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numéro 51 - OCTOBRE, NOVEMBRE 2009


magazine 51 - OCTOBRE 2009<br />

On nous raconte des histoires. Et il<br />

faut croire qu’on aime ça. À mesure que<br />

l’établissement des faits a déserté la<br />

presse, le récit s’est glissé dans la place<br />

laissée vacante. Pas une marque, pas un<br />

produit, pas même une personnalité<br />

sans histoire – la belle, pas la maudite.<br />

Quant à l’investigation, avec un grand<br />

« I », qui serait le salut de cette presse<br />

en ces temps d’Internet et de formats<br />

courts, il y a belle lurette qu’elle est le<br />

fait des livres, dont l’économie dépend du<br />

nombre de lecteurs et non des marques.<br />

S’il y a lieu de déprimer ? Pas tant que ça ;<br />

juste de repenser les fondements.


Brèves P. 08<br />

5 magazines P. 10<br />

Rodeo, I love you, Ranked, Mint, Wound.<br />

Interview P. 20<br />

Vincent Darré a dessiné pour plusieurs maisons<br />

de mode, mais s’en détourne aujourd’hui pour<br />

préférer la variété d’une pratique plus proche des<br />

arts décoratifs : mobilier, mode, tissu, image…<br />

par Cédric Saint André Perrin.<br />

Images P. 24<br />

Une erreur de fichier ou un voyage dans le<br />

temps ? Des images des années 60 se sont<br />

immiscées dans le réel de l’été 2009. Voyage<br />

dans le temps.<br />

par Céline Mallet.<br />

Histoire P. 26<br />

Du côté du signe plutôt que de l’indispensable, le<br />

chapeau masculin a une histoire tourmentée, où<br />

l’Histoire le dispute à l’élégance.<br />

par Marlène Van de Casteele.<br />

Logo P. 28<br />

A Venise cet été, le visiteur mondain a vu<br />

beaucoup d’expositions, peu de publicités mais<br />

surtout un logo qui en vaut mille.<br />

par Yorgo Tloupas.<br />

Off record P. 30<br />

Une période de tension est toujours propice à<br />

s’interroger sur les signes (de la mode) : que<br />

véhiculent les logos ? quel rôle jouent les blogs ?<br />

où se vendra la mode demain ?<br />

par Angelo Cirimele.<br />

Re-naissance P. 34<br />

Portfolio de Milo Keller et Julien Gallico.<br />

Biographie P. 48<br />

André Courrèges n’a pas seulement imposé le<br />

blanc et la mini-jupe. Retour sur une vie bien<br />

remplie et un peu obsessionnelle.<br />

par Marlène Van de Casteele.<br />

Inspiration P. 50<br />

Mais d’où viennent ces lunettes carrées que<br />

l’on croise au nez de quiconque a choisi de se<br />

promener en ville ?<br />

par Florence Tétier.<br />

Commissariat P. 52<br />

Marta Gili a remis le Jeu de Paume au centre<br />

du Paris artistique ; l’occasion de revenir sur les<br />

références et les pratiques de cette commissaire<br />

autodidacte de l’image.<br />

par Emmanuelle Lequeux.<br />

Casting sauvage P. 56<br />

Portfolio de Brice Compagnon.<br />

Rencontre P. 66<br />

Yusuke ne veut plus dessiner (de la mode) pour<br />

les hommes mais pour les chiens. Comment en<br />

est-on arrivé là ?<br />

par Mathias Ohrel.<br />

Consumer P. 68<br />

Un magazine promotionnel à la gloire d’une<br />

personne ? Oui, c’est possible. Pourtant, il ne se<br />

présente pas à une élection mais est DJ.<br />

Design P. 70<br />

Le design doit avoir une fonction et est donc<br />

généreux par essence. Et si un designer prenait<br />

le contrepied de cette affirmation ?<br />

par Pierre Doze.<br />

Projection P. 72<br />

Comment les déchets sont-ils devenus la dernière<br />

mémoire de notre frénétique consommation ?<br />

par Sylvain Ohrel<br />

Points de vue P. 75<br />

Dans la même journée, trois personnages vont<br />

être confrontés à la même œuvre.<br />

par Géraldine Miquelot.<br />

Rétrovision P. 76<br />

Dans les années 50, Robert Delpire était directeur<br />

technique de Neuf et de L’Œil ; avant qu’on<br />

éprouve le besoin d’affubler du terme<br />

« artistique » les titres des graphistes.<br />

par Pierre Ponant.<br />

Agenda P. 79<br />

Adresses P. 82<br />

digital lab janvier.fr


Directeur éditorial<br />

Angelo Cirimele<br />

Dir ECTEurS artistiqueS de ce numéro<br />

Milo Keller & Julien Gallico / twinroom.net<br />

PHOTOGRAPHES<br />

Brice Compagnon, Milo Keller & Julien Gallico<br />

Contributeurs<br />

Pierre Doze, Emmanuelle Lequeux,<br />

Céline Mallet, Géraldine Miquelot,<br />

Mathias Ohrel, Sylvain Ohrel, Pierre Ponant,<br />

Florence Tétier, Marlène Van de Casteele,<br />

Cédric Saint André Perrin, Yorgo Tloupas.<br />

Traduction<br />

Kate van den Boogert<br />

Design original<br />

Yorgo Tloupas<br />

Couverture<br />

Milo Keller & Julien Gallico<br />

Remerciements<br />

Saif Mahdhi, Jean-Marc (Le Petit-Oiseau)<br />

Annabelle Jouot, Camille Wodling,<br />

Monsieur X.<br />

Secrétaire de rédaction<br />

Anaïs Chourin<br />

Éditeur<br />

Angelo Cirimele<br />

RETOUCHes<br />

Janvier<br />

Imprimeur<br />

SIO<br />

94120 Fontenay-sous-Bois<br />

Email<br />

magazinemagazine@gmail.com<br />

Issn n° 1633-5821<br />

Correspondance<br />

ACP : 32, bd de Strasbourg, 75010 Paris<br />

t. 06 16 399 242<br />

© <strong>Magazine</strong> et les auteurs, tous droits de reproduction<br />

réservés. <strong>Magazine</strong> n’est pas responsable des textes,<br />

photos et illustrations publiées, qui engagent la seule<br />

responsabilité de leurs auteurs.<br />

aBonnement/Subscription<br />

<strong>Magazine</strong> est gratuit, mais vous pouvez aussi le recevoir<br />

chez vous ou au bureau.<br />

Abonnement France 1 an / 5 numéros / 40 euros.<br />

Abonnement hors France 1 an / 5 numéros / 50 euros.<br />

Envoyez votre règlement en chèque à l’ordre d’ACP<br />

à l’adresse suivante :<br />

ACP – <strong>Magazine</strong><br />

32, boulevard de Strasbourg<br />

75010 Paris


MAGAZINE N 51, PAGE 8<br />

Ça s’est passé cet été (part 2) : Parce qu’elle aime<br />

bien les chiffres ronds pour rajeunir son lectorat et<br />

parce qu’on ne sait pas encore si Grazia marchera,<br />

Elle a passé son prix de vente de 2,30 à 2 euros.<br />

La centenaire librairie Brentano’s (1895) de l’avenue<br />

de l’Opéra (2e) a définitivement fermé ses portes.<br />

What happened this summer (part 2) :<br />

Because it likes round figures, to attract a<br />

younger readership and because it doesn’t<br />

yet know if Grazia will work, Elle has<br />

reduced its cover price from 2.30 to 2 euros.<br />

The century old bookshop Brentano’s (1895)<br />

on the Avenue de l’Opéra (2nd) has closed its<br />

doors for good.<br />

Une exposition consacrée à la mode, mais dont<br />

le vêtement n’est pas le centre arrive à Paris.<br />

« Dysfashional » se veut réflexive et prospective,<br />

et présentera des propositions de Hussein Chalayan,<br />

Raf Simons, Grit & Jerszy Seymour, Pierre<br />

Hardy et Bless, entre autres. Passage du Désir, à<br />

partir du 29 octobre.<br />

An exhibition dedicated to fashion, but where the<br />

garment is not at the centre, lands in Paris. “Dysfashional”<br />

wants to be self-critical and focus on<br />

emerging talent and ideas and will present propositions<br />

by Hussein Chalayan, Raf Simons, Grit &<br />

Jerszy Seymour, Pierre Hardy and Bless, among<br />

others. Passage du Désir, from 29 October.<br />

The Day Before est le prochain documentaire en<br />

quatre épisodes signé Loïc Prigent, qui a suivi<br />

quatre maisons (Proenza Schouler, Jean Paul<br />

Gaultier, Sonia Rykiel et Fendi) 36 heures avant<br />

leur défilé. Pas encore de date de diffusion communiquée.<br />

The Day Before is the new documentary in<br />

4 episodes from Loïc Prigent, who followed four<br />

fashion houses (Proenza Schouler, Jean Paul<br />

Gaultier, Sonia Rykiel and Fendi) for the 36 hours<br />

leading up to their fashion show. The screening<br />

date has not yet been made public.<br />

Ça s’est passé cet été : les mensuels Femmes et<br />

Atmosphères ont fusionné, premier numéro en octobre.<br />

Le supplément de Libération Next est devenu<br />

un mensuel indépendant, vendu 1 euro, mais son<br />

contenu a peu évolué. Exit Le Monde 2, place au<br />

Monde magazine (aussi peu d’évolutions).<br />

What happened this summer: the monthlies<br />

Femmes and Atmosphères merged, the first<br />

issue’s due out in October. Liberation’s supplement<br />

Next has become an independent monthly, sold<br />

for 1 euro, though the content has changed little.<br />

Out with Le Monde 2, in with Monde magazine.<br />

Une rétrospective Yves Saint Laurent se tiendra au<br />

Petit Palais en mars 2010. Vêtements mais aussi<br />

objets, dessins, photos et films retraçant 40 ans<br />

de carrière. En attendant, Yves Saint Laurent Tout<br />

terriblement de Jérôme de Missolz, un documentaire<br />

consacré au styliste, sort en DVD chez Arte<br />

Editions en novembre.<br />

An Yves Saint Laurent retrospective will take<br />

place at the Petit Palais in March 2010. Clothes,<br />

but also objects, drawings, photos and films will<br />

retrace his 40 year career. In the meantime, Yves<br />

Saint Laurent Tout terriblement by Jérôme de Missolz,<br />

a documentary about the designer, comes<br />

out on DVD from Arte Editions in November.<br />

Grazia en chiffres : 2 ans de gestation, 6 numéros<br />

zéro, une lectrice souhaitée entre 25 et 35 ans, un<br />

prix de vente de 1 euro et bientôt deux ou presque,<br />

45 % de mode et beauté, 35 % d’actualité, 10 %<br />

de people et 10 % de culture... le tout pour 25 millions<br />

d’euros investis. La crise ? Quelle crise ?<br />

Grazia in figures : 2 years in the making, 6 number<br />

zeros, a target readership of women between<br />

25 and 35, an initial cover price of 1 euro soon<br />

to be 2 euros or thereabouts, 45% fashion and<br />

beauty, 35% news, 10% celebrity gossip and<br />

10% culture... all that for an investment of<br />

25 million euros. The GFC? What GFC?<br />

Rencontre du mass market et de l’indie media :<br />

Gap s’est associé à la blogueuse Garance Doré<br />

en exposant une série d’illustrations dans une<br />

boutique éphémère londonienne, parfois reprises<br />

sur des T-shirts.<br />

Meeting of the mass market and indie<br />

media: Gap has joined forces with blogger<br />

Garance Doré, exhibiting, in a pop-up store in<br />

London, a series of illustrations some of which<br />

are printed on T‐shirts too.<br />

Le film Logorama, réalisé par H5 et reprenant<br />

pléthore de logos dans une même narration, sera<br />

projeté lors de la 100 e du magazine « Mensomadaire<br />

», sur Canal +, le 16 octobre.<br />

The film Logorama, by H5, which re-employs a<br />

plethora of logos in the one narrative, will be projected<br />

during the 100th episode of the TV series<br />

“Mensomadaire”, on Canal+, the 16 October.<br />

L’art continue de se déplacer dans les interstices.<br />

Après le bar de la dernière Biennale de Venise,<br />

conçu par l’artiste Tobias Rehberger (et qui lui<br />

a valu un Lion d’or), c’est au stand de la galerie<br />

Alain-Gutharc à la Fiac d’être mis en espace par<br />

Christian Lacroix.<br />

Art continues to move into the cracks: after the<br />

bar at the last Venice Biennale, thought up by<br />

Tobias Rehberger (and which won him a Golden<br />

Lion), Alain Gutharc gallery’s stand at the Fiac<br />

will be designed by Christian Lacroix.<br />

Faute de financement, l’exposition « Kate<br />

Moss » prévue aux Arts Déco fin novembre est<br />

repoussée à 2011.<br />

Due to a shortfall in financing, the exhibition<br />

“Kate Moss”, originally scheduled at the Arts<br />

Déco Museum for the end of November, has been<br />

pushed back to 2011.<br />

Agnès b. a annoncé la création de la « Fondation<br />

Agnès Troublé dite agnès b. ». Le lieu<br />

ouvrira début 2010, mais on ne sait pas<br />

encore où, même en insistant.<br />

Agnès b. has announced the creation of the<br />

‘Fondation Agnès Troublé dite agnès b.’ (Agnès<br />

Troublé known as agnès b. Foundation). It will<br />

open early 2010, though we don’t know where<br />

yet, even after insisting.<br />

Mesurons la crise : le numéro de septembre 2009<br />

de Vogue US compte 584 pages, contre 798 l’année<br />

passée, soit – 25 %.<br />

Let’s measure the Crisis: the September 2009<br />

issue of Vogue US has 534 pages, versus<br />

798 last year, so a drop of 25%.<br />

L’Ecole nationale supérieure des arts décoratifs<br />

(ENSAD) a publié un appel d’offres pour la refonte<br />

de son identité visuelle (logo et charte graphique).<br />

Les outils actuels élaborés par les M/M (Paris),<br />

anciens étudiants de l’école, seraient-ils trop<br />

décoratifs et pas assez pratiques ?<br />

The Ecole nationale supérieure des arts décoratifs<br />

(ENSAD) has made a call for entries for the<br />

redesign of its visual identity (logo and design).<br />

Is the current version, created by M/M(Paris),<br />

former students of the school, too decorative and<br />

not sufficiently practical?<br />

La boisson Red Bull va ouvrir une galerie d’art<br />

à Paris. « 12 Mail » accueillera une exposition<br />

consacrée au magazine Sang Bleu pour son ouverture,<br />

cette fashion week.<br />

The energy drink Red Bull is to open an art gallery in<br />

Paris. ‘12 Mail’ will present an exhibition dedicated to the<br />

magazine Sang Bleu for its opening, this fashion week.<br />

On attend début 2010 des nouvelles formules :<br />

Les Cahiers du Cinéma (à présent dirigé par Stéphane<br />

Delorme) et Les Inrockuptibles, racheté par<br />

Matthieu Pigasse et dirigé par Bernard Zekri (exiTélé),<br />

avec une tonalité plus sociale et politique.<br />

Rappel mathématique : 2010 + 2 = 2012.<br />

We’re expecting a few makeovers for the beginning<br />

of 2010 : Les Cahiers du Cinéma (currently directed<br />

by Stéphane Delorme) and Les Inrockuptibles,<br />

bought out by Matthieu Pigasse and run by Bernard<br />

Zekri (ex iTélé), with a more social and political tone.<br />

A mathematical reminder: 2010 + 2 = 2012<br />

C’est Surface to Air qui est en charge de la campagne<br />

de lancement de la marque japonaise Uniqlo, qui a<br />

ouvert une boutique de 2 000 m2 rue Scribe (9e).<br />

Surface to Air is in charge of the launch campaign<br />

for the Japanese brand Uniqlo, which has opened<br />

a 2,000 m2 flagship rue Scribe (9th).<br />

Il y a encore des marques qui se lancent : Thomsen,<br />

spécialiste de la chemise, imaginée par le trio<br />

Alix Thomsen (styliste), Franck Cohen (ex-American<br />

Apparel) et Lionel Bensemoun (Monsieur le<br />

Baron) a ouvert sa première boutique parisienne<br />

dans le Marais.<br />

Brands continue to be launched: Thomsen, shirt specialist,<br />

created by the trio Alix Thomsen (designer),<br />

Franck Cohen (ex-American Apparel) and Lionel<br />

Bensemoun (Mr le Baron) has opened its first Parisian<br />

store in the Marais.<br />

Valse des DA : Interview est repris en main par<br />

Fabien Baron (après le départ de Glen O’Brien et<br />

des graphistes M/M (Paris), et retrouve son logo.<br />

The waltz of the ADs: Interview is taken in<br />

hand by Fabien Baron (following the departure<br />

of Glen O’Brien and the graphic designers M/M<br />

[Paris]) and gets back its logo.<br />

Les Inrocks ont confié leur nouvelle formule à la<br />

nouvelle génération : Etienne Robial – qui a signé<br />

la première identité de Canal + en 1984. En kiosque<br />

dès mars 2010.<br />

Les Inrocks magazine have put their redesign in<br />

the hands of the new generation: Etienne Robial,<br />

who designed Canal+’s first visual identity back<br />

in 1984. On newstands from March 2010.<br />

Hermès a ouvert une boutique éphémère rue de<br />

Grenelle (7 e ), en attendant son nouvel espace rue<br />

de Sèvres (6 e ), prévu fin 2010.<br />

Hermès has opened a pop-up store rue de<br />

Grenelle (7th), until its new space rue de Sèvres<br />

(6th) opens, scheduled for the end of 2010.<br />

Olivier Zahm (Purple) devient photographe et signe<br />

sa première campagne pour Zadig & Voltaire.<br />

Olivier Zahm (Purple) turns photographer and<br />

signs his first campaign for Zadig & Voltaire.<br />

Le Bon Marché propose une exposition consacrée<br />

au photographe Guy Bourdin, en présentant<br />

15 vidéos de shooting ou de moments plus intimes.<br />

Jusqu’au 29 octobre.<br />

Le Bon Marché presents an exhibition dedicated<br />

to the photographer Guy Bourdin, presenting<br />

15 videos of shoots and of more private moments.<br />

Until 29 October.<br />

Après Gareth Pugh, c’est Giles Deacon qui a remporté<br />

le prix de l’Andam et qui défilera à Paris, au<br />

Palais de Tokyo, pour la première fois en octobre.<br />

After Gareth Pugh it’s Giles Deacon who has won<br />

the Andam prize and who will show in Paris, at<br />

the Palais de Tokyo, for the first time in October.<br />

Le magazine de design Intramuros a confié la<br />

refonte de son logo à H5.<br />

The design magazine Intramuros has entrusted<br />

the redesign of its logo to H5.<br />

« Balenciaga Paris », le premier parfum Balenciaga<br />

de l’ère Ghesquière est annoncé pour février, avec<br />

Charlotte Gainsbourg photographiée par Steven<br />

Meisel pour égérie.<br />

‘Balenciaga Paris’, the first Balenciaga perfume<br />

launched during Ghesquière’s reign, is out February,<br />

with Charlotte Gainsbourg photographed by<br />

Steven Meisel as its face.<br />

Neville Brody est le nouveau directeur artistique<br />

d’Arena Homme+ , précédemment designé par<br />

M/M (Paris).<br />

Neville Brody is the new artistic director of Arena<br />

Homme+, formerly designed by M/M (Paris).<br />

Terry Richardson a shooté le prochain calendrier<br />

Pirelli au Brésil.<br />

Terry Richardson shot the next Pirelli calendar<br />

in Brazil.


