13.11.2014 Views

Franck LOZAC'H LA PUTE

La Pute Comment au théâtre aborder le problème de la prostitution ? La femme est-elle une esclave sexuelle ou pratique-t-elle cette profession de son plein gré ? A-elle une fonction sociale ? Est-elle prise dans un engrainage infernal ? L’auteur cherche à déterminer la situation exacte de cette femme spéciale, le plus souvent possédant un cœur et une âme généreuse.

La Pute

Comment au théâtre aborder le problème de la prostitution ? La femme est-elle une esclave sexuelle ou pratique-t-elle cette profession de son plein gré ? A-elle une fonction sociale ? Est-elle prise dans un engrainage infernal ?

L’auteur cherche à déterminer la situation exacte de cette femme spéciale, le plus souvent possédant un cœur et une âme généreuse.

SHOW MORE
SHOW LESS

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

<strong>Franck</strong> <strong>LOZAC'H</strong><br />

<strong>LA</strong> <strong>PUTE</strong><br />

1


AVERTISSEMENT<br />

Je pense qu'il sera fort aisé à ceux et à celles qui liront ces lignes de<br />

comprendre au premier degré le sens exact des phrases qui sont hélas<br />

exprimées. Je me suis noyé dans la fange, et je n'ai pas hésité à user du plus<br />

vulgaire afin de démontrer l'horreur monstrueuse dans laquelle était soumise<br />

la prostituée. On me pardonnera, je n'en doute pas, les termes abjects utilisés.<br />

Il existe aujourd'hui en France un esclavage, le plus ignoble de notre<br />

civilisation. Il consiste à soumettre la femme non pas à l'identité de femelle<br />

reproductrice, mais à celle de trous béants. Je m'insurge contre cette<br />

ignominie. Je me contente d'une plume afin d'exprimer mon désarroi, car je<br />

ne puis agir différemment ne possédant pas les moyens et les mesures<br />

appropriés pour chasser ce fléau.<br />

<strong>Franck</strong> Lozac’h<br />

2


PERSONNAGES<br />

Belinda<br />

Géraldine<br />

Mickey<br />

Le gros Michel<br />

Un client<br />

Micheline<br />

Animation de bar, animation de rue.<br />

3


I<br />

Belinda est assise sur le lit. Elle est fortement dévêtue. Ses<br />

mains cachent son visage. Des larmes coulent le long de ses yeux. Elle<br />

entend sonner à la porte. Prestement elle s'essuie, se dirige vers le<br />

miroir, tape l'oreiller, donne un semblant d'ordre dans la chambre.<br />

Trente secondes s'écoulent.<br />

Belinda<br />

Voilà, j'arrive. Attendez un instant.<br />

Elle ouvre la porte. Feint à l'étonnement.<br />

Belinda<br />

Je m'en serais douté. J'ai reconnu à ta façon que c'était toi.<br />

4


Le client<br />

Drôle de façon de me recevoir.<br />

mouvement.<br />

Il tente de l'embrasser sur la bouche. Elle esquisse son<br />

Belinda<br />

Bon alors, c'est comme à l'habitude. Un coup par-devant, un<br />

coup par-derrière. Tu sais, mon amour qu'il faut penser à ta toilette.<br />

La scène devient ombre. On ne peut discerner les<br />

personnages. Dans un petit réduit, on doit imaginer ou supposer avec<br />

les yeux d'un voyeur Belinda s'occuper du client, lui laver dans le<br />

lavabo le sexe. Il se tient raide et ne dit mot. Elle l'entraîne sur le lit.<br />

Son comportement est passif. Le coït dure peu de temps. Elle le reçoit<br />

dans le vagin, puis se retourne. Il éjacule dans l'anus. Il expulse en<br />

râlant. Puis, se rhabille hâtivement et nerveusement.<br />

5


Le Client<br />

Tu m'obliges à aller trop vite. Il n'y a pas de sensualité, pas<br />

même un semblant d'amour ! Qu'en ai-je tiré de cela ?<br />

Belinda<br />

Tu m'as foutu ? Tu me dois cinq cents francs. Allonge le<br />

Pascal, mon mignon. La prochaine fois tu te masturberas avant de<br />

venir. Tu tiendras plus longtemps.<br />

Le Client<br />

Cela ne me suffit plus. C'est trop peu et trop cher.<br />

Belinda<br />

Mais qu'est-ce qui t'oblige à cracher ton pognon dans ma<br />

vulve ? Qu'est-ce qui t'interdit de trouver une femme ?<br />

6


ebord du lit.<br />

La lumière est rétablie. Il semble penaud et bête, assis sur le<br />

Belinda<br />

Je ne te force pas à me foutre. Mais évidemment, Monsieur<br />

est trop timide. J'ai dû le dépuceler ce grand imbécile. Il me demande<br />

de l'amour, et je ne lui vends qu'un trou béant où il peut jeter sa<br />

semence. Mais ce n'est pas assez. Il demande qu'une pute lui serve de<br />

mère, et de protectrice. Regardez-moi ce minable, il n'est pas même<br />

capable d'inviter une fille à danser dans une boîte de nuit ! Tu ferais<br />

d'énormes économies, et tu pourrais la baiser comme bon te semble. Ça<br />

ne durerait pas des minutes, mais des nuits entières !<br />

Le Client<br />

Alors, je paie et je me fais engueuler ! Voilà qu'une pute<br />

m'impose ses directives ! Tu veux donc le chômage ? Si nous tous<br />

agissions ainsi, qu'en serait-il de ta profession ?<br />

7


Belinda<br />

Ne t'inquiète pas, mon joli. Il me resterait toujours les Arabes.<br />

Ils sont le fond de ma caisse de commerce.<br />

Le Client<br />

On en tire aucun bénéfice ; tu confonds la recette avec...<br />

Belinda<br />

Ta gueule ! Je t'ai assez vu. Tu m'as baisée ? Alors casse-toi<br />

maintenant. J'en ai marre de ce micheton qui me donne des conseils.<br />

Fous le camp, te dis-je ! Tu m'as entendu ?<br />

Le Client<br />

Attends. Deux minutes. Tu peux m'écouter, un instant ?<br />

Pourquoi es-tu si violente, si agressive ? C'est bien la première fois que<br />

8


tu exprimes tant de haine. Que me reproches-tu ? Tu as l'argent. C'est<br />

rapide et bref. Je viens régulièrement. Alors quoi ?<br />

Belinda<br />

Je l'ignore. Je craque. Cette vie ne m'est plus possible. Tu sais<br />

combien j'en ai tiré comme toi aujourd'hui ? Encore tu es simple. Mais<br />

les autres ! Du vice, des déguisements. Se transformer en petite<br />

poupée, ou torcher ces enfants de salaud ! Crois-tu vraiment que cela<br />

soit mon traitement ? La trique, le cul en feu. Non, je n'en peux plus.<br />

On t'a déjà chié dans la gueule ? On t'a imposé les trois coups ? Se<br />

faire cravacher pour la jouissance du plaisir ! C'est infect, entends-tu ?<br />

De la merde ! Mais elle est réelle. Ma destinée de pute, c'est un avenir<br />

d'esclave !<br />

Le Client<br />

Tu l'as bien voulu. Tu pourrais t'en sortir. Personne ne t'a<br />

écarté les cuisses. Le vice, tu l'as accepté.<br />

9


Belinda<br />

Tu n'as rien compris au cercle infernal. On y entre avec une<br />

fellation. On n'en sort jamais. Des seins brûlés, cent nègres qui te<br />

foutent : ça, c'est la punition ! Je rapporte trop. Crois-tu que je pourrais<br />

m'enfuir. Si je tente de me libérer de ces chaînes, c'est ma mort ! Où<br />

que j'aille, quoique je fasse, il me retrouvera. Là seront mes<br />

souffrances. Mais tu ne saisis pas. Tache de trouver une minette, cela<br />

te suffira. Comprendre l'univers carcéral d'une pute ! Autant m'en<br />

référer à Dieu, et devenir Marie-Madeleine !<br />

Le Client<br />

Assez de tes jérémiades ! Assez de tes pleurnicheries !<br />

Maintenant je préfère me casser. Beaucoup de chômeuses voudraient<br />

gagner en dix minutes ce que tu fais avec un sexe. Plains-toi. Plainstoi,<br />

salope.<br />

Il la regarde, avec son visage de marbre. Elle s'assoie sur le<br />

lit, cuisses béantes.<br />

10


Et tu as l'audace de me parler de pureté. Tu n'as pas même de<br />

décence. Ferme tes cuisses. C'est le premier apprentissage pour chasser<br />

ta vulgarité.<br />

dernier.<br />

Il sort irrité, croise le souteneur. Il disparaît. Entre ce<br />

Mickey<br />

Il va falloir les agiter plus vite. Qu'est-ce que c'est que ce<br />

connard ? Tu causes, maintenant ? C'est pas un salon de thé, ici !<br />

Belinda<br />

Je lui ai accordé une rallonge de deux minutes. Tiens, prends.<br />

Le Pascal est sur la table. Toujours penser au client. Il revient ainsi.<br />

Laisse pisser. Il est puceau. Incapable de trouver une fille. Sa mère l'a<br />

trop couvé. Du moins, il paie. En plus, il est rapide.<br />

11


Mickey<br />

Tu sais ce que tu m'as donné, cette semaine, connasse ? Vingt<br />

mille balles ? Qu'est-ce que tu veux que je foute avec cette somme ?<br />

Que j'aille jouer aux osselets ?<br />

Il la saisit. La secoue. Lui retourne une paire de claques.<br />

Tu sais ce que l'on fait aux filles qui ne sont pas correctes ?<br />

sur le visage.<br />

Il sort un morceau de sucre. S'apprête à lui faire une croix<br />

Le souteneur<br />

D'abord, je te marque pour te punir. Après on saura te foutre<br />

pour t'humilier. Tu connais la punition ? Elle est terrible. Aucune fille<br />

en réchappe.<br />

Belinda s'éloigne et retrouve ses forces pour s'exprimer.<br />

12


Belinda<br />

Quel intérêt aurais-tu à détruire ton mange-pognon ? Si tu<br />

veux davantage de fric, laisse-moi descendre. Il y a le bar, il y a le<br />

trottoir. Mais non ! Toi, non ! Tu m'accuses de ne pas faire de fric,<br />

mais tu m'interdis de les voir. Tu crois peut-être qu'ils vont éjaculer par<br />

correspondance ; En vérité, tu crains le Gros Michel. Tu as peur qu'il<br />

me protège.<br />

Le Souteneur<br />

m'appartiens.<br />

Laisse tomber, connasse ! Ferme ta gueule. Ici, tu<br />

Belinda<br />

Les faire monter avec une photo. Avec mon cul stupide et<br />

obscène. Mais regarde-le. Il est gros, large et puant. Oui, je pue,<br />

comme toutes les putes. Le luxe et la Porsche, tu connais pas. Et<br />

pourtant, c'est la seule façon de t'enrichir. Mais regarde-moi cette<br />

piaule, elle est propice aux ébats amoureux ? Elle engendre le sexe,<br />

l'amour ? Monsieur le Souteneur m'interdit de taper dans des boîtes. Et<br />

13


Monsieur prétend que j'en suis cause ; Laisse-moi quitter cette ordure<br />

de chambre, et je te fais des millions.<br />

Le Souteneur<br />

Je vais te dire la vérité. Un jour, ton Michel je le criblerai avec<br />

mon flingue. Crois-le, on l'appellera Michel la passoire. Mais bordel,<br />

qu'est-ce que tu lui trouves à ce mec ?<br />

Belinda<br />

Ce mec, il n'enferme pas ses putes. Elles sont libres d'aller et<br />

de venir. Il ne les surveille pas. Il les laisse vivre. Elles ne sont pas<br />

cloîtrées, elles ne sont pas enfermées. Elles s'épanouissent, et écartent<br />

plus encore leurs cuisses. Tu as comparé tes revenus avec les siens. Il<br />

gagne dix fois plus que toi. Tu te jettes sur mon Pascal. C'est 5 000 F<br />

que t'aurais dû avoir cette après-midi. Tu me séquestres. Mais va jouer<br />

dix balles sur un canasson. Si j'avais un conseil à te donner, il serait<br />

mieux d'acheter des bons anonymes de la Caisse d'Épargne ; tu es un<br />

petit. Tu es un médiocre.<br />

14


Le Souteneur<br />

Je n'apprécie pas que tu puisses me parler de la sorte. Belinda,<br />

tu m'as aimé. Alors pourquoi uses-tu de tels propos ? Ceci est<br />

incompatible avec ton état de pute. Il faut me respecter. Et très<br />

précieusement. Viens, j'ai à te parler. Approche et assieds-toi<br />

doucement sur ce lit.<br />

Elle avance lentement, et ne comprend en rien où le souteneur<br />

veut en venir. Elle semble effrayée, mais obéit toutefois. Il lui tapote<br />

les jambes. Et d'un coup, lui projette la tête en arrière. Il lui arrache<br />

une touffe de sa chevelure blonde. Elle jette un cri de douleur.<br />

Le Souteneur<br />

La prochaine fois que tu oseras me contredire, ce sera mon<br />

poing que je t'enfoncerais dans le cul. Violemment, cruellement. Mais<br />

tu es une belle salope. Alors continue à sucer et à te faire foutre. Mais<br />

augmente le rendement. J'ai besoin de fraîche, mon amour, tu<br />

comprends.<br />

15


Elle reprend peu à peu ses esprits.<br />

Belinda<br />

Si du moins, je pouvais travailler. Mais reconnais, Mickey,<br />

que tu me l'interdis. Il y a contradiction. Tu veux plus, et je ne peux<br />

descendre. Je t'assure que le pognon est en bas, et non pas ici. Donnemoi<br />

une ligne téléphonique : en cinq minutes, on fait cent cinquante<br />

balles. Mais tu crains que j'appelle Michel, n'est-ce pas ?<br />

Le Souteneur<br />

Je crois que tu ne m'as pas bien entendu.<br />

Belinda<br />

Mais si ! Mais si ! Tu veux davantage de fric. Je te le jure, je<br />

les ferai. Mais je suis cloîtrée. Je ne fais que te le répéter.<br />

16


Mickey<br />

copains.<br />

Je fais monter des mecs. A toi de convaincre leurs petits<br />

Belinda<br />

Non, Mickey ne fais pas ça.<br />

Mickey se dirige vers l'armoire. Il se saisit d'une paire de<br />

menottes. Il lui met un mouchoir dans la bouche. Il déboutonne<br />

lentement son chemisier. Apparaissent deux seins splendides et<br />

généreux en forme de poire. Il l'observe humiliée et honteuse. Avec<br />

vice, avec délectation il allume lentement une cigarette. Il tire<br />

rapidement afin de faire rougir le bout incandescent. Sa main tient le<br />

mamelon, il écrase le rouge brûlant sur la pointe du sein. Elle se tord<br />

sous la souffrance, et sombre dans l'évanouissement.<br />

17


Le Souteneur<br />

Je t'avais bien prévenue. Il ne faut jamais m'accuser avec mon<br />

comportement. Tu sauras que j'ai toujours raison, comme tu es réduite<br />

à l'état d'esclave. Tu sais qu'elle sera ta prochaine punition, si tu oses<br />

me contredire ?<br />

terrible.<br />

Donc tu vas me le faire ce fric. Autrement, cela sera plus<br />

Elle n'entend pas même ses paroles.<br />

Je pourrais t'enculer, histoire de me décharger un peu. Mais tu<br />

es trop large. Tu ne saurais pas même le serrer pour que j'en rire<br />

quelque jouissance. D'ailleurs, il y a le foutre de l'autre idiot. Je déteste<br />

mêler les spermes. Je t'apprendrai le lavement, histoire d'hygiène. Tu<br />

comprends, c'est plus propre.<br />

des menottes.<br />

Il quitte la pièce, en laissant soigneusement sur la table la clé<br />

18


Ceci est une leçon. Mais ne me parle plus jamais sur ce ton.<br />

Ce n'était qu'un simple avertissement. Tu sais que je peux aller très<br />

loin, trop loin même. Seule, la mort odieuse te délivrerait. Garde ta<br />

distance de pute. Tu ne vivras jamais dans un bordel de luxe, mais tu te<br />

complairas toujours dans une chambre d'enculés. Tel est ton destin, ma<br />

sublime salope.<br />

Il sort avec un ricanement. Il appelle Géraldine.<br />

Le Souteneur<br />

Tiens, je crois que ta copine a quelques petits problèmes.<br />

Géraldine se précipite. Elle est à moitié dévêtue. Elle porte<br />

une robe de chambre en soie grise, légère et entrouverte.<br />

19


Géraldine se précipite<br />

Mais, ce n'est pas possible ! Qu'est-ce que tu as fait à ce<br />

salaud pour qu'il t'inflige cela ?<br />

Elle voit la clé sur la table, et la délivre rapidement. Elle lui<br />

arrache le bâillon de la bouche.<br />

Géraldine<br />

Que lui as-tu encore raconté pour qu'il t'impose cette punition ?<br />

Mais réponds-moi imbécile. Tu sais très bien qu'il est maniaque,<br />

complètement parano - qu'il frappe sans savoir pourquoi : Ho ! Ton sein<br />

! Il t'a brûlé le sein droit avec sa cigarette. Attends vingt secondes.<br />

Elle court et se dirige vers le lavabo. Elle humecte une<br />

serviette, et la place avec délicatesse sur le téton meurtri.<br />

20


Belinda, reprenant son souffle.<br />

C'est un fou à enfermer. Il m'accusait de ne pas faire<br />

suffisamment de fric. Je lui ai laissé entendre que je devais descendre,<br />

aller au bar ou sur le trottoir. Cela et rien de plus, je te le jure. Arrête<br />

de me toucher. Tu me fais mal.<br />

Géraldine<br />

Tu sais bien qu'on ne peut pas causer. Pourquoi ne fermes-tu<br />

pas ta gueule ? Bouffe des couilles, fais-toi enculer. Crache leur jute.<br />

Laisse les décharger en toi. Mais tais-toi. Moi, aussi je sais que je<br />

serais plus heureuse avec le Gros Michel. Tu ne lui as pas parlé de<br />

Michel ? Pauvre conne, ne prononce plus jamais ce nom devant lui.<br />

Toi, tu as eu les menottes. Moi aussi. La semaine dernière, il m'a<br />

pressé les seins avec des tenailles. Il m'a comme arraché clito.<br />

Souffrance effrayante, mais je suis vivante. Et cela est le plus<br />

important.<br />

21


Belinda<br />

Non, jamais je ne voudrais servir d'objet de tortures. Même<br />

les mégalos ne font pas ça. Cette violence est insupportable. Je te le<br />

répète, ce n'est plus supportable.<br />

Géraldine<br />

Vas-y, ma belle. Comme tu ne peux sortir par la porte<br />

d'entrée, envole-toi par les airs. De nuit, comme un chat, tu iras de toit<br />

en toit. Tu échapperas enfin à son joug infernal. Il te l'a déjà dit : "Où<br />

que tu ailles, quoique tu fasses, il te retrouvera". Nous sommes des<br />

putes, et nous le resterons jusqu'à la fin. Et quand on sera plus<br />

consommables, il nous jettera pareilles à de la merde.<br />

Belinda<br />

Au départ, je n'étais pas une merde. J'étais une bonne fille. Il<br />

m'a eue parce qu'il a su me faire jouir. Puis je suis tombée dans son<br />

piège. Une passe. Deux passes. Puis le vice infernal. Et la prostitution.<br />

22


Mais pourquoi ? Je suis séquestrée. Tu es une séquestrée. C'est de<br />

l'esclavage au vingtième siècle. L'usine n'est rien à côté !<br />

Géraldine<br />

On y gagne quand même plus de fric ! Moi aussi je me suis<br />

fait avoir après quelques heures de jouissance. Et j'ai obéi. Il me<br />

semblait tellement beau ! Quelle connasse, je n'étais pas !<br />

Dans un bordel à merde<br />

Une pauvre ingénue<br />

A décidé de perdre<br />

Son con et sa vertu.<br />

Elle salivait d'extase<br />

Et se savait foutue<br />

Et jouissait de ses râles<br />

En proposant son cul.<br />

23


Tu connais la chanson. C'est Micheline qui la sort quand elle<br />

est ivre. Elle se délivre de son identité, et tâche d'oublier son médiocre.<br />

