Franck LOZAC'H LA PUTE
La Pute Comment au théâtre aborder le problème de la prostitution ? La femme est-elle une esclave sexuelle ou pratique-t-elle cette profession de son plein gré ? A-elle une fonction sociale ? Est-elle prise dans un engrainage infernal ? L’auteur cherche à déterminer la situation exacte de cette femme spéciale, le plus souvent possédant un cœur et une âme généreuse.
La Pute
Comment au théâtre aborder le problème de la prostitution ? La femme est-elle une esclave sexuelle ou pratique-t-elle cette profession de son plein gré ? A-elle une fonction sociale ? Est-elle prise dans un engrainage infernal ?
L’auteur cherche à déterminer la situation exacte de cette femme spéciale, le plus souvent possédant un cœur et une âme généreuse.
You also want an ePaper? Increase the reach of your titles
YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.
Franck LOZAC'H
LA PUTE
1
AVERTISSEMENT
Je pense qu'il sera fort aisé à ceux et à celles qui liront ces lignes de
comprendre au premier degré le sens exact des phrases qui sont hélas
exprimées. Je me suis noyé dans la fange, et je n'ai pas hésité à user du plus
vulgaire afin de démontrer l'horreur monstrueuse dans laquelle était soumise
la prostituée. On me pardonnera, je n'en doute pas, les termes abjects utilisés.
Il existe aujourd'hui en France un esclavage, le plus ignoble de notre
civilisation. Il consiste à soumettre la femme non pas à l'identité de femelle
reproductrice, mais à celle de trous béants. Je m'insurge contre cette
ignominie. Je me contente d'une plume afin d'exprimer mon désarroi, car je
ne puis agir différemment ne possédant pas les moyens et les mesures
appropriés pour chasser ce fléau.
Franck Lozac’h
2
PERSONNAGES
Belinda
Géraldine
Mickey
Le gros Michel
Un client
Micheline
Animation de bar, animation de rue.
3
I
Belinda est assise sur le lit. Elle est fortement dévêtue. Ses
mains cachent son visage. Des larmes coulent le long de ses yeux. Elle
entend sonner à la porte. Prestement elle s'essuie, se dirige vers le
miroir, tape l'oreiller, donne un semblant d'ordre dans la chambre.
Trente secondes s'écoulent.
Belinda
Voilà, j'arrive. Attendez un instant.
Elle ouvre la porte. Feint à l'étonnement.
Belinda
Je m'en serais douté. J'ai reconnu à ta façon que c'était toi.
4
Le client
Drôle de façon de me recevoir.
mouvement.
Il tente de l'embrasser sur la bouche. Elle esquisse son
Belinda
Bon alors, c'est comme à l'habitude. Un coup par-devant, un
coup par-derrière. Tu sais, mon amour qu'il faut penser à ta toilette.
La scène devient ombre. On ne peut discerner les
personnages. Dans un petit réduit, on doit imaginer ou supposer avec
les yeux d'un voyeur Belinda s'occuper du client, lui laver dans le
lavabo le sexe. Il se tient raide et ne dit mot. Elle l'entraîne sur le lit.
Son comportement est passif. Le coït dure peu de temps. Elle le reçoit
dans le vagin, puis se retourne. Il éjacule dans l'anus. Il expulse en
râlant. Puis, se rhabille hâtivement et nerveusement.
5
Le Client
Tu m'obliges à aller trop vite. Il n'y a pas de sensualité, pas
même un semblant d'amour ! Qu'en ai-je tiré de cela ?
Belinda
Tu m'as foutu ? Tu me dois cinq cents francs. Allonge le
Pascal, mon mignon. La prochaine fois tu te masturberas avant de
venir. Tu tiendras plus longtemps.
Le Client
Cela ne me suffit plus. C'est trop peu et trop cher.
Belinda
Mais qu'est-ce qui t'oblige à cracher ton pognon dans ma
vulve ? Qu'est-ce qui t'interdit de trouver une femme ?
6
ebord du lit.
La lumière est rétablie. Il semble penaud et bête, assis sur le
Belinda
Je ne te force pas à me foutre. Mais évidemment, Monsieur
est trop timide. J'ai dû le dépuceler ce grand imbécile. Il me demande
de l'amour, et je ne lui vends qu'un trou béant où il peut jeter sa
semence. Mais ce n'est pas assez. Il demande qu'une pute lui serve de
mère, et de protectrice. Regardez-moi ce minable, il n'est pas même
capable d'inviter une fille à danser dans une boîte de nuit ! Tu ferais
d'énormes économies, et tu pourrais la baiser comme bon te semble. Ça
ne durerait pas des minutes, mais des nuits entières !
Le Client
Alors, je paie et je me fais engueuler ! Voilà qu'une pute
m'impose ses directives ! Tu veux donc le chômage ? Si nous tous
agissions ainsi, qu'en serait-il de ta profession ?
7
Belinda
Ne t'inquiète pas, mon joli. Il me resterait toujours les Arabes.
Ils sont le fond de ma caisse de commerce.
Le Client
On en tire aucun bénéfice ; tu confonds la recette avec...
Belinda
Ta gueule ! Je t'ai assez vu. Tu m'as baisée ? Alors casse-toi
maintenant. J'en ai marre de ce micheton qui me donne des conseils.
Fous le camp, te dis-je ! Tu m'as entendu ?
Le Client
Attends. Deux minutes. Tu peux m'écouter, un instant ?
Pourquoi es-tu si violente, si agressive ? C'est bien la première fois que
8
tu exprimes tant de haine. Que me reproches-tu ? Tu as l'argent. C'est
rapide et bref. Je viens régulièrement. Alors quoi ?
Belinda
Je l'ignore. Je craque. Cette vie ne m'est plus possible. Tu sais
combien j'en ai tiré comme toi aujourd'hui ? Encore tu es simple. Mais
les autres ! Du vice, des déguisements. Se transformer en petite
poupée, ou torcher ces enfants de salaud ! Crois-tu vraiment que cela
soit mon traitement ? La trique, le cul en feu. Non, je n'en peux plus.
On t'a déjà chié dans la gueule ? On t'a imposé les trois coups ? Se
faire cravacher pour la jouissance du plaisir ! C'est infect, entends-tu ?
De la merde ! Mais elle est réelle. Ma destinée de pute, c'est un avenir
d'esclave !
Le Client
Tu l'as bien voulu. Tu pourrais t'en sortir. Personne ne t'a
écarté les cuisses. Le vice, tu l'as accepté.
9
Belinda
Tu n'as rien compris au cercle infernal. On y entre avec une
fellation. On n'en sort jamais. Des seins brûlés, cent nègres qui te
foutent : ça, c'est la punition ! Je rapporte trop. Crois-tu que je pourrais
m'enfuir. Si je tente de me libérer de ces chaînes, c'est ma mort ! Où
que j'aille, quoique je fasse, il me retrouvera. Là seront mes
souffrances. Mais tu ne saisis pas. Tache de trouver une minette, cela
te suffira. Comprendre l'univers carcéral d'une pute ! Autant m'en
référer à Dieu, et devenir Marie-Madeleine !
Le Client
Assez de tes jérémiades ! Assez de tes pleurnicheries !
Maintenant je préfère me casser. Beaucoup de chômeuses voudraient
gagner en dix minutes ce que tu fais avec un sexe. Plains-toi. Plainstoi,
salope.
Il la regarde, avec son visage de marbre. Elle s'assoie sur le
lit, cuisses béantes.
10
Et tu as l'audace de me parler de pureté. Tu n'as pas même de
décence. Ferme tes cuisses. C'est le premier apprentissage pour chasser
ta vulgarité.
dernier.
Il sort irrité, croise le souteneur. Il disparaît. Entre ce
Mickey
Il va falloir les agiter plus vite. Qu'est-ce que c'est que ce
connard ? Tu causes, maintenant ? C'est pas un salon de thé, ici !
Belinda
Je lui ai accordé une rallonge de deux minutes. Tiens, prends.
Le Pascal est sur la table. Toujours penser au client. Il revient ainsi.
Laisse pisser. Il est puceau. Incapable de trouver une fille. Sa mère l'a
trop couvé. Du moins, il paie. En plus, il est rapide.
11
Mickey
Tu sais ce que tu m'as donné, cette semaine, connasse ? Vingt
mille balles ? Qu'est-ce que tu veux que je foute avec cette somme ?
Que j'aille jouer aux osselets ?
Il la saisit. La secoue. Lui retourne une paire de claques.
Tu sais ce que l'on fait aux filles qui ne sont pas correctes ?
sur le visage.
Il sort un morceau de sucre. S'apprête à lui faire une croix
Le souteneur
D'abord, je te marque pour te punir. Après on saura te foutre
pour t'humilier. Tu connais la punition ? Elle est terrible. Aucune fille
en réchappe.
Belinda s'éloigne et retrouve ses forces pour s'exprimer.
12
Belinda
Quel intérêt aurais-tu à détruire ton mange-pognon ? Si tu
veux davantage de fric, laisse-moi descendre. Il y a le bar, il y a le
trottoir. Mais non ! Toi, non ! Tu m'accuses de ne pas faire de fric,
mais tu m'interdis de les voir. Tu crois peut-être qu'ils vont éjaculer par
correspondance ; En vérité, tu crains le Gros Michel. Tu as peur qu'il
me protège.
Le Souteneur
m'appartiens.
Laisse tomber, connasse ! Ferme ta gueule. Ici, tu
Belinda
Les faire monter avec une photo. Avec mon cul stupide et
obscène. Mais regarde-le. Il est gros, large et puant. Oui, je pue,
comme toutes les putes. Le luxe et la Porsche, tu connais pas. Et
pourtant, c'est la seule façon de t'enrichir. Mais regarde-moi cette
piaule, elle est propice aux ébats amoureux ? Elle engendre le sexe,
l'amour ? Monsieur le Souteneur m'interdit de taper dans des boîtes. Et
13
Monsieur prétend que j'en suis cause ; Laisse-moi quitter cette ordure
de chambre, et je te fais des millions.
Le Souteneur
Je vais te dire la vérité. Un jour, ton Michel je le criblerai avec
mon flingue. Crois-le, on l'appellera Michel la passoire. Mais bordel,
qu'est-ce que tu lui trouves à ce mec ?
Belinda
Ce mec, il n'enferme pas ses putes. Elles sont libres d'aller et
de venir. Il ne les surveille pas. Il les laisse vivre. Elles ne sont pas
cloîtrées, elles ne sont pas enfermées. Elles s'épanouissent, et écartent
plus encore leurs cuisses. Tu as comparé tes revenus avec les siens. Il
gagne dix fois plus que toi. Tu te jettes sur mon Pascal. C'est 5 000 F
que t'aurais dû avoir cette après-midi. Tu me séquestres. Mais va jouer
dix balles sur un canasson. Si j'avais un conseil à te donner, il serait
mieux d'acheter des bons anonymes de la Caisse d'Épargne ; tu es un
petit. Tu es un médiocre.
14
Le Souteneur
Je n'apprécie pas que tu puisses me parler de la sorte. Belinda,
tu m'as aimé. Alors pourquoi uses-tu de tels propos ? Ceci est
incompatible avec ton état de pute. Il faut me respecter. Et très
précieusement. Viens, j'ai à te parler. Approche et assieds-toi
doucement sur ce lit.
Elle avance lentement, et ne comprend en rien où le souteneur
veut en venir. Elle semble effrayée, mais obéit toutefois. Il lui tapote
les jambes. Et d'un coup, lui projette la tête en arrière. Il lui arrache
une touffe de sa chevelure blonde. Elle jette un cri de douleur.
Le Souteneur
La prochaine fois que tu oseras me contredire, ce sera mon
poing que je t'enfoncerais dans le cul. Violemment, cruellement. Mais
tu es une belle salope. Alors continue à sucer et à te faire foutre. Mais
augmente le rendement. J'ai besoin de fraîche, mon amour, tu
comprends.
15
Elle reprend peu à peu ses esprits.
Belinda
Si du moins, je pouvais travailler. Mais reconnais, Mickey,
que tu me l'interdis. Il y a contradiction. Tu veux plus, et je ne peux
descendre. Je t'assure que le pognon est en bas, et non pas ici. Donnemoi
une ligne téléphonique : en cinq minutes, on fait cent cinquante
balles. Mais tu crains que j'appelle Michel, n'est-ce pas ?
Le Souteneur
Je crois que tu ne m'as pas bien entendu.
Belinda
Mais si ! Mais si ! Tu veux davantage de fric. Je te le jure, je
les ferai. Mais je suis cloîtrée. Je ne fais que te le répéter.
16
Mickey
copains.
Je fais monter des mecs. A toi de convaincre leurs petits
Belinda
Non, Mickey ne fais pas ça.
Mickey se dirige vers l'armoire. Il se saisit d'une paire de
menottes. Il lui met un mouchoir dans la bouche. Il déboutonne
lentement son chemisier. Apparaissent deux seins splendides et
généreux en forme de poire. Il l'observe humiliée et honteuse. Avec
vice, avec délectation il allume lentement une cigarette. Il tire
rapidement afin de faire rougir le bout incandescent. Sa main tient le
mamelon, il écrase le rouge brûlant sur la pointe du sein. Elle se tord
sous la souffrance, et sombre dans l'évanouissement.
17
Le Souteneur
Je t'avais bien prévenue. Il ne faut jamais m'accuser avec mon
comportement. Tu sauras que j'ai toujours raison, comme tu es réduite
à l'état d'esclave. Tu sais qu'elle sera ta prochaine punition, si tu oses
me contredire ?
terrible.
Donc tu vas me le faire ce fric. Autrement, cela sera plus
Elle n'entend pas même ses paroles.
Je pourrais t'enculer, histoire de me décharger un peu. Mais tu
es trop large. Tu ne saurais pas même le serrer pour que j'en rire
quelque jouissance. D'ailleurs, il y a le foutre de l'autre idiot. Je déteste
mêler les spermes. Je t'apprendrai le lavement, histoire d'hygiène. Tu
comprends, c'est plus propre.
des menottes.
Il quitte la pièce, en laissant soigneusement sur la table la clé
18
Ceci est une leçon. Mais ne me parle plus jamais sur ce ton.
Ce n'était qu'un simple avertissement. Tu sais que je peux aller très
loin, trop loin même. Seule, la mort odieuse te délivrerait. Garde ta
distance de pute. Tu ne vivras jamais dans un bordel de luxe, mais tu te
complairas toujours dans une chambre d'enculés. Tel est ton destin, ma
sublime salope.
Il sort avec un ricanement. Il appelle Géraldine.
Le Souteneur
Tiens, je crois que ta copine a quelques petits problèmes.
Géraldine se précipite. Elle est à moitié dévêtue. Elle porte
une robe de chambre en soie grise, légère et entrouverte.
19
Géraldine se précipite
Mais, ce n'est pas possible ! Qu'est-ce que tu as fait à ce
salaud pour qu'il t'inflige cela ?
Elle voit la clé sur la table, et la délivre rapidement. Elle lui
arrache le bâillon de la bouche.
Géraldine
Que lui as-tu encore raconté pour qu'il t'impose cette punition ?
Mais réponds-moi imbécile. Tu sais très bien qu'il est maniaque,
complètement parano - qu'il frappe sans savoir pourquoi : Ho ! Ton sein
! Il t'a brûlé le sein droit avec sa cigarette. Attends vingt secondes.
Elle court et se dirige vers le lavabo. Elle humecte une
serviette, et la place avec délicatesse sur le téton meurtri.
20
Belinda, reprenant son souffle.
C'est un fou à enfermer. Il m'accusait de ne pas faire
suffisamment de fric. Je lui ai laissé entendre que je devais descendre,
aller au bar ou sur le trottoir. Cela et rien de plus, je te le jure. Arrête
de me toucher. Tu me fais mal.
Géraldine
Tu sais bien qu'on ne peut pas causer. Pourquoi ne fermes-tu
pas ta gueule ? Bouffe des couilles, fais-toi enculer. Crache leur jute.
Laisse les décharger en toi. Mais tais-toi. Moi, aussi je sais que je
serais plus heureuse avec le Gros Michel. Tu ne lui as pas parlé de
Michel ? Pauvre conne, ne prononce plus jamais ce nom devant lui.
Toi, tu as eu les menottes. Moi aussi. La semaine dernière, il m'a
pressé les seins avec des tenailles. Il m'a comme arraché clito.
Souffrance effrayante, mais je suis vivante. Et cela est le plus
important.
21
Belinda
Non, jamais je ne voudrais servir d'objet de tortures. Même
les mégalos ne font pas ça. Cette violence est insupportable. Je te le
répète, ce n'est plus supportable.
Géraldine
Vas-y, ma belle. Comme tu ne peux sortir par la porte
d'entrée, envole-toi par les airs. De nuit, comme un chat, tu iras de toit
en toit. Tu échapperas enfin à son joug infernal. Il te l'a déjà dit : "Où
que tu ailles, quoique tu fasses, il te retrouvera". Nous sommes des
putes, et nous le resterons jusqu'à la fin. Et quand on sera plus
consommables, il nous jettera pareilles à de la merde.
Belinda
Au départ, je n'étais pas une merde. J'étais une bonne fille. Il
m'a eue parce qu'il a su me faire jouir. Puis je suis tombée dans son
piège. Une passe. Deux passes. Puis le vice infernal. Et la prostitution.
22
Mais pourquoi ? Je suis séquestrée. Tu es une séquestrée. C'est de
l'esclavage au vingtième siècle. L'usine n'est rien à côté !
Géraldine
On y gagne quand même plus de fric ! Moi aussi je me suis
fait avoir après quelques heures de jouissance. Et j'ai obéi. Il me
semblait tellement beau ! Quelle connasse, je n'étais pas !
Dans un bordel à merde
Une pauvre ingénue
A décidé de perdre
Son con et sa vertu.
Elle salivait d'extase
Et se savait foutue
Et jouissait de ses râles
En proposant son cul.
23
Tu connais la chanson. C'est Micheline qui la sort quand elle
est ivre. Elle se délivre de son identité, et tâche d'oublier son médiocre.
Elle répète ça. Elle le répète encore.
Belinda
Je veux te faire une confidence. Tu me jures de n'en dire rien
à personne. Si tu osais le répéter, il en irait de ma mort. Je te parle avec
tout mon sérieux. Je ne veux plus de ce sein brûlé, ni de mon sexe
violenté. Il faut que je m'échappe, il faut que je fuis. Là, est ma seule
solution. C'est l'unique possibilité. Plus de tortures ! Plus de vice !
M'en retourner à l'état normal. Être une femme comme les autres. Ne
plus jamais salir mon corps avec le sperme d'inconnus. Je voudrais
manigancer un stratagème, trouver enfin une issue. Mais, j'ai besoin de
ton aide, Géraldine !
