Compétence interculturelle dans la coopération internationale
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Compétence <strong>interculturelle</strong> <strong>dans</strong><br />
<strong>la</strong> coopération <strong>internationale</strong><br />
bmi-bild.ch
Table des matières<br />
1. La notion de compétence <strong>interculturelle</strong> _ ________________ 03<br />
1.1 Le concept de culture 03<br />
1.2 Le concept de communication <strong>interculturelle</strong> 04<br />
1.3 La compétence <strong>interculturelle</strong> : des concepts différents d'une<br />
culture à l'autre 05<br />
Compétence<br />
<strong>interculturelle</strong><br />
<strong>dans</strong> <strong>la</strong> coopération<br />
<strong>internationale</strong><br />
2. Les difficultés <strong>interculturelle</strong>s <strong>dans</strong> <strong>la</strong> coopération<br />
<strong>internationale</strong> : quelques exemples concrets _____________ 06<br />
3. La compétence <strong>interculturelle</strong> : une notion complexe<br />
et évolutive _______________________________________ 09<br />
3.1 Developmental Model of Intercultural Sensirivity (DMIS) 09<br />
3.2 Les quatre phases de développement de compétence :<br />
Modéle de William Howell 11<br />
4. Compétence <strong>interculturelle</strong> : quelles spécificités pour <strong>la</strong><br />
coopération <strong>internationale</strong> ___________________________ 14<br />
4.1 Dans les pays de coopération 14<br />
4.2 Au siège 14<br />
4.3 Les consultant-es 15<br />
4.4 L'aide humanitaire 15<br />
Texte<br />
Véronique Schoeffel,<br />
Françoise Gariazzo-Dessiex<br />
Rédaction/Graphisme<br />
Noëmi Wertensch<strong>la</strong>g, Anita Langenegger<br />
Impression<br />
cinfo<br />
Commandes<br />
www.cinfo.ch<br />
5. En conclusion _______________________________________ 16<br />
6. Contributions de cinfo au développement de compétences<br />
<strong>interculturelle</strong>s _______________________________________ 17<br />
7. Références bibliographiques ___________________________ 18<br />
Centre d'information, de<br />
conseil et de formation pour les<br />
professions de <strong>la</strong> coopération<br />
<strong>internationale</strong><br />
© cinfo 10/2011<br />
Rue Centrale 121<br />
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Tél. +41 32 365 80 02<br />
Fax +41 32 365 80 59<br />
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www.cinfo.ch
1. La notion de compétence <strong>interculturelle</strong><br />
Pour Jean-Pierre Cattin, directeur<br />
du Service de l'orientation à l'Office<br />
pour l'orientation, <strong>la</strong> formation professionnelle<br />
et continue (OFPC) à<br />
Genève, <strong>la</strong> compétence, c'est le<br />
« savoir agir en situation ». Cette<br />
courte définition s'applique parfaitement<br />
à <strong>la</strong> compétence <strong>interculturelle</strong>.<br />
Une personne compétente<br />
au niveau interculturel saura adapter<br />
sa manière de communiquer à<br />
<strong>la</strong> culture de son interlocuteur ou<br />
interlocutrice, et saura également<br />
interpréter de manière différente<br />
et différenciée les messages donnés<br />
par les interlocuteurs et interlocutrices<br />
de ces différentes cultures.<br />
P<strong>la</strong>nifier un programme, donner ou<br />
recevoir du feedback, fixer un rendez-vous,<br />
résoudre un conflit ou fixer<br />
des priorités ne se fera donc<br />
pas de manière identique d'une culture<br />
à l'autre, mais en tenant compte<br />
des spécificités de chaque situation.<br />
▪ <strong>la</strong> conscience de l'interaction, et<br />
de ses divers niveaux (valeurs,<br />
non-verbal, styles de communication,<br />
etc…)<br />
Quelques définitions<br />
Une définition, quelle qu'elle soit,<br />
n'est jamais neutre. Tout essai de<br />
définition de compétence <strong>interculturelle</strong><br />
est influencé par l'univers<br />
environnemental, culturel et philosophique<br />
de l'auteur-e.<br />