MAGAZINE N 51, PAGE 10<br />

Rodeo<br />

Italie, bimestriel, 164 p., n o 57, 225 x 325 mm,<br />

5,90 euros.<br />

Editor in chief: Marcelo Burlon<br />

Creative director: Tim McIntyre<br />

Deputy editor: Leo Mansueto<br />

Publisher: Superstudio<br />

rodeomagazine.it<br />

On éprouve un sentiment étrange après avoir<br />

regardé et lu Rodeo : enthousiaste et contrarié.<br />

Pourtant, peu de magazines italiens peuvent se<br />

targuer d’une telle tenue, tous s’effaçant devant le<br />

Vogue italien et sa démesure. Beaucoup d’informations,<br />

une DA affûtée et élégante, qui n’a rien à<br />

envier à des titres hollandais ou anglais, une mode<br />

affirmée et minimaliste, qui demanderait même à<br />

s’étendre sur davantage de doubles pages. Rodeo<br />

se situe entre le lifestyle et le culturel : 50 pages<br />

de mode ouvrent le magazine, puis s’entremêlent<br />

20 pages d’art, des sections design, musique,<br />

photo… le tout lié par une pléthore d’infos courtes,<br />

un agenda, des chroniques et même un poster<br />

central « pin-up calendrier », recto homme, verso<br />

femme. L’identité de Rodeo est d’ailleurs plutôt<br />

masculine et gay. Dans ses sujets, le magazine part<br />

aisément au Japon (l’architecte Sou Fujimoto), à<br />

New York (Mike Mills ou Arto Lindsay), ou encore<br />

à Londres et Berlin ; comme pour conjurer le côté<br />

provincial de Milan. Et c’est peut-être là que réside<br />

la légère déception de Rodeo : le DA est anglais<br />

(Tim McIntyre), l’invité design new-yorkais (Felix<br />

Burrichter de Pin-up magazine), les photographes<br />

de mode américains ou suédois… A se demander<br />

si Rodeo est un magazine international édité<br />

à Milan ou un magazine italien avec une spécificité.<br />

On aurait préféré la deuxième hypothèse.<br />

Extrait<br />

ALESSIA GIACOBINO<br />

Non delego de la mia vita<br />

Riminse, trentenne, Alessia Giacobino ha una<br />

grinta invidiabile e le idee molto chiare su come<br />

gestire gli eventi: si lascia andare a nuove esperienze<br />

con l’istinto di chi sa che contaminazione<br />

è un mezzo più che mai utile per definire la<br />

propria identità. Sposata, una figlia di 3 anni<br />

(Allegra), appassionata d’arte (al liceo artistico<br />

utilizzava materiali provenienti dal mondo<br />

dell’edilizia per costruire le sue sculture), Alessia<br />

ha studiato architettura, per accontentare i genitori,<br />

proprietari di negozi di abbigliamento, che<br />

“volevano verderla sistemata”. E il lavoro sicuro<br />

è arrivato… quando nel 2000 ha deciso di sperimentare<br />

il mondo della moda, alla sua maniera,<br />

senza deleghe, in un’azienda dallo scenario surreale.<br />

Il marchio è Jonofui, che sfila a Milano dal<br />

2005. Ma il suo cv non si chiuderà qui…<br />

—Cosa intendi quando dici “non delego niente” ?<br />

Che mi piace decidere tutto, ogni dettaglio, une<br />

cerniera, un bottone… é un mio difetto ! Non so<br />

delegare e non mi piace nemmeno; scelgo anche i<br />

clienti, quelli che non mi piacciono restano fuori dal<br />

mio parco. Ho richieste da oltre 300 esercizi; ne<br />

scelgo solo 20. Alla lunga l’istinto paga, con quei<br />

clienti c’è un rapporto che dura da sette anni.<br />

—Sei un capo detestabile ?<br />

(ride, ndr) No, tutt’altro: la mia azienda, che ha<br />

sede in un mulino-fucina, non è industrializzata.<br />

Siamo come una famiglia, condividiamo tutto. Da<br />

noi privato e lavoro si fondono e quando ci salta<br />

in mente un’idea ci sentiamo anche alle tre del<br />

mattino.<br />

[…] Harold Baberini, p. 52


MAGAZINE N 51, PAGE 12<br />

I love you<br />

Allemagne, semestriel, 68 p., n o 1, 240 x 335 mm,<br />

5 euros.<br />

Editor in chief & creative director: Christiane<br />

Bördner<br />

Fashion direction: Alexx & Anton<br />

Design: Philippa Bllod<br />

Publisher: E-design + communication Gmbh<br />

iloveyou-magazine.com<br />

Bonne nouvelle : on peut encore se faire plaisir.<br />

Un grand format, 68 pages d’érotisme, beaucoup<br />

de liberté et un prix modique (5 euros) ! Une<br />

déclaration donc (I love you) et une liste de<br />

prénoms, masculins et féminins, qui ont participé<br />

au magazine. Si l’air du temps est au magazine<br />

érotique, comme un retour de balancier du porno<br />

chic et de la vague Richardson (on aura aussi<br />

remarqué Jacques, magazine très vintage et un<br />

peu creux), celui-ci a la particularité d’être créé<br />

par une femme, qui se faufile entre sensualité<br />

et évocation. Quelques citations de Bataille (en<br />

allemand !), le récit d’un rêve, une pub 50, un long<br />

échange de mails et quelques confidences. Les<br />

textes sont courts et procèdent du même mouvement<br />

: suggérer. Côté DA, c’est élégant et vintage<br />

ce qu’il faut, sauf quelques images que la typo<br />

couvre comme un vêtement… et qu’on dirait<br />

tout droit sorties de Self Service. Et dans une<br />

typo minuscule, juste sous le titre : « my printed<br />

blog » ; ça commence à devenir intéressant. I love<br />

you est une nouvelle preuve que les médias ne<br />

s’annulent pas mais offrent de multiples variantes,<br />

régénérant les formes. Pour clore ce conte<br />

merveilleux, quelques faits et mécanismes :<br />

l’éditrice, Christiane Bördner, est DA et agent<br />

de son annoying husband (ainsi présenté dans<br />

l’ours) Marcus Gaab, dont une série est publiée.<br />

Mi-book, mi-blog, I love you ne se cache pas et<br />

a l’élégance de ne pas nous imposer de pub en<br />

4 e de couverture, mais une citation sur l’édition<br />

de Clay Shirky, gourou de la post-information : “It<br />

makes increasingly less sense even to talk about<br />

a publishing industry, because the core problem<br />

publishing solves —the incredible difficulty, complexity,<br />

and expense of making something available<br />

to the public— has stopped being a problem.”<br />

Extrait<br />

I like the sound of kissing<br />

From: Christiane Bördner christiane@christianeboerdner.com<br />

Subject: Would love to print your images in my<br />

magazine!<br />

Date: Wednesday, May 6, 2009, 5:37 AM<br />

To: massimog@gammacurta.com<br />

I Found your images in a blog. I was wondering<br />

if you would mind me printing them in my<br />

magazine, enclosed is a rough layout. I am a<br />

great Art Director from Berlin with a sexy idea<br />

but not a big budget yet. The only thing I can<br />

offer you is being part in something remarkable<br />

beautiful with a credit. The <strong>Magazine</strong> is planned<br />

to be launched at the beginning of July for Berlin<br />

Fashionweek. If you want to see more of the<br />

magazine just give me a shout. Would love to<br />

hear from you.<br />

Best from Berlin<br />

christiane<br />

From: massimog@gammacurta.com<br />

Subject: Would love to print your images in<br />

my magazine!<br />

Date: 6 mai 2009, 18:02:52 MESZ<br />

To: christiane@christianeboerdner.com<br />

Hi Christiane,<br />

Thanks for the interest, the “Sweet Fashion”<br />

story has been published in many magazines<br />

and few books and I am doing an exhibition in<br />

Cannes for the film festival but it has always<br />

been published as part of an article about me,<br />

basically talking about my work and never in<br />

the way you want to use it. The problem is that<br />

I either give the whole story as a fashion editorial<br />

to a magazine (I refused Wallpaper and<br />

Wound for different reasons) or it has to be<br />

either a cover or a piece about me. So if you<br />

want to use it in a different way I’ll be happy<br />

to send you the scan, like that I don’t think it<br />

works for me. I am a starving artist in NYC<br />

trying to do what’s best for me and trying to<br />

protect my work so please do understand my<br />

reasons.<br />

Thanks so much<br />

Massimo<br />

[…] p. 20


MAGAZINE N 51, PAGE 14<br />

Ranked<br />

Angleterre, one shot, 112 p., n o 1, 230 x 300 mm,<br />

9,95 euros.<br />

Photography: Rankin<br />

Design: Them<br />

Co-ordinator: Vicky Lawton<br />

Written and edited by: John O’Reilly<br />

Publisher: Rankin<br />

rankinlive.com<br />

D’accord, c’est dans le cadre d’une importante<br />

exposition rétrospective consacrée au photographe<br />

Rankin que Ranked paraît. D’accord, la publication<br />

est à mi-chemin du catalogue d’exposition<br />

et du magazine ; d’accord, ce n’est probablement<br />

pas un caprice du type « je veux un magazine »,<br />

puisque Rankin est aussi fondateur de Dazed &<br />

Confused. Alors, quoi ? Ranked, c’est 112 pages à<br />

la gloire de Rankin et ça frise la mégalomanie,<br />

même si personne ne niera son style, son intuition<br />

et la variété de ses images. Mais on a l’impression<br />

qu’un switch s’est produit : avant, les magazines<br />

de style parlaient de ceux qui les réalisaient (DA,<br />

photographes, éditeurs…), mais prenaient pour<br />

cela le prétexte de la mode, de la musique, de l’art.<br />

Aujourd’hui, c’est d’emblée qu’on balance : « je<br />

vous parle de moi ». Et même si le personnage peut<br />

être passionnant, la démarche manque d’élégance,<br />

de pudeur et peut-être d’intérêt, car on apprend<br />

plus des gens qui nous parlent du monde que<br />

d’eux-mêmes. A travers Dazed & Confused, on a<br />

vu un style, pas un personnage – de plus. Alors,<br />

certes, de nombreux textes de Ranked transpirent<br />

l’ambiance d’un shooting, le face à face Rankin/<br />

David Bailey (le maître) est intéressant et vivant,<br />

et on objectera que le vrai contenu est ici celui des<br />

images. Reste que si vous connaissez l’inventeur<br />

du concept qui succédera au personal branding, je<br />

veux bien l’interviewer.<br />

Extrait<br />

BAILEY + RANKIN<br />

David Bailey & Rankin in Conversation<br />

Rankin: So obviously I’m a massive fan. This is<br />

weird, I feel like that TV presenter-what’s his<br />

name?<br />

Bailey: Paxman? [Laughing]<br />

R: Or Parkinson.<br />

B: Oh God, he’s the worst.<br />

R: Have you seen on any of those shows?<br />

B: Nah.<br />

R: You’ve been on Chris Evan’s show haven’t you?<br />

TA?<br />

B: Yeah, but that’s because I did a film for his<br />

company, a model film. I only do interviews if<br />

I’m selling something normally —otherwise you<br />

become rent-a-voice.<br />

R: But when you first started to become famous,<br />

or infamous, you must been doing a certain<br />

amount of self-promotion.<br />

B: The truth is I didn’t really care.<br />

R: Right, they all just loved you.<br />

B: No! Not at all! Not all of them [Laughs]. People<br />

don’t want to write about somebody whose<br />

hobby is fishing or gardening or…<br />

R: Or bird-watching.<br />

B: I like bird-watching. I could have been a, what<br />

are they called? A twitcher. I love anoraks. I think<br />

anoraks are the best people in a way because<br />

they are passionate about what they do. I mean,<br />

you’re a sort of anorak —you’re a photographic<br />

one aren’t you?<br />

R: Yeah.<br />

B: I’m a photographic anorak. And I love people<br />

who build model planes, model trains, they seem<br />

to be the last people left with any passion. I’m<br />

all for anoraks.<br />

Favorite Photographers<br />

R: Or bird-watching.<br />

R: If you had to pick your favorite photographer<br />

of all time…<br />

B: Well, that’s an impossible question, like which<br />

painter or which composer. Current ones? Or<br />

dead ones? Dead ones because they’re less<br />

competition.<br />

R: [Laughs] Funny. There are so many young<br />

photographers, some who were inspired by you.<br />

Are you aware of the young photographers now?<br />

Are you a photo-fanatic?<br />

B: I don’t know all of them —there’s a Rankin,<br />

and a few others.<br />

[…] p. 45


MAGAZINE N 51, PAGE 16<br />

mint<br />

M51 – Mint<br />

Pays-Bas, annuel, 132 + 96 p., n o 6,<br />

210 x 280 mm, 12 euros.<br />

Editors in chief: Charlotte Lokin<br />

& Frank Jurgen Wijlens.<br />

Art direction: Tara Dougans<br />

Editor: Lisa Goudans<br />

Production: Danielle Verheul & Famke Visser<br />

Publisher: Amsterdam Fashion Institute<br />

amfi.hva.nl<br />

Difficile d’échapper au commerce ou l’impératif,<br />

catégorique ou plus sournois, « achetez ! » qui<br />

règne en maître dans les magazines de mode.<br />

Pourtant, il arrive qu’un magazine parle de mode<br />

en soi, de création, d’expérimentation et de personnes<br />

qui ne sont pas des people. Internationalisation<br />

et concurrence obligent, les écoles de<br />

mode déploient beaucoup d’énergie et de moyens<br />

pour présenter le travail de leurs étudiants. Et<br />

contrairement à l’exposition, statique et temporaire,<br />

le magazine s’avère la meilleure vitrine et<br />

archive. C’est à ce moment que tout peut être<br />

gâché par un annuaire de créateurs ou réussi par<br />

une forme plus proche du sujet. L’AMFI (Amsterdam<br />

Fashion Institute) a donc divisé l’exercice en<br />

deux : un répertoire des diplômés avec quelquesunes<br />

de leurs créations et un vrai magazine :<br />

Mint. On y trouve ce qui nourrit l’inspiration des<br />

futurs stylistes, mais aussi des interviews plus<br />

générales sur la mode, des tentatives formelles<br />

montrant que la mode n’est souvent que vintage,<br />

beaucoup d’illustrations et quelques idéaux. Pour<br />

faire exister – et faire partager – ces aspirations<br />

de mode, il est d’une nécessité impérieuse<br />

que le trait des dessins, que les photos et le<br />

graphisme traduisent la nouveauté du contenu ;<br />

et cette course en avant est assez enthousiasmante.<br />

Nul doute que le projet sera copié par<br />

des écoles françaises mais pas avant quelques<br />

années ; rien ne presse.<br />

Extrait<br />

QUIRKS AND DETAILS<br />

Alex Abramento, a self-professed “apparel<br />

designer, illustrator and part-time bus boy” is a<br />

young man who reflects a refreshing old-world<br />

quality in his designs. His work is tasteful with a<br />

little punch of humor.<br />

“For me clothing is a way to outwardly express<br />

your personality. The way a person moves changes<br />

with each garment. The more subtlety, detail<br />

and thought that is put into one’s dress the more<br />

honest the result. A young man in grey sweatshirt<br />

can say just as much with his clothing as a girl<br />

wearing 5 different patterns in one outfit. It’s<br />

obvious when a person is wearing what’s right for<br />

him or her. This thought is nothing new —but that<br />

is clothing means to me.<br />

The world needs fashion. It aids people in developing<br />

their personality and creativity. I’m not sure<br />

if I need fashion. Maybe it sounds completely stupid,<br />

but fashion is a force that chooses you, not<br />

the other way around. I design for others because<br />

I would be honored to affect people’s lives with<br />

my craft; to make them dream a bit. I’ve always<br />

enjoyed giving gifts more than receiving them.<br />

I do what I do primarily because it’s something<br />

I need to get out of my system. I can’t imagine<br />

myself doing anything else. I’m also a bit of a<br />

dreamer, so I self-indulgently create things I wish<br />

existed, especially when I draw. I also do what<br />

I do to gain experience, make mistakes, and to<br />

have no regrets —the essentials.<br />

I don’t think the fashion industry is an uncertain<br />

industry. I think its nature is actually rather predictable.”<br />

[…] Lisa Goudsmit p. 23


MAGAZINE N 51, PAGE 18<br />

WOUND<br />

Angleterre, trimestriel, 192 p., n o 7, 230 x 300 mm,<br />

16,95 euros.<br />

Editor in chief: Francis Malone<br />

Fashion director: Laurent Dombrowicz<br />

Art director: Linda Elander<br />

Design director: Vita Piccolomini<br />

Publisher: Wound media<br />

woundmedia.com<br />

Un magazine indépendant, de 200 pages, au papier<br />

luxueux, avec quatre couvertures différentes pour<br />

un même numéro… ça frise l’indécence en temps<br />

de crise. Mais Wound (blessure) n’en a cure, puisque<br />

malgré la plaie, le combat a dû être victorieux.<br />

Côté image : une débauche de séries lisses et maîtrisées,<br />

très voire trop construites, toutes pourtant<br />

de photographes différents. C’est une ligne plus bas<br />

que réside l’explication : Laurent Dombrowicz, le<br />

fashion editor, est de toutes les séries ou presque.<br />

Styliste de mode réputé, il fait donc briller son image<br />

aux yeux de ses clients pour mieux les séduire,<br />

et joue au courtisan, pour tenter d’être désiré à son<br />

tour. Une fois la mécanique démontée, le contenu.<br />

Un thème : la grande illusion, et quatre sections :<br />

art, mode, architecture, design (original…). Beaucoup<br />

de textes cela dit, révérencieux avec les marques,<br />

plus libre avec les artistes (voir l’interview<br />

de Wim Delvoye en extrait). Wound fait penser à<br />

un menu, duquel serait proscrits sel, poivre, épices,<br />

graisses et même vin. Je me demande si je ne préfère<br />

pas le consumer de McDo.<br />

Extrait<br />

INTERVIEW<br />

Kate Mayne speaks with Wim and learns all<br />

about digestion, pigs and his plans for a challenging<br />

new tower at this year’s Venice extravaganza.<br />

He is internationally renowned for his Cloaca<br />

machines that replicate the human digestive<br />

system; they take in food like humans do, and<br />

deliver a perfectly formed turd onto a plate at<br />

the end of the digestion process. Delvoye has<br />

caused outrage amongst those who care for animal<br />

rights, by tattooing the backs of pigs as if<br />

they were biker’s back, and then, by analogy, tattooing<br />

a human’s being back as well according to<br />

a similar motif. The pig’s skins are stretched and<br />

sold after the animal has been slaughtered. The<br />

same fate awaits Tim’s back after his death. Tim<br />

is a friend of Delvoye; a relationship that grew<br />

out of the model/tattooist relationship facilitated<br />

by Delvoye’s practice. When Tim dies, his tattooed<br />

back will become the property of a collector,<br />

a sale that has already been established<br />

by contract. Patterning seems rife amongst the<br />

output of Wim Delvoye, as his work tends to<br />

marry elements that are at odds with each other,<br />

in such a way that nevertheless merge successfully,<br />

putting the viewer in a position of simultaneous<br />

recognition of incompatible parts. For<br />

an artist whose earlier works included football<br />

posts lined with traditional looking stained glass<br />

windows, and gas canisters painted in patterns<br />

of delft blue tiling, his work transpires to be far<br />

more consistent than a first glance would seem<br />

to suggest. The work seems to court controversy,<br />

which tends to make Delvoye a kind of<br />

bad boy of the art world.<br />

[…] Kate Mayne p. 143


MAGAZINE N 51, PAGE 20<br />

Les créateurs [de mode] ne<br />

peuvent pas tenir éternellement;<br />

ils disent ce qu’ils ont à dire,<br />

incarnent leur génération,<br />

illustrent leur époque,<br />

après, à d’autres de s’y coller !<br />

Vincent Darré<br />

Ancien élève du Studio Berçot, longtemps collaborateur de Karl Lagerfeld, puis styliste<br />

de Moschino et éphémère directeur artistique d’Ungaro, Vincent Darré a ouvert, depuis<br />

un an, rue du Mont-Thabor, à Paris, un espace entre galerie et cabinet de curiositéS<br />

dédié à son mobilier dadaïste. Touche-à-tout, ce dandy grand teint dessine également des<br />

costumes de spectacle, quand il ne réalise pas le stylisme d’images de mode.<br />

Décorateur, designer, costumier… comment<br />

définir votre job ?<br />

Déjà, je n’ai pas un métier. J’espère ne jamais<br />

avoir l’impression de travailler… Je réponds<br />

plutôt à des lubies. Rien dans mon parcours<br />

ne relève d’un plan de carrière ; je fonctionne<br />

davantage par étapes, au gré des expériences,<br />

des aventures, et des rencontres. Ma règle de<br />

conduite : faire ce à quoi l’on ne s’attend pas.<br />

La mode a longtemps été votre activité…<br />

J’ai toujours fait de la mode, et d’autres choses<br />

à côté, parce que j’ai toujours considéré<br />

la mode comme une forme de prison. Une prison<br />

dorée, certes, dans laquelle on s’amuse<br />

bien – et Dieu sait que je me suis beaucoup<br />

amusé –, mais également un milieu très<br />

fermé. Le job tourne vite en rond, avec ses<br />

collections tous les six mois, ses défilés…<br />

Tout au long de votre parcours, vous n’avez eu de<br />

cesse de vous réinventer.<br />

Ce qui me fait peur, ce n’est pas de vieillir, mais<br />

de devenir blasé ou aigri. Se réinventer évite de<br />

tourner en rond.<br />

La décennie écoulée, vous avez principalement<br />

travaillé pour Moschino, puis Ungaro.<br />

Moschino, cela me correspondait tout à fait.<br />

De son vivant, Franco Moschino se comportait<br />

comme un anarchiste, son travail tournait en<br />

dérision les codes de la mode. J’aime beaucoup<br />

l’humour sur la mode, et en aucun cas la mode<br />

se prenant au sérieux.<br />

Chez Ungaro, ce fut un peu moins l’osmose…<br />

Ungaro, le problème, c’est que ce n’était pas vraiment<br />

pour moi. Le style maison se résume à des<br />

couleurs flashy, des volants en veux-tu en voilà, et<br />

le mélange de 36 imprimés… Tout le contraire<br />

de ce que j’aime ! L’aventure aura duré un an, et<br />

quand elle s’est arrêtée : la déprime ! Je ne pouvais<br />

même plus ouvrir un canard de mode sans<br />

me mettre à pleurer… Après avoir beaucoup<br />

pleuré, j’ai bien dû me mettre à réfléchir. Comme<br />

j’avais de l’argent à la banque – ce qui n’avait pas<br />

toujours été le cas –, j’ai pris le temps, pendant<br />

deux ans, de développer le projet de la Maison<br />

Darré, que j’avais en tête depuis vingt ans.<br />

Quel fut le déclic ?<br />

Une exposition sur le dadaïsme à Beaubourg. Je<br />

venais de terminer mon passage chez Ungaro,<br />

donc assez déprimé, et tout à coup, en voyant les<br />

œuvres, j’ai compris que je me trompais sur ma vie.<br />

Au départ, j’aime les collages, les choses abruptes<br />

et énergiques. Je m’étais pourtant mis une pression<br />

de dingue pour devenir directeur artistique ;<br />

c’était la mode à l’époque, il fallait être directeur<br />

artistique d’une grande Maison. Mais ce n’était pas<br />

du tout un truc pour moi ! Répondre sagement à ce<br />

que l’on attend de moi, je ne sais pas faire.<br />

Ces deux ans de « vacances » vous furent donc<br />

profitables.<br />

Il faut du temps pour faire germer les choses en<br />

soi. Quand tu travailles dans la mode, on ne te<br />

laisse plus le temps de penser. C’est un cycle<br />

infernal imposé par les règles du prêt-à-porter.<br />

Il faut penser à la prochaine saison en dessinant<br />

la pré-collection tout en planchant sur les accessoires<br />

du défilé. Allez, il faut enchaîner ! Et ne<br />

surtout pas oublier de devenir célèbre. Pour cela,<br />

on doit te voir sur un maximum de photos. Tu<br />

dois donc sortir, répondre à des interviews. Mais<br />

quelle fatigue…<br />

A travers la Maison Darré, vous vous consacrez à<br />

présent à la décoration. La mode vous amuseraitelle<br />

moins ?<br />

Beaucoup moins. Au démarrage de la Maison<br />

Darré, je rêvais, comme du temps de la sécession<br />

viennoise, de décliner un univers global à travers du<br />

mobilier, avec une garde-robe adaptée. Je m’amusais<br />

à faire les meubles, les tapis, mais au moment<br />

de dessiner les vêtements, cela devenait rébarbatif.<br />

J’avais l’impression d’employer des recettes. Je me<br />

demandais si les pièces allaient se vendre… Des<br />

conditionnements inconscients, imposés par des<br />

années à travailler dans l’industrie, s’enclenchaient.<br />

Je n’arrivais plus à créer librement…<br />

Vous avez un problème avec ce qu’est devenue la<br />

mode aujourd’hui.<br />

La mode est un exercice qui a beaucoup changé<br />

ces quinze dernières années. A part quelques personnes<br />

qui pratiquent cette activité à leur guise,<br />

comme Azzedine Alaïa, la majorité des gens sont<br />

aujourd’hui là pour gagner beaucoup de fric et ne<br />

font donc que des concessions.<br />

Comment analysez-vous cette évolution ?<br />

J’ai vu le truc venir. A mes débuts, dans les<br />

années 80, je faisais du free-lance en Italie ; et<br />

l’Italie, ça a toujours été le business. La France a<br />

suivi le mouvement dans les années 90. Depuis,<br />

tout le monde ne pense qu’au fric. On connaît<br />

l’histoire : les griffes ont été rachetées par des<br />

grands groupes, tout s’est contracté, jusqu’à l’asphyxie<br />

que l’on constate aujourd’hui.<br />

Les affaires ne sont plus franchement florissantes,<br />

des Maisons comme Dior ferment des boutiques<br />

en douce, l’avenir de Christian Lacroix est<br />

incertain…<br />

Le Parti Socialiste disparaît aussi ; tout arrive en<br />

même temps. Les valeurs changent. J’espère que<br />

les gens vont enfin se détacher du pouvoir de<br />

l’argent. La mode, beaucoup ont cru que c’était la<br />

poule aux œufs d’or, un bon business avec lequel<br />

on allait indéfiniment pouvoir gagner beaucoup<br />

d’argent. C’était mal connaître cette activité…<br />

Il n’y a jamais de recette qui tienne. A reproduire<br />

sans cesse les mêmes schémas, on lasse…<br />

Vous voulez dire que les belles années du luxe<br />

sont derrière nous ?<br />

Le luxe, voilà un mot qui ne veut plus rien dire ;<br />

si le luxe c’est l’avenue Montaigne, merci bien !<br />

L’avenue Montaigne a le charme réfrigéré d’un<br />

« duty free ». Les soi-disant « grands groupes »<br />

ont réussi à transformer de vieilles Maisons en<br />

machines à produire des cochonneries. Et ils s’étonnent<br />

de ne plus vendre aucun vêtement. Rien de<br />

bien nouveau… En vérité, Pierre Cardin avait déjà<br />

fait le coup avec ses licences à tire-larigot dans<br />

les années 70, avec pour résultat de galvauder son<br />

nom. C’est ce qui arrive aujourd’hui à toutes ces<br />

griffes surexploitées : le rêve s’est envolé !<br />

Comment trouvez-vous la mode actuelle ?<br />

Nous sommes dans une époque de morts vivants.<br />

Il n’y a plus que des griffes avec des noms de<br />

morts, cercueils dans lesquels on case de pauvres<br />

gosses chargés de réanimer le cadavre. Avant,<br />

une Maison, ça durait dix ans ; Schiaparelli a tenu<br />

dix ans, Chanel, bon, deux fois dix ans – elle est<br />

partie, puis revenue. Les créateurs ne peuvent<br />

pas tenir éternellement ; ils disent ce qu’ils ont<br />

à dire, incarnent leur génération, illustrent leur<br />

époque, après, à d’autres de s’y coller ! Maintenant,<br />

on a des griffes zombies. Quelle ne fut<br />

pas ma surprise d’apprendre que des financiers<br />

italiens avaient l’intention de relancer Madeleine<br />

Vionnet. Madeleine Vionnet, c’était formidable<br />

– l’exposition aux Arts décoratifs le prouve<br />

assez –, mais elle est morte ! Et là, qu’est-ce que<br />

le petit monde de la mode attend fébrilement ?<br />

Le « come-back » de Céline en octobre… Mais<br />

Céline, c’est une mode pour petite-bourgeoise en<br />

bottes ! Ça ne fait vraiment pas rêver ! Aucune<br />

histoire, pas de patrimoine stylistique, juste une<br />

brave fille, super bien payée – Phoebe Philo –,<br />

qui se retrouve avec une patate chaude entre les<br />

mains. Tout cela parce que Céline c’est soi-disant<br />

un nom. Et ce n’est pas fini, on annonce aussi la<br />

relance de Carven ! Carven… On pourrait faire<br />

une liste de tout ce que l’histoire de la mode a<br />

connu de pire à l’attention des financiers en mal<br />

d’investissements.