Géraldine
A la première violence, parce que tu as pris une baffe, tu crois
t'échapper ! Mais tu n'as reçu qu'une petite humiliation. D'autres
suivront. De bien plus dures. Tu crois avoir une âme, mais tu n'as
qu'un sexe. Il est uniquement fait pour être pris.
24
Belinda
Je te parle sérieusement. Si nous le voulons nous pouvons
nous en sortir. Écoute-moi bien. Il suffit d'agir par l'absurde. Si trois,
quatre heures nous sont données, avec le premier train, le premier
avion, des destinations folles, il ne nous retrouvera pas. On peut se
maquiller, se teindre la chevelure, changer de relations, voir un autre
monde ou nous planquer tout simplement. Tu crois qu'il nous
chercherait jusqu'à Lausanne, jusqu'en Suisse. Penses-tu qu'il tenterait
de nous poursuivre ! C'est oublier les autres filles qu'il domine. Jamais
il n'accepterait de les abandonner. Il est seul. Il ne forme pas un
ensemble solide avec ses autres mecs : c'est chacun pour soi.
Géraldine
Là, tu te trompes, car toutes les putes pourraient agir ainsi.
Non ils deviennent force, ils se rassemblent. Je ne voudrais pas même
être une aiguille dans une motte de foin. Ils brûlent la motte. Apparaît
l'aiguille. Ainsi de nous, ma petite sœur. Qu'arrive-t-il à un maquereau
dénoncé par les filles ? Il s'en tire avec cinq ans de tôle ! Mais de sa
25
prison, il nous domine encore. Et l'on continue à travailler pour lui. Et
après, la punition - l'ignoble punition. Tu sais bien que les flics ne font
rien. Ils nous surveillent trois mois, six mois. Mais le milieu nous tient
jusqu'à notre mort. Car c'est la mort que tu recherches ?
Belinda
J'ai la certitude qu'il existe un moyen pour s'en sortir. Il faut
être très fortes, mais nous le sommes, Géraldine.
Géraldine
Tu n'as pas de plan. Tu n'as pas même une ébauche d'évasion.
Je te dis que cela est impossible.
Belinda
Il me faut descendre. Je dois dans un premier temps aller au
bar. Il faut que je parvienne à travailler avec les clients.
26
Géraldine
Ça c'est logique. Et ça semble facile. Il pensera que tu veux
lui rapporter davantage. Il prétendra même que tu as compris où il
coulait en venir, c'est-à-dire à sa soumission pure et simple. Que tu as
reçu une bonne leçon avec ce sein brûlé, que tu ne lui es qu'obéissance
et pognon à faire. Laisse-moi, je vais arranger le coup. S'il ne m'écoute
pas, c'est que j'y comprends rien. Je risque de prendre une trempe.
Mais c'est à jouer.
27
II
Géraldine quitte la chambre. Le rideau tombe. Changements
substantiels de décors. La scène pivote. A présent, nous sommes dans
le bar. Effets classiques : des types de mauvais genre tapent le carton,
la cigarette au bec. Des clients sont assis sur des tabourets. La pièce
est enfumée. Il ne faut en rien tomber dans la parodie du bar. Cela
doit être un bar. Quelques filles sont jambes pliées, et laissent
apparaître un peu de leurs charmes. La lumière se projette sur le
souteneur et Géraldine. Le Gros Michel tirant sur son cigare, est dans
un coin. Géraldine joue les penaudes et les timides. Elle demande
toutefois la permission de parler avec le Souteneur qui semble agacé.
Il lui donne une oreille indifférente.
Géraldine
Je voudrais te parler loin des autres. Ce que j'ai à te dire est
important. Tu sais que tu lui as foutu une sacrée trouille à Belinda. Elle
te craint, et ne jure que par toi.
28
Le Souteneur
Si tu crois m'en apprendre. Je sais comment il faut les mâter
les greluches. Cela lui a servi de leçon.
Géraldine
C'est pas pour ça que je voulais te causer. Je l'ai vue, elle
semblait complètement pommée. Elle ne savait plus où en donner. Elle
ne sentait rien avec le sein. Non, elle s'accusait de ne pas te faire
davantage de fric. Elle disait : c'est ma faute, c'est ma faute. Si j'avais
su ! Mais voilà le couac ! C'est qu'elle voudrait mais elle ne peut pas !
Le Souteneur
Qu'est-ce que tu me baves avec tes conneries ! Qu'est-ce que
cela veut dire ? Attention, je t'ai à l'œil ! N'essaie pas de jouer au plus
malin avec moi.
29
Géraldine
Elle m'a répété inlassablement : si je descendais, je suis
persuadée que je lui en ferais des clients. Mais il me l'interdit. Mais
pourquoi, Géraldine ? Mais pourquoi ? Elle me secouait. Elle me
montrait ses seins, son sexe et son cul. Mais franchement, ne suis-je
pas à baiser ? C'est de la qualité, tout ça. Puis, j'ai pensé comme elle. Je
me suis dit : c'est con de lui interdire de descendre. Là, il y a du
pognon à prendre. Elle est obéissante, et gonflerait ton portefeuille. Tu
ne m'en veux pas, de te dire ça ? Mais elle n'osait pas.
Le Souteneur
Attends. Laisse-moi réfléchir. Tu prétends qu'elle veut
travailler, et me faire gagner plus de fric.
Il regarde le Gros Michel. Il se met à tiquer.
30
Le Souteneur
S'il n'y avait pas ce gros con, j'essaierai. Je tenterai. Je n'aurai
rien à perdre. Mais il est là. Il va me la piquer.
Géraldine
Elle ne l'aime pas. Il est bouffi et grossier. Jamais, elle
n'accepterait de travailler pour lui. Tu te fais des idées. Regarde-le. Il
boit. Il est gonflé par les scotchs qu'il ne cesse de s'enfiler. Vulgarité,
grossièreté. Ce n'est pas ce qui plaît à Belinda. Elle est trop fine, trop
subtile pour se jeter dans les bras de cet ivrogne. Il ne parle pas, il rote.
D'ailleurs, il ne travaille qu'avec la chaîne à vélo. Il détruit son appareil
productif. Une belle pute, il en fait une laideur. Il frappe et cogne. A
part cela, il ne connaît rien. D'ailleurs, toutes les filles sont d'accord
avec moi : si elles pouvaient choisir, crois-moi que sur la place, ce
n'est pas lui qui en imposerait - ce serait toi.
31
Le Souteneur
Ouais, ouais, je sais. Mais je n'y peux rien. Je ne peux tout de
même pas le flinguer, cette espèce d'enflure, ce gros sac ambulant.
Tous ces collègues me tomberaient dessus. Et c'est moi qui serais dans
le trou. Quant à vous, vous deviendriez leurs putes. Et côté existence,
cela sera plus terrible encore. Tu connais les rythmes infernaux qu'ils
imposent à leurs filles. Ton chat serait en feu. Quant à ton cul, une
caserne de pompiers ne suffirait pas à l'éteindre. Pour en revenir à
Belinda, c'est de la bonne chair. J'exploite mal peut-être. Je pourrais en
tirer davantage. Mais il faut la faire descendre. Et çà, je ne veux pas en
entendre parler.
Géraldine
Mais pourquoi ? Tu n'as pas à les craindre. D'ailleurs elle
t'obéira. Si tu lui imposes de remonter illico, elle refait quatre à quatre
les marches ! Mais quel pognon, tu perds. Tu joues, Mickey : tu joues
même très gros. Tu as plein de problèmes. Tu ne peux pas rembourser
des dettes.
32
Mickey, le souteneur
Je joue ce que je veux. Et je n'ai aucune justification à donner
à quelqu'un. C'est mon fric. J'en fais ce que bon me semble. Tiens-toi
le pour dit, et reste à l'écart.
Géraldine
Ce n'est pas ce que je voulais dire, mais elle te ferait du
pognon. C'est pas négligeable.
Mickey
Elle ne doit pas descendre. C'est perdre une valeur sûre.
D'ailleurs, j'ai trop discuté avec toi. Allez ! Casse-toi de cette table.
Il appelle le garçon, et demande un scotch. Il le respire
lentement. Puis le boit à petites goulées. Il ressasse et réfléchit. Il
observe d'un œil attentif le Gros Michel qui se marre en causant avec
33
des types qui sont au bar. Géraldine fait son travail, sans grand
résultat.
Mickey
Évidemment, ce n'est pas avec une connasse de ce genre que
je pourrais jouer cent sacs sur la troisième avec Belle de mai. Pourtant,
Karl m'avait dit que c'était un bon tuyau. Enfin, pas de fric.
A Géraldine.
Mickey
Hé ! Approche un peu. Tu veux que je te mettes à l'amende.
Qu'est-ce que cette pute qui fout rien. Regarde-moi comment tu es
foutue. Va dans tes chiottes, et enlève ton slip. Du moins, tu les
exciteras davantage.
34
Géraldine
Ce n'est pas de me foutre à poil qui te fera gagner du fric.
Mais c'est d'être sur le trottoir. Mais ça aussi, tu me l'interdit. Je vais te
dire, Mickey. Ici, il n'y a personne. Ils sont tous là pour regarder la
marchandise. Mais aucun ne voudra me tirer. Mais tu m'interdis de
traverser la rue. Les clients ne sont pas au bar, ils sont dehors. Là, il y a
du monde. Belinda est séquestrée. Géraldine est interdite de sortir.
Mais comment veux-tu ? C'est toujours Michel qui s'en tire le mieux.
Où sont ces filles ? Elles sont dehors, et travaillent. Reconnais que tu
voudrais bien obtenir ce que lui fait avec ces filles.
Mickey
En vérité, tu as peut-être raison. Tu peux dire à Belinda de
descendre. Mais qu'elle ne frime pas. Qu'elle n'en fasse pas trop. C'est
du luxe que je propose.
35
Géraldine
Je monte immédiatement. Je lui demande de se changer,
d'apparaître sous un autre aspect. Tu verras, elle te plaira. Si elle ne
peut séduire, c'est que je ne comprends rien à mon travail de pute.
Quelques moments s'écoulent durant lesquels il y a agitation
au bar. On discute. On boit. L'un inconnu cherche des histoires. Il est
ivre. On le sort presto. Une autre met de la musique, elle glisse
quelques pièces dans la boîte à disques. Tout s'en retourne au calme.
Une sorte de brouhaha de routine, espèce de sourdine. Du haut de
l'escalier, apparaît Belinda. Elle porte une robe très sexy, quoique
élégante. Elle respire la classe. Elle descend toutefois avec maladresse
les marches de l'escalier. Ses talons hauts à aiguille la gênent
considérablement. Elle feint à une sorte d'aisance, mais prouve sa
maladresse. Géraldine, la précède. Ses habits sont les mêmes. Belinda
atteint la dernière marche. Les hommes assoiffés, l'observent avec une
attirance dévorante. Elle est comme métamorphosée, belle, splendide
et resplendissante. Sa chevelure roule sur ses épaules. Sa gorge
pointue demande à faire exploser ses seins en poire. Belinda, baisse
les yeux. Son souteneur est médusé. Un tabouret l'appelle. Elle
s'assoie et commande un alcool. Les hommes détournent leurs
regards, et bavardent bêtement. Tous ont en tête Belinda.
36
Géraldine
T'as vu l'effet qu'elle a fait ? C'était pas génial, mon idée ?
Tous les mecs en sont fous, et déjà bandent pour elle. Tu vois bien
qu'il ne fallait pas la laisser là-haut. Tu as perdu des millions avec ton
comportement à con. Séquestrer la beauté ! Pourquoi pas la foutre aux
oubliettes !
Mickey
Attends de la voir à l'ouvrage. On pourra en parler après. Soit,
elle crache. Mais elle ne tire rien. Observe, pas un client. Si ça
continue elle retourne au poulailler et tu vas m'entendre lui gueuler
dessus.
Géraldine
Seulement deux minutes se sont écoulées. Leurs pines sont
aimantées. Elles veulent la foutre. Elle est irrésistible.
Le Gros Michel s'avance, et se dirige vers Belinda.
37
Le Gros Michel
Quand je t'avais dit que tu n'étais qu'une conne. Que tu devais
t'en remettre à moi. Mais tu as préféré cet imbécile. Dix fois, vingt fois,
je lui aurais cassé la gueule. Et crois-le, il l'aurait fermé. Mais non,
Mademoiselle a préféré faire des siennes. C'est un minable qui te
soutient. Et pourtant Dieu sait comme tu es belle ! Moi, je faisais de toi
quelque chose de bien, car tu as la classe, Belinda. C'est pas ici que tu
serais, mais avec les putes de luxe. Car tu es du luxe. Hé ! Dis-le, on te
tire à combien ? Cent balles ? Mais tu plaisantes tu vaux deux fois ton
prix. T'as vu son cul ? Il est sublime. Génial. Tous les mecs ont envie
de la foutre. Je parie qu'il te donne une misère. Ah ! Bordel. Si du
moins, tu voulais m'écouter !
Belinda
vélo...
Tu n'es qu'un rustre. On connaît tes méthodes. La chaîne à
Le Gros Michel
J'ai évolué. Les salopes qui ne veulent pas m'obéir, c'est à la
seringue que je les mène. Une bonne petite piquouse, et elles nagent
38
dans le brouillard. Puis des melons à la queue leu leu. C'est le cas de le
dire !
Un gros éclat de rire, gonflé d'un rôt de bière. De poursuivre,
Elles bavent dans le sperme. Elles en ont dans la gueule, dans
le cul et dans le con. D'ailleurs les mecs y gueulent. Ils trouvent que
c'est trop poisseux. On est obligé de la laver. Une autre piqûre pour lui
serrer le cul - c'est trop mou et trop large. Un bon petit lavement, et
voilà que c'est tout propre. Mais une fille à l'amende, c'est une fille à
l'amende. Toi, ça ne t'arriverait jamais. De toute façon, elles ne savent
plus où elles en sont. Comme des mécaniques. Mais crois-moi, ces
Arabes foutent n'importent quoi. Tu sais ils sautent leurs chèvres làbas.
Alors une femme ! Mais, je dis pas ça pour toi.
Belinda
Tu oses me parler de tes méthodes. Elles sont ignobles. C'est
ainsi que tu veux que je quitte Mickey, et que je t'appartienne.
39
Le Gros Michel
Parlons-en de ton Mickey adoré.
Il lui arrache son corsage. Apparaît son sein droit boursouflé
par la brûlure de cigarette.
Le Gros Michel
Tu vas me parler d'amour ! Mais qu'as-tu fait pour subir cela ?
Tu me dis que je suis détraqué. Mais, voilà ce qu'il ose te faire. Il
castagne la marchandise.
Belinda
Mieux vaut crever que de travailler pour un mec de ton
espèce. Tu n'es pas une ordure, cela serait si peu. Tu n'es que
grossièreté, que vice et qu'ignominie ! J'ignore même si tu connais le
sens de ce terme. Tu me proposes l'enfer. Laisse-moi dans mon
purgatoire. C'est un monstre qui vit en toi. Comme on dit : entre deux
maux, je choisis le moindre.
40
Le Gros Michel
Et pourtant, poupée ! Tu as tort. Tu as même très tort. Moi, je
ne t'enfermerais pas. Tu pourras vivre. Écoute, Belinda. Depuis quand,
n'es-tu sortie en ville pour t'acheter un vêtement, pour te faire belle ?
Mickey te l'interdit, moi, je te l'accorderai. Toutes les filles te le
jureraient. Demande-leur. Questionne-les.
Elle en cesse là avec le gros Michel, et se dirige vers un
client, qu'elle séduit rapidement. Elle discute, et parvient à la
convaincre de monter. Tous les yeux sont fixés sur la croupe de
Belinda qu'elle balance avec adresse. Le type la suit comme médusé.
Son cul est génial. On le croyait près à éjaculer dans son slip. Les
lumières tendent vers Mickey, qui rit sournoisement. Le gros Michel,
agressif se dirige vers Mickey, une bière à la main. Il s'assoie à la
table.
Le Gros Michel
Tu as enfin compris ce que valait ta pute. C'est de l'or. Je
n'aurais pas hésité à te la piquer, mais elle semble t'aimer. Si l'on peut
41
employer ce terme. Comment ce luxe pourrait se complaire d'un
médiocre !
Mickey
Ne provoque pas, tu veux ! Quand je considère tes méthodes,
je ne m'étonne pas qu'elle se refuse. Et qu'elle préfère Mickey, à un
gros con de Michel.
Le Gros Michel
Hé ! P'tit gars ! On est de la même zone. Tu ne vas pas
m'apprendre les belles méthodes. Tu as vu son sein ? C'est toi salaud
qui détruis ton appareil productif. Alors pas de conseils et pas de
remarques. Sinon, je t'écrase la gueule. Un connard comme toi, je le
flingue. Rien, petit, tu n'es rien.
Mickey
Tu me lâches, un peu. J'te foutrais bien deux pruneaux dans
ton bide. Il en cracherait de la bière. Alors fous le camp.
42
Mickey quitte la table. Il monte lentement les escaliers, et
regarde avec des yeux injectés de sang le gros Michel. Au passage, il
croise le client qui semble fort satisfait du bien-être que lui a procuré
Belinda. Mickey l'ignore et monte toujours avec lenteur. Les lumières
s'effacent lentement. La scène plonge dans l'obscurité. Le rideau
tombe.
43
III
La scène représente la chambre de Belinda. Elle est dévêtue.
Deux Pascal brillent sur la table de chevet.
Belinda
Tu peux les prendre, ils sont à toi. Crois-le, ça ne m'a pas
coûté très cher. Une robe fendue, une chevelure frisée, un peu de
frime, un type en chaleur, et voilà ton pognon. Mickey, je te l'avais dit
cent fois : je t'avais demandé de descendre au bar. Là sont les clients.
Et là est le fric à prendre. Mais non, toi butté et stupide, tu as préféré
me punir, m'enfermer dans ce taudis. Pour obtenir quoi ? Rien. De la
recette minable.
Mickey
C'est Géraldine qui pour une fois a eu une bonne idée. J'ai
longtemps hésité. Mais tu comprends, le pognon ça m'excite.
44
illets.
Il glisse rapidement l'argent dans sa poche. Il froisse les
De poursuivre : c'était pas con, son idée. C'est vrai, je t'ai
sous-estimée. Je te croyais seulement capable de te faire enfourcher par
des branleurs. Non, tu vaux mieux que ça. Il y a du flouze à récolter,
ailleurs. Avec de la bonne clientèle. Ho ! Certes ! Pas encore des
émirs. C'est pas demain, que tu me fileras des pétrodollars. Mais qui
sait ? Fais voir ton sein ? Il n'est pas trop abîmé. C'est vrai, j'ai été nul.
Mais tu me connais, j'éprouve une jouissance certaine à faire pâlir les
putes.
Elle se réfute : Mickey laisse tomber. Le sein se dégonflera.
Baise-moi, si tu veux.
Le public doit voir son sexe jaune entrebâillé. Elle est cuisses
béantes. Elle est écartée. Il pousse sa jambe, et l'oblige à se refermer.