Elle répète ça. Elle le répète encore.<br />

Belinda<br />

Je veux te faire une confidence. Tu me jures de n'en dire rien<br />

à personne. Si tu osais le répéter, il en irait de ma mort. Je te parle avec<br />

tout mon sérieux. Je ne veux plus de ce sein brûlé, ni de mon sexe<br />

violenté. Il faut que je m'échappe, il faut que je fuis. Là, est ma seule<br />

solution. C'est l'unique possibilité. Plus de tortures ! Plus de vice !<br />

M'en retourner à l'état normal. Être une femme comme les autres. Ne<br />

plus jamais salir mon corps avec le sperme d'inconnus. Je voudrais<br />

manigancer un stratagème, trouver enfin une issue. Mais, j'ai besoin de<br />

ton aide, Géraldine !<br />

Géraldine<br />

A la première violence, parce que tu as pris une baffe, tu crois<br />

t'échapper ! Mais tu n'as reçu qu'une petite humiliation. D'autres<br />

suivront. De bien plus dures. Tu crois avoir une âme, mais tu n'as<br />

qu'un sexe. Il est uniquement fait pour être pris.<br />

24


Belinda<br />

Je te parle sérieusement. Si nous le voulons nous pouvons<br />

nous en sortir. Écoute-moi bien. Il suffit d'agir par l'absurde. Si trois,<br />

quatre heures nous sont données, avec le premier train, le premier<br />

avion, des destinations folles, il ne nous retrouvera pas. On peut se<br />

maquiller, se teindre la chevelure, changer de relations, voir un autre<br />

monde ou nous planquer tout simplement. Tu crois qu'il nous<br />

chercherait jusqu'à Lausanne, jusqu'en Suisse. Penses-tu qu'il tenterait<br />

de nous poursuivre ! C'est oublier les autres filles qu'il domine. Jamais<br />

il n'accepterait de les abandonner. Il est seul. Il ne forme pas un<br />

ensemble solide avec ses autres mecs : c'est chacun pour soi.<br />

Géraldine<br />

Là, tu te trompes, car toutes les putes pourraient agir ainsi.<br />

Non ils deviennent force, ils se rassemblent. Je ne voudrais pas même<br />

être une aiguille dans une motte de foin. Ils brûlent la motte. Apparaît<br />

l'aiguille. Ainsi de nous, ma petite sœur. Qu'arrive-t-il à un maquereau<br />

dénoncé par les filles ? Il s'en tire avec cinq ans de tôle ! Mais de sa<br />

25


prison, il nous domine encore. Et l'on continue à travailler pour lui. Et<br />

après, la punition - l'ignoble punition. Tu sais bien que les flics ne font<br />

rien. Ils nous surveillent trois mois, six mois. Mais le milieu nous tient<br />

jusqu'à notre mort. Car c'est la mort que tu recherches ?<br />

Belinda<br />

J'ai la certitude qu'il existe un moyen pour s'en sortir. Il faut<br />

être très fortes, mais nous le sommes, Géraldine.<br />

Géraldine<br />

Tu n'as pas de plan. Tu n'as pas même une ébauche d'évasion.<br />

Je te dis que cela est impossible.<br />

Belinda<br />

Il me faut descendre. Je dois dans un premier temps aller au<br />

bar. Il faut que je parvienne à travailler avec les clients.<br />

26


Géraldine<br />

Ça c'est logique. Et ça semble facile. Il pensera que tu veux<br />

lui rapporter davantage. Il prétendra même que tu as compris où il<br />

coulait en venir, c'est-à-dire à sa soumission pure et simple. Que tu as<br />

reçu une bonne leçon avec ce sein brûlé, que tu ne lui es qu'obéissance<br />

et pognon à faire. Laisse-moi, je vais arranger le coup. S'il ne m'écoute<br />

pas, c'est que j'y comprends rien. Je risque de prendre une trempe.<br />

Mais c'est à jouer.<br />

27


II<br />

Géraldine quitte la chambre. Le rideau tombe. Changements<br />

substantiels de décors. La scène pivote. A présent, nous sommes dans<br />

le bar. Effets classiques : des types de mauvais genre tapent le carton,<br />

la cigarette au bec. Des clients sont assis sur des tabourets. La pièce<br />

est enfumée. Il ne faut en rien tomber dans la parodie du bar. Cela<br />

doit être un bar. Quelques filles sont jambes pliées, et laissent<br />

apparaître un peu de leurs charmes. La lumière se projette sur le<br />

souteneur et Géraldine. Le Gros Michel tirant sur son cigare, est dans<br />

un coin. Géraldine joue les penaudes et les timides. Elle demande<br />

toutefois la permission de parler avec le Souteneur qui semble agacé.<br />

Il lui donne une oreille indifférente.<br />

Géraldine<br />

Je voudrais te parler loin des autres. Ce que j'ai à te dire est<br />

important. Tu sais que tu lui as foutu une sacrée trouille à Belinda. Elle<br />

te craint, et ne jure que par toi.<br />

28


Le Souteneur<br />

Si tu crois m'en apprendre. Je sais comment il faut les mâter<br />

les greluches. Cela lui a servi de leçon.<br />

Géraldine<br />

C'est pas pour ça que je voulais te causer. Je l'ai vue, elle<br />

semblait complètement pommée. Elle ne savait plus où en donner. Elle<br />

ne sentait rien avec le sein. Non, elle s'accusait de ne pas te faire<br />

davantage de fric. Elle disait : c'est ma faute, c'est ma faute. Si j'avais<br />

su ! Mais voilà le couac ! C'est qu'elle voudrait mais elle ne peut pas !<br />

Le Souteneur<br />

Qu'est-ce que tu me baves avec tes conneries ! Qu'est-ce que<br />

cela veut dire ? Attention, je t'ai à l'œil ! N'essaie pas de jouer au plus<br />

malin avec moi.<br />

29


Géraldine<br />

Elle m'a répété inlassablement : si je descendais, je suis<br />

persuadée que je lui en ferais des clients. Mais il me l'interdit. Mais<br />

pourquoi, Géraldine ? Mais pourquoi ? Elle me secouait. Elle me<br />

montrait ses seins, son sexe et son cul. Mais franchement, ne suis-je<br />

pas à baiser ? C'est de la qualité, tout ça. Puis, j'ai pensé comme elle. Je<br />

me suis dit : c'est con de lui interdire de descendre. Là, il y a du<br />

pognon à prendre. Elle est obéissante, et gonflerait ton portefeuille. Tu<br />

ne m'en veux pas, de te dire ça ? Mais elle n'osait pas.<br />

Le Souteneur<br />

Attends. Laisse-moi réfléchir. Tu prétends qu'elle veut<br />

travailler, et me faire gagner plus de fric.<br />

Il regarde le Gros Michel. Il se met à tiquer.<br />

30


Le Souteneur<br />

S'il n'y avait pas ce gros con, j'essaierai. Je tenterai. Je n'aurai<br />

rien à perdre. Mais il est là. Il va me la piquer.<br />

Géraldine<br />

Elle ne l'aime pas. Il est bouffi et grossier. Jamais, elle<br />

n'accepterait de travailler pour lui. Tu te fais des idées. Regarde-le. Il<br />

boit. Il est gonflé par les scotchs qu'il ne cesse de s'enfiler. Vulgarité,<br />

grossièreté. Ce n'est pas ce qui plaît à Belinda. Elle est trop fine, trop<br />

subtile pour se jeter dans les bras de cet ivrogne. Il ne parle pas, il rote.<br />

D'ailleurs, il ne travaille qu'avec la chaîne à vélo. Il détruit son appareil<br />

productif. Une belle pute, il en fait une laideur. Il frappe et cogne. A<br />

part cela, il ne connaît rien. D'ailleurs, toutes les filles sont d'accord<br />

avec moi : si elles pouvaient choisir, crois-moi que sur la place, ce<br />

n'est pas lui qui en imposerait - ce serait toi.<br />

31


Le Souteneur<br />

Ouais, ouais, je sais. Mais je n'y peux rien. Je ne peux tout de<br />

même pas le flinguer, cette espèce d'enflure, ce gros sac ambulant.<br />

Tous ces collègues me tomberaient dessus. Et c'est moi qui serais dans<br />

le trou. Quant à vous, vous deviendriez leurs putes. Et côté existence,<br />

cela sera plus terrible encore. Tu connais les rythmes infernaux qu'ils<br />

imposent à leurs filles. Ton chat serait en feu. Quant à ton cul, une<br />

caserne de pompiers ne suffirait pas à l'éteindre. Pour en revenir à<br />

Belinda, c'est de la bonne chair. J'exploite mal peut-être. Je pourrais en<br />

tirer davantage. Mais il faut la faire descendre. Et çà, je ne veux pas en<br />

entendre parler.<br />

Géraldine<br />

Mais pourquoi ? Tu n'as pas à les craindre. D'ailleurs elle<br />

t'obéira. Si tu lui imposes de remonter illico, elle refait quatre à quatre<br />

les marches ! Mais quel pognon, tu perds. Tu joues, Mickey : tu joues<br />

même très gros. Tu as plein de problèmes. Tu ne peux pas rembourser<br />

des dettes.<br />

32


Mickey, le souteneur<br />

Je joue ce que je veux. Et je n'ai aucune justification à donner<br />

à quelqu'un. C'est mon fric. J'en fais ce que bon me semble. Tiens-toi<br />

le pour dit, et reste à l'écart.<br />

Géraldine<br />

Ce n'est pas ce que je voulais dire, mais elle te ferait du<br />

pognon. C'est pas négligeable.<br />

Mickey<br />

Elle ne doit pas descendre. C'est perdre une valeur sûre.<br />

D'ailleurs, j'ai trop discuté avec toi. Allez ! Casse-toi de cette table.<br />

Il appelle le garçon, et demande un scotch. Il le respire<br />

lentement. Puis le boit à petites goulées. Il ressasse et réfléchit. Il<br />

observe d'un œil attentif le Gros Michel qui se marre en causant avec<br />

33


des types qui sont au bar. Géraldine fait son travail, sans grand<br />

résultat.<br />

Mickey<br />

Évidemment, ce n'est pas avec une connasse de ce genre que<br />

je pourrais jouer cent sacs sur la troisième avec Belle de mai. Pourtant,<br />

Karl m'avait dit que c'était un bon tuyau. Enfin, pas de fric.<br />

A Géraldine.<br />

Mickey<br />

Hé ! Approche un peu. Tu veux que je te mettes à l'amende.<br />

Qu'est-ce que cette pute qui fout rien. Regarde-moi comment tu es<br />

foutue. Va dans tes chiottes, et enlève ton slip. Du moins, tu les<br />

exciteras davantage.<br />

34


Géraldine<br />

Ce n'est pas de me foutre à poil qui te fera gagner du fric.<br />

Mais c'est d'être sur le trottoir. Mais ça aussi, tu me l'interdit. Je vais te<br />

dire, Mickey. Ici, il n'y a personne. Ils sont tous là pour regarder la<br />

marchandise. Mais aucun ne voudra me tirer. Mais tu m'interdis de<br />

traverser la rue. Les clients ne sont pas au bar, ils sont dehors. Là, il y a<br />

du monde. Belinda est séquestrée. Géraldine est interdite de sortir.<br />

Mais comment veux-tu ? C'est toujours Michel qui s'en tire le mieux.<br />

Où sont ces filles ? Elles sont dehors, et travaillent. Reconnais que tu<br />

voudrais bien obtenir ce que lui fait avec ces filles.<br />

Mickey<br />

En vérité, tu as peut-être raison. Tu peux dire à Belinda de<br />

descendre. Mais qu'elle ne frime pas. Qu'elle n'en fasse pas trop. C'est<br />

du luxe que je propose.<br />

35


Géraldine<br />

Je monte immédiatement. Je lui demande de se changer,<br />

d'apparaître sous un autre aspect. Tu verras, elle te plaira. Si elle ne<br />

peut séduire, c'est que je ne comprends rien à mon travail de pute.<br />

Quelques moments s'écoulent durant lesquels il y a agitation<br />

au bar. On discute. On boit. L'un inconnu cherche des histoires. Il est<br />

ivre. On le sort presto. Une autre met de la musique, elle glisse<br />

quelques pièces dans la boîte à disques. Tout s'en retourne au calme.<br />

Une sorte de brouhaha de routine, espèce de sourdine. Du haut de<br />

l'escalier, apparaît Belinda. Elle porte une robe très sexy, quoique<br />

élégante. Elle respire la classe. Elle descend toutefois avec maladresse<br />

les marches de l'escalier. Ses talons hauts à aiguille la gênent<br />

considérablement. Elle feint à une sorte d'aisance, mais prouve sa<br />

maladresse. Géraldine, la précède. Ses habits sont les mêmes. Belinda<br />

atteint la dernière marche. Les hommes assoiffés, l'observent avec une<br />

attirance dévorante. Elle est comme métamorphosée, belle, splendide<br />

et resplendissante. Sa chevelure roule sur ses épaules. Sa gorge<br />

pointue demande à faire exploser ses seins en poire. Belinda, baisse<br />

les yeux. Son souteneur est médusé. Un tabouret l'appelle. Elle<br />

s'assoie et commande un alcool. Les hommes détournent leurs<br />

regards, et bavardent bêtement. Tous ont en tête Belinda.<br />

36


Géraldine<br />

T'as vu l'effet qu'elle a fait ? C'était pas génial, mon idée ?<br />

Tous les mecs en sont fous, et déjà bandent pour elle. Tu vois bien<br />

qu'il ne fallait pas la laisser là-haut. Tu as perdu des millions avec ton<br />

comportement à con. Séquestrer la beauté ! Pourquoi pas la foutre aux<br />

oubliettes !<br />

Mickey<br />

Attends de la voir à l'ouvrage. On pourra en parler après. Soit,<br />

elle crache. Mais elle ne tire rien. Observe, pas un client. Si ça<br />

continue elle retourne au poulailler et tu vas m'entendre lui gueuler<br />

dessus.<br />

Géraldine<br />

Seulement deux minutes se sont écoulées. Leurs pines sont<br />

aimantées. Elles veulent la foutre. Elle est irrésistible.<br />

Le Gros Michel s'avance, et se dirige vers Belinda.<br />

37


Le Gros Michel<br />

Quand je t'avais dit que tu n'étais qu'une conne. Que tu devais<br />

t'en remettre à moi. Mais tu as préféré cet imbécile. Dix fois, vingt fois,<br />

je lui aurais cassé la gueule. Et crois-le, il l'aurait fermé. Mais non,<br />

Mademoiselle a préféré faire des siennes. C'est un minable qui te<br />

soutient. Et pourtant Dieu sait comme tu es belle ! Moi, je faisais de toi<br />

quelque chose de bien, car tu as la classe, Belinda. C'est pas ici que tu<br />

serais, mais avec les putes de luxe. Car tu es du luxe. Hé ! Dis-le, on te<br />

tire à combien ? Cent balles ? Mais tu plaisantes tu vaux deux fois ton<br />

prix. T'as vu son cul ? Il est sublime. Génial. Tous les mecs ont envie<br />

de la foutre. Je parie qu'il te donne une misère. Ah ! Bordel. Si du<br />

moins, tu voulais m'écouter !<br />

Belinda<br />

vélo...<br />

Tu n'es qu'un rustre. On connaît tes méthodes. La chaîne à<br />

Le Gros Michel<br />

J'ai évolué. Les salopes qui ne veulent pas m'obéir, c'est à la<br />

seringue que je les mène. Une bonne petite piquouse, et elles nagent<br />

38


dans le brouillard. Puis des melons à la queue leu leu. C'est le cas de le<br />

dire !<br />

Un gros éclat de rire, gonflé d'un rôt de bière. De poursuivre,<br />

Elles bavent dans le sperme. Elles en ont dans la gueule, dans<br />

le cul et dans le con. D'ailleurs les mecs y gueulent. Ils trouvent que<br />

c'est trop poisseux. On est obligé de la laver. Une autre piqûre pour lui<br />

serrer le cul - c'est trop mou et trop large. Un bon petit lavement, et<br />

voilà que c'est tout propre. Mais une fille à l'amende, c'est une fille à<br />

l'amende. Toi, ça ne t'arriverait jamais. De toute façon, elles ne savent<br />

plus où elles en sont. Comme des mécaniques. Mais crois-moi, ces<br />

Arabes foutent n'importent quoi. Tu sais ils sautent leurs chèvres làbas.<br />

Alors une femme ! Mais, je dis pas ça pour toi.<br />

Belinda<br />

Tu oses me parler de tes méthodes. Elles sont ignobles. C'est<br />

ainsi que tu veux que je quitte Mickey, et que je t'appartienne.<br />

39


Le Gros Michel<br />

Parlons-en de ton Mickey adoré.<br />

Il lui arrache son corsage. Apparaît son sein droit boursouflé<br />

par la brûlure de cigarette.<br />

Le Gros Michel<br />

Tu vas me parler d'amour ! Mais qu'as-tu fait pour subir cela ?<br />

Tu me dis que je suis détraqué. Mais, voilà ce qu'il ose te faire. Il<br />

castagne la marchandise.<br />

Belinda<br />

Mieux vaut crever que de travailler pour un mec de ton<br />

espèce. Tu n'es pas une ordure, cela serait si peu. Tu n'es que<br />

grossièreté, que vice et qu'ignominie ! J'ignore même si tu connais le<br />

sens de ce terme. Tu me proposes l'enfer. Laisse-moi dans mon<br />

purgatoire. C'est un monstre qui vit en toi. Comme on dit : entre deux<br />

maux, je choisis le moindre.<br />

40


Le Gros Michel<br />

Et pourtant, poupée ! Tu as tort. Tu as même très tort. Moi, je<br />

ne t'enfermerais pas. Tu pourras vivre. Écoute, Belinda. Depuis quand,<br />

n'es-tu sortie en ville pour t'acheter un vêtement, pour te faire belle ?<br />

Mickey te l'interdit, moi, je te l'accorderai. Toutes les filles te le<br />

jureraient. Demande-leur. Questionne-les.<br />

Elle en cesse là avec le gros Michel, et se dirige vers un<br />

client, qu'elle séduit rapidement. Elle discute, et parvient à la<br />

convaincre de monter. Tous les yeux sont fixés sur la croupe de<br />

Belinda qu'elle balance avec adresse. Le type la suit comme médusé.<br />

Son cul est génial. On le croyait près à éjaculer dans son slip. Les<br />

lumières tendent vers Mickey, qui rit sournoisement. Le gros Michel,<br />

agressif se dirige vers Mickey, une bière à la main. Il s'assoie à la<br />

table.<br />

Le Gros Michel<br />

Tu as enfin compris ce que valait ta pute. C'est de l'or. Je<br />

n'aurais pas hésité à te la piquer, mais elle semble t'aimer. Si l'on peut<br />

41


employer ce terme. Comment ce luxe pourrait se complaire d'un<br />

médiocre !<br />

Mickey<br />

Ne provoque pas, tu veux ! Quand je considère tes méthodes,<br />

je ne m'étonne pas qu'elle se refuse. Et qu'elle préfère Mickey, à un<br />

gros con de Michel.<br />

Le Gros Michel<br />

Hé ! P'tit gars ! On est de la même zone. Tu ne vas pas<br />

m'apprendre les belles méthodes. Tu as vu son sein ? C'est toi salaud<br />

qui détruis ton appareil productif. Alors pas de conseils et pas de<br />

remarques. Sinon, je t'écrase la gueule. Un connard comme toi, je le<br />

flingue. Rien, petit, tu n'es rien.<br />

Mickey<br />

Tu me lâches, un peu. J'te foutrais bien deux pruneaux dans<br />

ton bide. Il en cracherait de la bière. Alors fous le camp.<br />

42


Mickey quitte la table. Il monte lentement les escaliers, et<br />

regarde avec des yeux injectés de sang le gros Michel. Au passage, il<br />

croise le client qui semble fort satisfait du bien-être que lui a procuré<br />

Belinda. Mickey l'ignore et monte toujours avec lenteur. Les lumières<br />

s'effacent lentement. La scène plonge dans l'obscurité. Le rideau<br />

tombe.<br />

43


III<br />

La scène représente la chambre de Belinda. Elle est dévêtue.<br />

Deux Pascal brillent sur la table de chevet.<br />

Belinda<br />

Tu peux les prendre, ils sont à toi. Crois-le, ça ne m'a pas<br />

coûté très cher. Une robe fendue, une chevelure frisée, un peu de<br />

frime, un type en chaleur, et voilà ton pognon. Mickey, je te l'avais dit<br />

cent fois : je t'avais demandé de descendre au bar. Là sont les clients.<br />

Et là est le fric à prendre. Mais non, toi butté et stupide, tu as préféré<br />

me punir, m'enfermer dans ce taudis. Pour obtenir quoi ? Rien. De la<br />

recette minable.<br />

Mickey<br />

C'est Géraldine qui pour une fois a eu une bonne idée. J'ai<br />

longtemps hésité. Mais tu comprends, le pognon ça m'excite.<br />

44


illets.<br />

Il glisse rapidement l'argent dans sa poche. Il froisse les<br />

De poursuivre : c'était pas con, son idée. C'est vrai, je t'ai<br />

sous-estimée. Je te croyais seulement capable de te faire enfourcher par<br />

des branleurs. Non, tu vaux mieux que ça. Il y a du flouze à récolter,<br />

ailleurs. Avec de la bonne clientèle. Ho ! Certes ! Pas encore des<br />

émirs. C'est pas demain, que tu me fileras des pétrodollars. Mais qui<br />

sait ? Fais voir ton sein ? Il n'est pas trop abîmé. C'est vrai, j'ai été nul.<br />