Vous avez également travaillé pour la presse.<br />

Par hasard, là encore. En vacances avec François<br />

Hallard [photographe de mode et de décoration,<br />

ndlr], nous nous amusions à faire une série<br />

en hommage à Arletty, qui venait de mourir. Il<br />

a montré ses clichés à Brigitte Langevin, alors<br />

rédactrice en chef mode au Glamour, le résultat<br />

lui a plu, j’ai alors travaillé pour eux. Je faisais du<br />

stylisme, mais aussi des décors, je racontais des<br />

histoires… Plus tard, pour le Vogue, plutôt que<br />

de travailler avec des photographes qui ne me<br />

plaisaient pas, j’ai décidé de prendre moi-même<br />

les clichés. Ne connaissant rien à la technique,<br />

j’avais tout de même un assistant qui s’occupait<br />

de tout… Ce qui m’amuse c’est l’inattendu, faire<br />

ce que tu pensais ne pas pouvoir faire.<br />

La presse vous intéresse ?<br />

Si c’est pour réaliser des choses bricolées, comme<br />

l’étaient les revues surréalistes d’autrefois, des<br />

trucs qui ne se prennent pas au sérieux, oui, cela<br />

peut être intéressant ! Autrement, devoir dire merci<br />

à tous les annonceurs, c’est d’un barbant…<br />

Vous regardez les journaux pourtant…<br />

Oui… ce qui me tombe sous la main chez le<br />

coiffeur ou le dentiste. Dire qu’avant je ne pouvais<br />

pas passer deux jours sans me ruer dans les<br />

kiosques rafler toutes les revues… Paradoxalement,<br />

ce qui m’intéresse le plus aujourd’hui dans<br />

les magazines de mode, ce sont les articles sur<br />

les artistes, le design, le cinéma. Et plus que tout,<br />

les interviews d’acteurs – je suis très concierge,<br />

j’adore les ragots. Mais les séries de mode, je me<br />

force vraiment à les regarder pour me tenir au<br />

courant. Je me demande à qui cela peut encore<br />

faire de l’effet ces photos de mannequins avec un<br />

coup la main à droite, puis la main à gauche et<br />

la main à la taille sur la double page suivante. De<br />

pauvres gamines qu’on déguise pour illustrer le<br />

retour des années 90, après nous avoir bassinés<br />

avec le rétro 80, et rabattus les seventies… Une<br />

série ne peut être excitante que si elle amène<br />

quelque chose d’un peu étrange qui dépasse la<br />

simple illustration d’une tendance. Il faut renouveler<br />

le contexte.<br />

Vous avez également une carrière de costumier.<br />

J’habille surtout Arielle Dombasle, et l’on s’amuse<br />

beaucoup. Elle m’entraîne dans chacune de ses<br />

galères, qui varient d’un film de cape et d’épée à<br />

un album concept. C’est à chaque fois un exercice<br />

de style autour de son personnage. De là à<br />

devenir costumier dans le milieu du spectacle et<br />

du cinéma, à devoir habiller Monsieur et Madame<br />

Tout-le-monde dans une bonne comédie à la<br />

française : non ! Pour Milady de Josée Dayan,<br />

je m’étais retrouvé à faire, en plus des costumes<br />

d’Arielle, ceux des autres acteurs. Je devenais<br />

fou, même si le casting était plutôt drôle. J’avais<br />

des mousquetaires assez rock’n’roll : Guillaume<br />

Depardieu complètement pété, Florent Pagny en<br />

d’Artagnan… Mais tu t’ennuies tellement sur les<br />

tournages, tous ces temps d’attente entre deux<br />

scènes. Je n’ai pas la patience…<br />

Une autre de vos grandes occupations, c’est la<br />

mondanité.<br />

Les gens me reprochent beaucoup d’être mondain…<br />

Pourtant, rien que le terme même<br />

« mondain » est amusant ; tellement vieillot ! Et<br />

puis mondain, ça fait « personne qui s’intéresse<br />

au monde », alors, si c’est ça, oui ! je suis mondain.<br />

J’adore rencontrer des gens, et les plus belles<br />

rencontres se font quand on est saoul. A jeun,<br />

à un déjeuner, je n’y arrive pas… Il me faut<br />

boire et fumer pour dépasser ma timidité. Saoul,<br />

je peux parler à la terre entière, lier des amitiés.<br />

Une des choses les plus importantes dans la vie,<br />

c’est l’amitié. Sentir autour de soi un petit cercle<br />

qui protège. On vit dans un monde où tu peux un<br />

jour avoir un super boulot, être le roi du monde,<br />

et puis le lendemain te faire virer, te retrouver<br />

sans rien. Là, si tu n’as pas des amis, t’es un peu<br />

foutu… J’en connais pas mal qui sont derrière<br />

leur téléphone à attendre. Mais quoi ?<br />

Vous avez fait vos classes dans les nuits du<br />

Palace.<br />

Les années 80 étaient une période complètement<br />

libre. On la résume souvent à une période très<br />

bling-bling. Elle était certes effervescente et clinquante,<br />

mais pas du tout fric. Les jeux de positions<br />

sociales n’existaient pas, les gens n’avaient<br />

pas de plan de carrière, ils voulaient s’amuser.<br />

Et puis on croisait des gens très différents. Ce qui<br />

me manque le plus dans les nuits, aujourd’hui, ce<br />

sont les mélanges. Au Palace, j’ai rencontré Erté,<br />

un illustrateur de mode des années 30. Tu vois un<br />

type de 80 balais aller en boîte aujourd’hui ?<br />

Les fêtes ont beaucoup changé elles aussi ?<br />

Dans les années 80, les bals étaient donnés par<br />

des gens qui jetaient leur argent par les fenêtres<br />

; on se battait alors pour être invité à une<br />

fête. Les soirées sont aujourd’hui sponsorisées<br />

par des marques qui lancent des produits, et les<br />

attachées de presse font à présent des pieds et<br />

des mains pour y rabattre des gens que cela fait<br />

chier. Les actrices sont payées pour porter des<br />

robes, les PDG paradent, et le gros des invités<br />

fait de la figuration… Ce n’est plus la maîtresse<br />

de maison qui t’accueille, mais un mur de logos<br />

devant lequel il faut prendre la pose. Les tenues<br />

sont au diapason du système, les strass crépitent<br />

pour rassurer sur la bonne santé du compte en<br />

banque de ces dames. On est dans une surenchère<br />

macho : elles sont toutes là pour montrer<br />

qu’elles ont un sac plus gros que leur copine !<br />

Rassurez-moi, vous vous amusez encore…<br />

Si tu arrives à une fête dans l’état d’esprit de<br />

devoir représenter quelque chose – la boîte pour<br />

laquelle tu travailles, ton statut social –, bref de<br />

te vendre, c’est sinistre. Si tu viens avec un verre<br />

dans le nez et trois copains pour foutre la merde,<br />

tu t’amuses toujours…<br />

Mode et déco fonctionnent-elles de la même<br />

façon ?<br />

A part Karl Lagerfeld, qui change de mobilier et<br />

de maison comme de chemise, non. Les gens<br />

modifient moins souvent leur cadre de vie.<br />

Votre mobilier aux formes squelettiques, chaise<br />

au dossier façon vertèbres ou table basse en<br />

forme de bassin… peut dérouter.<br />

Le fondement de tous ces objets, c’est mon propre<br />

corps. Je suis Vincent le Désossé ; mon squelette<br />

est très voyant : je n’ai pas grand-chose<br />

d’autre que la peau sur les os.<br />

On ne peut pas vraiment qualifier votre mobilier<br />

de design.<br />

Ce qui m’intéressait, enfant – et m’intéresse toujours<br />

–, c’est ce que l’on appelait autrefois les<br />

« arts décoratifs ». Quelque chose englobant la<br />

mode, le mobilier, les tissus, les bijoux…<br />

Vous avez créé le décor du Montana, une boîte de nuit.<br />

Comme tout ce qui m’arrive, c’est une histoire<br />

d’amis. André, et surtout Olivier Zahm, à qui l’on<br />

proposait de s’occuper de cet endroit, acceptèrent<br />

à condition que je réalise la déco ! Ils voulaient<br />

une « Tutch Vincent Darré ». La « tutch », c’est<br />

que je me suis retrouvé à faire tout le décor en<br />

trois semaines, avec les électriciens sur le dos,<br />

le menuisier me demandant où placer la caisse<br />

derrière le bar. Tu parles d’une « tutch » ! Mais,<br />

c’était très amusant. Je souhaitais inventer un<br />

endroit qui ressemble à l’idée que se serait faite<br />

des Américains d’une cave à Saint-Germain dans<br />

les années 60.<br />

Avez-vous peur de vieillir ?<br />

Il y a des étapes dans la vie. A 20 ans, tu fais<br />

n’importe quoi : tu peux prendre toutes les drogues,<br />

sortir tous les soirs – il faut bien en profiter<br />

parce qu’après c’est fini ! La trentaine venue, tu<br />

te dis qu’il va bien falloir travailler et faire quelque<br />

chose de ta vie, et là, tu entames ce que les gens<br />

appellent une carrière – c’est important de ne<br />

pas se rater au départ parce qu’après c’est plus<br />

difficile de prendre le train en route. A 40, tu passes<br />

par de grands questionnements : qu’est-ce<br />

que j’ai dans mon armoire ? Qui sont mes amis ?<br />

Suis-je amoureux de la personne dans mon lit ?<br />

Qu’est-ce que je garde ? Qu’est-ce que je jette ?<br />

C’est l’âge où tu réalises qu’il te reste dix ans<br />

pour faire quelque chose de créatif dans ta vie.<br />

Après, cela devient plus compliqué… Moi, je me<br />

suis réveillé au dernier moment, j’ai 50 ans et<br />

cela fait un an que j’ai ouvert la Maison Darré,<br />

c’était ric-rac !<br />

Propos recueillis par Cédric Saint André Perrin<br />

Je me demande à qui cela peut<br />

encore faire de l’effet ces<br />

photos de mannequins avec<br />

un coup la main à droite,<br />

puis la main à gauche et<br />

la main à la taille sur la<br />

double page suivante.<br />

Ce qui me manque le plus dans<br />

les nuits aujourd’hui, ce sont<br />

les mélanges. Au Palace, j’ai<br />

rencontré Erté, un illustrateur<br />

de mode des années 30. Tu<br />

vois un type de 80 balais aller<br />

en boîte aujourd’hui ?


MAGAZINE N 51, PAGE 24<br />

Le temps arrêté<br />

Coup sur coup, deux marques de luxe exhument des images publicitaires datées. Et ne<br />

regardent plus devant mais derrière, non plus dans un mouvement, mais dans une pose<br />

figée. Deux stars comme on n’en fait plus, ou plutôt un temps capable de « stariser » qui<br />

s’est évanoui. Reste quelques photos…<br />

Plus forte que les figures<br />

promotionnelles de l’acteur et de<br />

l’athlète réunies, la présence de<br />

Kennedy évoque immanquablement<br />

ce conte de fées moderne d’ambition<br />

et de pouvoir. […] Kennedy, c’est<br />

l’éternelle promesse, un horizon<br />

utopique.<br />

C’est d’abord une photographie d’archive sur<br />

laquelle vient sommairement prendre place l’objet<br />

promu par le publicitaire ; il s’agit d’une montre de<br />

luxe. La phrase d’accroche et le logo de la marque<br />

peuvent se permettre de rester discrets au premier<br />

regard puisque ce dernier achoppe immédiatement<br />

sur la figure de John Fitzgerald Kennedy. Explication<br />

: les montres suisses Omega furent appréciées<br />

par le président qui lança la guerre des étoiles et<br />

les modèles Speedmaster adoubés un peu plus tard<br />

par la NASA ; ces super joujoux techniques bénéficient<br />

depuis lors d’une présence exclusive dans<br />

l’espace. Aujourd’hui, quarantième anniversaire du<br />

premier pas sur la Lune et échange de bons procédés<br />

: la Fondation Kennedy a autorisé l’utilisation<br />

de documents ; sur le site Internet d’Omega, à la<br />

rubrique Speedmaster, on a donc droit à un extrait<br />

du discours de 1962, d’où sont issues la citation<br />

(“We choose to go to the Moon”) et l’image papier,<br />

accompagné d’un résumé de la conquête spatiale<br />

américaine – en toute simplicité.<br />

Qu’un homme à qui le temps manqua devienne<br />

l’ambassadeur d’un objet qui en symbolise la<br />

maîtrise est d’ailleurs en soi assez ironique. Mais<br />

l’aura comme le rayonnement de Kennedy sont<br />

inversement proportionnels à sa trajectoire politique,<br />

suffisamment brève pour conjurer toute relecture<br />

critique conséquente. Plus forte que les figures<br />

promotionnelles de l’acteur et de l’athlète réunies, la<br />

présence de Kennedy évoque immanquablement ce<br />

conte de fées moderne d’ambition et de pouvoir, où<br />

l’héroïne serait une étoile filante, virtuelle mais non<br />

pas moins fascinante : Kennedy, c’est l’éternelle<br />

promesse, un horizon utopique. Dans une perspective<br />

cynique, on peut bien utiliser sous prétexte<br />

de commémoration la figure de Kennedy comme<br />

signe d’une optimisation maximale du temps et sa<br />

nécessité : Speedmaster, donc… Même si l’hyper<br />

maîtrise en reviendrait bien plutôt à l’entreprise<br />

Omega qui, en un condensé confondant, ferait<br />

presque passer l’histoire dense d’enjeux politiques,<br />

idéologiques, de prouesses humaines et scientifiques,<br />

pour l’une des plus ambitieuses campagnes<br />

commerciales jamais élaborées – après tout, qui<br />

se soucie aujourd’hui d’explorer les étoiles ? Autant<br />

en exploiter l’éclat ici-bas, quand bien même il ne<br />

serait qu’un reflet.<br />

C’est enfin un bel homme qui prête en 2009 son<br />

visage à la promotion d’une eau Dior qui fit date.<br />

La photographie qui en actualise le désir apparaît<br />

cette fois avoir été élaborée il y a quelques<br />

mois : le clair-obscur de velours et la précision<br />

du grain, le cadrage empathique allié à l’épure<br />

classieuse, et bien sûr la jeunesse sensuelle…<br />

d’Alain Delon en 1966, année où fut créée l’eau<br />

en question. Troublante campagne qui, en voulant<br />

fédérer les générations, évoque le temps et<br />

le nie en apparence, lorsque quarante années<br />

s’évaporent à la surface (enchanteresse et codifiée)<br />

d’une instantanéité de papier glacé. Magie<br />

des stratégies marketing qui, pour conjurer un<br />

présent dangereusement mouvant, brandissent<br />

des « il y a longtemps » qu’elles maquillent en<br />

« toujours » – le temps et son épaisseur y font de<br />

drôles de loopings.<br />

Publicité Omega été 2009<br />

Publicité Dior Parfums 1966 puis 2009<br />

Céline Mallet


MAGAZINE N 51, PAGE 26<br />

Le chapeau masculin<br />

Soumis aux conventions bien plus qu’aux modes, les hommes esclaves du protocole<br />

vestimentaire n’ont cessé de se trahir par leurs chapeaux. Sans doute parce que, sous<br />

leurs casques protecteurs, ils avaient souvent tendance à oublier qu’ils n’étaient que des<br />

hommes. Statut, attitude, croyances, « Si tu veux cacher tes opinions, marche tête nue »,<br />

disait le dicton. le chapeau véhicule des messages sémiotiques que la standardisation de<br />

la tenue masculine a réduit à une poignée de mots…<br />

Bonnet<br />

Jusqu’au xii e siècle, les hommes ne portent presque<br />

jamais de chapeau, excepté ce simple bout de<br />

cuir maintenu sous le menton par des rubans. Les<br />

nobles qui, pendant des générations, avaient proclamé<br />

leur supériorité sur les serfs en gardant leurs<br />

cheveux longs, refusèrent d’adopter ce couvre-chef<br />

sous prétexte qu’il était efféminé – il est vrai qu’il<br />

ressemblait à un bonnet de nourrisson… Mais<br />

au fil des rébellions, le bonnet plus fréquemment<br />

porté sans attache devint le signe distinctif de la<br />

noblesse. Et se mit à coiffer, au xix e siècle, toutes<br />

les classes sociales et toutes les conditions.<br />

Capuchon<br />

Au cours du Moyen-Age, seule la nécessité<br />

de voyager oblige les hommes à se munir d’un<br />

chapeau. Ample et pointu, attaché à une cape<br />

pour recouvrir les épaules, le capuchon devient à<br />

la fin du xii e siècle une entité séparée, avant de<br />

se sophistiquer au début du xiv e siècle : enroulé<br />

autour de la tête comme un turban ou porté<br />

comme un bonnet, on ne le distinguait pratiquement<br />

plus de ses confrères couvre-chefs.<br />

Liripipion<br />

Au fil des décennies, la pointe du capuchon<br />

s’étire comme une pâte à chewing-gum pour finir<br />

par se balancer dans le dos comme la queue<br />

d’un animal, et par toucher terre… au point qu’il<br />

fallut le draper comme un turban pour ne pas<br />

s’empêtrer les pieds. Conscients de son pouvoir<br />

de suggestion, seigneurs et féodés arboraient<br />

ce symbole phallique avec délectation – tout<br />

comme ils chaussaient leurs pieds de poulaines<br />

pointues.<br />

Gorgerette<br />

Plumes et broches ornées de bijoux escaladent le<br />

liripipion, pour faire le paon sur la tête feutrée de<br />

ces riches messieurs.<br />

Chaperon<br />

Fils du capuchon-turban ayant acquis son<br />

indépendance à la fin du xii e siècle, cagoule et<br />

capuche à la fois, il s’agrémente au xiv e siècle<br />

d’une cornette dégoulinante, avant de se faire<br />

coudre en drapé sur des bourrelets et qu’une<br />

gorgerette Renaissance dressée en crête de coq<br />

ne lui grimpe sur le dos. En raison de son unisexualité<br />

et des multiples manières de l’enfiler,<br />

il porte à préjudice. Ainsi, tiré vers l’avant à la<br />

mode « embronché », il cache le visage et offre<br />

des facilités pour les agressions à main armée,<br />

si bien qu’un décret de 1399 le limite aux enterrements.<br />

Toque<br />

Au xvi e siècle, l’innovation est surtout vestimentaire.<br />

Le chapeau accessoire est devenu si banal que<br />

tous les hommes sans distinction se doivent d’en<br />

porter un, sous peine de mépris et d’insignifiance.<br />

Sous Henri III, les fraises tuyautées sont si envahissantes<br />

qu’il faut rétablir l’harmonie de la silhouette<br />

avec de petites toques ornées de plumes.<br />

Pain de sucre<br />

Digne descendant du bonnet, dans la famille des<br />

chapeaux pointus coniques, il est le plus populaire<br />

des xvi e et xvii e siècles. Bien qu’il fût très volatile, il<br />

avait au moins un avantage thermique : il permettait<br />

de se réfrigérer le cerveau en bloquant l’air à<br />

l’intérieur du cône.<br />

Tuyau de poêle<br />

Charles I er d’Angleterre (1625 – 1649) portait<br />

un chapeau dont la haute calotte en forme de<br />

tube ressemblait étrangement à un « tuyau de<br />

poêle ». Il était fait des plus beaux poils de castor<br />

importés du Canada et traités à grands frais<br />

pour donner à la surface du chapeau de chauds<br />

reflets rouges. Victime de la première Révolution<br />

anglaise, le roi à la calotte décapitée refusa<br />

d’ôter son « tuyau » en présence du tribunal et<br />

de la guillotine, anéantissant ainsi la mode des<br />

chapeaux à calotte haute pour plus d’un siècle.<br />

Cavalier<br />

Au début du xvii e siècle, les chapeaux atteignent<br />

de nouveaux sommets d’extravagance. Volumineux<br />

et somptueusement garni de plumes, ce<br />

digne figurant du siècle de Louis XIV entre dans<br />

la légende sur la tête des Trois Mousquetaires.<br />

Pourtant, s’il donnait beaucoup d’allure aux<br />

militaires, il était inconfortable dans la mesure<br />

où ses larges bords en oreille de chien devaient<br />

constamment être retroussés pour ne pas occulter<br />

la vision.<br />

Tricorne<br />

La nécessité de corner le « cavalier », pour plus<br />

de praticité, se fit pressante. On commença par<br />

l’épingler sur le côté droit afin que l’on pût, au<br />

moins, balancer son bras droit correctement. Puis<br />

on releva et épingla les trois côtés pour qu’un<br />

homme au galop ne risquât pas d’être désarçonné<br />

en le maintenant. Porté par les gentilshommes<br />

et les courtisans, bordé généralement<br />

d’une belle frange de plumes d’autruche, il fut<br />

l’un des principaux couvre-chefs survivants du<br />

xviii e siècle face au monopole de la perruque.<br />

Bicorne<br />

La Révolution donna le coup de grâce au tricorne.<br />

Les chapeaux étant devenus superflus, sinon pour<br />

parader, les hommes adoptèrent le bicorne, dit<br />

aussi le « chapeau bras » (car il avait été créé pour<br />

être porté à la main plutôt que sur la tête ; l’élégant<br />

ne pouvant pas prendre le risque de déplacer sa<br />

perruque ou de faire tomber de la poudre sur ses<br />

épaules…). La calotte aplatie, celui-ci n’était pas<br />

très élégant, mais il avait une solennité qui correspondait<br />

parfaitement aux attitudes de l’Homme<br />

Nouveau et aux attentes de Napoléon…<br />

Bonnet phrygien<br />

Emblème de liberté et de démocratie, ce bonnet<br />

mou replié à l’avant comme une corne, existe<br />

déjà depuis belle lurette – on le donnait aux<br />

esclaves grecs et aux romains affranchis – lorsque<br />

les révolutionnaires décident d’en chapeauter<br />

Marianne, allégorie de la République. Si « on<br />

ne peut mener une révolution en haut-de-forme »,<br />

on ne peut non plus diriger un gouvernement en<br />

bonnet phrygien (car le chapeau mou sous-entendait<br />

l’anarchie).<br />

Haut-de-forme<br />

Sujet favori du courrier des lecteurs, cette mode qui<br />

vint du gentilhomme de la campagne – ce dernier<br />

avait rétréci les bords de son chapeau en guise de<br />

casque de protection rudimentaire pour minimiser<br />

les blessures de chute de cheval – eut toujours<br />

ses détracteurs. Sans doute par aversion du siècle<br />

envers ses « gros bonnets » (hommes d’affaires,<br />

banquiers, politiciens…) qui, pour afficher leur<br />

supériorité, s’affublaient de cette tour de prestige<br />

aussi absurde qu’elle était malcommode.<br />

Casquette<br />

Dans l’Angleterre victorienne, le chapeau du chasseur<br />

de cerfs – dont s’inspira Conan Doyle pour coiffer la<br />

tête de son héros Sherlock Holmes – évoquait avant<br />

tout le sportif campagnard, mais il était aussi un<br />

accessoire justicier, pour celui qui consacrait sa vie à<br />

la réflexion ou à la recherche de malfaiteurs…<br />

Melon<br />

En 1850, le chapeau prend le melon. Lassé de<br />

ses chapeaux mous peu résistants aux rigueurs<br />

de la vie, Mister Coke rêvait d’un chapeau aussi<br />

rigide qu’un haut-de-forme, mais pas aussi haut.<br />

La maison Lock & Co lui proposa la solution de<br />

la calotte ronde, qu’il testa en sautant à pieds<br />

joints sur la calotte. Le bowler hat – du nom de<br />

famille du fabricant – se fit le solennel allié de la<br />

classe dirigeante proche de l’ouvrier, représentant<br />

à la manière « melon bosselé » de Charlie Chaplin<br />

la vulnérabilité pathétique d’un homme dont la<br />

dignité (écornée) tient à son chapeau.<br />

Stetson<br />

A la suite de la tournée de Buffalo Bill (1898),<br />

« Le chapeau de la conquête de l’Ouest », créé par<br />

le chapelier américain John B. Stetson, devint un<br />

accessoire vital pour tous les cow-boys du showbusiness.<br />

Miroir de la virilité masculine, vissé sur<br />

la tête de James Dean ou de Ronald Reagan, il<br />

aurait pu être le descendant du tricorne.<br />

Béret<br />

Pendant la Deuxième Guerre mondiale, le béret<br />

basque – couvre-chef français le plus commun<br />

– fut adopté par les maquisards afin de<br />

n’éveiller aucun soupçon… Penché sur la tête<br />

de Che Guevara, il fut pris à son insu pour le<br />

symbole mondial du guérillero révolutionnaire.<br />

Les oubliés du chapeau<br />

La liste est longue, citons en vrac : bitos, bloum,<br />

borsalino, canotier, chéchia, chapska, cumberland,<br />

fédora, galurin, jim crow, homburg, képi,<br />

panama, pilos, pétase, sombrero, suroît, talpack,<br />

trilby, turf, wellington…<br />

Marlène Van de Casteele


MAGAZINE N 51, PAGE 28<br />

Practise NZ at the Venice Biennale 2009 02 / 02 / 09<br />

Logotype Modular Variation<br />

au détour d’un canal, engoncé<br />

dans ma veste de costume<br />

usée et me dandinant dans mes<br />

chaussures inadaptées, j’ai été<br />

frappé de plein fouet par un<br />

symbole d’une beauté rivalisant<br />

– voire surpassant – celle de<br />

la sérénissime.<br />

New Zealand<br />

at the<br />

Venice Biennale<br />

2009<br />

Initiales NZ<br />

Quand Venise, ville du plus grand classicisme, accueille une biennale d’art contemporain,<br />

le meilleur graphisme y pointe parfois le bout de son logo.<br />

Practise NZ at the Venice Biennale 2009<br />

Logotype Modular Variation<br />

Ouverture de la Biennale de Venise, juin 2009.<br />

L’élite de la culture mondiale est là, crapahutant<br />

de palazzo en palazzo, voguant sur des taxis à<br />

60 euros la minute, se nourrissant de petits fours<br />

et de Bellini. La ville est envahie de banderoles<br />

et d’affiches à la gloire des différents pavillons<br />

nationaux, et chaque pays semble avoir produit<br />

un sac en tissu, à porter en bandoulière, aux<br />

couleurs de son exposition. On identifie en un<br />

clin d’œil le professionnel du monde de l’art :<br />

lunettes Ray Ban Wayfarer, veste de costume<br />

usée, chaussures totalement inadaptées à une<br />

ville comme Venise, où il faut marcher des heures<br />

durant, et surtout un (ou plusieurs) art bag sous<br />

le bras. Informe et mou, produit en Chine pour<br />

deux centimes, il est devenu le signe imparable<br />

pour différencier le critique d’art du touriste à la<br />

recherche du pont des Soupirs.<br />

Il n’y a dans les jardins de l’arsenal que quelques<br />

pavillons, construits depuis longtemps et<br />

signes d’une lointaine époque géopolitique – la<br />

Yougoslavie et la Tchécoslovaquie n’existent<br />

plus mais exposent toujours. Pour les centaines<br />

d’autres pays, désireux de se faire une place<br />

sur la mappemonde de l’art contemporain, une<br />

seule solution : louer un lieu dans la ville ou<br />

dans les hangars de l’arsenal et en faire la<br />

promotion, dans l’espoir que les visiteurs feront<br />

l’effort d’y aller. Contrairement à sa voisine australienne,<br />

la Nouvelle-Zélande n’a pas de pavillon<br />

permanent, et est donc hébergée dans deux<br />

lieux distincts de la ville.<br />

Et c’est donc au détour d’un canal, engoncé dans<br />

ma veste de costume usée et me dandinant dans<br />

mes chaussures inadaptées, que j’ai été frappé<br />

de plein fouet par un symbole d’une beauté rivalisant<br />

– voire surpassant – celle de la sérénissime.<br />

Mes yeux, au vu d’un petit sigle bleu azur, ont<br />

soudainement doublé de volume, et j’ai immédiatement<br />

perdu tout intérêt pour les détails délicats<br />

des façades du Palais des Doges, les installations<br />

sonores de Bruce Nauman ou les jambes des jeunes<br />

journalistes françaises. Jamais je n’avais vu<br />

un geste visuel d’une telle force, jamais je n’avais<br />

pensé qu’un N et un Z pouvaient avoir exactement<br />

la même forme sans avoir à basculer. Du pur<br />

génie, du concentré d’efficacité visuelle plus fort<br />

que le crack. Pour me remettre de ce choc, il m’a<br />

fallu plus d’un cocktail au bar de l’Hôtel Bauer.<br />

D’où pouvait donc venir ce NZ hypnotisant ?<br />

James Goggin, jeune graphiste basé a Londres,<br />

s’est vu confier cette année l’identité de la<br />

mission néo-zélandaise. Lauréat d’un concours<br />

réunissant plusieurs agences, il a créé un signe<br />

qui vient s’inscrire dans la liste très fermée des<br />

Logos Parfaits. Avec les deux initiales du pays,<br />

N et Z, il a réussi à composer un pictogramme<br />

entièrement symétrique, purement angulaire et<br />

graphique, mais avec un niveau de lecture et de<br />

compréhension quasiment immédiat. Pourtant,<br />

James Goggin a rencontré moult résistances<br />

dans les sphères du New Zealand Art Council,<br />

aux différents stades d’élaboration de cette<br />

identité, à tel point que le pictogramme a failli<br />

ne pas être inclus dans la solution visuelle finale.<br />

J’ai encore du mal à comprendre comment des<br />

responsables d’institution artistique peuvent ne<br />

pas saisir la force d’un tel travail. Selon James,<br />

on peut non seulement lire le N et le Z dans le<br />

logo, mais aussi le V de Venise, une flèche descendant<br />

vers le bas (pointant vers l’hémisphère<br />

sud), et une référence aux gravures sur bois<br />

maories. Au final, le site Web sur lequel le logo<br />

a été mis en place (2009.nzatvenice.com) a été<br />

relégué au deuxième plan derrière une nouvelle<br />

version réalisée en cachette par le gouvernement<br />

d’Auckland (nzatvenice.com). Et, bien sûr, dans<br />

cette identité bis, on retrouve un atrocissime logo<br />

« Creative NZ » aux accents ethniques.<br />

Heureusement, et pour quelques mois encore (la Biennale<br />

se termine en novembre), la plus belle ville du<br />

monde accueille un des plus beaux logos au monde.<br />

Yorgo Tloupas<br />

Site Internet de James Goggin : practise.co.uk<br />

New Zealand<br />

at the<br />

at the<br />

Venice Biennale<br />

2009 2009<br />

New Zealand<br />

at the<br />

Venice Biennale<br />

2009<br />

New Zealand<br />

Venice Biennale<br />

www.practise.co.uk 01 / 01


MAGAZINE N 51, PAGE 30<br />

un logo de luxe qui voulait<br />

dire « je suis beau, jeune,<br />

riche et intelligent » veut<br />

aujourd’hui dire « je suis fauché,<br />

en banlieue lointaine, et<br />

je rêverais de rentrer au VIP ».<br />

SLOW FASHION<br />

Comment se porte le superflu en période de crise ? On annonce le retour en force du<br />

basique, mais si les logos se sont faits plus discrets, la guerre des signes fait toujours<br />

rage dans la rue. Quel rôle jouent les blogs dans ce système bien huilé de la mode ?<br />