Mickey
C'est pas parce que je bande, que j'ai envie de te foutre.
D'accord, tu as gagné un point. Mais n'en fais pas trop.
45
Belinda
Quoi ! Elle pue ma chatte ! Pourtant l'autre connard me l'a
bouffée, et je te jure que j'en ai presque joui.
Mickey
Je te l'ai déjà dit. Ferme-la maintenant, et cesse d'en faire de
trop. D'accord, tu as gagné un point, mais ne me chauffe pas.
Belinda
Ce que je te reproche, c'est de m'avoir toujours considéré
comme une pute de bas quartier. Tu ne m'as jamais donné la possibilité
d'être une autre fille. Mieux ! Bien mieux ! A présent, tu t'en rends
compte, Mickey. Tu m'as enfermée durant des mois dans cette
pourriture. Tu m'as interdit de sortir. Et je ne savais pas pourquoi. Les
mecs devaient se fier à toi. Mais que craignais-tu au juste ? Pourquoi
cette interdiction ?
46
Mickey
Tu as toujours été une fille différente des autres. Je ne te
sentais pas. Je n'ai jamais cru en toi. Voilà pour l'interdiction de sortir.
Peut-être que tu me sembles trop intelligente, et qu'il y a toujours
quelque chose qui se manigance dans ta cervelle.
Belinda
Comme tu te trompes, et comme ta suspicion n'est pas de
mise. Ai-je été une fois, une seule incorrecte avec toi ? Tu ne peux pas
le prouver. D'ailleurs il n'y a aucune preuve. Je ne suis pas de celle qui
laisse tomber son mac, même s'il s'est comporté comme un salaud. Je
t'ai proposé ma chatte, ce soir. Et tu me la refuses. Non, Mickey,
jamais tu ne pourras me reprocher quoi que ce soit.
Il passe la main dans sa poche et entend le bruit délicat des
billets. Ses yeux s'éclaircissent.
47
Mickey
Je sais ce que tu penses. Tu voudrais régulièrement descendre
et ne plus rester cloîtrer dans cette pièce. Il faut reconnaître que ta
première exhibition a craché. Tu en as étonné plus d'un. Ils te fixaient
tous. Je crois même que certains ont dû éjaculer dans leur slip, ou sont
en train de se branler en pensant à toi. Ça serait crétin de perdre cette
marchandise.
Belinda
Tu joues trop petit. J'ai des idées bien supérieures aux tiennes.
Ce n'était pas dans ce taudis qu'il fallait me laisser, ce n'est pas dans un
bar rempli d'ivrognes qu'il me faut faire le tapin, mais c'est dans la rue,
Mickey que je dois travailler. Mieux encore, comme le faisait
remarquer le Gros Michel...
Mickey
Ne prononce jamais son nom, tu entends.
48
Belinda
Je suis une pute de luxe. Tu vas me dire que j'en demande de
trop, pourtant il me faudrait une bagnole - une superbe - une Jaguar.
Ainsi, je pourrais travailler avec Géraldine. A nous deux, on ferait des
miracles. En trois minutes, on touche 1 000 balles avec une branlette.
On les rendrait fous, les mecs.
Mickey
Te payer une Jag ! Et pourquoi pas une Rolls tant que tu y es !
Tu es devenue complètement barjot ! Et avec Géraldine ! Elle ne sait
pas même marcher avec des talons à aiguille. Niveau cancre, tu la vois
conduire, une bagnole de course !
Belinda
De toute façon, nous permettre de l'essayer, nous engagerait à
rien. Tu peux la louer la bagnole, on te la remboursera.
49
Mickey
Ça serait déjà bien beau, si je te permettais d'aller sur le
trottoir. Tu n'as qu'une preuve dans le bar. Alors la caisse, le travail à
deux !... Avec Géraldine ?
Belinda
Tu l'as sous-estimée. Elle n'est pas si niaise que tu le prétends.
Mais elle est bloquée seulement. Elle est autorisée à descendre...
Mickey
Géraldine, elle me paie mes cigarettes, et encore je fume des
brunes. Tu as connu un type satisfait lorsqu'il la tirait ?
Belinda
N'oublie pas qu'elle est caressante. Elle, c'est la douceur. Ça
plaît aux michetons et aux vieux qui ne peuvent pas éjaculer. Hein !
Combien de branleurs, combien d'impuissants à son actif ? Des
50
centaines, peut-être ? Et puis la clientèle revient : c'est qu'elle est
satisfaisante. Non, je t'assure, nous pourrions travailler toutes deux.
Observe-moi. Imagine-la. On a tout ce qu'il faut où il faut. Je ne
comprends pas pourquoi tu doutes. Quel est le malaise ? Il vient de
moi, je suppose. Tu n'as pas confiance. Tu te méfies. Ainsi je serais
indigne de toi. Ainsi, je pourrais faire des conneries. A moins que tu
doutes de Géraldine...
Mickey
En Géraldine, j'ai une entière confiance. C'est elle que j'ai eue
en premier. Elle est ma femme. Toi, tu es ma pute. Tu comprends la
différence ? C'est un monde qui vous sépare. Elle, c'est ma moitié.
Certes je la punis, mais c'est pour son bien. M'a-t-elle, une fois, une
seule, accusé ? Que non ! Je crois en elle, et pourtant ce n'est qu'une
pute.
On entend gratter à la porte. Ils se regardent. Puis on frappe
discrètement. Les coups se font plus forts.
51
Géraldine
C'est moi. Est-ce que tu peux m'ouvrir, Belinda ? J'ai à te
causer. C'est de ce soir, tu m'ouvres ?
Mickey lui fait signe de la tête.
Belinda
Entre. La porte n'est pas fermée.
Mickey.
Géraldine pousse la porte. Elle semble étonnée de voir
Géraldine
Je ne savais pas que vous étiez en conversation. Autrement,
j'aurais jamais osé...
52
Mickey
Mais ça n'a pas d'importance. Belinda, tu seras gentille,
retourne au bar et rapporte-moi quelques Pascal. Reste, Géraldine. Et
ne joue pas les traumatisées. J'ai trois mots à te glisser.
Belinda quitte sa chambre, avec quelques regards mauvais.
Elle n'accepte pas que Géraldine utilise sa chambre. Effets scéniques.
Mickey
Tu écoutais à la porte ?
Géraldine
Je t'assure que non. J'arrive simplement. Non, je voulais te
causer. Et comme je savais que tu n'étais pas en bas. Puis, j'ai
demandé. On m'a dit que tu étais monté. Alors. Me voilà. J'ai quelque
chose d'important à te dire.
53
Géraldine se tord les mains. Ne sait comment s'y prendre.
Elle tente quelques bribes de phrases, puis se réfute. Enfin, elle
entame.
Géraldine
Tout çà, c'est à cause de Belinda. Elle zone complètement.
Elle essaie de te tromper. C'est de la ruse, Mickey. Mais c'est pas vrai.
Mickey
Attends, calme-toi, mon petit. Je ne comprends rien à ce que
tu me dis. Tu voudrais y aller calmos, histoire de pas mélanger tes
gambettes. D'ailleurs, elles tremblent. Pourquoi ? Pose ton cul.
Géraldine
Je te dis que Belinda veut te tromper.
54
Mickey
Ça c'est risible ! Me tromper. C'est ce qu'elle fait nuit et jour,
et cela dure depuis trois ans. Alors un peu plus.
Géraldine
Elle m'a causée, tout à l'heure, avant de descendre. Elle
voudrait se casser, se faire la malle et la belle. Elle voulait même que
j'y participe. C'est pourquoi, Belinda a souhaité descendre. C'est le
premier pas vers la sortie.
Mickey
Tu rêves, Géraldine. Tu as déjà vu une pute jouer ce coup à
son mac. Elle sait trop ce qu'elle risque. Donne-moi le nom d'une seule
qui s'y est essayée. Tu sais comment elles finissent les filles !... Je ne
voudrais pas être à la place des celles qui ont envoyé au coffre les
mecs de Grenoble. Ils en ont pour cinq ans. C'est trop. C'est beaucoup
trop. Mais elles, c'est la mort qui les attend dans des souffrances
55
terribles. Toutes le savent, les macs sont solidaires. C'est la mort de la
profession si on laisse faire. Alors ?
Géraldine
Peut-être pour les autres. Mais toi, qui te soutiendrait ? Le
gros Michel, il veut nous prendre. Tu penses qu'il ne bougerait pas s'il
savait qu'une d'entre nous, faisait la belle. Il en rirait même. Et toi, que
deviendrais-tu ? Tu irais courir après ta salope ? Et les autres
s'envoleraient comme une nuée de moineaux. Et pour les rattraper !
Peut-être une, mais pour les autres, la liberté !
Mickey
Ça n'a pas de sens. Cela n'est jamais arrivé, et cela n'arrivera
jamais. Mais c'est la révolution que tu proposes. C'est la folie la plus
débile !
56
Géraldine
A moins que l'on recherche un statut à la scandinave. Faire la
pute, peut-être. Mais être soumises à un mac, non. Tu sais ce qui se
passe dans les autres pays, elles sont libres. Libres d'exercer ce métier,
et libre de recevoir le client qui leur convient. Tu dis que c'est dingue,
et pourtant, ça existe.
Mickey
Ouais, si ça continue, il faudra que je me recycle avec les
Gays, avec les petites putes droguées, ou avec les petits arabes. Je sais
que l'on est dans une révolution sexuelle, mais delà à remettre en cause
l'appareil de production ! Non, c'est ta jalousie mauvaise qui te fait dire
de telles conneries. D'ailleurs, je me demande pourquoi, je discute avec
une pouffiasse de ton genre. Ouais, tu voudrais ressembler à Belinda,
mais t'es moche. Jamais tu ne tireras les plus beaux mecs. Alors, il faut
que tu te venges. Je suis persuadé que ça t'a plu l'amende.
57
Géraldine
Quelle amende ?
Mickey
Bon, laisse tomber. Si tu allais bosser un peu, histoire de
ramener un peu de pognon. A continuer ainsi, tu vas te rouiller.
Géraldine
C'est malin, je suis rousse jusqu'au cul. Et une vraie.
Géraldine allonge les billets.
Géraldine
Cinq cents, sept cents, plus trois cents, déjà mille. Un autre,
quinze cents. Plus la pacotille.
58
Mickey
C'est pas riche tout ça.
Géraldine
Moi, je donne ce que je fais. D'ailleurs, tu peux pas me laisser
deux cents francs ? Mais Belinda, elle te ment. Elle te fait croire qu'elle
te laisse, mais elle en garde.
Mickey
Tu me les chauffes. Tu veux qu'on fouille la baraque, qu'on fende
le matelas, ou que j'aille voir ce qu'elle a sur la Caisse d'Épargne ?
Géraldine
Elle ne serait pas assez ridicule pour que tu puisses le trouver
illico. Mais, crois-moi si elle a pensé à s'échapper, ce n'était pas le cul
nu. Je te parie que ça se chiffre en millions ce qu'elle t'a planqué.
59
Mickey
truquer ainsi.
Écoute, j'observe ses allées et venues. Elle ne pourrait pas
Géraldine
Ouais, mais elle veut en sortir. Alors, il faut de la fraîche. Un
vrai petit écureuil, ta Belinda.
Mickey
Tout cela n'est que suppositions. Je t'avoue que ça me paraît
invraisemblable. Elle, oser penser ainsi, oser mijoter des simagrées. Je
crois en vérité, que c'est toujours ta jalousie qui te fait sortir ces
mauvaises paroles.
Géraldine
Moi, jalouse. Ce serait aller à l'amende. Avec toi, il ne faut
pas déconner. Si l'on essaie te de contredire, c'est la punition terrible.
60
Je sais l'horreur. Je sais ce que tu peux m'infliger. Alors pour que moi,
pute, je te cause !...
Mickey
Laisse tomber. Je ferais une petite enquête. Si cela s'avère
exact, je t'en remercierais. Tu sais ma reconnaissance. J'aime les
bonnes filles comme toi. Mais je préfère l'exactitude. Tu m'as donné un
avertissement, mais ne te goure pas, sinon.
Géraldine
C'est justement ce "sinon" qui démontre que ce que je bave est
réel. Je n'ai pas envie de subir tes violences. Je sais trop ce que cela
pourrait me coûter !
Mickey
Évidemment, ton clito en a reçu. Mais par-derrière, il reste à
brûler. Tu les as vues, tes copines hurler de douleurs pour ce genre de
conneries.
61
Géraldine
Mais, je ne veux pas te mentir. D'ailleurs, je ne saurais pas te
mentir. Cela me coûterait trop cher.
Ils cessent de parler. On entend des pas qui montent
l'escalier. Nul d'éclat de rire, ni frénésie avant le coït. La montée est
lente et régulière. Belinda ouvre sa porte, suivie d'un client. Tous les
quatre sont étonnés. Mickey et Géraldine se lèvent.
Belinda
Mais bon dieu ! Qu'est-ce que vous foutez dans ma chambre ?
Mais qu'est-ce que cela veut dire ?
la pièce.
Mickey tire un œil vers Géraldine. Ils sortent rapidement de
62
Belinda
Ne t'inquiète pas, mon mignon. Ce n'était qu'une pute et son
mac. Ils devaient causer. Je reconnais qu'en rien il fallait prendre ma
chambre pour un salon de thé. Mais laisse tomber et oublie cela.
Elle se déshabille rapidement. Elle fait glisser le haut de sa
robe. Ses seins apparaissent. Machinalement, elle tire sa culotte, et
fait le geste avec le talon droit, le talon gauche.
Belinda
Et bien, tu préfères ainsi ? Tu veux que je me foute à poil ?
Tu bouges ou quoi ? Monsieur préfère peut-être les porte-jarretelles, ça
l'excite davantage ? Mon tout beau, tu sais que les extra, ça se paie. Si
tu es salingue, il faudra allonger quelques billets en plus. Tu causes, ou
quoi ? Il faut que je te fasse bander, ou tu es puceau. T'as l'air d'un con,
debout comme ça. Allez avance la fraîche. Ce sera mille cinq cents.
63
Il obéit. Il sort de son portefeuille trois billets. Belinda en
laisse deux en évidence sur la table de chevet. Le dernier, elle le
planque dans un tiroir. Elle devient plus gentille.
Belinda
Qu'est-ce que tu veux que je te fasse ? Ne reste pas planté
comme un imbécile. Déshabille-toi. Tu as l'air tout idiot.
Le Client
Rhabille-toi. Je n'ai besoin de rien. Je ne suis pas venu, ici
pour te prendre. Si je suis ici, c'est parce que j'ai entendu votre
conversation au bar. Et je crois avoir compris.
Belinda
Ça te coûte cher du dialogue, mais après tout je peux bien te
consacrer une demi-heure. Tu m'as l'air généreux. Si tu ne veux pas de
mon entrecuisse. Si tu préfères causer, autant pour moi. Bon, qu'est-ce
qu'il a à me dire, ce parfait client ? D'abord, comment t'appelles-tu : tu
dois avoir un prénom, ou je me trompe.
64
Le Client
Assez de ces phrases insipides. Je désire te parler
sérieusement. Je sais trop ta destinée de pute, comme je sais ton envie
de fuir à tout jamais cet univers carcéral.
Belinda
Attends un peu. Tu n'aurais pas été payé par Mickey pour me
sortir les vers ? Tout cela me semble si faux. Ça pue, ton truc. Je me
méfie. Monsieur me donne mille cinq cent francs, mais c'est pour me
causer. Dis-donc : tu es le mécène de la prostitution, ou quoi ?
Le Client
manège.
Tu sais, j'ai des yeux pour observer, et j'ai bien compris ton
Belinda
J'ai appris à me méfier de tout le monde. Je ne crois pas même
en moi. Ça c'est mon doute. Je t'assure que dans ce milieu, il est de
mise.
65
Le Client
Il y a des prostituées qui m'intéressent. Ce sont celles qui
veulent s'en sortir. Ce sont celles qui refusent l'esclavage, et si je peux
les aider ! ...
Belinda
Les aider !... Pauvre imbécile. Tu ignores tout de ce rouage,
de cette incapacité à s'en sortir. Alors toi, pauvre minable, comment ?
D'ailleurs, tu n'es qu'un branleur, cela et rien d'autre. Alors vouloir
jouer les D'Artagnan, cela ne te va pas. Bon, tu me tires ou quoi ? Tes
quinze cents balles, il faut bien que je te les rembourse. Fais-la bander.
A moins que tu sois un peu maso, et que tu aimes la mise en scène.
Monsieur désire peut-être gémir sur le sein d'une blonde en pleurant sa
mère, et recevoir une fessée.
Le Client
Je te parle très sérieusement.
66
Belinda
Je ne te sens pas du tout, du tout.
Le Client
C'est au bar que j'ai compris. Tu cherches la fuite. C'est gros
comme ça. Méfie-toi. C'est trop visible. Et ton Mickey n'est pas le
dernier des idiots. Il se méfie. D'ailleurs pourquoi causait-il avec l'autre
pute dans ta chambre ?
Belinda
Écoute, tout ça m'agace. Je ne sais si tu mens, ou si tu dis la
vérité. Toujours est-il que les minutes passent, et que moi je me fais
ton pognon facile. Et cela est primordial. Tu me fais penser à un
journaliste qui me donnerait du fric pour lui expliquer ma condition :
enquête, qu'il dirait. Et bien tu m'amuses. Alors continue.
67
Le Client
Le billet planqué, c'était pour capitaliser. C'était pour gonfler
ta dot, pour t'en sortir. Bien sûr, tu diras un billet, c'est un billet. T'en
fais ce que t'en veux. Ouais, tu veux la belle, t'en tirer. Mais hélas, tu
es coincée dans ta chambre. Je crois savoir ce que tu recherches : c'est
le trottoir.
Belinda
Je t'écoute baver. Mais je n'ai rien dit du tout.
Le Client
Je ne dis pas que c'est sûr. Mais je possède peut-être le moyen
pour te faire aller sur le trottoir. Et le trottoir, c'est le premier pas vers
la liberté.
68
Belinda
Je n'ai pas besoin de toi pour m'en apercevoir. J'ai demandé
depuis longtemps à Mickey l'autorisation de travailler ailleurs. Mais où
veux-tu en venir ? Et en quoi me serais-tu utile ?
Le Client
C'est vrai. Mais je trouve con qu'une belle fille comme toi,
soit interdite de voir le jour, le soleil. Qu'elle soit punie, et n'est pas le
droit d'aller dans un magasin pour s'acheter ses slips et ses soutiengorge.
Belinda
Mickey connaît les tailles, ils me vont à ravir.
Le Client
qui te convient.
Ouais, mais tu préférerais le lèche-vitrines, et décider de ce
69
Belinda
Écoute, toute cette conversation est insipide, et elle n'a aucun
sens. Tu t'amènes, tu causes, tu prétends vouloir m'en sortir - je ne te
demande rien. Voilà que Monsieur crache son pognon. Tiens, récupère
mille francs.