Mais tu me connais, j'éprouve une jouissance certaine à faire pâlir les<br />

putes.<br />

Elle se réfute : Mickey laisse tomber. Le sein se dégonflera.<br />

Baise-moi, si tu veux.<br />

Le public doit voir son sexe jaune entrebâillé. Elle est cuisses<br />

béantes. Elle est écartée. Il pousse sa jambe, et l'oblige à se refermer.<br />

Mickey<br />

C'est pas parce que je bande, que j'ai envie de te foutre.<br />

D'accord, tu as gagné un point. Mais n'en fais pas trop.<br />

45


Belinda<br />

Quoi ! Elle pue ma chatte ! Pourtant l'autre connard me l'a<br />

bouffée, et je te jure que j'en ai presque joui.<br />

Mickey<br />

Je te l'ai déjà dit. Ferme-la maintenant, et cesse d'en faire de<br />

trop. D'accord, tu as gagné un point, mais ne me chauffe pas.<br />

Belinda<br />

Ce que je te reproche, c'est de m'avoir toujours considéré<br />

comme une pute de bas quartier. Tu ne m'as jamais donné la possibilité<br />

d'être une autre fille. Mieux ! Bien mieux ! A présent, tu t'en rends<br />

compte, Mickey. Tu m'as enfermée durant des mois dans cette<br />

pourriture. Tu m'as interdit de sortir. Et je ne savais pas pourquoi. Les<br />

mecs devaient se fier à toi. Mais que craignais-tu au juste ? Pourquoi<br />

cette interdiction ?<br />

46


Mickey<br />

Tu as toujours été une fille différente des autres. Je ne te<br />

sentais pas. Je n'ai jamais cru en toi. Voilà pour l'interdiction de sortir.<br />

Peut-être que tu me sembles trop intelligente, et qu'il y a toujours<br />

quelque chose qui se manigance dans ta cervelle.<br />

Belinda<br />

Comme tu te trompes, et comme ta suspicion n'est pas de<br />

mise. Ai-je été une fois, une seule incorrecte avec toi ? Tu ne peux pas<br />

le prouver. D'ailleurs il n'y a aucune preuve. Je ne suis pas de celle qui<br />

laisse tomber son mac, même s'il s'est comporté comme un salaud. Je<br />

t'ai proposé ma chatte, ce soir. Et tu me la refuses. Non, Mickey,<br />

jamais tu ne pourras me reprocher quoi que ce soit.<br />

Il passe la main dans sa poche et entend le bruit délicat des<br />

billets. Ses yeux s'éclaircissent.<br />

47


Mickey<br />

Je sais ce que tu penses. Tu voudrais régulièrement descendre<br />

et ne plus rester cloîtrer dans cette pièce. Il faut reconnaître que ta<br />

première exhibition a craché. Tu en as étonné plus d'un. Ils te fixaient<br />

tous. Je crois même que certains ont dû éjaculer dans leur slip, ou sont<br />

en train de se branler en pensant à toi. Ça serait crétin de perdre cette<br />

marchandise.<br />

Belinda<br />

Tu joues trop petit. J'ai des idées bien supérieures aux tiennes.<br />

Ce n'était pas dans ce taudis qu'il fallait me laisser, ce n'est pas dans un<br />

bar rempli d'ivrognes qu'il me faut faire le tapin, mais c'est dans la rue,<br />

Mickey que je dois travailler. Mieux encore, comme le faisait<br />

remarquer le Gros Michel...<br />

Mickey<br />

Ne prononce jamais son nom, tu entends.<br />

48


Belinda<br />

Je suis une pute de luxe. Tu vas me dire que j'en demande de<br />

trop, pourtant il me faudrait une bagnole - une superbe - une Jaguar.<br />

Ainsi, je pourrais travailler avec Géraldine. A nous deux, on ferait des<br />

miracles. En trois minutes, on touche 1 000 balles avec une branlette.<br />

On les rendrait fous, les mecs.<br />

Mickey<br />

Te payer une Jag ! Et pourquoi pas une Rolls tant que tu y es !<br />

Tu es devenue complètement barjot ! Et avec Géraldine ! Elle ne sait<br />

pas même marcher avec des talons à aiguille. Niveau cancre, tu la vois<br />

conduire, une bagnole de course !<br />

Belinda<br />

De toute façon, nous permettre de l'essayer, nous engagerait à<br />

rien. Tu peux la louer la bagnole, on te la remboursera.<br />

49


Mickey<br />

Ça serait déjà bien beau, si je te permettais d'aller sur le<br />

trottoir. Tu n'as qu'une preuve dans le bar. Alors la caisse, le travail à<br />

deux !... Avec Géraldine ?<br />

Belinda<br />

Tu l'as sous-estimée. Elle n'est pas si niaise que tu le prétends.<br />

Mais elle est bloquée seulement. Elle est autorisée à descendre...<br />

Mickey<br />

Géraldine, elle me paie mes cigarettes, et encore je fume des<br />

brunes. Tu as connu un type satisfait lorsqu'il la tirait ?<br />

Belinda<br />

N'oublie pas qu'elle est caressante. Elle, c'est la douceur. Ça<br />

plaît aux michetons et aux vieux qui ne peuvent pas éjaculer. Hein !<br />

Combien de branleurs, combien d'impuissants à son actif ? Des<br />

50


centaines, peut-être ? Et puis la clientèle revient : c'est qu'elle est<br />

satisfaisante. Non, je t'assure, nous pourrions travailler toutes deux.<br />

Observe-moi. Imagine-la. On a tout ce qu'il faut où il faut. Je ne<br />

comprends pas pourquoi tu doutes. Quel est le malaise ? Il vient de<br />

moi, je suppose. Tu n'as pas confiance. Tu te méfies. Ainsi je serais<br />

indigne de toi. Ainsi, je pourrais faire des conneries. A moins que tu<br />

doutes de Géraldine...<br />

Mickey<br />

En Géraldine, j'ai une entière confiance. C'est elle que j'ai eue<br />

en premier. Elle est ma femme. Toi, tu es ma pute. Tu comprends la<br />

différence ? C'est un monde qui vous sépare. Elle, c'est ma moitié.<br />

Certes je la punis, mais c'est pour son bien. M'a-t-elle, une fois, une<br />

seule, accusé ? Que non ! Je crois en elle, et pourtant ce n'est qu'une<br />

pute.<br />

On entend gratter à la porte. Ils se regardent. Puis on frappe<br />

discrètement. Les coups se font plus forts.<br />

51


Géraldine<br />

C'est moi. Est-ce que tu peux m'ouvrir, Belinda ? J'ai à te<br />

causer. C'est de ce soir, tu m'ouvres ?<br />

Mickey lui fait signe de la tête.<br />

Belinda<br />

Entre. La porte n'est pas fermée.<br />

Mickey.<br />

Géraldine pousse la porte. Elle semble étonnée de voir<br />

Géraldine<br />

Je ne savais pas que vous étiez en conversation. Autrement,<br />

j'aurais jamais osé...<br />

52


Mickey<br />

Mais ça n'a pas d'importance. Belinda, tu seras gentille,<br />

retourne au bar et rapporte-moi quelques Pascal. Reste, Géraldine. Et<br />

ne joue pas les traumatisées. J'ai trois mots à te glisser.<br />

Belinda quitte sa chambre, avec quelques regards mauvais.<br />

Elle n'accepte pas que Géraldine utilise sa chambre. Effets scéniques.<br />

Mickey<br />

Tu écoutais à la porte ?<br />

Géraldine<br />

Je t'assure que non. J'arrive simplement. Non, je voulais te<br />

causer. Et comme je savais que tu n'étais pas en bas. Puis, j'ai<br />

demandé. On m'a dit que tu étais monté. Alors. Me voilà. J'ai quelque<br />

chose d'important à te dire.<br />

53


Géraldine se tord les mains. Ne sait comment s'y prendre.<br />

Elle tente quelques bribes de phrases, puis se réfute. Enfin, elle<br />

entame.<br />

Géraldine<br />

Tout çà, c'est à cause de Belinda. Elle zone complètement.<br />

Elle essaie de te tromper. C'est de la ruse, Mickey. Mais c'est pas vrai.<br />

Mickey<br />

Attends, calme-toi, mon petit. Je ne comprends rien à ce que<br />

tu me dis. Tu voudrais y aller calmos, histoire de pas mélanger tes<br />

gambettes. D'ailleurs, elles tremblent. Pourquoi ? Pose ton cul.<br />

Géraldine<br />

Je te dis que Belinda veut te tromper.<br />

54


Mickey<br />

Ça c'est risible ! Me tromper. C'est ce qu'elle fait nuit et jour,<br />

et cela dure depuis trois ans. Alors un peu plus.<br />

Géraldine<br />

Elle m'a causée, tout à l'heure, avant de descendre. Elle<br />

voudrait se casser, se faire la malle et la belle. Elle voulait même que<br />

j'y participe. C'est pourquoi, Belinda a souhaité descendre. C'est le<br />

premier pas vers la sortie.<br />

Mickey<br />

Tu rêves, Géraldine. Tu as déjà vu une pute jouer ce coup à<br />

son mac. Elle sait trop ce qu'elle risque. Donne-moi le nom d'une seule<br />

qui s'y est essayée. Tu sais comment elles finissent les filles !... Je ne<br />

voudrais pas être à la place des celles qui ont envoyé au coffre les<br />

mecs de Grenoble. Ils en ont pour cinq ans. C'est trop. C'est beaucoup<br />

trop. Mais elles, c'est la mort qui les attend dans des souffrances<br />

55


terribles. Toutes le savent, les macs sont solidaires. C'est la mort de la<br />

profession si on laisse faire. Alors ?<br />

Géraldine<br />

Peut-être pour les autres. Mais toi, qui te soutiendrait ? Le<br />

gros Michel, il veut nous prendre. Tu penses qu'il ne bougerait pas s'il<br />

savait qu'une d'entre nous, faisait la belle. Il en rirait même. Et toi, que<br />

deviendrais-tu ? Tu irais courir après ta salope ? Et les autres<br />

s'envoleraient comme une nuée de moineaux. Et pour les rattraper !<br />

Peut-être une, mais pour les autres, la liberté !<br />

Mickey<br />

Ça n'a pas de sens. Cela n'est jamais arrivé, et cela n'arrivera<br />

jamais. Mais c'est la révolution que tu proposes. C'est la folie la plus<br />

débile !<br />

56


Géraldine<br />

A moins que l'on recherche un statut à la scandinave. Faire la<br />

pute, peut-être. Mais être soumises à un mac, non. Tu sais ce qui se<br />

passe dans les autres pays, elles sont libres. Libres d'exercer ce métier,<br />

et libre de recevoir le client qui leur convient. Tu dis que c'est dingue,<br />

et pourtant, ça existe.<br />

Mickey<br />

Ouais, si ça continue, il faudra que je me recycle avec les<br />

Gays, avec les petites putes droguées, ou avec les petits arabes. Je sais<br />

que l'on est dans une révolution sexuelle, mais delà à remettre en cause<br />

l'appareil de production ! Non, c'est ta jalousie mauvaise qui te fait dire<br />

de telles conneries. D'ailleurs, je me demande pourquoi, je discute avec<br />

une pouffiasse de ton genre. Ouais, tu voudrais ressembler à Belinda,<br />

mais t'es moche. Jamais tu ne tireras les plus beaux mecs. Alors, il faut<br />

que tu te venges. Je suis persuadé que ça t'a plu l'amende.<br />

57


Géraldine<br />

Quelle amende ?<br />

Mickey<br />

Bon, laisse tomber. Si tu allais bosser un peu, histoire de<br />

ramener un peu de pognon. A continuer ainsi, tu vas te rouiller.<br />

Géraldine<br />

C'est malin, je suis rousse jusqu'au cul. Et une vraie.<br />

Géraldine allonge les billets.<br />

Géraldine<br />

Cinq cents, sept cents, plus trois cents, déjà mille. Un autre,<br />

quinze cents. Plus la pacotille.<br />

58


Mickey<br />

C'est pas riche tout ça.<br />

Géraldine<br />

Moi, je donne ce que je fais. D'ailleurs, tu peux pas me laisser<br />

deux cents francs ? Mais Belinda, elle te ment. Elle te fait croire qu'elle<br />

te laisse, mais elle en garde.<br />

Mickey<br />

Tu me les chauffes. Tu veux qu'on fouille la baraque, qu'on fende<br />

le matelas, ou que j'aille voir ce qu'elle a sur la Caisse d'Épargne ?<br />

Géraldine<br />

Elle ne serait pas assez ridicule pour que tu puisses le trouver<br />

illico. Mais, crois-moi si elle a pensé à s'échapper, ce n'était pas le cul<br />

nu. Je te parie que ça se chiffre en millions ce qu'elle t'a planqué.<br />

59


Mickey<br />

truquer ainsi.<br />

Écoute, j'observe ses allées et venues. Elle ne pourrait pas<br />

Géraldine<br />

Ouais, mais elle veut en sortir. Alors, il faut de la fraîche. Un<br />

vrai petit écureuil, ta Belinda.<br />

Mickey<br />

Tout cela n'est que suppositions. Je t'avoue que ça me paraît<br />

invraisemblable. Elle, oser penser ainsi, oser mijoter des simagrées. Je<br />

crois en vérité, que c'est toujours ta jalousie qui te fait sortir ces<br />

mauvaises paroles.<br />

Géraldine<br />

Moi, jalouse. Ce serait aller à l'amende. Avec toi, il ne faut<br />

pas déconner. Si l'on essaie te de contredire, c'est la punition terrible.<br />

60


Je sais l'horreur. Je sais ce que tu peux m'infliger. Alors pour que moi,<br />

pute, je te cause !...<br />

Mickey<br />

Laisse tomber. Je ferais une petite enquête. Si cela s'avère<br />

exact, je t'en remercierais. Tu sais ma reconnaissance. J'aime les<br />

bonnes filles comme toi. Mais je préfère l'exactitude. Tu m'as donné un<br />

avertissement, mais ne te goure pas, sinon.<br />

Géraldine<br />

C'est justement ce "sinon" qui démontre que ce que je bave est<br />

réel. Je n'ai pas envie de subir tes violences. Je sais trop ce que cela<br />

pourrait me coûter !<br />

Mickey<br />

Évidemment, ton clito en a reçu. Mais par-derrière, il reste à<br />

brûler. Tu les as vues, tes copines hurler de douleurs pour ce genre de<br />

conneries.<br />

61


Géraldine<br />

Mais, je ne veux pas te mentir. D'ailleurs, je ne saurais pas te<br />

mentir. Cela me coûterait trop cher.<br />

Ils cessent de parler. On entend des pas qui montent<br />

l'escalier. Nul d'éclat de rire, ni frénésie avant le coït. La montée est<br />

lente et régulière. Belinda ouvre sa porte, suivie d'un client. Tous les<br />

quatre sont étonnés. Mickey et Géraldine se lèvent.<br />

Belinda<br />

Mais bon dieu ! Qu'est-ce que vous foutez dans ma chambre ?<br />

Mais qu'est-ce que cela veut dire ?<br />

la pièce.<br />

Mickey tire un œil vers Géraldine. Ils sortent rapidement de<br />

62


Belinda<br />

Ne t'inquiète pas, mon mignon. Ce n'était qu'une pute et son<br />

mac. Ils devaient causer. Je reconnais qu'en rien il fallait prendre ma<br />

chambre pour un salon de thé. Mais laisse tomber et oublie cela.<br />

Elle se déshabille rapidement. Elle fait glisser le haut de sa<br />

robe. Ses seins apparaissent. Machinalement, elle tire sa culotte, et<br />

fait le geste avec le talon droit, le talon gauche.<br />

Belinda<br />

Et bien, tu préfères ainsi ? Tu veux que je me foute à poil ?<br />

Tu bouges ou quoi ? Monsieur préfère peut-être les porte-jarretelles, ça<br />

l'excite davantage ? Mon tout beau, tu sais que les extra, ça se paie. Si<br />

tu es salingue, il faudra allonger quelques billets en plus. Tu causes, ou<br />

quoi ? Il faut que je te fasse bander, ou tu es puceau. T'as l'air d'un con,<br />

debout comme ça. Allez avance la fraîche. Ce sera mille cinq cents.<br />

63


Il obéit. Il sort de son portefeuille trois billets. Belinda en<br />

laisse deux en évidence sur la table de chevet. Le dernier, elle le<br />

planque dans un tiroir. Elle devient plus gentille.<br />

Belinda<br />

Qu'est-ce que tu veux que je te fasse ? Ne reste pas planté<br />

comme un imbécile. Déshabille-toi. Tu as l'air tout idiot.<br />

Le Client<br />

Rhabille-toi. Je n'ai besoin de rien. Je ne suis pas venu, ici<br />

pour te prendre. Si je suis ici, c'est parce que j'ai entendu votre<br />

conversation au bar. Et je crois avoir compris.<br />

Belinda<br />

Ça te coûte cher du dialogue, mais après tout je peux bien te<br />

consacrer une demi-heure. Tu m'as l'air généreux. Si tu ne veux pas de<br />

mon entrecuisse. Si tu préfères causer, autant pour moi. Bon, qu'est-ce<br />

qu'il a à me dire, ce parfait client ? D'abord, comment t'appelles-tu : tu<br />

dois avoir un prénom, ou je me trompe.<br />

64


Le Client<br />

Assez de ces phrases insipides. Je désire te parler<br />

sérieusement. Je sais trop ta destinée de pute, comme je sais ton envie<br />

de fuir à tout jamais cet univers carcéral.<br />

Belinda<br />

Attends un peu. Tu n'aurais pas été payé par Mickey pour me<br />

sortir les vers ? Tout cela me semble si faux. Ça pue, ton truc. Je me<br />

méfie. Monsieur me donne mille cinq cent francs, mais c'est pour me<br />

causer. Dis-donc : tu es le mécène de la prostitution, ou quoi ?<br />

Le Client<br />

manège.<br />

Tu sais, j'ai des yeux pour observer, et j'ai bien compris ton<br />

Belinda<br />

J'ai appris à me méfier de tout le monde. Je ne crois pas même<br />

en moi. Ça c'est mon doute. Je t'assure que dans ce milieu, il est de<br />

mise.<br />

65


Le Client<br />

Il y a des prostituées qui m'intéressent. Ce sont celles qui<br />

veulent s'en sortir. Ce sont celles qui refusent l'esclavage, et si je peux<br />

les aider ! ...<br />

Belinda<br />

Les aider !... Pauvre imbécile. Tu ignores tout de ce rouage,<br />

de cette incapacité à s'en sortir. Alors toi, pauvre minable, comment ?<br />

D'ailleurs, tu n'es qu'un branleur, cela et rien d'autre. Alors vouloir<br />

jouer les D'Artagnan, cela ne te va pas. Bon, tu me tires ou quoi ? Tes<br />

quinze cents balles, il faut bien que je te les rembourse. Fais-la bander.<br />

A moins que tu sois un peu maso, et que tu aimes la mise en scène.<br />

Monsieur désire peut-être gémir sur le sein d'une blonde en pleurant sa<br />

mère, et recevoir une fessée.<br />

Le Client<br />

Je te parle très sérieusement.<br />

66


Belinda<br />

Je ne te sens pas du tout, du tout.<br />

Le Client<br />

C'est au bar que j'ai compris. Tu cherches la fuite. C'est gros<br />

comme ça. Méfie-toi. C'est trop visible. Et ton Mickey n'est pas le<br />

dernier des idiots. Il se méfie. D'ailleurs pourquoi causait-il avec l'autre<br />

pute dans ta chambre ?<br />

Belinda<br />

Écoute, tout ça m'agace. Je ne sais si tu mens, ou si tu dis la<br />

vérité. Toujours est-il que les minutes passent, et que moi je me fais<br />

ton pognon facile. Et cela est primordial. Tu me fais penser à un<br />

journaliste qui me donnerait du fric pour lui expliquer ma condition :<br />

enquête, qu'il dirait. Et bien tu m'amuses. Alors continue.<br />

67


Le Client<br />

Le billet planqué, c'était pour capitaliser. C'était pour gonfler<br />

ta dot, pour t'en sortir. Bien sûr, tu diras un billet, c'est un billet. T'en<br />

fais ce que t'en veux. Ouais, tu veux la belle, t'en tirer. Mais hélas, tu<br />

es coincée dans ta chambre. Je crois savoir ce que tu recherches : c'est<br />

le trottoir.<br />

Belinda<br />

Je t'écoute baver. Mais je n'ai rien dit du tout.<br />

Le Client<br />

Je ne dis pas que c'est sûr. Mais je possède peut-être le moyen<br />

pour te faire aller sur le trottoir. Et le trottoir, c'est le premier pas vers<br />

la liberté.<br />

68


Belinda<br />

Je n'ai pas besoin de toi pour m'en apercevoir. J'ai demandé<br />

depuis longtemps à Mickey l'autorisation de travailler ailleurs. Mais où<br />

veux-tu en venir ? Et en quoi me serais-tu utile ?<br />

Le Client<br />

C'est vrai. Mais je trouve con qu'une belle fille comme toi,<br />

soit interdite de voir le jour, le soleil. Qu'elle soit punie, et n'est pas le<br />

droit d'aller dans un magasin pour s'acheter ses slips et ses soutiengorge.<br />