Un entretien à visage couvert propose quelques réponses.<br />

Sur le modèle de la slow food, on parle désormais<br />

d’un mouvement de slow fashion [acheter moins<br />

et mieux, plus basique et moins ostentatoire].<br />

Qu’en pensez-vous ?<br />

C’est effectivement écrit dans n’importe quel<br />

magazine de mode, ce qui serait une raison de<br />

s’en méfier… pourtant je pense que c’est vrai.<br />

Il y a effectivement une consommation plus lente<br />

et pour des raisons multiples. Au départ, il y a<br />

une peur alimentée par tous les médias qui répètent<br />

: « gardez bien vos sous, il ne va pas y en<br />

avoir beaucoup dans les temps à venir », ce qui<br />

a affecté les achats compulsifs, spontanés ou<br />

« superflus », les « it-bag » par exemple, qui n’ont<br />

plus vraiment la cote. Ensuite, il y a eu le temps<br />

de la preuve : chacun a été affecté par la crise,<br />

soit qu’il connaisse dans son entourage quelqu’un<br />

qui ait été licencié soit qu’il ait vu une entreprise<br />

mettre la clé sous la porte, et ça a donné un vrai<br />

coup de frein à la conso. On a alors parlé de<br />

consommation raisonnée, l’acheteur se demandant<br />

: de quoi ai-je vraiment besoin ?<br />

Ce mouvement touche-t-il tous les consommateurs<br />

?<br />

Même les populations qui n’étaient pas encore<br />

affectées commencent à avoir ce raisonnement.<br />

Dans les magazines de mode, on ne parle plus<br />

de fashionistas [consommateurs de mode effrénés]<br />

mais de recesionnistas, une nouvelle espèce<br />

tout aussi branchée. Et on assiste à l’inverse de<br />

ce que l’on a connu depuis dix ans avec la fast<br />

fashion : deux collections par an ne suffisaient<br />

pas, il en fallait quatre, on devait accélérer le<br />

rythme des visites dans les magasins, les messages<br />

RP étaient plus radicaux : on installait un<br />

produit, pas exemple un gros sac, pour le détrôner<br />

quelques mois après par un plus petit et ainsi<br />

de suite. Parallèlement, on assistait à la quasidisparition<br />

de la mode minimaliste, le classicisme<br />

était devenu ringard et on lui préférait le changement<br />

pour le changement, comme une valeur<br />

en soi : enjoy present, enjoy yourself. Dès qu’un<br />

discours différent s’affichait, par exemple « il me<br />

faut un truc qui me va vraiment », on passait pour<br />

un ringard ou un réac parce qu’on ne voulait pas<br />

entrer dans ce modèle en mouvement.<br />

Vous disiez que ce mouvement de « recesionnistas<br />

» était devenu à la mode. N’est-ce pas antinomique<br />

?<br />

Il y a un phénomène récent dans le quartier<br />

des boutiques de luxe à New York : les femmes<br />

commencent à ne plus vouloir que le sac de leur<br />

shopping soit labellisé luxe, comme si ça n’était<br />

pas respectueux des autres, pas compassionnel<br />

ni visionnaire quant à la situation actuelle qui<br />

dit plutôt : « tu consommes, tu n’es pas dans le<br />

coup ». Et des boutiques de luxe new-yorkaises<br />

commencent à donner des sacs sans logo. On<br />

entre ainsi dans « la mode de culpabilité », et ça<br />

devient à la mode de dire « ce sac, je ne l’ai pas<br />

acheté, je l’ai récupéré de ma grand–mère et il<br />

est génial », ou alors « avec cette crise, je suis<br />

retourné voir dans mon dressing et j’ai redécouvert<br />

ce truc que je n’avais mis qu’une fois », etc.<br />

En deux mots, ça redevient chic de dire « j’ai<br />

fait une affaire ». Ça devient « mode », y compris<br />

pour la bourgeoise classique d’aller chercher un<br />

top chez H&M ; et être dans le coup aujourd’hui<br />

ce n’est pas choisir une consommation exhibitionniste<br />

mais maline.<br />

Ce n’est donc pas qu’une question de budget, mais<br />

presque de style de consommation…<br />

Absolument, et ça explique aussi le boom des<br />

ventes en ligne à travers des sites comme venteprivée.com,<br />

dont les promotions sont parfois<br />

douteuses ou artificielles. Ce succès est expliqué<br />

par la quête de la bonne affaire et, ce qui est<br />

nouveau, de la honte d’être vu faisant du shopping.<br />

C’est aujourd’hui beaucoup plus chic de dire<br />

« samedi, je suis allé dans un parc » que « j’étais<br />

chez APC, puis rue Saint-Honoré » ; y compris<br />

pour des branchés. Et indépendamment de l’aspect<br />

financier, les après-midi troc redeviennent<br />

« dans le coup » chez la bourgeoise moyenne,<br />

alors que les petites branchées parisiennes se<br />

servent de leur blog pour montrer ce qu’elles ont<br />

dans leur penderie et font du troc en ligne. C’est<br />

une autre forme de mondanité : se retrouver chez<br />

une amie où chacune aura apporté une valise de<br />

vêtements qu’elle ne met plus ; comme une sorte<br />

de réseau social !<br />

Le succès pérenne d’enseignes comme Muji et<br />

celui annoncé d’Uniqlo, qui proposent des basiques<br />

de qualité, inquiète-t-il les mastodontes de<br />

la mode que sont les H&M, Zara, etc. ?<br />

De toute manière, ils prennent ces arrivées en considération.<br />

Uniqlo a l’air de débarquer la tête haute, en<br />

sachant ce qu’il fait, et les enseignes déjà installées<br />

sont suffisamment avisées pour ne pas rester les<br />

bras croisés. Je ne serais pas surpris par exemple<br />

que H&M inaugure un corner « classics ».<br />

La prochaine bataille de la mode aurait donc lieu<br />

sur le terrain des basiques ?<br />

Heureusement, la mode obéit à des mécanismes<br />

difficiles à prévoir… On m’a annoncé ce matin<br />

que Lane Crawford, la boutique new-yorkaise qui<br />

avait investi la première le créneau minimaliste,<br />

venait de fermer. Dans les années 90, on nous<br />

avait apporté cette réponse : consommez moins,<br />

consommez mieux. Philippe Starck avait sorti son<br />

catalogue « Good goods » avec ce concept et,<br />

même si je ne le porte pas dans mon cœur dès<br />

lors qu’il est en train de polluer tous les palaces<br />

du monde avec ses chaises en plastoc et ses lustres<br />

kitsch, reconnaissons qu’il était visionnaire.<br />

Dans les années 90, on a cru que la réponse<br />

à cette consommation débile c’était le minimalisme,<br />

puis on a vu que ce n’était qu’un message<br />

de mode comme les autres ; enfin, on est revenu<br />

aux motifs, aux imprimés. […]<br />

Est-ce que la réponse aujourd’hui est de proposer<br />

des basiques ? Pas sûr, parce que tout le monde<br />

en possède déjà et les marques qui en proposent<br />

ne parviennent pas aujourd’hui à écouler leurs<br />

stocks. Je pense que toutes les marques vont<br />

être dans une certaine difficulté, pas uniquement<br />

celles qui proposent des vêtements bariolés ou<br />

ostentatoires. […] Toutefois, on constate des<br />

situations paradoxales : les commandes de perles<br />

et de strass ne se sont jamais aussi bien portées…<br />

c’est un contrecoup de la forte demande<br />

sur le minimalisme qui amène des petits malins<br />

à se positionner à l’opposé en disant : pendant<br />

la crise, faisons la fête ! De même, apparemment<br />

Paul & Joe marche bien, alors que Vanessa Bruno,<br />

non ; on ne parvient pas à tout expliquer…<br />

Que faire alors ?<br />

Je crois que les marques doivent revenir à ce<br />

qu’elles savent faire et ce pour quoi la marque<br />

a un sens. Que ce soit des sacs de luxe ou les<br />

meilleures chaussures de sport… même si 85 %<br />

des baskets finissent dans la rue et non dans la<br />

pratique d’un sport. Car si les consommateurs en<br />

viennent à n’acheter que ce dont ils ont besoin,<br />

ils privilégieront des références.<br />

Dans le streetwear, la surface ostentatoire dédiée<br />

aux logos est plus restreinte. Naomie Klein n’a-telle<br />

pas gagné en apparence la partie avec son<br />

livre No logo ?<br />

En tout cas, elle a gagné une bataille. Et je suis<br />

certain qu’elle va de nouveau faire couler beaucoup<br />

d’encre, car certains lecteurs vont relire<br />

No logo et une nouvelle génération va le découvrir.<br />

Elle a saisi quelque chose de profondément<br />

vrai. Le caractère ostentatoire du logo est un<br />

phénomène dont ont besoin les consommateurs<br />

qui sont pauvres, autant en termes de signe que<br />

d’argent. Concrètement, ça signifie qu’un logo de<br />

luxe qui voulait dire « je suis beau, jeune, riche et<br />

intelligent » veut aujourd’hui dire « je suis fauché,<br />

en banlieue lointaine et je rêverais de rentrer au<br />

VIP ». Si on est beau, jeune, riche et intelligent,<br />

on a un pull Margiela ou un T‐shirt noir Hanes<br />

à 15 euros ; on n’a pas besoin de le revendiquer


haut et fort, comme les « jeunes de banlieue »,<br />

habillés en noir Zara, avec ceinture ou paire de<br />

lunettes Dolce & Gabbana, seuls accessoires où<br />

les logos sont visibles, et pas trop chers. […] On<br />

pourrait regarder cette variation des looks, entre<br />

logos d’un côté et subtilité des marques de l’autre,<br />

comme une lutte des classes ou plutôt une lutte<br />

des représentations de classes. Quoi qu’on dise, la<br />

gamine du 16 e , ça l’agace de savoir que la gamine<br />

de banlieue s’habille avec ses marques, et comme<br />

l’élément « logo » a été adopté par ceux qui disent<br />

« je veux du luxe ; moi aussi j’ai et j’aurai, je ne<br />

vais pas suivre le chemin et je vais jouir de la vie<br />

comme vous, petits bourgeois », alors ces signes<br />

ont été abandonnés par ces mêmes petits bourgeois<br />

à qui s’adressait le message. Parce que derrière<br />

une lutte de signes, c’est aussi une lutte de<br />

classes qui se manifeste. En ce sens, les Champs-<br />

Elysées sont une avenue incroyable, parce qu’elle<br />

réunit les plus riches et les plus pauvres : celui qui<br />

vient s’offrir une glace sur la plus belle avenue du<br />

monde et la riche famille moyen-orientale qui fait<br />

son shopping. Et il y a pléthore de logos, du plus<br />

subtil au plus ostentatoire.<br />

Comment la jeune consommatrice bourgeoise<br />

type réagit au fait qu’une jeunesse plus pauvre<br />

préempte les signes du luxe que sont les logos ?<br />

Soit elle n’en affiche aucun, soit elle en affiche<br />

les « vrais », comme le sac Saint Laurent et non<br />

la seule boucle de ceinture. Mais ça se joue aussi<br />

sur une autre sélection de marques, des APC,<br />

agnès b. ou Margiela, ainsi que sur des sélections<br />

de lieux. […] Cette lutte sur le terrain des signes<br />

va au-delà des objets et des logos : maintenant,<br />

la banlieusarde aussi a adopté le size zero, la<br />

silhouette de Kate Moss, c’est‐à‐dire longiligne<br />

et sans fesses. Après son régime, Karl Lagerfeld<br />

disait que le vrai luxe ce n’était pas d’acheter des<br />

vêtements mais de pouvoir les porter comme des<br />

mannequins. Aujourd’hui, les princesses comme<br />

les aristocrates du monde entier ressemblent à<br />

des mannequins, il faut être maigre pour être<br />

moderne et puissant. Et de ce point de vue,<br />

il n’y a pas de différence entre la bourgeoise et<br />

la banlieusarde.<br />

On parle de signes et de codes, mais à quoi fontils<br />

référence ?<br />

Il y a encore peu, les vêtements étaient porteurs<br />

de message, je pense aux punks, par exemple,<br />

et à leur rébellion contre le système ; aujourd’hui,<br />

il n’y a pas de revendication intéressante, si<br />

ce n’est d’avoir le droit à la fête – et à ce qui<br />

va avec : amusement, sexe, intégration. On se<br />

demande où sont passés les étudiants cultivés<br />

et révoltés des décennies précédentes… Même<br />

l’étudiant en lettres veut ressembler à un branché<br />

absurde qui passe ses week-ends en boîte de<br />

nuit… Quand on regarde ce que les gamines qui<br />

font Sciences Po mettent sur leur facebook, ce<br />

n’est pas le livre qu’elles ont lu, mais des images<br />

d’elles en teuf, avec un cocktail fluo… A quoi ça<br />

sert d’être plus maline que les autres si ce qui<br />

est revendiqué comme étant la partie cool de sa<br />

vie c’est ce même truc cheap ? Si c’est le mode<br />

de vie qui les fait rêver, ils peuvent arrêter leurs<br />

études immédiatement, parce que sans référence<br />

ou bagage, on peut enchaîner les vernissages, les<br />

open bars et les fêtes.<br />

Quelle est la réelle influence des réseaux sociaux<br />

et des blogs sur les comportements d’achat ?<br />

Cela concerne uniquement un public friand de<br />

nouveauté ou cela va-t-il au-delà ?<br />

Ça ne concerne pas que les branchés, c’est devenu<br />

un raz-de-marée et c’est même ce qui a transformé<br />

la branchitude en mouvement de masse.<br />

Le blog est un système de diffusion très rapide,<br />

car, pour schématiser, les gamins ont aujourd’hui<br />

des bandes de copains de deux mille personnes,<br />

et même s’ils ne se voient pas tous les jours, ils<br />

échangent et « partagent » tous les jours. Et on<br />

sait que des blogs amateurs sont devenus plus<br />

influents que des sites professionnels et que la<br />

blogosphère est génératrice de tendances.<br />

Comment composent les marques avec ce phénomène<br />

?<br />

Elles sont toujours en retard… et elles s’allient<br />

avec des blogueuses influentes, en les chouchoutant,<br />

en leur offrant des choses, des accès, et<br />

surtout en leur disant : « vous êtes des journalistes<br />

de mode », ce qu’elles ont toujours rêvé d’être…<br />

Dans la réalité, la bascule s’est opérée il y a un<br />

an, quand les quelques blogueuses influentes qui<br />

faisaient leur reportage à l’entrée des défilés ont<br />

tout à coup eu droit à une chaise.<br />

La boucle semble bouclée… Ont-elles maintenant<br />

la même fonction qu’une journaliste classique<br />

pour une marque ?<br />

Oui, à la différence qu’elles ont l’impression<br />

d’être indépendantes et qu’elles ont effectivement<br />

cette crédibilité – tant qu’elles ne ternissent pas<br />

leur blog avec des logos… Les marques l’ont<br />

d’ailleurs bien compris, elles leur donnent des<br />

produits, les invitent à leurs soldes de presse<br />

et peuvent même aider le blog à mieux vivre<br />

économiquement, mais elles demandent que leur<br />

logo n’apparaisse surtout pas… C’est beaucoup<br />

plus intéressant qu’une blogueuse dise comment<br />

elle porte tel vêtement et avec quoi, c’est-à-dire<br />

qu’elle écrive ce que l’on peut oser. Ça n’est pas<br />

un micro-phénomène, il y a une dizaine de blogs<br />

influents, dont certains annoncent dix mille visites<br />

par jour, et leurs auteurs commencent même<br />

à être reconnues dans la rue…<br />

Que pensez-vous des sites de silhouettes comme<br />

facehunter, thesartorialist, etc. ? De quelle mode<br />

parlent-ils ?<br />

Autant ça m’excitait dans ID de voir des silhouettes<br />

de rue, autant dans ces blogs ça ne m’intéresse<br />

pas beaucoup. Parce qu’ils ne donnent<br />

pas une photographie de la rue, sur 5 000 personnes<br />

croisées, ils vont en choisir 10 qui ne<br />

ressemblent pas aux autres… Or, ce qui serait<br />

vraiment intéressant, ce serait de compiler 50,<br />

60, 70 looks identiques. Par exemple : lundi, je<br />

vous montre tous les types que je vais croiser<br />

et qui se ressemblent ; mardi, toutes les filles<br />

avec une robe chasuble, etc. Ce serait alors une<br />

vraie documentation historique, un peu comme<br />

en constitue le duo hollandais Versluis et Uyttenbroek<br />

avec leur série Exactitudes. Pour voir<br />

et analyser ce qu’est la mode aujourd’hui, il est<br />

plus intéressant de regarder ceux qui n’ont pas<br />

de subtilité ni conscience de leur look, toutes ces<br />

filles qui sont persuadées de porter « la mode<br />

qui leur ressemble » avec une paire de ballerines,<br />

une robe chemise et une frange…<br />

Comment vendra-t-on la mode<br />

dans trois ans ?<br />

On en vendra beaucoup par service personnalisé,<br />

sur Internet. D’ailleurs, je crois beaucoup à la<br />

revanche de la province.<br />

On s’habillerait comme à Angoulême ?<br />

Non, mais maintenant Angoulême peut s’habiller<br />

comme Paris. Les kids peuvent avoir les<br />

mêmes baskets ou T-shirts en série limitée. Ils<br />

savent en temps réel ce qui existe et ce qui<br />

est dans le coup. Enfin, il y a un tel complexe<br />

et une telle frustration que le kid à Rouen qui<br />

veut être à la mode le sera beaucoup plus<br />

qu’ici. Avant, il devait être accompagné à Paris<br />

par ses parents, aujourd’hui il peut tout faire à<br />

distance. On connaissait déjà ce phénomène en<br />

musique : les journalistes pointus viennent de<br />

province, ils lancent un blog, se font connaître,<br />

et ce n’est que dans un deuxième temps qu’ils<br />

montent à Paris […] La mode est un secteur<br />

aussi paradoxal et, malgré ce que je disais<br />

en début d’interview qui concerne surtout une<br />

minorité branchée, je crois qu’on va globalement<br />

continuer à consommer de la fast fashion et<br />

que les mastodontes comme H&M inventeront<br />

de nouvelles solutions. En revanche, je pense<br />

qu’il y aura un certain écrémage dans les marques,<br />

dont beaucoup sont en train de souffrir en<br />

ce moment, et certaines ne survivront pas à la<br />

rentrée. […] Je crois qu’on va consommer de<br />

la mode en solderie, des collections de l’année<br />

passée, vraies ou fausses, c’est-à-dire des collections<br />

produites uniquement pour le moment<br />

des soldes, dont on fait croire qu’elles auraient<br />

une valeur supérieure alors qu’elles ne sont vendues<br />

nulle part ailleurs. […] J’aurais bien aimé<br />

dire qu’on allait revenir à une certaine qualité,<br />

mais j’ai peur qu’il n’en soit rien…<br />

Propos recueillis par Angelo Cirimele<br />

Dans les années 90, on a<br />

cru que la réponse à cette<br />

consommation débile c’était le<br />

minimalisme, on a vu ensuite que<br />

ce n’était qu’un message de mode<br />

comme les autres ; puis, on est<br />

revenu aux motifs, aux imprimés.<br />

Aujourd’hui, il faut<br />

être maigre pour être<br />

moderne et puissant.<br />

de ce point de vue, il n’y a<br />

pas de différence entre la<br />

bourgeoise et la banlieusarde.