Le Client
Non, te dis-je. Conserve ces billets. D'ailleurs, ils seront
source de crédibilité auprès de Mickey.
Belinda
Bon ! Rhabille-toi. Qu'est-ce que je raconte ! Tu ne t'es pas
déboutonné. C'est le réflexe tu comprends. Descendons les escaliers
comme si de rien n'était. Mais, je vais te décevoir, tes paroles ne m'ont
servie à rien. Je te l'ai dit : je ne te sens pas. Et puis tu parais trouble.
Une sorte de notion bizarre, inexplicable à justifier.
70
Le Client
Viens. Je te suis. Mais sache que mes paroles ne sont en rien
mensongères, que je n'étais pas manipulé par ton mac. Je pensais
sérieusement ce que je te disais.
Ils descendent les escaliers. Ils prétendent au sourire. Mickey
les observe avec un œil septique. Le Client se dirige vers le bar, tandis
que Belinda commande un alcool, et s'assoie à la table de Mickey. Elle
lui sourit. Il conserve un visage glacial, et ne prononce mots. Quelques
instants s'écoulent. On apporte à Belinda la consommation désirée.
Elle la sirote avec application tout en fixant Mickey.
Belinda
Mickey, qu'est-ce que tu en dis ? Certes, tu préfères cet air
indifférent. Mais tu dois reconnaître que je n'avais pas tort. Quand je
t'ai demandé de travailler ici, tu as tiqué. Mieux encore, la réponse fut
de m'imposer ta violence. Mais maintenant, tu t'aperçois que je n'avais
pas tort. Tu as craint le gros Michel. Tu croyais qu'il allait me piquer
71
comme je venais au bar. Qu'en est-il exactement ? Tout se déroule
selon ta pensée et tes volontés. Alors qu'en dis-tu ?
Mickey
Ça sert à rien de frimer pour quelques billets en plus. Tu m'as
fait que deux clients !
Belinda
Tu plaisantes, je l'espère. Tu sais que je peux faire plus.
Comme on dit, ce n'est qu'un début.
Mickey
Évidemment, ça vaut le coup de le tenter. Mais je ne parviens
pas à t'imaginer sur le trottoir. Toi ! Une fille comme toi ! Non, ça me
semble impossible. Je crois que je te préfère bien planquée là-haut.
Une cage dorée, c'est une cage dorée ! J'en connais des tourterelles qui
y roucoulent.
72
Belinda
Le principe n'était pas le suivant. D'ailleurs l'image est fausse,
comme cette pièce n'était qu'un taudis.
Mickey
Attends, je te retiens. Ce n'était pas un baraquement d'Arabes,
quand même ! Le lieu n'est pas sinistre. Hé ! Tu n'es pas une star.
C'était suffisant, mais en rien médiocre. C'est ça, plains-toi ! Prétends
que je te faisais bouffer de la merde tant que tu y es. D'ailleurs, tu me
sembles avoir grossi ?
Remarquables.
Elle lui montre ses jambes. Elles sont longues et fines.
Belinda
Si tu peux trouver meilleure qualité, tu me préviens.
73
On apporte deux consommations à la table. Le garçon
s'éclipse prestement. Micheline est au bar, et se regarde dans la glace.
Elle est complètement ivre, et chante à tue-tête son refrain.
Micheline
Dans un bordel à merde
Une pauvre ingénue
A décider de perdre
Son con et sa vertu.
Elle salivait d'extase
Et se savait foutue
Et jouissait de ses râles
En proposant son cul.
Belinda
Tu as écouté cette sublime réussite. C'est toi qui es parvenu à
en faire cette déchéance. Non, ce n'est pas de l'ivresse. C'est de la
drogue. Dans un mois, dans un an au plus tard, elle sera morte. Elle ne
74
sait même plus où se piquer. Si, sous la langue, ou entre les orteils ! Et
quand elle est en manque, c'est à la mayonnaise qu'elle s'oublie. C'est
un déchet ! Tu me diras que c'est une erreur de pute, que jamais !...
Ouais, mais des filles de sa sorte, ce sont des loques. Ça ne rapporte
plus rien. Non, Mickey. C'est parce qu'elles ne pouvaient pas être ce
que vous avez voulu qu'elles soient, qu'elles sont cela ! Et moi, je ne
veux pas devenir ça. C'est trop horrible ! Non, c'est dégueulasse.
Mickey
Tu causes un peu trop. Je ne te demande pas de juger. Si tu as
suffisamment de caractère, rien ne t'obligera à devenir Micheline. Toi,
tu es équilibrée. Alors de quoi te plains-tu ?
Belinda
Mais je veux sortir de cet endroit infect. Ne plus tourner
comme un ours dans sa cellule. J'ai besoin d'air. J'ai besoin de respirer.
Assez de cet enfermement ! Assez de recevoir mes soutien-gorge, mes
slips et mes robes par correspondance. Je veux bien t'obéir. Je veux
bien te faire le pognon qu'il te faudra. Mais en contrepartie, il me faut
75
sortir. Voir ce qu'il se passe dans la rue, dans un magasin. Sortir !
Vivre, quoi !
Mickey
D'accord, sortir. Respirer l'aile blanche des petits oiseaux.
Mais tu te trompes. Ce ne sera que la nuit noire. Le trottoir cafardeux.
Tu devras faire les cent pas, tout en évitant les crottes de chien. Puis
monter, redescendre. Des connards te dragueront ou toi tu seras
obligée de les appeler "mon chéri", tout en sachant très bien qu'ils
déambulent. Si tu veux discuter des prix, si tu veux être à poil sous un
manteau de fourrure...
Belinda
Tu ne te souviens pas ce que je t'avais proposé. Je veux
travailler avec Géraldine, en double. Je t'avais demandé une bagnole.
Je n'ai pas envie de crever mes talons.
76
Mickey
Et puis quoi encore ! Tu veux brûler les étapes. Une Jag !
Pourquoi par la Rolls tant que tu y es. Mademoiselle a la folie des
grandeurs. Hé ! Belinda ! Reste modeste. Souviens-toi que tu n'es
qu'une vulgaire pute.
Belinda
Je te l'ai déjà dit : tu veux du fric. Mais tu ne me donnes pas
les moyens de ma politique de pute.
Mickey
assez.
Politique de pute ! Tu lis trop les journaux. Tais-toi. C'est
Belinda
Ouais, mais à quoi te serviraient des fellations ou des sucettes
à cinquante balles.
77
Mickey
Mais que crois-tu qu'il se passera lorsque tu seras sur le
trottoir ? Ce seront des petits travaux, et tu devras en faire. C'est vingt
fois, trente fois cette politique de pute, comme tu dis. Et là, tu vas te
vulgariser - au plus primaire, à l'infect, au sale et au crasseux. Voilà ce
que tu me demandes depuis des jours, et voilà contre quoi je
m'insurgeais.
Belinda
Non, je crois que je dois tenter les coups. Quitte à passer par
une phrase de vulgarité. Cela m'ouvrira sur d'autres hommes. Et puis la
qualité viendra.
Mickey
Une pute se trompe. Ça c'est marrant. Ton raisonnement est
absurde. Toi, dans une rue obscure, y grandir en qualité de michetons ?
Et passer de la flûte à l'orgasme du beau mâle. Réfléchis : tu n'auras
que les pommés, que les ivrognes ou les puceaux en mal d'amour. Les
mecs qui sont bien, ils n'ont pas besoin de toi.
78
Belinda
Ouais, mais j'espère monter de grades. Et quand je t'aurais
prouvé que je sais te faire du fric, et beaucoup de fric, tu me feras aller
d'un échelon, et ce sera la bagnole que j'aurais !
Mickey
Vas-y doucement ma cocotte. En connais-tu une seule qui
roule avec mon essence. Alors lève le pied, ou envoie-les en l'air !
Belinda
Si tu me considères trop minable pour en rester à ces déchets,
ça ne sert à rien d'insister. Il m'est préférable de rester en attente dans
cette piaule idiote, et d'espérer qu'un imbécile se glissera entre mes
cuisses.
79
Mickey
Je n'ai rien dit. Je te parle de ce que je connais. C'est pas le
bonheur, et c'est pas l'Évangile. Il te faudra tirer et pomper ! Imagine
des jets de sperme glissant entre tes dents. Elle est belle, ta petite
gueule ! Et bien, il faudra sucer. Et ceux-là; sans les laver. Tu devras
t'en charger, ou les faire décharger.
Belinda
J'accepte de prendre le risque. Je sais ce qu'est le dégoût.
Mieux encore, j'ai épousé l'ignominie et l'humiliation, et c'était toi
Mickey. Mais de tes couilles, je n'en veux plus.
Mickey
OK, ma belle, c'est convenu. Tu as ma bénédiction. Je te
donne tout le courage, pour agir. Mais fais ça vite et très bien. Et
rapporte-moi du fric car j'en ai besoin.
80
Belinda
C'est tout ce que j'espérais de toi. Je t'en remercie. Sache que
je saurais les prendre les michetons à cent balles. Crois-le. Oui, croisle.
81
IV
Dans la rue. Il y a des voitures stationnées sur le côté droit.
Deux ou trois. Sur le trottoir de gauche, quelques putes vulgaires et de
basse qualité tapinent. On peut les faire s'engueuler pour un mètre
carré de trottoir, et les faire se taire, et se transformer à l'approche
d'un client potentiel. Il y a des néons. Certains éclairent mollement
l'enseigne du bar hôtel qui est situé sur le gauche. Belinda travaille.
Le Client
C'est donc toi ? Je ne comprends pas qu'en si peu de temps tu
sois parvenue à sortir de ton endroit pourri.
Belinda
Comme quoi, j'ai suivi des conseils. Mais il faut monter et
descendre. J'ai un de ces mal aux pieds. Et puis cet accoutrement ne me
va guère. T'as vu ce cul. T'as vu cette culotte, elle me rase trop. J'ai l'air
vulgaire.
82
Le Client
Il faut passer par là pour obtenir les voies de la liberté. Et puis
tu t'en tireras rapidement.
Belinda, regardant la façade de l'hôtel
Fais semblant de t'intéresser à moi. Mickey ne cesse de
m'observer. D'ailleurs il regarde en soulevant le rideau. Fais le type qui
demande une réduction.
A haute voix,
Le Client
Tu ne t'imagines pas que je vais me faire sucer pour cela.
Non, mais dingue ou quoi ? T'as vu, toutes tes copines veulent moins.
Alors toi. Dis-donc, c'était moins cher dans ton taudis à merde.
83
Belinda
ne s'en doute pas.
Maintenant, il me faut faire du pognon et vite, et que Mickey
Le Client
Mais ce sont des centaines de passes qui te seront nécessaires
afin d'obtenir quelque épargne. C'était le risque du trottoir. On tire
beaucoup. On n'a rien.
Belinda
tenter.
C'est peut-être le prix de la liberté. Mais ça vaut le coup de le
Le Client
Le coup ! Des centaines de coups !
84
Belinda
Je ne sais pourquoi je te fais confiance. Tu pourrais tout dire à
Mickey et cela serait ma mort en échange de tes paroles. C'est risqué
de se fier à un mec tel que toi. De quel côté, es-tu ?
Le Client
Soit tu es conne, soit tu m'as compris. La prostitution est et
sera toujours. Mais celles qui veulent en sortir, je leur donne de l'aide.
J'ai de l'argent.
Belinda
culs, pourquoi ?
Peut-être, mais pas de femmes. Alors tu éjacules dans nos
Le Client
quelques pièces.
J'ai trop été déçu. Je préfère vous allonger en vous glissant
85
Belinda
Ouais, mais avec le cul, tu t'en retournes dans ta piaule sans
fille ni femme ni greluche. Au matin, c'est la bande et la branlette pour
compenser. Alors je comprends pas.
Le Client
Je ne suis pas si bandeur que tu le crois. Deux, trois fois pas
semaine, cela me suffit. Alors une femme régulièrement dans mon lit,
je n'en ai pas besoin. Non ce qui m'intéresse c'est la pute avec son
statut.
Belinda
Je paie mes impôts, je suis une citoyenne comme les autres. Les flics
me foutent à l'amende, mais le fisc reconnaît mon métier. D'un côté, je suis
punie par l'État. De l'autre, je suis reconnue par les inspecteurs. Je travaille
aux forfaits. Un peu encore, et l'assistance sociale vient vérifier si ma chatte
est propre. Alors que veux-tu d'autre ?
86
Le Client jette des clins d'œil furtifs vers la devanture du bar.
Il s'aperçoit que Mickey les observe et n'apprécie pas ce manège qui
ne cesse de durer.
Le Client
Tiens. Je te crache un Pascal, et feins de me sucer. Oui, dans
la rue contre la voiture.
Belinda s'exécute. On l'imagine agenouillée face au client, et
faisant prestement des mouvements rapides de fellatrice. Deux minutes
s'écoulent. La scène est dans la pénombre. Les autres prostituées ne
font guère de cas de ce qui se passe.
Belinda
Je ne comprends pas, c'est trop stupide. Pourquoi t'occupes-tu
de moi ? Quel intérêt as-tu à t'intéresser à une pute ?
87
Le Client
Ne vas pas supposer que je suis amoureux de toi, que je suis
une sorte de chevalier servant qui tente de sortir sa prisonnière de ses
barreaux en or. Non, je ne t'aime pas. D'ailleurs comment aimer une
pute ? On se glisse dans son vagin, mais on sait que des centaines de
types l'ont déjà foutue. Ce n'est pas que je recherche la pureté ou la
vierge... Mais imagine ta bouche, comment peut-on embrasser sans
penser que tu as tiré des centaines de bites, que ta salive s'est mêlée
avec leurs spermes puants. Crois-moi, il ne faut pas être dégoûté pour
aimer une pute. Non, une compagne qui a eu des relations, cela se
conçoit. Mais toi, jamais. Quand bien même tu serais belle, quand bien
même tu te laverais dix fois par jour, tu resteras toujours souillée à mes
yeux.
Belinda
Même une fille de luxe ? Tu ne me donnes peu d'espoirs et tes
phrases sont terribles ! C'est ignorer que toutefois nous sommes des
femmes, et que nous pouvons éprouver des sentiments et faire des
enfants par exemple.
88
Le Client
La belle affaire : tu ne connaîtrais jamais le nom du père. Des
milliards de spermatos qui grouillent dans tes trompes ! Je crois même
que tu serais incapable de retrouver un mec qui t'a sauté la veille.
Belinda
Je ne serais qu'une mécanique sexuelle, pareille à de la... je ne
trouve pas la comparaison ... pareille à de la merde ! Alors va
interroger les autres filles. Demande-leur ce qu'elles pensent de ce que
tu oses me dire. Elles te cracheront à la gueule. Car derrière la pute, il
y a une femme. Et derrière cette femme, il y a un cœur. Je suis déjà
punie, mais tu veux m'humilier plus encore.
Le Client
Comme tu te trompes ! Je ne sais pourquoi tu vis dans le nonsens
! Non ce que je voudrais savoir c'est comment une pute veut enfin
en terminer avec cet esclavage de femme, comment parviendra-t-elle à
89
s'en tirer. Mais je t'avoue que si je pouvais t'être de quelconque utilité...
je t'aiderai.
Belinda
Tout ce que tu dois faire, c'est de fermer ta gueule. Si Mickey
venait à apprendre que tu es intervenu, ce sont des balles dans la peau
pour toute récompense. N'essaie pas trop de me revoir, oui tiens-toi à
l'écart. C'est un très bon conseil.
Le Client
Ça me dépasse. Pourquoi toutes ces manières ? Il t'est donc
impossible de te casser, de foutre du pognon de côté, et de filer dans le
premier train venu. C6olore-toi en rousse, coupe tes cheveux, porte
d'autres habits. Je ne sais pas, moi ! La Suisse, Strasbourg ou un autre
pays, ton mec ne te retrouvera pas. S'il te retrouve, il te tue. Mais entretemps,
il perd des millions chaque jour en essayant de trouver une
aiguille, ou plutôt une pute dans l'Europe entière.
90
Belinda
Bonne idée ! Mais s'il me retrouve, c'est la mort, et dans la
torture, dans les souffrances les plus effrayantes. Écoute, il est
préférable que maintenant tu te tires. Je t'ai assez vu. Ça paraît louche
toutes ces causeries. Si tu veux me revoir, tente de choisir un autre
lieu. Il t'a déjà repéré. Tel qu'il est, il va me poser des questions. Il
renifle le doute à cent pas. C'est la meilleure chose, casse-toi.
Le Client
Tu veux connaître mon prénom ?
Belinda
Non. Je te connais de trop, hélas !
Mickey sort dans la rue. Il se dirige vers Belinda. Elle se
refait une beauté, et feint d'ignorer la venue de son mac.
91
Mickey
Je te trouve un peu trop complaisante avec ce connard.
Pourquoi est-ce que tu discutes avec lui ? Le micheton c'est le
micheton. Il faudra que tu l'apprennes. Mais qu'est-ce que ça veut dire
toutes ces causeries ? Tu ne peux pas laisser pisser un peu. Occupe-toi
de ton travail. La brillantine tu la jettes aux ordures. Tu n'as pas le
temps de discuter. Travaille et bosse. D'ailleurs file-moi ce que tu lui
as sucé. Cinq cents balles ! Et bien le type ! Un peu malade, non ! Mais
ce n'est pas assez. C'est pourquoi je te conseillerai de tourner un peu
plus ton trou du cul pour les exciter les mâles. Regarde-moi ces
salopes. Du moins, elles travaillent un peu plus. Belinda, écoute, si tu
ne me ramènes pas plus de pognon, je te renvoie presto, là-haut. Puis je
te condamnerai. Tu sais ce que j'ai prévu pour toi en cas d'échecs ?
Belinda
Je ne préfère pas y croire, ma souffrance serait plus terrible
que celle d'une sainte !
92
Mickey
Voilà, maintenant que tu te prends pour une purifiée. Et bien,
ton cul est joliment en fleurs pour une mystique.
Belinda
Ne t'inquiète pas, je travaille. Mais laisse-moi me faire un peu
la main. Ce n'est pas au bout d'un quart d'heure que tous les mecs vont
se jeter sur moi. Peut-être que je ne connais pas encore la méthode. Je
sais d'autres plus vulgaires parviennent à les coincer, et ils débandent
après deux minutes. Mais ce métier ne s'apprend pas illico. Tu me
parles toujours de mon cul, mais je ne peux toutefois pas me faire
foutre sur la place. C'est me trouver dans le panier à salade et au violon
pour la nuit. Ça c'est une perte de revenus. C'est pas ce que tu
cherches, toutefois ?
Mickey
Ton billet est malingre. Il en faut d'autres et beaucoup. Ce
n'est pas à moi de te faire des cadeaux, mais c'est à toi d'être très
obéissante ou très travailleuse.