Arasaratnam et Doerfel nous rappellent<br />
que « l'étude de <strong>la</strong> compétence<br />
en situation <strong>interculturelle</strong><br />
est souvent influencée par <strong>la</strong> définition<br />
de communication <strong>interculturelle</strong><br />
que se donne le chercheur et<br />
par son propre concept de compétence.<br />
» (Deardorff, 2009)<br />
Ainsi, les définitions proposées cidessous<br />
reflètent-elles <strong>la</strong> pensée<br />
et <strong>la</strong> culture de leurs auteurs. Elles<br />
se complètent, et nous emmènent<br />
sur ce difficile chemin semé de paradoxes.<br />
1.1 Le concept de culture<br />
Afin de parler de communication <strong>interculturelle</strong>,<br />
le concept de culture<br />
doit être c<strong>la</strong>rifié.<br />
Le débat est long, parfois houleux,<br />
souvent passionné, lorsqu'il<br />
s'agit de définir ce qu'est <strong>la</strong> culture.<br />
Cet article ne se risquera pas sur<br />
le terrain d'une définition exhaustive,<br />
mais présente ici deux définitions<br />
de culture utiles pour parler<br />
de compétence <strong>interculturelle</strong>.<br />
La métaphore de l'iceberg est fort<br />
utile lorsque l'on parle de culture<br />
<strong>dans</strong> un contexte interculturel.<br />
L'iceberg se compose en effet<br />
d'une partie visible et d'une partie<br />
invisible, infiniment plus grande. La<br />
culture, elle aussi, a des aspects<br />
3<br />
Le vieil adage « Be who you are –<br />
sois qui tu es » ne suffit donc pas<br />
lorsque l'on parle de compétence<br />
<strong>interculturelle</strong>. En effet si « je suis<br />
qui je suis », je fonctionne de manière<br />
toujours simi<strong>la</strong>ire, et donc<br />
avec un grand risque de fonctionnement<br />
inapproprié <strong>dans</strong> de nombreux<br />
contextes culturels.<br />
Par contre « Know who you are –<br />
sache qui tu es » est essentiel. Afin<br />
de pouvoir interagir de manière culturellement<br />
appropriée, il faut en effet<br />
activer de manière compétente<br />
trois niveaux de connaissance :<br />
▪ <strong>la</strong> connaissance de soi, de son<br />
propre fonctionnement et de sa<br />
propre identité culturelle<br />
▪ <strong>la</strong> connaissance de l'autre et de<br />
sa culture (et <strong>la</strong> conscience des<br />
possibles différences)<br />
L'iceberg<br />
cinfo
Si les trois premiers éléments de<br />
cette définition sont c<strong>la</strong>ssiques, le<br />
quatrième point est le plus important<br />
– et le plus exigeant. Il permet<br />
non seulement l'interaction, mais<br />
ouvre <strong>la</strong> porte à une possible compréhension<br />
mutuelle, en dépit des<br />
nombreuses inconnues culturelles.<br />
4<br />
visibles (nourriture, architecture,<br />
<strong>la</strong>ngue, fonctionnement non-verbal,<br />
art, systèmes politiques ou religieux,<br />
(etc) et des aspects invisibles<br />
(valeurs, croyances, normes)<br />
bien plus importants si l'on veut<br />
essayer de comprendre <strong>la</strong> culture.<br />
L'ensemble des aspects visibles et<br />
invisibles et leurs interactions constituent<br />
<strong>la</strong> culture d'une communauté<br />
donnée.<br />
Définition de Janet et Milton<br />
Bennett<br />
J. et M. Bennett définissent <strong>la</strong> culture<br />
comme « L'ensemble des croyances,<br />
valeurs et comportements<br />
appris, partagés et pratiqués par<br />
des groupes de personnes en interaction<br />
» Cette définition met elle<br />
aussi en relief le côté visible (comportement)<br />
et le côté invisible de<br />
l'iceberg (valeurs et croyances).<br />
1.2 Le concept de communication<br />
<strong>interculturelle</strong><br />
Les définitions de culture proposées<br />
ci-dessus influencent bien sûr<br />
les définitions de communication<br />
<strong>interculturelle</strong>.<br />
La métaphore nous rappelle qu'une<br />
interaction <strong>interculturelle</strong> réussie<br />
doit tenir compte des aspects visibles<br />
