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Remise en liberté de Guy Turcotte

Jugement de la Cour Supérieure du Québec détaillant les motivations du juge sur la remise en liberté de Guy Turcotte en attendant son prochain procès

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<strong>Turcotte</strong> c. R. 2014 QCCS 4285<br />

COUR SUPÉRIEURE<br />

CANADA<br />

PROVINCE DE QUÉBEC<br />

DISTRICT DE ST-JÉRÔME<br />

N° : 700-01-083996-093<br />

DATE : 12 septembre 2014<br />

______________________________________________________________________<br />

SOUS LA PRÉSIDENCE DE : L’HONORABLE ANDRÉ VINCENT, J.C.S.<br />

______________________________________________________________________<br />

GUY TURCOTTE<br />

c.<br />

Requérant-accusé<br />

SA MAJESTÉ LA REINE<br />

Intimée-poursuivante<br />

______________________________________________________________________<br />

JUGEMENT<br />

______________________________________________________________________<br />

[1] Monsieur <strong>Turcotte</strong> doit, <strong>de</strong> nouveau, répondre à <strong>de</strong>ux accusations <strong>de</strong> meurtre au<br />

premier <strong>de</strong>gré, suite à la décision <strong>de</strong> la Cour d’appel d’ordonner la t<strong>en</strong>ue d’un nouveau<br />

procès.<br />

[2] Au terme d’un premier procès fort médiatisé, il avait été déclaré non<br />

criminellem<strong>en</strong>t responsable pour cause <strong>de</strong> troubles m<strong>en</strong>taux <strong>de</strong> ces mêmes<br />

accusations.<br />

JV00B9


700-01-083996-093 PAGE : 2<br />

[3] Les évènem<strong>en</strong>ts remont<strong>en</strong>t au mois <strong>de</strong> février 2009. Le premier procès se<br />

termine <strong>en</strong> juillet 2011. Aucune <strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>de</strong> mise <strong>en</strong> <strong>liberté</strong> n’avait, à l’époque, été<br />

prés<strong>en</strong>tée et suite au verdict prononcé, Monsieur <strong>Turcotte</strong> a été confié à l’administration<br />

<strong>de</strong> la commission d’exam<strong>en</strong>.<br />

[4] Il <strong>de</strong>meure dét<strong>en</strong>u au c<strong>en</strong>tre hospitalier Philippe Pinel jusqu’<strong>en</strong> décembre 2012<br />

avant d’être réincarcéré <strong>en</strong> novembre 2013, suite à la décision <strong>de</strong> la Cour d’appel<br />

d’ordonner un nouveau procès. Ce qui fait dire à son procureur que le requérant « a été<br />

privé <strong>de</strong> sa <strong>liberté</strong> <strong>de</strong>puis au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong> 57 mois ».<br />

[5] Il s’agit d’une première <strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>de</strong> remise <strong>en</strong> <strong>liberté</strong> provisoire adressée au<br />

Tribunal selon les dispositions <strong>de</strong> l’article 522 du Co<strong>de</strong> criminel.<br />

LE CONTEXTE<br />

[6] Les faits qui ont m<strong>en</strong>é aux accusations ainsi que la preuve <strong>en</strong>t<strong>en</strong>due au premier<br />

procès sont amplem<strong>en</strong>t énoncés par la juge Duval Hesler aux paragraphes 5 à 51 <strong>de</strong> la<br />

décision <strong>de</strong> la Cour d’appel 1.<br />

[7] Il est inutile <strong>en</strong> conséqu<strong>en</strong>ce <strong>de</strong> les repr<strong>en</strong>dre, sinon pour indiquer que les<br />

accusations vis<strong>en</strong>t les <strong>de</strong>ux <strong>en</strong>fants du requérant qui ont trouvé la mort <strong>de</strong> façon atroce<br />

et brutale dans leur sommeil.<br />

LES PROCÉDURES<br />

[8] Le requérant est arrêté le 26 février 2009 à son domicile <strong>de</strong> Piedmont. Quelques<br />

minutes auparavant, les policiers avai<strong>en</strong>t découvert les corps <strong>de</strong> ses <strong>de</strong>ux jeunes<br />

<strong>en</strong>fants (âgés <strong>de</strong> trois (3) et cinq (5) ans) affreusem<strong>en</strong>t mutilés par <strong>de</strong> nombreux coups<br />

<strong>de</strong> couteau et comportant plusieurs plaies <strong>de</strong> déf<strong>en</strong>se.<br />

[9] Peu après son arrestation, il est transféré à l’Institut Philippe Pinel pour y subir<br />

<strong>de</strong>s exam<strong>en</strong>s psychiatriques. Le dossier produit lors <strong>de</strong> la prés<strong>en</strong>te requête pour mise<br />

<strong>en</strong> <strong>liberté</strong> n’indique pas la durée <strong>de</strong> son séjour dans cette institution.<br />

[10] Toujours est-il qu’il est <strong>de</strong>meuré dét<strong>en</strong>u puisqu’aucune <strong>de</strong>man<strong>de</strong> pour remise <strong>en</strong><br />

<strong>liberté</strong> n’a été adressée p<strong>en</strong>dant les procédures.<br />

[11] Son procès débute le 12 avril 2011 et le jury prononce, le 5 juillet 2011, un verdict<br />

<strong>de</strong> non-responsabilité criminelle pour cause <strong>de</strong> troubles m<strong>en</strong>taux.<br />

[12] Conformém<strong>en</strong>t à la partie XX.1 du Co<strong>de</strong> criminel, le requérant est, à partir <strong>de</strong> ce<br />

mom<strong>en</strong>t, sous la juridiction <strong>de</strong> la commission d’exam<strong>en</strong> qui a pour mandat d’évaluer sa<br />

condition m<strong>en</strong>tale et le risque qu’il peut constituer pour la société. Elle a égalem<strong>en</strong>t la<br />

juridiction pour octroyer ou non une libération avec ou sans condition.<br />

1 2013 QCCA 1916


700-01-083996-093 PAGE : 3<br />

[13] La commission d’exam<strong>en</strong> r<strong>en</strong>d une première décision le 4 juin 2012, ordonnant<br />

qu’il <strong>de</strong>meure dét<strong>en</strong>u à l’Institut Philippe Pinel considérant le risque <strong>de</strong> rechute qui<br />

pourrait <strong>en</strong>traîner une désorganisation <strong>de</strong> son état m<strong>en</strong>tal et qu’il pourrait représ<strong>en</strong>ter<br />

un risque important pour la société.<br />

[14] Le 12 décembre 2012, la commission d’exam<strong>en</strong> réévalue l’état du requérant et<br />

conclut que la sécurité du public ne comman<strong>de</strong> plus qu’il soit gardé dans un<br />

établissem<strong>en</strong>t hospitalier. Elle permet <strong>en</strong> conséqu<strong>en</strong>ce, qu’il ne soit plus dét<strong>en</strong>u et qu’il<br />

puisse continuer à recevoir les soins que son état nécessite <strong>en</strong> externe sous certaines<br />

conditions.<br />

[15] Le 13 novembre 2013, la Cour d’appel r<strong>en</strong>d sa décision ordonnant la t<strong>en</strong>ue d’un<br />

nouveau procès sur les accusations <strong>de</strong> meurtre au premier <strong>de</strong>gré.<br />

[16] Selon la preuve, le requérant se constitue prisonnier le jour même, dès qu’il pr<strong>en</strong>d<br />

connaissance <strong>de</strong> l’ordonnance <strong>de</strong> nouveau procès. Il est dét<strong>en</strong>u <strong>de</strong>puis.<br />

[17] À la mi-août 2014, les procureurs du requérant dépos<strong>en</strong>t la prés<strong>en</strong>te requête afin<br />

d’obt<strong>en</strong>ir sa remise <strong>en</strong> <strong>liberté</strong>. L’audition <strong>de</strong> la requête se déroule les 3 et 4 septembre<br />

<strong>de</strong>rniers.<br />

LA PREUVE PRÉSENTÉE LORS DE L’ENQUÊTE SUR REMISE EN LIBERTÉ<br />

[18] La psychiatre, R<strong>en</strong>ée Roy, rattachée à l’Institut Philippe Pinel, témoigne. Elle<br />

assure le suivi psychiatrique du requérant <strong>de</strong>puis janvier 2013. D’abord <strong>en</strong> externe suite<br />

à la décision <strong>de</strong> la commission d’exam<strong>en</strong> <strong>de</strong> le libérer avec conditions, puis à l’interne<br />

lors <strong>de</strong> sa réincarcération découlant <strong>de</strong> la décision d’ordonnance <strong>de</strong> nouveau procès <strong>de</strong><br />

la Cour d’appel.<br />

[19] Elle explique que <strong>de</strong> janvier à octobre, Monsieur <strong>Turcotte</strong> n’a prés<strong>en</strong>té aucun<br />

symptôme suggérant une décomp<strong>en</strong>sation aigüe sur le plan psychiatrique. À la fin du<br />

mois d’octobre 2013, elle note chez ce <strong>de</strong>rnier un changem<strong>en</strong>t am<strong>en</strong>ant un état<br />

dépressif découlant <strong>de</strong> l’anxiété <strong>de</strong>vant l’immin<strong>en</strong>ce <strong>de</strong> la décision <strong>de</strong> la Cour d’appel<br />

qui pourrait ordonner la t<strong>en</strong>ue d’un nouveau procès. Son diagnostic <strong>en</strong> est un <strong>de</strong> trouble<br />

d’adaptation avec humeur anxio-dépressive. Un antidépresseur est alors prescrit.<br />

[20] Le 20 novembre 2013, elle se r<strong>en</strong>d au c<strong>en</strong>tre <strong>de</strong> dét<strong>en</strong>tion Rivière <strong>de</strong>s Prairies où<br />

se trouve alors le requérant, pour procé<strong>de</strong>r à une nouvelle évaluation. Elle constate une<br />

détérioration telle <strong>de</strong> son état, qu’elle <strong>de</strong>man<strong>de</strong> son transfert le jour même à l’Institut<br />

Philippe Pinel. De concert avec le docteur Rochette, psychiatre traitant <strong>de</strong> l’Institut<br />

Philippe Pinel, un traitem<strong>en</strong>t pharmacologique est <strong>en</strong>trepris puisque, selon l’opinion <strong>de</strong>s<br />

psychiatres, le diagnostic ret<strong>en</strong>u est alors un épiso<strong>de</strong> dépressif majeur avec <strong>de</strong>s<br />

symptômes psychotiques.


