You also want an ePaper? Increase the reach of your titles
YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.
FRANCK LOZAC'H
Poèmes amoureux
1
L’Huile fraîche
À Sandrine
Repose sur ce sein que la paresse offense,
Et brûle en ma raison tes prochaines fumées.
De mon ravissement, embrasse les carences
Qui s'imposent sur ma joue frappée et profanée.
Alors pour ta liqueur, bois le fruit des délices
Et organise un songe où tu reposeras.
Qu'importe, vraie beauté, les mouvements factices,
Car l'appel de ta chair me redemandera.
Ah ! Courir sur les flots antiques de lumière !
Qu'une étincelle éclaire et chante tes fureurs !
À l'ombre du platane, je te vois, tu es fière ! ...
Parée de tes bijoux, de parfums délicats,
Tu lances des étoiles pour orner mes lueurs,
Adorable beauté que j'aime, et qu'il brusqua !
2
Je croyais voir
Je croyais voir en l'or de tes cheveux un nuage tendrement
endormi sur des aquarelles mortuaires. J'y discernais un convoi de
broderies éparses, et j'embrassais dans cet amas confusément respiré
la rêverie lointaine. Je m'égarais dans les parfums, dans les sueurs de
nos amours anciennes.
Mais toi d'un geste dédaigneux, presque machinal tu passas ta
main blanche et bien faite dans ce désordre de mèches blondes, et la
noble rêverie s'est plu à se défaire, n'est-ce pas, Isabelle ?
3
C'est un spleen
C'est un spleen qui renferme toute la nostalgie d'une lueur
sublime, une douloureuse faiblesse de cœur recueillie dans la
solitude, morne solitude près du feu pétillant de la cheminée, où le
seul ami est peut-être encore cette bouteille de vin rare et ce verre de
cristal.
Glacial amour, amour tendrement chéri, amour rêvé, amour
volatilisé que la fantaisie de la femme reproduit inlassablement
comme pour retenir son idéal, comme pour retenir le temps !
Et la dernière lueur du brasier s'est plu à mourir. Ce n'est plus
qu'une lumière douceâtre qui baigne la chambre décorée de bibelots
rares et de meubles fort anciens.
Ce n'est plus qu'un désir impossible qui resplendit encore dans
l'âme d'Agathe. Ce n'est plus qu'une douleur inconsolable qui vit dans
le cœur d'Agathe.
4
Enivrée par le nectar, elle s'endort entourée de somptueuses
étoffes posées nonchalamment sur le divan superbe.
Parée de somptueux bijoux, l'œil hagard et livide, soulevant
d'une main nonchalante quantité de soierie déposée sur le divan, elle
rêve des délicieuses soirées passées chez les De Busy.
Et des images tenaces, toujours martelant son âme voyageuse
s'amoncellent les unes contre les autres comme une pellicule de film
inlassablement répétée.
Et dans ses souvenirs voués déjà à l'ennui, elle multiplie les
scènes, grossit les visages, et espère embrasser dans cet
amoncellement de détails, l'instant unique et sublime que son esprit
s'était juré de ne jamais oublier : le regard saisissant du jeune homme
aux yeux foncés, tirant vers un marron extrême, - ce regard de feu
exprimant toute la force et l'intrépidité de la jeunesse conquérante.
Oui, malheureuse, presque envoûtée par ce sourire d'ange, par cette
bouche suave, elle éternise son évasive rêverie sur le caporal blond.
5
C'était un vieux boudoir
C'était un vieux boudoir où tremblaient des spectres d'ombres,
où un mal invisible rôdait lugubre parmi les meubles de la pièce.
Point de mots, points de regards - une attente éternelle épiait le
moindre bruit, l'infime craquement des planchers. Les boiseries
comme travaillées nuitamment gémissaient de douleurs et de plaintes
répétées.
À travers les carreaux de la fenêtre obscure, une lune pâle,
ronde comme une hostie propageait ses rayons blanchâtres - un
instant sublime que la peur éternisait, un instant d'inquiétude et de
bonheur en soi.
Il y avait les masses inertes de nos chairs blotties dans de
profonds fauteuils. Les yeux du chat luisants étaient prêts à s'enfuir.
Et nos mains transpiraient de faiblesse et d'effroi.
Un coup de tonnerre puissant et le silence disparaît. Un cri
perçant de sa gorge étroite, s'expulse et se propage en dissonance
dans la pièce. Un cri inhumain et la femme indécente se transforme
en vampire !