93
Belinda
Tu confonds tout encore, car tu es obtus. Je travaille dans du
vulgaire, donc je ne peux te rapporter du fric. Je ne m'appelle pas
Micheline. C'est avec la bagnole que je te rendrais riche.
Mickey
Encore la folie de tes grandeurs ! Tu te prends vraiment ?
Pourquoi ? Parce que Mademoiselle est bachelière.
Belinda
Mickey, cesse ! Je te parle de mon cul. Non, de mon standing.
Une sorte de classe, quoi !
Mickey
Je t'ai déjà dit qu'il n'est pas question de la bagnole. Et quoi
encore ! Un jour, ce sera à moi de te ramener les mecs !
94
Belinda
Tu sais pourtant que c'est ça qui marche aujourd'hui. Deux
filles - par exemple - moi et Géraldine dans une Porsche. On se coiffe,
robe fendue. Et les michetons affluent. Ils paient gros, très gros.
Mickey
Tu veux voler les étapes. D'abord, travaille. D'ailleurs, il y a
un branleur qui te matte mais qui n'ose approcher à cause de moi. Vasy.
Prouve ce que tu sais faire.
Belinda
Comme tu veux et où tu veux.
Belinda s'approche lentement du gosse. Il fouille dans ses
poches sans connaître les convenances de la prostitution. Il est
malaisé et maladroit. Elle s'avance et lui parle doucement. Lui, paraît
tout penaud.
95
Belinda
Mais n'aie aucune crainte, mon mignon. Ça sert à rien de
paniquer. Tu sembles si nerveux, après tu régleras l'addition.
Il la suit, mécaniquement.
Belinda
Dis donc ? Tu n'aurais pas forcé un peu sur la dose, histoire
de te donner du courage ? Histoire de perdre ton acné ?
Elle le colle contre le mur, et glisse prestement sa main sur
ses parties génitales. Le môme semble crucifié, et ne bouge pas. Elle
déboutonne un à un les boutons de sa braguette, et fait exploser un
sexe en érection.
96
Belinda
arranger ça.
Je ne savais pas que je te faisais tant d'effets. Attends, on va
Elle ouvre prestement sa jupe serrée et lui propose sa vulve.
Elle y glisse son pénis. Lui, tout émoussé, éjacule après quelques vaet-vient.
Belinda
Tu sais ce que tu me dois, mon mignon. Avec toi, ça été plutôt
rapide. Donne-moi deux cents francs. Je t'ai ouvert " au cul",
maintenant il faudra que tu te débrouilles tout seul. Tu comprends que
ce n'est pas une solution que de faire appel à des pros. Maintenant à toi
les minettes, et fonce, ne rougis pas, ne palis pas. Écoute mes conseils.
Elle lui passe une fois encore les mains sur ses attributs.
97
Belinda
Mais dis donc, mon petit bourricot, tu débandes pas. Tu
voudrais voir mes nichons, et mon cul pour me glisser ton foutre.
Elle le branle rapidement. Il commence à se pâmer. Il tente de
la serre contre son corps. Elle le tient à distance. Elle l'agite de toutes
ses forces avec ses deux mains. Il explose dans des râles. Il est presque
à l'agonie. Elle branle, et branle. Il a la queue en feu et demande
grâce.
Belinda
Tu appelleras ça un bon dépucelage. Maintenant, petit con,
tires-toi. Je t'en ai assez fait. Oui, casse-toi. Je te l'ai dit : trouve des
copines car les putes, c'est cher. Je t'ai fait un caprice. Mais comprends
que ce n'est pas de l'amour. C'est du sperme. Mais l'amour ne se fait
pas sur le trottoir. Allez ! Casse-toi.
Le môme s'exécute, tout content de ce qu'il lui arrive. Mickey
observait la scène.
98
Belinda
Voilà le genre de clients que tu me proposes. A ce rythme-là,
jamais je ne pourrais satisfaire à tes besoins. Comment veux-tu que je
te fasse vingt mille francs par semaine ? Mais, c'est du rêve ou quoi ?
Il y a une logique pure et simple. Il existe des hommes qui sont
capables de cracher 5 000 F pour une nuit. Mais évidemment, en
parler, ça te gonfle les oreilles.
Mickey
Non ! Non, j'écoute toutes les suppositions. Je ne suis pas si
coincé que tu le prétends. Alors, de toi ma belle... Tout ce que tu
baves, je l'écoute avec attention.
Belinda
Je ne bave pas. Ou alors c'est pour cracher le sperme de ces
merdeux. Je te dis qu'il faut aller vers la haute. Il existe des hommes
qui veulent de la bonne marchandise. Mais ceux-là on ne les trouve pas
sur le macadam. Non, ils sont dans les hôtels grand luxe. Des quatre
99
étoiles ! Je vais m'épuiser avec ces cons. Je vais me vieillir. Tu
souhaites que ta marchandise se démode ? Et pourtant tes méthodes
sont celles d'un temps passé, mais hélas complètement dépassé.
Mickey
On t'a jamais dit que tu avais une grande gueule ? Qu'il serait
préférable que tu te calmes un peu ? J'ai été bon avec ton misérable
cul. A présent, tu voudrais l'offrir à des PDG en manque de secrétaires.
Pourquoi pas vamper les Émirs les plus riches de cette planète en
promenant ta merde sur la Croisette. Ho ! Mais ils vont se jeter sur toi,
et mettre à tes genoux leur fortune. Tu veux retourner au bar, je te prie,
beauté. J'ai deux mots à glisser à ta copine là-bas.
Mickey
Dis donc, Belinda est complètement hystérique. Elle veut s'envoyer
les rois du pétrole. Elle doit avoir sa dose de parano. Tu l'as vu son cul ? On
peut même dire qu'il est génial ! Mais delà à prétendre !... Je t'avoue que je
comprends rien à cette greluche. Elle si prude, si sauvage. Voilà qu'elle me
branle doublement un puceau, et puis ces airs comme si elle se croyait !...
100
Géraldine
Évidemment, y'a de quoi être suffoqué. Mais tu peux
l'imaginer en platine, avec la robe fendue et tout le tra la la. Elle jette
sa classe. C'est une blonde sublime. Tu ne l'as peut-être pas compris :
elle se bloque avec la misère, elle s'épanouit avec la richesse. A
chacun, son monde. Moi, je ne suis que !... Enfin rien. Mais elle !... Ça
vaudrait le coup que tu l'essaies. Mais tiens-la, méfie-toi. Les papillons
s'envolent.
Mickey
Tu as déjà connu une putain qui ait tenté de se faire la belle ?
Aucune n'y est parvenue et crois-moi, si une seule s'y essayait, ce sera
sa mort assurée. Non, le problème n'est pas là. En vérité, Belinda
monte vite. Elle monte trop vite. Enfin, je me comprends. Elle descend
de sa chambre. Puis, se propose au bar. Après, c'est le trottoir. Et
maintenant, elle veut tirer des mecs à pognon. Moi, je ne lui demandais
que peu : du pognon, des sommes insignifiantes. Quoique j'aurais
préféré plus...
101
Géraldine
Mets-toi à sa place. Elle a de l'envergure. S'arrêter-là, cela ne
lui va pas. Elle voudrait plus. T'as vu comment elle cause. Et ses
phrases ? Je te parie qu'elle lit au moins un livre par an. On dirait que
Belinda c'est du savoir en quelque sorte. Parfois elle me sort des mots,
je n'en comprends même pas le sens. Mais je fais semblant. Alors je
bouge la tête.
Un client se présente, mais n'ose approcher comme il voit
Mickey discuter avec à Géraldine.
Géraldine
Tiens, tu viens de m'en faire perdre un. C'était cent balles au
minimum. D'autant qu'il semblait bien fringuer. Je t'assure que ce soir,
ce n'est pas le super, il fait si froid. Tu penses, ils ont les couilles
gelées.
102
Mickey
Laisse tomber. Ton travail passe après. Non ! Non ! Je veux te
parler de Belinda.
Géraldine
Je ne peux rien dire d'autre. Je te l'ai répété. Méfie-toi des
papillons qui s'envolent.
Mickey
Ouais ! Un papillon n'a une espérance de vie que de deux
jours. Il meurt rapidement. Mais, elle me dit : Hôtel, standing, 5000 F !
Ça me fait tiquer. Et en même temps, je suis alléché par la proposition.
103
Géraldine
Toujours est-il que tu ne pourrais pas l'envoyer ailleurs. Tu
surveilles comme un chien de garde. Alors lui donner la possibilité de
décider d'aller où bon lui semble, de sortir, de rentrer - ça, tu ne
l'admettrais pas. Suppose, qu'un soir, elle ne puisse te téléphoner et
qu'elle soit dans le centre-ville, tu vas pousser ta gueulante. Tu la
puniras. Mickey tu n'as pas suffisamment l'esprit ouvert pour permettre
à une de tes filles d'aller où bon lui semble. Je ne te dis pas ça
méchamment : mais tu es limité intellectuellement. Tu es le genre de
type qui préfère jouer à la Caisse d'Épargne plutôt que d'investir 100
000 F dans une zone pétrolière. A chacun son système. Tu disais :
Belinda a un cul génial. C'est une blonde. Peut-être qu'il est en or !
Enfin, j'ai la certitude qu'elle t'aime. Que jamais elle te fera des
magouilles !
Mickey
Je ne peux toutefois pas l'envoyer sur la côte. La laisser seule
pendant la période estivale, et attendre qu'elle me rapporte du fric. Non
! Non ! Cela n'a pas de sens !
104
Géraldine
Tu m'as demandé de te conseiller. Que puis-je faire d'autre ?
C'est déjà bien heureux que tu ne m'aies pas frappée parce que je t'ai
craché mes vérités.
Mickey
Je ne suis pas dans une période agressive. J'essaie de réfléchir.
Plutôt de comprendre. Le doute s'empare de moi. Mais je n'ai pas de
violence. D'ailleurs tu ne me causerais pas, c'est moi qui poserais et
répondrais aux questions.
Géraldine
Un bol d'air de liberté ne serait d'aucun risque. Tu peux lâcher
la corde doucement. Rien ne t'impose à la laisser partir pour aller
n'importe où. Tu as suffisamment de jugeote pour la freiner dans ses
ardeurs de liberté.
105
Mickey
Ouais, la liberté. Mais de la liberté surveillée. Ça c'est pas con
! Je ne peux toutefois pas jouer les agents secrets, et ramper le long des
murs pour vérifier nuit et jour si elle agit selon mes désirs.
Géraldine
D'autant qu'elle ne doit pas passer pour une pute. Elle doit être
une entremetteuse de la haute. Alors toi, la suivant ! Toi, tentant de
vérifier ses actions - ça n'irait pas . Le problème est bien différent
Mickey : il s'agit d'avoir confiance. Depuis qu'elle travaille pour toi,
elle ne t'a jamais trompé. C'est une fille sérieuse. A toi de penser pareil.
Tu dois croire en elle. C'est drôle de demander à un mac de croire en
quelque chose. S'il savait l'existence de Dieu, oserait-il soumettre à
l'état d'esclave ces douces sœurs ?
Mickey
Tu ne vas pas me faire tes sermons, toi la pute qui suce
n'importe qui pour cinquante balles. Et encore, il te faut un client naïf,
106
n'ayant pas éjaculé depuis trois semaines. T'as vu ta gueule ! Elle bave
du sperme ! C'est vachement alléchant ! Et puis ton cul est tellement
élastique, qu'on sent rien dedans ! C'est mou !
Géraldine
Bien, va draguer. Récupère les gamines de treize ans. Mais
drogue-les au passage. Tu verras le passage sera plus étroit. Il y en a
des pucelles pommées cherchant un homme charmant qui les
protégera, qui les foutra. Et qui les enverra sur le trottoir. Tu peux
aussi tenter les petits pédés. Pas de problème : ils sont déjà drogués.
Reste plus qu'à les mettre... en manque. Tu vois je te donne des
conseils pour faire évoluer ton appareil lucratif !
Mickey
Là, tu devrais de taire. Tu ne me chatouilles pas, tu gonfles.
Tu gonfles terriblement. Il serait préférable que tu la boucles.
107
Géraldine
Hé ! Mickey : n'oublie pas que c'est toi qui es venu à moi, que
c'est toi qui m'as demandé des conseils. Je n'y peux rien si tu es énervé.
Mais tu m'avais prévenu que tu étais calme et doux comme un bon
agneau, ce soir.
Mickey
Ouais, par-delà tout, j'en suis à ma première question. Libérer
Belinda ou non ? Toi, ta gueule. D'ailleurs, on se retrouvera et tu
paieras tes quatre vérités. Me causer, soit. Mais se moquer, ça coûte
cher. Très cher.
Géraldine
Attention. Sois correct. Il y a cinq minutes, tu prétendais au
contraire. Tu demandais des conseils. J'en ai assez d'être puni, et d'être
à l'amende. Je connais trop tes méthodes. Alors ne te venge pas sur
moi. Il vaut mieux que je travaille. Mickey va au bar. Laisse-moi
maintenant.
108
Elle change de trottoir. MIckey la regarde d'un air amusé,
satisfait de lui avoir foutu la frousse. Il l'observe tortiller son cul
rapido presto. Il se marre. Il en rit sournoisement. Mickey pousse la
porte et entre dans le bar hôtel.
Belinda est au comptoir avec le premier client. Il est
totalement ivre. Il tache de balbutier quelques paroles qui sont
presque inaudibles.
Belinda
Alors, tu te décides. Tu montes ou quoi ? Tu es complètement
beurré. A te saouler de la sorte tu vas finir par dormir ou dégueuler sur
mon corsage. Bon, tu les as assez lorgnés ces seins. Maintenant, mon
petit con il faut tu agisses. Ça vient ou quoi ?
Le Client
bander.
Je crois avoir trop bu. Je ne sais pas même si je parviendrai à
109
Belinda
Je te branlerai quand même.
Le client fouille dans ses poches. Il y arrache tous les billets
et toute la monnaie qu'elles contenaient. Il jette le tout sur le comptoir.
Avec prestance, avec habileté, Belinda compte ce qu'il possède. Elle
lui glisse trois mots à l'oreille.
Le Client
assez !
Tu me proposes ça, avec ça ! Non, non et non ! Ce n'est pas
Belinda, toujours à l'oreille
Bon ! Je te ferais...
110
Le client parle au Gros Michel.
Le Client
Tu sais ce qu'elle me propose ?
Il s'approche et lui cause lentement. L'autre ricane avec sa
grossièreté naturelle.
Le gros Michel
Ma pauvre Belinda, il faut vraiment que tu aies besoin de
pognon pour tirer avec cette masse difforme ! Il est totalement blindé.
Je te l'ai déjà dit : si tu voulais travailler avec moi, ce n'est pas cette
savate que je te proposerais, mais des mecs de première !
Belinda
Peux-tu me donner le nom d'un type qui soit plus ignoble,
111
plus terrible que toi ? Tu ne respectes pas les filles qui se donnent, qui
se prostituent pour ta personne. A choisir entre deux ignominies, je
préfère la moindre. Oui, j'aime mieux encore un sein brûlé qu'à une
branlée avec une chaîne à vélo. Toi, tu es un malade. Non, tu es dingue
car tu en jouis. Ici, personne n'a osé te casser la gueule, mais quand ça
t'arrivera je serais la première à battre de mains, à applaudir. Tiens, si
un mec avait du cran, il te descendrait. Tu mérites d'être bouffée par
les rats. Moi, je les ai vues les filles que tu as punies. Je ne peux croire
qu'un être si écœurant puisse exister. Leurs dos, c'était de la charpie.
Leurs sexes saignaient. Accrochées, presque pendues pendant des
heures et toi qui frappes, qui frappes toujours. On les entendait hurler,
supplier la fin de leurs tortures. Mais, toi cynique et jouissif, tu
poursuivais inlassablement. Tu imposais ton terrible traitement. Tout le
monde le sait, ici : la petite Christiane - c'est toi qui l'as tuée. Ho !
Certes, on l'a retrouvée dans une décharge d'ordures. Mais c'était toi.
Car tu signes tes crimes.
Le Gros Michel
Mais vas-y, petite salope. Qu'est-ce que tu attends ? Va me
dénoncer à la police, les flics se sont mes frères. Ils ont besoin de types
de mon genre, car je détruis la gangrène. Je fais leur boulot. Je peux
dire que je suis aimé et considéré. Un coup de fil, et je sors une pute,
112
ma pute du violon. Ce n'est pas de la crédibilité ça ? Quant à
Christiane, ce n'est pas mon affaire. J'ignore quel salaud m'a détruit ma
petite protégée. J'étais à l'enterrement, et j'ai pleuré.
Belinda
Mais je rêve ! Tu craches ta merde par la gueule. Non, tu vas
me faire croire que tu possèdes quelques sentiments. Tu as dû vendre
ta mère. Toi, pleurer sur Christiane ! C'est à en rire. Mais tu as raison :
tu gagnes davantage de fric avec tes putes qu'en tournant un scénario.
Pourtant tu serais un bon comédien.
La violence monte dans le Gros Michel ! On imagine ses yeux
sortir de sa tête. Il l'observe fixement. Il n'a qu'une envie : frapper
Belinda pour toute la vérité qu'elle vient de lui cracher au visage.
113
Belinda
Surtout, ne me touche pas. Tu as vu qui est à trois mètres de
toi. Il tire vite lui aussi. D'ailleurs, regarde où est sa main. Elle caresse
la gaine de son arme à feu. Mais si tu veux ta mort, je serais très
heureuse d'y avoir participé.
Le Gros Michel
Tu vois, Belinda, tu as une chance terrible. Ton souteneur
n'est pas mort, ou n'est pas en taule. Tu n'oserais jamais me parler
ainsi. Mais je te promets qu'un jour ou l'autre, tu te mettras à genoux
devant moi. Tu me demanderas le grand pardon. Et la pulpeuse
Belinda effrontée ne sera plus qu'une masse de chair saignante, plus
honteuse plus humiliée que la première des Saintes.
Belinda
C'est fort étrange que de mêler sainteté et prostitution. Enfin,
il doit y avoir en nous quelque chose de bon.
114
Le Gros Michel
Plutôt quelque chose de putride. Nous, nous sommes les
bennes à ordures. C'est pourquoi on t'a ramassée. Tu étais dans le
caniveau. Au lieu de te jeter dans la fosse à merde, on t'a récupérée. Et
tu te plains ? Pourquoi ne veux-tu pas comprendre que tu n'es qu'une
vulgaire pute ? Que jamais tu ne changeras de condition ? Que c'est
ton passé, ton présent et ton avenir. Que jamais tu n'y échapperas !