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[21] Le cocktail <strong>de</strong> médicam<strong>en</strong>ts administré pour stabiliser l’état <strong>de</strong> santé du requérant<br />

est impressionnant, tel que décrit à la page 3 <strong>de</strong> son rapport 2<br />

[22] Au cours du mois <strong>de</strong> mai 2014, son état s’améliore et ne justifie plus une<br />

hospitalisation. Il est retourné au c<strong>en</strong>tre <strong>de</strong> dét<strong>en</strong>tion Rivière <strong>de</strong>s Prairies. Il est toujours<br />

sous médication, il reçoit la dose maximale d’antidépresseur.<br />

[23] Lors <strong>de</strong> sa <strong>de</strong>rnière évaluation le 22 août 2014, la psychiatre constate que : « son<br />

contact avec la réalité est préservé. Son humeur est mobilisable, <strong>en</strong> li<strong>en</strong> avec le<br />

cont<strong>en</strong>u <strong>de</strong> son discours. Il ne prés<strong>en</strong>te plus le ral<strong>en</strong>tissem<strong>en</strong>t psychomoteur que je<br />

notais il y a quelques mois. Il ne prés<strong>en</strong>te pas d’idées suicidaires. Il n’a pas non plus<br />

d’idées <strong>de</strong> viol<strong>en</strong>ce. Son jugem<strong>en</strong>t et son autocritique sont adéquats. »<br />

[24] Elle estime que même s’il est remis <strong>en</strong> <strong>liberté</strong>, son état <strong>de</strong> santé nécessite un<br />

étroit suivi qui peut se poursuivre <strong>en</strong> services externes <strong>de</strong> l’Institut Philippe Pinel <strong>de</strong><br />

Montréal. Elle pourra assurer le même suivi au service <strong>de</strong> santé <strong>de</strong> l’Établissem<strong>en</strong>t <strong>de</strong><br />

dét<strong>en</strong>tion Rivière <strong>de</strong>s Prairies, où il se trouve actuellem<strong>en</strong>t, si la remise <strong>en</strong> <strong>liberté</strong> lui est<br />

refusée.<br />

[25] La psychologue Tiziana Costi témoigne avoir comm<strong>en</strong>cé <strong>de</strong>s séances <strong>de</strong><br />

psychothérapie avec le requérant lors <strong>de</strong> son hospitalisation à l’Institut Philippe Pinel.<br />

Elle poursuit les séances <strong>de</strong> thérapie lorsqu’il obti<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s sorties supervisées puis non<br />

supervisées. Elle confirme les propos t<strong>en</strong>us par la psychiatre Roy relativem<strong>en</strong>t à la<br />

dégradation <strong>de</strong> son état <strong>en</strong> automne 2013.<br />

[26] Monsieur <strong>Turcotte</strong> est toujours sous les soins psychothérapeutiques <strong>de</strong> la<br />

psychologue qui doiv<strong>en</strong>t, selon elle, se poursuivre.<br />

[27] Le psychiatre, Louis Morisette, a procédé à une évaluation du risque que pourrait<br />

causer à la société Monsieur <strong>Turcotte</strong>, s’il est remis <strong>en</strong> <strong>liberté</strong>. Pour ce faire, il utilise<br />

divers outils d’évaluations actuariels acceptés par la communauté sci<strong>en</strong>tifique qui ont<br />

démontré leur fiabilité. Il est à noter que ces outils ne peuv<strong>en</strong>t être analysés qu’avec les<br />

observations et interprétations cliniques que fait le témoin.<br />

[28] La conclusion du docteur Morisette est, qu’il est : « à très faible risque <strong>de</strong> viol<strong>en</strong>ce<br />

physique ou verbale contre toute personne <strong>de</strong> la communauté, incluant son exconjointe<br />

<strong>de</strong> qui il est divorcé <strong>de</strong>puis le printemps 2011. »<br />

[29] Il ajoute <strong>en</strong> produisant son rapport 3 : « actuellem<strong>en</strong>t, monsieur est <strong>en</strong> rémission<br />

d’un épiso<strong>de</strong> dépressif majeur avec élém<strong>en</strong>ts psychotiques qui a débuté à la fin <strong>de</strong><br />

l’année 2013 et qu’il a bi<strong>en</strong> répondu à la médication psychotrope et aux interv<strong>en</strong>tions<br />

psychothérapeutiques. »<br />

2 Pièce R-1<br />

3<br />

Pièce R-4


700-01-083996-093 PAGE : 5<br />

[30] Monsieur Maher, responsable d’un organisme d’<strong>en</strong>trai<strong>de</strong>, témoigne qu’avec<br />

l’accord <strong>de</strong> la fabrique paroissiale, le requérant a été embauché comme bénévole lors<br />

<strong>de</strong> sa libération conditionnelle par la commission d’exam<strong>en</strong>. Il estime que les<br />

prestations <strong>de</strong> travail ainsi que les responsabilités qui lui ont été confiées se sont<br />

déroulées à la satisfaction <strong>de</strong> l’organisme et que son assiduité a été constante.<br />

[31] Le frère du requérant, Gilles, se porte caution afin <strong>de</strong> garantir le respect <strong>de</strong>s<br />

conditions adv<strong>en</strong>ant sa remise <strong>en</strong> <strong>liberté</strong> par le Tribunal. Il est prêt à s’<strong>en</strong>gager <strong>en</strong><br />

offrant une hypothèque légale sur la propriété qu’il possè<strong>de</strong> avec sa conjointe pour un<br />

montant <strong>de</strong> c<strong>en</strong>t mille (100.000 $).<br />

[32] L’oncle du requérant se dit d’accord pour l’héberger. Dans son affidavit 4 , il<br />

explique qu’il a habité chez lui durant sa <strong>liberté</strong> conditionnelle accordée par la<br />

commission d’exam<strong>en</strong>. Monsieur <strong>Turcotte</strong> a été un aidant naturel pour lui et son<br />

épouse.<br />

[33] Enfin, le requérant s’est fait <strong>en</strong>t<strong>en</strong>dre. Dans une réponse malhabile, <strong>en</strong> début <strong>de</strong><br />

témoignage, il dit qu’il estime être « <strong>en</strong> droit <strong>de</strong> <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r sa <strong>liberté</strong> » et qu’il sera plus<br />

utile <strong>en</strong> agissant comme aidant naturel plutôt que <strong>de</strong> « perdre mon temps <strong>en</strong> prison. »<br />

[34] Ce comm<strong>en</strong>taire qui a été relevé, avec raison, par le contre-interrogatoire du<br />

ministère public, mérite une remarque du Tribunal. L’exercice judiciaire <strong>de</strong> la remise ou<br />

non <strong>en</strong> <strong>liberté</strong> d’un dét<strong>en</strong>u ne peut pr<strong>en</strong>dre uniquem<strong>en</strong>t <strong>en</strong> considération l’impact que<br />

cela pourrait avoir pour toute personne qui se voit refuser sa remise <strong>en</strong> <strong>liberté</strong>. Il est<br />

évid<strong>en</strong>t que quiconque se voit légalem<strong>en</strong>t privé <strong>de</strong> sa <strong>liberté</strong> <strong>en</strong> subit les inconvéni<strong>en</strong>ts.<br />

[35] S’il est remis <strong>en</strong> <strong>liberté</strong>, il s’<strong>en</strong>gage à <strong>de</strong>v<strong>en</strong>ir aidant naturel et à faire du<br />

bénévolat. Il promet <strong>de</strong> respecter toutes les conditions que le Tribunal pourrait lui<br />

imposer. Il n’a aucun antécéd<strong>en</strong>t judiciaire et s’est <strong>de</strong> lui-même constitué prisonnier à<br />

l’annonce <strong>de</strong> la décision <strong>de</strong> la Cour d’appel.<br />

[36] Avant son incarcération dans la prés<strong>en</strong>te affaire, il était mé<strong>de</strong>cin spécialiste et<br />

pratiquait dans la région <strong>de</strong> St-Jérôme. Bi<strong>en</strong> qu’il profitait alors d’une excell<strong>en</strong>te<br />

rémunération, il vivait mo<strong>de</strong>stem<strong>en</strong>t et <strong>de</strong>vait rembourser ses emprunts pour étu<strong>de</strong>s.<br />

Aujourd’hui, sans le sou, il bénéficie <strong>de</strong>s prestations d’ai<strong>de</strong> sociale <strong>de</strong> l’État.<br />

[37] La couronne n’a fait <strong>en</strong>t<strong>en</strong>dre aucun témoin.<br />