6
L'architecture de la femme
L'architecture de la femme ouvre ses yeux et dépose ses rayons
rougis par le soleil. Pieds nus, tête penchée contre le regard pensif de
l'éclusier, l'eau monte le long de la façade de bois - la cour est
haletante. Elle vocifère l'inexpérience et sa paresseuse blancheur.
Quant aux tapisseries, elles noircissent lentement sous les
fouets du saule pleureur.
7
Que tu proposes nue
Que tu proposes nue
À ma souffrance ancienne
Fruits, délices conçus
Avec liqueurs suprêmes,
Lentement de l'éclat
Reposé sur un cœur
Un souffle poussera
Cris sublimes et candeurs ...
Perdue une seconde,
Dans ce combat royal,
Ma faiblesse profonde,
Ô destinée fatale !
S'émancipe quelque peu ...
Semble vivre et se meurt
Dans la lueur du soir,
Et chasse mon désespoir !
8
À ma dormeuse
Je ne veux pas ce soir, licencieuse ennemie,
Respirer en ton corps le doux parfum des songes,
Ni déplacer mon cœur sur tes seins endurcis,
Ni la jouissance facile où parfois tu me plonges.
J'espère sur cette bouche inventer un amour
Puissant et immortel que tu composeras,
Redorer cette nuit jusqu'aux lueurs du jour
Dans la chambre lugubre offerte à nos ébats !
Qu'importe, les espoirs de nos mains en détresse,
Le souffle accéléré que réchauffaient nos yeux !
Je demande plus fort que houle et que tendresse,
Un bonheur sans silence pour l'esprit ingénieux.
Car de son pur cristal où le génie descend
Rêvent de vrais soupirs qu'avait soufflé l'enfant.
9
Ô si pure et si loin
Ô si pure et si loin qu'une lueur m'émeut !
Hélas ! Belle sous le doux bercement de la fleur,
Je vis la merveilleuse dans les antiques feux,
Une pâle beauté saignante de douleurs.
Telle défaite de l'éternel complice encore !
Lourde de somnolence, ô baisers de saveurs,
Maint drame répété en mon cœur à éclore !
Et l'œil pour les substances divines et les douceurs.
Se pose sur l'inconnue, le blond désir rêvé !
C'est le terrible aveu, terme clair de l'espoir.
Enivré de nature, je croyais voir couler
Sur votre bouche rouge la blancheur d'un cristal.
10
Le Germe et la Semence
Venise
Et dans ce lieu fétide où dorment des gondoles,
L'eau morne et transparente fut raison de soupirs,
Ô sanglots répétés et si mouvantes violes,
Contre un ciel de grisailles qui voulait s'obscurcir.
Des barques s'étiraient sur l'étendue. Nos rêves
Profonds comme l'amour s'inclinaient lentement,
Et penchaient plus encore par le vent qui soulève,
Tremblaient, espoirs perdus, bercés au gré du temps.
Et toi ma calme sœur, tu chantais ma faiblesse
Lorsqu'un vol de corbeaux foudroya le vrai ciel.
Pour noircir les souffrances d'une odieuse paresse,
Je vis dans tes yeux clairs les rayons d'un soleil,
11
D'un soleil pâlissant, or, rouge et fatigué
Qui semblait se mourir à l'orée de tes yeux.
J'y trouvais un déluge de larmes délaissées
Croyant à l'avenir de nos étés heureux.
12
Ta main alanguie
Ta main alanguie, profusion de saveurs,
Qui contemple la nuit, désinvolte froidure,
Ta main a délaissé sur le drap amoureux
Les stigmates profonds de ses sombres morsures !
Et cette nonchalance abattue, aigre ou vile,
Décline lentement dans ses douleurs dorées.
Ses souffrances sont grâces et ses pensées occultes !
La survivance s'éteint, antique et froissée
Pareille au vieil orage sur nos murs tapissés.
Je te goûte, fruit mûr, palme je te caresse.
J'ondule, ô mon silence, parmi tant de furies,
Luxure de mes nuits qui te désintéressent !
13
La vieille maîtresse
Quand respirant encore sa poitrine, soumise !
De tes yeux couleront les tristesses du soir ;
Quand de vives querelles, des sanglots et des crises
Viendront s'imprégner sur ton fétide mouchoir ;
Quand vieillie et défaite sous son joug inhumain,
Tu trembleras de honte par ses peines, obscurcie ;
Suppliante, à genoux et joignant les deux mains,
Tu diras des mots tendres pour consoler tes nuits ;
Alors femme fatidique, ô cœur égaré !