Belinda<br />

Mickey connaît les tailles, ils me vont à ravir.<br />

Le Client<br />

qui te convient.<br />

Ouais, mais tu préférerais le lèche-vitrines, et décider de ce<br />

69


Belinda<br />

Écoute, toute cette conversation est insipide, et elle n'a aucun<br />

sens. Tu t'amènes, tu causes, tu prétends vouloir m'en sortir - je ne te<br />

demande rien. Voilà que Monsieur crache son pognon. Tiens, récupère<br />

mille francs.<br />

Le Client<br />

Non, te dis-je. Conserve ces billets. D'ailleurs, ils seront<br />

source de crédibilité auprès de Mickey.<br />

Belinda<br />

Bon ! Rhabille-toi. Qu'est-ce que je raconte ! Tu ne t'es pas<br />

déboutonné. C'est le réflexe tu comprends. Descendons les escaliers<br />

comme si de rien n'était. Mais, je vais te décevoir, tes paroles ne m'ont<br />

servie à rien. Je te l'ai dit : je ne te sens pas. Et puis tu parais trouble.<br />

Une sorte de notion bizarre, inexplicable à justifier.<br />

70


Le Client<br />

Viens. Je te suis. Mais sache que mes paroles ne sont en rien<br />

mensongères, que je n'étais pas manipulé par ton mac. Je pensais<br />

sérieusement ce que je te disais.<br />

Ils descendent les escaliers. Ils prétendent au sourire. Mickey<br />

les observe avec un œil septique. Le Client se dirige vers le bar, tandis<br />

que Belinda commande un alcool, et s'assoie à la table de Mickey. Elle<br />

lui sourit. Il conserve un visage glacial, et ne prononce mots. Quelques<br />

instants s'écoulent. On apporte à Belinda la consommation désirée.<br />

Elle la sirote avec application tout en fixant Mickey.<br />

Belinda<br />

Mickey, qu'est-ce que tu en dis ? Certes, tu préfères cet air<br />

indifférent. Mais tu dois reconnaître que je n'avais pas tort. Quand je<br />

t'ai demandé de travailler ici, tu as tiqué. Mieux encore, la réponse fut<br />

de m'imposer ta violence. Mais maintenant, tu t'aperçois que je n'avais<br />

pas tort. Tu as craint le gros Michel. Tu croyais qu'il allait me piquer<br />

71


comme je venais au bar. Qu'en est-il exactement ? Tout se déroule<br />

selon ta pensée et tes volontés. Alors qu'en dis-tu ?<br />

Mickey<br />

Ça sert à rien de frimer pour quelques billets en plus. Tu m'as<br />

fait que deux clients !<br />

Belinda<br />

Tu plaisantes, je l'espère. Tu sais que je peux faire plus.<br />

Comme on dit, ce n'est qu'un début.<br />

Mickey<br />

Évidemment, ça vaut le coup de le tenter. Mais je ne parviens<br />

pas à t'imaginer sur le trottoir. Toi ! Une fille comme toi ! Non, ça me<br />

semble impossible. Je crois que je te préfère bien planquée là-haut.<br />

Une cage dorée, c'est une cage dorée ! J'en connais des tourterelles qui<br />

y roucoulent.<br />

72


Belinda<br />

Le principe n'était pas le suivant. D'ailleurs l'image est fausse,<br />

comme cette pièce n'était qu'un taudis.<br />

Mickey<br />

Attends, je te retiens. Ce n'était pas un baraquement d'Arabes,<br />

quand même ! Le lieu n'est pas sinistre. Hé ! Tu n'es pas une star.<br />

C'était suffisant, mais en rien médiocre. C'est ça, plains-toi ! Prétends<br />

que je te faisais bouffer de la merde tant que tu y es. D'ailleurs, tu me<br />

sembles avoir grossi ?<br />

Remarquables.<br />

Elle lui montre ses jambes. Elles sont longues et fines.<br />

Belinda<br />

Si tu peux trouver meilleure qualité, tu me préviens.<br />

73


On apporte deux consommations à la table. Le garçon<br />

s'éclipse prestement. Micheline est au bar, et se regarde dans la glace.<br />

Elle est complètement ivre, et chante à tue-tête son refrain.<br />

Micheline<br />

Dans un bordel à merde<br />

Une pauvre ingénue<br />

A décider de perdre<br />

Son con et sa vertu.<br />

Elle salivait d'extase<br />

Et se savait foutue<br />

Et jouissait de ses râles<br />

En proposant son cul.<br />

Belinda<br />

Tu as écouté cette sublime réussite. C'est toi qui es parvenu à<br />

en faire cette déchéance. Non, ce n'est pas de l'ivresse. C'est de la<br />

drogue. Dans un mois, dans un an au plus tard, elle sera morte. Elle ne<br />

74


sait même plus où se piquer. Si, sous la langue, ou entre les orteils ! Et<br />

quand elle est en manque, c'est à la mayonnaise qu'elle s'oublie. C'est<br />

un déchet ! Tu me diras que c'est une erreur de pute, que jamais !...<br />

Ouais, mais des filles de sa sorte, ce sont des loques. Ça ne rapporte<br />

plus rien. Non, Mickey. C'est parce qu'elles ne pouvaient pas être ce<br />

que vous avez voulu qu'elles soient, qu'elles sont cela ! Et moi, je ne<br />

veux pas devenir ça. C'est trop horrible ! Non, c'est dégueulasse.<br />

Mickey<br />

Tu causes un peu trop. Je ne te demande pas de juger. Si tu as<br />

suffisamment de caractère, rien ne t'obligera à devenir Micheline. Toi,<br />

tu es équilibrée. Alors de quoi te plains-tu ?<br />

Belinda<br />

Mais je veux sortir de cet endroit infect. Ne plus tourner<br />

comme un ours dans sa cellule. J'ai besoin d'air. J'ai besoin de respirer.<br />

Assez de cet enfermement ! Assez de recevoir mes soutien-gorge, mes<br />

slips et mes robes par correspondance. Je veux bien t'obéir. Je veux<br />

bien te faire le pognon qu'il te faudra. Mais en contrepartie, il me faut<br />

75


sortir. Voir ce qu'il se passe dans la rue, dans un magasin. Sortir !<br />

Vivre, quoi !<br />

Mickey<br />

D'accord, sortir. Respirer l'aile blanche des petits oiseaux.<br />

Mais tu te trompes. Ce ne sera que la nuit noire. Le trottoir cafardeux.<br />

Tu devras faire les cent pas, tout en évitant les crottes de chien. Puis<br />

monter, redescendre. Des connards te dragueront ou toi tu seras<br />

obligée de les appeler "mon chéri", tout en sachant très bien qu'ils<br />

déambulent. Si tu veux discuter des prix, si tu veux être à poil sous un<br />

manteau de fourrure...<br />

Belinda<br />

Tu ne te souviens pas ce que je t'avais proposé. Je veux<br />

travailler avec Géraldine, en double. Je t'avais demandé une bagnole.<br />

Je n'ai pas envie de crever mes talons.<br />

76


Mickey<br />

Et puis quoi encore ! Tu veux brûler les étapes. Une Jag !<br />

Pourquoi par la Rolls tant que tu y es. Mademoiselle a la folie des<br />

grandeurs. Hé ! Belinda ! Reste modeste. Souviens-toi que tu n'es<br />

qu'une vulgaire pute.<br />

Belinda<br />

Je te l'ai déjà dit : tu veux du fric. Mais tu ne me donnes pas<br />

les moyens de ma politique de pute.<br />

Mickey<br />

assez.<br />

Politique de pute ! Tu lis trop les journaux. Tais-toi. C'est<br />

Belinda<br />

Ouais, mais à quoi te serviraient des fellations ou des sucettes<br />

à cinquante balles.<br />

77


Mickey<br />

Mais que crois-tu qu'il se passera lorsque tu seras sur le<br />

trottoir ? Ce seront des petits travaux, et tu devras en faire. C'est vingt<br />

fois, trente fois cette politique de pute, comme tu dis. Et là, tu vas te<br />

vulgariser - au plus primaire, à l'infect, au sale et au crasseux. Voilà ce<br />

que tu me demandes depuis des jours, et voilà contre quoi je<br />

m'insurgeais.<br />

Belinda<br />

Non, je crois que je dois tenter les coups. Quitte à passer par<br />

une phrase de vulgarité. Cela m'ouvrira sur d'autres hommes. Et puis la<br />

qualité viendra.<br />

Mickey<br />

Une pute se trompe. Ça c'est marrant. Ton raisonnement est<br />

absurde. Toi, dans une rue obscure, y grandir en qualité de michetons ?<br />

Et passer de la flûte à l'orgasme du beau mâle. Réfléchis : tu n'auras<br />

que les pommés, que les ivrognes ou les puceaux en mal d'amour. Les<br />

mecs qui sont bien, ils n'ont pas besoin de toi.<br />

78


Belinda<br />

Ouais, mais j'espère monter de grades. Et quand je t'aurais<br />

prouvé que je sais te faire du fric, et beaucoup de fric, tu me feras aller<br />

d'un échelon, et ce sera la bagnole que j'aurais !<br />

Mickey<br />

Vas-y doucement ma cocotte. En connais-tu une seule qui<br />

roule avec mon essence. Alors lève le pied, ou envoie-les en l'air !<br />

Belinda<br />

Si tu me considères trop minable pour en rester à ces déchets,<br />

ça ne sert à rien d'insister. Il m'est préférable de rester en attente dans<br />

cette piaule idiote, et d'espérer qu'un imbécile se glissera entre mes<br />

cuisses.<br />

79


Mickey<br />

Je n'ai rien dit. Je te parle de ce que je connais. C'est pas le<br />

bonheur, et c'est pas l'Évangile. Il te faudra tirer et pomper ! Imagine<br />

des jets de sperme glissant entre tes dents. Elle est belle, ta petite<br />

gueule ! Et bien, il faudra sucer. Et ceux-là; sans les laver. Tu devras<br />

t'en charger, ou les faire décharger.<br />

Belinda<br />

J'accepte de prendre le risque. Je sais ce qu'est le dégoût.<br />

Mieux encore, j'ai épousé l'ignominie et l'humiliation, et c'était toi<br />

Mickey. Mais de tes couilles, je n'en veux plus.<br />

Mickey<br />

OK, ma belle, c'est convenu. Tu as ma bénédiction. Je te<br />

donne tout le courage, pour agir. Mais fais ça vite et très bien. Et<br />

rapporte-moi du fric car j'en ai besoin.<br />

80


Belinda<br />

C'est tout ce que j'espérais de toi. Je t'en remercie. Sache que<br />

je saurais les prendre les michetons à cent balles. Crois-le. Oui, croisle.<br />

81


IV<br />

Dans la rue. Il y a des voitures stationnées sur le côté droit.<br />

Deux ou trois. Sur le trottoir de gauche, quelques putes vulgaires et de<br />

basse qualité tapinent. On peut les faire s'engueuler pour un mètre<br />

carré de trottoir, et les faire se taire, et se transformer à l'approche<br />

d'un client potentiel. Il y a des néons. Certains éclairent mollement<br />

l'enseigne du bar hôtel qui est situé sur le gauche. Belinda travaille.<br />

Le Client<br />

C'est donc toi ? Je ne comprends pas qu'en si peu de temps tu<br />

sois parvenue à sortir de ton endroit pourri.<br />

Belinda<br />

Comme quoi, j'ai suivi des conseils. Mais il faut monter et<br />

descendre. J'ai un de ces mal aux pieds. Et puis cet accoutrement ne me<br />

va guère. T'as vu ce cul. T'as vu cette culotte, elle me rase trop. J'ai l'air<br />

vulgaire.<br />

82


Le Client<br />

Il faut passer par là pour obtenir les voies de la liberté. Et puis<br />

tu t'en tireras rapidement.<br />

Belinda, regardant la façade de l'hôtel<br />

Fais semblant de t'intéresser à moi. Mickey ne cesse de<br />

m'observer. D'ailleurs il regarde en soulevant le rideau. Fais le type qui<br />

demande une réduction.<br />

A haute voix,<br />

Le Client<br />

Tu ne t'imagines pas que je vais me faire sucer pour cela.<br />

Non, mais dingue ou quoi ? T'as vu, toutes tes copines veulent moins.<br />

Alors toi. Dis-donc, c'était moins cher dans ton taudis à merde.<br />

83


Belinda<br />

ne s'en doute pas.<br />

Maintenant, il me faut faire du pognon et vite, et que Mickey<br />

Le Client<br />

Mais ce sont des centaines de passes qui te seront nécessaires<br />

afin d'obtenir quelque épargne. C'était le risque du trottoir. On tire<br />

beaucoup. On n'a rien.<br />

Belinda<br />

tenter.<br />

C'est peut-être le prix de la liberté. Mais ça vaut le coup de le<br />

Le Client<br />

Le coup ! Des centaines de coups !<br />

84


Belinda<br />

Je ne sais pourquoi je te fais confiance. Tu pourrais tout dire à<br />

Mickey et cela serait ma mort en échange de tes paroles. C'est risqué<br />

de se fier à un mec tel que toi. De quel côté, es-tu ?<br />

Le Client<br />

Soit tu es conne, soit tu m'as compris. La prostitution est et<br />

sera toujours. Mais celles qui veulent en sortir, je leur donne de l'aide.<br />

J'ai de l'argent.<br />

Belinda<br />

culs, pourquoi ?<br />

Peut-être, mais pas de femmes. Alors tu éjacules dans nos<br />

Le Client<br />

quelques pièces.<br />

J'ai trop été déçu. Je préfère vous allonger en vous glissant<br />

85


Belinda<br />

Ouais, mais avec le cul, tu t'en retournes dans ta piaule sans<br />

fille ni femme ni greluche. Au matin, c'est la bande et la branlette pour<br />

compenser. Alors je comprends pas.<br />

Le Client<br />

Je ne suis pas si bandeur que tu le crois. Deux, trois fois pas<br />

semaine, cela me suffit. Alors une femme régulièrement dans mon lit,<br />

je n'en ai pas besoin. Non ce qui m'intéresse c'est la pute avec son<br />

statut.<br />

Belinda<br />

Je paie mes impôts, je suis une citoyenne comme les autres. Les flics<br />

me foutent à l'amende, mais le fisc reconnaît mon métier. D'un côté, je suis<br />

punie par l'État. De l'autre, je suis reconnue par les inspecteurs. Je travaille<br />

aux forfaits. Un peu encore, et l'assistance sociale vient vérifier si ma chatte<br />

est propre. Alors que veux-tu d'autre ?<br />

86


Le Client jette des clins d'œil furtifs vers la devanture du bar.<br />

Il s'aperçoit que Mickey les observe et n'apprécie pas ce manège qui<br />

ne cesse de durer.<br />

Le Client<br />

Tiens. Je te crache un Pascal, et feins de me sucer. Oui, dans<br />

la rue contre la voiture.<br />

Belinda s'exécute. On l'imagine agenouillée face au client, et<br />

faisant prestement des mouvements rapides de fellatrice. Deux minutes<br />

s'écoulent. La scène est dans la pénombre. Les autres prostituées ne<br />

font guère de cas de ce qui se passe.<br />

Belinda<br />

Je ne comprends pas, c'est trop stupide. Pourquoi t'occupes-tu<br />

de moi ? Quel intérêt as-tu à t'intéresser à une pute ?<br />

87


Le Client<br />

Ne vas pas supposer que je suis amoureux de toi, que je suis<br />

une sorte de chevalier servant qui tente de sortir sa prisonnière de ses<br />

barreaux en or. Non, je ne t'aime pas. D'ailleurs comment aimer une<br />

pute ? On se glisse dans son vagin, mais on sait que des centaines de<br />

types l'ont déjà foutue. Ce n'est pas que je recherche la pureté ou la<br />

vierge... Mais imagine ta bouche, comment peut-on embrasser sans<br />

penser que tu as tiré des centaines de bites, que ta salive s'est mêlée<br />

avec leurs spermes puants. Crois-moi, il ne faut pas être dégoûté pour<br />

aimer une pute. Non, une compagne qui a eu des relations, cela se<br />

conçoit. Mais toi, jamais. Quand bien même tu serais belle, quand bien<br />

même tu te laverais dix fois par jour, tu resteras toujours souillée à mes<br />

yeux.<br />

Belinda<br />

Même une fille de luxe ? Tu ne me donnes peu d'espoirs et tes<br />

phrases sont terribles ! C'est ignorer que toutefois nous sommes des<br />

femmes, et que nous pouvons éprouver des sentiments et faire des<br />

enfants par exemple.<br />

88


Le Client<br />

La belle affaire : tu ne connaîtrais jamais le nom du père. Des<br />

milliards de spermatos qui grouillent dans tes trompes ! Je crois même<br />

que tu serais incapable de retrouver un mec qui t'a sauté la veille.<br />

Belinda<br />

Je ne serais qu'une mécanique sexuelle, pareille à de la... je ne<br />

trouve pas la comparaison ... pareille à de la merde ! Alors va<br />

interroger les autres filles. Demande-leur ce qu'elles pensent de ce que<br />

tu oses me dire. Elles te cracheront à la gueule. Car derrière la pute, il<br />

y a une femme. Et derrière cette femme, il y a un cœur. Je suis déjà<br />

punie, mais tu veux m'humilier plus encore.<br />

Le Client<br />

Comme tu te trompes ! Je ne sais pourquoi tu vis dans le nonsens<br />

! Non ce que je voudrais savoir c'est comment une pute veut enfin<br />

en terminer avec cet esclavage de femme, comment parviendra-t-elle à<br />

89


s'en tirer. Mais je t'avoue que si je pouvais t'être de quelconque utilité...<br />

je t'aiderai.<br />

Belinda<br />

Tout ce que tu dois faire, c'est de fermer ta gueule. Si Mickey<br />

venait à apprendre que tu es intervenu, ce sont des balles dans la peau<br />

pour toute récompense. N'essaie pas trop de me revoir, oui tiens-toi à<br />

l'écart. C'est un très bon conseil.<br />

Le Client<br />

Ça me dépasse. Pourquoi toutes ces manières ? Il t'est donc<br />

impossible de te casser, de foutre du pognon de côté, et de filer dans le<br />

premier train venu. C6olore-toi en rousse, coupe tes cheveux, porte<br />

d'autres habits. Je ne sais pas, moi ! La Suisse, Strasbourg ou un autre<br />

pays, ton mec ne te retrouvera pas. S'il te retrouve, il te tue. Mais entretemps,<br />

il perd des millions chaque jour en essayant de trouver une<br />

aiguille, ou plutôt une pute dans l'Europe entière.<br />

90


Belinda<br />

Bonne idée ! Mais s'il me retrouve, c'est la mort, et dans la<br />

torture, dans les souffrances les plus effrayantes. Écoute, il est<br />

préférable que maintenant tu te tires. Je t'ai assez vu. Ça paraît louche<br />

toutes ces causeries. Si tu veux me revoir, tente de choisir un autre<br />

lieu. Il t'a déjà repéré. Tel qu'il est, il va me poser des questions. Il<br />

renifle le doute à cent pas. C'est la meilleure chose, casse-toi.<br />

Le Client<br />

Tu veux connaître mon prénom ?<br />

Belinda<br />

Non. Je te connais de trop, hélas !<br />

Mickey sort dans la rue. Il se dirige vers Belinda. Elle se<br />

refait une beauté, et feint d'ignorer la venue de son mac.<br />

91


Mickey<br />

Je te trouve un peu trop complaisante avec ce connard.<br />

Pourquoi est-ce que tu discutes avec lui ? Le micheton c'est le<br />

micheton. Il faudra que tu l'apprennes. Mais qu'est-ce que ça veut dire<br />

toutes ces causeries ? Tu ne peux pas laisser pisser un peu. Occupe-toi<br />

de ton travail. La brillantine tu la jettes aux ordures. Tu n'as pas le<br />

temps de discuter. Travaille et bosse. D'ailleurs file-moi ce que tu lui<br />

as sucé. Cinq cents balles ! Et bien le type ! Un peu malade, non ! Mais<br />

ce n'est pas assez. C'est pourquoi je te conseillerai de tourner un peu<br />

plus ton trou du cul pour les exciter les mâles. Regarde-moi ces<br />

salopes. Du moins, elles travaillent un peu plus. Belinda, écoute, si tu<br />

ne me ramènes pas plus de pognon, je te renvoie presto, là-haut. Puis je<br />

te condamnerai. Tu sais ce que j'ai prévu pour toi en cas d'échecs ?<br />

Belinda<br />

Je ne préfère pas y croire, ma souffrance serait plus terrible<br />

que celle d'une sainte !<br />

92


Mickey<br />

Voilà, maintenant que tu te prends pour une purifiée. Et bien,<br />

ton cul est joliment en fleurs pour une mystique.<br />

Belinda<br />

Ne t'inquiète pas, je travaille. Mais laisse-moi me faire un peu<br />

la main. Ce n'est pas au bout d'un quart d'heure que tous les mecs vont<br />

se jeter sur moi. Peut-être que je ne connais pas encore la méthode. Je<br />

sais d'autres plus vulgaires parviennent à les coincer, et ils débandent<br />

après deux minutes. Mais ce métier ne s'apprend pas illico. Tu me<br />

parles toujours de mon cul, mais je ne peux toutefois pas me faire<br />

foutre sur la place. C'est me trouver dans le panier à salade et au violon<br />

pour la nuit. Ça c'est une perte de revenus. C'est pas ce que tu<br />

cherches, toutefois ?<br />

Mickey<br />

Ton billet est malingre. Il en faut d'autres et beaucoup. Ce<br />

n'est pas à moi de te faire des cadeaux, mais c'est à toi d'être très<br />

obéissante ou très travailleuse.<br />

93


Belinda<br />

Tu confonds tout encore, car tu es obtus. Je travaille dans du<br />

vulgaire, donc je ne peux te rapporter du fric. Je ne m'appelle pas<br />

Micheline. C'est avec la bagnole que je te rendrais riche.<br />

Mickey<br />

Encore la folie de tes grandeurs ! Tu te prends vraiment ?<br />

Pourquoi ? Parce que Mademoiselle est bachelière.<br />

Belinda<br />

Mickey, cesse ! Je te parle de mon cul. Non, de mon standing.<br />

Une sorte de classe, quoi !<br />

Mickey<br />

Je t'ai déjà dit qu'il n'est pas question de la bagnole. Et quoi<br />

encore ! Un jour, ce sera à moi de te ramener les mecs !<br />

94


Belinda<br />

Tu sais pourtant que c'est ça qui marche aujourd'hui. Deux<br />

filles - par exemple - moi et Géraldine dans une Porsche. On se coiffe,<br />

robe fendue. Et les michetons affluent. Ils paient gros, très gros.<br />

Mickey<br />

Tu veux voler les étapes. D'abord, travaille. D'ailleurs, il y a<br />

un branleur qui te matte mais qui n'ose approcher à cause de moi. Vasy.<br />

Prouve ce que tu sais faire.<br />

Belinda<br />

Comme tu veux et où tu veux.<br />

Belinda s'approche lentement du gosse. Il fouille dans ses<br />

poches sans connaître les convenances de la prostitution. Il est<br />

malaisé et maladroit. Elle s'avance et lui parle doucement. Lui, paraît<br />

tout penaud.<br />

95


Belinda<br />

Mais n'aie aucune crainte, mon mignon. Ça sert à rien de<br />

paniquer. Tu sembles si nerveux, après tu régleras l'addition.<br />

Il la suit, mécaniquement.<br />

Belinda<br />

Dis donc ? Tu n'aurais pas forcé un peu sur la dose, histoire<br />

de te donner du courage ? Histoire de perdre ton acné ?<br />

Elle le colle contre le mur, et glisse prestement sa main sur<br />

ses parties génitales. Le môme semble crucifié, et ne bouge pas. Elle<br />

déboutonne un à un les boutons de sa braguette, et fait exploser un<br />

sexe en érection.<br />

96


Belinda<br />

arranger ça.<br />

Je ne savais pas que je te faisais tant d'effets. Attends, on va<br />

Elle ouvre prestement sa jupe serrée et lui propose sa vulve.<br />

Elle y glisse son pénis. Lui, tout émoussé, éjacule après quelques vaet-vient.<br />