POSITION DES PARTIES<br />

[38] Le requérant, par la voix <strong>de</strong> son procureur, estime avoir démontré que, malgré les<br />

circonstances horribles <strong>de</strong>s crimes reprochés, il peut être remis <strong>en</strong> <strong>liberté</strong> et qu’il<br />

respectera les conditions que pourrait imposer le Tribunal.<br />

4<br />

Pièce R-3 A


700-01-083996-093 PAGE : 6<br />

[39] Il souligne l’importance <strong>de</strong> la présomption d’innoc<strong>en</strong>ce qui accompagne toujours<br />

le requérant ainsi que le droit constitutionnel consacré à l’article 11 e) <strong>de</strong> la Charte<br />

canadi<strong>en</strong>ne <strong>de</strong>s droits et <strong>liberté</strong> à ne pas être privé, sans juste cause, d’une mise <strong>en</strong><br />

<strong>liberté</strong> assortie d’un cautionnem<strong>en</strong>t raisonnable.<br />

[40] Il plai<strong>de</strong> que la preuve démontre qu’il n’y a aucun danger que l’accusé ne se<br />

prés<strong>en</strong>te pas à son procès non plus que sa dét<strong>en</strong>tion est nécessaire pour la protection<br />

ou la sécurité du public.<br />

[41] Relativem<strong>en</strong>t au troisième critère <strong>de</strong> l’article 515 paragraphe 10, la confiance du<br />

public <strong>en</strong>vers l’administration <strong>de</strong> la justice, il souligne qu’un public bi<strong>en</strong> informé, au fait<br />

<strong>de</strong>s circonstances et du contexte <strong>de</strong> l’affaire ainsi que <strong>de</strong>s principes <strong>de</strong> droit, ne serait<br />

pas choqué par une décision <strong>de</strong> remise <strong>en</strong> <strong>liberté</strong>. Il ajoute qu’un jury a déjà évalué la<br />

preuve prés<strong>en</strong>tée et que leur verdict indique que le moy<strong>en</strong> <strong>de</strong> déf<strong>en</strong>se basé sur les<br />

troubles m<strong>en</strong>taux n’est pas futile et permet d’attaquer sérieusem<strong>en</strong>t les accusations<br />

portées (meurtre au premier <strong>de</strong>gré) et conclure à un verdict moindre et inclus si le<br />

moy<strong>en</strong> <strong>de</strong> déf<strong>en</strong>se n’est pas ret<strong>en</strong>u.<br />

[42] Le ministère public pour sa part, estime que le far<strong>de</strong>au qui apparti<strong>en</strong>t au<br />

requérant n’a pas été rempli.<br />

[43] Sur le premier motif <strong>de</strong> l’article 515 paragraphe 10, il craint que le requérant ne se<br />

prés<strong>en</strong>te pas à son procès soit à cause <strong>de</strong> la gravité <strong>de</strong>s accusations portées et qu’il ne<br />

s’esquive soit parce que son état psychologique est tel qu’il constitue un risque contre<br />

lui-même <strong>en</strong> se suicidant.<br />

[44] Sur le <strong>de</strong>uxième motif, il souligne la décision du comité d’exam<strong>en</strong> qui, dans ses<br />

décisions <strong>de</strong> juin et décembre 2012, concluait que le requérant constituait, <strong>en</strong> raison <strong>de</strong><br />

son état m<strong>en</strong>tal, un risque important pour la sécurité du public.<br />

[45] Enfin, sur le troisième motif, il estime que la mise <strong>en</strong> <strong>liberté</strong> du requérant serait <strong>de</strong><br />

nature à miner la confiance du public dans l’administration <strong>de</strong> la justice. Les<br />

circonstances horribles et inexplicables <strong>de</strong>s meurtres <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux très jeunes <strong>en</strong>fants ont<br />

conduit à la réprobation sociale comme <strong>en</strong> fait foi l’impact <strong>de</strong>s médias dans le<br />

traitem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> cette affaire.<br />

[46] Il ajoute que le requérant admet toujours être l’auteur <strong>de</strong>s actes reprochés et ne<br />

peut espérer un verdict d’acquittem<strong>en</strong>t, tout au plus un verdict <strong>de</strong> non-responsabilité<br />

criminelle.<br />

[47] Une nombreuse jurisprud<strong>en</strong>ce a été déposée et discutée par les parties au cours<br />

<strong>de</strong>s plaidoiries. Le Tribunal ti<strong>en</strong>t à les remercier <strong>de</strong> lui avoir transmis, avant la t<strong>en</strong>ue <strong>de</strong><br />

l’audi<strong>en</strong>ce, les nombreuses décisions <strong>de</strong>s tribunaux <strong>de</strong> toutes juridictions.


700-01-083996-093 PAGE : 7<br />

ANALYSE<br />

[48] De toutes les valeurs d’une société libre et démocratique, la <strong>liberté</strong> et la vie<br />

vi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t probablem<strong>en</strong>t au premier rang. La privation <strong>de</strong> la <strong>liberté</strong> d’un citoy<strong>en</strong> ne peut<br />

être justifiée que par une règle <strong>de</strong> droit.<br />

[49] L’article 11 e) <strong>de</strong> la Charte canadi<strong>en</strong>ne <strong>de</strong>s droits et <strong>liberté</strong>s indique :<br />

11. Tout inculpé a le droit :<br />

e) <strong>de</strong> ne pas être privé sans juste cause d’une mise <strong>en</strong> <strong>liberté</strong> assortie<br />

d’un cautionnem<strong>en</strong>t raisonnable;<br />

[50] Ce droit est décrit <strong>en</strong> ces termes dans l’arrêt Hall 5 par la juge <strong>en</strong> chef McLauchlin<br />

« Le droit conféré est « un droit fondam<strong>en</strong>tal à une mise <strong>en</strong> <strong>liberté</strong> assortie d’un<br />

cautionnem<strong>en</strong>t raisonnable sauf s’il existe une juste cause justifiant le refus <strong>de</strong><br />

l’accor<strong>de</strong>r »: Pearson, précité, p. 691. Ce droit repose sur la présomption qu’un<br />

accusé est innoc<strong>en</strong>t jusqu’à ce que la preuve du contraire soit faite au procès.<br />

Toutefois, l’al. 11e) reconnaît aussi qu’il peut exister, malgré la présomption<br />

d’innoc<strong>en</strong>ce, une « juste cause » qui justifie le refus <strong>de</strong> mettre <strong>en</strong> <strong>liberté</strong> un<br />

accusé <strong>en</strong> att<strong>en</strong>te <strong>de</strong> procès. »<br />

[51] Toujours dans la décision <strong>de</strong> la Cour suprême, dans l'affaire Hall, le juge<br />

Iacobucci, même s'il écrit pour les juges dissid<strong>en</strong>ts, exprime les comm<strong>en</strong>taires suivants<br />

relativem<strong>en</strong>t à l'importance <strong>de</strong> la <strong>liberté</strong> dans notre société ;<br />

« La <strong>liberté</strong> du citoy<strong>en</strong> est au cœur d’une société libre et démocratique. La<br />

<strong>liberté</strong> perdue est perdue à jamais et le préjudice qui résulte <strong>de</strong> cette perte ne<br />

peut jamais être <strong>en</strong>tièrem<strong>en</strong>t réparé. Par conséqu<strong>en</strong>t, dès qu’il existe un risque<br />

<strong>de</strong> perte <strong>de</strong> <strong>liberté</strong>, ne serait-ce que pour une seule journée, il nous incombe, <strong>en</strong><br />

tant que membres d’une société libre et démocratique, <strong>de</strong> tout faire pour que<br />

notre système <strong>de</strong> justice réduise au minimum le risque <strong>de</strong> privation injustifiée <strong>de</strong><br />

<strong>liberté</strong>.<br />

En droit criminel, cette <strong>liberté</strong> fondam<strong>en</strong>tale se traduit <strong>de</strong> manière générale par le<br />

droit d’être présumé innoc<strong>en</strong>t jusqu’à preuve du contraire et, plus précisém<strong>en</strong>t,<br />

par le droit à la mise <strong>en</strong> <strong>liberté</strong> sous caution. Le refus d’accor<strong>de</strong>r la mise <strong>en</strong><br />

<strong>liberté</strong> sous caution à une personne simplem<strong>en</strong>t accusée d’une infraction<br />

criminelle porte nécessairem<strong>en</strong>t atteinte à la présomption d’innoc<strong>en</strong>ce. Tel est le<br />

contexte du prés<strong>en</strong>t pourvoi, contexte où le « fil d’or » qui illumine la trame <strong>de</strong><br />

notre droit criminel risque d’être rompu. C’est dans ce contexte qu’il faut<br />

examiner les dispositions autorisant la dét<strong>en</strong>tion avant le procès.<br />

5 [2012] 3 R.C.S. 309, par. 13


700-01-083996-093 PAGE : 8<br />

L’alinéa 11e) <strong>de</strong> la Charte canadi<strong>en</strong>ne <strong>de</strong>s droits et <strong>liberté</strong>s incite<br />

particulièrem<strong>en</strong>t les tribunaux, <strong>en</strong> leur qualité <strong>de</strong> gardi<strong>en</strong>s <strong>de</strong> la <strong>liberté</strong>, à veiller à<br />

ce que la mise <strong>en</strong> <strong>liberté</strong> avant le procès soit la règle et non l’exception et à<br />

n’ordonner la dét<strong>en</strong>tion avant le procès que dans le cas où un intérêt sociétal<br />

urg<strong>en</strong>t dont l’exist<strong>en</strong>ce peut se démontrer justifie la suppression <strong>de</strong>s droits et<br />

<strong>liberté</strong>s fondam<strong>en</strong>taux <strong>de</strong> l’accusé.<br />