et invisibles des deux partenaires<br />
en présence. Elle illustre<br />
également que les chocs entre icebergs,<br />
donc entre cultures, ne se situent<br />
pas au-dessus de l'eau, mais<br />
bien au niveau invisible. Les grands<br />
malentendus et enjeux interculturels<br />
se situent effectivement au niveau<br />
des valeurs et des croyances.<br />
Stel<strong>la</strong> Ting-Toomey<br />
Pour Stel<strong>la</strong> Ting Toomey toute expérience<br />
réussie de communication<br />
<strong>interculturelle</strong> doit comprendre<br />
quatre composantes essentielles :<br />
▪ Deux acteurs ou plus (des personnes,<br />
familles, institutions,<br />
pays, etc…)<br />
▪ De cultures différentes (une notion<br />
très <strong>la</strong>rge de culture)<br />
▪ En interaction<br />
▪ Négociant un signifié commun<br />
Janet et Milton Bennett<br />
Janet et Milton Bennett définissent<br />
<strong>la</strong> compétence <strong>interculturelle</strong> comme<br />
: « <strong>la</strong> capacité de communiquer<br />
de manière effective <strong>dans</strong> des situations<br />
multiculturelles, et d'interagir<br />
de manière appropriée <strong>dans</strong> une<br />
variété de cultures différentes. »<br />
Et Janet Bennett d'ajouter :<br />
« Un consensus c<strong>la</strong>ir est en train<br />
d'émerger au sujet de ce qui constitue<br />
<strong>la</strong> compétence <strong>interculturelle</strong> :<br />
un ensemble de capacités et de caractéristiques<br />
cognitives, affectives<br />
et comportementales dont <strong>la</strong> mise<br />
en application permet une interaction<br />
effective et appropriée <strong>dans</strong><br />
une variété de contextes culturels. »<br />
(Janet Bennett, 2008, p.97)<br />
Mark A. Ashwill et Du'o'ng Thi<br />
Hoâng Oanh<br />
Pour Mark A. Ashwill et Du'o'ng Thi<br />
Hoâng Oanh <strong>la</strong> compétence <strong>interculturelle</strong><br />
est généralement vue<br />
comme un ensemble de capacités<br />
permettant à une personne<br />
de fonctionner de manière effective<br />
<strong>dans</strong> un contexte multiculturel<br />
ou (…) <strong>la</strong> capacité de bien travailler<br />
<strong>dans</strong> divers contextes culturels<br />
et avec des personnes d’origines<br />
Le double iceberg<br />
cinfo
5<br />
bmi-bild.ch<br />
différentes. La compétence <strong>interculturelle</strong>,<br />
c'est une manière d'être<br />
aux facettes multiples, qui implique<br />
<strong>la</strong> conscience de l'existence de différences<br />
culturelles, de <strong>la</strong> nature<br />
de ces différences, et de <strong>la</strong> capacité<br />
de mettre en œuvre ce savoir.<br />
En d'autres termes, c'est <strong>la</strong> capacité<br />
de s'adapter à des contextes culturels<br />
différents, l'essence d'un fonctionnement<br />
biculturel.<br />
(Ashwill et Thi Hoâng Oanh, <strong>dans</strong><br />
Deardorff, 2009, p. 143)<br />
1.3 La compétence <strong>interculturelle</strong> :<br />
des concepts différents d'une<br />
culture à l'autre<br />
Si les définitions sont nombreuses<br />
et souvent complémentaires,<br />
<strong>la</strong> plupart d'entre elles sont l'œuvre<br />
de spécialistes occidentaux. Or, le<br />
concept même de compétence <strong>interculturelle</strong>,<br />
loin d'être universel,<br />
est culturel. L'ouvrage « The Sage<br />
Handbook of Intercultural Competence<br />
», édité par Dar<strong>la</strong> Deardorff<br />
nous rappelle que le concept de<br />
compétence <strong>interculturelle</strong>, développé<br />
en Occident, est vécu très différemment<br />
en Afrique, Asie, Amérique<br />
Latine, <strong>dans</strong> les pays Arabes,<br />
en Chine, en Inde ou en Allema gne<br />
par exemple. Ce qui rend une personne<br />
compétente au niveau interculturel<br />
n'est pas <strong>la</strong> même chose<br />
d'une culture à l'autre.<br />
Les exemples suivants, tirés de<br />
l'ouvrage de Deardorff, illustrent<br />
ses propos :<br />
