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MAGAZINE N 51, PAGE 26<br />

Le chapeau masculin<br />

Soumis aux conventions bien plus qu’aux modes, les hommes esclaves du protocole<br />

vestimentaire n’ont cessé de se trahir par leurs chapeaux. Sans doute parce que, sous<br />

leurs casques protecteurs, ils avaient souvent tendance à oublier qu’ils n’étaient que des<br />

hommes. Statut, attitude, croyances, « Si tu veux cacher tes opinions, marche tête nue »,<br />

disait le dicton. le chapeau véhicule des messages sémiotiques que la standardisation de<br />

la tenue masculine a réduit à une poignée de mots…<br />

Bonnet<br />

Jusqu’au xii e siècle, les hommes ne portent presque<br />

jamais de chapeau, excepté ce simple bout de<br />

cuir maintenu sous le menton par des rubans. Les<br />

nobles qui, pendant des générations, avaient proclamé<br />

leur supériorité sur les serfs en gardant leurs<br />

cheveux longs, refusèrent d’adopter ce couvre-chef<br />

sous prétexte qu’il était efféminé – il est vrai qu’il<br />

ressemblait à un bonnet de nourrisson… Mais<br />

au fil des rébellions, le bonnet plus fréquemment<br />

porté sans attache devint le signe distinctif de la<br />

noblesse. Et se mit à coiffer, au xix e siècle, toutes<br />

les classes sociales et toutes les conditions.<br />

Capuchon<br />

Au cours du Moyen-Age, seule la nécessité<br />

de voyager oblige les hommes à se munir d’un<br />

chapeau. Ample et pointu, attaché à une cape<br />

pour recouvrir les épaules, le capuchon devient à<br />

la fin du xii e siècle une entité séparée, avant de<br />

se sophistiquer au début du xiv e siècle : enroulé<br />

autour de la tête comme un turban ou porté<br />

comme un bonnet, on ne le distinguait pratiquement<br />

plus de ses confrères couvre-chefs.<br />

Liripipion<br />

Au fil des décennies, la pointe du capuchon<br />

s’étire comme une pâte à chewing-gum pour finir<br />

par se balancer dans le dos comme la queue<br />

d’un animal, et par toucher terre… au point qu’il<br />

fallut le draper comme un turban pour ne pas<br />

s’empêtrer les pieds. Conscients de son pouvoir<br />

de suggestion, seigneurs et féodés arboraient<br />

ce symbole phallique avec délectation – tout<br />

comme ils chaussaient leurs pieds de poulaines<br />

pointues.<br />

Gorgerette<br />

Plumes et broches ornées de bijoux escaladent le<br />

liripipion, pour faire le paon sur la tête feutrée de<br />

ces riches messieurs.<br />

Chaperon<br />

Fils du capuchon-turban ayant acquis son<br />

indépendance à la fin du xii e siècle, cagoule et<br />

capuche à la fois, il s’agrémente au xiv e siècle<br />

d’une cornette dégoulinante, avant de se faire<br />

coudre en drapé sur des bourrelets et qu’une<br />

gorgerette Renaissance dressée en crête de coq<br />

ne lui grimpe sur le dos. En raison de son unisexualité<br />

et des multiples manières de l’enfiler,<br />

il porte à préjudice. Ainsi, tiré vers l’avant à la<br />

mode « embronché », il cache le visage et offre<br />

des facilités pour les agressions à main armée,<br />

si bien qu’un décret de 1399 le limite aux enterrements.<br />

Toque<br />

Au xvi e siècle, l’innovation est surtout vestimentaire.<br />

Le chapeau accessoire est devenu si banal que<br />

tous les hommes sans distinction se doivent d’en<br />

porter un, sous peine de mépris et d’insignifiance.<br />

Sous Henri III, les fraises tuyautées sont si envahissantes<br />

qu’il faut rétablir l’harmonie de la silhouette<br />

avec de petites toques ornées de plumes.<br />

Pain de sucre<br />

Digne descendant du bonnet, dans la famille des<br />

chapeaux pointus coniques, il est le plus populaire<br />

des xvi e et xvii e siècles. Bien qu’il fût très volatile, il<br />

avait au moins un avantage thermique : il permettait<br />

de se réfrigérer le cerveau en bloquant l’air à<br />

l’intérieur du cône.<br />

Tuyau de poêle<br />

Charles I er d’Angleterre (1625 – 1649) portait<br />

un chapeau dont la haute calotte en forme de<br />

tube ressemblait étrangement à un « tuyau de<br />

poêle ». Il était fait des plus beaux poils de castor<br />

importés du Canada et traités à grands frais<br />

pour donner à la surface du chapeau de chauds<br />

reflets rouges. Victime de la première Révolution<br />

anglaise, le roi à la calotte décapitée refusa<br />

d’ôter son « tuyau » en présence du tribunal et<br />

de la guillotine, anéantissant ainsi la mode des<br />

chapeaux à calotte haute pour plus d’un siècle.<br />

Cavalier<br />

Au début du xvii e siècle, les chapeaux atteignent<br />

de nouveaux sommets d’extravagance. Volumineux<br />

et somptueusement garni de plumes, ce<br />

digne figurant du siècle de Louis XIV entre dans<br />