L’obligation <strong>de</strong> protéger les droits individuels est au cœur du rôle du pouvoir<br />

judiciaire, lequel rôle revêt une importance <strong>en</strong>core plus gran<strong>de</strong> <strong>en</strong> droit criminel<br />

où les ressources considérables <strong>de</strong> l’État et, très souv<strong>en</strong>t, le poids <strong>de</strong> l’opinion<br />

publique jou<strong>en</strong>t contre l’accusé. Les tribunaux ne doiv<strong>en</strong>t donc pas pr<strong>en</strong>dre à la<br />

légère leur responsabilité constitutionnelle d’examiner att<strong>en</strong>tivem<strong>en</strong>t la manière<br />

dont le législateur a autorisé la dét<strong>en</strong>tion <strong>de</strong> l’accusé <strong>en</strong> l’abs<strong>en</strong>ce d’une<br />

déclaration <strong>de</strong> culpabilité.<br />

[52] Les causes qui permett<strong>en</strong>t à un tribunal compét<strong>en</strong>t <strong>de</strong> refuser la mise <strong>en</strong> <strong>liberté</strong><br />

d’un dét<strong>en</strong>u <strong>en</strong> att<strong>en</strong>te <strong>de</strong> son procès, se trouv<strong>en</strong>t à l’article 515 du Co<strong>de</strong> criminel qui<br />

édicte à son paragraphe 10 :<br />

(10) Pour l’application du prés<strong>en</strong>t article, la dét<strong>en</strong>tion d’un prév<strong>en</strong>u sous gar<strong>de</strong><br />

n’est justifiée que dans l’un <strong>de</strong>s cas suivants :<br />

a) sa dét<strong>en</strong>tion est nécessaire pour assurer sa prés<strong>en</strong>ce au tribunal afin<br />

qu’il soit traité selon la loi;<br />

b) sa dét<strong>en</strong>tion est nécessaire pour la protection ou la sécurité du public,<br />

notamm<strong>en</strong>t celle <strong>de</strong>s victimes et <strong>de</strong>s témoins <strong>de</strong> l’infraction ou celle <strong>de</strong>s<br />

personnes âgées <strong>de</strong> moins <strong>de</strong> dix-huit ans, eu égard aux circonstances,<br />

y compris toute probabilité marquée que le prév<strong>en</strong>u, s’il est mis <strong>en</strong><br />

<strong>liberté</strong>, commettra une infraction criminelle ou nuira à l’administration <strong>de</strong><br />

la justice;<br />

c) sa dét<strong>en</strong>tion est nécessaire pour ne pas miner la confiance du public<br />

<strong>en</strong>vers l’administration <strong>de</strong> la justice, compte t<strong>en</strong>u <strong>de</strong> toutes les<br />

circonstances, notamm<strong>en</strong>t les suivantes :<br />

(i) le fait que l’accusation paraît fondée,<br />

(ii) la gravité <strong>de</strong> l’infraction,<br />

(iii) les circonstances <strong>en</strong>tourant sa perpétration, y compris l’usage<br />

d’une arme à feu,<br />

(iv) le fait que le prév<strong>en</strong>u <strong>en</strong>court, <strong>en</strong> cas <strong>de</strong> condamnation, une<br />

longue peine d’emprisonnem<strong>en</strong>t ou, s’agissant d’une infraction<br />

mettant <strong>en</strong> jeu une arme à feu, une peine minimale<br />

d’emprisonnem<strong>en</strong>t d’au moins trois ans


700-01-083996-093 PAGE : 9<br />

[53] L’article 522 du Co<strong>de</strong> criminel indique que le far<strong>de</strong>au apparti<strong>en</strong>t au requérant,<br />

compte t<strong>en</strong>u <strong>de</strong> la nature <strong>de</strong> l’infraction, <strong>de</strong> démontrer que sa dét<strong>en</strong>tion sous gar<strong>de</strong> au<br />

s<strong>en</strong>s du paragraphe 515 (10) n’est pas justifiée.<br />

[54] Les <strong>de</strong>ux premiers motifs permettant <strong>de</strong> refuser la remise <strong>en</strong> <strong>liberté</strong> du prév<strong>en</strong>u<br />

ne me sembl<strong>en</strong>t pas poser <strong>de</strong> difficultés malgré les inquiétu<strong>de</strong>s du ministère public.<br />

[55] Relativem<strong>en</strong>t au premier motif, ri<strong>en</strong> n’indique que le requérant ne se prés<strong>en</strong>tera<br />

pas afin <strong>de</strong> subir son procès. Il s’est constitué prisonnier le jour même après avoir<br />

appris la décision <strong>de</strong> la Cour d’appel d’ordonner un nouveau procès pour le meurtre <strong>de</strong><br />

ses <strong>de</strong>ux <strong>en</strong>fants. Alors qu’il était sous surveillance <strong>de</strong> la commission d’exam<strong>en</strong> et<br />

bénéficiait d’une libération avec conditions, la preuve ne démontre pas un quelconque<br />

manquem<strong>en</strong>t ou omission aux conditions imposées.<br />

[56] Le Tribunal ne peut non plus accepter la position <strong>de</strong> la poursuite à l’effet qu’il y a<br />

risque qu’il ne se prés<strong>en</strong>te pas à son procès, car il risquerait <strong>de</strong> mettre fin à ses jours.<br />

La preuve prés<strong>en</strong>tée à l’audi<strong>en</strong>ce est à l’effet contraire; selon les experts <strong>en</strong>t<strong>en</strong>dus, le<br />

risque n’existe pas et sa médication est suffisamm<strong>en</strong>t efficace pour presque neutraliser<br />

cette év<strong>en</strong>tualité. De surplus, si un tel risque existait, ce serait beaucoup plus du ressort<br />

<strong>de</strong> la Loi sur la protection <strong>de</strong>s personnes dont l’état m<strong>en</strong>tal prés<strong>en</strong>te un danger pour<br />

elle-même ou pour autrui 6 ou <strong>de</strong> la Cour supérieure pour une ordonnance <strong>de</strong> soins<br />

(articles 11 et ss. C.C.Q.) que <strong>de</strong> l’application du sous-paragraphe a) <strong>de</strong> l’article 515(10)<br />

du Co<strong>de</strong> criminel.<br />

[57] Relativem<strong>en</strong>t au <strong>de</strong>uxième motif, le Tribunal est satisfait du témoignage du<br />

psychiatre Morisette et <strong>de</strong> son rapport (R-4) à l’effet que les risques pour la société sont<br />

très faibles. Les témoignages <strong>de</strong>s experts qui le suiv<strong>en</strong>t <strong>de</strong>puis un certain temps ainsi<br />

que ceux qui l’ont côtoyé alors qu’il bénéficiait <strong>de</strong> sorties avec ou sans escortes ou <strong>en</strong><br />

<strong>liberté</strong> conditionnelle par ordonnance <strong>de</strong> la commission d’exam<strong>en</strong>, confirm<strong>en</strong>t cette<br />

opinion.<br />

[58] Encore une fois, aucun manquem<strong>en</strong>t aux conditions imposées n’a été relevé<br />

durant la pério<strong>de</strong> où il était sous la surveillance <strong>de</strong> la commission d’exam<strong>en</strong>.<br />

[59] Enfin, la caution proposée pour s’assurer du respect <strong>de</strong>s conditions imposées si<br />

remis <strong>en</strong> <strong>liberté</strong> m’apparait sérieuse et rassurante.<br />

[60] Le Tribunal <strong>en</strong> vi<strong>en</strong>t donc à la conclusion que le requérant s’est déchargé <strong>de</strong> son<br />

far<strong>de</strong>au relativem<strong>en</strong>t aux <strong>de</strong>ux premiers motifs que l’on retrouve à l’article 515 (10).<br />

[61] Reste donc, le troisième motif et déterminer si sa dét<strong>en</strong>tion est nécessaire pour<br />

ne pas miner la confiance du public dans l’administration <strong>de</strong> la justice.<br />

6<br />

L.Q. chapitre 38.001


700-01-083996-093 PAGE : 10<br />

[62] Ayant à se prononcer sur la constitutionnalité <strong>de</strong> la disposition législative dans<br />

l’arrêt Hall précité, les juges majoritaires sous la plume <strong>de</strong> la juge <strong>en</strong> chef McLaughling<br />

m<strong>en</strong>tionn<strong>en</strong>t au paragraphe 31 :<br />

« Je conclus qu’une disposition qui permet <strong>de</strong> refuser d’accor<strong>de</strong>r la mise <strong>en</strong><br />

<strong>liberté</strong> sous caution à un accusé pour le motif que sa dét<strong>en</strong>tion est nécessaire<br />

pour ne pas miner la confiance du public dans l’administration <strong>de</strong> la justice n’est<br />

ni superflue ni injustifiée. Elle répond à la nécessité très réelle <strong>de</strong> permettre au<br />

juge appelé à se prononcer sur la <strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>de</strong> mise <strong>en</strong> <strong>liberté</strong> sous caution<br />

d’ordonner la dét<strong>en</strong>tion d’un accusé <strong>en</strong> att<strong>en</strong>te <strong>de</strong> procès, si une telle mesure est<br />

nécessaire pour maint<strong>en</strong>ir la confiance du public et si les circonstances <strong>de</strong><br />

l’affaire le justifi<strong>en</strong>t. S’ils ne bénéfici<strong>en</strong>t pas <strong>de</strong> la confiance du public, le système<br />

<strong>de</strong> mise <strong>en</strong> <strong>liberté</strong> sous caution et le système <strong>de</strong> justice sont généralem<strong>en</strong>t<br />

compromis. Bi<strong>en</strong> que les circonstances dans lesquelles il est possible d’invoquer<br />

ce motif <strong>de</strong> refus d’accor<strong>de</strong>r la mise <strong>en</strong> <strong>liberté</strong> sous caution puiss<strong>en</strong>t être rares,<br />

lorsqu’elles se prés<strong>en</strong>t<strong>en</strong>t, il est ess<strong>en</strong>tiel <strong>de</strong> disposer d’un moy<strong>en</strong> <strong>de</strong> refuser<br />

cette mise <strong>en</strong> <strong>liberté</strong>. »<br />

[63] Les circonstances ayant m<strong>en</strong>ées aux accusations sont telles que le Tribunal doit<br />