MAGAZINE N 51, PAGE 34<br />

Photography<br />

Milo keller & Julien Gallico<br />

Hair and Make-up<br />

Meg Zlatoff / calliste<br />

Yumi Endo / Marie-France


Neuf jeunes créateurs qui façonnent la mode de demain.<br />

chacun porte ses propres créations.<br />

HUBERT KARALY<br />

jewellery designer<br />

BARNABé HARDY<br />

men designer<br />

YAZ<br />

jewellery designer<br />

BARNABé FILLON<br />

perfume creator<br />

ROMAIN KREMER<br />

men designer<br />

LIGIA DIAZ<br />

jewellery designer<br />

Bóas Kristjánsson<br />

men designer<br />

RéGINA DABDAD<br />

jewellery designer<br />

ANNABELLE JOUOT<br />

fashion editor


MAGAZINE N 51, PAGE 48<br />

André Courrèges<br />

1923 : Naissance à Pau, d’un père majordome,<br />

d’une mère toute de noir vêtue.<br />

1940 : Aussi loin qu’il se souvienne, la peinture,<br />

le dessin et la mode l’ont toujours attiré, mais<br />

pour faire plaisir à papa-maman, il entreprend<br />

des études d’ingénieur. « J’ai passé des années<br />

aux Ponts et Chaussées. Je m’y suis ennuyé à<br />

mourir. » A la Libération, il plaque tout et s’enfuit à<br />

Paris travailler pour diverses maisons de couture,<br />

tout en suivant des cours à l’Ecole supérieure des<br />

industries du vêtement.<br />

1950 : Foudroyé par l’art de Cristobal Balenciaga,<br />

il fait des pieds et des mains pour entrer dans<br />

la maison du couturier monacal : « Je veux<br />

travailler chez vous sans être payé, comme le<br />

dernier des apprentis. » Engagé comme coupeur<br />

dans un atelier tailleur, forgé à l’école de la<br />

rigueur et de l’exigence, il y acquiert les techniques<br />

d’un métier qui s’apparente à ses yeux au<br />

travail de l’architecte. Il y rencontre aussi sa<br />

« créativité complémentaire » et future épouse,<br />

Coqueline Barrière.<br />

1961 : « Sous les grands arbres, il ne pousse rien.<br />

Je suis un petit gland sous le grand chêne que<br />

vous êtes. Il faut que je vous quitte pour vivre. »<br />

Après onze années de collaboration avec Balenciaga,<br />

le premier des apprentis s’en va fonder sa<br />

propre maison de couture, au 48, avenue Kléber<br />

à Paris, achetée grâce à un prêt sans intérêt du<br />

patron délaissé, qui refusera d’être remboursé<br />

et qui lui fournira en prime clientes et directeur<br />

administratif. Empreint de minimalisme et de<br />

pureté graphique, Courrèges élabore au cours de<br />

ses premières collections un style dépouillé dans<br />

l’esprit de son illustre maître. « J’étais tellement<br />

imprégné par Monsieur Balenciaga, j’aimais tellement<br />

son art qu’il m’a fallu trois ou quatre ans<br />

pour tout oublier et faire naître mon style. »<br />

1964 : Un style qui, une fois trouvé, déclenche<br />

un raz-de-marée. La collection « Fille de lune »<br />

produit sur la haute couture un effet comparable<br />

à celui du New Look de 1947. « Il fallait, en<br />

s’appuyant sur de nouvelles règles techniques et<br />

esthétiques, inventer un vêtement moderne, un<br />

vêtement dans lequel on entrerait comme dans<br />

une boîte. » Outre le rythme endiablé des mannequins<br />

noirs sautillant sur du jazz, et les matériaux<br />

novateurs (whipcord, vinyle, nylon) disséminés<br />

dans les collections aux formes géométriques et<br />

aux couleurs layettes, « la bombe Courrèges »,<br />

comme le qualifient alors toutes les revues de<br />

mode, s’applique à redéfinir les proportions féminines<br />

en laissant le champ libre à l’expression<br />

des potentialités physiques du corps : robes<br />

trapèzes gommant la taille et les hanches, jupes<br />

outrageusement mini– dont Mary Quant et Courrèges<br />

se disputent toujours la paternité –, pantalons<br />

tout terrain et bottines plates remettent<br />

les femmes en position de course. Et les rajeunissent<br />

de quinze ans. Robettes, combi-short,<br />

babies, couettes… le verdict de Chanel est<br />

sans appel : « Cet homme s’acharne à détruire la<br />

femme, à dissimuler ses formes, à la transformer<br />

en petite fille. » Et celui de la presse, unanime :<br />

« Goodbye le lady look ! » cancanent les chroniqueuses<br />

américaines, envoûtées. Une presse qui,<br />

accusée de favoriser le plagiat, ne sera bientôt<br />

plus invitée aux défilés feu d’artifice. Le couturier<br />

susceptible s’accorde sept cents jours de retraite,<br />

réservant désormais sa production à sa clientèle<br />

privée.<br />

1968 : L’ennemi de la copie se distingue pourtant<br />

par une volonté farouche de rendre sa couture<br />

accessible au plus grand nombre. Par sa double<br />

formation artistique et technique, il entend saisir<br />

le mouvement qui s’amorce de la couture vers<br />

l’industrie. Ayant recours à la fabrication en série,<br />

qui permettait de diviser les prix par cinq, il crée<br />

alors « Couture Future », une ligne de prêt-à-porter<br />

de luxe dont chaque modèle est disponible<br />

en quatre ou cinq tailles. Hostile à toute politique<br />

de licence, le couturier de l’épure décide<br />

de tout concevoir, de tout fabriquer et de tout<br />

distribuer dans le respect des critères de qualité<br />

de la haute couture. Et ce dans son usine pilote<br />

décapotable aux armatures futuristes, implantée<br />

à Pau qui, à l’instar de son nouveau fief,<br />

rue François-I er , exhibe un décor blanc optique<br />

luminescent, résolument moderne. « Mon œuvre<br />

est faite de couleurs dans lesquelles le blanc,<br />

traduction de la lumière, le bleu azur, traduction<br />

du cosmos, et l’argent, reflet de la lune, servent<br />

de structures. »<br />

1972 : Tandis que la couture intègre progressivement<br />

les pratiques sportives inhérentes à toute<br />

« vie moderne », le couturier athlète en tenue de<br />

tennisman immaculée – « Les gens s’habillent en<br />

noir parce que ce n’est pas salissant. Ils réenfilent<br />

chaque matin des vêtements sales. La vie<br />

moderne exige que l’on soit propre intérieurement<br />

et extérieurement. » – ne se contente pas de<br />

proposer un énième vestiaire sportif mais fait du<br />

sportwear un mode de vie. « Pour moi, une journée<br />

de travail, c’est comme une partie de pelote,<br />

c’est une épreuve sportive. » En chef de laboratoire,<br />

médiateur entre la mode et la technologie<br />

de pointe, il s’approprie des matières et des fibres<br />

techniques (toile cirée, voilure de parachute)<br />

usuellement destinées à l’armée, à l’aéronautique<br />

ou au monde sportif. Sa collection « Hyperbole »<br />

se compose de « praticables » – blousons à boutons-pression,<br />

maillots, soutiens-gorges, collants<br />

seconde peau intégrale – que les 15 000 membres<br />

du personnel des JO de Munich, mutés en<br />

points information orange, se feront une (fausse)<br />

joie de tester. Bizarrement, la mode du « collantvérité<br />

» ne prendra pas chez les hommes…<br />

« J’ai cru que l’homme allait lui aussi évoluer…<br />

J’ai cru que la lumière, la clarté, que j’amenais<br />

aux femmes allait lui aussi le séduire. En fait, si<br />

la femme a transformé son mode de vie, l’homme<br />

pour l’essentiel est resté le même.»<br />

1979 : A la tête d’un empire multinational commercialisant<br />

à tout-va prêt-à-porter, parfums,<br />

maroquinerie, linge de maison, papeterie, téléphonie,<br />

gastronomie, Courrèges retourne sa veste<br />

pour développer une politique de licences et plagier<br />

le champion toute catégorie, Pierre Cardin.<br />

Ne jamais dire « jamais ».<br />

1985 : Soucieux de poser sa griffe dans des secteurs<br />

jusque-là inexploités, le couturier en blouse<br />

blanche conçoit pour le personnel hospitalier un<br />

vestiaire aseptisé en non-tissé – matière jetable<br />

stérilisée, proche du papier – remboursé par la<br />

sécu. Bleues ou roses, ponctuées de mouettes<br />

blanches stylisées – « Rien ne m’apaise plus<br />

qu’un vol de mouettes au-dessus de la mer. » –<br />

ou de petits carreaux vichy, cette fois, le personnel<br />

n’aura pas opposé de résistance (sans<br />

doute en raison du caractère jetable des combinaisons)<br />

: « Une compagnie aérienne m’avait<br />

demandé de concevoir des uniformes. Le personnel<br />

a refusé mes projets pourtant approuvés<br />

par la direction… » Après avoir été sollicité par<br />

les religieuses et les moines bénédictins pour un<br />

« relooking », il cultive le secret espoir de travestir<br />

les policiers en playmobils arc-en-ciel : « Les<br />

couleurs employées seraient différentes selon les<br />

saisons, le rang et le corps… »<br />

1988 : Promoteur d’un style global, il s’attaque à<br />

toutes les formes de l’environnement quotidien,<br />

dessinant à tour de bras voitures (Toyota, Mercedes,<br />

Matra), scooters (Honda), montres (Seiko),<br />

appareils photo (Minolta), clubs de golf, cuisines<br />

ou clenches de porte. La faute à ses partenaires<br />

japonais, le groupe Itokin, qui lui cherche des<br />

noises et l’empêche de faire de la haute couture<br />

sous prétexte de rentabilité. Frustré, il cherche<br />

d’autres moyens d’expression et finit par accepter<br />

la proposition de la société OPI : griffer de son<br />

nom un programme immobilier, les « Perspectives<br />

Courrèges », en se faisant décorateur d’intérieur<br />

et de façade. Cinq cents logements entièrement<br />

blancs et suffisamment décloisonnés pour pouvoir<br />

– à l’instar de son appartement parisien –<br />

y implanter un vélodrome, seront ainsi vendus à<br />

Suresnes. Après tout, une maison est comme une<br />

robe : une réponse à des besoins.<br />

1994 : Après s’être libéré de l’emprise japonaise,<br />

Courrèges retrouve le chemin des défilés haute<br />

couture et confie la réalisation de ses collections<br />

à Jean-Charles de Castelbajac, quatre saisons<br />

durant. Avant de passer le flambeau à son épouse<br />

hyperactive et à sa fille Clafoutis (qui préféra<br />

ensuite assumer son second prénom, Marie),<br />

il mesure sa cote de popularité en rééditant<br />

du Courrèges revu et à peine corrigé, pour finir<br />

par repeindre les bus parisiens à ses couleurs.<br />

« Toute femme plongée dans Courrèges subit une<br />

importante poussée d’optimisme ! » rééditent à<br />

leur tour les publicités. Rassuré par la nouvelle<br />

vague de plagiat, qui le décide à apposer sa griffe<br />

sur chacune de ses créations, et par la déferlante<br />

euphorisante, il peut se retirer l’esprit tranquille<br />

et se consacrer à ses passions premières : la<br />

peinture et la sculpture.<br />

2000 : Pendant ce temps, « Coqueline l’emmerdeuse<br />

» (comme elle se définit) organise des<br />

« écrandéfilés » et des happenings ubuesques<br />

enrobés d’une aura mystique… Préoccupée<br />

par l’environnement et l’évolution de la recherche<br />

scientifique, elle planche secrètement sur un<br />

concept de « vêtement génétiquement modifié » ;<br />

une fameuse protéine censée remplacer à terme<br />

le textile traditionnel.<br />

2008 : Toujours aux manettes de sa maison<br />

de couture, toujours dans l’action, super mamie<br />

Coqueline entend démontrer, au volant de ses voitures<br />

électriques – la Bulle, la Exe ou la Zooop ;<br />

bijoux écologiques destinés à participer au challenge<br />

bibendum organisé par Michelin – que rien<br />

n’est impossible : « Quand on veut, on peut ! »<br />

Marlène Van de Casteele


MAGAZINE N 51, PAGE 50<br />

Lunettes carrées,<br />

circa 65<br />

Illustrations par Florence Tétier<br />

1971<br />

1966<br />

1967<br />

1978<br />

1970<br />

1967<br />

1961


MAGAZINE N 51, PAGE 52<br />

Je suis dans la recherche<br />

constante d’un dispositif qui<br />

amène l’intime dans le public et<br />

le public dans l’intime […]<br />

Marta Gili<br />

Elle fait partie du nouveau paysage de l’art contemporain parisien, avec le suisse Marc-<br />

Olivier Wahler : la très catalane Marta Gili dirige le Jeu de Paume depuis trois ans, après un<br />

parcours très riche mené la plupart du temps à Barcelone. Naviguant avec aisance entre<br />

art contemporain et « photo-photo », cette dynamique quinquagénaire revient avec nous<br />

sur sa conception de l’image – à l’acception très large selon elle. Mais aussi sur ses années<br />

de jeunesse dans l’Espagne post-franquiste, et sa participation au travail de mémoire<br />

nécessaire qu’a dû depuis entreprendre son pays. Lentement, trop lentement pour elle.<br />

Vous dirigez le Jeu de Paume depuis 2006. Mais<br />

qu’en est-il de votre passé en Espagne et de<br />

votre carrière à Barcelone ?<br />

Mes origines sont éclectiques, comme moi. J’ai<br />

commencé en faisant des études de psychologie<br />

et de philosophie, je suis une autodidacte<br />

de l’image. C’est d’ailleurs le cas de tous les<br />

Espagnols de ma génération qui travaillent<br />

dans l’art : ils viennent plutôt de la philosophie<br />

et de l’histoire, aucune formation n’existait<br />

alors en art. Ma première année d’étudiante<br />

s’est déroulée en 1975, juste après la mort<br />

de Franco : autant dire que cette année-là on<br />

a beaucoup fait la fête et très peu étudié. Je<br />

suis peu à peu passée aux sciences de l’éducation,<br />

puis à un master de psychologie clinique.<br />

Et à 23 ans, j’ai commencé à travailler<br />

comme psy, dans une équipe, aux côtés d’un<br />

psychiatre. Mais dès mes études, j’avais commencé,<br />

pour les financer, un mi-temps dans<br />

une école de photographie, où j’effectuais de<br />

petits travaux de secrétariat. Peu à peu, je me<br />

suis mise à y organiser des colloques et séminaires,<br />

auxquels j’invitais mes professeurs de<br />

fac à participer. Je me souviens encore du<br />

titre très prétentieux de mon premier colloque<br />

: « Perception inconsciente et image photographique<br />

» ! A l’université, j’ai commencé à<br />

donner de petits séminaires autour de l’image<br />

et du portrait. Et un jour, je suis tombée sur<br />

un livre américain écrit par un psy qui utilisait<br />

les albums de famille de ses patients pour<br />

déclencher la parole, qui tentait d’essuyer le<br />

silence à partir de commentaires sur les photos.<br />

Ça m’a emballée, je m’en suis beaucoup<br />

inspirée pour mes séances à l’université.<br />

Quels sont vos premiers souvenirs d’images<br />

fortes ?<br />

Mes premières images en mouvement, vues à la<br />

télé, sont les premiers pas de l’homme sur la<br />

Lune et l’assassinat de Kennedy. Je me suis<br />

formée avec ces deux éléments qui n’appartenaient<br />

pas à mon propre pays.<br />

Mais quel a été le déclic qui vous a définitivement<br />

fait passer de la psychologie à la photographie ?<br />

Un jour, alors que j’étais enceinte, j’ai eu une<br />

expérience pénible avec un patient, il a menacé<br />

mon enfant et j’ai eu très peur. J’ai tout de suite<br />

décidé de tout quitter, et j’ai continué dans<br />

l’image, en travaillant pour le festival Printemps<br />

de la photographie, né à Barcelone en 1982.<br />

J’ai commencé en réalisant une exposition sur<br />

Renger-Patzsch, un des membres de la nouvelle<br />

objectivité allemande des années 20, puis une<br />

expo sur la « ville-fantôme » à la fondation Miró.<br />

Avez-vous alors, comme commissaire, accompagné<br />

les mouvements de la Movida ?<br />

La movida est un mouvement typiquement<br />

madrilène du début des années 80, nous avons<br />

vécu des choses différentes à Barcelone.<br />

A la fin des années 70, dans quel état était la<br />

photographie espagnole ? On peut imaginer que le<br />

patrimoine photographique de ce siècle tragique<br />

n’était guère mis en valeur.<br />

Le patrimoine photographique du xx e siècle était<br />

uniquement constitué de photographies cachées<br />

ou oubliées. L’humanisme ou le néo-réalisme avait<br />

existé aussi en Espagne, mais il était complètement<br />

ignoré. Il y a eu un énorme travail à faire<br />

pour mettre à jour toutes ces images historiques.<br />

Quand j’ai travaillé à la Caixa de Barcelone – une<br />

fondation créée par une banque –, j’ai fait près<br />

de 50 expositions afin de donner de la visibilité<br />

aux fonds photographiques du xix e siècle jusqu’aux<br />

artistes encore vivants. Des gens comme Centelles<br />

– que nous avons exposé cet été à l’Hôtel de<br />

Sully – étaient complètement oubliés. Et même<br />

eux ne tenaient pas à être connus. Ils restaient<br />

chargés de peur et de préjugés. Centelles se<br />

cachait derrière ses images de pub, et Campana,<br />

qui avait photographié la guerre civile espagnole, se<br />

cachait derrière les photos de sport qu’il réalisait<br />

pour une agence de presse. Tout était à redécouvrir.<br />

Comment avez-vous procédé pour révéler cet<br />

immense patrimoine ?<br />

J’ai travaillé directement avec les artistes, car la<br />

plupart d’entre eux étaient vivants. Ce qui n’était<br />

pas toujours évident. J’appartiens, comme je l’ai<br />

dit, à la génération qui a eu 18 ans à la mort de<br />

Franco, celle qui a démarré sa jeunesse avec un<br />

nouvel esprit, une envie de tout rompre, même<br />

trop. Alors, nous avions envie d’aller vite, mais<br />

c’était impossible. Les photographes avec qui je<br />

travaillais restaient inconsciemment aveugles ;<br />

ils préféraient par exemple montrer uniquement<br />

leurs images anecdotiques, alors que c’était les<br />

clichés historiques qui m’intéressaient. J’ai eu<br />

des discussions longues et très riches avec eux.<br />

Je devais faire avec leurs préjugés et les miens,<br />

leur peur et ma rage. J’ai beaucoup appris avec<br />

eux, en autodidacte.<br />

Aujourd’hui, qu’a fait l’Espagne de ce patrimoine ?<br />

Beaucoup de gens ont travaillé sur ces archives<br />

de manière beaucoup plus approfondie que<br />

moi, notamment sur les donations des familles.<br />

Depuis Franco, il y avait une volonté en Espagne<br />

de tout centraliser. Ce n’est que récemment que<br />

les archives d’Etat ont été ouvertes à Salamanque<br />

et rendues à chacune des communautés, qui<br />

ont de bien meilleures capacités de gestion de<br />

leur mémoire collective. Mais tout s’est fait très<br />

lentement : ainsi, ces procès de la mémoire historique,<br />

qui voient s’ouvrir les fosses communes<br />

afin d’identifier enfin les cadavres tombés sous<br />

la guerre civile, n’ont commencé que très récemment.<br />

Pendant les quarante ans de la dictature,<br />

on avait oublié que des gens avaient disparu sans<br />

être jamais retrouvés. Pendant quarante ans,<br />

il y a eu une narration de l’Espagne complètement<br />

faussée. Et cela a mis trente ans avant<br />

que se fasse ce travail de mémoire. De la même<br />

manière que Franco est mort très lentement, la


démocratie s’est construite chez nous de façon<br />

très lente. Longtemps, on s’est borné au consensuel.<br />

Cela s’est fait sans violence, mais il y a des<br />

choses que ma génération commence à savoir<br />

seulement maintenant. Par exemple, j’ai réalisé<br />

une exposition sur le pictorialisme tardif en Espagne,<br />

un mouvement aussi décadent que le régime<br />

qui s’est perpétué jusqu’aux années 50 alors qu’il<br />

n’a pas survécu aux années 1910 dans les autres<br />

pays. Aujourd’hui, je pourrais dire qu’il s’agit bel<br />

et bien d’un style de propagande du régime franquiste.<br />

A l’époque où j’ai fait l’exposition, c’était<br />

beaucoup plus délicat :on développait un langage<br />

entre les lignes ; il n’y avait plus de censure, mais<br />

on ne pouvait néanmoins mettre l’évidence en<br />

évidence. Il fallait faire peu à peu.<br />

Votre formation en psychologie vous aide-t-elle<br />

dans votre lecture de l’image ?<br />

Très peu, car l’image a beaucoup évolué : elle<br />

est beaucoup plus dans l’anthropologie – le<br />

politique ou le social – que dans la psychologie.<br />

Alors qu’en Espagne, dans les années 70,<br />

il y avait toute une photographie « d’expression<br />

personnelle » comme on disait alors : moi, je<br />

m’exprime de manière expressionniste et je me<br />

fous de la société. C’était alors inévitable de<br />

psychologiser. Aujourd’hui, on est bien davantage<br />

dans les grands récits.<br />

Après le Printemps de la photographie, vous<br />

êtes donc passée comme vous l’évoquiez à la<br />

tête des arts plastiques à la Caixa.<br />

J’avais commencé à faire des critiques d’art<br />

pour El Pais ou La Vanguardia. Et, un jour,<br />

on me demande d’écrire un article sur une<br />

expo montée par la Caixa sur Jan Saudek.<br />

Je l’ai détestée ! Cette espèce de post-pictorialisme<br />

qui mettait en avant le corps de la<br />

femme comme objet ! En tant que féministe,<br />

j’ai toujours trouvé cela dégueulasse. Et je<br />

ne comprenais pas que la Caixa, qui était<br />

censée faire un travail social, puisse montrer<br />

cela. Suite à l’article, très violent, ils m’ont<br />

contactée ! J’ai argumenté, et ils m’ont alors<br />

proposé de faire une petite programmation<br />

en free-lance, au début des années 90. La<br />

place qu’ils ont consacrée à l’image a été<br />

toujours plus importante de 1994 à 2003.<br />

J’avais un bon budget, une totale liberté dans<br />

ma programmation, et il était aussi urgent<br />

de traiter du patrimoine que du contemporain.<br />

Le seul problème, c’est que la Caixa<br />

était encore réticente à montrer des artistes<br />

vivants. J’ai donc dû beaucoup ruser, notamment<br />

en faisant des expositions collectives,<br />

où je pouvais les infiltrer. J’ai fait tellement<br />

d’expositions collectives qu’aujourd’hui je<br />

suis très réticente à en faire de nouveau.<br />

Pourquoi ?<br />

Depuis mon arrivée au Jeu de Paume, j’essaie<br />

vraiment d’éviter. On a abusé des expos thématiques,<br />

moi la première, je fais mon mea culpa.<br />

Dans de tels cadres, les artistes sont là souvent<br />

pour illustrer les idées des commissaires, si bien<br />

qu’on voit les mêmes participer à des thématiques<br />

complètement différentes, de « la lettre » à « la<br />

mélancolie ». Cela donne des artistes multifonctions.<br />

Je préfère vraiment aujourd’hui travailler<br />

avec une seule personne, voir ce qu’il ou elle a à<br />

partager avec nous. Par exemple, j’ai beaucoup<br />

aimé travailler avec Sophie Ristelhueber. Comme<br />

elle est très connue en Espagne, moi et mes<br />

collègues s’en servant comme d’une référence<br />

constante dès qu’il s’agissait d’évoquer le documentalisme<br />

subjectif, j’ai été très surprise de voir<br />

qu’en France elle restait méconnue. Ce n’est pas<br />

facile de parler et de travailler avec elle, mais j’ai<br />

adoré, et j’ai le sentiment de comprendre seulement<br />

maintenant son travail, après avoir enfin eu<br />

le temps de l’écoute et du regard en silence. Bref,<br />

travailler avec un artiste me donne plus de plaisir,<br />

même s’il y a des tensions. J’en suis à un âge<br />

où je préfère me donner des tensions que faire<br />

plaisir à mes idées. Accepter de se faire bousculer<br />

demeure pour moi primordial, j’ai toujours<br />

eu peur d’être inflexible. Dans le monde de l’art<br />

contemporain, il y a tellement d’institutions qui<br />

deviennent endogamiques tant on a peur d’être<br />

bousculé, d’être trop dans le populisme ou à l’inverse<br />

dans l’intellectualisation. Il y a tellement de<br />

diables qui effraient ! Et de préjugés maladifs.<br />

Une institution comme le Jeu de Paume est<br />

justement au cœur de ces préjugés : il faut à<br />

la fois satisfaire la communauté qui n’aspire<br />

à voir que de la « photo-photo », et celle des<br />

arts plastiques. Deux tribus qui n’échangent<br />

guère…<br />

Il y a en Espagne les mêmes frontières qui<br />

ne mènent nulle part. Les frontières n’existent<br />

que si on s’y arrête. Je suis très heureuse<br />

d’être justement dans cet interstice. Le Jeu de<br />

Paume doit être dans cet interstice, faire partir<br />

la réflexion sur cette question. Pour moi, ces<br />

deux mondes n’ont jamais été opposés. Quand<br />

j’étais à la Caixa, j’exposais autant Cartier-<br />

Bresson que Doug Aitken ou Pierre Huyghe,<br />

ou encore le dessin animé. C’est l’image qui<br />

m’intéresse. L’image est une invention récente,<br />

elle a à peine 180 ans. Et, qu’on le veuille ou<br />

non, toute archéologie de la pensée sur l’image<br />

est contemporaine. Toute exposition, même<br />

historique, est contemporaine : c’est pourquoi<br />

Robert Frank et Sophie Ristelhueber ont si bien<br />

marché ensemble, rassemblés autour de la<br />

notion de document.<br />

Votre programmation satellite, confiée à de jeunes<br />

curateurs et consacrée à de jeunes artistes,<br />

semble un peu négligée par le public et la presse.<br />

Comment y remédier ?<br />

Je sais que c’est bizarre, je sais que l’espace est<br />

difficile, que c’est une programmation excentrique<br />

et « ex-centrique », mais j’y tiens beaucoup.<br />

C’est l’enfant terrible du Jeu de Paume, quelque<br />

chose de nécessaire. Même s’il n’y a que 10 %<br />

des visiteurs qui y passent, je compte sur un effet<br />

de contamination. Simplement, il ne faut pas en<br />

avoir des attentes trop hautes. Tout est question<br />

d’équilibre. Je peux faire Farocki et Graham, très<br />

connus dans le milieu de l’art mais qui n’ont attiré<br />

que 23 000 visiteurs, parce que je sais que je<br />

fais Fellini à l’automne. Et je sais que Lee Miller<br />

amène du monde, qui découvre Jordi Colomer et<br />

Denis Savary. Ce dernier a quand même vu défiler<br />

4 000 personnes, ce qui n’est pas rien pour un<br />

jeune artiste.<br />

Comment travaillez-vous avec les artistes ?<br />

J’essaie surtout de ne pas en donner une image<br />

consensuelle, d’un point de vue historique ou<br />

esthétique ; de chercher des médiations alternatives.<br />

Je sais que ce mot est interdit, mais on ne<br />

peut nier que toute institution publique, la poste<br />

ou un musée, est une médiation avec le public.<br />

Je suis dans la recherche constante d’un dispositif<br />

qui amène l’intime dans le public et le public<br />

dans l’intime. Mettre ensemble Farocki et Rodney<br />

Graham, cela n’a rien d’évident : mais c’est un<br />

processus alternatif qui provoque des choses.<br />

Je ne sais pas si c’est réussi ou pas, mais en<br />

tout cas on est dans la recherche. Idem pour<br />

l’exposition « Richard Avedon ». Quand je suis<br />

arrivée à la tête du Jeu de Paume, elle était déjà<br />

programmée. Mais j’ai remarqué que dans la liste<br />

des œuvres manquait la série « American West ».<br />

Je l’avais montrée à Barcelone un an avant la<br />

mort du photographe et je connaissais sa force.<br />

Mais la plupart des Américains détestent cette<br />

série : du conservateur du MoMA à la fondation<br />

Avedon elle-même. Ils sont persuadés que l’artiste<br />

s’était moqué de la pauvreté sociale de ses<br />

modèles. Pour en avoir parlé avec lui, je savais<br />

que c’était complètement faux, il n’y a dans cette<br />

série aucune ironie. J’ai dû insister, payer très<br />

cher pour la faire venir du Texas. Mais, au final,<br />

je suis sûre que c’est elle qui a amené tant de<br />

monde dans l’exposition : à ce jour, c’est notre<br />

record, avec 130 000 visiteurs. Pour moi, rompre<br />

avec le consensus, c’est ça.<br />

Propos recueillis par Emmanuelle Lequeux<br />

On a abusé des expos<br />

thématiques, moi la première,<br />

je fais mon mea culpa. Dans de<br />

tels cadres, les artistes sont<br />

souvent là pour illustrer les<br />

idées des commissaires.<br />

Je sais que ce mot est interdit,<br />

mais on ne peut nier que toute<br />

institution publique, la poste<br />

ou un musée, est une médiation<br />

avec le public.


MAGAZINE N 51, PAGE 56<br />

Casting & Photography<br />

BRICE COMPAGNON


Il y a plusieurs manières de concevoir le métier de casting director :<br />

assis derrière un bureau et recevant des postulants ou en marche dans<br />

les rues des villes. Brice Compagnon a choisi l’hypothèse deux. à la<br />

recherche du « canon de beauté », mais surtout de « gueules » capables<br />

de figer l’attention du regardeur. S’il a croisé quelques inconnues<br />

aujourd’hui devenues stars, il a longtemps parcouru le monde pour<br />

Oliviero Toscani (période Benetton) pour lui dénicher ce que le visage<br />

humain pouvait avoir d’étrange, d’asymétrique ou d’outré. Il n’est<br />

alors plus question de beauté au sens classique, mais d’humanité : ce<br />

qui me différentie mais aussi ce qui m’est commun à ces inconnus.