Belinda
On ne naît pas pute, on le devient. Ce sont, comme on dit, les
circonstances de la vie qui font ce que nous sommes. Au départ, la
femme est pareille aux autres : elle n'a jamais été conçue pour se faire
foutre jour et nuit, ou pour se faire sodomiser par le premier micheton
venu. Tu connais les stratagèmes pour faire d'une pauvre fille perdue,
une pute à pognon. Elle est pommée, faible. Un type la baise
correctement. Elle se laisse emportée dans ses vapeurs. Puis la réalité,
l'atroce vérité : je veux dire l'esclavage. Tu crois donc que nous ne
sommes que des mécaniques sexuelles, que nous n'éprouvons pas le
115
moindre sentiment, et qu'en ce sens nous ne pourrions aimer notre
progéniture ?
Le Gros Michel
Tu ne connaîtras pas le père !
Belinda
Qu'importe ! Il serait mien. Le fruit de mon corps !
Le Gros Michel
C'est de la philosophie que tu me causes. Moi, j'en ai assez de
ces pleurnicheries, de ces jérémiades de putains à morale. Tu sais qui
tu es, et tu sais ce que tu vaux. Pourquoi ne pas me dire que tu étais
une enfant gentille qui craignait la nuit, et qui se protégeait avec son
gros nounours ? Que tu faisais des cauchemars et que ton père venait te
baiser le front afin de te rassurer ?
116
Belinda
Il est vraiment impossible de causer avec toi. Tu n'as aucun
grain de pensée dans ta grosse tête.
Le Gros Michel
Mais c'est toi qui compliques tout. Tu ne veux pas reconnaître ta
destinée. Tu seras pute à vie. Tu n'as pas mis le doigt dans l'engrenage, non,
tu te fais tirer le cul par des dizaines de mecs. Nuance ! C'est toi la machine.
Et tu ne pourras jamais l'arrêter. Tu as les roulements. Quant à l'huile pour
éviter de faire grincer les rouages, c'est ta salive, ma belle petite cocotte ou
ma sublime salope. Je crois qu'un mec là-bas, Mickey, te regarde. Ça le
dérange que tu me causes. Alors va, obéis à ton mac. Il s'énerve sur place.
Rejoins-le. Je vous fais apporter deux whiskies
Belinda se dirige vers la table. Mickey l'attend.
117
Belinda
Pardonne-moi, j'ai été un peu longue. Mais il y a seulement
cinq minutes que je t'ai vu.
Mickey
Tu ne trouves pas déplorable le comportement de Micheline.
C'est une mécanique sexuelle ou verbale.
Au fond du bar, on entend Micheline répéter inlassablement
le refrain qu'elle a inventé. Elle se regarde dans la glace, avec la
gorge bourrée d'alcool.
Micheline
Dans un bordel à merde
Une pauvre ingénue
A décidé de perdre
Son con et sa vertu
118
Elle salivait d'extase
Et se savait foutue
Et jouissait de ses râles
En proposant son cul.
Mickey
Je ne voudrais pas que tu deviennes pareille à cette fille. En
vérité, elle n'avait pas de cran. Elle se plonge dans l'ivresse. Mais elle
n'est qu'une déchéance.
Belinda
Micheline n'est en rien coupable. On s'est trompé, on s'est
gouré. Elle n'était pas faite pour ça.
Mickey
Justement, c'était mon idée. Il est évident que certaines
craquent, mais que d'autres sont capables d'obtenir des résultats fort
honorables. J'ai parlé à Géraldine. Elle m'a dit le plus grand bien de toi,
et c'est bizarre mais je l'ai cru.
119
Belinda
Tu veux dire quoi ? Elle t'a fait de la pub à mon sujet. Elle a
prétendu que tu pouvais couper le fil qui me retenait à la patte. Et que
douce colombe, je reviendrai dans la volière.
Mickey
Oui, c'est à peu près cela. Elle semblait dire la vérité. Non, j'ai
cru que ce qu'elle disait était vrai.
Belinda
Tu accepterais donc de me laisser huit, dix ou douze heures
seule, sans me surveiller le moindre instant. Tu me permettrais d'aller
dans la ville et de m'en retourner au petit matin ?
120
Mickey
L'expérience serait peut-être à tenter. D'autant si tu me
ramenais plus de fric.
Belinda
Mais, il n'existe pas de macs qui aient osé laisser leurs putes
aller où bon leur semble. Ils ont trop peur qu'elles se fassent la malle,
qu'elles se tirent à tout jamais.
Mickey
Dans la vie, il faut innover. Il faut prendre des risques. Mais
je sais qu'il y a une fille sérieuse en toi ; que jamais tu ne t'amuserais à
me faire la belle. D'ailleurs tu aurais trop conscience du mal que tu
subirais.
121
Belinda
Enfin un mac intelligent. Un type qui peut comprendre qu'une
pute n'a jamais été conçue pour travailler sur dix mètres carrés de
trottoir. Enfin un mac qui a compris que l'on pouvait rapporter plus en
ayant davantage de liberté. Quand me permettras-tu de commencer ?
Mickey
Halte-là ! Calme-toi, ma petite. De la liberté, de la liberté,
certes mais contrôlée. Si je te signe un contrat, tu devras t'en retourner
toutes les nuits au bercail ou me passer un coup de fil pur me signaler
où tu es. Ainsi je pourrais te surveiller à distance.
Belinda
Il est exact que dans cette grande ville, c'est pas facile de
signaler où l'on est. Alors un coup de phone, et tu seras mis au courant.
122
Mickey
Calme-toi, et arrête de speeder à mort. On dirait une gamine
qui va à son premier bal. Mais pour cela, il faut qu'elle soit habillée. Tu
as vu tes vêtements : ils sont miséreux. Ce n'est pas avec cela que tu
pourras séduire un mec de la haute. Non, deux ou trois habits sexy, te
seront indispensables. On ira ensemble les acheter. C'est moi qui
débourserais. Je vois des jupes fendues gris perle, ou noires - enfin du
prestige, quoi ! Puis la coiffure, - une belle chevelure épaisse avec des
frisettes - il paraît qu'ils adorent cela. J'investis, mais je dois
rentabiliser. Je dois aussi te filer quelques billets pour pas que tu es
l'air d'une conne devant une bouteille de champagne. Enfin tout ceci
est à penser, mais est à penser très vite. Mais n'est pas de la connerie
que de prendre un tel risque. Je ne sais pas. Tu dois faire 5 000 F par
nuit. Au bout de ce temps je récupère mon capital.
Mickey se questionne et boit rapidement le scotch. Après
l'euphorie, s'en revient la raison. Il sait qu'il prend un risque.
123
Belinda
Je ne connais pas un système qui permette de récupérer son
capital en trois jours. Cela semble exceptionnel. D'autant que les
risques sont réduits. Tu pourras toujours reprendre les sommes
investies.
Mickey
J'aime la chance. Et toi foutue comme tu l'es, tu sembles une
bonne pouliche. C'est vrai qu'un bon pur-sang, ou plutôt un vieux ridé,
un beau gris accepterait ton cul génial. Ouais, je mise sur toi.
Belinda retrouve un comportement enfantin. Elle saute sur
place pareille à une gamine.
Belinda
C'est vrai que nous irons tous deux acheter les habits
nécessaires ? Je crois que des dessous excitants ne seraient pas de
mise. Il vaut mieux jouer dans le sombre. Tu vois un parfum subtil, et
non pas une eau de toilette vulgaire. Peut-être les mains aussi, un
124
ouge tendre. Et les pieds avec d'adorables orteils peints. Oui, c'est ça
le look. D'ailleurs, il faut être à l'inverse de ce que l'on est. Surtout ne
pas passer pour une pute, mais pour une fille de bonne compagnie.
Une sorte de richarde qui a tout essayé, qui s'emmerde et cherche son
prince charmant.
Mickey
Prince charmant ! Il te faut de la culture. Le "cul" soit, mais le
"ture" à revoir. Pour l'instant tu fonctionnes à 50 %. Des efforts sont
indispensables, ma belle. Je te conseillerais de relire ou lire tes
classiques.
Belinda
intelligemment.
Je ne vois pas le problème. J'ai mon bac. Alors je peux causer
125
Mickey
Oui, mais plus de dix ans se sont écoulés, et le savoir, ça
s'oublie. Un autre le remplace : celui de la vie de pute : il y a une
différence entre une grosse bite et une équation du second degré.
Belinda
C'est comme le vélo : ça ne s'oublie pas. Ne t'inquiète pas. Je
serai y faire. J'ai des cartouches pour ce qui est de causer. D'ailleurs
même un type de la haute ne se soucie pas de savoir si tu as compris
Einstein ! Il te demande seulement de lui faire oublier ses problèmes
du moment. Là, il y a nuance. Seul un pédé, demande à une femme
d'être intelligente. Non, il faut avoir une certaine classe, un certain
maintien et ça va. Ce qu'il faut, c'est trouver la raison pour laquelle je
suis libre. En fait, je peux tout simplement être riche, seule, belle et en
manque d'amour.
126
Mickey
Et d'argent. Donc tu n'es pas tout à fait riche. Souviens-t'en !
C'est pour cette raison que je te donne la liberté. Remonte dans la
chambre, ma chérie. J'ai besoin de réfléchir. Ça circule dans ma
cervelle. Fais-moi passer un Bourbon au bar.
Mickey prend sa tête entre les mains. Il souffle fortement. Il
tique. Il tapote, cogite. Il s'énerve en quelque sorte.
Le Gros Michel
Tiens, regarde. Je t'apporte ton Bourbon. Ça ne te dérange pas
que je cause quelques instants avec toi.
Il s'assoie sans demander l'autorisation. Mickey boit
rapidement sans se soucier de sa présence.
127
Le Gros Michel
Alors, si j'ai bien compris, tu es pour la libération de la pute.
Je reconnais que tu as pris de l'avance sur le temps et sur la société.
Mais si tu joues les précurseurs, crois-tu que d'autres te suivront ?
Penses-tu qu'ils accepteront de voir leurs filles aller de bars en bars et
d'hôtel en plages ? Et de rester comme des cons en attendant que la
pute apporte le fric ? On dirait que tu veux détruire la profession.
Mickey
Je t'interdis de toucher à Belinda.
Le Gros Michel
Réfléchis. Si toutes demandent la libération, c'est la
débandade. Et le bordel, il se fait à l'extérieur. Comment les contrôler ?
128
Mickey
Il suffit d'avoir confiance.
Le Gros Michel
Tu joues les naïfs. Ta colombe va s'envoler. Tu sais pourquoi
? Car il te sera impossible de surveiller toutes tes filles. Si l'une trouve
l'issue de secours, les autres s'y engouffreront. Tu me diras :
impossible, elles savent ce qu'elles subiront. Erreur ! Erreur encore !
Car elles prétendront passer à travers le filet.
Mickey
Tu vois, tu joues les mecs épais, ça tu leur fous des coups à tes
filles. Mais tu as un petit pois à la place de la cervelle. Évidemment le
raisonnement économique, tu connais pas. Une greluche a combien
d'années d'écartement ? Quinze ans, au plus ? Donc il faut qu'elle
rentabilise son capital-cul. On prend mais on lui en laisse. A trente-huit,
quarante ans, elle est morte. Et oui, jeunesse se passe. Ce qu'elle désire,
c'est faire un million de francs lourds à cet âge. Et moi, je l'assume. Mais, il
129
lui faut la liberté. Ce n'est pas en faisant des sucettes à cinquante balles
qu'elle y parviendra. Et ce n'est pas un capital-risque ! Puis avec ses cent
briques, elle se retire. Entre-temps, je trouve d'autres pouliches. La suite
est assurée. Pas con, non ? Comprends : si je la laisse libre, elle rapporte
plus. Elle se retire plus vite. Mais entre-temps, je prends davantage.
Mickey, après un léger blanc
J'avoue que j'active un peu. C'est parce que les idées se mêlent
dans la citrouille. Bon, je recommence. Dès le début. Il y a deux façons
de considérer la pute : l'ancienne et la moderne. Moi, je suis un mac de
mon temps. Le passé, tu le connais. Je lâche doucement la corde. Je lui
demande de prouver à l'extérieur. Les sommes qu'elle me rapporte sont
de plus importantes. Donc je continue, et je lui permets de travailler
sans que je sois toujours derrière son cul. Elle représente du luxe,
comme elle est belle. Donc je la vends à de la clientèle huppée.
Belinda en tire davantage de liberté, travaille mieux. Moi je lui donne
plus. Elle me rapporte plus. C'est simple, non ?
130
Le Gros Michel
Ouais. A peu près. Mais si ton système fonctionne, c'est vers
le syndicalisme qu'on va. Et demain, elles défileront dans la rue en
demandant des augmentations de salaire.
Mickey
Il ne faut pas confondre la vulgaire avec l'initiée. La grosse
vache avec la sélection de pute. Mon système n'est valable qu'avec la
superbe. Il y a des filles à arabes, et des filles pour des cheiks arabes. Y
a une nuance. Les uns sont à cinquante balles, les autres sont à dix
mille, vingt mille francs la nuit. En vérité, je devrais créer une école de
putes pour leur enseigner la prestance, le maintien et le bon goût. Je
devrais leur apprendre à chasser leur vulgarité, à en faire des honnêtes
femmes. Et qui te dit qu'après cela elles ne pourraient pas se ranger ?
Devenir des épouses modèles ? Et faire des mômes comme la
fonctionnaire d'en face ? Mais en plus, elles auraient un compte
bancaire bien gonflé, et une Mercedes devant la porte. Personne ne
pourrait savoir quelle profession auparavant elles exerçaient. Tu vois,
je n'essaie pas de les humilier. J'en tire du pognon. Mais je leur
permets d'être des femmes comme les autres, évidemment après le petit
131
esclavage. Mais c'est gagner plus. C'est vivre dans un autre milieu.
C'est côtoyer des gens d'une autre importance.
Le Gros Michel
Je suis stupéfié. J'écoute et je bave tes paroles. On dirait que
tout cela pourrait se passer !...
Mickey
Mais cela se passera !...
Le Gros Michel
A t'entendre, ça paraît si simple.
132
Mickey
C'est ton recrutement qui est mauvais. Tu t'es toujours
satisfait de filles faciles. C'est pourquoi tu ne pouvais penser à mon
idée. Et si elle était géniale ?
Le Gros Michel
Tu t'emportes trop vite. Tu cours d'idées en idées. Tout est sur
le papier, mais l'application. Rien.
Mickey
Je tente l'expérience avec Belinda. Si j'échoue avec elle, là
d'accord. Mais tu sais comme moi, qu'il y a des types qui ont pensé
différemment de nous. Des femmes en outre. Et elles ne sont pas dans
ces taudis de merde. Elles mettent en relation leurs protégées avec
ceux qui ont du pognon. Moyennant vingt pour cent. Elles s'en tirent
fort bien. Elles ne se salissent pas l'ongle d'un pouce. Je te le dis. Je te
le répète. Il faut faire évoluer le métier.
133
Le Gros Michel
Soit. Mais qu'est-ce que je fais de mes anciennes ? Je les
change contre des neuves. Je dois recruter. Et entre-temps, le fric ne
tombe pas. Non, c'est transformation, que dis-je, cette métamorphose
ne me va pas.
Mickey
C'est drôle. J'ai toujours eu de la haine pour toi, et voilà que je
te donne un système pour te permettre de gagner du pognon. Je sais
très bien que si mon système échoue, tu serais le premier à en rire. Que
dis-je à en jouir ! Et me voyant courir après ma pute, tu te dépêcherais
de me piquer les miennes.
Le Gros Michel
Cela serait impossible, comme nos méthodes sont différentes.
Toi tu travailles dans la douceur. Moi, je préfère m'imposer avec la
force. Tu m'as suffisamment reproché d'agir dans la violence. Mais
mon principe m'a permis de gagner plus que toi.
134
Mickey
Moi, je détiens la qualité. Elle s'appelle Belinda. Toi, tu
possèdes l'alcoolique et c'est Micheline. Tu les rends débiles, tes filles.
Moi, aucune n'a eu à se plaindre de mes traitements.
Le Gros Michel
J'étais venu ici pour causer. Mais je m'aperçois que tu veux
me chauffer. Je préfère ne pas chercher l'histoire. Laisse-toi t'imbiber
de tes Bourbons. C'est plus raisonnable.
Mickey
Je crois qu'il est préférable que tu te casses. Laisse-moi
plonger dans mon ivresse. Le reflet du miroir est plus beau que ta sale
gueule.
135
Le Gros Michel
Tu veux m'énerver. Je peux t'écraser. La raison s'impose en
moi? Je préfère m'éloigner. Tiens, regarde. Un client. Je suppose qu'il
va tirer Belinda. En vérité, reconnais-le, tu tolères toujours les bonnes
vieilles méthodes : la pute au premier, et toi ici pour la surveiller.
Comme tu as raison. Comme on dit : le passé a du bon. Je te laisse : j'ai
mes pouliches à soigner. Je dois vérifier si elles travaillent
sérieusement.
136
V
Le mouvement suivant se déroule dans la chambre de
Belinda. Le client est assis sur le lit.
Le Client
Tu es certaine de ne pas te tromper. C'est tellement risqué ton
truc. J'ai l'impression que tu es en train de faire une sacrée connerie.
Belinda
Il m'est impossible de supporter cet esclavage. Je veux être
libre. Enfin être une femme pareille aux autres.
Le Client
D'accord. Cela, c'est facile à comprendre. Mais tu n'as aucune
méthode, aucun plan. S'il te récupère, s'il te rattrape, c'est la mort, la
mort assurée dans les souffrances les plus abominables.
137
Belinda
Cela vaut le coup de tenter. D'ailleurs je ne vis pas ! Que
m'importe la vie ! Elle n'est que tortures, que punitions et dépendances.
Suppose qu'il me repère : que m'arrive-t-il ? Sept ou huit heures de
violence. Puis la mort. Mais je ne sentirais rien. Je saurais me bourrer
la tête d'anesthésiants afin de diminuer l'intensité de leur cruauté.
Observe que ma vie n'a pas de sens !
Le Client
Des putes, il y en a toujours eu. Il y en aura toujours. Les
filles qui t'entourent acceptent avec résignation leur destinée. Elles ont
l'espoir de quitter leurs lieux exécrables, et de redevenir des femmes
pareilles aux autres.
Belinda
Mais, moi j'ai une notion différente. Je ne peux pas leur
ressembler. Cela fait déjà cinq ans que j'exerce cette profession. Que je
138
eçois tout ce qu'on me propose entre les jambes. Non. Ce n'est plus
tolérable. Il me faut fuir à jamais. Ou alors j'accepte ma fin.
Le Client
Comment oser prendre un tel risque ? Jamais une pute n'est
parvenue à se faire la belle. Où qu'elle aille, quoiqu'elle fasse, elle est
traquée, puis démasquée. Et là, ça ne pardonne pas.
Belinda
C'est vrai, mais j'ai un petit avantage. Mickey croit en moi. Il
ne peut supposer que je me taille. D'ailleurs, il souhaite me donner plus
de liberté, ça c'est d'un. De plus, jamais le Gros Michel ne le
soutiendrait : ils sont deux macs qui se font la guerre. Imagine quelle
jouissance il tirerait à savoir que je me suis cassée ! Ce serait pour lui
une énorme victoire, et jamais il n'aiderait Mickey pour me retrouver.
