-Weiss - 13 e<br />
M° Bibliothèque 01 45 83 62 48<br />
/Galerie Yvon Lambert<br />
108, r. Vieille-du-Temple - 3 e<br />
M° Filles-du-Calvaire 01 42 71 09 33<br />
/Galerie Serge Le Borgne<br />
108, r. Vieille-du-Temple - 3 e<br />
M° Filles-du-Calvaire 01 42 74 53 57<br />
/Galerie LHK 6, r. Saint-Claude - 3 e<br />
M° St-Sébastien-Froissart 01 42 74 13 55<br />
/Galerie Loevenbruck<br />
40, r. de Seine - 6 e<br />
M° Saint-Germain 01 53 10 85 68<br />
/Galerie Madé 48, r. de Lancry - 10 e<br />
M° République 01 53 10 14 34<br />
/Galerie Kamel Mennour<br />
47, r. Saint-André-des-Arts - 6 e<br />
M° Saint-Michel 01 56 24 03 63<br />
/Galerie de Multiples<br />
17, r. Saint-Gilles - 3 e<br />
M° Saint-Paul 01 48 87 21 77<br />
/Galerie Nuke<br />
11, r. Sainte-Anastase - 3 e<br />
M° Filles-du-Calvaire 01 42 78 36 99<br />
/Galerie Emmanuel Perrotin<br />
76, r. de Turenne - 3 e<br />
M° Filles-du-Calvaire 01 42 16 79 79<br />
/Galerie Praz-Delavallade<br />
28, r. Louise-Weiss - 13 e<br />
M° Bibliothèque 01 45 86 20 00<br />
/Galerie Vanessa Quang<br />
7, r. des Filles-du-Calvaire - 3 e<br />
M° Filles-du-Calvaire 01 44 54 92 15<br />
/Galerie Almine Rech<br />
19, r. de Saintonge - 3 e<br />
M° Filles-du-Calvaire 01 45 83 71 90<br />
/Galerie Michel Rein<br />
42, r. de Turenne - 3 e<br />
M° Chemin-Vert 01 42 72 68 13<br />
/Galerie Thaddaeus Ropac<br />
7, r. Debelleyme - 3e<br />
M° Filles-du-Calvaire 01 42 72 99 00<br />
/Galerie Claude Samuel<br />
69, av. Daumesnil - 12 e<br />
M° Gare-de-Lyon 01 53 17 01 11<br />
/Galerie Léo Scheer<br />
14-16, r. de Verneuil - 7 e<br />
M° Saint-Germain 01 44 55 01 90<br />
/Galerie Schleicher + Lange<br />
12, r. de Picardie - 3 e<br />
M° République 01 42 77 02<br />
/Galerie Vallois 36, r. de Seine - 6 e<br />
M° Saint-Germain 01 46 34 61 07<br />
/Galerie Vieille du Temple<br />
23, r. Vieille-du-Temple - 3 e<br />
M° Saint-Paul 01 40 29 97 52<br />
/Galerie Anne de Villepoix<br />
43, r. de Montmorency - 3 e<br />
M° Arts-et-Métiers 01 42 78 32 24<br />
/Galerie Xippas<br />
108, r. Vieille-du-Temple - 3 e<br />
M° Filles-du-Calvaire 01 40 27 05 55<br />
/Grand Palais<br />
3, av. du Général Eisenhower - 8 e<br />
M° Champs-Elysées-Clémenceau<br />
01 44 13 17 17<br />
/Hôtel Drouot 9, r. Drouot - 9 e<br />
M° Richelieu-Drouot 01 53 79 37 29<br />
/IFM 36, qu. d’Austerlitz - 13 e<br />
M° Gare-d’Austerlitz 01 70 38 89 89<br />
/Institut finlandais<br />
60, r. des Ecoles - 5 e<br />
M° Saint-Michel 01 40 51 89 09<br />
/Institut culturel mexicain<br />
119, r. Vieille-du-Temple - 3 e<br />
M° Filles-du-Calvaire 01 44 61 84 44<br />
/Institut néerlandais<br />
121, r. de Lille - 7 e<br />
M° Assemblée Nationale 01 53 59 12 40<br />
/Jeu de Paume<br />
62, r. Saint-Antoine - 4 e<br />
M° Saint-Paul 01 47 03 12 50<br />
/Kadist Art Foundation<br />
19 bis, r. des Trois-Frères - 18 e<br />
M° Abbesses 01 42 51 83 49<br />
/Le Laboratoire 4, r. du Bouloi - 1 er<br />
M° Louvre 01 78 09 49 50<br />
/Lafayette Maison<br />
35, bd Haussmann - 9 e<br />
M° Opéra 01 42 82 34 56<br />
/The Lazy Dog 25, r. de Charonne - 11 e<br />
M° Bastille 01 58 30 94 76<br />
/Maison de la culture du Japon<br />
101, q. Branly - 15 e<br />
M° Bir-Hakeim 01 44 37 95 01<br />
/Maison du Danemark<br />
142, av. des Champs-Elysées - 8 e<br />
M° Etoile 01 56 59 17 40<br />
/Maison Rouge<br />
10, bd de La Bastille - 12 e<br />
M° Quai-de-la-Rapée 01 40 01 08 81<br />
/Musée d’Art moderne<br />
11, av. du Président-Wilson - 16 e<br />
M° Iéna 01 53 67 40 00<br />
/Musée d’histoire contemporaine<br />
129, r. de Grenelle - 7 e<br />
M° Invalides 01 44 42 54 91<br />
/MEP 5-7, r. de Fourcy - 4e<br />
M° Pont-Marie 01 44 78 75 00<br />
/Mk2<br />
Quai de Seine 14, q. de la Seine - 19 e<br />
M° Jaurès<br />
/Musée d’art moderne<br />
11, av. du Pdt-Wilson - 16 e<br />
M° Iéna 01 53 67 40 00<br />
/Naço gallery 38, r. de Citeaux - 12 e<br />
M° Faidherbe-Chaligny 01 40 09 17 69<br />
/New Galerie de France<br />
54, r. de la Verrerie - 4 e<br />
M° Hôtel-de-Ville 01 42 74 38 00<br />
/Palais de Tokyo 13, av. du Pdt-Wilson<br />
- 16 e M° Iéna 01 47 23 54 01<br />
/Passage du Désir<br />
85/87, r. du Faubourg-Saint-Martin - 10 e<br />
M° Château-d’eau 01 56 41 36 04<br />
/Passage de Retz 9, r. Charlot - 3 e<br />
M° Filles-du-Calvaire 01 48 04 37 79<br />
/Le Plateau 33, r. des Alouettes - 19 e<br />
M° Jourdain 01 53 19 84 10<br />
/Point éphémère<br />
200, q. de Valmy - 10 e<br />
M° Jaurès 01 40 34 02 48<br />
/Les prairies de Paris<br />
23, r. Debelleyme - 3 e<br />
M° Filles-du-Calvaire 01 48 04 91 16<br />
/Reflet Médicis 3, r. Champollion - 5 e<br />
M° Saint-Michel 01 43 54 42 34<br />
/Spree 16, r. La Vieuville - 18 e<br />
M° Abbesses 01 42 23 41 40<br />
/Surface to air 68, r. Charlot - 3 e<br />
M° République 01 49 27 04 54<br />
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