Belinda<br />

Tu sais ce que tu me dois, mon mignon. Avec toi, ça été plutôt<br />

rapide. Donne-moi deux cents francs. Je t'ai ouvert " au cul",<br />

maintenant il faudra que tu te débrouilles tout seul. Tu comprends que<br />

ce n'est pas une solution que de faire appel à des pros. Maintenant à toi<br />

les minettes, et fonce, ne rougis pas, ne palis pas. Écoute mes conseils.<br />

Elle lui passe une fois encore les mains sur ses attributs.<br />

97


Belinda<br />

Mais dis donc, mon petit bourricot, tu débandes pas. Tu<br />

voudrais voir mes nichons, et mon cul pour me glisser ton foutre.<br />

Elle le branle rapidement. Il commence à se pâmer. Il tente de<br />

la serre contre son corps. Elle le tient à distance. Elle l'agite de toutes<br />

ses forces avec ses deux mains. Il explose dans des râles. Il est presque<br />

à l'agonie. Elle branle, et branle. Il a la queue en feu et demande<br />

grâce.<br />

Belinda<br />

Tu appelleras ça un bon dépucelage. Maintenant, petit con,<br />

tires-toi. Je t'en ai assez fait. Oui, casse-toi. Je te l'ai dit : trouve des<br />

copines car les putes, c'est cher. Je t'ai fait un caprice. Mais comprends<br />

que ce n'est pas de l'amour. C'est du sperme. Mais l'amour ne se fait<br />

pas sur le trottoir. Allez ! Casse-toi.<br />

Le môme s'exécute, tout content de ce qu'il lui arrive. Mickey<br />

observait la scène.<br />

98


Belinda<br />

Voilà le genre de clients que tu me proposes. A ce rythme-là,<br />

jamais je ne pourrais satisfaire à tes besoins. Comment veux-tu que je<br />

te fasse vingt mille francs par semaine ? Mais, c'est du rêve ou quoi ?<br />

Il y a une logique pure et simple. Il existe des hommes qui sont<br />

capables de cracher 5 000 F pour une nuit. Mais évidemment, en<br />

parler, ça te gonfle les oreilles.<br />

Mickey<br />

Non ! Non, j'écoute toutes les suppositions. Je ne suis pas si<br />

coincé que tu le prétends. Alors, de toi ma belle... Tout ce que tu<br />

baves, je l'écoute avec attention.<br />

Belinda<br />

Je ne bave pas. Ou alors c'est pour cracher le sperme de ces<br />

merdeux. Je te dis qu'il faut aller vers la haute. Il existe des hommes<br />

qui veulent de la bonne marchandise. Mais ceux-là on ne les trouve pas<br />

sur le macadam. Non, ils sont dans les hôtels grand luxe. Des quatre<br />

99


étoiles ! Je vais m'épuiser avec ces cons. Je vais me vieillir. Tu<br />

souhaites que ta marchandise se démode ? Et pourtant tes méthodes<br />

sont celles d'un temps passé, mais hélas complètement dépassé.<br />

Mickey<br />

On t'a jamais dit que tu avais une grande gueule ? Qu'il serait<br />

préférable que tu te calmes un peu ? J'ai été bon avec ton misérable<br />

cul. A présent, tu voudrais l'offrir à des PDG en manque de secrétaires.<br />

Pourquoi pas vamper les Émirs les plus riches de cette planète en<br />

promenant ta merde sur la Croisette. Ho ! Mais ils vont se jeter sur toi,<br />

et mettre à tes genoux leur fortune. Tu veux retourner au bar, je te prie,<br />

beauté. J'ai deux mots à glisser à ta copine là-bas.<br />

Mickey<br />

Dis donc, Belinda est complètement hystérique. Elle veut s'envoyer<br />

les rois du pétrole. Elle doit avoir sa dose de parano. Tu l'as vu son cul ? On<br />

peut même dire qu'il est génial ! Mais delà à prétendre !... Je t'avoue que je<br />

comprends rien à cette greluche. Elle si prude, si sauvage. Voilà qu'elle me<br />

branle doublement un puceau, et puis ces airs comme si elle se croyait !...<br />

100


Géraldine<br />

Évidemment, y'a de quoi être suffoqué. Mais tu peux<br />

l'imaginer en platine, avec la robe fendue et tout le tra la la. Elle jette<br />

sa classe. C'est une blonde sublime. Tu ne l'as peut-être pas compris :<br />

elle se bloque avec la misère, elle s'épanouit avec la richesse. A<br />

chacun, son monde. Moi, je ne suis que !... Enfin rien. Mais elle !... Ça<br />

vaudrait le coup que tu l'essaies. Mais tiens-la, méfie-toi. Les papillons<br />

s'envolent.<br />

Mickey<br />

Tu as déjà connu une putain qui ait tenté de se faire la belle ?<br />

Aucune n'y est parvenue et crois-moi, si une seule s'y essayait, ce sera<br />

sa mort assurée. Non, le problème n'est pas là. En vérité, Belinda<br />

monte vite. Elle monte trop vite. Enfin, je me comprends. Elle descend<br />

de sa chambre. Puis, se propose au bar. Après, c'est le trottoir. Et<br />

maintenant, elle veut tirer des mecs à pognon. Moi, je ne lui demandais<br />

que peu : du pognon, des sommes insignifiantes. Quoique j'aurais<br />

préféré plus...<br />

101


Géraldine<br />

Mets-toi à sa place. Elle a de l'envergure. S'arrêter-là, cela ne<br />

lui va pas. Elle voudrait plus. T'as vu comment elle cause. Et ses<br />

phrases ? Je te parie qu'elle lit au moins un livre par an. On dirait que<br />

Belinda c'est du savoir en quelque sorte. Parfois elle me sort des mots,<br />

je n'en comprends même pas le sens. Mais je fais semblant. Alors je<br />

bouge la tête.<br />

Un client se présente, mais n'ose approcher comme il voit<br />

Mickey discuter avec à Géraldine.<br />

Géraldine<br />

Tiens, tu viens de m'en faire perdre un. C'était cent balles au<br />

minimum. D'autant qu'il semblait bien fringuer. Je t'assure que ce soir,<br />

ce n'est pas le super, il fait si froid. Tu penses, ils ont les couilles<br />

gelées.<br />

102


Mickey<br />

Laisse tomber. Ton travail passe après. Non ! Non ! Je veux te<br />

parler de Belinda.<br />

Géraldine<br />

Je ne peux rien dire d'autre. Je te l'ai répété. Méfie-toi des<br />

papillons qui s'envolent.<br />

Mickey<br />

Ouais ! Un papillon n'a une espérance de vie que de deux<br />

jours. Il meurt rapidement. Mais, elle me dit : Hôtel, standing, 5000 F !<br />

Ça me fait tiquer. Et en même temps, je suis alléché par la proposition.<br />

103


Géraldine<br />

Toujours est-il que tu ne pourrais pas l'envoyer ailleurs. Tu<br />

surveilles comme un chien de garde. Alors lui donner la possibilité de<br />

décider d'aller où bon lui semble, de sortir, de rentrer - ça, tu ne<br />

l'admettrais pas. Suppose, qu'un soir, elle ne puisse te téléphoner et<br />

qu'elle soit dans le centre-ville, tu vas pousser ta gueulante. Tu la<br />

puniras. Mickey tu n'as pas suffisamment l'esprit ouvert pour permettre<br />

à une de tes filles d'aller où bon lui semble. Je ne te dis pas ça<br />

méchamment : mais tu es limité intellectuellement. Tu es le genre de<br />

type qui préfère jouer à la Caisse d'Épargne plutôt que d'investir 100<br />

000 F dans une zone pétrolière. A chacun son système. Tu disais :<br />

Belinda a un cul génial. C'est une blonde. Peut-être qu'il est en or !<br />

Enfin, j'ai la certitude qu'elle t'aime. Que jamais elle te fera des<br />

magouilles !<br />

Mickey<br />

Je ne peux toutefois pas l'envoyer sur la côte. La laisser seule<br />

pendant la période estivale, et attendre qu'elle me rapporte du fric. Non<br />

! Non ! Cela n'a pas de sens !<br />

104


Géraldine<br />

Tu m'as demandé de te conseiller. Que puis-je faire d'autre ?<br />

C'est déjà bien heureux que tu ne m'aies pas frappée parce que je t'ai<br />

craché mes vérités.<br />

Mickey<br />

Je ne suis pas dans une période agressive. J'essaie de réfléchir.<br />

Plutôt de comprendre. Le doute s'empare de moi. Mais je n'ai pas de<br />

violence. D'ailleurs tu ne me causerais pas, c'est moi qui poserais et<br />

répondrais aux questions.<br />

Géraldine<br />

Un bol d'air de liberté ne serait d'aucun risque. Tu peux lâcher<br />

la corde doucement. Rien ne t'impose à la laisser partir pour aller<br />

n'importe où. Tu as suffisamment de jugeote pour la freiner dans ses<br />

ardeurs de liberté.<br />

105


Mickey<br />

Ouais, la liberté. Mais de la liberté surveillée. Ça c'est pas con<br />

! Je ne peux toutefois pas jouer les agents secrets, et ramper le long des<br />

murs pour vérifier nuit et jour si elle agit selon mes désirs.<br />

Géraldine<br />

D'autant qu'elle ne doit pas passer pour une pute. Elle doit être<br />

une entremetteuse de la haute. Alors toi, la suivant ! Toi, tentant de<br />

vérifier ses actions - ça n'irait pas . Le problème est bien différent<br />

Mickey : il s'agit d'avoir confiance. Depuis qu'elle travaille pour toi,<br />

elle ne t'a jamais trompé. C'est une fille sérieuse. A toi de penser pareil.<br />

Tu dois croire en elle. C'est drôle de demander à un mac de croire en<br />

quelque chose. S'il savait l'existence de Dieu, oserait-il soumettre à<br />

l'état d'esclave ces douces sœurs ?<br />

Mickey<br />

Tu ne vas pas me faire tes sermons, toi la pute qui suce<br />

n'importe qui pour cinquante balles. Et encore, il te faut un client naïf,<br />

106


n'ayant pas éjaculé depuis trois semaines. T'as vu ta gueule ! Elle bave<br />

du sperme ! C'est vachement alléchant ! Et puis ton cul est tellement<br />

élastique, qu'on sent rien dedans ! C'est mou !<br />

Géraldine<br />

Bien, va draguer. Récupère les gamines de treize ans. Mais<br />

drogue-les au passage. Tu verras le passage sera plus étroit. Il y en a<br />

des pucelles pommées cherchant un homme charmant qui les<br />

protégera, qui les foutra. Et qui les enverra sur le trottoir. Tu peux<br />

aussi tenter les petits pédés. Pas de problème : ils sont déjà drogués.<br />

Reste plus qu'à les mettre... en manque. Tu vois je te donne des<br />

conseils pour faire évoluer ton appareil lucratif !<br />

Mickey<br />

Là, tu devrais de taire. Tu ne me chatouilles pas, tu gonfles.<br />

Tu gonfles terriblement. Il serait préférable que tu la boucles.<br />

107


Géraldine<br />

Hé ! Mickey : n'oublie pas que c'est toi qui es venu à moi, que<br />

c'est toi qui m'as demandé des conseils. Je n'y peux rien si tu es énervé.<br />

Mais tu m'avais prévenu que tu étais calme et doux comme un bon<br />

agneau, ce soir.<br />

Mickey<br />

Ouais, par-delà tout, j'en suis à ma première question. Libérer<br />

Belinda ou non ? Toi, ta gueule. D'ailleurs, on se retrouvera et tu<br />

paieras tes quatre vérités. Me causer, soit. Mais se moquer, ça coûte<br />

cher. Très cher.<br />

Géraldine<br />

Attention. Sois correct. Il y a cinq minutes, tu prétendais au<br />

contraire. Tu demandais des conseils. J'en ai assez d'être puni, et d'être<br />

à l'amende. Je connais trop tes méthodes. Alors ne te venge pas sur<br />

moi. Il vaut mieux que je travaille. Mickey va au bar. Laisse-moi<br />

maintenant.<br />

108


Elle change de trottoir. MIckey la regarde d'un air amusé,<br />

satisfait de lui avoir foutu la frousse. Il l'observe tortiller son cul<br />

rapido presto. Il se marre. Il en rit sournoisement. Mickey pousse la<br />

porte et entre dans le bar hôtel.<br />

Belinda est au comptoir avec le premier client. Il est<br />

totalement ivre. Il tache de balbutier quelques paroles qui sont<br />

presque inaudibles.<br />

Belinda<br />

Alors, tu te décides. Tu montes ou quoi ? Tu es complètement<br />

beurré. A te saouler de la sorte tu vas finir par dormir ou dégueuler sur<br />

mon corsage. Bon, tu les as assez lorgnés ces seins. Maintenant, mon<br />

petit con il faut tu agisses. Ça vient ou quoi ?<br />

Le Client<br />

bander.<br />

Je crois avoir trop bu. Je ne sais pas même si je parviendrai à<br />

109


Belinda<br />

Je te branlerai quand même.<br />

Le client fouille dans ses poches. Il y arrache tous les billets<br />

et toute la monnaie qu'elles contenaient. Il jette le tout sur le comptoir.<br />

Avec prestance, avec habileté, Belinda compte ce qu'il possède. Elle<br />

lui glisse trois mots à l'oreille.<br />

Le Client<br />

assez !<br />

Tu me proposes ça, avec ça ! Non, non et non ! Ce n'est pas<br />

Belinda, toujours à l'oreille<br />

Bon ! Je te ferais...<br />

110


Le client parle au Gros Michel.<br />

Le Client<br />

Tu sais ce qu'elle me propose ?<br />

Il s'approche et lui cause lentement. L'autre ricane avec sa<br />

grossièreté naturelle.<br />

Le gros Michel<br />

Ma pauvre Belinda, il faut vraiment que tu aies besoin de<br />

pognon pour tirer avec cette masse difforme ! Il est totalement blindé.<br />

Je te l'ai déjà dit : si tu voulais travailler avec moi, ce n'est pas cette<br />

savate que je te proposerais, mais des mecs de première !<br />

Belinda<br />

Peux-tu me donner le nom d'un type qui soit plus ignoble,<br />

111


plus terrible que toi ? Tu ne respectes pas les filles qui se donnent, qui<br />

se prostituent pour ta personne. A choisir entre deux ignominies, je<br />

préfère la moindre. Oui, j'aime mieux encore un sein brûlé qu'à une<br />

branlée avec une chaîne à vélo. Toi, tu es un malade. Non, tu es dingue<br />

car tu en jouis. Ici, personne n'a osé te casser la gueule, mais quand ça<br />

t'arrivera je serais la première à battre de mains, à applaudir. Tiens, si<br />

un mec avait du cran, il te descendrait. Tu mérites d'être bouffée par<br />

les rats. Moi, je les ai vues les filles que tu as punies. Je ne peux croire<br />

qu'un être si écœurant puisse exister. Leurs dos, c'était de la charpie.<br />

Leurs sexes saignaient. Accrochées, presque pendues pendant des<br />

heures et toi qui frappes, qui frappes toujours. On les entendait hurler,<br />

supplier la fin de leurs tortures. Mais, toi cynique et jouissif, tu<br />

poursuivais inlassablement. Tu imposais ton terrible traitement. Tout le<br />

monde le sait, ici : la petite Christiane - c'est toi qui l'as tuée. Ho !<br />

Certes, on l'a retrouvée dans une décharge d'ordures. Mais c'était toi.<br />

Car tu signes tes crimes.<br />

Le Gros Michel<br />

Mais vas-y, petite salope. Qu'est-ce que tu attends ? Va me<br />

dénoncer à la police, les flics se sont mes frères. Ils ont besoin de types<br />

de mon genre, car je détruis la gangrène. Je fais leur boulot. Je peux<br />

dire que je suis aimé et considéré. Un coup de fil, et je sors une pute,<br />

112


ma pute du violon. Ce n'est pas de la crédibilité ça ? Quant à<br />

Christiane, ce n'est pas mon affaire. J'ignore quel salaud m'a détruit ma<br />

petite protégée. J'étais à l'enterrement, et j'ai pleuré.<br />

Belinda<br />

Mais je rêve ! Tu craches ta merde par la gueule. Non, tu vas<br />

me faire croire que tu possèdes quelques sentiments. Tu as dû vendre<br />

ta mère. Toi, pleurer sur Christiane ! C'est à en rire. Mais tu as raison :<br />

tu gagnes davantage de fric avec tes putes qu'en tournant un scénario.<br />

Pourtant tu serais un bon comédien.<br />

La violence monte dans le Gros Michel ! On imagine ses yeux<br />

sortir de sa tête. Il l'observe fixement. Il n'a qu'une envie : frapper<br />

Belinda pour toute la vérité qu'elle vient de lui cracher au visage.<br />

113


Belinda<br />

Surtout, ne me touche pas. Tu as vu qui est à trois mètres de<br />

toi. Il tire vite lui aussi. D'ailleurs, regarde où est sa main. Elle caresse<br />

la gaine de son arme à feu. Mais si tu veux ta mort, je serais très<br />

heureuse d'y avoir participé.<br />

Le Gros Michel<br />

Tu vois, Belinda, tu as une chance terrible. Ton souteneur<br />

n'est pas mort, ou n'est pas en taule. Tu n'oserais jamais me parler<br />

ainsi. Mais je te promets qu'un jour ou l'autre, tu te mettras à genoux<br />

devant moi. Tu me demanderas le grand pardon. Et la pulpeuse<br />

Belinda effrontée ne sera plus qu'une masse de chair saignante, plus<br />

honteuse plus humiliée que la première des Saintes.<br />

Belinda<br />

C'est fort étrange que de mêler sainteté et prostitution. Enfin,<br />

il doit y avoir en nous quelque chose de bon.<br />

114


Le Gros Michel<br />

Plutôt quelque chose de putride. Nous, nous sommes les<br />

bennes à ordures. C'est pourquoi on t'a ramassée. Tu étais dans le<br />

caniveau. Au lieu de te jeter dans la fosse à merde, on t'a récupérée. Et<br />

tu te plains ? Pourquoi ne veux-tu pas comprendre que tu n'es qu'une<br />

vulgaire pute ? Que jamais tu ne changeras de condition ? Que c'est<br />

ton passé, ton présent et ton avenir. Que jamais tu n'y échapperas !<br />

Belinda<br />

On ne naît pas pute, on le devient. Ce sont, comme on dit, les<br />

circonstances de la vie qui font ce que nous sommes. Au départ, la<br />

femme est pareille aux autres : elle n'a jamais été conçue pour se faire<br />

foutre jour et nuit, ou pour se faire sodomiser par le premier micheton<br />

venu. Tu connais les stratagèmes pour faire d'une pauvre fille perdue,<br />

une pute à pognon. Elle est pommée, faible. Un type la baise<br />

correctement. Elle se laisse emportée dans ses vapeurs. Puis la réalité,<br />

l'atroce vérité : je veux dire l'esclavage. Tu crois donc que nous ne<br />

sommes que des mécaniques sexuelles, que nous n'éprouvons pas le<br />

115


moindre sentiment, et qu'en ce sens nous ne pourrions aimer notre<br />

progéniture ?<br />

Le Gros Michel<br />

Tu ne connaîtras pas le père !<br />

Belinda<br />

Qu'importe ! Il serait mien. Le fruit de mon corps !<br />

Le Gros Michel<br />

C'est de la philosophie que tu me causes. Moi, j'en ai assez de<br />

ces pleurnicheries, de ces jérémiades de putains à morale. Tu sais qui<br />

tu es, et tu sais ce que tu vaux. Pourquoi ne pas me dire que tu étais<br />

une enfant gentille qui craignait la nuit, et qui se protégeait avec son<br />

gros nounours ? Que tu faisais des cauchemars et que ton père venait te<br />

baiser le front afin de te rassurer ?<br />

116


Belinda<br />

Il est vraiment impossible de causer avec toi. Tu n'as aucun<br />

grain de pensée dans ta grosse tête.<br />

Le Gros Michel<br />

Mais c'est toi qui compliques tout. Tu ne veux pas reconnaître ta<br />

destinée. Tu seras pute à vie. Tu n'as pas mis le doigt dans l'engrenage, non,<br />

tu te fais tirer le cul par des dizaines de mecs. Nuance ! C'est toi la machine.<br />