▪ Dans le monde Arabe, <strong>la</strong> compétence<br />
<strong>interculturelle</strong> va de paire<br />
avec le développement de re<strong>la</strong>tions.<br />
« Ce sont les re<strong>la</strong>tions entre<br />
les parties qui donnent sens, relevance<br />
et direction à toute communication<br />
(Zahama).<br />
▪ Nwosu souligne combien, pour<br />
les Africains, l'identité n'est conçue<br />
qu'en interaction avec autrui.<br />
Communiquer avec une personne<br />
implique donc <strong>la</strong> prise en<br />
compte de sa communauté et de<br />
son contexte.<br />
▪ Le concept Andin de « alli kawsay<br />
» (bien vivre) est basé sur<br />
des re<strong>la</strong>tions réciproques, complémentaires<br />
et coopératives.<br />
(Medina Lopez-Portillo et Sinnigen)<br />
▪ Chen et An notent quant à eux<br />
qu'en Chine, <strong>la</strong> compétence<br />
d'un-e leader se mesure à sa capacité<br />
d'établir des re<strong>la</strong>tions harmonieuses.<br />
▪ Au Vietnam, <strong>la</strong> compétence <strong>interculturelle</strong><br />
est importante<br />
pour « mettre à disposition<br />
les compétences nécessaires à<br />
l'établissement de re<strong>la</strong>tions réelles<br />
et interpersonnelles, essentielles<br />
au développement de liens profonds,<br />
mutuellement bénéfiques<br />
et durables d'une culture à l'autre.<br />
(Ashwill et Du'o'ng)
2. Les difficultés <strong>interculturelle</strong>s <strong>dans</strong> <strong>la</strong> coopération <strong>internationale</strong> :<br />
quelques exemples concrets<br />
6<br />
Les exemples ci-dessous, vécus<br />
<strong>dans</strong> divers pays de <strong>la</strong> coopération<br />
<strong>internationale</strong>, illustrent <strong>la</strong> difficulté<br />
de <strong>la</strong> négociation du signifié commun<br />
tel que suggéré ci-dessus par<br />
Stel<strong>la</strong> Ting-Toomey.<br />
Rendez-vous avec des paysans<br />
En Asie centrale, un collègue expatrié,<br />
responsable de projet et travail<strong>la</strong>nt<br />
avec des paysans da <strong>la</strong> région<br />
leur donne rendez-vous un<br />
jour donné, à 14:00 pour une réunion<br />
importante. Son partenaire local<br />
essaie de lui suggérer mais en<br />
vain, qu'un autre jour, ou du moins<br />
une autre heure serait plus approprié.<br />
En effet, à cette saison, les<br />
paysans sont occupés par des travaux<br />
aux champs.<br />
Au jour fixé pour <strong>la</strong> réunion, aucun<br />
paysan n'est là à l'heure. Quelques<br />
épouses sont là pour dire que<br />
leurs maris sont au champ et arrivent<br />
dès qu'ils le peuvent. Elles annoncent<br />
aussi avoir préparé un repas<br />
pour honorer les visiteurs. Le<br />
responsable expatrié s'énerve, se<br />
sent peu respecté, et au bout d'une<br />
heure reprend <strong>la</strong> route, sans avoir<br />
rencontré les paysans ni goûté aux<br />
p<strong>la</strong>ts préparés en son honneur. A<br />
leur retour, les paysans se sentirent<br />
insultés et déshonorés. Ils s'étaient<br />
dépêchés de rentrer des champs.<br />
Ils décidèrent de suspendre <strong>la</strong> col<strong>la</strong>boration.<br />
Il fallut au col<strong>la</strong>borateur<br />
local de longs mois de négociations<br />
pour réparer l'impair, et recommencer<br />
à poser des bases de<br />
travail commun.<br />
Le repas de midi<br />
Dans le cadre d'un suivi de projet<br />
en Asie centrale, une équipe de 6 à<br />
7 personnes passe<br />
une matinée à rencontrer<br />
des paysans<br />
qui participent au<br />
projet, et à dialo guer<br />
avec eux. Pour midi,<br />
l'équipe de 6 à 7 personnes<br />
fut invitée à<br />
manger <strong>dans</strong> le vil<strong>la</strong>ge.<br />
Le responsable<br />
vil<strong>la</strong>geois du<br />
projet avait demandé<br />
à une famille<br />
d'apprêter le repas.<br />
Très vite apparu une<br />
ten sion entre d'une<br />
part l'importance de<br />
l'hospitalité, du repas<br />
partagé et de<br />
l'honneur fait aux<br />
