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Revue Humanitaire n°3 - automne 2001 - Médecins du Monde

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Dossier<br />

dans un autre monde. Enfin, toutes ces horreurs nous amènent à nous<br />

poser la question de l’avant, c’est-à-dire de la prévention. Notre réflexion<br />

sur la prévention est encore à l’état embryonnaire. Il me semble que les<br />

humanitaires devraient être les premiers à enfourcher ce thème de la prévention,<br />

de telle sorte qu’on n’arrive pas aux situations extrêmes que l’on<br />

évoque. Pourquoi ? Parce que si on réfléchit sur les logiques de la violence,<br />

elle sépare, cristallise. Elle est basée sur une forme d’antagonisme, et<br />

l’humanitaire, en fait, c’est le tiers, celui qui est témoin. L’humanitaire n’a<br />

t-il pas un rôle à jouer dans le cadre de ce qu’on appelle maintenant les systèmes<br />

d’alerte précoce les warning system afin de favoriser une mobilisation<br />

internationale et une prévention des conflits ?<br />

Je ne suis pas persuadée que dans la prévention des Edith Baeriswyl<br />

conflits les humanitaires, à l’image de Médecins sans Frontières ou <strong>du</strong> C.I.C.R.,<br />

aient un grand pouvoir. Nous avons sans doute un grand pouvoir d’alerte mais audelà<br />

de ça, je crois que d’autres instances doivent entrer en jeu.<br />

Il me semble que l’action humanitaire n’a pas seulement<br />

Véra Albaret<br />

pour vocation de porter secours aux victimes. Elle a trait aussi à la défense des Droits de<br />

l’Homme et pour les victimes, cet aspect est d'une importance capitale. Vous parliez de<br />

1 600 femmes violées au Congo-Brazzaville. Savez-vous qu'en France 48 000 femmes<br />

sont violées chaque année ; 1 femme sur 10 a été victime de violences conjuguales au<br />

cours des douze derniers mois. En Inde, le nombre s'élève à 40 %, souvent brûlées vives<br />

dans leur cuisine. Je suis d’accord avec vous, M. Sémelin, que les hommes aussi sont<br />

violés ailleurs ou sont battus par leur épouse mais le problème se pose aujourd’hui en<br />

termes de rapport de masse. Plus de 90 % des victimes d’agressions sexuelles sont des<br />

femmes. Les femmes et les enfants fuyant les conflits armés représentent 80 % des<br />

réfugiés dans le monde. Dans les conflits armés, le viol systématique des femmes<br />

constitue aujourd'hui une arme de guerre particulièrement prisée. Mais au quotidien,<br />

dans un monde dont la violence s'accroît sans cesse, ce sont encore les femmes qui<br />

sont victimes de toutes les formes de violence à caractère sexiste et qu'Amnesty International<br />

assimile aujourd'hui à des tortures : coups, blessures, viols, mutilations génitales,<br />

infanticide des petites filles, traite des femmes, prostitution forçée. Ces violences sont<br />

faites à des femmes parce qu'elles sont femmes et par des hommes parce qu'ils sont<br />

des hommes. Les humanitaires ont-ils conscience de cela ? L’ont-ils dénoncé, ont-ils<br />

pensé à faire quelque chose contre ces violences que l’on a toujours passé sous silence<br />

car considérées comme faisant partie de la sphère <strong>du</strong> privé ?<br />

L’humanitaire doit-il faire de l’humanitaire, de la prévention des conflits et faire respecter les Droits<br />

de l’Homme ? A mon sens, l’humanitaire ne peut pas tout faire. J’ai quand Guillaume Le Gallais<br />

même un problème avec la façon dont les mots sont utilisés. On a parlé<br />

des opérations "militaro-humanitaires". Si je reprens le cas <strong>du</strong> Sierra-Léone, on voit alors côte-à-côte<br />

une force internationale, une force nigérienne, une force internationale anglaise. Puis <strong>du</strong> même côté<br />

se rangeraient finalement des organisations humanitaires, les organisations de défense des Droits<br />

de l’Homme, les organisations qui font <strong>du</strong> travail sur les conflits, les organisations pour le droit des<br />

femmes. Et face à cette "coalition" se trouveraient les gens <strong>du</strong> “RUF”. C’est un premier problème.<br />

Mon deuxième problème est pratique : comment faire pour travailler dans les zones tenues par le<br />

"RUF" ? Il faut bien que les humanitaires discutent avec le chef de guerre et obtiennent l'autorisation<br />

d'y travailler. Comment se présenter à ce chef de guerre si l’on se déclare comme étant contre l'uti-<br />

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