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<strong>Les</strong> <strong>cancers</strong> des VADS <strong>dans</strong> l’histoire 119<br />
parler et avaler parfaitement, ce qui lui permit de reprendre<br />
<strong>la</strong> lutte politique. L’entourage par<strong>la</strong> d’extraction dentaire<br />
multiple pour expliquer son absence et les ennuis inhérents<br />
à l’opération. Le 7 août, il réapparut en public à Washington<br />
sans aucune disgrâce physique ou trouble de l’élocution<br />
et le 29 août, il remporta une éc<strong>la</strong>tante victoire au congrès<br />
faisant adopter l’étalon or. Son cancer ne récidiva pas et<br />
le président Cleve<strong>la</strong>nd décèdera en 1908, 15 ans après le<br />
traitement de son cancer.<br />
La nature de sa ma<strong>la</strong>die et son traitement ne furent<br />
révélés au public qu’en 1917 et depuis, de nombreuses<br />
publications eurent lieu sur ce sujet avec de nombreux<br />
détails sur l’importance de l’exérèse pa<strong>la</strong>tine, les prothèses,<br />
l’anatomopathologie de sa tumeur qui, d’après <strong>la</strong><br />
dernière publication faite en 1980 par J.J. Brooks, était un<br />
carcinome verruqueux [10,11].<br />
Réflexions sur <strong>la</strong> cancérologie des VADS<br />
Figure 3<br />
Grover Cleve<strong>la</strong>nd.<br />
concernant, signalons qu’il est le seul président des États-<br />
Unis à s’être marié à <strong>la</strong> Maison B<strong>la</strong>nche : le 2 juin 1886, à<br />
l’âge de 49 ans.<br />
Peu après sa deuxième élection à <strong>la</strong> présidence, Cleve<strong>la</strong>nd<br />
remarqua une tuméfaction de son pa<strong>la</strong>is et le<br />
13 juin 1893, il se confia au Dr O’Reilly, médecin attitré à <strong>la</strong><br />
Maison-B<strong>la</strong>nche. Le Dr O’Reilly fit deux prélèvements qu’il<br />
envoya à l’hôpital des armées, sans l’indication du nom du<br />
patient. Le diagnostic de tumeur maligne revint et resta<br />
secret. Le président Cleve<strong>la</strong>nd ne voulut qu’en aucun cas<br />
<strong>la</strong> moindre fuite sur sa ma<strong>la</strong>die n’ait lieu, pour éviter une<br />
panique boursière à Wall Street, pas même sa famille n’a été<br />
mise au courant. Le 30 juin 1893 au soir, il monta à bord d’un<br />
yacht « L’oneida » amarré <strong>dans</strong> le port de New York propriété<br />
d’un de ses amis, dont le grand salon avait été transformé<br />
d’urgence en salle d’opération. La maxillectomie supérieure<br />
droite débuta à minuit, pratiquée par une équipe chirurgicale<br />
dirigée par le Dr Joseph Bryant, éminent chirurgien qui<br />
avait, peu avant, publié une revue de 250 maxillectomies<br />
dont deux faites par lui même. J. Bryant était entouré des<br />
docteurs O’Reilly et W. Keen de Phi<strong>la</strong>delphie, du Dr J. Erdmann<br />
de New York, du Dr F. Hasbrouck dentiste à New York<br />
et grand expert <strong>dans</strong> l’utilisation de l’oxyde nitrée comme<br />
anesthésique. Cette anesthésie n’était pas sans danger car<br />
le président Cleve<strong>la</strong>nd était très corpulent avec un cou court<br />
et très épais. La résection osseuse al<strong>la</strong> de <strong>la</strong> première prémo<strong>la</strong>ire<br />
à <strong>la</strong> tubérosité du maxil<strong>la</strong>ire. L’anesthésie associa<br />
des applications locales de cocaïne et une anesthésie générale.<br />
L’exérèse elle-même dura 1h24 minutes. La cavité fut<br />
tamponnée par une mèche iodo formée. À deux heures du<br />
matin, tous les participants et l’opéré portèrent un toast<br />
accompagné d’un verre d’alcool. Le président était debout<br />
<strong>dans</strong> l’après midi et le 5 juillet, il quitta le yacht hôpital<br />
après s’être fait confectionner une prothèse provisoire en<br />
caoutchouc. Deux semaines, le 17 juillet, une petite reprise<br />
chirurgicale sur un granulome fut réalisée sur l’oneida permettant<br />
une vaste cautérisation de <strong>la</strong> cavité et <strong>la</strong> mise en<br />
p<strong>la</strong>ce d’une prothèse en caoutchouc vulcanisé parfaitement<br />
ajustée réalisée par le Dr Gibson. G. Cleve<strong>la</strong>nd put alors<br />
Ainsi, <strong>la</strong> troisième partie du xix e siècle a révélé au monde<br />
les <strong>cancers</strong> <strong>ORL</strong> à travers ces trois personnalités très<br />
fortes, toutes trois très <strong>grande</strong>s consommatrices de tabac.<br />
L’histoire évolutive de ces <strong>cancers</strong> nous renseigne sur<br />
l’évolution spontanée de <strong>la</strong> ma<strong>la</strong>die en l’absence de traitement<br />
chirurgical qui a l’époque était le seul traitement.<br />
Aujourd’hui, les trois opérations qui sauveraient les trois<br />
personnalités (<strong>la</strong>ryngectomie totale, buccopharyngectomie<br />
transmaxil<strong>la</strong>ire et maxillectomie) bénéficient des progrès<br />
de l’asepsie, de l’anesthésie et de <strong>la</strong> réanimation. Qu’en<br />
était-il à l’époque ? [12].<br />
La naissance et le développement de l’asepsie<br />
et de l’anesthésie<br />
Naissance et développement de l’asepsie<br />
Trois noms sont à rappeler : Semmelweiss, Louis Pasteur<br />
et Joseph Lister. Semmelweiss (1818—1865), obstétricien<br />
à Vienne, avait remarqué que les décès post-partum par<br />
infection passaient de 2 % lorsqu’ils étaient faits par des<br />
sages-femmes, à 20 % lorsqu’officiaient les étudiants en<br />
médecine. Il trouve vite l’explication : les sages-femmes<br />
se <strong>la</strong>vaient les mains alors que les étudiants en médecine<br />
passaient directement de l’amphithéâtre d’anatomie<br />
à <strong>la</strong> salle de travail sans se <strong>la</strong>ver les mains. Louis Pasteur<br />
(1822—1895) découvre en 1860 les microorganismes responsables<br />
des infections et de <strong>la</strong> contagion d’où l’établissement<br />
de règles d’asepsie. Joseph Lister (1827—1912), chirurgien<br />
ang<strong>la</strong>is, admirateur et ami de Pasteur, eut l’idée le premier<br />
de désinfecter les p<strong>la</strong>ies à l’acide phénique en 1867.<br />
Il fut rapidement suivi en France par J. Lucas Championnière<br />
et Tarnier, en Autriche par Billroth et en Allemagne<br />
par R. Von Volkmann. C’est le chirurgien germano-estonien<br />
Von Bergmann qui utilisa l’antisepsie à <strong>grande</strong> échelle lors<br />
de <strong>la</strong> campagne Russo-Turque 1877—1878.<br />
Naissance et développement de l’anesthésie<br />
Sou<strong>la</strong>ger <strong>la</strong> douleur en général et <strong>la</strong> douleur pendant et<br />
après les interventions a été un des objectifs des médecins