hôtes, et d'autre part<br />
l'importance d'être à<br />
l'heure au prochain<br />
rendez-vous (fixé<br />
pour 14:00, en ville). Les deux priorités<br />
ne pouvant être respectées…<br />
<strong>la</strong>quelle prioriser Les visiteurs expatriés<br />
commencèrent à se montrer<br />
impatients et irrités, affirmant qu'ils<br />
avaient déjà plus qu'assez mangé,<br />
alors que les femmes de <strong>la</strong> maison<br />
continuaient à préparer le p<strong>la</strong>t central<br />
du repas, et que les col<strong>la</strong>borateurs<br />
locaux étaient tiraillés entre<br />
deux chaises, essayant de ménager<br />
<strong>la</strong> chèvre et le chou. Il fut décidé<br />
de ne pas rester pour le der nier<br />
p<strong>la</strong>t, mais d'attendre le p<strong>la</strong>t principal,<br />
afin que l'honneur soit sauf.<br />
En ville, les col<strong>la</strong>borateurs locaux<br />
savaient bien qu'il serait impossible<br />
à l'équipe de revenir pour 14:00.<br />
Ils ne se faisaient pas de souci, et<br />
avaient réalisé d'autres tâches en<br />
attendant.<br />
P<strong>la</strong>nification<br />
« Nous, à Madagascar, nous allons<br />
d'un cyclone au suivant. Comment<br />
voulez-vous que nous p<strong>la</strong>nifions<br />
le long terme Et surtout que<br />
nous nous y tenions Nous sommes<br />
heureux si nous survivons et<br />
pouvons reconstruire notre maison.<br />
Nous n'avons pas <strong>la</strong> sécurité<br />
de vie ni le confort de vos bureaux<br />
en Suisse pour faire toutes ces p<strong>la</strong>nifications.<br />
A cause de ce<strong>la</strong>, nous<br />
avons de nombreux problèmes<br />
avec nos bailleurs. »<br />
Un col<strong>la</strong>borateur Malgache<br />
cinfo / Véronique Schoeffel
tel sort. Elle est liée à notre terre,<br />
notre Pacha Mama. Vous ne pouvez<br />
emporter nos pommes de terre<br />
pour ce<strong>la</strong>. Comment pouvezvous<br />
vouloir enfermer nos pommes<br />
de terre pendant des éternités<br />
<strong>dans</strong> des espaces froids et sombres,<br />
en les arrachant à notre Pacha<br />
Mama !! ».<br />
La première prise de contact<br />
Dans un pays d'Afrique australe,<br />
une jeune col<strong>la</strong>boratrice occidentale<br />
vit son premier jour de travail<br />
<strong>dans</strong> le pays, et avec ses nouveaux<br />
collègues. Après avoir été présentée<br />
par <strong>la</strong> direction, elle passe d'une<br />
personne à l'autre, calepin et stylo<br />
à <strong>la</strong> main, pour établir des contacts<br />
personnels et avoir les premiers<br />
éléments d'information sur ses futur-es<br />
collègues. Les bureaux sont<br />
partagés par plusieurs collègues,<br />
chacun-e entend ce que disent les<br />
autres. La nouvelle arrivée, sûre<br />
d'elle, parle fort en comparaison<br />
des collègues locaux, et pose toute<br />
une série de questions à chacun-e :<br />
nom marié-e âge enfants domicile<br />
religion lieu d'habitation <br />
formation loisirs etc…<br />
Au fur et à mesure l'ambiance se<br />
tend <strong>dans</strong> les bureaux : nombre de<br />
ces informations ne sont pas publiques<br />
<strong>dans</strong> ce pays, et ne se donnent<br />
certainement pas lors du premier<br />
contact. De plus, toute réponse<br />
donnée est entendue par des<br />
collègues à qui on n'en avait peutêtre<br />
pas encore parlé. Les informations<br />
sont livrées de mauvais gré,<br />
ou alors en adaptant un peu <strong>la</strong> vérité.<br />
terres au monde. Dans l'objectif de<br />
connaître ces variétés, et d'en conserver<br />
quelques spécimens <strong>dans</strong><br />
une banque génétique, une équipe<br />
de scientifiques européens visite<br />
de nombreux vil<strong>la</strong>ges andins,<br />
s'entretenant avec les paysannes<br />
et les paysans, leur demandant de<br />
leur présenter les diverses pommes<br />
de terre cultivées, et leurs spécificités.<br />
Tout se passe bien au niveau<br />
de <strong>la</strong> récolte d'information,<br />