Sur mon sein balbutiant de confuses paroles,
Baisant et implorant d'autres chaleurs rêvées
Alors tu tomberas dans mes extases molles !
Et ta bouche et ta lèvre pour des plaisirs encore
Viendront sucer mon sang, délice de mon cœur !
Et impure et esclave, oubliant le remords,
Tu dormiras repue, voluptueuse sœur !
14
Plaidoyer pour deux crânes
Par des liens soudés, par la honte prescrite,
C'est le deuil contracté sur les terres nuptiales,
La haine apparente vit dans les doigts crispés.
Avec ces faces macabres, de progressives vengeances,
L'indescriptible fièvre, puis des moments hagards.
C'est la mort qui sommeille déjà dans chaque esprit.
Le frottement constant de deux pieds qui se touchent
Glacés sous les draps noirs d'interminables nuits ;
Le geste cadencé, immuable des bouches,
C'est la perle suprême de l'entente infinie !
Oh ! Les démons intimes, les déplorables bêtes,
Qui sont assermentés par l'alliance jaunie,
Et ces cœurs enchaînés à ces atroces têtes !
Oh ! Les années terribles dans les bas-fonds d'un lit !
15
Sa grâce accoutumée
A.P.V.
Sa grâce accoutumée
S'enivre de soleil.
Ô la nymphe égarée
Dans ses rayons vermeils,
D'un brin de pureté,
Sur son onde, s'éveille,
Si sensible beauté.
Et le vent dégarni
Plisse dans les roseaux
Les substances réunies
Par le calme des eaux.
Elle, baignée à demi,
Évasive sans trop
Elle dit, mélancolie.
16
Les bruissements subtils
De son regard si fin
Ont découvert fragile
L'œil clair qui est le mien.
J'emporterai l'exil
Car te sachant au bain
Je ne pourrais, sensible,
T'imposer le tien.
17
Que tu proposes nue
À Sandrine
Que tu proposes nue
À ma souffrance ancienne
Fruits et délices conçus
Avec liqueurs suprêmes,
Lentement de l'éclat
Reposé sur un cœur
Un pur souffle unira
Cris sublimes et candeurs !
Éloignée une seconde
De ce combat royal
Ma faiblesse profonde
De sa pensée fatale
S'émancipe peu à peu ...
Semble revivre et meurt
Dans les lueurs du soir,
Et chasse mon désespoir !
18
Éloignement
Folle aimée qui d'une jouissance
Offre des fruits langoureux,
Oserai-je te parler
Quand résonne ce cœur pluvieux ?
L'enchanteresse s'éloigne
Au plus profond du corps
Elle désire, elle décline
Dans ses cheveux soyeux
Sa délivrance la tord,
Le sommeil est cherché.
La jambe longue, la jambe fine
Posée sur le bord du lit
S'étale dans un rêve
Tout imprégné de fleurs.
La pâle, l'amoureuse encore,
Sur le drap bleu s'est endormie.
19
Je veux te dédier
Je veux te dédier, chatoyante parure, sur des coussins bercés
par le luxe et l'encens, cet hymne solennel bordé de sa froidure, et
promis aux secousses vengeresses du Néant.
Alors je te convie entre ces quatre murs, au sublime festin de
l'inconnu malheur, et je prépare, cynique, une noble mixture qui
brûlera ta peau et percera ton cœur.
Et quand, momie étrange et desséchée, sur un plateau superbe,
je te poserai nue, tu vibreras encore de spasmes saccadés, admirable
beauté que j'aime et que je tue !
20
Quand exténuée, ravagée
Quand exténuée, ravagée par cette douleur latente, quand
l'ombre même transformée en supplice déploie ses grands bras et
gesticule menaçante en tourbillons immenses, ô l'éternelle substance
succombe aux tentations du plaisir et oublie un court instant le martyr
qu'elle endure, et oublie la tâche inhumaine qu'elle s'est vouée.
Malgré les horribles contorsions, les déchirures internes, les
feux superbes sortis de la panse de Lucifer, pas un croyant ne viendra
soulager ces mortelles blessures.
Qui oserait se fourvoyer pour soulager un mal dont il ne peut
apprécier la monstruosité ? Toi, pauvre créature, disposée sur le drap
de satin, lourde de fatigue amoureuse, toi que j'embrasse confusément
pour éloigner mes craintes, saurais-tu entendre les hurlements de mes
désespoirs ?
Tu reposes, ivre de servitude passée dans un grand lit
d'allégresse ! Tu rêves avec ta chevelure imprégnée de parfums
21
exaltants à une contrée lointaine ; Quelle monotonie insipide dans tes
yeux évasifs ! Quelle lente paresse par ton corps sacré !