Et tu ne pourras jamais l'arrêter. Tu as les roulements. Quant à l'huile pour<br />

éviter de faire grincer les rouages, c'est ta salive, ma belle petite cocotte ou<br />

ma sublime salope. Je crois qu'un mec là-bas, Mickey, te regarde. Ça le<br />

dérange que tu me causes. Alors va, obéis à ton mac. Il s'énerve sur place.<br />

Rejoins-le. Je vous fais apporter deux whiskies<br />

Belinda se dirige vers la table. Mickey l'attend.<br />

117


Belinda<br />

Pardonne-moi, j'ai été un peu longue. Mais il y a seulement<br />

cinq minutes que je t'ai vu.<br />

Mickey<br />

Tu ne trouves pas déplorable le comportement de Micheline.<br />

C'est une mécanique sexuelle ou verbale.<br />

Au fond du bar, on entend Micheline répéter inlassablement<br />

le refrain qu'elle a inventé. Elle se regarde dans la glace, avec la<br />

gorge bourrée d'alcool.<br />

Micheline<br />

Dans un bordel à merde<br />

Une pauvre ingénue<br />

A décidé de perdre<br />

Son con et sa vertu<br />

118


Elle salivait d'extase<br />

Et se savait foutue<br />

Et jouissait de ses râles<br />

En proposant son cul.<br />

Mickey<br />

Je ne voudrais pas que tu deviennes pareille à cette fille. En<br />

vérité, elle n'avait pas de cran. Elle se plonge dans l'ivresse. Mais elle<br />

n'est qu'une déchéance.<br />

Belinda<br />

Micheline n'est en rien coupable. On s'est trompé, on s'est<br />

gouré. Elle n'était pas faite pour ça.<br />

Mickey<br />

Justement, c'était mon idée. Il est évident que certaines<br />

craquent, mais que d'autres sont capables d'obtenir des résultats fort<br />

honorables. J'ai parlé à Géraldine. Elle m'a dit le plus grand bien de toi,<br />

et c'est bizarre mais je l'ai cru.<br />

119


Belinda<br />

Tu veux dire quoi ? Elle t'a fait de la pub à mon sujet. Elle a<br />

prétendu que tu pouvais couper le fil qui me retenait à la patte. Et que<br />

douce colombe, je reviendrai dans la volière.<br />

Mickey<br />

Oui, c'est à peu près cela. Elle semblait dire la vérité. Non, j'ai<br />

cru que ce qu'elle disait était vrai.<br />

Belinda<br />

Tu accepterais donc de me laisser huit, dix ou douze heures<br />

seule, sans me surveiller le moindre instant. Tu me permettrais d'aller<br />

dans la ville et de m'en retourner au petit matin ?<br />

120


Mickey<br />

L'expérience serait peut-être à tenter. D'autant si tu me<br />

ramenais plus de fric.<br />

Belinda<br />

Mais, il n'existe pas de macs qui aient osé laisser leurs putes<br />

aller où bon leur semble. Ils ont trop peur qu'elles se fassent la malle,<br />

qu'elles se tirent à tout jamais.<br />

Mickey<br />

Dans la vie, il faut innover. Il faut prendre des risques. Mais<br />

je sais qu'il y a une fille sérieuse en toi ; que jamais tu ne t'amuserais à<br />

me faire la belle. D'ailleurs tu aurais trop conscience du mal que tu<br />

subirais.<br />

121


Belinda<br />

Enfin un mac intelligent. Un type qui peut comprendre qu'une<br />

pute n'a jamais été conçue pour travailler sur dix mètres carrés de<br />

trottoir. Enfin un mac qui a compris que l'on pouvait rapporter plus en<br />

ayant davantage de liberté. Quand me permettras-tu de commencer ?<br />

Mickey<br />

Halte-là ! Calme-toi, ma petite. De la liberté, de la liberté,<br />

certes mais contrôlée. Si je te signe un contrat, tu devras t'en retourner<br />

toutes les nuits au bercail ou me passer un coup de fil pur me signaler<br />

où tu es. Ainsi je pourrais te surveiller à distance.<br />

Belinda<br />

Il est exact que dans cette grande ville, c'est pas facile de<br />

signaler où l'on est. Alors un coup de phone, et tu seras mis au courant.<br />

122


Mickey<br />

Calme-toi, et arrête de speeder à mort. On dirait une gamine<br />

qui va à son premier bal. Mais pour cela, il faut qu'elle soit habillée. Tu<br />

as vu tes vêtements : ils sont miséreux. Ce n'est pas avec cela que tu<br />

pourras séduire un mec de la haute. Non, deux ou trois habits sexy, te<br />

seront indispensables. On ira ensemble les acheter. C'est moi qui<br />

débourserais. Je vois des jupes fendues gris perle, ou noires - enfin du<br />

prestige, quoi ! Puis la coiffure, - une belle chevelure épaisse avec des<br />

frisettes - il paraît qu'ils adorent cela. J'investis, mais je dois<br />

rentabiliser. Je dois aussi te filer quelques billets pour pas que tu es<br />

l'air d'une conne devant une bouteille de champagne. Enfin tout ceci<br />

est à penser, mais est à penser très vite. Mais n'est pas de la connerie<br />

que de prendre un tel risque. Je ne sais pas. Tu dois faire 5 000 F par<br />

nuit. Au bout de ce temps je récupère mon capital.<br />

Mickey se questionne et boit rapidement le scotch. Après<br />

l'euphorie, s'en revient la raison. Il sait qu'il prend un risque.<br />

123


Belinda<br />

Je ne connais pas un système qui permette de récupérer son<br />

capital en trois jours. Cela semble exceptionnel. D'autant que les<br />

risques sont réduits. Tu pourras toujours reprendre les sommes<br />

investies.<br />

Mickey<br />

J'aime la chance. Et toi foutue comme tu l'es, tu sembles une<br />

bonne pouliche. C'est vrai qu'un bon pur-sang, ou plutôt un vieux ridé,<br />

un beau gris accepterait ton cul génial. Ouais, je mise sur toi.<br />

Belinda retrouve un comportement enfantin. Elle saute sur<br />

place pareille à une gamine.<br />

Belinda<br />

C'est vrai que nous irons tous deux acheter les habits<br />

nécessaires ? Je crois que des dessous excitants ne seraient pas de<br />

mise. Il vaut mieux jouer dans le sombre. Tu vois un parfum subtil, et<br />

non pas une eau de toilette vulgaire. Peut-être les mains aussi, un<br />

124


ouge tendre. Et les pieds avec d'adorables orteils peints. Oui, c'est ça<br />

le look. D'ailleurs, il faut être à l'inverse de ce que l'on est. Surtout ne<br />

pas passer pour une pute, mais pour une fille de bonne compagnie.<br />

Une sorte de richarde qui a tout essayé, qui s'emmerde et cherche son<br />

prince charmant.<br />

Mickey<br />

Prince charmant ! Il te faut de la culture. Le "cul" soit, mais le<br />

"ture" à revoir. Pour l'instant tu fonctionnes à 50 %. Des efforts sont<br />

indispensables, ma belle. Je te conseillerais de relire ou lire tes<br />

classiques.<br />

Belinda<br />

intelligemment.<br />

Je ne vois pas le problème. J'ai mon bac. Alors je peux causer<br />

125


Mickey<br />

Oui, mais plus de dix ans se sont écoulés, et le savoir, ça<br />

s'oublie. Un autre le remplace : celui de la vie de pute : il y a une<br />

différence entre une grosse bite et une équation du second degré.<br />

Belinda<br />

C'est comme le vélo : ça ne s'oublie pas. Ne t'inquiète pas. Je<br />

serai y faire. J'ai des cartouches pour ce qui est de causer. D'ailleurs<br />

même un type de la haute ne se soucie pas de savoir si tu as compris<br />

Einstein ! Il te demande seulement de lui faire oublier ses problèmes<br />

du moment. Là, il y a nuance. Seul un pédé, demande à une femme<br />

d'être intelligente. Non, il faut avoir une certaine classe, un certain<br />

maintien et ça va. Ce qu'il faut, c'est trouver la raison pour laquelle je<br />

suis libre. En fait, je peux tout simplement être riche, seule, belle et en<br />

manque d'amour.<br />

126


Mickey<br />

Et d'argent. Donc tu n'es pas tout à fait riche. Souviens-t'en !<br />

C'est pour cette raison que je te donne la liberté. Remonte dans la<br />

chambre, ma chérie. J'ai besoin de réfléchir. Ça circule dans ma<br />

cervelle. Fais-moi passer un Bourbon au bar.<br />

Mickey prend sa tête entre les mains. Il souffle fortement. Il<br />

tique. Il tapote, cogite. Il s'énerve en quelque sorte.<br />

Le Gros Michel<br />

Tiens, regarde. Je t'apporte ton Bourbon. Ça ne te dérange pas<br />

que je cause quelques instants avec toi.<br />

Il s'assoie sans demander l'autorisation. Mickey boit<br />

rapidement sans se soucier de sa présence.<br />

127


Le Gros Michel<br />

Alors, si j'ai bien compris, tu es pour la libération de la pute.<br />

Je reconnais que tu as pris de l'avance sur le temps et sur la société.<br />

Mais si tu joues les précurseurs, crois-tu que d'autres te suivront ?<br />

Penses-tu qu'ils accepteront de voir leurs filles aller de bars en bars et<br />

d'hôtel en plages ? Et de rester comme des cons en attendant que la<br />

pute apporte le fric ? On dirait que tu veux détruire la profession.<br />

Mickey<br />

Je t'interdis de toucher à Belinda.<br />

Le Gros Michel<br />

Réfléchis. Si toutes demandent la libération, c'est la<br />

débandade. Et le bordel, il se fait à l'extérieur. Comment les contrôler ?<br />

128


Mickey<br />

Il suffit d'avoir confiance.<br />

Le Gros Michel<br />

Tu joues les naïfs. Ta colombe va s'envoler. Tu sais pourquoi<br />

? Car il te sera impossible de surveiller toutes tes filles. Si l'une trouve<br />

l'issue de secours, les autres s'y engouffreront. Tu me diras :<br />

impossible, elles savent ce qu'elles subiront. Erreur ! Erreur encore !<br />

Car elles prétendront passer à travers le filet.<br />

Mickey<br />

Tu vois, tu joues les mecs épais, ça tu leur fous des coups à tes<br />

filles. Mais tu as un petit pois à la place de la cervelle. Évidemment le<br />

raisonnement économique, tu connais pas. Une greluche a combien<br />

d'années d'écartement ? Quinze ans, au plus ? Donc il faut qu'elle<br />

rentabilise son capital-cul. On prend mais on lui en laisse. A trente-huit,<br />

quarante ans, elle est morte. Et oui, jeunesse se passe. Ce qu'elle désire,<br />

c'est faire un million de francs lourds à cet âge. Et moi, je l'assume. Mais, il<br />

129


lui faut la liberté. Ce n'est pas en faisant des sucettes à cinquante balles<br />

qu'elle y parviendra. Et ce n'est pas un capital-risque ! Puis avec ses cent<br />

briques, elle se retire. Entre-temps, je trouve d'autres pouliches. La suite<br />

est assurée. Pas con, non ? Comprends : si je la laisse libre, elle rapporte<br />

plus. Elle se retire plus vite. Mais entre-temps, je prends davantage.<br />

Mickey, après un léger blanc<br />

J'avoue que j'active un peu. C'est parce que les idées se mêlent<br />

dans la citrouille. Bon, je recommence. Dès le début. Il y a deux façons<br />

de considérer la pute : l'ancienne et la moderne. Moi, je suis un mac de<br />

mon temps. Le passé, tu le connais. Je lâche doucement la corde. Je lui<br />

demande de prouver à l'extérieur. Les sommes qu'elle me rapporte sont<br />

de plus importantes. Donc je continue, et je lui permets de travailler<br />

sans que je sois toujours derrière son cul. Elle représente du luxe,<br />

comme elle est belle. Donc je la vends à de la clientèle huppée.<br />

Belinda en tire davantage de liberté, travaille mieux. Moi je lui donne<br />

plus. Elle me rapporte plus. C'est simple, non ?<br />

130


Le Gros Michel<br />

Ouais. A peu près. Mais si ton système fonctionne, c'est vers<br />

le syndicalisme qu'on va. Et demain, elles défileront dans la rue en<br />

demandant des augmentations de salaire.<br />

Mickey<br />

Il ne faut pas confondre la vulgaire avec l'initiée. La grosse<br />

vache avec la sélection de pute. Mon système n'est valable qu'avec la<br />

superbe. Il y a des filles à arabes, et des filles pour des cheiks arabes. Y<br />

a une nuance. Les uns sont à cinquante balles, les autres sont à dix<br />

mille, vingt mille francs la nuit. En vérité, je devrais créer une école de<br />

putes pour leur enseigner la prestance, le maintien et le bon goût. Je<br />

devrais leur apprendre à chasser leur vulgarité, à en faire des honnêtes<br />

femmes. Et qui te dit qu'après cela elles ne pourraient pas se ranger ?<br />

Devenir des épouses modèles ? Et faire des mômes comme la<br />

fonctionnaire d'en face ? Mais en plus, elles auraient un compte<br />

bancaire bien gonflé, et une Mercedes devant la porte. Personne ne<br />

pourrait savoir quelle profession auparavant elles exerçaient. Tu vois,<br />

je n'essaie pas de les humilier. J'en tire du pognon. Mais je leur<br />

permets d'être des femmes comme les autres, évidemment après le petit<br />

131


esclavage. Mais c'est gagner plus. C'est vivre dans un autre milieu.<br />

C'est côtoyer des gens d'une autre importance.<br />

Le Gros Michel<br />

Je suis stupéfié. J'écoute et je bave tes paroles. On dirait que<br />

tout cela pourrait se passer !...<br />

Mickey<br />

Mais cela se passera !...<br />

Le Gros Michel<br />

A t'entendre, ça paraît si simple.<br />

132


Mickey<br />

C'est ton recrutement qui est mauvais. Tu t'es toujours<br />

satisfait de filles faciles. C'est pourquoi tu ne pouvais penser à mon<br />

idée. Et si elle était géniale ?<br />

Le Gros Michel<br />

Tu t'emportes trop vite. Tu cours d'idées en idées. Tout est sur<br />

le papier, mais l'application. Rien.<br />

Mickey<br />

Je tente l'expérience avec Belinda. Si j'échoue avec elle, là<br />

d'accord. Mais tu sais comme moi, qu'il y a des types qui ont pensé<br />

différemment de nous. Des femmes en outre. Et elles ne sont pas dans<br />

ces taudis de merde. Elles mettent en relation leurs protégées avec<br />

ceux qui ont du pognon. Moyennant vingt pour cent. Elles s'en tirent<br />

fort bien. Elles ne se salissent pas l'ongle d'un pouce. Je te le dis. Je te<br />

le répète. Il faut faire évoluer le métier.<br />

133


Le Gros Michel<br />

Soit. Mais qu'est-ce que je fais de mes anciennes ? Je les<br />

change contre des neuves. Je dois recruter. Et entre-temps, le fric ne<br />

tombe pas. Non, c'est transformation, que dis-je, cette métamorphose<br />

ne me va pas.<br />

Mickey<br />

C'est drôle. J'ai toujours eu de la haine pour toi, et voilà que je<br />

te donne un système pour te permettre de gagner du pognon. Je sais<br />

très bien que si mon système échoue, tu serais le premier à en rire. Que<br />

dis-je à en jouir ! Et me voyant courir après ma pute, tu te dépêcherais<br />

de me piquer les miennes.<br />

Le Gros Michel<br />

Cela serait impossible, comme nos méthodes sont différentes.<br />

Toi tu travailles dans la douceur. Moi, je préfère m'imposer avec la<br />

force. Tu m'as suffisamment reproché d'agir dans la violence. Mais<br />

mon principe m'a permis de gagner plus que toi.<br />

134


Mickey<br />

Moi, je détiens la qualité. Elle s'appelle Belinda. Toi, tu<br />

possèdes l'alcoolique et c'est Micheline. Tu les rends débiles, tes filles.<br />

Moi, aucune n'a eu à se plaindre de mes traitements.<br />

Le Gros Michel<br />

J'étais venu ici pour causer. Mais je m'aperçois que tu veux<br />

me chauffer. Je préfère ne pas chercher l'histoire. Laisse-toi t'imbiber<br />

de tes Bourbons. C'est plus raisonnable.<br />

Mickey<br />

Je crois qu'il est préférable que tu te casses. Laisse-moi<br />

plonger dans mon ivresse. Le reflet du miroir est plus beau que ta sale<br />

gueule.<br />

135


Le Gros Michel<br />

Tu veux m'énerver. Je peux t'écraser. La raison s'impose en<br />

moi? Je préfère m'éloigner. Tiens, regarde. Un client. Je suppose qu'il<br />

va tirer Belinda. En vérité, reconnais-le, tu tolères toujours les bonnes<br />

vieilles méthodes : la pute au premier, et toi ici pour la surveiller.<br />

Comme tu as raison. Comme on dit : le passé a du bon. Je te laisse : j'ai<br />

mes pouliches à soigner. Je dois vérifier si elles travaillent<br />

sérieusement.<br />

136


V<br />

Le mouvement suivant se déroule dans la chambre de<br />

Belinda. Le client est assis sur le lit.<br />

Le Client<br />

Tu es certaine de ne pas te tromper. C'est tellement risqué ton<br />

truc. J'ai l'impression que tu es en train de faire une sacrée connerie.<br />

Belinda<br />

Il m'est impossible de supporter cet esclavage. Je veux être<br />

libre. Enfin être une femme pareille aux autres.<br />

Le Client<br />

D'accord. Cela, c'est facile à comprendre. Mais tu n'as aucune<br />

méthode, aucun plan. S'il te récupère, s'il te rattrape, c'est la mort, la<br />

mort assurée dans les souffrances les plus abominables.<br />

137


Belinda<br />

Cela vaut le coup de tenter. D'ailleurs je ne vis pas ! Que<br />

m'importe la vie ! Elle n'est que tortures, que punitions et dépendances.<br />

Suppose qu'il me repère : que m'arrive-t-il ? Sept ou huit heures de<br />

violence. Puis la mort. Mais je ne sentirais rien. Je saurais me bourrer<br />

la tête d'anesthésiants afin de diminuer l'intensité de leur cruauté.<br />

Observe que ma vie n'a pas de sens !<br />

Le Client<br />

Des putes, il y en a toujours eu. Il y en aura toujours. Les<br />

filles qui t'entourent acceptent avec résignation leur destinée. Elles ont<br />

l'espoir de quitter leurs lieux exécrables, et de redevenir des femmes<br />

pareilles aux autres.<br />

Belinda<br />

Mais, moi j'ai une notion différente. Je ne peux pas leur<br />

ressembler. Cela fait déjà cinq ans que j'exerce cette profession. Que je<br />

138


eçois tout ce qu'on me propose entre les jambes. Non. Ce n'est plus<br />

tolérable. Il me faut fuir à jamais. Ou alors j'accepte ma fin.<br />

Le Client<br />

Comment oser prendre un tel risque ? Jamais une pute n'est<br />

parvenue à se faire la belle. Où qu'elle aille, quoiqu'elle fasse, elle est<br />