immensément riche pour les chercheurs.<br />
Puis vient l'objectif final de<br />
<strong>la</strong> mis sion : emporter quelques spécimens<br />
de chaque sorte afin de<br />
les mettre <strong>dans</strong> une banque génétique<br />
souterraine, en Europe. Cette<br />
demande, si évidente pour les<br />
uns, changea toute l'ambiance, et<br />
se heurta à un refus poli, mais catégorique<br />
et offusqué pour les autres.<br />
« La pomme de terre, elle est<br />
sacrée. C'est comme notre enfant,<br />
nous ne pouvons lui faire subir un<br />
La terre<br />
« Pour nous, paysans andins, <strong>la</strong><br />
terre, c'est notre mère, elle est sacrée.<br />
Nous <strong>la</strong> prions, nous <strong>la</strong> respectons,<br />
nous <strong>la</strong> remercions, nous<br />
ne l'exploitons pas. Pour vous, en<br />
Occident, <strong>la</strong> terre, c'est un instrument<br />
de travail. Ce<strong>la</strong> me déstabilise<br />
et ce<strong>la</strong> me fait peur. »<br />
Une femme Quechua, leader du<br />
Mouvement des Sans Terre (MST),<br />
en Bolivie.<br />
« Pour que le corps puisse être<br />
calme, il faut que <strong>la</strong> tête soit<br />
calme. »<br />
Une col<strong>la</strong>boratrice occidentale est<br />
responsable d'une équipe <strong>dans</strong><br />
un hôpital en Afrique occidentale.<br />
Etant mécontente d'un certain<br />
nombre d'incidents survenus durant<br />
les jours précédents, elle décide<br />
de faire part de sa déception, de<br />
sa frustration, et de ses sentiments<br />
à ses collègues lors de <strong>la</strong> prochaine<br />
réunion. A son insu, le ton est<br />
plus énervé qu'elle ne le pensait,<br />
et les émotions très fortes et expri-<br />
7<br />
La collègue expatriée ne remarque<br />
rien. Elle a collecté de l'information,<br />
pense que cette première journée<br />
s'est bien passée, et qu'elle a établi<br />
les premières bases d'une col<strong>la</strong>boration<br />
bonne et transparente.<br />
Nos pommes de terre ne peuvent<br />
pas être enfermées <strong>dans</strong> vos<br />
chambres froides<br />
La Bolivie est l'un des pays ayant <strong>la</strong><br />
plus grande variété de pommes de<br />
cinfo / Véronique Schoeffel
8<br />
mant beaucoup d'irritation. L'équipe<br />
est paralysée et muette. Chacun<br />
sort de <strong>la</strong> pièce, <strong>la</strong> réunion tourne<br />
court. La collègue se rend compte<br />
de son erreur, mais que faire <br />
Durant les jours suivant, personne<br />
n'en parle, ni elle, ni les membres<br />
de l'équipe, ni le directeur. Un jour,<br />
alors qu'elle est en réunion avec le<br />
directeur, et seule avec lui, ce dernier<br />
lui dit : « Tu sais, Isabelle (nom<br />
fictif), pour que le corps puisse être<br />
calme, il faut que <strong>la</strong> tête soit calme.<br />
» C'est le seul feedback qu'elle<br />
ait jamais eu au sujet de cet incident.<br />
Nourriture<br />
« Au bureau, à l'heure du repas<br />
de midi, quand on a quelque chose<br />
à manger, on le partage toujours<br />
avec les personnes présentes.<br />
Quand nos collègues expatriés<br />
mangent leur repas de midi tout<br />
seuls, et sans partager leur nourriture,<br />
c'est très étrange pour nous.<br />
Nous avons l'impression d'être exclus,<br />
d'être mis à l'écart. On a aussi<br />
l'impression qu'ils ne comprennent<br />
pas notre culture. N'observent-ils<br />
pas notre manière de partager <br />
Ce<strong>la</strong> devrait leur donner l'exemple<br />
à suivre ici. »<br />
Situation entendue en Namibie et<br />
en Bolivie.<br />
bmi-bild.ch<br />
Dans chacun de ces incidents, les<br />
valeurs culturelles des personnes<br />
en interaction sont différentes, les<br />
amenant à percevoir et à prioriser<br />
les choses différemment. Chacune<br />
fonctionne d'une manière cohérente<br />
avec ses propres valeurs, mais<br />
en montrant peu de sensibilité <strong>interculturelle</strong><br />
pour trouver une solution<br />
commune plus appropriée.