évaluer, à la lumière <strong>de</strong>s critères établis par le législateur, si, nonobstant l’application<br />

<strong>de</strong>s sous paragraphes a) et b) <strong>de</strong> l’article 515 (10), il y a lieu ou non d’accor<strong>de</strong>r la<br />

remise <strong>en</strong> <strong>liberté</strong> du prév<strong>en</strong>u.<br />

[64] Ces circonstances sont la mort affreuse <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux jeunes <strong>en</strong>fants dans un contexte<br />

familial difficile où les par<strong>en</strong>ts étai<strong>en</strong>t <strong>en</strong> rupture. La forte médiatisation <strong>de</strong> l’affaire a<br />

conduit à <strong>de</strong>s réactions souv<strong>en</strong>t passionnées du public et a occupé une large place<br />

dans les discussions publiques au point où le législateur <strong>en</strong> est v<strong>en</strong>u à prés<strong>en</strong>ter <strong>de</strong>s<br />

modifications législatives à la partie XX.1 du Co<strong>de</strong> criminel.<br />

[65] Un comm<strong>en</strong>taire s’impose toutefois. La majorité <strong>de</strong>s opinions sont surv<strong>en</strong>ues<br />

après le verdict <strong>de</strong> non-responsabilité criminelle prononcé par le jury lors du premier<br />

procès. Il faut rappeler que les jurés appelés à prononcer le verdict l’ont fait <strong>en</strong> leur âme<br />

et consci<strong>en</strong>ce après avoir évalué la preuve qu’ils ont pris soin d’<strong>en</strong>t<strong>en</strong>dre avec att<strong>en</strong>tion<br />

et pris <strong>en</strong> considération les directives <strong>en</strong> droit qu’ils avai<strong>en</strong>t reçues. Les reproches qu’ils<br />

leur ont été adressés sont non seulem<strong>en</strong>t inappropriés, mais indiqu<strong>en</strong>t une<br />

méconnaissance <strong>de</strong> notre système <strong>de</strong> justice et un irrespect pour la fonction qu’ils ont<br />

occupée.<br />

[66] Il y donc lieu, maint<strong>en</strong>ant, <strong>de</strong> considérer les différ<strong>en</strong>ts critères prévus au sous<br />

paragraphe c) <strong>de</strong> l’article 515 (10).<br />

[67] C’est ce que nous <strong>en</strong>seigne la Cour suprême dans Hall :<br />

40. L’alinéa 515(10) c) énonce <strong>de</strong>s facteurs particuliers qui décriv<strong>en</strong>t certains cas<br />

bi<strong>en</strong> précis dans lesquels la mise <strong>en</strong> <strong>liberté</strong> sous caution peut être refusée dans<br />

le but <strong>de</strong> maint<strong>en</strong>ir la confiance du public dans l’administration <strong>de</strong> la justice.


700-01-083996-093 PAGE : 11<br />

Comme nous l’avons vu, ces cas peuv<strong>en</strong>t se prés<strong>en</strong>ter lorsque, <strong>en</strong> dépit du fait<br />

qu’il est improbable que l’accusé s’esquivera ou qu’il commettra d’autres<br />

infractions <strong>en</strong> att<strong>en</strong>dant <strong>de</strong> subir son procès, sa prés<strong>en</strong>ce dans la collectivité<br />

compromettra la confiance du public dans l’administration <strong>de</strong> la justice. Pour<br />

déci<strong>de</strong>r si on est <strong>en</strong> prés<strong>en</strong>ce d’une telle situation, il faut t<strong>en</strong>ir compte <strong>de</strong> toutes<br />

les circonstances, mais particulièrem<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s quatre facteurs énoncés par le<br />

législateur à l’al. 515(10) c) — le fait que l’accusation paraît fondée, la gravité <strong>de</strong><br />

l’infraction, les circonstances <strong>en</strong>tourant sa perpétration et le fait que le prév<strong>en</strong>u<br />

<strong>en</strong>court, <strong>en</strong> cas <strong>de</strong> condamnation, une longue peine d’emprisonnem<strong>en</strong>t. Dans le<br />

cas où, comme <strong>en</strong> l’espèce, le crime commis est horrible, inexplicable et<br />

fortem<strong>en</strong>t lié à l’accusé, un système <strong>de</strong> justice qui ne permet pas d’ordonner la<br />

dét<strong>en</strong>tion <strong>de</strong> l’accusé risque <strong>de</strong> perdre la confiance du public qui est à la base du<br />

système <strong>de</strong> mise <strong>en</strong> <strong>liberté</strong> sous caution et <strong>de</strong> l’<strong>en</strong>semble du système <strong>de</strong> justice.<br />

41. Tel est donc l’objectif du législateur : maint<strong>en</strong>ir la confiance du public dans le<br />

système <strong>de</strong> mise <strong>en</strong> <strong>liberté</strong> sous caution et l’<strong>en</strong>semble du système <strong>de</strong> justice. La<br />

question est <strong>de</strong> savoir si les moy<strong>en</strong>s qu’il a choisis vont au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong> ce qui est<br />

nécessaire pour atteindre cet objectif. À mon avis, la réponse est non. Le<br />

législateur a assorti d’importantes garanties la prés<strong>en</strong>te disposition <strong>en</strong> matière <strong>de</strong><br />

mise <strong>en</strong> <strong>liberté</strong> sous caution. Le juge doit être persuadé que la dét<strong>en</strong>tion est non<br />

seulem<strong>en</strong>t souhaitable, mais <strong>en</strong>core nécessaire. De plus, il doit être convaincu<br />

que cette mesure n’est pas seulem<strong>en</strong>t nécessaire pour atteindre un objectif<br />

quelconque, mais qu’elle s’impose pour ne pas miner la confiance du public dans<br />

l’administration <strong>de</strong> la justice. Qui plus est, le juge procè<strong>de</strong> à cette évaluation<br />

objectivem<strong>en</strong>t à la lumière <strong>de</strong>s quatre facteurs énoncés par le législateur. Il ne<br />

peut pas évoquer ses propres raisons pour refuser d’accor<strong>de</strong>r la mise <strong>en</strong> <strong>liberté</strong><br />

sous caution. Bi<strong>en</strong> qu’il doive t<strong>en</strong>ir compte <strong>de</strong> toutes les circonstances, le juge<br />

doit prêter une att<strong>en</strong>tion particulière aux facteurs énoncés par le législateur. En<br />

définitive, le juge peut refuser d’accor<strong>de</strong>r la mise <strong>en</strong> <strong>liberté</strong> sous caution<br />

uniquem<strong>en</strong>t s’il est persuadé, à la lumière <strong>de</strong> ces facteurs et <strong>de</strong>s circonstances<br />

connexes, qu’un membre raisonnable <strong>de</strong> la collectivité serait convaincu que ce<br />

refus est nécessaire pour ne pas miner la confiance du public dans<br />

l’administration <strong>de</strong> la justice. En outre, comme l’a souligné le juge <strong>en</strong> chef<br />

McEachern <strong>de</strong> la Colombie-Britannique (<strong>en</strong> chambre) dans l’arrêt R. c. Nguy<strong>en</strong><br />

(1997), 119 C.C.C. (3d) 269, la personne raisonnable qui procè<strong>de</strong> à cette<br />

évaluation doit être bi<strong>en</strong> informée [TRADUCTION] « <strong>de</strong> la philosophie <strong>de</strong>s<br />

dispositions législatives, <strong>de</strong>s valeurs consacrées par la Charte et <strong>de</strong>s<br />

circonstances réelles <strong>de</strong> l’affaire » (p. 274). C’est pourquoi la disposition <strong>en</strong><br />

cause ne laisse pas une « large place à l’arbitraire » et ne confère pas non plus<br />

aux juges un pouvoir discrétionnaire illimité. Au contraire, elle établit un juste<br />