Quelle force encore me pousse à combattre moi qui suis englué
dans une toile d'araignée ? Moi qui à l'orée de mes vingt ans espérais
une terre ferme, moi qui marche sur des sables mouvants ?
Sont-ce les derniers soubresauts d'une mort fatidique ?
J'entrevois comme des images sacrées dans mes rêves, une marche
funèbre, des soldats bleus fusil en main, et j'entends un caporal crier
en joue.
Parfois c'est une corde qui se balance dans un mouvement
régulier, et moi je place ma gorge entre ses nœuds serrés. Plus loin, le
tombeau où mon corps sera exhumé, les pleurs des femmes et les
fleurs artificielles.
Mais tout ceci n'est d'aucun intérêt pour vos pauvres
consciences que d'entendre les gémissements malingres d'un poète
inconnu.
22
Dans mon rêve épuré
Dans mon rêve épuré, je discerne ton nom
Dans les lieux à venir, j'entends battre tes yeux
Je sais ton chant, je sais ta voix et ta beauté
Et le regard d'amour qui encombre tes bras.
J'écoute frémir mon heure puissante et ténébreuse
Que l'instant et l'histoire encenseront encore
J'embrasse l'enfant violence des voluptés
Et je dors lentement à l'ombre de mon ombre.
Je me plais à vêtir le monologue qui dure
Patience, dévouement, sagesse, supplices
Tasses d'or et d'argent jetées contre nos cieux
Et délires et délices et salive et amour
Et les ans passeront comme un souffle inhumain.
J'observe la douceur et l'orgueil de ces transes
La chaude montée au cœur qui est rose et bleue
Et j'approuve en moi-même le désir de survivre
Pour rester longtemps presque mort en nous deux.
23
Même rêverie
Dans mon rêve épuré, je discerne ton nom.
Déjà je sais ton chant, ta voix et ta beauté,
Et le regard d'amour qui enroule tes bras.
J'entends frémir mon heure si grave si ténébreuse
Que l'instant et l'histoire encenseront encore.
Et j'embrasse l'enfant, fruit de nos voluptés,
Et je dors lentement à l'ombre de mon ombre.
Je me plais à vêtir les paroles qui fuient.
Patience et sagesse, dévouement et supplice,
Et délires et délices et salive et amour !
Les années passeront comme un souffle inhumain.
Je contemple la vie et l'orgueil de ces transes,
La chaude montée au cœur qui est rose et bleue,
Car j'éprouve en moi-même le désir de survivre
Pour rester allongé presque mort en nous deux.
24
Immolée sur les plaies
Immolée sur les plaies sanguinaires des suicides,
Soulevée par la pure vengeance des Dieux marins
Dans sa candeur, violée aux furies de ses eaux
Rejetée par les vents sous les courants torrides
Même dans la bravoure, la vague rejette l'épave.
Mais affreuse et tremblante presque morte déjà ivre
Dans les excès de fièvre sous l'ardeur de l'été
Transparente parfois mais libre sur les mers
O Beauté vénérée derrière les larges terres
Mon âme désinvolte, accablée de remords
Quand sur toi le malheur, repose, que faut-il faire ?
Alors vers quels plaisirs dans l'univers fangeux
Faiblesse de conquêtes, ô sœur de l'infini
Détourner de ce joug, l'impossible grandeur ?
Règne, siècle, frayeur ! Ame promise, que faire ?
25
Les membres décharnés
Les membres décharnés, vomis sous les silences
Que la chambre lugubre a subi en dormant,
Et des voiles jaunis, perdus de transparence,
Univers trop sordide et pâmoison du temps !
Ils mêlent pourtant des corps, des âmes, des sens,
Des actions divines offertes chaque nuit !
Ils combattent des formes, jouissent de leur transe,
Et tombent agenouillés sur un cadran qui fuit !
Veules de béatitude dans leur macabre loi
Unissant des plaisirs sur des lèvres plissées,
Nous !, sans plus d'harmonie pour deux cœurs qui festoient !
Et des frayeurs étranges m'occupent tout à coup :
Ne sont-ce pas des spectres ou des esprits vidés,
Ces deux chairs qui s'écroulent dans la mansarde floue ?
26
J'ai dû aimer
J'ai dû aimer sous d'autres cieux,
Mais je ne sais plus quel matin,
Agile et noble comme le feu
La beauté au regard divin.