3. La compétence <strong>interculturelle</strong> : une notion complexe et évolutive<br />
L'acquisition de compétences <strong>interculturelle</strong>s<br />
permettrait d'éviter bon<br />
nombre des incidents ci-dessus, et<br />
d'accroître l'efficacité de <strong>la</strong> coopération<br />
<strong>internationale</strong>.<br />
L’outil le plus connu est certainement<br />
le DMIS (Developmental Model<br />
of Intercultural Sensitivity) développé<br />
par Janet et Milton Bennett,<br />
et qui suggère six étapes de<br />
tiviste. Les six étapes sont réparties<br />
en deux phases fondamentalement<br />
différentes, l'une appelée « ethnocentrisme<br />
» (étapes un à trois),<br />
l'autre appelée « ethnore<strong>la</strong>tivisme »<br />
(étapes quatre à six) par les Bennett.<br />
Le modèle, présenté sous forme<br />
de continuum, suggère une évolution<br />
et une transformation <strong>dans</strong> <strong>la</strong><br />
re<strong>la</strong>tion à <strong>la</strong> différence culturelle et<br />
à <strong>la</strong> complexité de l'interaction in-<br />
férence culturelle (apartheid). A cette<br />
phase les personnes se limitent<br />
généralement à des stéréo types<br />
assez primaires pour parler des autres.<br />
« J'étais au Japon…ils ont tous<br />
les yeux bridés. » ou « J'étais à Nairobi,<br />
c'est comme chez nous, une<br />
grande ville moderne. »<br />
Etape 2 : Défensive<br />
A cette étape, l'on réalise que<br />
9<br />
Development Model of Intercultural Sensitivity (DMIS)<br />
de Janet et Milton Bennett<br />
Phase ethnocentrée<br />
Phase ethnore<strong>la</strong>tive<br />
Déni Défensive Minimisation Acceptation Adaptation Intégration<br />
Traduit par cinfo<br />
cinfo<br />
développement de compétence par<br />
rapport à <strong>la</strong> différence culturelle.<br />
L'outil de William Howell, propose<br />
quatre étapes de développement<br />
de compétence <strong>interculturelle</strong>. Si<br />
l'outil est moins complexe, il présente<br />
néanmoins un grand intérêt<br />
pédagogique, lorsqu'il s'agit de repérer<br />
et d'accompagner le développement<br />
de ces compétences, ou de<br />
sélectionner du personnel avec un<br />
niveau de compétence <strong>interculturelle</strong><br />
donné.<br />
3.1 Developmental Model of<br />
Intercultural Sensitivity (DMIS)<br />
L'outil de Janet et Milton Bennett<br />
s'inspire d'une approche construc-<br />
terculturelle. Dans les trois premières<br />
étapes, les personnes cherchent<br />
plutôt à éviter <strong>la</strong> différence<br />
culturelle, et ont des catégories<br />
très simples pour parler de culture<br />
et d'interaction <strong>interculturelle</strong>. Au<br />
fur et à mesure du développement<br />
des compétences <strong>interculturelle</strong>s,<br />
l'intérêt pour <strong>la</strong> différence croît, tout<br />
comme <strong>la</strong> complexité des catégories<br />
d'observation et d'interaction.<br />
Etape 1 : Déni<br />
Pour les personnes qui se situent<br />
à cette étape, l'autre n'existe pas<br />
comme être culturel complexe<br />
et intéressant. Les raisons peuvent<br />
va rier : aucune expérience<br />
d'interaction avec <strong>la</strong> différence culturelle,<br />
ou décision d'ignorer <strong>la</strong> dif-<br />
l'autre existe, avec sa culture. Cette<br />
culture est un danger potentiel<br />
pour <strong>la</strong> mienne si je ne m'en protège<br />
