Magazine n° 76 décembre 2005 - janvier 2006 - Territoire de Belfort

le magazine du Conseil général du Territoire de Belfort
mémoire
Inventaire de l’église St-Joseph à Belfort, le 9 juillet 1906.
accompagnés de commentaires peu
aimables sur les « bigotes » qui ont tenté
en vain de s’y opposer.
Le journal La Croix ne centre sa polémique
que sur le cas des catholiques
omettant volontairement que cette loi
s’adresse à tous les cultes reconnus. En le
lisant on pourrait croire que ce texte n’a
été voté que sur l’instigation des loges
maçonniques pour nuire à l’Église catholique.
La Frontière replace le débat dans
son contexte, évoquant le bon accueil à
la paroisse protestante de Belfort lors de
l’inventaire. Un effort d’information est
fait en publiant le taux des pensions que
continueront à percevoir les ministres
des cultes déjà en retraite.
Les premiers inventaires ne créent pas
d’incidents majeurs jusqu’à la publication,
le 18 février, de l’encyclique papale
« Vehementer nos » rejetant la loi. Son
impact local est rapidement visible : le
21 février le curé de Meroux refuse l’inventaire
avec force, le 26 à Lepuix Gy,
300 à 400 habitants manifestent, le 7
mars MM. Viellard et Maître au nom du
conseil de fabrique, refusent l’inventaire
à Morvillars, le 11 à Rougemont 400 personnes
dont beaucoup d’ouvriers sortent
« spontanément » pour empêcher
l’inventaire. Le refus à Lepuix Gy
entraîne le seul incident du printemps
dans le département car le 6 mars les
autorités décident de passer en force.
M. Schmidt administrateur faisant fonction
de préfet se fait accompagner par
deux commissaires, réquisitionne trois
brigades de gendarmerie, deux escadrons
de dragons, et une section du
génie. Des villageois de Lepuix accourus
au son du tocsin se sont enfermés dans
l’église et ont dressé une barricade de
charrettes devant le parvis. L’administrateur
fait dégager la barricade, puis
enfoncer la porte latérale par le génie
pour qu’enfin l’inventaire puisse avoir
lieu. Les échauffourées, qui ne font pas
de blessé, ont été photographiées. Des
cartes postales, accusatrices contre le
député Schneider, ont été tirées de ces
clichés. Le mouvement de refus se poursuit
jusqu’à la mi-mars mais plus avec de
telles violences. L’administration joue
alors l’apaisement puisque les inventaires
qui n’avaient pas encore eu lieu et
ceux qui n’avaient pu se faire sont différés
à partir du 16 mars. L’espoir des
milieux conservateurs d’utiliser le
mécontentement des catholiques est
cependant déçu puisque leur candidat à
la députation, le Général Zurlinden, est
battu par le radical C. Schneider.
La reprise des hostilités a lieu au retour
des vacances scolaires d’octobre 1906 ;
en effet juste avant les vacances une circulaire
préfectorale a enjoint aux instituteurs
et aux institutrices du département
de faire ôter les emblèmes
religieux des salles de classe où ils
étaient présents. C’est donc par surprise
que certains parents et des maires
découvrent les faits à la rentrée.
En signe de protestation et pour ne
pas cautionner un geste qu’ils jugent
contraire à leur conscience, M. Louis
Viellard à Morvillars, M. Zeller à
Etueffont-Bas, M. de Fontaine à
Froidefontaine, M. Alfred Viellard à
Grandvillars démissionnent de leur
mandat de maire, à Courtelevant c’est
le conseil municipal en entier qui
démissionne.
À Méziré, le maire M. Maitre, fait sceller
le crucifix sur le mur de la salle de classe.
L’administrateur ne peut laisser passer
de tels actes défiant la loi de la
République : il révoque M. Maître tout
comme les maires et les premiers
adjoints de Grosne et de Buc. À Chaux,
lors de la séance du 21 octobre le conseil
municipal ayant décidé d’aller remettre
les crucifix dans l’école, l’administrateur
annule la délibération le 3 novembre. Le
maire M. Didier est suspendu pour un
mois puis il est révoqué de ses fonctions.
Les 20 et 21 novembre 1906 les
derniers inventaires non encore réalisés
à Morvillars, Froidefontaine, Rougemont
et Grosmagny se font sans incident
en présence de l’administrateur
assisté par précaution de deux escadrons
de dragons. J.C. Tamborini
Contact
3 Archives départementales
Jean-Christophe Tamborini
Adjoint au directeur des Archives
départementales
4 rue de l’ancien théâtre - 90000 Belfort
Tél. 03 84 90 92 00
Pour en savoir plus…
3 Jacqueline Lalouette, la séparation
des églises et de l’État, Seuil, 2005
3 Jean-Paul Scot, l’État chez lui, l’Église chez
elle, comprendre la loi de 1905, point seuil,
2005
3 Philippe Dattler, L’affaire de Lepuix,
La Vosges n°18, décembre 1996
vivre le Territoire - décembre/janvier 2006 - n o 76
29