MAGAZINE N 51, PAGE 66<br />

— Mais Yusuke, dessiner pour<br />

quelqu’un et pour un animal,<br />

ce n’est pas pareil, si ?<br />

Yusuke<br />

Puisque Bonaparte était déjà pris, Curzio s’était choisi Malaparte comme nom de famille.<br />

« Dans La Peau – à son ami Jack qui le prévient : “Ils vont te tuer comme un chien” –,<br />

Malaparte répond, C’est une très belle mort, Jack. J’ai toujours rêvé d’être, un jour, tué<br />

comme un chien. » …/…<br />

…/… Il retrouvera plus tard son chien Febo<br />

dans le silence d’un laboratoire clandestin, où l’on<br />

a coupé les cordes vocales des bêtes avant de<br />

les torturer. Il y a aussi Julius Winsome, le personnage<br />

pacifique de Gérard Donovan, dont les<br />

balles crépitent dans la forêt enneigée du Maine<br />

après la mort de son chien Hobbes ; les Nouveaux<br />

Prédateurs, groupuscule terroriste qui, dans l’imagination<br />

de Jean-Christophe Ruffin, veut tuer les<br />

pauvres pour sauver la planète ; Johnny Walken,<br />

silhouette de bouteille dans Kafka sur le rivage et<br />

ami de Murakami dans la vraie vie, qui a dressé<br />

ses chiens pour ramener des chats vivants et<br />

manger leur cœur encore battant…<br />

Mes lectures de l’été giclent sur les parois de<br />

mon esprit lorsque je rencontre Yusuke à la<br />

rentrée. La douceur de sa voix, la gentillesse de<br />

son sourire et l’humilité de ses phrases n’enlèvent<br />

rien à sa détermination : après avoir passé<br />

près de vingt ans à dessiner de la mode pour ses<br />

semblables, il a décidé de reprendre le chemin de<br />

l’école, de se former au toilettage pour chiens et<br />

de partir vivre à Vancouver.<br />

Yusuke est arrivé à Paris à la fin des années 80,<br />

quand « la mode c’était vraiment créatif. C’était<br />

l’époque de Jean Paul Gaultier, Thierry Mugler,<br />

Montana, Yohji Yamamoto ; on construisait des<br />

concepts. Aujourd’hui, c’est pas concept mais marketing,<br />

et je voulais créer d’autres concepts, pour<br />

amener quelque chose de fin, d’heureux pour les<br />

gens ». La dernière fois qu’il est rentré au Japon,<br />

« alors qu’en Europe aujourd’hui c’est le babyboom,<br />

je n’ai rencontré que des gens qui veulent<br />

éviter d’avoir des enfants, parce que c’est trop cher<br />

mais surtout parce qu’ils ont peur pour leur futur.<br />

Donc ils sont attirés par les animaux domestiques.<br />

Un chien vit au maximum jusqu’à 18 ans, ils peuvent<br />

assurer sa vie jusqu’à la fin de ses jours. Ces<br />

femmes célibataires qui voient leur chien comme<br />

leur enfant, qui les nourrissent, les promènent et<br />

les coiffent, sont devenues une mode ».<br />

Donc Yusuke, finalement, ne quitte pas la mode,<br />

il va seulement créer pour une clientèle nouvelle.<br />

« Au Japon, quand j’étais petit, il y avait à côté<br />

de chez moi cette dame qui faisait des vêtements<br />

pour son chien. Je trouvais ça tellement mignon<br />

les chapeaux, les petits kimonos, ces robes, ces<br />

manteaux, les pulls tricotés… Mais surtout que<br />

le concept de sa vie, ce soit de créer quelque<br />

chose pour quelqu’un. Elle était très très vieille<br />

et elle donnait tout son temps pour fabriquer des<br />

vêtements pour son chien. Moi qui n’ai pas joué<br />

avec des poupées, j’avais trouvé quelque chose<br />

de mignon à faire. »<br />

Mais Yusuke, dessiner pour quelqu’un et pour<br />

un animal, ce n’est pas pareil, si ? « Pour des<br />

animaux, c’est un peu extravagant, mais c’est pour<br />

se faire plaisir, comme des parents qui dépensent<br />

leur argent pour leurs enfants. Maintenant, ils le<br />

font pour les chiens. Je vais commencer à coiffer, à<br />

magnifier, à colorer aussi, ça commence : éclaircir<br />

le poil, et surtout colorer en marron et en noir, pour<br />

les chiens qui deviennent blancs en vieillissant.<br />

Donc je vais apprendre tout ça, les extensions,<br />

aussi, ça peut être hyper intéressant. »<br />

Enfant, Yusuke avait un mini colley. « Mes parents<br />

me l’ont acheté, ma mère a lu tous les bouquins<br />

pour que le chien soit parfait, et elle m’a donné<br />

une mission : le brosser, faire sa toilette et le<br />

promener trois fois par jour. En fait, ce qui me<br />

plaisait c’est que le chien soit toujours content. Et<br />

puis… [Yusuke se met à bégayer, je comprends<br />

que c’est l’émotion, je ne comprends pas ce qu’il<br />

essaie de me dire] … par accident, oui, c’était<br />

quand j’avais 17 ans, qu’on l’a… » Le premier<br />

grand chagrin de Yusuke date de cet accident,<br />

il y a vingt-cinq ans.<br />

Il avait décidé de ne plus avoir de chien, mais,<br />

arrivé à Paris, alors qu’il se promenait sur les quais,<br />

il a vu un petit chien dans un aquarium ; « Même<br />

pas en cage, il était tellement petit. Un ratier. Le<br />

monsieur m’a dit qu’il avait un problème, son ventre<br />

était gonflé. Il a baissé le prix (parce que j’étais<br />

étudiant) à 400 francs. Au milieu de la nuit, il ne<br />

s’était toujours pas nourri, alors j’ai appelé un vétérinaire<br />

à deux heures du matin. Le docteur a fait<br />

ce qu’il fallait, et pendant trois mois je lui ai fait<br />

une piqûre tous les matins. Il a vécu dix-huit ans,<br />

et ce chien qui devait mourir le premier jour a eu le<br />

temps de faire des voyages, en Espagne l’été avec<br />

moi, à Vienne pour Noël… j’avais fait un vêtement<br />

pour ce voyage, pour le protéger de la neige. »<br />

Yusuke pense tout simplement qu’il a suffisamment<br />

travaillé pour les hommes. « Le reste de<br />

mon énergie, je veux le donner à des animaux, à<br />

des chiens. C’est pour ça que je veux aller vivre<br />

à Vancouver, avec les chiens que j’aime, les bois,<br />

la nature. » Dans cette nouvelle vie, la routine ne<br />

changera pas forcément : « Le matin, les chiens<br />

et le chat viennent me réveiller vers huit heures.<br />

Je fais du riz, on prend le petit déjeuner, puis<br />

on sort, et après on fait chacun nos choses. »<br />

Yusuke n’a jamais vécu avec un autre homme.<br />

« Avant c’était à cause du travail, maintenant ce<br />

sont les chiens », dit-il dans un sourire. « Les<br />

chiens, tu as 100 % de retour de ton amour, sans<br />

condition, sans trahison. Ils sont plus tôt adultes<br />

que les bébés, ils écoutent, ils adorent mes massages.<br />

C’est par eux que je connais les gens du<br />

quartier, les enfants qui viennent les caresser.<br />

Ils ramènent des visages, des gens nouveaux,<br />

des vieilles dames. Ils font sortir la gentillesse<br />

des gens naturellement. Les gens qui n’aiment<br />

pas les chiens sont des gens que je ne pourrais<br />

jamais aimer. »<br />

Yusuke, fatigué des villes, s’éloigne encore. Mais<br />

sa passion pour les chiens le rapproche de son<br />

Japon natal. « La vie des chiens à une époque<br />

était plus importante que celle des humains. Un<br />

shogun [le cinquième, Tsunayoshi Tokugawa,<br />

qui a régné à la fin du xvii e siècle, ndlr] avait<br />

décidé que les chiens étaient plus importants<br />

que les hommes. Les gens qui faisaient du mal<br />

aux chiens avaient la tête coupée. Il y a aussi<br />

l’histoire que les gens adorent du chien très<br />

obéissant, qui tous les soirs allait chercher son<br />

maître gare de Shibuya à 18 h. La guerre commence,<br />

le maître part à la guerre et ne revient<br />

jamais, mais le chien continue tous les soirs à<br />

aller chercher son maître. Il y a une statue du<br />

chien sur la gare de Shibuya. »<br />

Après Vancouver, Yusuke ira à Los Angeles. Et<br />

pourquoi pas créera une école de surf pour les<br />

chiens californiens. « Je veux amener les chiens<br />

au même niveau que les humains. Créer une<br />

école pour les chiens sportifs, par discipline. »<br />

C’est promis, on ira voir. « Avec les animaux, on<br />

tient ses promesses. On ne dit pas “désolé… la<br />

prochaine fois” », me rappelle Yusuke.<br />

Tel maître, tel chien, paraît-il. Les miens ont toujours<br />

été très gentils et un peu dingues. Ceux<br />

de Yusuke reçoivent beaucoup d’amour. Mais le<br />

minuscule échantillon de maîtres-à-chiens que<br />

j’ai interrogés m’a rassuré : la tendance écologiste<br />

à l’inculpation du genre humain, les mouvements<br />

de libération animale, la deep ecology<br />

– qui est dans le collimateur du FBI depuis une<br />

dizaine d’années –, la préférence des urbains<br />

pour les animaux domestiques et le développement<br />

des salons de beauté pour chiens et chats<br />

ne conduisent pas forcément au malthusianisme<br />

des écoterroristes radicaux. La belle théorie de<br />

Gaïa, développée par Lovelock il y a tout juste<br />

trente ans, dans le sillage des enfants hippies<br />

de Mother Earth, n’a pas produit une génération<br />

antihumaniste. Juste un peu plus narcissique.<br />

« Mon chien », écrivait Malaparte, « représente la<br />

partie la meilleure de moi, la plus humble, la plus<br />

pure, la plus secrète. Je n’ai jamais aimé autant<br />

une femme, un frère, un ami que Febo. C’était<br />

un chien comme moi… C’était un être noble,<br />

la créature la plus noble que j’avais rencontrée<br />

dans ma vie. »<br />

Mathias Ohrel


MAGAZINE N 51, PAGE 68<br />

PLAYBOB<br />

Voici quelques équations que nous allons bientôt<br />

pouvoir mettre à la poubelle : magazine = information,<br />

magazine de marque = catalogue de<br />

produits, biographie = livre. En quelques années,<br />

ces frontières ont volé en éclats et parfois pour le<br />

meilleur, comme quand certaines marques comme<br />

Acne, Mini ou American Apparel livrent des<br />

magazines plus intéressant que les « vrais ».<br />

Mais voilà, le blog est passé par là. Pas un « minipeople<br />

», pas un pseudo-activiste, pas un clubber,<br />

pas un simili-artiste qui n’ait le sien, le plus souvent<br />

pour dire « j’ai vu ça et ça et ça », à la manière de<br />

post-it visuels. Car le seul sujet d’un blog est son<br />

auteur. Même si son contenu montre des paysages,<br />

du graphisme, de la mode, le sujet est le regardeur<br />

et ce regard à travers lequel je regarde à mon tour<br />

le monde. Je ne me moque pas. Si Olivier Zahm<br />

vient de signer une campagne de publicité en tant<br />

que photographe, son blog-journal intime, souvent<br />

en noir et blanc, n’y est certainement pas étranger.<br />

Ce petit programme informatique aurait donc fait<br />

mieux que douze ans de magazine de mode…<br />

Cette longue introduction pour vous parler de<br />

Monsieur Bob, qui a 40 ans et beaucoup plus<br />

de disques, qui aime les filles nues et le potentiel<br />

évocateur de son année de naissance. Donc,<br />

Monsieur Bob va éditer un magazine à sa gloire :<br />

comment Bob a commencé ; le dernier album de<br />

Monsieur Bob ; ses amis ; ses collègues de travail<br />

; ses clips ; et même ses fausses pubs. Certes,<br />

ça fait un « objet promo » qui a de la gueule :<br />

96 pages de faux Playboy (avec son accord), le<br />

tout gratuit et même avec une certaine sincérité<br />

dans la démarche.<br />

On sait bien les sommets atteints par le personal<br />

branding et l’importance prise par les personnes<br />

au détriment de leur production, y compris dans<br />

d’autres domaines que ceux de la création. Mais il<br />

faut certainement avoir une double dose de mégalomanie<br />

pour penser pouvoir intéresser, avec sa<br />

petite personne, le lecteur lambda croisé au hasard<br />

de la rue des Archives. Il y a une politesse que<br />

j’aime dans la presse : celle de s’effacer devant<br />

le monde pour le raconter, et n’apparaître que<br />

discrètement, de sa signature. Alors, je n’ai pas<br />

résisté, j’ai compté : 23 apparitions de Bob dans<br />

les 96 pages du magazine. Heureusement, Playbob<br />

présente aussi l’actualité de 1969 en cinéma,<br />

musique, graphisme, etc. Sans oublier la playmate<br />

en poster central, puisqu’on fait dans le régressif…<br />

Il y a de quoi être dérouté, à moins que Playbob ne<br />

soit le dossier de presse, maquetté, imprimé et prêt<br />

à l’emploi à l’usage de la presse…<br />

France, one shot, 100 p., 210 x 280 mm, gratuit.<br />

Chef de projet, rédactrice en chef : Carole Thomé<br />

Directrice artistique : Stéphanie Buisseret<br />

Directeur de la publication : Bob Sinclar<br />

Production : Danielle Verheul & Famke Visser<br />

Éditeur : Yellow productions


MAGAZINE N 51, PAGE 70<br />

à la différence de l’artiste ou<br />

de l’écrivain, le designer se voit<br />

dénié le droit à la méchanceté.<br />

pour aller vite, sa posture doit<br />

nécessairement être généreuse.<br />

-Beau et bien ?<br />

-Ou affreux,<br />

sale et méchant.<br />

Réanimer le design, voilà l’affaire. Le cabinet de curiosités est-il l’horizon indépassable<br />

de l’avenir domestique ? Du plaidoyer pour un nouvel enchantement du monde (Andrea<br />

Branzi) à la transformation de l’exception en système (Li Edelkoort), quelques pistes<br />

d’actualité et autant d’interrogations sans fond – pas sans fondements.<br />

Andrea Branzi : « Le rapport entre l’homme et<br />

les objets est un rapport opaque, tout n’apparaît<br />

pas à la lumière du jour. Certains objets portent<br />

bonheur, d’autres non. La culture du projet a<br />

perdu cette capacité charismatique et, en présence<br />

d’un milieu de plus en plus aseptisé et anonyme,<br />

ce sont les objets qui se chargent de ce<br />

témoignage, grâce à leur fonction chamanique de<br />

connexion de la réalité quotidienne à une dimension<br />

plus profonde et inexplorée. » Cette proposition<br />

accompagne l’exposition (1) de quelques<br />

pièces, essentiellement en bois, recourant aux<br />

assemblages et recyclage de matériaux anciens,<br />

de grillage à poule et de divers autres signaux de<br />

nature moins physique. Mystère, magie, mystique<br />

et techno 3M associées : histoire, mythologie et<br />

animismes sont injectés par Branzi dans ses pièces<br />

comme le xylophène par le restaurateur dans<br />

sa lutte contre le termite. Il agit en technicien.<br />

Tandis que s’achève la décennie qui a vu le design<br />

entrer dans la galerie avec un lustre inédit, d’autres<br />

sorciers du design s’agitent dans leur laboratoire.<br />

La galerie Kréo fête en septembre l’anniversaire<br />

d’un phénomène qu’elle a mené tout ce temps ;<br />

Li Edelkoort sélectionne 149 pièces à l’occasion<br />

d’une vaste vente aux enchères (2), célébration<br />

hors normes du chaudron néerlandais remué sans<br />

retenue pendant ces mêmes dix années tandis<br />

qu’elle dirigeait la Design Academy d’Eindhoven.<br />

Et où sommes-nous parvenus ? On commence<br />

avec la dame (n’oubliez pas le guide). La transformation<br />

de l’exception en système, de l’anomalie<br />

en procédé, du bizarre en principe de clonage,<br />

génère un vertige. Un sentiment étrange d’étouffement<br />

face à ce qui se lit comme l’étalage des<br />

panoplies issues d’une lecture mécaniquement<br />

altérée des fiches de cuisine du design. Durcir le<br />

mou, ramollir le rigide, le petit démesuré, le grand<br />

microbe, le tank porcelaine : un bréviaire de postures<br />

surréalistes devenu exhausteur de goût.<br />

L’absurde posé en dogme n’est pas moins une<br />

plaie que le mobilier de bureau d’un open space<br />

de télémarketing. Répandu partout, il est aplatissement<br />

des excroissances de l’esprit. Dans cette<br />

nouvelle soupe ou bouillon d’inculture, où l’ignorance<br />

est posée en gage de liberté, les objets<br />

s’entre-dévorent d’autant plus férocement que<br />

la majorité sont des monstres. La lampe d’une<br />

demoiselle Karin Frankenstein entamant la sélec-<br />

tion de Li Edelkoort nous ravit forcément. C’est<br />

aussi l’effet catalogue, inévitable ; la succession<br />

folle devient orgie nauséeuse. Bref, on s’ennuie à<br />

nouveau là où l’excitation devait renaître. L’intrépide<br />

tentative de fuite du champ de ruines fonctionnalistes<br />

est devenue caricature, un slogan rebelle de<br />

Ben sur la couverture du cahier de textes.<br />

Essayer de comprendre les motifs de la grande<br />

fatigue : pourquoi si peu de productions du design<br />

susceptibles d’éveiller la curiosité ? de donner à<br />

nouveau l’envie de rencontrer celui ou celle qui se<br />

tient derrière ? de sauter avec lui sur des ressorts<br />

de création ? Trop de design redondant, anecdotique,<br />

maniéré. Chaises stériles, canapés mortels,<br />

électroménager ignoble. Les galeries de design<br />

se disputent encore une majorité d’artifices où<br />

le précieux le dispute à la prétention. Démagogie<br />

et vulgarité, entrechats de vénalité. Comme cela<br />

arrive parfois, une citation se pose alors, même<br />

pas convoquée, de celles qui s’attrapent comme<br />

l’organisme affaibli embrasse en octobre tous les<br />

virus à portée. Elle ouvre une nouvelle perspective,<br />

d’emblée splendide.<br />

Simone Weil : « Dans la vie, le bien est beau et<br />

toujours nouveau, le mal ennuyeux et toujours<br />

le même. Dans la littérature, au contraire, le<br />

bien est plat et fastidieux, le mal, intéressant et<br />

varié. La raison à cela est la présence dans la<br />

réalité d’une nécessité qui est absente dans la<br />

fiction. » (3) La simplicité de la proposition est<br />

troublante. Sa dernière partie exige un peu plus<br />

de concentration. Pour peu que l’on considère<br />

effectivement cette « nécessité », c’est bien<br />

d’elle dont le design se ferait l’écho, puisque<br />

c’est dans la vie qu’il envisage son ancrage et<br />

sa destination. On se dit, tiens, voilà une clé<br />

pour comprendre l’ennui. Le design, voué à ce<br />

service qu’est celui de l’accomplissement d’une<br />

fonction, se trouve évidemment préoccupé de<br />

bien. A la différence de l’artiste ou de l’écrivain,<br />

le designer se voit dénié le droit à la méchanceté.<br />

Pour aller vite, sa posture doit nécessairement<br />

être généreuse. Mais le design a su y être<br />

intéressant et varié, n’envisageant que cette fin.<br />

Jusqu’à ce qu’il se trouve un peu trop adapté<br />

aux grands bureaux et aux grandes prisons,<br />

motifs de la haine farouche que vouaient Debord<br />

et consorts au Corbusier, pour l’exemple, et à<br />

tous les bâtisseurs de cimetières verticaux et<br />

de garrots de chaise. Le designer contemporain,<br />

lorsqu’il s’enduit d’altruisme et de perspective<br />

sociale, ressemble à un adolescent plongeant<br />

sa main dans le gel capillaire « saut du lit ».<br />

Son discours d’autant moins inspiré qu’il n’est<br />

évidemment pas sincère, malheureux perroquet<br />

modèle Gropius. Son problème majeur : il ne sait<br />

plus comment rendre service, mais il n’a pas<br />

non plus le talent à la production de quoi que ce<br />

soit d’autre, parce qu’on ne lui a appris que ça.<br />

Ce qui lui manque, simplement, c’est le style,<br />

et ça ne s’est jamais vraiment appris dans les<br />

écoles. Le design, comme la littérature, ne peut<br />

s’en passer (en a-t-il jamais été autrement, au<br />

fond ?) – ce n’est pas une question de bien ou<br />

de mal, mais d’écriture. Où l’on retrouve assez<br />

fatalement Céline : « Je crois que le rôle documentaire<br />

et même psychologique du roman est<br />

terminé, voilà mon impression, eh bien, qu’est-ce<br />

qu’il lui reste ? eh bien, il ne lui reste pas grandchose<br />

: il lui reste le style. » (4)<br />

Avec Andrea Branzi et la possibilité d’un objet<br />

qui ne porte pas bonheur, ou Hella Jongerius et<br />

ses cauchemardesques pièces de mobilier aux<br />

accouplements animaux contre-nature (dernières<br />

importantes propositions chez Kréo), nous<br />

retrouvons quelque chose de « sale ». L’objet<br />

prend le risque littéraire, avec l’argument mystique/animiste<br />

(Branzi) ou décoratif/narratif (Jongerius).<br />

Il pourrait pénétrer aussi le territoire du<br />

mal, sans pour autant avoir vocation à étrangler<br />

son utilisateur ou castrer celui invité à s’y asseoir.<br />

Il faudra donc, décidément, apprendre à distinguer<br />

d’entre les foules (encore prospères) quels<br />

sont les avortons trop vite échappés des éprouvettes<br />

et où se dressent des chimères envoûtées.<br />

Quel est le mobilier du prince Malko et à partir de<br />

quel moment la décoration devient-elle légitime ?<br />

Il y a encore tant de possibilités. Et c’est toujours<br />

sur nous que ça retombe. Tant mieux.<br />

Pierre Doze<br />

(1) Grandi Legno, galerie Azzedine Alaïa, du<br />

10 décembre 2009 au 10 janvier 2010. Voir aussi<br />

l’exposition « Les années Staudenmeyer, 25 ans<br />

de design en France » au Passage de Retz, à<br />

partir du 3 décembre et à l’occasion de la parution<br />

d’un livre consacré à Pierre Staudenmeyer.<br />

(2) Pierre Bergé & associés, 13 septembre.<br />

(3) Morale et Littérature, 1944, publié sous le<br />

pseudonyme d’Emile Novis.<br />

(4) Cité dans Dieu, qu’ils étaient lourds !!!,<br />

monologue adapté et mis en scène par Ludovic<br />

Langelin (2009), fondé sur des entretiens<br />

radiophonique de Louis-Ferdinand Céline entre<br />

1955 et 1959.