équilibre <strong>en</strong>tre les droits <strong>de</strong> l’accusé et la nécessité <strong>de</strong> veiller à ce que la justice<br />

règne dans la collectivité.<br />

[68] Le juge Doyon, dans J.V. c. R. 7 définit ansi le public dans cette notion <strong>de</strong><br />

confiance dans l’administration <strong>de</strong> la justice :<br />

7 2008 QCCA 2157


700-01-083996-093 PAGE : 12<br />

« Le public dont il est question est celui qui connaît les règles <strong>de</strong> droit et qui est,<br />

comme l'écrit le juge Chamberland, « au fait <strong>de</strong> tous les t<strong>en</strong>ants et aboutissants<br />

du dossier » : R. c. Do, REJB 1997-03809 (C.A.), et un public, comme le<br />

rappelait le juge Fish, alors à la Cour, « fully appreciative of the rules applicable<br />

un<strong>de</strong>r our system of justice » : Pearson c R., AZ-90011560. Il s'agit donc d'un<br />

public qui est <strong>en</strong> mesure <strong>de</strong> se former une opinion éclairée, ayant pleinem<strong>en</strong>t<br />

connaissance <strong>de</strong>s faits <strong>de</strong> la cause et du droit applicable, et qui n'est pas mû par<br />

la passion, mais bi<strong>en</strong> par la raison. »<br />

[69] Monsieur le juge Martin, dans St-Cloud c. R. 8 abondait dans le même s<strong>en</strong>s<br />

lorsqu’il disait :<br />

[23] Généralem<strong>en</strong>t, le test appliqué par le juge est celui-ci : Est-ce qu’un<br />

homme raisonnable, sans aucun intérêt dans la situation, mais bel et bi<strong>en</strong> instruit<br />

dans le cont<strong>en</strong>u <strong>de</strong> la Charte <strong>de</strong>s droits, dans les dispositions du Co<strong>de</strong> criminel<br />

et dans les <strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>ts <strong>de</strong> la Cour Suprême, est-ce que cette personne<br />

pourrait conclure que la confiance du public dans l’administration <strong>de</strong> la justice<br />

serait minée par la libération <strong>de</strong> la personne <strong>en</strong> question. Effectivem<strong>en</strong>t, c’est le<br />

juge qui est appelé à évaluer cette formule-là face aux faits mis <strong>en</strong> preuve <strong>de</strong>vant<br />

lui.<br />

[70] L’évaluation se doit d’être objective <strong>en</strong> t<strong>en</strong>ant compte <strong>de</strong>s divers critères établis<br />

par le législateur et autres facteurs, notamm<strong>en</strong>t la jurisprud<strong>en</strong>ce et les garanties<br />

constitutionnelles <strong>de</strong> la Charte canadi<strong>en</strong>ne <strong>de</strong>s droits et <strong>liberté</strong>s qui pourrai<strong>en</strong>t être<br />

pertin<strong>en</strong>ts, sans pour autant tomber dans la vindicte populaire non plus pour satisfaire<br />

certains groupes <strong>de</strong> pression <strong>de</strong> la société.<br />

Le fait que l’accusation parait fondée, the appar<strong>en</strong>t str<strong>en</strong>ght of the prosecution’s<br />

case.<br />

[71] Il ne fait aucun doute que la preuve <strong>en</strong> possession du ministère public est<br />

accablante. Les <strong>de</strong>ux jeunes victimes sont retrouvées dans leur chambre à coucher<br />

respective, atteintes <strong>de</strong> nombreux coups <strong>de</strong> couteau. Le requérant est le seul autre<br />

occupant <strong>de</strong>s lieux et admet être l’auteur <strong>de</strong>s coups fatals administrés aux <strong>en</strong>fants.<br />

[72] Lorsqu’arrêté par les policiers, il est fortem<strong>en</strong>t intoxiqué au méthanol après avoir<br />

ingurgité du liqui<strong>de</strong> lave-vitre dans une vaine t<strong>en</strong>tative <strong>de</strong> suici<strong>de</strong>.<br />

[73] Au premier procès, l’état m<strong>en</strong>tal du requérant était <strong>en</strong> litige et il a prés<strong>en</strong>té un<br />

moy<strong>en</strong> <strong>de</strong> déf<strong>en</strong>se fondé sur l’article 16 du Co<strong>de</strong> criminel. Ce moy<strong>en</strong> <strong>de</strong> déf<strong>en</strong>se lui est<br />

<strong>en</strong>core ouvert, le jury <strong>de</strong>vra cep<strong>en</strong>dant examiner si les troubles m<strong>en</strong>taux sont la<br />

véritable source <strong>de</strong> l’état d’incapacité et si l’intoxication volontaire a eu un effet<br />

contributif : (par. 98 <strong>de</strong> la décision <strong>de</strong> la Cour d’appel).<br />

8 2013 QCCS 5021


700-01-083996-093 PAGE : 13<br />

[98] Il y avait nécessité que le jury fasse la part <strong>de</strong>s choses et répon<strong>de</strong> à la<br />

question : est-ce le trouble m<strong>en</strong>tal ou l’intoxication ou <strong>en</strong>core une combinaison<br />

<strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux qui est la source <strong>de</strong> l’incapacité <strong>de</strong> l’intimé? Si c’est l’intoxication, il va<br />

<strong>de</strong> soi que la déf<strong>en</strong>se <strong>de</strong> troubles m<strong>en</strong>taux ne peut réussir. S’il y a combinaison<br />

<strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux, le jury doit examiner le rôle contributif <strong>de</strong> chacun et <strong>en</strong> déterminer<br />

l’ampleur pour savoir si, par exemple, les effets <strong>de</strong> l’intoxication sont tels qu’elle<br />

est la véritable source <strong>de</strong> l’état d’incapacité <strong>de</strong> l’intimé ou au contraire si les<br />

troubles m<strong>en</strong>taux pouvai<strong>en</strong>t, à eux seuls, causer cette incapacité. Rappelons que<br />

cette question se pose dans le contexte où la preuve indique que l'idée d'am<strong>en</strong>er<br />

les <strong>en</strong>fants avec lui dans la mort survi<strong>en</strong>t après l'intoxication. On voit bi<strong>en</strong> là un<br />

indice <strong>de</strong> l'importance <strong>de</strong> l'intoxication dans la conduite homici<strong>de</strong> <strong>de</strong> l'intimé.<br />

[74] Le Tribunal doit pr<strong>en</strong>dre <strong>en</strong> considération ce moy<strong>en</strong> <strong>de</strong> déf<strong>en</strong>se, et ce, malgré la<br />

force probante <strong>de</strong> la preuve que possè<strong>de</strong> la couronne. Comme le m<strong>en</strong>tionne la Cour<br />

d’appel dans R. c. Coates 9 :<br />

[45] C'est donc à bon droit que le juge s'est ici interrogé, non seulem<strong>en</strong>t sur la<br />

force appar<strong>en</strong>te <strong>de</strong> la preuve <strong>de</strong> la poursuite, mais égalem<strong>en</strong>t sur les moy<strong>en</strong>s <strong>de</strong><br />

déf<strong>en</strong>se que pourrai<strong>en</strong>t faire valoir les intimés. Tel que m<strong>en</strong>tionné<br />

précé<strong>de</strong>mm<strong>en</strong>t, il serait injuste d'ignorer les argum<strong>en</strong>ts que la déf<strong>en</strong>se pourrait<br />

soulever pour ne ret<strong>en</strong>ir que la preuve que la poursuite affirme être <strong>en</strong> mesure<br />

<strong>de</strong> produire.<br />

[75] Même si le moy<strong>en</strong> <strong>de</strong> déf<strong>en</strong>se fondé sur l’article 16 du Co<strong>de</strong> criminel n’était pas<br />

ret<strong>en</strong>u par le jury, il <strong>de</strong>vra poursuivre ses délibérations sur un moy<strong>en</strong> <strong>de</strong> déf<strong>en</strong>se fondé<br />

sur l’intoxication et ou sur les élém<strong>en</strong>ts <strong>de</strong> préméditation.<br />

[76] En conséqu<strong>en</strong>ce, même si la preuve sur les élém<strong>en</strong>ts ess<strong>en</strong>tiels <strong>de</strong>s<br />

infractions reprochées semble forte, les moy<strong>en</strong>s <strong>de</strong> déf<strong>en</strong>se proposés sont sérieux et<br />

mériteront la considération du jury.<br />

La gravité <strong>de</strong>s accusations.<br />

[77] Il s’agit, dans les circonstances, du crime le plus grave cont<strong>en</strong>u au Co<strong>de</strong> criminel<br />

canadi<strong>en</strong>. Le meurtre au premier <strong>de</strong>gré est punissable d’une peine minimale<br />

d’emprisonnem<strong>en</strong>t à perpétuité sans possibilité d’une libération conditionnelle avant<br />

d’avoir purgé vingt-cinq (25 ans) d’emprisonnem<strong>en</strong>t.<br />

Les circonstances <strong>en</strong>tourant sa perpétration, y compris l’usage d’une arme à feu.<br />

[78] Les circonstances sont très bi<strong>en</strong> décrites dans l’analyse qu’<strong>en</strong> fait la Cour d’appel.<br />

Le Tribunal ne peut que constater l’absurdité <strong>de</strong>s gestes posés sans pour autant y<br />

trouver ses propres raisons pour déci<strong>de</strong>r <strong>de</strong> l’issue <strong>de</strong> l’affaire.<br />

9<br />

2010 CQCA 919


700-01-083996-093 PAGE : 14<br />

Le fait que le prév<strong>en</strong>u <strong>en</strong>court, <strong>en</strong> cas <strong>de</strong> condamnation, une longue peine<br />

d’emprisonnem<strong>en</strong>t.<br />

[79] Il est inutile <strong>de</strong> repr<strong>en</strong>dre les conséqu<strong>en</strong>ces d’un verdict <strong>de</strong> culpabilité sur la peine<br />

imposée pour le meurtre au premier <strong>de</strong>gré.<br />

[80] Le Tribunal doit pondérer chacun <strong>de</strong> ces élém<strong>en</strong>ts et déci<strong>de</strong>r si le requérant s’est<br />

déchargé <strong>de</strong> son far<strong>de</strong>au <strong>de</strong> démontrer que sa dét<strong>en</strong>tion n’est pas nécessaire et que sa<br />

mise <strong>en</strong> <strong>liberté</strong> n’aura pas pour effet <strong>de</strong> miner la confiance du public dans<br />

l’administration <strong>de</strong> la justice.<br />

[81] Le Tribunal reti<strong>en</strong>t égalem<strong>en</strong>t les propos du juge Beaudoin dans R. c. Lamothe 10<br />