C'était désir stérile mêlé de grâces
Que l'ivresse emplissait sans grandeur ;
Quand l'âme libre enfin s'efface,
L'amour de Dieu devient pêcheur.
Quiconque use de ses ongles sur sa peau
Et comprime son souffle dans l'abus,
Vrai, bannira l'horrible fardeau
De l'acte facile sur le corps nu.
Mais la beauté en fruit lubrique
Métamorphose son idéal
Sous les saccades rythmiques
De son galeux caporal !
27
La protubérance excessive
La protubérance excessive
Qui me servait de sommeil
S'éclipse dans les premières senteurs
De mon vaste ciel.
Que d'inconnus rivages
Et que de sources à explorer !
L'infini commérage
A déjà bouillonné.
Chastes idées reçues,
Catacombes enfantines,
Quand l'espoir est perçu
La chaleur me fascine !
D'autres vents se sont engouffrés
Sous ma porte vagissante.
Mon tendre esprit, il est arrivé
Le seuil étroit de ma pente !
28
Clairons, sonnez l'expansive
Et heureuse cérémonie
Puisque des femmes agressives
Sur les couches se sont endormies.
Ô la câline, la débaucheuse,
Le tempérament étrange !
Elle gît Sandrine la pleureuse
Comme le sourire de mon Ange !
29
Éloignée mais si proche
Éloignée mais si proche
Par le rêve qui te ressemble,
De l'âme quand tu approches
C'est tout un corps qui tremble...
Ne connaissant le triste émoi,
Tu avances insolente sœur
Et me parles maintes fois
Sans savoir ma douleur.
Pour ma faiblesse extrême,
Voici ces quelques vers.
Affreuses lignes ou diadème ?
Qu'importe ! Puisque je t'aime !
30
Le serpent
Avec ses contorsions voulues en son lugubre
Déclin, c'est le serpent annelé jusqu'au cou
Orientant des instincts à moi-même si salubre,
Sur mon ventre pâmé, à l'instant le plus doux.
Et qui va comme une amertume sommeillait,
Transformer la nuisance prochaine de mes frayeurs,
Pareil au rarissime amant qui se penchait.
Des voiles, des langes clairs pour ces maux confus,
Et des accords parfaits entre nature, oublis,
Qui condamnent pourtant les plaisirs que l'on tue ! ...
Ho ! Le reptile immonde jouant entre ses mains
Parmi la blancheur troublante des autres pensées !
Par ton acte morose, il se perdrait des riens
Qui pleurent en leurs soupirs les saignantes aimées !
31
Alors tu te réveilles
Alors tu te réveilles, ô beau corps de déesse !
Tu cherches mes désirs comblés par les tourments.
La pointe de ton sein sevré de sang se dresse,
Mon admirable amie et mon sublime amant !
Si mon ventre s'éteint, j'appelle tes lueurs.
Je jouis de l'incomparable volupté
De rester en moi-même et d'être un autre ailleurs,
De créer un génie aux plaisirs insensés !
Je verrouille ta chair, la place du bonheur.
Je dors paisiblement dans le cœur des Aimées.
J'invoque ta richesse, ta sublime saveur,
Ta substance promise et ton nectar sacré !
32
Le Moût et le Froment
Ainsi ai-je vu
Ainsi ai-je vu de lourds chevaux traîner de superbes cohortes
de sel. C'était au sortir du rêve. Oisive, entretenue par la fatigue du
matin, l'imagination jouit, reine du lieu de la chambre. Elle conduit le
repos jusqu'aux portes de l'inconnu. Encore du drôle peuplé de
romantisme, des croissants de bonheurs comme des étapes
successives. Elle égrène sa course puisque le sommeil gagne et
condamne les premières heures du lever ! Quand je distribue les rôles
de chacun, par de mesquines allusions, je les sais composer l'image
sacrée et transformer à leur goût les règles de mon propre jeu.
Silence, distorsions comme des cambrures sur de planes
figures, puis des mouvements cycliques dans des bourrasques d'eaux
pleines : elle se plaît avec l'impossible, rit de ses nombreuses
découvertes. Amie de l'absolu, du négatif, femme ou démoniaque
Circé, qui est-elle ?
33
Dans le dégoût
Dans le dégoût, la femme s'envole et s'enivre des fraîcheurs
matinales. Les veines sont gonflées par les saveurs extrêmes et le
sang bat sous la peau lisse et fatiguée. Allongée, le corps nu sous le
drap de satin, la respiration est courte, saccadée par moments. Puis
une longue bouffée d'air pur gonfle sa poitrine. Le sein droit
découvert dévoile une pointe violacée, tendre et ferme. La main
caresse un autre corps qui repose à ses côtés. Un visage lourd de rides
et d'espérances oubliées. Les yeux transparents d'amertume collent un
plafond grisâtre. Et la lèvre pendante encore semble boire avec
avidité ses vingt ans.