MAGAZINE N 51, PAGE 72<br />

Quant à savoir pourquoi<br />

l’électricité s’est arrêtée…<br />

On a beaucoup parlé, et puis on<br />

s’est tu, et il a fallu se résoudre<br />

à ne jamais savoir pourquoi.<br />

Les résilients<br />

Déchets et décomposition prolifèrent, accompagnant comme son ombre la fièvre<br />

consommatrice. Mais l’Histoire opère un renversement et transforme le rebut en signe<br />

d’une époque révolue.<br />

La lumière s’est éteinte progressivement, par<br />

plaques, comme dans un dernier et fantastique<br />

remake de Billie Jean. Ceux qui habitaient sur les<br />

hauteurs ont dû assister à un sacré spectacle. On<br />

dit que tout est parti de la côte est de l’Empire,<br />

mais comme personne ne peut rien affirmer…<br />

De toute façon, maintenant, c’est la nuit. Et en<br />

Occident comme dans toutes les grandes villes du<br />

monde, il n’y a plus de survivants. Il n’y aura plus<br />

jamais de clip vidéo, de G8, ni d’i-Phone. Plus<br />

jamais de Coupe du Monde, d’Audi A4, d’écran<br />

plat, ni de G20. C’est à cause de la lumière.<br />

Quand elle s’est éteinte, la moisissure noire s’est<br />

développée en quelques heures, anéantissant<br />

toute forme de vie humaine citadine. Il paraît que<br />

c’étaient des spores qui s’étaient accumulées là<br />

depuis des années, à l’insu de tous, parce que<br />

la lumière les empêchait d’éclore. C’étaient des<br />

spores qui aimaient le propre, le rangé. Des spores<br />

qui aimaient la vie confinée, les rituels de<br />

bureau, la consommation de masse. Des spores<br />

qui aimaient l’énergie nucléaire, l’industrie chimique<br />

et agro-alimentaire, les loisirs organisés et<br />

la substitution de la vie par sa représentation<br />

orchestrée selon les lois du désir organisé. Des<br />

spores qui s’accommodaient des relations sociales<br />

qui prévalaient en ce temps-là. Bref des spores<br />

qui proliféraient agréablement à l’ombre de ce<br />

qui avait été appelé alors un choix de société.<br />

Quant à savoir pourquoi l’électricité s’est arrêtée…<br />

On a parlé d’OVNI, de conspiration, de<br />

l’axe du mal, de barbus fanatiques, de hackers<br />

boutonneux. On a parlé de surcharge, de risque<br />

de système, de choc exogène, d’équilibre de<br />

Nash. On a parlé d’allocation sous-optimale au<br />

sens de Pareto, d’asymétrie informationnelle et<br />

de contrats de second rang. On a beaucoup parlé,<br />

et puis on s’est tu, et il a fallu se résoudre à<br />

ne jamais savoir pourquoi. Mais le mystère de<br />

la naissance, de l’étincelle première, de la cause<br />

dont elle est la conséquence n’est-il pas le lot de<br />

toute civilisation, même post-humaine ?<br />

C’est marrant de penser que ceux qui avaient<br />

tant voulu se protéger du risque de vivre avaient<br />

fini par en mourir. C’est un peu triste pour les<br />

médecins, les architectes, les psychanalystes et<br />

autres apôtres de la survie. Mais, après tout, ils<br />

connaissaient sans doute la formule selon laquelle<br />

« il n’est pas donné à tout le monde d’avoir une<br />

mort heureuse ». Ils avaient bien dû se rendre à<br />

l’évidence du désintérêt profond que leur accordait<br />

le pouvoir, et de la compromission fatale à<br />

laquelle ils avaient été contraints. Ils avaient bien<br />

dû imaginer que leurs stratégies de survie déguisées<br />

en espérance ne laissaient guère de place<br />

à l’idée de liberté. Et sinon, c’est qu’ils méritaient<br />

de crever. Et puis, ils nous ont tout de même<br />

laissé un nom, à nous, les Résilients. Et ce n’est<br />

pas si mal. C’est comme un lien ténu, un petit<br />

fil conceptuel qui nous rattache au passé et au<br />

prodigieux destin de l’espèce précédente.<br />

C’est marrant de penser que nous, qui avions été<br />

rejetés dans les décharges, qui avions été circonscrits,<br />

placés à la périphérie de la joie, sommes<br />

aujourd’hui les seuls héritiers du sommet de<br />

la création, ce que l’on appelait avant l’humanité.<br />

On nous avait baptisés les réprouvés, les clandestins,<br />

les pauvres. Mais, en fait de conditionnement,<br />

celui des ordures s’était avéré moins<br />

létal que celui des humains ! De l’autre côté de<br />

la consommation, la fange nous avait mis à distance,<br />

l’excrément nous avait accordé sa grâce, la<br />

souillure nous avait préservé des foudres de l’apocalypse.<br />

Nous sommes la Nouvelle Jérusalem.<br />

Bien au chaud dans les dédales d’immondices<br />

rejetées par le centre, dans ces cités cyclopéennes<br />

qui poussèrent aux bordures de l’Occident,<br />

nous avions regardé s’écrouler cet édifice qu’on<br />

disait là pour mille et mille ans. Aménagées au<br />

creux des tonnes de couches pour bébé, entre<br />

les ruisseaux de mercure, au pied des collines<br />

de sacs plastiques, en bordure des forêts de<br />

carcasses de voitures, à l’aplomb des falaises<br />

d’électroménager pourrissant, au bord des lacs<br />

d’acide de batterie, nos maisons s’organisaient<br />

autour d’un bonheur réel qui s’était frayé un chemin<br />

dans l’immondice. Contraints à la solidarité<br />

par la toxicité, nous avions survécu quand tout<br />

semblait devoir s’arrêter. Pasteur l’avait bien dit :<br />

le microbe n’est rien, le terrain est tout.<br />

Et nous étions là, hésitant entre science-fiction<br />

et préhistoire, sous le grand dôme des excréments<br />

du monde disparu ; sondant la matière<br />

molle et chaude, seul héritage de la civilisation<br />

précédente. Interrogeant l’ordure dans l’espoir de<br />

comprendre ce qui avait bien pu se passer. Cette<br />

question, on ne pouvait jamais l’occulter, à cause<br />

de l’odeur, la chaude puanteur de la décomposition.<br />

La décomposition, le dernier trésor du<br />

monde libre. Cette providentielle source d’énergie<br />

qui nous avait maintenus en vie quand le monde<br />

précédant s’était écroulé. Avant que finalement<br />

nous mutâmes. Elle était partout, elle était nous,<br />

on lui devait tout. Entièrement coupés de toute<br />

autre mémoire, la puanteur était devenue peu à<br />

peu le seul vrai lien qui nous unissait encore aux<br />

hommes et à leur souvenir. Un lien ténu mais réel,<br />

d’autant plus vivant et universel qu’il s’adressait<br />

à chacun, sans distinction de milieu, d’origine ou<br />

de capital culturel. Car tous les esprits et tous<br />

les cœurs s’animent au secret de l’arôme. Car<br />

toutes les mauvaises odeurs nous concernent et<br />

semblent nous révéler quelque chose sur nousmêmes.<br />

Car tous les parfums obligent à la vérité<br />

du souvenir. Et quand notre histoire devint finalement<br />

une archéologie du déchet, l’odeur prit la<br />

place centrale et délicate de la mémoire vivante.<br />

Les générations se succédant, il fallut transmettre<br />

ce pouvoir d’évocation mnésique. C’était un<br />

exercice quotidien pour les familles, comme une<br />

sorte de devoir de mémoire, d’éducation pratiquée<br />

sans y penser. Au gré des promenades<br />

dominicales sur les grands plateaux de fange, au<br />

détour des sentiers serpentant dans la vidange,<br />

quand un fumet caractéristique se détachait de<br />

la puanteur totale, le bon père de famille évoquait<br />

alors le souvenir du mot associé à l’odeur, comme<br />

autrefois on faisait réciter les départements. Bien<br />

sûr, la généalogie de la pourriture n’échappait pas<br />

aux approximations immanquables que le temps<br />

apporte, mais même lorsqu’un mot s’était peu à<br />

peu substitué à un autre, la force d’évocation de<br />

l’odeur faisait jaillir dans l’imagination des images<br />

semblables à aucune autre. Et c’est comme ça<br />

que, bien des années après l’an zéro, alors que<br />

l’enseigne à l’arche d’or n’était plus qu’un concept,<br />

celui qui n’avait rien connu de cet ancien monde<br />

était capable de parler d’un cheeseburger.<br />

Sylvain Ohrel


MAGAZINE N 51, PAGE 75<br />

La fragilité du vide<br />

Elle s’était retrouvée à travailler dans cette galerie d’art par hasard, pour payer le<br />

loyer. Après tout, une assistante était une assistante et il ne fallait pas être plus<br />

débrouillarde que dans la banque ou l’assurance.<br />

« Aaaah, et voici la merveille, le<br />

clou (...) pu tout aussi bien la<br />

rater (...) un défi au principe<br />

de l’exposition – l’artiste a<br />

voulu la situer précisément,<br />

hors de la scénographie »<br />

première édition<br />

FOIRE D’ART CONTEMPORAIN<br />

Bourse du Commerce, Paris<br />

22-25 octobre 2009<br />

—<br />

cutlog.org<br />

La fragilité du vide,<br />

six sacs plastiques, 2008,<br />

Kader Attia.<br />

Le premier jour, le galeriste, pressé, l’envoya<br />

repérer la dernière curiosité de son écurie dans<br />

une grande exposition ministérielle : « C’est huit<br />

sacs en plastique, de couleurs vives, posés à<br />

même le sol, à gauche en entrant, ils ne sont<br />

même pas sur la scéno, il y a seulement une<br />

bande de gaffer qui délimite l’espace, tu ne peux<br />

pas les rater. »<br />

Elle aperçut l’un des trois commissaires de<br />

l’exposition qui était déjà là, en compagnie d’un<br />

groupe de collectionneurs allemands : « Aaaah, et<br />

voici la merveille, le clou (...) pu tout aussi bien<br />

la rater (...) un défi au principe de l’exposition<br />

– l’artiste a voulu la situer, précisément, hors de<br />

la scénographie (...) excellente notice en donne<br />

d’ailleurs quelques (...) entre l’espace visuellement<br />

scénographié et le reste de (...) situe entre<br />

le visible et l’invisible, entre (...) et (...) et l’infiniment<br />

(...) entre-deux de l’exposition traduit bien<br />

toute l’ambiguïté (...) banals et (...) ne peuvent<br />

laisser indifférent. L’artiste Kader Attia (...) vision<br />

très pessimiste de la société actuelle, en convoquant<br />

le signe le plus quotidien de la pollution, le<br />

sac plastique, (...) plastique peut être entendu<br />

comme la matière issue du pétrole, un autre symbole<br />

(...) grandes considérations écologiques (...)<br />

donner une forme, créer par la simple mise en<br />

espace, par le modelé le plus minimal. (...) On<br />

peut aborder cette œuvre comme une mise en<br />

garde, un signal (...) dramatique à l’échelle de<br />

la planète. Les sacs plastiques, effectivement,<br />

sont le symbole de la société de (...) toute la<br />

complexité de notre système (...) richesses<br />

absurdes (...) s’effondrer à tout moment (...) tant<br />

de richesses et de pouvoir qui reposent sur (...)<br />

formes minimales. Et (...) tout à fait intéressant.<br />

Le sac (...) plastiquement contradictoire : léger<br />

et fragile (...) garde la trace (...) parlait d’une<br />

anecdote – qui ne peut, certainement, rendre<br />

compte de toute la complexité de l’œuvre, mais<br />

qui mérite que l’on s’y attarde – autour d’une<br />

vision, dans la rue, d’un (...) de ce qu’il avait<br />

contenu (...) des volumes, du poids, par le seul<br />

effet du vide. La métonymie plastique que (...)<br />

paradoxe de la sculpture ici résumé : donner du<br />

volume en enlevant de la matière. »<br />

L’assistante ne traîna pas et partit déjeuner avec<br />

une amie, chargée de com chez Fauchon :<br />

« Et alors, c’est une installation minimaliste, un<br />

peu dans l’exposition et un peu invisible, ça<br />

représente le paradoxe entre le vide et le plein,<br />

c’est comme, tu sais, les start-up et tout ça, des<br />

grandes entreprises, des trucs de fou créés en<br />

un rien de temps, et pouf ! à la première crise, ça<br />

lâche. Et aussi, les sacs plastiques qui gardent<br />

la forme de ce qu’ils ont contenu, c’est comme<br />

un peu l’expression du plein et du vide à la fois,<br />

comme les vides et les pleins en sculpture, et<br />

aussi la pollution, parce que les sacs poubelles,<br />

on commence seulement à s’en rendre compte,<br />

mais ça représente des tonnes de plastiques qui<br />

ne se biodégradent jamais et ça, ça pollue à une<br />

vitesse folle. Alors, c’est le parti pris de la vie quotidienne<br />

dans sa fragilité, au point de ne montrer<br />

que ce que nous considérons comme de la poubelle.<br />

Enfin, en tout cas, c’est une œuvre balèze<br />

qui pose les questions de l’œuvre, de l’exposition,<br />

de l’art dans les expositions, du rôle de l’artiste<br />

du plastique et des tas de questions comme ça,<br />

hyper importantes au jour d’aujourd’hui.<br />

— Oui, mais quand même, c’est surtout une<br />

énorme arnaque à la production, non ? Et le<br />

public marche ? Vraiment, personne n’a pensé à<br />

jeter un déchet dans les sacs ?! »<br />

L’artiste, pensif, fit aussi sa visite, avant celle de<br />

la presse : « Ce gaffer au sol, c’est n’importe<br />

quoi, en deux deux ça va être noir de poussière<br />

avec ce béton pourri. C’est quand même un sacré<br />

cadeau à la prod, s’il y a le moindre truc au<br />

retour, je leur fais payer plein pot. Et vu la notice<br />

de pacotille que je me tape, ils n’ont pas intérêt à<br />

louper leurs visites. »<br />

Géraldine Miquelot<br />

les personnages de ce texte sont fictionnels.


MAGAZINE N 51, PAGE 76<br />

L’œil Neuf<br />

Quels furent les débuts d’un grand éditeur de la photographie contemporaine ?<br />

Dans les années 50, Robert Delpire, alors directeur technique, met en place les<br />

formules de Neuf et de L’œil.<br />

Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale,<br />

en France, la société civile se mobilise pour la<br />

reconstruction du pays. Le secteur des industries<br />

graphiques, qui a souffert du pillage et de<br />

la répression pendant l’Occupation, est particulièrement<br />

sollicité pour y contribuer. De nombreuses<br />

initiatives, productions et réalisations<br />

voient le jour dans le champ du graphisme et de<br />

la typographie. Le nouvel Etat, qui a nationalisé<br />

l’ensemble des grandes entreprises de service<br />

public, doit emprunter et lance de vastes campagnes<br />

publicitaires pour financer la « reconstruction<br />

». Des commandes sont passées à<br />

quelques figures de l’affiche des années 30,<br />

comme Paul Colin, Jean Carlu ou Raymond Gid,<br />

mais c’est la nouvelle génération, souvent issue<br />

de l’école Estienne, à Paris, qui profite de cet état<br />

de fait pour s’affirmer. Les murs des administrations,<br />

des bâtiments publics, des écoles s’ornent<br />

des visuels de Jacques Nathan-Garamond, Jean<br />

Colin, Guy Georget, Villemot et quelques autres.<br />

Le ministère des Finances constitue une commission<br />

de l’imprimé pour redéfinir les normes en<br />

usage dans l’administration.<br />

Il est fait appel au typographe Maximilien Vox,<br />

bien que celui-ci ait mis son savoir-faire au service<br />

du régime de Vichy. Vox assisté d’Henri Jonquières<br />

et de Marcel Jacno s’attèlent à la charge<br />

et, en 1952, le typographe publie une nomenclature<br />

de caractères, la célèbre « classification<br />

Vox ». Néanmoins, la modernité française ne<br />

se reflète pas dans des recherches graphiques<br />

d’avant-garde. Le ton est plutôt à une effervescence<br />

néo-classique. Peut-être le résultat de<br />

positions protectionnistes et idéologiques prises,<br />

dès les années 20-30, par les grandes fonderies<br />

comme Deberny & Peignot, face aux théories de<br />

la Nouvelle typographie développées par l’Allemand<br />

Jan Tschichold.<br />

Début des années 50, le design éditorial, lui aussi,<br />

fait l’objet d’une refonte en profondeur. Un design<br />

qui profite de l’invention des ingénieurs français,<br />

René Higonnet et Louis Moyroud, la photocomposeuse.<br />

Un prototype, nommé Photon, est fabriqué<br />

en 1946 avec le soutien d’industriels américains<br />

et, en 1954, un premier modèle, baptisé Lumitype,<br />

débarque chez Deberny & Peignot. Cette<br />

nouvelle évolution technologique et les recherches<br />

de l’architecte Pierre Faucheux, passé au<br />

graphisme, annoncent par ailleurs la réinvention<br />

du livre-objet, dont les clubs de livres, organismes<br />

de vente par correspondance inspirés des<br />

systèmes allemand et américain, s’emparent. Le<br />

travail de Faucheux ne se limite pas au seul livre.<br />

En 1950, il est sollicité par un jeune étudiant en<br />

médecine, Robert Delpire qui, féru de journalisme<br />

et un peu malgré lui, a pris la direction d’une<br />

nouvelle revue, Neuf. Neuf est l’organe de presse<br />

de la Maison de la médecine qui regroupe les<br />

activités culturelles et sportives des étudiants.<br />

Pour Delpire, il ne s’agit pas de faire un simple<br />

bulletin d’association mais une vraie revue avec<br />

de « bons » textes et des illustrations de qualité.<br />

Tout manque, surtout l’argent, mais pas le culot.<br />

Robert Delpire s’adresse aux artistes, photographes,<br />

écrivains et illustrateurs de renom. La une du numéro<br />

un, qui paraît en juin 1950, propose la photographie<br />

d’un masque « Haïda » de la collection d’André Breton<br />

prise par Facchetti. André Breton participe à ce<br />

premier sommaire avec une « Note sur les masques<br />

à transformation de la côte pacifique Nord-Ouest »,<br />

qui révèle la particularité de certains masques possédant<br />

un élément capable de pivoter sur lui-même.<br />

Le numéro deux, en date de Noël 1950, offre sa<br />

une à Brassaï. Le sommaire s’ouvre sur des articles<br />

médicaux puis des articles aux signatures prestigieuses<br />

: « De la vocation d’écrivain » par Jean-Paul Sartre<br />

; « Marc Chagall, peintre de l’amour heureux » par<br />

Michel Ragon ; « Brassaï » par Henry Miller ; « Extraits<br />

de l’Histoire de Marie » par Brassaï ; « Izis » par Marc<br />

Bernard ; « La jeune fille brune » par Marcel Mouloudji.<br />

En tout : 82 pages de textes, d’illustrations en noir<br />

et blanc et en couleur tirées à 5 000 exemplaires,<br />

vendues essentiellement par abonnement. Le comité<br />

de rédaction est composé d’internes des hôpitaux et<br />

de la collaboration, en tant que directeur technique,<br />

de Pierre Faucheux.<br />

Robert Delpire dit de cette collaboration : « J’ai<br />

rencontré Pierre Faucheux à une époque où<br />

je ne savais rien d’un métier qui me fascinait,<br />

celui d’éditeur. Je n’avais que des intentions, des<br />

envies, des aspirations : publier des livres, créer<br />

une revue. Pierre Faucheux m’a apporté ce que je<br />

n’aurais pu faire sans lui : une parfaite connaissance<br />

des techniques mais surtout une liberté<br />

d’esprit, une fantaisie, une aisance exceptionnelle<br />

à manipuler la lettre et l’image dans un constant<br />

refus des conventions et des habitudes. Pendant<br />

un temps, j’ai tout appris de lui et je lui en suis<br />

encore très reconnaissant. » Si la maquette reste<br />

sage et relativement classique, Neuf devient une<br />

Pour Delpire, il ne s’agit pas<br />

de faire un simple bulletin<br />

d’association mais une vraie<br />

revue avec de « bons » textes<br />

et des illustrations de qualité.<br />

Tout manque, surtout l’argent,<br />

mais pas le culot.<br />

revue de référence pour la nouvelle avant-garde<br />

photographique qu’incarnent Cartier-Bresson,<br />

Doisneau, Werner Bischof, Robert Frank et<br />

William Klein. Mais l’originalité de Neuf tient<br />

aussi dans le mélange des genres et un certain<br />

éclectisme illustratif.<br />

Robert Delpire rencontre le dessinateur André François,<br />

à qui il confie la une du numéro six, Spécial<br />

dessin humoristique. Instinctivement, Delpire donne<br />

un nouveau statut au dessin dit « de presse ». Des<br />

artistes et dessinateurs, inclassables, interviennent<br />

dans les pages de la revue comme Mose, Chaval<br />

ou Steinberg. Cette ligne éditoriale va conditionner<br />

et affirmer l’originalité de son travail d’éditeur. En<br />

1955, la collaboration avec Pierre Faucheux se<br />

poursuit avec la conception de la maquette d’une<br />

nouvelle revue d’art, « L’Œil ». Editée en Suisse<br />

mais conçue rue des Saints-Pères à Paris, la revue<br />

propose un autre regard sur la peinture. Directeur<br />

technique (on ne parle pas encore de directeur<br />

artistique) du magazine, Robert Delpire porte, avec<br />

une maquette sobre, un œil neuf sur la création<br />

contemporaine. Une démarche et une posture qui<br />

définissent, depuis une cinquantaine d’années, l’un<br />

des grands éditeurs d’images contemporaines.<br />

Pierre Ponant


Van Leo - Sherihan actrice égyptienne - Le Caire, Egypte, 1976 - Collection Fondation Arabe pour l’Image - © Fondation Arabe pour l’Image<br />