« ….S'agissant tout d'abord <strong>de</strong> la perception du public, comme on le sait, face<br />

aux criminels ou aux criminels <strong>en</strong> puissance, une large partie du public canadi<strong>en</strong><br />

adopte souv<strong>en</strong>t une attitu<strong>de</strong> négative et parfois passionnée. Il veut se voir<br />

protéger, voir les criminels <strong>en</strong> prison et les voir châtier durem<strong>en</strong>t. Se<br />

débarrasser du criminel, c'est se débarrasser du crime. Il perçoit alors indûm<strong>en</strong>t<br />

le système judiciaire et celui <strong>de</strong> l'administration <strong>de</strong> la justice <strong>en</strong> général comme<br />

trop indulg<strong>en</strong>t, trop mou, trop bon pour le criminel. Cette perception, presque<br />

viscérale face au crime, n'est sûrem<strong>en</strong>t pas celle sur laquelle le juge doit se<br />

fon<strong>de</strong>r pour déci<strong>de</strong>r <strong>de</strong> la remise <strong>en</strong> <strong>liberté</strong>. Dans cette hypothèse <strong>en</strong> effet, les<br />

personnes accusées <strong>de</strong> certains types d'infraction ne serai<strong>en</strong>t jamais remises <strong>en</strong><br />

<strong>liberté</strong> parce que la perception du public est négative à l'égard du type <strong>de</strong> crime<br />

commis, alors que d'autres, au contraire, serai<strong>en</strong>t presque automatiquem<strong>en</strong>t<br />

libérées vu la perception plus neutre ou plus indulg<strong>en</strong>te du public. Le droit<br />

criminel et son exercice a aussi et doit avoir à l'égard du public une valeur<br />

éducative. Le public informé doit compr<strong>en</strong>dre que l'exist<strong>en</strong>ce <strong>de</strong> la présomption<br />

d'innoc<strong>en</strong>ce à toutes les étapes du processus pénal n'est pas une notion<br />

purem<strong>en</strong>t théorique, mais une réalité concrète et que, malgré ce qui peut passer,<br />

dans sa perception, pour certains inconvéni<strong>en</strong>ts quant à l'efficacité <strong>de</strong> la<br />

répression criminel1e, elle est le prix à payer pour une vie dans une société libre<br />

et démocratique. C'est donc à un niveau plus élevé qu'il faut se placer, soit celui<br />

d'un public raisonnablem<strong>en</strong>t informé <strong>de</strong> notre système <strong>de</strong> droit pénal et capable<br />

<strong>de</strong> juger et <strong>de</strong> percevoir sans passion que l'application <strong>de</strong> la présomption<br />

d'innoc<strong>en</strong>ce, même au niveau <strong>de</strong> la <strong>liberté</strong> provisoire, a pour effet<br />

qu'effectivem<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s g<strong>en</strong>s qui, plus tard, seront trouvés coupables, même <strong>de</strong><br />

crimes sérieux, auront cep<strong>en</strong>dant retrouvé leur <strong>liberté</strong> <strong>en</strong>tre le mom<strong>en</strong>t <strong>de</strong> leur<br />

arrestation et celui <strong>de</strong> leur procès. En d'autres termes, le critère <strong>de</strong> la perception<br />

du public ne doit pas s'exercer à partir du plus petit commun dénominateur. Un<br />

public informé compr<strong>en</strong>d donc qu'il existe au Canada une présomption<br />

d'innoc<strong>en</strong>ce garantie constitutionnellem<strong>en</strong>t (art. 11 d) <strong>de</strong> la Charte) et le droit <strong>de</strong><br />

n'être pas privé sans juste cause d'une mise <strong>en</strong> <strong>liberté</strong> assortie d'un<br />

cautionnem<strong>en</strong>t raisonnable (art. 11 e) <strong>de</strong> la Charte).<br />

10 (1990) A.Q. no. 514


700-01-083996-093 PAGE : 15<br />

Pesant <strong>de</strong> la réaction du public, le juge doit <strong>en</strong>suite se <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r si la remise<br />

<strong>en</strong> <strong>liberté</strong> du prév<strong>en</strong>u <strong>en</strong> att<strong>en</strong>dant son procès risque, dans le milieu d'un public<br />

raisonnablem<strong>en</strong>t informé, provoquer une réaction qui jetterait le discrédit ou<br />

l'opprobre sur l'administration <strong>de</strong> la justice pénale. Il convi<strong>en</strong>t peut-être <strong>de</strong><br />

rappeler à cet égard, bi<strong>en</strong> qu'énoncés dans un tout autre contexte, les propos <strong>de</strong><br />

M. le juge Antonio Lamer dans l'arrêt Collins c. R., (1987) 1 R.C.S. p. 281:<br />

La notion <strong>de</strong> déconsidération inclut nécessairem<strong>en</strong>t un certain élém<strong>en</strong>t<br />

d'opinion publique et la détermination <strong>de</strong> la déconsidération exige donc que le<br />

juge se réfère à ce qu'il estime être l'opinion <strong>de</strong> la société <strong>en</strong> général. Ceci ne<br />

veut pas dire que la preuve <strong>de</strong> la perception du public à l'égard <strong>de</strong> la<br />

considération dont jouit l'administration <strong>de</strong> la justice, qui, <strong>de</strong> l'avis du professeur<br />

Gibson, pourrait être produite sous forme <strong>de</strong> sondages d'opinion (précité, aux pp.<br />

236 à 247), sera déterminante sur cette question (voir Ther<strong>en</strong>s, précité, aux pp.<br />

653 et 654). La position est différ<strong>en</strong>te <strong>en</strong> matière d'obscénité par exemple, où le<br />

tribunal doit évaluer le <strong>de</strong>gré <strong>de</strong> tolérance <strong>de</strong> la société, son caractère<br />

raisonnable et peut considérer les sondages d'opinion (R. v. Prairie Schooner<br />

News Ltd. and Powers (1970) 1 C.C.C. (2d) 251 (C.A. Man.), à la p. 266, cité<br />

dans l'arrêt Towne Cinema Theatres Ltd. c. La Reine, (1985) 1 R.C.S. 494 , à la<br />

p. 513). Il serait peu sage, à mon humble avis, d'adopter une attitu<strong>de</strong> semblable<br />

à l'égard <strong>de</strong> la Charte. En règle générale, les membres du public ne <strong>de</strong>vi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t<br />

consci<strong>en</strong>ts <strong>de</strong> l'importance <strong>de</strong> la protection <strong>de</strong>s droits et <strong>liberté</strong>s <strong>de</strong>s accusés que<br />

lorsqu'ils sont eux-mêmes <strong>de</strong> quelque manière mis <strong>en</strong> contact plus intime avec le<br />

système, soit personnellem<strong>en</strong>t, soit par l'expéri<strong>en</strong>ce <strong>de</strong> leurs proches ou d'amis.<br />

Le professeur Gibson a reconnu le danger qui peut se prés<strong>en</strong>ter si l'on permet à<br />

<strong>de</strong>s membres du public mal informés <strong>de</strong> déci<strong>de</strong>r <strong>de</strong> l'exclusion d'élém<strong>en</strong>ts <strong>de</strong><br />

preuve, lorsqu'il dit, à la p. 246:<br />

[Traduction)] La détermination finale doit relever <strong>de</strong>s tribunaux, parce qu'ils<br />

constitu<strong>en</strong>t souv<strong>en</strong>t la seule protection efficace <strong>de</strong>s minorités impopulaires et <strong>de</strong>s<br />

individus contre les revirem<strong>en</strong>ts <strong>de</strong> la passion publique. »<br />

[82] Il ne faut pas confondre non plus les principes qui guid<strong>en</strong>t la mise <strong>en</strong> <strong>liberté</strong><br />

provisoire avec l’issue du procès. À titre d’exemple, <strong>de</strong>ux cas réc<strong>en</strong>ts, les affaires<br />

Sorella (540-01-039473-098) et Gauthier (150-01-025052-094) où, respectivem<strong>en</strong>t, les<br />

juges Champagne et Gr<strong>en</strong>ier permettai<strong>en</strong>t que les accusées retrouv<strong>en</strong>t leur <strong>liberté</strong>. Ces<br />

<strong>de</strong>rnières faisai<strong>en</strong>t alors face à <strong>de</strong>s accusations <strong>de</strong> meurtre avec préméditation <strong>de</strong> leurs<br />

<strong>en</strong>fants <strong>en</strong> bas âge. Dans l’affaire Sorella, la cause <strong>de</strong> la mort <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux <strong>en</strong>fants<br />

reposait sur une preuve circonstancielle et dans Gauthier, le moy<strong>en</strong> <strong>de</strong> déf<strong>en</strong>se reposait<br />

sur l’abandon du complot ourdi avec son époux <strong>de</strong> se suici<strong>de</strong>r et d’emm<strong>en</strong>er avec eux<br />

leurs trois <strong>en</strong>fants. Dans les <strong>de</strong>ux cas, la présomption d’innoc<strong>en</strong>ce qui les<br />

accompagnait jusque-là s’est terminée avec le verdict du jury les déclarants coupables<br />

<strong>de</strong>s infractions reprochées.<br />

[83] Ceci n’est qu’une illustration que la règle <strong>de</strong> droit qui régit la mise <strong>en</strong> <strong>liberté</strong><br />

p<strong>en</strong>dant procès peut être fort différ<strong>en</strong>te que la règle qui gère le procès. Une mise <strong>en</strong>


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<strong>liberté</strong> provisoire ne signifie aucunem<strong>en</strong>t que le dét<strong>en</strong>u est exonéré <strong>de</strong> la responsabilité<br />

criminelle qu’il <strong>en</strong>court.<br />

[84] Le Tribunal n’est pas ins<strong>en</strong>sible à la très forte médiatisation qui a suivi les<br />

évènem<strong>en</strong>ts tragiques qui ont conduit à la mort <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux jeunes et innoc<strong>en</strong>ts <strong>en</strong>fants.<br />