34
Sans famille
Sans famille, il est permis de rêver. Sans femme, sans enfant,
l'unité de soi-même est grande. Le retour à la vie libère des
attachements et des seuls ennuis. Mesure-t-on les plaisirs retrouvés ?
donnée".
"J'aime, dit-elle. Si le respect est un droit que la fortune me soit
Faible femme, que veut-elle dire ? Illusions des mots,
incompréhension absolue ! Mon corps déchiré s'éloigne de la naïve,
et l'inconstante perdue ne me parle plus.
Présent dans ses états d'âme, je divaguais aussi, perdant ma
vigueur et mes longues nuits. Moi, amoureux, je cherchais l'accord de
mes chairs, mais mon esprit s'enfuyait ailleurs.
L'esprit allait vers d'autres lieux. Sa demeure était mienne pour
quelques jours. Je revins dans la chambre sans plus de choix que de
voir de nouvelles femmes s'offrir à moi.
35
Un phallus de cristal
Un phallus de cristal incrusté de pierreries, d'émeraudes et de
saphirs, avachi et mou sur un coussin de velours avec des garnitures
d'or.
Je m'imagine et m'appartiens. Au point le plus haut de
m'appartenir une vision terrestre de beauté transparente m'apparaît,
une femme vêtue d'un voile léger, bercée par un vent flotte devant
mes yeux et sa chevelure noire baigne et tournoie autour de son
corps. Ses pieds recouverts d'une robe limpide sont soulevés audessus
du sol. Elle tend ses deux mains vers moi, s'approche
lentement et son corps glisse. Son regard me fixe, elle m'invite à me
lever et à la rejoindre.
Sur le point de la rejoindre alors si près que je m'enivrais de
son parfum, si près que ses doigts tendus touchaient les miens, elle
disparut comme une bonne fée inaccessible aux simples mortels que
nous sommes.
Un phallus de cristal incrusté de pierreries et d'émeraudes et de
saphirs, raide et tendu sur un coussin de velours avec des garnitures
d'or.
36
L'or
L'or sur des paupières repose près des yeux amoureux. Il
dormirait des anges berçant ta chevelure noire. Sur le lit défait, le
corps langoureux sourit, amas de chair lassée, confusion de membres
affaiblis.
Au lieu-dit de l'espoir
Au lieu-dit de l'espoir, une femme se présenta nue à mes yeux.
Avec des coups de poing terribles, je la chassai. Elle résista sous des
abords disgracieux à mes avances. Elle s'émut de mon intelligence et
de mes capacités étrangères à ses possibilités. Je la violai sans la
retourner. Je m'enfuis dans les déserts de l'indifférence. Peu après, je
la haïssais sans méchanceté. Premier ménage.
37
J'ai fauté avec la belle
J'ai fauté avec la belle, avec l'éternelle beauté. Le printemps
s'est engouffré sous la farouche sœur, et a gonflé sa robe rose comme
l'air filait dessous. Nous nous sommes allongés près d'un vieux chêne.
Sa poitrine respirait, se déplaçait sous la robe légère.
La goutte a coulé belle
La goutte a coulé belle sur la hanche bombée
Le sang s'est répandu entre les lèvres ouvertes
Le sperme est sur les dents de la femme courbée
Le liquide jaunâtre sur la langue est séché.
La fille s'est tordue entre les draps salés
L'amour a pleuré pur au bord de son délire
Le lit fait de soupirs a murmuré encore
Et la nuit vagabonde s'est enfuie au grand jour.
S'est inclinée la tête sur le rêve endormi.
38
Tout près, si près
Tout près, si près, si proche aux délices d'entendre,
Comme une ombre lassée des plaisirs de la chair,
Femme endormie, tu m'appartiens ce soir, très tendre
Ou tu remues la tête baignée dans la lumière.
Tète ce sein
Tète ce sein, fœtus rejeté du ventre de ta femme !
Bois le lait maternel qui gonfle les mamelles de réconfort, qui
dresse les pointes rouges vers le ciel !
Que la soif brûle tes entrailles, avide nourrisson, et que ta
petite main faite de doigts agrippe la tétine précieuse !
Comme son haleine chaude glisse dans ton appareil digestif !
