Y a du baston dans la taule vol1-A4-fil - PDF (2.1 ... - Infokiosques.net
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d’homosexualité à cause de leur aspect physique ou de leur correspondance, plus<br />
quelques politiques, puisqu’il s’agit là d’un isolement partiel. Les femmes<br />
parquées <strong>dans</strong> cette division ne doivent pas rencontrer celles des autres<br />
divisions. Il s’ensuit l’interdiction <strong>du</strong> travail et de diverses activités. Groupe C :<br />
des détenues primaires, c’est-à-dire séjournant pour <strong>la</strong> première fois en prison.<br />
Et puis, à l’autre bout de <strong>la</strong> prison, il y a un bâtiment, le D2, <strong>la</strong> prison à<br />
l’intérieur de <strong>la</strong> prison. Au premier étage, le D2-E : le mitard, avec ses cellules<br />
sans air et sans eau, ses <strong>fil</strong>les qui flippent et qui hurlent, surtout <strong>la</strong> nuit ! Au rezde-chaussée,<br />
le D2-R. Au mitard, on passe un temps prévu, connu. Au D2-R, on<br />
reste un temps indéterminé. Il y fait froid, même en été, comme <strong>dans</strong> une cave.<br />
Le soleil n’entre presque jamais. Il fait sombre, les fenêtres ont un double<br />
gril<strong>la</strong>ge aux mailles serrées qui usent les yeux et qui font presque hésiter à<br />
chercher derrière l’herbe verte ou les couleurs <strong>du</strong> ciel. Les cours sont petites,<br />
sauf une, qui est bétonnée. Les autres avaient un carré de terre au milieu, on<br />
pouvait y voir quelques herbes sauvages. Elles ont été bétonnées depuis. En mai<br />
1985, après une révolte violente, chez les hommes surtout, <strong>la</strong> direction fit<br />
peindre en b<strong>la</strong>nc les vitres <strong>du</strong> couloir donnant sur les cours pour nous empêcher<br />
de nous voir. Mesquinerie excessive ! Ici, pas de sport, pas d’étude, pas de<br />
travail, aucune activité. Les détenues enterrées en ces lieux n’assistent pas même<br />
aux distractions pseudo-culturelles accordées aux autres. On y enferme toutes<br />
les <strong>fil</strong>les que notre belle société a déjà secouées ou que l’enfermement a<br />
déboussolées, les arrivantes toxicos en manque, et les rebelles, politiques ou<br />
pas ; mais les politiques y restent.<br />
Septembre 1984<br />
La prison ressemble ces derniers temps à une énorme cocotte-minute. Nous<br />
sommes quelques-unes à l’espérer à renversement, comme celle de <strong>la</strong> rue des<br />
Bons-Enfants 32 . Il se peut qu’il n’en sorte que de <strong>la</strong> vapeur, que le feu s’éteigne.<br />
Mais <strong>la</strong> résignation semble se fissurer de jour en jour, les yeux se font<br />
complices. Les <strong>fil</strong>les savent que ça va péter ! La grande récré ! Le prétexte<br />
détonateur importe peu, nous p<strong>la</strong>querons plus tard des motifs raisonnables sur ce<br />
ras-le-bol en forme de raz-de-marée. Il faut profiter de toutes les occasions pour<br />
obtenir un peu plus d’espace de vie. Mais il n’y a rien de raisonné ou de<br />
raisonnable <strong>dans</strong> ces instants de joie sauvage vécus intensément. Seulement <strong>la</strong><br />
volonté de briser le rythme <strong>du</strong> quotidien, d’assassiner <strong>la</strong> passivité, de vibrer<br />
ensemble, de prouver et d’exercer notre force, de nous moquer des matonnes et,<br />
32 Le 8 novembre 1892, l’anarchiste Émile Henry, pose une bombe (une marmite en fonte<br />
contenant des explosifs) <strong>dans</strong> l’usine de <strong>la</strong> Compagnie des Mines de Carmaux. Le concierge<br />
trouve <strong>la</strong> bombe et <strong>la</strong> rapporte au commissariat de <strong>la</strong> rue des Bons-Enfants, à Paris, où elle<br />
explosera faisant quelques morts chez <strong>la</strong> police. Cet évènement inspira une chanson, La Java<br />
des Bons-Enfants, qu’on attribue à Guy Debord.<br />
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