139
Le Client
Oui, mais dans un autre sens, il pourrait penser différemment.
Et le soutenir, pourquoi ? Tout simplement de crainte que ces filles à
lui n'agissent de même, que ça fasse boule-de-neige, en quelque sorte.
Belinda
C'est un risque énorme. Mais je suis prête à l'assumer.
D'ailleurs une fois le doigt dans le rouage, je ne pourrais arrêter le
mécanisme. C'est ça ou se faire empaler, alors ! Dans les deux cas, je
subis la torture. Si même Mickey parvenait à le savoir, la punition
serait celle-là.
Le Client
Explique-moi comment tu comptes t'en sortir ?
140
Belinda
Il est fort aisé de comprendre que seule je ne saurais m'en
sortir. J'ai besoin d'une autre personne. Et cette personne, c'est toi.
Attends, ne panique pas. Si l'on se débrouille très bien, cela se passera
facilement.
Le Client
Tu comptes m'utiliser pour fuir en Suisse ou dans un autre
pays ami. La Belgique, par exemple ? Tu imagines que j'accepterais
ton système avec un P.43 dans la nuque ou dans les fesses. Mais
réfléchis trente secondes, Margot ! Je refuse de mourir pour une fille
que je n'aime pas.
Belinda
Si ! Tu m'aimes. Et tu me le prouveras demain. La question
n'est pas là. As-tu suffisamment de courage pour oser ce que personne
encore n'a eu le cran de tenter ? Te rends-tu compte : délivrer une pute
! Cela est de l'exceptionnel. Du rarissime.
141
Le Client
Qui te dit que j'ai quelconque projet avec toi ? Me sentir
poursuivi jour et nuit. Me savoir toujours un pistolet braqué sur la
nuque ? Crois-tu que c'est envisageable ? Que c'est une vie ? Tout ça
pour sortir une pute. Je n'en ai pas les moyens. Quand bien même je les
posséderais, je ne m'aventurerais pas dans une telle entreprise. Mieux
vaudrait encore me satisfaire d'une gentille petite sur le coin. Non,
mais tu rêves ! Une bande de macs à mes trousses, parce que je leur ai
piqué une frangine !
Belinda
D'ailleurs, quoi que tu dises, tu as envie de vivre le danger. Tu
as besoin de te surpasser. Ho ! Ce n'est pas braquer une banque ! Ce
n'est pas cracher à la gueule de ton patron, mais quelque chose de plus
fou, de plus dingue et de plus excitant. Pourquoi tu ne dis pas tout à
Mickey. Il te croirait. Je te dis que tu m'aimes.
Le Client
Si je ne descends pas immédiatement, c'est pour qu'il se méfie
de rien. Je ne désire pas qu'il s'étonne que le coup soit si rapide. Mais,
142
moi t'aimer ? Tu pues le sperme gluant. Tant de types t'ont foutue ! Tu
n'es pas un passage mais un Arc de Triomphe. Mais le Triomphe en
moins. Si je te roulais un patin, j'aurais l'impression d'avoir les
microbes de toutes ces bites que tu as sucées. Reconnais que c'est
écœurant. Alors t'aimer ! T'aimer ! Tu rêves !
Belinda
Je me lave et je me brosse les dents. Une femme qui a chié, tu
lui bouffes le cul ? Et l'autre qui a vomi, tu l'embrasses toutefois !
Alors, mes microbes. Ce sont plutôt tes paroles qui puent. La merde
n'est pas au cul, mais dans la teneur de tes propos.
Le Client
Tu peux toujours causer, et causer : m'entraîner dans une telle
aventure ! Me soumettre à la mort. Non. Rien de bon. Après tout, tu
dois te débrouiller seule. D'ailleurs cela correspondrait à une cavale. Et
à deux, on serait plus repérables. Si j'ai un conseil, c'est d'agir unique.
Et surtout de travailler par l'absurde. Va à l'inverse de ce que tu penses
bon de faire. Déboussole-toi pour le désorienter. Il connaît tes désirs,
143
tes rêves. Et bien, joue le contraire. Il faut chasser la raison et le bon
sens. Tu détestes l'Algérie, et bien va en Algérie. C'est bien le dernier
pays au monde où il te cherchera. Calfeutre-toi dans une usine. Et
travaille à la pièce. Tu seras dans ta propre opposition. Une pute au
SMIC, ça c'est génial ! Parce que le type, il te recherchera dans les
endroits chics, les aéroports, les quatre étoiles, les gares ou les bars de
luxe.
Belinda
Je te croyais plus courageux. Tu es une sorte de miteux, un
incapable à tenter l'aventure. C'est peut-être la seule de ta vie et tu
pourrais prendre une décision. Et pas n'importe laquelle ! Celle qui
permettra ma délivrance !
Le Client
Attention, ma beauté ! Tu n'es pas Cendrillon et moi, je n'ai
pas la gueule du Prince Charmant. Alors tes rêveries, tu sais où tu te
les places ! Oui. Et plus fort encore. N'hésite pas à t'empaler. Du
moins, tu te réveilleras.
144
Belinda
Bon, alors ! Qu'est-ce que je fais : je te laisse tomber comme
deux vieilles prunes ? Comme deux couilles molles et ramollies ?
Le Client
Si tu essaies de m'énerver, de m'exciter, pour que j'obéisse à
tes ordres, ça c'est la belle erreur ! Tu ne me chaufferas pas. Dis-moi
plutôt combien je te dois pour avoir écouté tes balivernes.
Belinda
C'est gratuit.
Le Client
Heureusement.
145
Belinda
Attends encore trente secondes. De toute façon, je ne
supposais pas qu'un type ait suffisamment de cran pour m'aider. Je
cause pas comme ça pour t'attaquer. Non. C'est une simple observation
: les mecs ont le courage pour torture les filles. Mais ils n'en ont pas
pour délivrer une pute. C'est plus facile de mettre des menottes, que de
détacher des liens. Bon. Je m'en tirerai toute seule. Jure-moi une seule
chose. Cette conversation doit être gardée secrète. Tu imagines
autrement les conséquences.
Le Client
Moi, je descends maintenant. Ton Mickey se douterait que ça
sent pas bon si je restais plus longtemps. Ne t'inquiète pas, j'aurais l'air
dégagé et satisfait.
Belinda semble mystifiée. Elle est comme avachie sur son lit
comprenant enfin que personne n'acceptera de l'aider, qu'elle sera
seule pour tenter d'échapper à son impossible destin. Elle se lève
tristement, se dirige vers la glace, et commence un monologue.
146
Belinda
Ma pauvre fille, observe-toi : les rides t'accusent, les joues se
creusent. Oui, ta jeunesse est fanée. Déjà trente ans, et tu en parais
quarante. Aucun espoir ! Aucune possibilité pour te sortir de ce ghetto.
Même celui en qui tu avais confiance, t'a comme planquée,
abandonnée. Tu me diras qu'on n'abandonne pas une pute. On ne la
soutient pas. Elle est telle qu'elle est : c'est-à-dire misérable jusqu'à son
extrême. Donc tous tes projets sont à jeter, ou à brûler comme des
lettres d'amour d'un temps passé.
Après un léger blanc.
Tiens, c'est drôle. Te voilà romantique. Il faudra pourtant te
mettre dans la cervelle qu'une pute n'a pas de sentiments, ni cœur ni
pensées. Qu'elle n'est qu'une machine érotique qui obéit, qui agit et fait
jouir. Mais qui ne ressent rien.
147
Elle se lève.
Mais cela ne voudrait rien dire. J'existe pourtant. Je suis
capable de donner de l'amour - du vrai - et de l'affection. Ainsi je serais
capable d'épouser, de redevenir pareille aux autres, c'est-à-dire une
femme qui aime et qui peut avoir des enfants. C'est étrange ce qui
traverse mon esprit, ce qui paraît le simple et est accessible à des
millions de femmes, m'est interdit. Et dire que je rêve de la petite
pucelle qui avait treize ans. Tout pure et pleine de retenue. Je me
plonge dans ma jeunesse, dans mon enfance ou dans cette adolescence
! Oui, quinze ans. Un sein caressé, une première fesse montrée dans la
pudeur. C'était le temps merveilleux de la retenue. Et ces tendres
baisers !
Elle fredonne Trenet.
Et les baisers d'Hélène
Par un beau soir d'été
Non, j'en suis pas sûre
148
Et le sourire d'Hélène
Par un beau soir d'été.
Drôle de folle complainte. D'ailleurs, je ne m'appelle pas
Hélène. Enfin, le rêve n'est pas interdit ! Je crois qu'il m'est nécessaire
de laisser vagabonder mon âme. Oui, ne suis-je pas une femme ?
La douceur de nos corps
A fui avant la mort
Je respire le désir
De ton cœur qui soupire.
C'est bête ces phrases qui me passent par la cervelle. Elles ne
veulent rien dire. Elles n'ont aucun sens. D'ailleurs elles m'inquiètent.
J'ai l'impression de m'en retourner vers Micheline qui sans espoir
pleure elle aussi sa douleur; Allons, Belinda ! Réveille-toi ! Ce n'est
pas parce qu'un connard a décidé de t'abandonner que tu dois remettre
en cause ton projet. Si tu voulais te réveiller un peu. Te donner un
semblant d'impulsion.
Elle se tape les joues. Respire profondément. Se secoue la
tête, et s'en retourne à son état premier.
149
Bon, réfléchis à présent. C'est passé ? Tu es nette ? Fini ton
romantisme absurde ? Tu tends vers la réalité ? Triste réalité ! Oui,
mais c'est ainsi ! Alors, récupéré ? Donc, il faut fuir. Comment ? Je
l'ignore. Mais il faut en finir avec cet état absurde. Récapitulons : le
client t'a laissé tomber. Ça, il fallait s'y attendre. C'est la trouille.
Mickey te donne son entière confiance. C'est un bon point. A exploiter
!...Mais comment m'en sortir, seule ? Dans un sens, c'est mieux peutêtre.
Tu n'auras pas à traîner derrière toi un paquet encombrant. Tu
seras toute légère ! Mais je dois trouver l'issue sans attirer l'attention de
Mickey. La splendide, la merveilleuse sortie. Autre atout. J'ai quelque
argent de côté - 125 000 F - C'est peu. Ça peut me servir. Et pour une
cavale en fait c'est beaucoup. Aller où ? Quelle direction ? Le but
consiste à échapper à cette prostitution. Et la conséquence, c'est de
faire peau neuve - enfin une autre vie. Il faut que j'engrange les paroles
du client. Aller à l'inverse de ma logique. Donc je dois raisonner
connement. Ça me sera facile.
bandé.
Elle rit. On frappe à la porte. Arrive Mickey complètement
150
Belinda
Mais qu'est-ce que tu as eu besoin de te saouler ? Tu as
complètement épongé le bar. Mais pourquoi es-tu dans cet état ?
Elle l'aide à s'asseoir sur le lit. Se dirige vers le lavabo, et
mouille une serviette. Elle tente de le décuver.
Belinda
Hein ! Mickey ! Tu ne vas pas me faire le coup du sommeil.
Bon Dieu, tu es beurré de Bourbons. Une allumette et ta gorge
s'enflamme. Je parie que c'est encore le Gros Michel qui t'a raconté ses
mensonges. Et toi, allant sur allant, tu as ingurgité toutes ces bêtises. Il
t'a même sorti ses conneries me concernant.
Mickey se fait humecter le visage. Râle quelque peu. Mais n'a
pas la force de répondre.
151
Belinda
C'est une bonne douche froide et glacée qu'il te faudrait. S'il
n'en était que de moi, ça ferait longtemps que tu serais à poil et au jet.
Mais, évidemment si je m'y essayais tu me le reprocherais le lendemain
matin. Tu prétendrais même que ce n'était qu'une légère ivresse. Que
cela méritait pas de te mouiller. Et c'est moi encore qui en recevrais.
Bon ! Tu m'entends, du moins.
Mickey est allongé sur le lit, et commence à ronfler.
Ha ! Non ! Ca ce n'est pas possible ? Viens ici.
Elle le tire du lit. Le soulève jusqu'au lavabo et l'asperge
convenablement. Deux, trois minutes dure cet exercice.
Belinda
Enfin, tu ouvres un œil. Et le deuxième, là-bas ? Bon, ça
semble tenir debout. N'es-tu pas fou de boire autant ? Mais pourquoi
152
as-tu ingurgité tous ces alcools ? Tu pues le Bourbon à dix mètres.
Qu'est-ce que tu vas faire complètement avachi là, sur mon lit, comme
une lavasse ? Oublier ton ivresse ? Il te faudra des heures. Et la nuit va
tourner. Et moi, je ne pourrais recevoir personne. Et après, tu
m'accuseras de n'avoir pas travaillé ! Hein ! Tu m'entends ou quoi ?
Elle tente de l'aider à se lever. Il s'étale aussitôt.
La solution la meilleure consisterait à descendre dans la rue, à
bosser à mon compte. Oui, il est préférable que je revienne demain
matin, du moins, tu ne seras plus dans les roses.
Mickey est complètement hagard. Il ne sait plus même où il
est. On se demande comment il a pu gravir les marches de l'escalier
qui menaient à la chambre.
153
Écoute Mickey, réveille-toi. J'ai beau te secouer de toutes mes
forces, tu ne réponds que par des râles. Si je te laisse dormir, demain
matin tu auras des barres qui te traverseront la tête. Il faut que tu
résistes ? Putain ! Essaie de dire quelques mots. Tu n'en es pas même
aux bribes. Il te faudra huit jours pour te refaire !...
Elle se dirige rapidement vers la table de chevet, et en tire un
petit flacon de parfum.
Tu sentiras la poule. Mais qu'importe. Ça te changera du coq.
Tiens ! Renifle ! Je sais c'est dégueulasse. Mais voilà ce que je peux
m'acheter. Alors ne renâcle pas. C'est pas vrai. Il n'y a rien à en tirer de
toi. Écoute : tu vas roupiller. Pendant ce temps je vais dans la rue.
Elle l'allonge sur le lit. Lui retire ses chaussures. Tapote
doucement l'oreiller sur lequel elle incline sa tête. Elle éteint la lampe
de chevet. Belinda lui déboutonne sa chemise, fait glisser son
pantalon.
154
Tu m'excuseras, mais j'ai autre chose à faire.
On l'observe dans la salle de bain. Elle troque sa robe contre
une jupe fendue et sexy. Elle se maquille, et donne un coup de peigne
dans la chevelure. Ses cheveux épais et blonds roulent sur ses épaules.
Elle l'embrasse sur la joue.
Au revoir, chéri. Mais le boulot m'attend.
155
VI
Le mouvement se déroule dans la rue. Le client contre une
voiture de luxe attend Belinda.
Belinda
Qu'est-ce que tu fous là encore ? Je t'avais pourtant dit que je
ne voulais plus te voir. Toi-même pareil à un couard, tu t'en étais parti.
Et voilà, maintenant que Monsieur me nargue ! D'ailleurs, qu'est-ce
que tu fais contre cette bagnole ? Elle ne t'appartient pas ! Tu l'as
empruntée. Je te sais incapable de la voler.
Le Client
Je ne te nargue pas. Et cette voiture est la mienne.
156
Belinda
qu'il le soit.
Alors, si je comprends, Monsieur joue dans le riche. A moins
Le Client
Tu sais que je te trouve, super belle.
Belinda
Évidemment, on peut toujours cracher : une jupe fendue, des
talons hauts, une chevelure, un maquillage. Ça s'appelle avoir de la
gueule. Mais le matin, au petit-déjeuner, à poil, comme les autres. On
n'est pas grand-chose. Les paupières sont lourdes. Et on ne provoque
en rien le désir. Ça c'est pour l'artifice. La réalité est trompeuse. Alors
ma beauté ! Ma beauté, tu sais où tu te la mets ?
157
Le Client
C'est exact, Belinda. J'ai fait preuve de médiocrité et de
couardise. J'ignore si cela s'appelle le courage des timides qui hésitent,
se retournent et doutent. Mais j'avoue avoir envie de tenter cette
fabuleuse aventure. Je ne sais ce qu'il adviendra de moi. Comme de toi,
aussi. Mais cet excès m'excite.
Belinda
Attention, il s'agit d'une chose sérieuse. Si cela réussit, c'est la
prostitution qui est remodelée. Que dis-je, remise en cause ! Imagine la
pute libre d'agir, et d'accomplir ce que bon lui paraît.
Le Client
Ce n'est pas ainsi que j'ai travaillé le problème. Les autres
prostituées, je ne les connais pas. Toi, seule représente quelque chose à
mes yeux.
158
Belinda
Supposons que tu ne bluffes pas. Comment pourrais-tu
accepter qu'une fille qui a entrebâillé ses cuisses pour des centaines de
mecs, puisse être crédible avec ta morale ? Tu m'as juré le contraire il y
a une heure. Tu changes plus vite tes pensées qu'il ne m'en faut pour
baisser ma culotte. Tout cela n'est pas sérieux. Une pute se méfie. Cela
ne m'étonnerait pas que derrière, il y ait Mickey.
Le Client
rencontrer.
Mickey, je ne le connais pas. Et je ne souhaite en rien le
Belinda
Si tu veux parler franchement, tu le peux. Mickey s'est goinfré
la gueule d'alcool. Alors, vas-y pour la cause. Il dort. Crois-le : il n'est
pas prêt de descendre les escaliers.
159
Le Client
Tu sais pourquoi il s'est enivré ?
Belinda
Cela lui arrive parfois. Un verre. Puis deux. Ça gueule, ça
discute, ça redemande une tournée. La cause en est peut-être le Gros
Michel qui ne cesse de le gonfler. Alors, comme il le craint, il fait
comme ça, mais en vérité il tremble. Alors il se jette dans l'alcool : il se
sent plus fort.
Le Client
Tu le crois apte à nous chercher, si je tentais de te faire évader ?
Belinda
C'est certain que la fureur, que dis-je, que la folie monterait en
lui. Il jurerait de me tuer. Et de me soumettre aux tortures terribles qui
160
vont jusqu'à la mort. Quant à toi, ta souffrance serait plus ignoble
encore, comme tu serais celui qui a décidé ma fuite.
Le Client
Si je comprends, je joue avec ma mort. Je me projette dans un
milieu qui n'est pas le mien. Et dans le meilleur des cas, c'est la
violence qui m'attend.
Belinda
Tu es naïf ou quoi ? Tu te mêles de choses qui te sont
interdites, qui te sont étrangères. Mais je ne t'impose pas de me suivre.
Je suis capable de m'en sortir toute seule. D'ailleurs, tu le disais : deux
personnes sont plus repérables.
Le Client
A moins qu'elles forment un couple soudé. Suppose que tu
m'épouses devant la loi. Ta prostitution disparaît. Remarque que je
serais un sacré connard pour épouser une pute.