traquée, puis démasquée. Et là, ça ne pardonne pas.<br />

Belinda<br />

C'est vrai, mais j'ai un petit avantage. Mickey croit en moi. Il<br />

ne peut supposer que je me taille. D'ailleurs, il souhaite me donner plus<br />

de liberté, ça c'est d'un. De plus, jamais le Gros Michel ne le<br />

soutiendrait : ils sont deux macs qui se font la guerre. Imagine quelle<br />

jouissance il tirerait à savoir que je me suis cassée ! Ce serait pour lui<br />

une énorme victoire, et jamais il n'aiderait Mickey pour me retrouver.<br />

139


Le Client<br />

Oui, mais dans un autre sens, il pourrait penser différemment.<br />

Et le soutenir, pourquoi ? Tout simplement de crainte que ces filles à<br />

lui n'agissent de même, que ça fasse boule-de-neige, en quelque sorte.<br />

Belinda<br />

C'est un risque énorme. Mais je suis prête à l'assumer.<br />

D'ailleurs une fois le doigt dans le rouage, je ne pourrais arrêter le<br />

mécanisme. C'est ça ou se faire empaler, alors ! Dans les deux cas, je<br />

subis la torture. Si même Mickey parvenait à le savoir, la punition<br />

serait celle-là.<br />

Le Client<br />

Explique-moi comment tu comptes t'en sortir ?<br />

140


Belinda<br />

Il est fort aisé de comprendre que seule je ne saurais m'en<br />

sortir. J'ai besoin d'une autre personne. Et cette personne, c'est toi.<br />

Attends, ne panique pas. Si l'on se débrouille très bien, cela se passera<br />

facilement.<br />

Le Client<br />

Tu comptes m'utiliser pour fuir en Suisse ou dans un autre<br />

pays ami. La Belgique, par exemple ? Tu imagines que j'accepterais<br />

ton système avec un P.43 dans la nuque ou dans les fesses. Mais<br />

réfléchis trente secondes, Margot ! Je refuse de mourir pour une fille<br />

que je n'aime pas.<br />

Belinda<br />

Si ! Tu m'aimes. Et tu me le prouveras demain. La question<br />

n'est pas là. As-tu suffisamment de courage pour oser ce que personne<br />

encore n'a eu le cran de tenter ? Te rends-tu compte : délivrer une pute<br />

! Cela est de l'exceptionnel. Du rarissime.<br />

141


Le Client<br />

Qui te dit que j'ai quelconque projet avec toi ? Me sentir<br />

poursuivi jour et nuit. Me savoir toujours un pistolet braqué sur la<br />

nuque ? Crois-tu que c'est envisageable ? Que c'est une vie ? Tout ça<br />

pour sortir une pute. Je n'en ai pas les moyens. Quand bien même je les<br />

posséderais, je ne m'aventurerais pas dans une telle entreprise. Mieux<br />

vaudrait encore me satisfaire d'une gentille petite sur le coin. Non,<br />

mais tu rêves ! Une bande de macs à mes trousses, parce que je leur ai<br />

piqué une frangine !<br />

Belinda<br />

D'ailleurs, quoi que tu dises, tu as envie de vivre le danger. Tu<br />

as besoin de te surpasser. Ho ! Ce n'est pas braquer une banque ! Ce<br />

n'est pas cracher à la gueule de ton patron, mais quelque chose de plus<br />

fou, de plus dingue et de plus excitant. Pourquoi tu ne dis pas tout à<br />

Mickey. Il te croirait. Je te dis que tu m'aimes.<br />

Le Client<br />

Si je ne descends pas immédiatement, c'est pour qu'il se méfie<br />

de rien. Je ne désire pas qu'il s'étonne que le coup soit si rapide. Mais,<br />

142


moi t'aimer ? Tu pues le sperme gluant. Tant de types t'ont foutue ! Tu<br />

n'es pas un passage mais un Arc de Triomphe. Mais le Triomphe en<br />

moins. Si je te roulais un patin, j'aurais l'impression d'avoir les<br />

microbes de toutes ces bites que tu as sucées. Reconnais que c'est<br />

écœurant. Alors t'aimer ! T'aimer ! Tu rêves !<br />

Belinda<br />

Je me lave et je me brosse les dents. Une femme qui a chié, tu<br />

lui bouffes le cul ? Et l'autre qui a vomi, tu l'embrasses toutefois !<br />

Alors, mes microbes. Ce sont plutôt tes paroles qui puent. La merde<br />

n'est pas au cul, mais dans la teneur de tes propos.<br />

Le Client<br />

Tu peux toujours causer, et causer : m'entraîner dans une telle<br />

aventure ! Me soumettre à la mort. Non. Rien de bon. Après tout, tu<br />

dois te débrouiller seule. D'ailleurs cela correspondrait à une cavale. Et<br />

à deux, on serait plus repérables. Si j'ai un conseil, c'est d'agir unique.<br />

Et surtout de travailler par l'absurde. Va à l'inverse de ce que tu penses<br />

bon de faire. Déboussole-toi pour le désorienter. Il connaît tes désirs,<br />

143


tes rêves. Et bien, joue le contraire. Il faut chasser la raison et le bon<br />

sens. Tu détestes l'Algérie, et bien va en Algérie. C'est bien le dernier<br />

pays au monde où il te cherchera. Calfeutre-toi dans une usine. Et<br />

travaille à la pièce. Tu seras dans ta propre opposition. Une pute au<br />

SMIC, ça c'est génial ! Parce que le type, il te recherchera dans les<br />

endroits chics, les aéroports, les quatre étoiles, les gares ou les bars de<br />

luxe.<br />

Belinda<br />

Je te croyais plus courageux. Tu es une sorte de miteux, un<br />

incapable à tenter l'aventure. C'est peut-être la seule de ta vie et tu<br />

pourrais prendre une décision. Et pas n'importe laquelle ! Celle qui<br />

permettra ma délivrance !<br />

Le Client<br />

Attention, ma beauté ! Tu n'es pas Cendrillon et moi, je n'ai<br />

pas la gueule du Prince Charmant. Alors tes rêveries, tu sais où tu te<br />

les places ! Oui. Et plus fort encore. N'hésite pas à t'empaler. Du<br />

moins, tu te réveilleras.<br />

144


Belinda<br />

Bon, alors ! Qu'est-ce que je fais : je te laisse tomber comme<br />

deux vieilles prunes ? Comme deux couilles molles et ramollies ?<br />

Le Client<br />

Si tu essaies de m'énerver, de m'exciter, pour que j'obéisse à<br />

tes ordres, ça c'est la belle erreur ! Tu ne me chaufferas pas. Dis-moi<br />

plutôt combien je te dois pour avoir écouté tes balivernes.<br />

Belinda<br />

C'est gratuit.<br />

Le Client<br />

Heureusement.<br />

145


Belinda<br />

Attends encore trente secondes. De toute façon, je ne<br />

supposais pas qu'un type ait suffisamment de cran pour m'aider. Je<br />

cause pas comme ça pour t'attaquer. Non. C'est une simple observation<br />

: les mecs ont le courage pour torture les filles. Mais ils n'en ont pas<br />

pour délivrer une pute. C'est plus facile de mettre des menottes, que de<br />

détacher des liens. Bon. Je m'en tirerai toute seule. Jure-moi une seule<br />

chose. Cette conversation doit être gardée secrète. Tu imagines<br />

autrement les conséquences.<br />

Le Client<br />

Moi, je descends maintenant. Ton Mickey se douterait que ça<br />

sent pas bon si je restais plus longtemps. Ne t'inquiète pas, j'aurais l'air<br />

dégagé et satisfait.<br />

Belinda semble mystifiée. Elle est comme avachie sur son lit<br />

comprenant enfin que personne n'acceptera de l'aider, qu'elle sera<br />

seule pour tenter d'échapper à son impossible destin. Elle se lève<br />

tristement, se dirige vers la glace, et commence un monologue.<br />

146


Belinda<br />

Ma pauvre fille, observe-toi : les rides t'accusent, les joues se<br />

creusent. Oui, ta jeunesse est fanée. Déjà trente ans, et tu en parais<br />

quarante. Aucun espoir ! Aucune possibilité pour te sortir de ce ghetto.<br />

Même celui en qui tu avais confiance, t'a comme planquée,<br />

abandonnée. Tu me diras qu'on n'abandonne pas une pute. On ne la<br />

soutient pas. Elle est telle qu'elle est : c'est-à-dire misérable jusqu'à son<br />

extrême. Donc tous tes projets sont à jeter, ou à brûler comme des<br />

lettres d'amour d'un temps passé.<br />

Après un léger blanc.<br />

Tiens, c'est drôle. Te voilà romantique. Il faudra pourtant te<br />

mettre dans la cervelle qu'une pute n'a pas de sentiments, ni cœur ni<br />

pensées. Qu'elle n'est qu'une machine érotique qui obéit, qui agit et fait<br />

jouir. Mais qui ne ressent rien.<br />

147


Elle se lève.<br />

Mais cela ne voudrait rien dire. J'existe pourtant. Je suis<br />

capable de donner de l'amour - du vrai - et de l'affection. Ainsi je serais<br />

capable d'épouser, de redevenir pareille aux autres, c'est-à-dire une<br />

femme qui aime et qui peut avoir des enfants. C'est étrange ce qui<br />

traverse mon esprit, ce qui paraît le simple et est accessible à des<br />

millions de femmes, m'est interdit. Et dire que je rêve de la petite<br />

pucelle qui avait treize ans. Tout pure et pleine de retenue. Je me<br />

plonge dans ma jeunesse, dans mon enfance ou dans cette adolescence<br />

! Oui, quinze ans. Un sein caressé, une première fesse montrée dans la<br />

pudeur. C'était le temps merveilleux de la retenue. Et ces tendres<br />

baisers !<br />

Elle fredonne Trenet.<br />

Et les baisers d'Hélène<br />

Par un beau soir d'été<br />

Non, j'en suis pas sûre<br />

148


Et le sourire d'Hélène<br />

Par un beau soir d'été.<br />

Drôle de folle complainte. D'ailleurs, je ne m'appelle pas<br />

Hélène. Enfin, le rêve n'est pas interdit ! Je crois qu'il m'est nécessaire<br />

de laisser vagabonder mon âme. Oui, ne suis-je pas une femme ?<br />

La douceur de nos corps<br />

A fui avant la mort<br />

Je respire le désir<br />

De ton cœur qui soupire.<br />

C'est bête ces phrases qui me passent par la cervelle. Elles ne<br />

veulent rien dire. Elles n'ont aucun sens. D'ailleurs elles m'inquiètent.<br />

J'ai l'impression de m'en retourner vers Micheline qui sans espoir<br />

pleure elle aussi sa douleur; Allons, Belinda ! Réveille-toi ! Ce n'est<br />

pas parce qu'un connard a décidé de t'abandonner que tu dois remettre<br />

en cause ton projet. Si tu voulais te réveiller un peu. Te donner un<br />

semblant d'impulsion.<br />

Elle se tape les joues. Respire profondément. Se secoue la<br />

tête, et s'en retourne à son état premier.<br />

149


Bon, réfléchis à présent. C'est passé ? Tu es nette ? Fini ton<br />

romantisme absurde ? Tu tends vers la réalité ? Triste réalité ! Oui,<br />

mais c'est ainsi ! Alors, récupéré ? Donc, il faut fuir. Comment ? Je<br />

l'ignore. Mais il faut en finir avec cet état absurde. Récapitulons : le<br />

client t'a laissé tomber. Ça, il fallait s'y attendre. C'est la trouille.<br />

Mickey te donne son entière confiance. C'est un bon point. A exploiter<br />

!...Mais comment m'en sortir, seule ? Dans un sens, c'est mieux peutêtre.<br />

Tu n'auras pas à traîner derrière toi un paquet encombrant. Tu<br />

seras toute légère ! Mais je dois trouver l'issue sans attirer l'attention de<br />

Mickey. La splendide, la merveilleuse sortie. Autre atout. J'ai quelque<br />

argent de côté - 125 000 F - C'est peu. Ça peut me servir. Et pour une<br />

cavale en fait c'est beaucoup. Aller où ? Quelle direction ? Le but<br />

consiste à échapper à cette prostitution. Et la conséquence, c'est de<br />

faire peau neuve - enfin une autre vie. Il faut que j'engrange les paroles<br />

du client. Aller à l'inverse de ma logique. Donc je dois raisonner<br />

connement. Ça me sera facile.<br />

bandé.<br />

Elle rit. On frappe à la porte. Arrive Mickey complètement<br />

150


Belinda<br />

Mais qu'est-ce que tu as eu besoin de te saouler ? Tu as<br />

complètement épongé le bar. Mais pourquoi es-tu dans cet état ?<br />

Elle l'aide à s'asseoir sur le lit. Se dirige vers le lavabo, et<br />

mouille une serviette. Elle tente de le décuver.<br />

Belinda<br />

Hein ! Mickey ! Tu ne vas pas me faire le coup du sommeil.<br />

Bon Dieu, tu es beurré de Bourbons. Une allumette et ta gorge<br />

s'enflamme. Je parie que c'est encore le Gros Michel qui t'a raconté ses<br />

mensonges. Et toi, allant sur allant, tu as ingurgité toutes ces bêtises. Il<br />

t'a même sorti ses conneries me concernant.<br />

Mickey se fait humecter le visage. Râle quelque peu. Mais n'a<br />

pas la force de répondre.<br />

151


Belinda<br />

C'est une bonne douche froide et glacée qu'il te faudrait. S'il<br />

n'en était que de moi, ça ferait longtemps que tu serais à poil et au jet.<br />

Mais, évidemment si je m'y essayais tu me le reprocherais le lendemain<br />

matin. Tu prétendrais même que ce n'était qu'une légère ivresse. Que<br />

cela méritait pas de te mouiller. Et c'est moi encore qui en recevrais.<br />

Bon ! Tu m'entends, du moins.<br />

Mickey est allongé sur le lit, et commence à ronfler.<br />

Ha ! Non ! Ca ce n'est pas possible ? Viens ici.<br />

Elle le tire du lit. Le soulève jusqu'au lavabo et l'asperge<br />

convenablement. Deux, trois minutes dure cet exercice.<br />

Belinda<br />

Enfin, tu ouvres un œil. Et le deuxième, là-bas ? Bon, ça<br />

semble tenir debout. N'es-tu pas fou de boire autant ? Mais pourquoi<br />

152


as-tu ingurgité tous ces alcools ? Tu pues le Bourbon à dix mètres.<br />

Qu'est-ce que tu vas faire complètement avachi là, sur mon lit, comme<br />

une lavasse ? Oublier ton ivresse ? Il te faudra des heures. Et la nuit va<br />

tourner. Et moi, je ne pourrais recevoir personne. Et après, tu<br />

m'accuseras de n'avoir pas travaillé ! Hein ! Tu m'entends ou quoi ?<br />

Elle tente de l'aider à se lever. Il s'étale aussitôt.<br />

La solution la meilleure consisterait à descendre dans la rue, à<br />

bosser à mon compte. Oui, il est préférable que je revienne demain<br />

matin, du moins, tu ne seras plus dans les roses.<br />

Mickey est complètement hagard. Il ne sait plus même où il<br />

est. On se demande comment il a pu gravir les marches de l'escalier<br />

qui menaient à la chambre.<br />

153


Écoute Mickey, réveille-toi. J'ai beau te secouer de toutes mes<br />

forces, tu ne réponds que par des râles. Si je te laisse dormir, demain<br />

matin tu auras des barres qui te traverseront la tête. Il faut que tu<br />

résistes ? Putain ! Essaie de dire quelques mots. Tu n'en es pas même<br />

aux bribes. Il te faudra huit jours pour te refaire !...<br />

Elle se dirige rapidement vers la table de chevet, et en tire un<br />

petit flacon de parfum.<br />

Tu sentiras la poule. Mais qu'importe. Ça te changera du coq.<br />

Tiens ! Renifle ! Je sais c'est dégueulasse. Mais voilà ce que je peux<br />

m'acheter. Alors ne renâcle pas. C'est pas vrai. Il n'y a rien à en tirer de<br />

toi. Écoute : tu vas roupiller. Pendant ce temps je vais dans la rue.<br />

Elle l'allonge sur le lit. Lui retire ses chaussures. Tapote<br />

doucement l'oreiller sur lequel elle incline sa tête. Elle éteint la lampe<br />

de chevet. Belinda lui déboutonne sa chemise, fait glisser son<br />

pantalon.<br />

154


Tu m'excuseras, mais j'ai autre chose à faire.<br />

On l'observe dans la salle de bain. Elle troque sa robe contre<br />

une jupe fendue et sexy. Elle se maquille, et donne un coup de peigne<br />

dans la chevelure. Ses cheveux épais et blonds roulent sur ses épaules.<br />

Elle l'embrasse sur la joue.<br />

Au revoir, chéri. Mais le boulot m'attend.<br />

155


VI<br />

Le mouvement se déroule dans la rue. Le client contre une<br />

voiture de luxe attend Belinda.<br />

Belinda<br />

Qu'est-ce que tu fous là encore ? Je t'avais pourtant dit que je<br />

ne voulais plus te voir. Toi-même pareil à un couard, tu t'en étais parti.<br />

Et voilà, maintenant que Monsieur me nargue ! D'ailleurs, qu'est-ce<br />

que tu fais contre cette bagnole ? Elle ne t'appartient pas ! Tu l'as<br />

empruntée. Je te sais incapable de la voler.<br />

Le Client<br />

Je ne te nargue pas. Et cette voiture est la mienne.<br />

156


Belinda<br />

qu'il le soit.<br />

Alors, si je comprends, Monsieur joue dans le riche. A moins<br />

Le Client<br />

Tu sais que je te trouve, super belle.<br />

Belinda<br />

Évidemment, on peut toujours cracher : une jupe fendue, des<br />

talons hauts, une chevelure, un maquillage. Ça s'appelle avoir de la<br />

gueule. Mais le matin, au petit-déjeuner, à poil, comme les autres. On<br />

n'est pas grand-chose. Les paupières sont lourdes. Et on ne provoque<br />

en rien le désir. Ça c'est pour l'artifice. La réalité est trompeuse. Alors<br />

ma beauté ! Ma beauté, tu sais où tu te la mets ?<br />

157


Le Client<br />

C'est exact, Belinda. J'ai fait preuve de médiocrité et de<br />

couardise. J'ignore si cela s'appelle le courage des timides qui hésitent,<br />

se retournent et doutent. Mais j'avoue avoir envie de tenter cette<br />

fabuleuse aventure. Je ne sais ce qu'il adviendra de moi. Comme de toi,<br />

aussi. Mais cet excès m'excite.<br />

Belinda<br />

Attention, il s'agit d'une chose sérieuse. Si cela réussit, c'est la<br />

prostitution qui est remodelée. Que dis-je, remise en cause ! Imagine la<br />

pute libre d'agir, et d'accomplir ce que bon lui paraît.<br />

Le Client<br />

Ce n'est pas ainsi que j'ai travaillé le problème. Les autres<br />

prostituées, je ne les connais pas. Toi, seule représente quelque chose à<br />

mes yeux.<br />

158


Belinda<br />

Supposons que tu ne bluffes pas. Comment pourrais-tu<br />

accepter qu'une fille qui a entrebâillé ses cuisses pour des centaines de<br />

mecs, puisse être crédible avec ta morale ? Tu m'as juré le contraire il y<br />

a une heure. Tu changes plus vite tes pensées qu'il ne m'en faut pour<br />

baisser ma culotte. Tout cela n'est pas sérieux. Une pute se méfie. Cela<br />

ne m'étonnerait pas que derrière, il y ait Mickey.<br />

Le Client<br />

rencontrer.<br />

Mickey, je ne le connais pas. Et je ne souhaite en rien le<br />

Belinda<br />

Si tu veux parler franchement, tu le peux. Mickey s'est goinfré<br />

la gueule d'alcool. Alors, vas-y pour la cause. Il dort. Crois-le : il n'est<br />

pas prêt de descendre les escaliers.<br />

159


Le Client<br />

Tu sais pourquoi il s'est enivré ?<br />

Belinda<br />

Cela lui arrive parfois. Un verre. Puis deux. Ça gueule, ça<br />

discute, ça redemande une tournée. La cause en est peut-être le Gros<br />

Michel qui ne cesse de le gonfler. Alors, comme il le craint, il fait<br />

comme ça, mais en vérité il tremble. Alors il se jette dans l'alcool : il se<br />

sent plus fort.<br />

Le Client<br />

Tu le crois apte à nous chercher, si je tentais de te faire évader ?<br />

Belinda<br />

C'est certain que la fureur, que dis-je, que la folie monterait en<br />

lui. Il jurerait de me tuer. Et de me soumettre aux tortures terribles qui<br />

160


vont jusqu'à la mort. Quant à toi, ta souffrance serait plus ignoble<br />

encore, comme tu serais celui qui a décidé ma fuite.<br />

Le Client<br />

Si je comprends, je joue avec ma mort. Je me projette dans un<br />

milieu qui n'est pas le mien. Et dans le meilleur des cas, c'est la<br />

violence qui m'attend.<br />

Belinda<br />

Tu es naïf ou quoi ? Tu te mêles de choses qui te sont<br />

interdites, qui te sont étrangères. Mais je ne t'impose pas de me suivre.<br />

Je suis capable de m'en sortir toute seule. D'ailleurs, tu le disais : deux<br />