la légende sur la tête des Trois Mousquetaires.<br />

Pourtant, s’il donnait beaucoup d’allure aux<br />

militaires, il était inconfortable dans la mesure<br />

où ses larges bords en oreille de chien devaient<br />

constamment être retroussés pour ne pas occulter<br />

la vision.<br />

Tricorne<br />

La nécessité de corner le « cavalier », pour plus<br />

de praticité, se fit pressante. On commença par<br />

l’épingler sur le côté droit afin que l’on pût, au<br />

moins, balancer son bras droit correctement. Puis<br />

on releva et épingla les trois côtés pour qu’un<br />

homme au galop ne risquât pas d’être désarçonné<br />

en le maintenant. Porté par les gentilshommes<br />

et les courtisans, bordé généralement<br />

d’une belle frange de plumes d’autruche, il fut<br />

l’un des principaux couvre-chefs survivants du<br />

xviii e siècle face au monopole de la perruque.<br />

Bicorne<br />

La Révolution donna le coup de grâce au tricorne.<br />

Les chapeaux étant devenus superflus, sinon pour<br />

parader, les hommes adoptèrent le bicorne, dit<br />

aussi le « chapeau bras » (car il avait été créé pour<br />

être porté à la main plutôt que sur la tête ; l’élégant<br />

ne pouvant pas prendre le risque de déplacer sa<br />

perruque ou de faire tomber de la poudre sur ses<br />

épaules…). La calotte aplatie, celui-ci n’était pas<br />

très élégant, mais il avait une solennité qui correspondait<br />

parfaitement aux attitudes de l’Homme<br />

Nouveau et aux attentes de Napoléon…<br />

Bonnet phrygien<br />

Emblème de liberté et de démocratie, ce bonnet<br />

mou replié à l’avant comme une corne, existe<br />

déjà depuis belle lurette – on le donnait aux<br />

esclaves grecs et aux romains affranchis – lorsque<br />

les révolutionnaires décident d’en chapeauter<br />

Marianne, allégorie de la République. Si « on<br />

ne peut mener une révolution en haut-de-forme »,<br />

on ne peut non plus diriger un gouvernement en<br />

bonnet phrygien (car le chapeau mou sous-entendait<br />

l’anarchie).<br />

Haut-de-forme<br />

Sujet favori du courrier des lecteurs, cette mode qui<br />

vint du gentilhomme de la campagne – ce dernier<br />

avait rétréci les bords de son chapeau en guise de<br />

casque de protection rudimentaire pour minimiser<br />

les blessures de chute de cheval – eut toujours<br />

ses détracteurs. Sans doute par aversion du siècle<br />

envers ses « gros bonnets » (hommes d’affaires,<br />

banquiers, politiciens…) qui, pour afficher leur<br />

supériorité, s’affublaient de cette tour de prestige<br />

aussi absurde qu’elle était malcommode.<br />

Casquette<br />

Dans l’Angleterre victorienne, le chapeau du chasseur<br />

de cerfs – dont s’inspira Conan Doyle pour coiffer la<br />

tête de son héros Sherlock Holmes – évoquait avant<br />

tout le sportif campagnard, mais il était aussi un<br />

accessoire justicier, pour celui qui consacrait sa vie à<br />

la réflexion ou à la recherche de malfaiteurs…<br />

Melon<br />

En 1850, le chapeau prend le melon. Lassé de<br />

ses chapeaux mous peu résistants aux rigueurs<br />

de la vie, Mister Coke rêvait d’un chapeau aussi<br />

rigide qu’un haut-de-forme, mais pas aussi haut.<br />

La maison Lock & Co lui proposa la solution de<br />

la calotte ronde, qu’il testa en sautant à pieds<br />

joints sur la calotte. Le bowler hat – du nom de<br />

famille du fabricant – se fit le solennel allié de la<br />

classe dirigeante proche de l’ouvrier, représentant<br />

à la manière « melon bosselé » de Charlie Chaplin<br />

la vulnérabilité pathétique d’un homme dont la<br />

dignité (écornée) tient à son chapeau.<br />

Stetson<br />

A la suite de la tournée de Buffalo Bill (1898),<br />

« Le chapeau de la conquête de l’Ouest », créé par<br />

le chapelier américain John B. Stetson, devint un<br />

accessoire vital pour tous les cow-boys du showbusiness.<br />

Miroir de la virilité masculine, vissé sur<br />

la tête de James Dean ou de Ronald Reagan, il<br />

aurait pu être le descendant du tricorne.<br />

Béret<br />

Pendant la Deuxième Guerre mondiale, le béret<br />

basque – couvre-chef français le plus commun<br />

– fut adopté par les maquisards afin de<br />

n’éveiller aucun soupçon… Penché sur la tête<br />

de Che Guevara, il fut pris à son insu pour le<br />

symbole mondial du guérillero révolutionnaire.<br />

Les oubliés du chapeau<br />

La liste est longue, citons en vrac : bitos, bloum,<br />

borsalino, canotier, chéchia, chapska, cumberland,<br />

fédora, galurin, jim crow, homburg, képi,<br />

panama, pilos, pétase, sombrero, suroît, talpack,<br />

trilby, turf, wellington…<br />

Marlène Van de Casteele

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