Comme la semence blanche de ta mère est douce à avaler !
39
existence !
Ignorant petit homme, bats-toi pour survivre dans cette
40
Nuits grasses de sperme
Nuits grasses de sperme qui roulait sur des poitrines, et tombait
en cascades dans des gorges assoiffées ! Ô jets immondes qui
fécondaient une vulve étroite !
Sexe s'engouffrant dans ses rondeurs lourdes et interdites !
Place innée pour les couples de chair !
Laideur qu'on appelle amour ! Je me rends à vos pieds, femmes
humaines ! Hélas, j'aime encore !
Et toutes les vomissures bues, les urines goulûment avalées, les
crachats léchés sur vos ventres tombés. Les langues qui s'introduisent
dans les parties intimes de vos corps de possédées.
Ô femmes, et ces matières fécales arrachées avec l'index
honteux et ces doigts sucés avec délectation ?
Qu'ai-je donc appris ? Que l'amour était une horreur ? Que le
plaisir était une douleur stupide ? Un sexe gratté jusqu'au sang par
des ongles très longs, des glands brûlés et sucés jusqu'aux entrailles,
un pénis tordu et mordu par des dents tout blanches avec un rire ou un
41
ictus sur vos bouches entrouvertes ? Ô femmes, je ne sais plus.
Fallait-il sodomiser et rire de la laideur, et de son acte ? Cela
était-il le bonheur ? Ô femmes ou démons, le rouge n'a jamais envahi
vos visages de salopes !
Que l'homme fait de conscience s'en repente ! Jamais plus, et
plus jamais, et maudits soient les plaisirs éphémères !
42
Nue. Elle était nue.
Nue. Elle était nue. Et la jambe longue et la fesse lourde étaient
un appel à l'amour, à la caresse, à la jouissance et à l'ivresse.
Le sein superbe et droit, viril comme une tigresse, dressé au
ciel appelait la morsure sublime de l'homme.
Ma langue léchait encore cette aisselle que des gouttes de pluie
trempaient de saveur. Mes yeux remplis d'éclairs et de désirs
appelaient ses yeux bleus. L'ivresse et les soupirs berçaient de leur
langueur mélancolique l'âme satisfaite et rassasiée de plaisir.
Et la femme, bouche ouverte, la chevelure bleue renversée en
arrière soupirait d'aise.
43
Des caresses nonchalantes
Des caresses nonchalantes sur des coussins de pourpre d'or,
baignées dans une lumière molle. Les corps fatigués comme une
ombre chinoise, se donnent sur les murs de la chambre.
La flamme bienveillante regarde les monstres énormes surgir
et souffler inexorablement. Les langues s'unissent et se mêlent dans
un palais merveilleux, les odeurs et les chaleurs éveillent les
sensations des désirs enfouis.
Ô râles, cris sauvages des bêtes griffées ! Les corps se fondent,
lutteurs inassouvis de chair et de jouissance ! Les corps s'usent dans
un combat de plaisir monotone.
La bête crache, hurle et s'éteint. Les survivants se délassent et
meurent dans les draps parfumés d'excréments et de senteurs anales.
Ô les maudits dont les sexes sont gonflés du suc épais ! Les saletés
respirées, léchées et avalées ! Les contacts vicieux et lâches. Les
coins de chair ensanglantés et brûlés !
Toutes les erreurs et tous les naufrages sillonnent dans ma tête.
Mais le plaisir se meurt, hélas le plaisir est oublié !
44
Laure, ne m'en veux pas
Laure, ne m'en veux pas. Je quitte l'espoir et je m'engage dans
la ténèbre. Il ne faut pas m'en vouloir. Il faut pardonner mon égoïsme.
J'ai besoin de me cacher et de vivre sur moi-même comme un
homme trop gras qui se nourrit de ses réserves.
Laisse-moi le repos ! Ne me dérange pas. L'obscurité me
mènera à la lumière. Est-ce Dieu que je recherche ? Est-ce l'ambition
qui frappe à ma porte, et qui me somme de m'enfermer ?
Je ne te parlerai point d'amour, ma Laure tant aimée. Si je me
recroqueville à la manière de la marmotte qui a froid, ce n'est pas que
j'aie peur de l'avenir (je ne crains pas hélas ma folle jeunesse) ; je
désire comprendre et entendre. Oui, je veux savoir d'où provient la
force qui m'anime et m'inspire.
45
La vague langueur
La vague langueur des poses amorties paresse ou se meurt dans
l'infini de ton mouvement. Et ton buste, ô reine, dans ce coup de reins
sublime érecte ta poitrine orgueilleuse.