personnes sont plus repérables.<br />

Le Client<br />

A moins qu'elles forment un couple soudé. Suppose que tu<br />

m'épouses devant la loi. Ta prostitution disparaît. Remarque que je<br />

serais un sacré connard pour épouser une pute.<br />

161


Belinda<br />

Certes, mon corps a servi. Mais mon âme, hein ! Cet esprit, tu<br />

ignores ce qu'il renferme. Peut-être que derrière cette carapace de fille<br />

vulgaire se cache une femme faite d'amour, et du vrai. Après tout, je ne<br />

suis pas qu'une machine sexuelle. J'ai des sentiments, moi aussi. Et qui<br />

te dit que je ne pourrais pas rendre un homme heureux ?<br />

Le Client<br />

C'était une illusion. Ce sont mes paroles qui m'ont emporté.<br />

Jamais, je n'aurais le souci de t'épouser.<br />

Belinda<br />

femme aussi.<br />

Certainement, mais une pute n'est pas qu'une pute, c'est une<br />

Le Client<br />

m'intéresse.<br />

Pas pour moi, en tout cas. Non, c'est la notion d'aventure qui<br />

162


Belinda<br />

Pauvre con ! L'aventure ! Petit fonctionnaire miteux. C'est<br />

grave cette situation. Si tu veux de l'exotisme, va t'inscrire au Club<br />

Méditerranée. Tu te sauteras une collègue de bureau en chaleur depuis<br />

onze mois. Et sans risque, sans pétard braqué sur ta nuque. Mais tu es<br />

un gosse ou quoi ? On dirait que tu rêves. Que tu n'as aucune<br />

conscience du monde de la prostitution. Tu crois qu'on le règle avec<br />

des serpentins. On n'est pas au théâtre ici. Tu vis dans la réalité atroce,<br />

abominable et de tous les jours. Non, tu ne le connais pas. Tu n'as que<br />

des yeux de voyeur. Et encore, par le petit bout de la lorgnette. Mais<br />

c'est une loupe, non un microscope qu'il te faudrait acheter.<br />

Le Client<br />

C'est certain. Je ne vis pas pour me faire enculer toutes les<br />

heures. Mais j'essaie de te comprendre. Je ne joue pas les prêtres<br />

confesseurs qui sans connaître rien de la vie, prétendent vouloir donner<br />

des conseils.<br />

163


Belinda<br />

Heureusement, pas de curé dans les parages ! D'ailleurs, ils ne<br />

sont bons qu'à confesser des innocentes. Mais, les vrais problèmes, ils<br />

se cachent les yeux, comme ceux qui nous gouvernent ou comme la<br />

Police.<br />

Le Client<br />

N'agresse pas tout le monde. Moi, les Curés, la Police, le<br />

Gouvernement. Et Mickey, et le Gros Michel. Il te manque Dieu.<br />

Evidemment tu n'y crois pas.<br />

Belinda<br />

Si tu étais dans ma condition, tu entends, tu n'espérerais que la<br />

mort après cette vie injuste. Tu ne pourrais jamais prétendre qu'un<br />

bonhomme qui est assis sur un nuage a décidé de ma condition, de<br />

cette condition car je ne la mérite pas. Mais crois-tu réellement qu'une<br />

enfant, qu'une ado, qu'une jeune femme soient faites pour se<br />

transformer en putain ?<br />

164


Le Client<br />

Ce sont les méandres du Destin qui imposent un sort ingrat.<br />

Belinda<br />

Où encore as-tu été cherché cette phrase ? Dans des livres, je<br />

suppose ? Non, ma vie c'est de la merde, et j'en ai jusque-là. Mon âme<br />

est puante, mon corps est meurtri, détruit par l'injustice de l'homme -<br />

ou des hommes. Alors, Bon Dieu, du moins que mon cul soit propre :<br />

Ca sauvera les apparences.<br />

Le Client<br />

Mais il y a des cicatrices dans ton coeur et dans ta cervelle<br />

comme il y a des marques de cigarettes sur ton sein droit !<br />

165


Belinda<br />

Cela serait si peu. Mais la conversation n'avance pas. Alors, tu<br />

veux m'aider, oui ou non ? Ça ne sert à rien de sortir des phrases, il<br />

faut agir et vite.<br />

Le Client<br />

Moi, je suis toujours prêt. Oui, je suis disponible. Mais, il<br />

serait raisonnable que tu t'en retournes vers Mickey. A force de trop<br />

parler, les autres vont se douter que quelque chose se passe, et ça c'est<br />

dangereux.<br />

Belinda<br />

es capable ?<br />

C'est raisonnable. Mais ça tient toujours pour nous deux ? Tu<br />

166


Le Client<br />

Je te dis de remonter au premier. Et va cajoler ton Mac. Tu lui<br />

diras que tu n'as rien fait, que tu es sortie et que tu as repéré les<br />

endroits qui étaient à pognon. Je te parie que cela lui suffira.<br />

167


VII<br />

Belinda n'écoute pas les conseils du Client. Elle entre dans le<br />

bar, s'assoie à une table et commande un alcool. Géraldine et le gros<br />

Michel qui sont de concert, commentent son comportement.<br />

Géraldine<br />

Et bien ! Elle ne monte pas même voir Mickey. Après la<br />

beurrée qu'il est foutu, elle pourrait du moins aller le border.<br />

Le Gros Michel<br />

Ne t'inquiète pas. C'est déjà fait. Il est au dodo comme un<br />

gentil poupon. Ça lui servirait à quoi d'observer un mec qui pu l'alcool<br />

et qui ronfle comme un ours qui hiberne.<br />

168


Géraldine<br />

Tu la vois là-bas dans son coin. On dirait qu'elle cogite un<br />

truc. Tu sais, moi je connais les putes. Mais là, il y a quelque chose de<br />

louche. Je renifle. Ouais, c'est bizarre.<br />

Le Gros Michel<br />

Je crois tout simplement qu'elle n'a pas de fraîche, et que ça<br />

tournique dans sa cervelle. Souviens-toi qu'elle s'était prévalu de faire<br />

du fric en visitant d'autres quartiers ! Et bien par un Pascal dans son<br />

soutien-gorge, ou dans son porte-jarretelles. Alors elle réfléchit, la<br />

greluche.<br />

Géraldine<br />

Non ! Non ! Tu ne connais pas les femmes. Il y a quelque<br />

chose qu'elle mijote sous son crâne.<br />

169


Le Gros Michel<br />

Qu'est-ce que tu compliques ? Toi, Géraldine, tu n'as jamais<br />

cherché la solitude devant un verre ? Et l'autre, Micheline ? Ce n'est<br />

pas un verre, c'est la bouteille. Mais ça fait partie du travail. Il y a des<br />

hauts et des bas comme on dit. Et bien, c'est un bas.<br />

Géraldine<br />

N'empêche que tu te trompes. Je l'ai observée. Belinda n'a pas<br />

quitté ce coin de rue. Non. Elle a causé avec un type, un client, un mec<br />

que j'ai déjà vu deux ou trois fois. C'est pourquoi elle n'a pas recherché<br />

les lieux où elle pourrait s'assumer.<br />

Le Gros Michel<br />

Attends, mon chou. Tu vas trop vite. Derrière tout ça, il y a<br />

peut-être la jalousie comme son cul est mieux que le tien. Ça, tu ne<br />

veux l'admettre. C'est vrai, elle plaît davantage. Elle rapporte plus. Je<br />

ne te dis pas ça pour te vexer.<br />

170


Géraldine<br />

Tu prétendrais que ma langue est mauvaise, que je ne raconte<br />

que des balivernes, histoire d'écraser Belinda. Voilà déjà cinq ans que<br />

je la connais, la fille. Puisque je te dis qu'elle est différente, c'est que<br />

j'ai raison.<br />

Le Gros Michel<br />

Plutôt que de t'occuper du comportement, si tu travaillais un<br />

peu, histoire de pas trop te rouiller. Ton entrecuisse fait grève, ou tu<br />

crois aux congés payés ? C'est de la rouille par-devant, et de la<br />

calamine par-derrière, mon amour.<br />

Géraldine<br />

chose de grave.<br />

Cesse tes conneries. Moi, je te parle sérieux. Il y a quelque<br />

171


Belinda toujours assise à sa table, appelle le garçon. Il lui<br />

apporte un bloc-notes et un crayon.<br />

Géraldine<br />

Tu vois bien. Elle n'écrit jamais.<br />

Le Gros Michel<br />

Elle souhaite peut-être écrire ses mémoires de pute. Elle en<br />

aurait des trucs salingues à raconter - ça c'est une idée de best-sellers.<br />

Géraldine<br />

Tu veux être sérieux une fois ? Non. Ecoute. Mais ne te<br />

moque pas. Elle semble s'être analysée, ou plutôt avoir réfléchi sur son<br />

cas.<br />

172


Le Gros Michel<br />

Ecoute, ma belle, tu ne crois pas que tu compliques un peu.<br />

Une pute n'est qu'une pute. Pourquoi la psychanalyser, pourquoi<br />

essayer d'imaginer un truc qui ne vit que dans ta cervelle ! Tu<br />

compliques trop.<br />

Géraldine<br />

Ça prouve bien que tu n'as rien compris aux femmes. Soit tu<br />

peux les dominer. Mais savoir Ce qui se passe dans leur cervelle - ça,<br />

tu en es incapable. Elles sont plus réfléchies, plus précieuses que tu ne<br />

le penses. Mais observe-la. Elle griffonne. Elle écrit à toute allure. Ça<br />

sort à une vitesse incroyable. On dirait son testament, avant l'heure.<br />

Deux, trois, quatre feuilles. Et vas-y que je noircis. Mais qu'est-ce que<br />

cela veut dire ?<br />

Le Gros Michel<br />

Tu te plais à tout compliquer. Si elle a besoin de cracher des<br />

phrases sur du papier miteux, laisse-la faire. Pourquoi t'intéresses-tu<br />

autant à Belinda ?<br />

173


Géraldine<br />

C'est que son comportement est anormal.<br />

Le Gros Michel<br />

Bon, assez de toutes tes causeries. Mickey est son Mac ? O.K.<br />

Belinda lui appartient ? O.K. Elle a le droit de sortir quelque peu -<br />

d'accord. Elle tente de jouer à la pute de luxe, et alors ? Mais que peuxtu<br />

lui reprocher au juste ? Tiens tu es bien une femelle ! Je parie que<br />

c'est la jalousie qui te fait parler ainsi. Un bon conseil. Occupe-toi de<br />

ton cul, et fais-le travailler plutôt que de rester là comme une connasse<br />

à regarder l'autre. C'est vrai, bon Dieu, tu ne fais pas de fric. Mais<br />

Mademoiselle observe, analyse et critique. Si tu n'es pas foutue de<br />

descendre dans la rue, il y a des mecs au bar. Plutôt que de parler, il<br />

serait préférable que tu ailles en sucer un dans les chiottes. Du moins<br />

tu rapporteras du pognon.<br />

174


Géraldine<br />

Si tu savais du moins chasser ta vulgarité quelque peu. Ne<br />

peux-tu user d'autres termes. Je sais : tu me diras que l'on suce un<br />

poivron ou un PDG sa réaction est la même...<br />

Le Gros Michel<br />

Tu me le sors de la bouche.<br />

Géraldine<br />

Assez de ces stupidités ! Assez de tes jeux de mots grossiers.<br />

Je te demande d'observer le comportement de Belinda.<br />

Le Gros Michel<br />

J'en ai assez de cette rengaine. Elle écrit, et bien quoi ? Elle ne<br />

fait qu'écrire ? Et alors ? Même si je reconnais que cela était bizarre.<br />

Que devrais-je en conclure ! Après tout elle noircit des phrases pour sa<br />

175


vieille tante malade, ou pour son grand-père alité. Un truc de ce genre.<br />

On peut tout imaginer. Mais comme la curiosité te démange, va,<br />

approche, assieds-toi à sa table et avec un oeil discret, tente d'arracher<br />

quelques bribes de phrases pour en tirer le contenu.<br />

Géraldine<br />

D'ailleurs, il est trop tard. Elle replie les feuilles, et sort une<br />

enveloppe de son sac. Elle referme le tout, et souffle de satisfaction.<br />

Le Gros Michel<br />

Avait-elle un gros péché à se faire pardonner ? Toujours<br />

qu'elle semble délivrée. Observe-la déguster avec délectation le fond<br />

de son verre. Va-t-elle en commander un autre. Tiens, qu'est-ce que je<br />

disais. Mo, je comprends les greluches.<br />

176


Belinda se fait servir rapidement. Elle s'enfile en deux<br />

goulées son alcool. Elle se dirige vers le bar, et d'une façon anodine<br />

au Gros Michel :<br />

Belinda<br />

Tiens, tu remettras ça à Mickey. Il est beurré. Moi, je dois<br />

travailler. Mais quand il y descendra<br />

Belinda sort du bar. Elle regarde un dernier instant. Puis<br />

referme la porte. Le Gros Michel et Géraldine semblent médusés. Du<br />

moins, ils reprennent leur attitude, et ne font rien voir paraître.<br />

D'ailleurs Mickey apparaît dans le haut des escaliers. L'ivresse le<br />

contient encore. Il descend difficilement les escaliers raides. Il<br />

s'agrippe à la rampe. Il est suffisamment net pour s'exprimer, discuter<br />

et répondre. Cette soûlerie n'est pas totale. Avec un café, il n'y<br />

paraîtrait rien.<br />

177


Le Gros Michel<br />

Tu arrives mal. Belinda vient de sortir. Elle nous a dit que tu<br />

étais tellement beurré que tu dormais tout tranquille. Et voilà qu'on te<br />

voit debout. Quelle rapidité pour décuver ! Et quelle facilité pour<br />

oublier les maux de tête !<br />

Géraldine<br />

connaissance ?<br />

Tiens, Belinda, nous a remis une lettre. Veux-tu en prendre<br />

Mickey se saisit avec habileté de l'enveloppe. Il parcourt<br />

rapidement les pages et semble comme exténué. On dirait que le sol lui<br />

glisse sous les jambes. Il relit à nouveau. Fait de la fixation sur<br />

certains passages. Retourne les feuilles et reste de marbre. Une sorte<br />

de mécanique de la bouche lui permet d'exprimer quelques phrases.<br />

Les gens au bar cessent de parler. C'est un silence total. Il s'approche<br />

du public, et commence à dire :<br />

178


Mon cher Mickey<br />

Je prétends être une pute révolutionnaire. Que ces termes ne<br />

te fassent pas sourire car je te propose la suite. J'ai décidé de te fuir, de<br />

quitter ces lieux maudits et ces endroits infernaux où je n'étais pas une<br />

femme, mais la dernière des esclaves soumises à ton joug impossible.<br />

Je t'ai aimé, Mickey et tu en as profité. Tu m'as imposée à<br />

sucer, à coucher à me faire enculer. Et en grâces, je ne recevais de ta<br />

part que la torture physique quand les sommes que je te donnais<br />

n'étaient pas suffisantes.<br />

Ces violences et ces humiliations ont duré cinq ans. Je ne<br />

peux davantage supporter cette honte. Sache que je suis une fille bien.<br />

Je n'ai rien à faire dans un bordel. Je ne veux pas conserver cette<br />

identité de pute pour que tu te graisses la patte à mes dépens.<br />

179


J'ai donc décidé de prendre une décision unique. Je te quitte,<br />

Mickey. Je te fuis et j'espère que jamais tu ne me retrouveras. Sache<br />

que ta Belinda n'est pas une fille sotte : elle ira à l'inverse de ce que tu<br />

crois où je suis. Si tu me cherches dans un bordel, je travaillerais à la<br />

pièce dans une usine. Si tu me crois à PARIS, je serais en Suisse ou<br />

dans un patelin de Province. J'irai dans ma logique ou à l'inverse de<br />

mon bon sens.<br />

Ne déchire pas cette lettre, et ne la froisse pas. Il existe tant de<br />

manières pour fuir cette ville que tu pourrais te déguiser en Berger<br />

allemand, tu ne retrouverais pas ma trace.<br />

Ho ! J'imagine toute la haine qui habite ton coeur, si tu en<br />

possèdes un. Et toute ta volonté de me retrouver pour me punir d'une<br />

façon abominable, et me soumettre à la mort ! Mais que m'importe, je<br />

n'existe pas, je n'existerais jamais avec ta présence.<br />

L'univers de la prostitution est un monde carcéral où l'on y<br />

rentre avec l'insouciance de la jeunesse et où l'on n'en sort jamais. J'ai<br />

décidé de prendre ce risque. D'aller au-delà. Oui, je veux être la<br />

première d'entre les putes à m'essayer de m'en sortir. Ne t'inquiète en<br />

rien pour l'argent : j'ai préparé ma sortie et j'ai des sommes<br />

suffisamment importantes pour passer pendant des mois pour une<br />

180


ourgeoise. Toi, tu devrais baliser : tous les macs du coin sont contre<br />

toi. Si tu venais à me rechercher, ils te piqueraient tes filles. Tu vois, je<br />

ne sais pas où est l'intérêt. Soit tu me files et tu échoues, et tu perds des<br />

millions. Soit tu me laisses en paix, et tu t'assures avec ta bande de<br />

putasses.<br />

Veux-tu que je serve d'exemple ? Cela plairait au Gros<br />

Michel. Quand bien même, tu me rattraperais, tes putes seraient<br />

soumises à ce mac. Alors, tu souhaites me courser ?<br />

J'ai trop souffert, Mickey, de ta cruauté de tes ignominies.<br />

Pour toi, une femme n'est qu'un objet mécanique qui n'a pas d'âme.<br />

Elle est faite pour recevoir des pénis dans son vagin. Cela et rien<br />

d'autre.<br />

Quand je t'écris que je suis révolutionnaire, c'est avant tout<br />

parce que je suis la première à oser la liberté. Mais pas comme les<br />

putes de Grenoble qui ont fait un procès à leurs Macs et se sont<br />

planquées derrière des flics. Moi, c'est mieux. Je veux une autre vie.<br />

Oublier les centaines de bites qui m'ont foutue. Rechercher une eau<br />

purificatrice après le viol, et je ne tombe pas dans le mystique. Je ne<br />

suis pas Marie Madeleine. Il me sera possible de rencontre un homme,<br />

181


mais un seul avec lequel je pourrais avoir des enfants. Tu vois tout cela<br />

est fort bête - mais c'est la vie.<br />

Des hommes à putes, il en existera toujours. Je souhaite<br />

toutefois que tu te poses cette question : pourquoi ai-je osé soumettre à<br />

une ingénue cette souffrance terrible ? Comment puis-je oser les<br />

imposer par la violence à m'obéir ? Du moins, Bon Dieu, que cette<br />

pensée traverse ta cervelle ! Du moins, qu'elle t'éclaire un peu !<br />

Il ne faut pas, Mickey, il ne faut pas imposer à une innocente<br />

cette ignoble prostitution.<br />

Je me dois de tenter une vie autre. Qu'importe ce que je serai :<br />

une bourgeoise, une prolétaire mais pas une pute !<br />

Tu sais que je suis maladroite, que j'écris fort mal. Je ne me<br />

relis pas. Mais je crois avoir fait des répétitions - c'est pourquoi je<br />

préfère en achever là avec ma lettre.<br />

perdrais. Je pars.<br />

Souviens-toi, ne me poursuis pas. Ne me recherche pas, tu y<br />

Belinda.<br />

182


Mickey est complètement perdu. Il regarde la scène. Relit les<br />

dernières phrases et observe le Gros Michel qui ricane bêtement.<br />

Le Gros Michel<br />

Comme on dit : une de perdue... Mais c'est vrai que ça<br />

pourrait être inquiétant pour la profession. Enfin, moi mes filles sont<br />

moins intelligentes. D'ailleurs, elles ne savent pas fuir. Belinda a peutêtre<br />

fait du stop, puis une voiture, l'avion ou le train. Alors, va : cours à<br />

droite, à gauche. Mais que de travail ! Et personne pour t'aider.<br />

Mickey<br />

Je n'ai pas même de haine. Je me fiche totalement de tes<br />

paroles stupides. Tu ne comprends donc pas.<br />

Le Gros Michel<br />

Tu raisonnes comme une aubergine. C'est pourquoi je n'ai<br />

point de violence à ton égard. Tu sais il faut savoir s'adapter. Belinda<br />

183


est la première à fuir. D'autres seront soumises à notre esclavage - non<br />

à notre despotisme. C'est vrai des imbéciles avec un beau cul<br />

viendront. Et on les baisera. Elles nous lécheront, et penseront de notre<br />

sorte. Mais c'est vrai c'est la première, celle qui a eu l'audace. Tu vois<br />

Mickey dans toute profession, il faut savoir s'adapter, se<br />

métamorphoser, essayer d'être quelqu'un d'autre. Toi, tu as du retard.<br />

Mais moi j'avais déjà devancé cette lettre, votre comportement. Et<br />

j'avais pensé que la pute se taillerait. Une chose est à faire qui<br />

rapportera dix fois, que dis-je, cent fois ou mille fois plus. Tu n'as pas<br />

compris ? C'est la came. La belle et douce drogue. Il nous faudra<br />

changer. Mais, crois-le, mon pauvre Mickey, ce sont des milliards,<br />

d'autres milliards qui nous attendent. Et cela dès aujourd'hui.<br />

Mickey<br />

raison !<br />

Des milliards contre Belinda ! Bordel de merde. Tu as encore<br />

184

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!