Le programme de Paris Photo dans<br />

l’édition parisienne du 11 nov. de<br />

19-22 NOV. 09 - Carrousel du Louvre, Paris - www.parisphoto.fr<br />

Photographie arabe et iranienne à l’honneur<br />

Je 1. 10<br />

Cinéma<br />

Festival du cinéma allemand<br />

Coloration politique pour cette<br />

14 e édition, 20 e anniversaire de la<br />

chute du Mur oblige.<br />

L’Arlequin, >6/10<br />

Edition<br />

Les plus beaux livres suisses<br />

Si ce concours existe depuis deux ans<br />

en France, il a beaucoup à apprendre<br />

de son pendant suisse, dont les<br />

lauréats 2008 seront ici présentés.<br />

Centre culturel suisse, >19h, >12/12<br />

Ve 2.10<br />

<strong>Magazine</strong><br />

Sang Bleu<br />

Ouverture de la galerie 12 Mail, avec<br />

l’helvétique magazine Sang Bleu<br />

comme premier guest. Bichromie,<br />

dessins et tatoos au programme.<br />

12 Mail, 18h, >20/12<br />

Marché<br />

Hôtel bohème #4<br />

34 créateurs indépendants de<br />

bijoux, mode, déco et accessoires se<br />

réunissent dans un hôtel particulier<br />

pour présenter leur production.<br />

6 rue Beauregard (2 e ), 12>20h,<br />

>4/10<br />

Sa 3.10<br />

Art<br />

Nuit Blanche<br />

De la rue Sedaine (Malte Martin) à<br />

l’école des Arts déco, en passant par<br />

les Buttes-Chaumont.<br />

En ville, 19>7h<br />

Performance<br />

Frasq<br />

Premières rencontres de la<br />

performance, organisée dans 7 lieux<br />

d’Ile-de-France, dont Betonsalon,<br />

Glassbox, Immanence. Paroles et<br />

performances pendant 3 semaines.<br />

Infos sur frasq.com<br />

En ville, >25/10<br />

Di 4.10<br />

Mode<br />

Les sœurs (ou la méthode)<br />

Des séries mode en forme de tableaux<br />

vivants – composés d’images fixes et<br />

animées – projetées dans la vitrine de<br />

la librairie Artazart.<br />

Artazart, >19h, >28/11<br />

Lu 5.10<br />

Anniversaire<br />

Point Ephémère<br />

Pour fêter ses 5 ans, le lieu<br />

multiculturel au bord du canal propose<br />

une multitude de fêtes (donc deux<br />

anniversaires les 16 et 31), des<br />

concerts et une exposition des artistes<br />

passés en résidence depuis 2004.<br />

Infos sur pointephemere.org<br />

Point Ephémère, >31/10<br />

Littérature<br />

Jean Echenoz<br />

Rencontre avec l’un des plus grands<br />

auteurs français contemporains, qui<br />

viendra répondre à cette question :<br />

« Ecrire, pourquoi écrire ? »<br />

Centre Pompidou, 19h<br />

Ma 6.10<br />

Graphisme<br />

« Double vie »<br />

Une exposition personnelle consacrée<br />

au graphiste Malte Martin, qui investit<br />

souvent l’espace public avec des<br />

typographies choisies.<br />

Galerie Anatome, >19h, >23/12<br />

Me 7.10<br />

Art<br />

« La subversion des images »<br />

L’image dans toutes ses acceptions<br />

par le mouvement qui l’a le plus<br />

expérimentée : le Surréalisme.<br />

Centre Pompidou, >21h, 10/12 e.,<br />

>11/01<br />

Je 8.10<br />

Mode<br />

Festival Asvoff<br />

Asvoff, pour « A shaded view<br />

on fashion film », imaginé par<br />

Diane Pernet et rassemblant les<br />

films de mode les plus créatifs.<br />

Centre Pompidou, 20h, 4/6 e.<br />

Design<br />

Puces du design<br />

Nuova Italia est le mot d’ordre de<br />

cette nouvelle édition des puces<br />

auxquelles Sam Baron et sa Fabrica<br />

ainsi que Secondome sont invités.<br />

Quai de Loire, >11/10<br />

Cinéma<br />

Fémis<br />

Journée de projection des films de<br />

fin d’études d’étudiants de la Fémis,<br />

promo 2008.<br />

Cinémathèque, 11>18h30, 5/6,50 e.<br />

Visite<br />

Soirée nomade<br />

En marge de l’exposition « Né dans<br />

la rue », le philosophe Alain Milon et<br />

l’artiste Jean Faucheur proposent une<br />

promenade entre les 11 e et 20 e arrondissements,<br />

guidée par les graffitis.<br />

Fondation Cartier, sur réservation<br />

Ve 9.10<br />

Photo<br />

« August Sander »<br />

Le maître allemand (1876-1964), qui<br />

a saisi les visages comme les paysages<br />

ou les fleurs fera l’objet d’une<br />

rétrospective avec tirages d’époque.<br />

Fondation HCB, >18h30, 3/6 e.,<br />

>20/12<br />

Design<br />

« Mobi-boom, le mobilier de 1945<br />

à 1975 »<br />

Invention de la scène française et<br />

démocratisation du mobilier contemporain,<br />

une tranche d’histoire et<br />

d’industrie à travers des objets.<br />

Les Arts décoratifs, >18h, 6,50/8 e.,<br />

>2/01<br />

Sa 10.10<br />

Art<br />

Vernissages<br />

Rue Louise-Weiss puis dans le Marais,<br />

où Karsten Greve fête ses 20 ans,<br />

où Valentin présente George Henry<br />

Longly.<br />

En ville<br />

Di 11.10<br />

Art<br />

« La confusion des sens »<br />

Exposition articulée autour du<br />

corps et de ses sensations, avec<br />

Renaud Auguste-Dormeuil, Berdaguer<br />

& Péjus, Céleste Boursier-Mougenot,<br />

Didier Fiuza Faustino, Laurent Grasso,<br />

Véronique Joumard et Laurent Saksik.<br />

Espace Louis-Vuitton, >19h, 10/01<br />

Cinéma<br />

Master Class<br />

Jacques Audiard remplace<br />

Isabelle Huppert au pied levé pour<br />

présenter, commenter et interroger<br />

quelques images de son choix.<br />

Forum des images, 15h30, 4/5 e.<br />

MAGAZINE N 51, PAGE 79<br />

Ma 13.10<br />

Art<br />

« Erwin Olaf »<br />

Derniers jours de l’exposition du<br />

photographe néerlandais qui rend<br />

hommage à la peinture classique<br />

espagnole (Zurbarán, Velázquez,<br />

El Greco).<br />

Galerie Magda Danysz, >19h, >17/10<br />

Me 14.10<br />

Art<br />

« Les archipels réinventés» /<br />

« Soulages »<br />

Exposition réunissant les œuvres<br />

lauréates des dix Prix Ricard. Pour<br />

mémoire : Tatiana Trouvé, Boris Achour,<br />

Loris Gréaud, Berdaguer & Péjus,<br />

Didier Marcel, Natacha Lesueur,<br />

Matthieu Laurette, Mircea Cantor,<br />

Vincent Lamouroux et Raphaël Zarka.<br />

Plus haut, l’expo « Soulages », le<br />

maître du noir.<br />

Centre Pompidou, >21h, 10/12 e.,<br />

>11/01<br />

Photo<br />

« Voyages »<br />

Les regards de cinq photographes et<br />

d’un vidéaste japonais sur l’archipel et<br />

sur d’autres pays. Villes, campagnes<br />

et même constructions imaginaires.<br />

Maison de la culture du Japon, >19h<br />

>23/01<br />

Cinéma<br />

Kino Polska<br />

Festival de cinéma polonais, qui présentera<br />

un panorama des réalisateurs<br />

contemporains, une rétrospective<br />

Wajda et une sélection de courts<br />

d’écoles de cinéma.<br />

Reflet Médicis, >20/10<br />

Je 15.10<br />

Art<br />

« Chasing Napoleon »<br />

Confrontation de travaux d’artistes,<br />

de scientifiques et d’activistes à la<br />

poursuite d’une utopie mise en œuvre<br />

par une traque incessante. Vernissage.<br />

Palais de Tokyo, >17/01<br />

Performance<br />

« Grand Magasin »<br />

Une performance conçue pour<br />

l’exposition « Planète des signes » et<br />

qui combinera probablement danse,<br />

théâtre et performance.<br />

Le Plateau, 19h30, 4 e., sur<br />

réservation


Ve 16.10<br />

Art<br />

Storyboard<br />

Quatre rendez-vous, qui combineront<br />

événements, performances et projections,<br />

avec des artistes de la galerie<br />

mais pas seulement. Vernissage.<br />

Gb agency, 18h, >7/11<br />

Cinéma<br />

Avant-garde<br />

Films sur et de Dalí, reportages,<br />

fictions et expérimentations.<br />

Cinémathèque, 19h30+21h30,<br />

5/6,50 e.<br />

Art<br />

« Deadline »<br />

La dernière production, ou 12 artistes<br />

confrontés à une mort imminente et<br />

qui ont continué à créer : Absalon,<br />

Gilles Aillaud, James Lee Byars,<br />

Chen Zhen, Willem de Kooning,<br />

Felix Gonzalez-Torres, Hans Hartung,<br />

Jörg Immendorff, Martin Kippenberger,<br />

Robert Mapplethorpe, Joan Mitchell,<br />

Hannah Villiger.<br />

Musée d’Art moderne, >18h,<br />

4,50/6 e., >10/01<br />

Lu 19.10<br />

Cinéma<br />

Michael Haneke<br />

Ouverture de l’hommage au cinéaste<br />

autrichien, qui présentera ses films<br />

de cinéma et de télévision inédits en<br />

France.<br />

Cinémathèque, 18h, 5/6,50 e.<br />

Ma 20.10<br />

Cinéma / Art<br />

« Federico Fellini / Francesco Vezzoli »<br />

Images et documentation du cinéaste<br />

en regard d’une installation de l’artiste<br />

italien et d’un chapiteau mimant un<br />

cirque.<br />

Jeu de Paume, >19h, 4/6 e., >17/01<br />

Art<br />

« Antidote »<br />

5 e édition de cette exposition qui<br />

vise à mettre en avant la jeune<br />

scène française. Cette année :<br />

Dove Allouche, Pierre-Olivier Arnaud,<br />

Etienne Chambaud, Isabelle Cornaro,<br />

Aurélien Froment, Laurent Montaron et<br />

quelques autres.<br />

Galerie des Galeries, >19h, >9/01<br />

Me 21.10<br />

Art<br />

Fiac + Slick + Show Off + Cutlog<br />

C’est donc la saison des foires d’art<br />

contemporain : la Fiac au Grand Palais<br />

et au Louvre, Slick au 104, Show Off<br />

au port des Champs-Elysées et Cutlog<br />

à la Bourse du commerce. Vernissage<br />

ce soir.<br />

En ville, >25/11<br />

Histoire<br />

« Berlin, l’effacement des traces<br />

1989-2009 »<br />

De la disparition des signes de<br />

l’ancienne RDA noyés dans la nouvelle<br />

identité germanique à leur réapparition<br />

inopinée ; photos, documents, objets<br />

quotidiens…<br />

Musée d’Histoire contemporaine,<br />

>17h30, 3/5 e., >31/12<br />

Cinéma<br />

Le Ruban blanc<br />

De Michael Haneke, 2009, 144’.<br />

Le dernier Haneke, en noir et blanc,<br />

qui se déroule pendant la Première<br />

Guerre mondiale et met aux prises les<br />

différents habitants d’un village.<br />

En salles<br />

Je 22.10<br />

Art<br />

Vernissages<br />

La contiguïté des foires a donné des<br />

idées : Saâdane Afif chez Michel Rein,<br />

Delphine Coindet chez Laurent Godin,<br />

Jean-Michel Othoniel chez Emmanuel<br />

Perrotin…<br />

En ville<br />

Photo<br />

Prix Pictet<br />

12 photographes internationaux,<br />

dont Nadav Kander et Darren Almond,<br />

sur un même thème : la Terre.<br />

Passage de Retz, >19h, >22/11<br />

Concert dessiné<br />

Soirée nomade<br />

Un concert de Rodolphe Burger, accompagné<br />

par le duo de dessinateurs<br />

Dupuy & Berberian ; ou l’inverse du<br />

film muet accompagné au piano.<br />

Fondation Cartier, 20h30,<br />

4,50/6,50 e., sur réservation<br />

Performance<br />

« Drama Queens »<br />

Conçue par les plasticiens Elmgreen &<br />

Dragset (qui ont commis les pavillons<br />

scandinaves de la dernière Biennale<br />

de Venise), une performance sans<br />

acteurs, dans laquelle des sculptures<br />

règlent leur compte aux utopies qui<br />

les ont vu naître.<br />

Centre Pompidou, 20h30, 10/14 e.,<br />

>23/10<br />

Ve 23.10<br />

Art<br />

« Arche 2009 »<br />

L’artiste chinois Huang Yong Ping<br />

propose une installation dont l’idée a<br />

germé suite à l’incendie du magasin<br />

parisien de taxidermie Deyrolle.<br />

Beaux-Arts de Paris, >19h, >5/12<br />

Sa 24.10<br />

Art<br />

« Habiter 2050 »<br />

L’artiste Alain Bublex installe un<br />

paysage mystérieux dans la Galerie<br />

des enfants, qui projette ce que sera<br />

la réalité quotidienne en 2050.<br />

Centre Pompidou, >19h, >8/03<br />

Cinéma<br />

Le Joli Mai<br />

De Chris Marker, 1963, 150’.<br />

Printemps 62, le cinéaste enquête sur<br />

la France d’alors, au beau milieu des<br />

Trente Glorieuses. Eclairant.<br />

Cinémathèque, 20h30, 5/6,50 e.<br />

Di 25.10<br />

Art<br />

« Soulèvements »<br />

Exposition consacrée à Jean-Jacques<br />

Lebel autour d’écrits, d’objets et de<br />

pièces d’autres artistes avec lesquels<br />

il dialogue ; dans le cadre du Festival<br />

d’automne.<br />

Maison Rouge, >19h, 5/7 e. >17/01<br />

Lu 26.10<br />

Photo<br />

« Printemps new-yorkais »<br />

Un séjour que le photographe<br />

Fred Lebain a ponctué de clichés en<br />

forme de carte postale qui interrogent<br />

la ville comme décor.<br />

Les Prairies de Paris, >19h, >28/12<br />

Me 28.10<br />

Photo + graphisme<br />

« Delpire »<br />

L’exposition arlésienne monte à<br />

Paris : photographies, publications et<br />

films pour rendre compte du travail<br />

de Robert Delpire, des années 50 à<br />

aujourd’hui.<br />

MEP, >19h, >24/01<br />

Cinéma<br />

Irène<br />

D’Alain Cavalier, 2008, 85’. Le dernier<br />

Cavalier, présenté à Cannes dans « Un<br />

certain regard », intimiste et économe<br />

de moyens mais pas de regards.<br />

En salles<br />

Je 29.10<br />

Mode<br />

« Dysfashional »<br />

Exposition consacrée à la mode mais<br />

pas axée sur le vêtement. Les univers,<br />

inspirations et expérimentations auront<br />

plutôt la vedette. Avec, entre autres :<br />

Hussein Chalayan, Raf Simons,<br />

Bless, Maison Martin Margiela,<br />

Gaspard Yurkievich, Antonio Marras,<br />

Bernhard Willhelm, Pierre Hardy,<br />

Kostas Murkudis.<br />

Passage du Désir, >19h >29/11<br />

Cinéma<br />

La Faim<br />

De Henning Carlsen, 1966, 111’.<br />

Film danois d’après le roman de Knut<br />

Hamsun qui mêle rêve et drame social.<br />

Maison du Danemark, 20h<br />

Ve 30.10<br />

Cinéma<br />

« Avant-garde »<br />

L’aventure prodigieuse de la<br />

dentelière et du rhinocéros de Dalí et<br />

Robert Descharmes + un portrait de<br />

Dalí par Jean-Christophe Averty.<br />

Cinémathèque, 19h30+21h30,<br />

5/6,50 e.<br />

A venir<br />

Cinéma<br />

Avant-première<br />

Les Herbes folles d’Alain Resnais,<br />

2009, 104’.<br />

Cinémathèque, 20h, 5/6,50 e., sur<br />

réservation<br />

Edition<br />

Salon light<br />

6 e édition de ce salon d’éditeurs<br />

indépendants internationaux réunis par<br />

le Cneai, avec à la clé une table ronde,<br />

une conférence et même un bal.<br />

Point Ephémère, 6>8/11<br />

Art<br />

Roman Ondak<br />

Dans le cadre du Festival d’automne,<br />

l’artiste slovène présente « Here or<br />

Elsewhere », une installation qui<br />

interroge le rapport réalité/fiction et<br />

sculpture/performance.<br />

Espace topographique de l’art, >19h,<br />

7/11 > 20/12<br />

Photo<br />

« Glissement de terrains »<br />

Variations autour du paysage,<br />

jusqu’à la nature morte, pour sept<br />

photographes, dont Charlotte Leduc et<br />

Aude Buttazzoni. Une exposition mais<br />

deux vernissages !<br />

Galerie Vieille-du-Temple, 19h.<br />

Vernissages 7 + 10/11, >28/11<br />

Design<br />

Salon du vintage<br />

4 e édition qui rassemble mode, design<br />

et accessoires sur les trois étages d’un<br />

immeuble le temps d’un week-end.<br />

180A bd Saint-Germain, 10>20h,<br />

14 > 15/11<br />

Art<br />

« Variations continues »<br />

Quatre artistes turcs invités à présenter<br />

leurs travaux à Paris, l’occasion<br />

de découvrir la scène contemporaine<br />

turque.<br />

Crédac, 20/11 > 17/01


ADRESSES<br />

/12 Mail 12, r. du Mail - 2 e<br />

M° Etienne-Marcel<br />

/104 104, r. d’Aubervilliers - 19 e<br />

M° Riquet 01 53 35 50 00<br />

/Agnès b. 1, r. Dieu - 10 e<br />

M° République 01 42 03 47 99<br />

/L’Arlequin 76, r. de Rennes - 6 e<br />

M° Saint-Sulpice 01 45 44 28 80<br />

/Artazart 83, q. de Valmy - 10 e<br />

M° République 01 40 40 24 00<br />

/Les Arts décoratifs<br />

107, r. de Rivoli - 1 er<br />

M° Palais-Royal 01 44 55 57 50<br />

/Art Process 52, r. Sedaine - 11 e<br />

M° Voltaire 01 47 00 90 85<br />

/Atelier Cardenas-Bellanger<br />

43, r. Quincampoix - 4 e<br />

M° Rambuteau 01 48 87 47 65<br />

/La Bank 42, r. Volta - 3 e<br />

M° Arts-et-Métiers 01 42 72 06 90<br />

/Beaux-arts de Paris<br />

13, q. Malaquais - 6 e<br />

M° Saint-Germain 01 47 03 54 58<br />

/Bourse du commerce 2, r. Viarmes<br />

- 1 er M° Halles 01 44 76 06 37<br />

/Bétonsalon 9, espl. Pierre Vidal-Naquet<br />

- 13 e M° Bibliothèque 01 45 84 17 56<br />

/Centre culturel suédois 11, r. Payenne<br />

- 3 e M° Saint-Paul 01 44 78 80 20<br />

/Centre culturel suisse<br />

32 + 38, r. des Francs-Bourgeois - 3 e<br />

M° Rambuteau 01 42 71 44 50<br />

/Centre Pompidou<br />

piazza Beaubourg - 4 e<br />

M° Rambuteau 01 44 78 12 33<br />

/Centre Wallonie-Bruxelles<br />

127, r. Saint-Martin - 4 e<br />

M° Rambuteau 01 53 01 96 96<br />

/Chambre avec vues<br />

3, r. Jules-Vallès - 11e<br />

M° Charonne 01 40 52 53 00<br />

/Cinémathèque 51, r. de Bercy - 12 e<br />

M° Bercy 01 71 19 33 33<br />

/Cité de l’Architecture<br />

1, pl. du Trocadéro - 16 e<br />

M° Trocadéro 01 58 51 52 00<br />

/Cneai Ile des impressionnistes -<br />

78400 Chatou 01 39 52 45 35<br />

/Colette 213, r. Saint-Honoré - 1 er<br />

M° Tuileries 01 55 35 33 90<br />

/Crédac<br />

93, av. Georges-Gosnat - 94 Ivry<br />

M° Mairie d’Ivry 01 49 60 25 06<br />

/De la Ville Café 34, bd de Bonne-<br />

Nouvelle - 2 e<br />

M° Bonne-Nouvelle 01 48 24 48 09<br />

/Ecole du Louvre pl. du Carrousel - 1 er<br />

M° Palais-Royal 01 55 35 19 24<br />

/Esag 29, r. du Dragon - 6 e<br />

M° Saint-Sulpice 01 42 22 55 07<br />

/Espace Louis Vuitton 60, r. de Bassano<br />

- 8 e M° George-V 01 55 80 33 80<br />

/Espace topographique de l’art<br />

15, r. de Thorigny - 3 e<br />

M° Filles-du-Calvaire 01 40 29 44 28<br />

/Fat galerie 1, r. Dupetit-Thouars - 3 e<br />

M° Temple - 01 44 54 00 84<br />

/Fondation Cartier<br />

261, bd Raspail - 14 e<br />

M° Denfert-Rochereau 01 42 18 56 50<br />

/Fondation HCB 2, imp. Lebouis - 14 e<br />

M° Gaité 01 56 80 27 00<br />

/Fondation Ricard 12, r. Boissy-d’Anglas<br />

- 8 e M° Concorde 01 53 30 88 00<br />

/Forum des images porte Saint-Eustache<br />

- 1 er M° Halles 01 44 76 63 00<br />

/French Trotters 30, r. de Charonne -<br />

11 e M° Bastille 01 47 00 84 35<br />

/Galerie Martine Aboucaya<br />

5, r. Sainte-Anastase - 3 e<br />

M° Filles-du-Calvaire 01 42 76 92 75<br />

/Galerie Anatome 38, r. Sedaine - 11 e<br />

M° Bastille 01 48 06 98 81<br />

/Galerie Air de Paris 32, r. Louise-<br />

Weiss - 13 e<br />

M° Bibliothèque 01 44 23 02 77<br />

/Galerie Eric Allart 8, r. de Beaune - 7 e<br />

M° Rue-du-Bac 01 42 61 17 50<br />

/Galerie Art Concept<br />

16, r. Duchefdelaville - 13 e<br />

M° Bibliothèque 01 53 60 90 30<br />

/Galerie d’architecture 11, r. des<br />

Blancs-Manteaux - 4 e<br />

M° Saint-Paul 01 49 96 64 00<br />

/Galerie E.L Bannwarth<br />

68, r. Julien-Lacroix - 20 e<br />

M° Belleville 01 40 33 60 17<br />

/Galerie Anne Barrault<br />

22, r. Saint-Claude - 3 e<br />

M° St-Sébastien-Froissart 01 44 78 91 67<br />

/Galerie M & T de La Châtre<br />

4, r. Saintonge - 3 e<br />

M° St-Sébastien-Froissart 01 42 71 89 50<br />

/Galerie Philippe Chaume<br />

9, r. de Marseille - 10 e<br />

M° République 01 42 39 12 60<br />

/Galerie Chez Valentin<br />

9, r. Saint-Gilles - 3 e<br />

M° Chemin-Vert 01 48 87 42 55<br />

/Galerie Lucile Corty 2, r. Borda - 3 e<br />

M° Arts-et-Métiers 01 44 78 91 14<br />

/Galerie Crèvecœur<br />

30, r. de Malte - 11 e<br />

M° République 01 43 38 80 17<br />

/Galerie Chantal Crousel<br />

10, r. Charlot - 3 e<br />

M° Filles-du-Calvaire 01 42 77 38 87<br />

/Galerie Magda Danysz<br />

78, r. Amelot - 11 e<br />

M° Filles-du-Calvaire 01 45 83 38 51<br />

/Galerie Patricia Dorfmann<br />

61, r. de la Verrerie - 4 e<br />

M° Hôtel-de-Ville 01 42 77 55 41<br />

/Galerie Les Filles du Calvaire<br />

17, r. des Filles-du-Calvaire - 3 e<br />

M° Filles-du-Calvaire 01 42 74 47 05<br />

/Galerie Paul Frèches<br />

12, r. André-Barzacq - 18 e<br />

M° Abbesses 01 53 90 21 12<br />

/Galerie des Galeries<br />

40, bd Haussmann - 9 e<br />

M° Chaussée-d’Antin 01 42 82 34 56<br />

/Galerie gb agency 20, r. Louise-Weiss<br />

- 13 e M° Bibliothèque 01 53 79 07 13<br />

/Galerie Laurent Godin<br />

5, r. du Grenier-Saint-Lazare - 3 e<br />

M° Rambuteau 01 42 71 10 6<br />

/Galerie Marian Goodman<br />

79, r. du Temple - 3 e<br />

M° Rambuteau 01 48 04 70 52<br />

/Galerie Alain Gutharc<br />

7, r. Saint-Claude - 3 e<br />

M° St-Sébastien-Froissart 01 47 00 32 10<br />

/Galerie Eva Hober<br />

9, r. des Arquebusiers - 3 e<br />

M° St-Sébastien-Froissart 01 48 04 78 68<br />

/Galerie du Jour<br />

44, r. Quincampoix - 4 e<br />

M° Rambuteau 01 54 54 55 90<br />

/Galerie Jousse Entreprise<br />

24/34, r. Louise-Weiss - 13 e<br />

M° Bibliothèque 01 45 83 62 48<br />

/Galerie Yvon Lambert<br />

108, r. Vieille-du-Temple - 3 e<br />

M° Filles-du-Calvaire 01 42 71 09 33<br />

/Galerie Serge Le Borgne<br />

108, r. Vieille-du-Temple - 3 e<br />

M° Filles-du-Calvaire 01 42 74 53 57<br />

/Galerie LHK 6, r. Saint-Claude - 3 e<br />

M° St-Sébastien-Froissart 01 42 74 13 55<br />

/Galerie Loevenbruck<br />

40, r. de Seine - 6 e<br />

M° Saint-Germain 01 53 10 85 68<br />

/Galerie Madé 48, r. de Lancry - 10 e<br />

M° République 01 53 10 14 34<br />

/Galerie Kamel Mennour<br />

47, r. Saint-André-des-Arts - 6 e<br />

M° Saint-Michel 01 56 24 03 63<br />

/Galerie de Multiples<br />

17, r. Saint-Gilles - 3 e<br />

M° Saint-Paul 01 48 87 21 77<br />

/Galerie Nuke<br />

11, r. Sainte-Anastase - 3 e<br />

M° Filles-du-Calvaire 01 42 78 36 99<br />

/Galerie Emmanuel Perrotin<br />

76, r. de Turenne - 3 e<br />

M° Filles-du-Calvaire 01 42 16 79 79<br />

/Galerie Praz-Delavallade<br />

28, r. Louise-Weiss - 13 e<br />

M° Bibliothèque 01 45 86 20 00<br />

/Galerie Vanessa Quang<br />

7, r. des Filles-du-Calvaire - 3 e<br />

M° Filles-du-Calvaire 01 44 54 92 15<br />

/Galerie Almine Rech<br />

19, r. de Saintonge - 3 e<br />

M° Filles-du-Calvaire 01 45 83 71 90<br />

/Galerie Michel Rein<br />

42, r. de Turenne - 3 e<br />

M° Chemin-Vert 01 42 72 68 13<br />

/Galerie Thaddaeus Ropac<br />

7, r. Debelleyme - 3e<br />

M° Filles-du-Calvaire 01 42 72 99 00<br />

/Galerie Claude Samuel<br />

69, av. Daumesnil - 12 e<br />

M° Gare-de-Lyon 01 53 17 01 11<br />

/Galerie Léo Scheer<br />

14-16, r. de Verneuil - 7 e<br />

M° Saint-Germain 01 44 55 01 90<br />

/Galerie Schleicher + Lange<br />

12, r. de Picardie - 3 e<br />

M° République 01 42 77 02<br />

/Galerie Vallois 36, r. de Seine - 6 e<br />

M° Saint-Germain 01 46 34 61 07<br />

/Galerie Vieille du Temple<br />

23, r. Vieille-du-Temple - 3 e<br />

M° Saint-Paul 01 40 29 97 52<br />

/Galerie Anne de Villepoix<br />

43, r. de Montmorency - 3 e<br />

M° Arts-et-Métiers 01 42 78 32 24<br />

/Galerie Xippas<br />

108, r. Vieille-du-Temple - 3 e<br />

M° Filles-du-Calvaire 01 40 27 05 55<br />

/Grand Palais<br />

3, av. du Général Eisenhower - 8 e<br />

M° Champs-Elysées-Clémenceau<br />

01 44 13 17 17<br />

/Hôtel Drouot 9, r. Drouot - 9 e<br />

M° Richelieu-Drouot 01 53 79 37 29<br />

/IFM 36, qu. d’Austerlitz - 13 e<br />

M° Gare-d’Austerlitz 01 70 38 89 89<br />

/Institut finlandais<br />

60, r. des Ecoles - 5 e<br />

M° Saint-Michel 01 40 51 89 09<br />

/Institut culturel mexicain<br />

119, r. Vieille-du-Temple - 3 e<br />

M° Filles-du-Calvaire 01 44 61 84 44<br />

/Institut néerlandais<br />

121, r. de Lille - 7 e<br />

M° Assemblée Nationale 01 53 59 12 40<br />

/Jeu de Paume<br />

62, r. Saint-Antoine - 4 e<br />

M° Saint-Paul 01 47 03 12 50<br />

/Kadist Art Foundation<br />

19 bis, r. des Trois-Frères - 18 e<br />

M° Abbesses 01 42 51 83 49<br />

/Le Laboratoire 4, r. du Bouloi - 1 er<br />

M° Louvre 01 78 09 49 50<br />

/Lafayette Maison<br />

35, bd Haussmann - 9 e<br />

M° Opéra 01 42 82 34 56<br />

/The Lazy Dog 25, r. de Charonne - 11 e<br />

M° Bastille 01 58 30 94 76<br />

/Maison de la culture du Japon<br />

101, q. Branly - 15 e<br />

M° Bir-Hakeim 01 44 37 95 01<br />

/Maison du Danemark<br />

142, av. des Champs-Elysées - 8 e<br />

M° Etoile 01 56 59 17 40<br />

/Maison Rouge<br />

10, bd de La Bastille - 12 e<br />

M° Quai-de-la-Rapée 01 40 01 08 81<br />

/Musée d’Art moderne<br />

11, av. du Président-Wilson - 16 e<br />

M° Iéna 01 53 67 40 00<br />

/Musée d’histoire contemporaine<br />

129, r. de Grenelle - 7 e<br />

M° Invalides 01 44 42 54 91<br />

/MEP 5-7, r. de Fourcy - 4e<br />

M° Pont-Marie 01 44 78 75 00<br />

/Mk2<br />

Quai de Seine 14, q. de la Seine - 19 e<br />

M° Jaurès<br />

/Musée d’art moderne<br />

11, av. du Pdt-Wilson - 16 e<br />

M° Iéna 01 53 67 40 00<br />

/Naço gallery 38, r. de Citeaux - 12 e<br />

M° Faidherbe-Chaligny 01 40 09 17 69<br />

/New Galerie de France<br />

54, r. de la Verrerie - 4 e<br />

M° Hôtel-de-Ville 01 42 74 38 00<br />

/Palais de Tokyo 13, av. du Pdt-Wilson<br />

- 16 e M° Iéna 01 47 23 54 01<br />

/Passage du Désir<br />

85/87, r. du Faubourg-Saint-Martin - 10 e<br />

M° Château-d’eau 01 56 41 36 04<br />

/Passage de Retz 9, r. Charlot - 3 e<br />

M° Filles-du-Calvaire 01 48 04 37 79<br />

/Le Plateau 33, r. des Alouettes - 19 e<br />

M° Jourdain 01 53 19 84 10<br />

/Point éphémère<br />

200, q. de Valmy - 10 e<br />

M° Jaurès 01 40 34 02 48<br />

/Les prairies de Paris<br />

23, r. Debelleyme - 3 e<br />

M° Filles-du-Calvaire 01 48 04 91 16<br />

/Reflet Médicis 3, r. Champollion - 5 e<br />

M° Saint-Michel 01 43 54 42 34<br />

/Spree 16, r. La Vieuville - 18 e<br />

M° Abbesses 01 42 23 41 40<br />

/Surface to air 68, r. Charlot - 3 e<br />

M° République 01 49 27 04 54<br />

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22-26 janvier 2010. salon international du design pour la maison<br />

January 22-26, 2010. international home design exhibition<br />

Paris Nord Villepinte. www.nowdesignavivre.com<br />

Salon réservé aux professionnels. Trade only. Organisation SAFI, filiale des Ateliers d’Art<br />

de France et de Reed Expositions France - SAFI - 4, passage Roux. 75850 Paris Cedex 17. France.<br />

Tel. +33 (0)1 44 29 02 00. Fax. +33 (0)1 44 29 02 01. info@safisalons.fr


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