C'étaient l'ivresse et l'assouvissement des sens ! La moiteur
défendue dans ta chevelure noire, dans ce duvet paresseux où la
mélancolie s'épuise et que la source tarit.
C'étaient l'automne nonchalant, les derniers soupirs et les
odeurs délicates !
C'étaient des bouches fatiguées, des corps épuisés qui
s'appelaient encore !
46
Pour le plaisir des quatre yeux
Pour le plaisir des quatre yeux, le souffle de l'amour frôle les
corps fatigués.
sentent bon.
Pour un orgasme à venir, les sexes se rapprochent, les sexes
Les langues s'appellent, et les yeux et les lèvres dans un
mouvement immuable se comprennent déjà.
Mon haleine chaude, mon amour et la pointe de ton sein rouge
de désir.
Ta chevelure se perd dans la mienne, oui la béatitude de ton
sourire pour mon sourire !
L'élan du couple, la force du couple, la force de l'union.
Et le calme serein après le tumulte, et les ébats amoureux, le
grand calme dans la nuit sans fin.
Le calme étrange quand les corps s'entrelacent et se délassent.
47
Les formes rondes sous la lumière tamisée, les formes
mouvantes diluées dans l'espace.
L'amour se meurt, mon amour, et déjà tu revis.
48
Une beauté au comportement bizarre
Une beauté au comportement bizarre a taché ma jeunesse, et
j'ai heurté les rocs de la consternation. Plus loin dans des
mouvements incertains, la belle s'est métamorphosée en reine, non !
en ange.
Angélique apparut pour la première fois au bal. Son
magnétisme était foudroyant. Dans les chambres, elle a tourné son
regard vers moi et sa silhouette féminine glissait sur les tapis. Je
transpirais une sueur aigre et m'essuyai du revers de la manche.
Elle flottait, plutôt qu'elle ne marchait. Et j'ai suivi sa
démarche au-delà des murs où elle a disparu. Au balcon, je vis son
spectre traverser l'allée faite de roses rouges et d'œillets multicolores.
Elle m'échappait, je m'avançais.
Plus tard dans le parc, je reconnus sa démarche, et je courus à
sa rencontre. Je l'ai prise par la taille, et je tombais à ses genoux.
Elle s'assit sur mes hanches sous les chênes roux. J'embrassais
sa poitrine et je glissais tous mes bras dans ses cheveux.
49
Peut-être roulerai-je avec elle vers les sous-bois, et dans l'herbe
foncée. Au premier choc, je me suis enivré de tendresse, et hagard
d'amour je me suis laissé emporter pour les tourbillons d'illusions.
Vers la première heure, je m'endormis.
50
J'ai besoin de ta poitrine
J'ai besoin de ta poitrine où je cueillerai le fruit de nos
entrailles. J'ai besoin de ton odeur douce de pucelle où j'engouffrerai
mes cheveux. Que m'importe l'inceste, Marie. Il n'y a pas d'inceste
entre toi et moi. Ton corps m'appartient et je suis ton corps. Ne souris
pas, Marie, de ton sourire d'ange. Ne te moque pas de moi. Je suis
purifié et je suis le fruit de ta chair.
Un ange ou un Dieu a posé son aile blanche sur la tête des
morts. La femme s'est ouverte et le feu de l'amour a réchauffé ses
jambes et ses seins. Et son sexe a brûlé d'une chaleur vive.
J'ai jeté un baiser sur tes lèvres, moi avec ma bouche infectée
de mensonges et de crimes, moi avec ce cœur qui bat au rythme de
l'envie et du vice de la chair. C'est avec une humeur étrange que je me
suis allongé près de toi. Et j'ai senti ton haleine chaude, et l'orgasme
si proche qu'il semblait te contenir.
J'ai caressé tes jambes lentement, et je me suis couché sur ton
épaule. J'ai bu dans ton œil pur le plaisir qui libère. J'ai bu le sang du
pauvre, la jouissance infinie.
51
Ne m'accable pas de péchés. Mes sens inassouvis ont demandé
le droit au bonheur. Je lèche ton sein, et je me repose dans tes odeurs.
Ô femme, que n'es-tu femme et déesse et vierge et bontés !
Pourquoi tant de haine dans ce cœur, toi qui as joui de mon parfum de
rêve ? Marie, baigne-moi dans tes caresses, baigne l'enfant sacré dans
tes faiblesses de mère !
52
Poèmes Amoureux
53
54