161
Belinda
Certes, mon corps a servi. Mais mon âme, hein ! Cet esprit, tu
ignores ce qu'il renferme. Peut-être que derrière cette carapace de fille
vulgaire se cache une femme faite d'amour, et du vrai. Après tout, je ne
suis pas qu'une machine sexuelle. J'ai des sentiments, moi aussi. Et qui
te dit que je ne pourrais pas rendre un homme heureux ?
Le Client
C'était une illusion. Ce sont mes paroles qui m'ont emporté.
Jamais, je n'aurais le souci de t'épouser.
Belinda
femme aussi.
Certainement, mais une pute n'est pas qu'une pute, c'est une
Le Client
m'intéresse.
Pas pour moi, en tout cas. Non, c'est la notion d'aventure qui
162
Belinda
Pauvre con ! L'aventure ! Petit fonctionnaire miteux. C'est
grave cette situation. Si tu veux de l'exotisme, va t'inscrire au Club
Méditerranée. Tu te sauteras une collègue de bureau en chaleur depuis
onze mois. Et sans risque, sans pétard braqué sur ta nuque. Mais tu es
un gosse ou quoi ? On dirait que tu rêves. Que tu n'as aucune
conscience du monde de la prostitution. Tu crois qu'on le règle avec
des serpentins. On n'est pas au théâtre ici. Tu vis dans la réalité atroce,
abominable et de tous les jours. Non, tu ne le connais pas. Tu n'as que
des yeux de voyeur. Et encore, par le petit bout de la lorgnette. Mais
c'est une loupe, non un microscope qu'il te faudrait acheter.
Le Client
C'est certain. Je ne vis pas pour me faire enculer toutes les
heures. Mais j'essaie de te comprendre. Je ne joue pas les prêtres
confesseurs qui sans connaître rien de la vie, prétendent vouloir donner
des conseils.
163
Belinda
Heureusement, pas de curé dans les parages ! D'ailleurs, ils ne
sont bons qu'à confesser des innocentes. Mais, les vrais problèmes, ils
se cachent les yeux, comme ceux qui nous gouvernent ou comme la
Police.
Le Client
N'agresse pas tout le monde. Moi, les Curés, la Police, le
Gouvernement. Et Mickey, et le Gros Michel. Il te manque Dieu.
Evidemment tu n'y crois pas.
Belinda
Si tu étais dans ma condition, tu entends, tu n'espérerais que la
mort après cette vie injuste. Tu ne pourrais jamais prétendre qu'un
bonhomme qui est assis sur un nuage a décidé de ma condition, de
cette condition car je ne la mérite pas. Mais crois-tu réellement qu'une
enfant, qu'une ado, qu'une jeune femme soient faites pour se
transformer en putain ?
164
Le Client
Ce sont les méandres du Destin qui imposent un sort ingrat.
Belinda
Où encore as-tu été cherché cette phrase ? Dans des livres, je
suppose ? Non, ma vie c'est de la merde, et j'en ai jusque-là. Mon âme
est puante, mon corps est meurtri, détruit par l'injustice de l'homme -
ou des hommes. Alors, Bon Dieu, du moins que mon cul soit propre :
Ca sauvera les apparences.
Le Client
Mais il y a des cicatrices dans ton coeur et dans ta cervelle
comme il y a des marques de cigarettes sur ton sein droit !
165
Belinda
Cela serait si peu. Mais la conversation n'avance pas. Alors, tu
veux m'aider, oui ou non ? Ça ne sert à rien de sortir des phrases, il
faut agir et vite.
Le Client
Moi, je suis toujours prêt. Oui, je suis disponible. Mais, il
serait raisonnable que tu t'en retournes vers Mickey. A force de trop
parler, les autres vont se douter que quelque chose se passe, et ça c'est
dangereux.
Belinda
es capable ?
C'est raisonnable. Mais ça tient toujours pour nous deux ? Tu
166
Le Client
Je te dis de remonter au premier. Et va cajoler ton Mac. Tu lui
diras que tu n'as rien fait, que tu es sortie et que tu as repéré les
endroits qui étaient à pognon. Je te parie que cela lui suffira.
167
VII
Belinda n'écoute pas les conseils du Client. Elle entre dans le
bar, s'assoie à une table et commande un alcool. Géraldine et le gros
Michel qui sont de concert, commentent son comportement.
Géraldine
Et bien ! Elle ne monte pas même voir Mickey. Après la
beurrée qu'il est foutu, elle pourrait du moins aller le border.
Le Gros Michel
Ne t'inquiète pas. C'est déjà fait. Il est au dodo comme un
gentil poupon. Ça lui servirait à quoi d'observer un mec qui pu l'alcool
et qui ronfle comme un ours qui hiberne.
168
Géraldine
Tu la vois là-bas dans son coin. On dirait qu'elle cogite un
truc. Tu sais, moi je connais les putes. Mais là, il y a quelque chose de
louche. Je renifle. Ouais, c'est bizarre.
Le Gros Michel
Je crois tout simplement qu'elle n'a pas de fraîche, et que ça
tournique dans sa cervelle. Souviens-toi qu'elle s'était prévalu de faire
du fric en visitant d'autres quartiers ! Et bien par un Pascal dans son
soutien-gorge, ou dans son porte-jarretelles. Alors elle réfléchit, la
greluche.
Géraldine
Non ! Non ! Tu ne connais pas les femmes. Il y a quelque
chose qu'elle mijote sous son crâne.
169
Le Gros Michel
Qu'est-ce que tu compliques ? Toi, Géraldine, tu n'as jamais
cherché la solitude devant un verre ? Et l'autre, Micheline ? Ce n'est
pas un verre, c'est la bouteille. Mais ça fait partie du travail. Il y a des
hauts et des bas comme on dit. Et bien, c'est un bas.
Géraldine
N'empêche que tu te trompes. Je l'ai observée. Belinda n'a pas
quitté ce coin de rue. Non. Elle a causé avec un type, un client, un mec
que j'ai déjà vu deux ou trois fois. C'est pourquoi elle n'a pas recherché
les lieux où elle pourrait s'assumer.
Le Gros Michel
Attends, mon chou. Tu vas trop vite. Derrière tout ça, il y a
peut-être la jalousie comme son cul est mieux que le tien. Ça, tu ne
veux l'admettre. C'est vrai, elle plaît davantage. Elle rapporte plus. Je
ne te dis pas ça pour te vexer.
170
Géraldine
Tu prétendrais que ma langue est mauvaise, que je ne raconte
que des balivernes, histoire d'écraser Belinda. Voilà déjà cinq ans que
je la connais, la fille. Puisque je te dis qu'elle est différente, c'est que
j'ai raison.
Le Gros Michel
Plutôt que de t'occuper du comportement, si tu travaillais un
peu, histoire de pas trop te rouiller. Ton entrecuisse fait grève, ou tu
crois aux congés payés ? C'est de la rouille par-devant, et de la
calamine par-derrière, mon amour.
Géraldine
chose de grave.
Cesse tes conneries. Moi, je te parle sérieux. Il y a quelque
171
Belinda toujours assise à sa table, appelle le garçon. Il lui
apporte un bloc-notes et un crayon.
Géraldine
Tu vois bien. Elle n'écrit jamais.
Le Gros Michel
Elle souhaite peut-être écrire ses mémoires de pute. Elle en
aurait des trucs salingues à raconter - ça c'est une idée de best-sellers.
Géraldine
Tu veux être sérieux une fois ? Non. Ecoute. Mais ne te
moque pas. Elle semble s'être analysée, ou plutôt avoir réfléchi sur son
cas.
172
Le Gros Michel
Ecoute, ma belle, tu ne crois pas que tu compliques un peu.
Une pute n'est qu'une pute. Pourquoi la psychanalyser, pourquoi
essayer d'imaginer un truc qui ne vit que dans ta cervelle ! Tu
compliques trop.
Géraldine
Ça prouve bien que tu n'as rien compris aux femmes. Soit tu
peux les dominer. Mais savoir Ce qui se passe dans leur cervelle - ça,
tu en es incapable. Elles sont plus réfléchies, plus précieuses que tu ne
le penses. Mais observe-la. Elle griffonne. Elle écrit à toute allure. Ça
sort à une vitesse incroyable. On dirait son testament, avant l'heure.
Deux, trois, quatre feuilles. Et vas-y que je noircis. Mais qu'est-ce que
cela veut dire ?
Le Gros Michel
Tu te plais à tout compliquer. Si elle a besoin de cracher des
phrases sur du papier miteux, laisse-la faire. Pourquoi t'intéresses-tu
autant à Belinda ?
173
Géraldine
C'est que son comportement est anormal.
Le Gros Michel
Bon, assez de toutes tes causeries. Mickey est son Mac ? O.K.
Belinda lui appartient ? O.K. Elle a le droit de sortir quelque peu -
d'accord. Elle tente de jouer à la pute de luxe, et alors ? Mais que peuxtu
lui reprocher au juste ? Tiens tu es bien une femelle ! Je parie que
c'est la jalousie qui te fait parler ainsi. Un bon conseil. Occupe-toi de
ton cul, et fais-le travailler plutôt que de rester là comme une connasse
à regarder l'autre. C'est vrai, bon Dieu, tu ne fais pas de fric. Mais
Mademoiselle observe, analyse et critique. Si tu n'es pas foutue de
descendre dans la rue, il y a des mecs au bar. Plutôt que de parler, il
serait préférable que tu ailles en sucer un dans les chiottes. Du moins
tu rapporteras du pognon.
174
Géraldine
Si tu savais du moins chasser ta vulgarité quelque peu. Ne
peux-tu user d'autres termes. Je sais : tu me diras que l'on suce un
poivron ou un PDG sa réaction est la même...
Le Gros Michel
Tu me le sors de la bouche.
Géraldine
Assez de ces stupidités ! Assez de tes jeux de mots grossiers.
Je te demande d'observer le comportement de Belinda.
Le Gros Michel
J'en ai assez de cette rengaine. Elle écrit, et bien quoi ? Elle ne
fait qu'écrire ? Et alors ? Même si je reconnais que cela était bizarre.
Que devrais-je en conclure ! Après tout elle noircit des phrases pour sa
175
vieille tante malade, ou pour son grand-père alité. Un truc de ce genre.
On peut tout imaginer. Mais comme la curiosité te démange, va,
approche, assieds-toi à sa table et avec un oeil discret, tente d'arracher
quelques bribes de phrases pour en tirer le contenu.
Géraldine
D'ailleurs, il est trop tard. Elle replie les feuilles, et sort une
enveloppe de son sac. Elle referme le tout, et souffle de satisfaction.
Le Gros Michel
Avait-elle un gros péché à se faire pardonner ? Toujours
qu'elle semble délivrée. Observe-la déguster avec délectation le fond
de son verre. Va-t-elle en commander un autre. Tiens, qu'est-ce que je
disais. Mo, je comprends les greluches.
176
Belinda se fait servir rapidement. Elle s'enfile en deux
goulées son alcool. Elle se dirige vers le bar, et d'une façon anodine
au Gros Michel :
Belinda
Tiens, tu remettras ça à Mickey. Il est beurré. Moi, je dois
travailler. Mais quand il y descendra
Belinda sort du bar. Elle regarde un dernier instant. Puis
referme la porte. Le Gros Michel et Géraldine semblent médusés. Du
moins, ils reprennent leur attitude, et ne font rien voir paraître.
D'ailleurs Mickey apparaît dans le haut des escaliers. L'ivresse le
contient encore. Il descend difficilement les escaliers raides. Il
s'agrippe à la rampe. Il est suffisamment net pour s'exprimer, discuter
et répondre. Cette soûlerie n'est pas totale. Avec un café, il n'y
paraîtrait rien.
177
Le Gros Michel
Tu arrives mal. Belinda vient de sortir. Elle nous a dit que tu
étais tellement beurré que tu dormais tout tranquille. Et voilà qu'on te
voit debout. Quelle rapidité pour décuver ! Et quelle facilité pour
oublier les maux de tête !
Géraldine
connaissance ?
Tiens, Belinda, nous a remis une lettre. Veux-tu en prendre
Mickey se saisit avec habileté de l'enveloppe. Il parcourt
rapidement les pages et semble comme exténué. On dirait que le sol lui
glisse sous les jambes. Il relit à nouveau. Fait de la fixation sur
certains passages. Retourne les feuilles et reste de marbre. Une sorte
de mécanique de la bouche lui permet d'exprimer quelques phrases.
Les gens au bar cessent de parler. C'est un silence total. Il s'approche
du public, et commence à dire :
178
Mon cher Mickey
Je prétends être une pute révolutionnaire. Que ces termes ne
te fassent pas sourire car je te propose la suite. J'ai décidé de te fuir, de
quitter ces lieux maudits et ces endroits infernaux où je n'étais pas une
femme, mais la dernière des esclaves soumises à ton joug impossible.
Je t'ai aimé, Mickey et tu en as profité. Tu m'as imposée à
sucer, à coucher à me faire enculer. Et en grâces, je ne recevais de ta
part que la torture physique quand les sommes que je te donnais
n'étaient pas suffisantes.
Ces violences et ces humiliations ont duré cinq ans. Je ne
peux davantage supporter cette honte. Sache que je suis une fille bien.
Je n'ai rien à faire dans un bordel. Je ne veux pas conserver cette
identité de pute pour que tu te graisses la patte à mes dépens.
179
J'ai donc décidé de prendre une décision unique. Je te quitte,
Mickey. Je te fuis et j'espère que jamais tu ne me retrouveras. Sache
que ta Belinda n'est pas une fille sotte : elle ira à l'inverse de ce que tu
crois où je suis. Si tu me cherches dans un bordel, je travaillerais à la
pièce dans une usine. Si tu me crois à PARIS, je serais en Suisse ou
dans un patelin de Province. J'irai dans ma logique ou à l'inverse de
mon bon sens.
Ne déchire pas cette lettre, et ne la froisse pas. Il existe tant de
manières pour fuir cette ville que tu pourrais te déguiser en Berger
allemand, tu ne retrouverais pas ma trace.
Ho ! J'imagine toute la haine qui habite ton coeur, si tu en
possèdes un. Et toute ta volonté de me retrouver pour me punir d'une
façon abominable, et me soumettre à la mort ! Mais que m'importe, je
n'existe pas, je n'existerais jamais avec ta présence.
L'univers de la prostitution est un monde carcéral où l'on y
rentre avec l'insouciance de la jeunesse et où l'on n'en sort jamais. J'ai
décidé de prendre ce risque. D'aller au-delà. Oui, je veux être la
première d'entre les putes à m'essayer de m'en sortir. Ne t'inquiète en
rien pour l'argent : j'ai préparé ma sortie et j'ai des sommes
suffisamment importantes pour passer pendant des mois pour une
180
ourgeoise. Toi, tu devrais baliser : tous les macs du coin sont contre
toi. Si tu venais à me rechercher, ils te piqueraient tes filles. Tu vois, je
ne sais pas où est l'intérêt. Soit tu me files et tu échoues, et tu perds des
millions. Soit tu me laisses en paix, et tu t'assures avec ta bande de
putasses.
Veux-tu que je serve d'exemple ? Cela plairait au Gros
Michel. Quand bien même, tu me rattraperais, tes putes seraient
soumises à ce mac. Alors, tu souhaites me courser ?
J'ai trop souffert, Mickey, de ta cruauté de tes ignominies.
Pour toi, une femme n'est qu'un objet mécanique qui n'a pas d'âme.
Elle est faite pour recevoir des pénis dans son vagin. Cela et rien
d'autre.
Quand je t'écris que je suis révolutionnaire, c'est avant tout
parce que je suis la première à oser la liberté. Mais pas comme les
putes de Grenoble qui ont fait un procès à leurs Macs et se sont
planquées derrière des flics. Moi, c'est mieux. Je veux une autre vie.
Oublier les centaines de bites qui m'ont foutue. Rechercher une eau
purificatrice après le viol, et je ne tombe pas dans le mystique. Je ne
suis pas Marie Madeleine. Il me sera possible de rencontre un homme,
181
mais un seul avec lequel je pourrais avoir des enfants. Tu vois tout cela
est fort bête - mais c'est la vie.
Des hommes à putes, il en existera toujours. Je souhaite
toutefois que tu te poses cette question : pourquoi ai-je osé soumettre à
une ingénue cette souffrance terrible ? Comment puis-je oser les
imposer par la violence à m'obéir ? Du moins, Bon Dieu, que cette
pensée traverse ta cervelle ! Du moins, qu'elle t'éclaire un peu !
Il ne faut pas, Mickey, il ne faut pas imposer à une innocente
cette ignoble prostitution.
Je me dois de tenter une vie autre. Qu'importe ce que je serai :
une bourgeoise, une prolétaire mais pas une pute !
Tu sais que je suis maladroite, que j'écris fort mal. Je ne me
relis pas. Mais je crois avoir fait des répétitions - c'est pourquoi je
préfère en achever là avec ma lettre.
perdrais. Je pars.
Souviens-toi, ne me poursuis pas. Ne me recherche pas, tu y
Belinda.
182
Mickey est complètement perdu. Il regarde la scène. Relit les
dernières phrases et observe le Gros Michel qui ricane bêtement.
Le Gros Michel
Comme on dit : une de perdue... Mais c'est vrai que ça
pourrait être inquiétant pour la profession. Enfin, moi mes filles sont
moins intelligentes. D'ailleurs, elles ne savent pas fuir. Belinda a peutêtre
fait du stop, puis une voiture, l'avion ou le train. Alors, va : cours à
droite, à gauche. Mais que de travail ! Et personne pour t'aider.
Mickey
Je n'ai pas même de haine. Je me fiche totalement de tes
paroles stupides. Tu ne comprends donc pas.
Le Gros Michel
Tu raisonnes comme une aubergine. C'est pourquoi je n'ai
point de violence à ton égard. Tu sais il faut savoir s'adapter. Belinda
183
est la première à fuir. D'autres seront soumises à notre esclavage - non
à notre despotisme. C'est vrai des imbéciles avec un beau cul
viendront. Et on les baisera. Elles nous lécheront, et penseront de notre
sorte. Mais c'est vrai c'est la première, celle qui a eu l'audace. Tu vois
Mickey dans toute profession, il faut savoir s'adapter, se
métamorphoser, essayer d'être quelqu'un d'autre. Toi, tu as du retard.
Mais moi j'avais déjà devancé cette lettre, votre comportement. Et
j'avais pensé que la pute se taillerait. Une chose est à faire qui
rapportera dix fois, que dis-je, cent fois ou mille fois plus. Tu n'as pas
compris ? C'est la came. La belle et douce drogue. Il nous faudra
changer. Mais, crois-le, mon pauvre Mickey, ce sont des milliards,
d'autres milliards qui nous attendent. Et cela dès aujourd'hui.
Mickey
raison !
Des milliards contre Belinda ! Bordel de merde. Tu as encore
184