Même après plus <strong>de</strong> cinq (5) ans, l’affaire est toujours d’actualité. Malgré l’indignation<br />

publique face à l’incompréh<strong>en</strong>sion <strong>de</strong>s gestes posés, la règle <strong>de</strong> droit se doit <strong>de</strong><br />

continuer à s’appliquer, telle est la garantie que nous donne une société libre et<br />

démocratique.<br />

[85] Après avoir considéré les divers critères du sous-paragraphe c) <strong>de</strong> l’article 515<br />

(10), je considère que le requérant s’est égalem<strong>en</strong>t déchargé <strong>de</strong> son far<strong>de</strong>au <strong>de</strong><br />

démontrer que la confiance du public <strong>en</strong>vers l’administration <strong>de</strong> la justice ne serait pas<br />

minée, et ce, pour les raisons suivantes.<br />

[86] L’état m<strong>en</strong>tal du requérant au mom<strong>en</strong>t <strong>de</strong> la commission <strong>de</strong>s actes ayant m<strong>en</strong>é<br />

au décès tragique <strong>de</strong> ses <strong>en</strong>fants sera au cœur <strong>de</strong> la décision qu’aura à r<strong>en</strong>dre le jury. Il<br />

<strong>en</strong> sera <strong>de</strong> même <strong>de</strong> l’état d’intoxication dans lequel il se trouvait au mom<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s<br />

gestes posés.<br />

[87] Des verdicts moindres et inclus peuv<strong>en</strong>t être r<strong>en</strong>dus sur le moy<strong>en</strong> <strong>de</strong> déf<strong>en</strong>se<br />

basé sur l’intoxication. Si les troubles m<strong>en</strong>taux étai<strong>en</strong>t tels qu’il était incapable <strong>de</strong> juger<br />

<strong>de</strong> la nature et <strong>de</strong> la qualité <strong>de</strong>s actes posés ou <strong>de</strong> savoir que l’acte était mauvais, alors<br />

le jury pourrait <strong>en</strong> v<strong>en</strong>ir à un verdict <strong>de</strong> non-responsabilité pour cause <strong>de</strong> troubles<br />

m<strong>en</strong>taux. Une déclaration <strong>de</strong> culpabilité peut égalem<strong>en</strong>t être r<strong>en</strong>due sur les accusations<br />

telles que portées si aucun <strong>de</strong> ces moy<strong>en</strong>s <strong>de</strong> déf<strong>en</strong>se n’est ret<strong>en</strong>u et que la poursuite<br />

démontre hors <strong>de</strong> tout doute raisonnable chacun <strong>de</strong>s élém<strong>en</strong>ts ess<strong>en</strong>tiels <strong>de</strong>s<br />

infractions.<br />

[88] Les moy<strong>en</strong>s <strong>de</strong> déf<strong>en</strong>se ne sont pas futiles, ils <strong>de</strong>vront être pris <strong>en</strong> considération<br />

par le jury et peuv<strong>en</strong>t être <strong>de</strong> nature à affaiblir la force appar<strong>en</strong>te <strong>de</strong> la preuve <strong>de</strong> la<br />

poursuite. La Cour d’appel reconnaît d’ailleurs que l’état m<strong>en</strong>tal du requérant et l’impact<br />

<strong>de</strong> son intoxication sur cet état m<strong>en</strong>tal peuv<strong>en</strong>t être soumis à un jury.<br />

[89] L’état psychologique actuel du requérant nécessite toujours une forte médication<br />

et un suivi constant <strong>de</strong>s spécialistes. Ses conditions <strong>de</strong> dét<strong>en</strong>tion sont telles qu’il est<br />

toujours <strong>en</strong> unité <strong>de</strong> soins et confiné dans sa cellule 20 heures sur 24. Il reçoit<br />

régulièrem<strong>en</strong>t les soins que son état requiert. La preuve révèle égalem<strong>en</strong>t qu’il a été<br />

l’objet d’harcèlem<strong>en</strong>ts <strong>de</strong> codét<strong>en</strong>us (peut-être dus à la notoriété <strong>de</strong>s évènem<strong>en</strong>ts).<br />

[90] Le procès, qui ne peut avoir lieu avant un (1) an (septembre 2015), est aussi un<br />

considérant. Les événem<strong>en</strong>ts reprochés au requérant remont<strong>en</strong>t à plus <strong>de</strong> cinq (5) ans<br />

et il a été dét<strong>en</strong>u provisoirem<strong>en</strong>t, <strong>en</strong> att<strong>en</strong>te <strong>de</strong> son procès ou par ordonnance <strong>de</strong> la<br />

commission d’exam<strong>en</strong> <strong>de</strong>puis plus <strong>de</strong> cinquante-sept (57) mois.


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[91] Enfin, l’abs<strong>en</strong>ce d’antécéd<strong>en</strong>t judiciaire et le respect <strong>de</strong>s conditions <strong>de</strong> libération<br />

conditionnelle imposées par la commission d’exam<strong>en</strong> sont <strong>de</strong> nature à favoriser la<br />

remise <strong>en</strong> <strong>liberté</strong> provisoire.<br />

[92] Compte t<strong>en</strong>u <strong>de</strong> ce qui précè<strong>de</strong>, le Tribunal est confiant qu’un public bi<strong>en</strong> informé<br />

<strong>de</strong>s faits <strong>de</strong> la cause et du droit applicable <strong>en</strong> matière <strong>de</strong> remise <strong>en</strong> <strong>liberté</strong> provisoire ne<br />

considérerait pas que la décision <strong>de</strong> permettre au requérant <strong>de</strong> retrouver sa <strong>liberté</strong><br />

assortie <strong>de</strong> conditions minerait sa confiance dans l’administration <strong>de</strong> la justice, tout au<br />

contraire.<br />

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :<br />

[93] ACCUEILLE la requête<br />

[94] ORDONNE la mise <strong>en</strong> <strong>liberté</strong> provisoire <strong>de</strong> monsieur <strong>Guy</strong> <strong>Turcotte</strong> aux conditions<br />

suivantes :<br />

a) Qu’il gar<strong>de</strong> la paix et ait une bonne conduite,<br />

b) Qu’il se prés<strong>en</strong>te à la Cour lorsque requis,<br />

c) Qu’il habite au domicile <strong>de</strong> son oncle Léo <strong>Turcotte</strong>, au […], Brossard.<br />

[95] Il lui est interdit <strong>de</strong> changer d’adresse sans, au préalable, avoir obt<strong>en</strong>u la<br />

permission du Tribunal.<br />

[96] Interdiction lui est faite <strong>de</strong> communiquer directem<strong>en</strong>t ou indirectem<strong>en</strong>t par<br />

quelque moy<strong>en</strong> que ce soit avec son ex-conjointe ou le conjoint <strong>de</strong> celle-ci, s’il <strong>en</strong> est.Il<br />

lui est égalem<strong>en</strong>t interdit <strong>de</strong> se trouver à moins <strong>de</strong> 100 mètres <strong>de</strong> leur résid<strong>en</strong>ce.<br />

[97] Interdiction lui est faite <strong>de</strong> quitter le territoire <strong>de</strong> la province <strong>de</strong> Québec.<br />

[98] Interdiction lui est faite <strong>de</strong> possé<strong>de</strong>r ou faire une <strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>de</strong> passeport.<br />

[99] Interdiction <strong>de</strong> possé<strong>de</strong>r, acquérir ou avoir <strong>en</strong> sa possession, armes à feu,<br />

munitions et autres objets m<strong>en</strong>tionnés à l’article 109 du Co<strong>de</strong> criminel<br />

[100] ORDONNE l’imposition d’un couvre-feu <strong>de</strong> 18 heures à 6 heures où il <strong>de</strong>vra se<br />

trouver <strong>en</strong> tout temps à la résid<strong>en</strong>ce <strong>de</strong> la rue Martinique à Brossard.<br />

[101] Obligation <strong>de</strong> se rapporter tous les <strong>de</strong>ux mercredis du mois à un ag<strong>en</strong>t <strong>de</strong> la<br />

Sûreté du Québec.


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[102] Obligation lui est faite <strong>de</strong> continuer les traitem<strong>en</strong>ts psychiatriques prodigués par le<br />

psychiatre Roy ainsi que les thérapies <strong>de</strong> la psychologue Costi et <strong>de</strong> respecter les<br />

r<strong>en</strong><strong>de</strong>z-vous fixés à l’Institut Philippe Pinel <strong>de</strong> Montréal.<br />

[103] Obligation <strong>de</strong> pr<strong>en</strong>dre la médication prescrite par ses mé<strong>de</strong>cins traitants.<br />

[104] Un acte d’hypothèque judiciaire sur la résid<strong>en</strong>ce <strong>de</strong> Gilles <strong>Turcotte</strong>, frère du<br />

requérant, au montant <strong>de</strong> 100.000 $ <strong>de</strong>vra être fourni et déposé au greffe <strong>de</strong> la Cour<br />

supérieure avant qu’il ne puisse être remis <strong>en</strong> <strong>liberté</strong>.<br />

[105] Interdiction lui est faite <strong>de</strong> consommer <strong>de</strong>s boissons alcooliques ainsi que tout<br />

médicam<strong>en</strong>t ou drogue qui ne sont pas prescrits par un mé<strong>de</strong>cin qualifié.<br />

Me Pierre Poupart<br />

Me <strong>Guy</strong> Poupart<br />

Procureurs du requérant-accusé<br />

Me R<strong>en</strong>é Verret<br />

Me Maria Albanese<br />

Procureurs <strong>de</strong> l’intimée-poursuivante<br />

Dates d’audi<strong>en</strong>ce : 3 et 4 septembre 2014<br />

__________________________________<br />

ANDRÉ VINCENT, J.C.S.

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