pas. Soit je <strong>la</strong> considère alors<br />
comme inférieure à <strong>la</strong> mienne (des<br />
rustres, ils oppriment les femmes,<br />
pas civilisés), soit je considère <strong>la</strong><br />
mienne comme supérieure (notre<br />
culture est plus sophistiquée, respectueuse,<br />
etc..). Il y a aussi <strong>dans</strong><br />
cette étape un phénomène très<br />
connu <strong>dans</strong> <strong>la</strong> coopération <strong>internationale</strong>,<br />
lorsque le personnel expatrié<br />
considère parfois <strong>la</strong> culture du<br />
lieu d'engagement comme supérieure<br />
à leur propre culture. Bennett<br />
nomme ce fonctionnement « reversal<br />
», leur culture est supérieure à<br />
<strong>la</strong> mienne (« Ah, les Bhoutanais, ils<br />
ont tout compris de <strong>la</strong> spiritualité »,
10<br />
ou « La vie communautaire au Mali<br />
est tellement plus humaine que notre<br />
individualisme »).<br />
Que ce soit en défensive ou en « reversal<br />
», l'une des deux cultures est<br />
toujours perçue comme supérieure<br />
à l'autre.<br />
Etape 3 : Minimisation<br />
A cette étape, l'on ne considère<br />
plus <strong>la</strong> culture de l'autre comme<br />
une menace. A l'étape 3 du DMIS,<br />
on se voit comme tous semb<strong>la</strong>bles,<br />
les différences ne sont que de surface,<br />
au fonds nous sommes tous<br />
les mêmes. C'est l'étape où l'on minimise<br />
et ignore les différences, et<br />
où l'on préfère parler de ce qui est<br />
simi<strong>la</strong>ire. Une phase cependant où<br />
les personnes sont si heureuses de<br />
se sentir en lien avec tous les autres,<br />
qu'elles oublient de se poser <strong>la</strong><br />
question cruciale : « nous sommes<br />
tous les mêmes que qui… » et <strong>la</strong><br />
réponse est « tous les mêmes que<br />
…moi ». Je suis encore du côté ethnocentré,<br />
et me vois encore comme<br />
point de référence culturel.<br />
Entre les étapes 3 et 4, <strong>la</strong> personne<br />
vit des expériences qui lui montrent<br />
que les différences ne sont<br />
pas seulement de surface, mais<br />
sont bien réelles et profondes. Elle<br />
peut alors retourner à l'étape 2 ou<br />
avancer vers l'étape 4, et donc passer<br />
<strong>dans</strong> <strong>la</strong> phase ethnore<strong>la</strong>tive du<br />
modèle.<br />
Etape 4 : Acceptation<br />
A cette étape, <strong>la</strong> personne est entrée<br />
<strong>dans</strong> une perspective ethnore<strong>la</strong>tive,<br />
et se rend compte que sa<br />
propre culture n'est ni le centre du<br />
monde, ni <strong>la</strong> seule et meilleure référence.<br />
L'étape 4 est caractérisée<br />
par un intérêt pour les autres cultures,<br />
une soif de savoir et de compréhension<br />
de fonctionnements<br />
culturels différents.<br />
Etape 5 : Adaptation<br />
Si lors de l'étape 4 <strong>la</strong> personne est<br />
intéressée par le savoir sur les cultures,<br />
à l'étape 5 elle aura envie de<br />
commencer à interagir de manière<br />
appropriée, de mettre en œuvre le<br />
savoir acquis. L'étape 5 est celle de<br />
<strong>la</strong> mise en application des savoirs<br />
et du développement des compétences<br />
<strong>interculturelle</strong>s. La personne<br />
sait fonctionner différemment et<br />
de manière appropriée <strong>dans</strong> une diversité<br />
de contextes. Sa palette de<br />
compétences <strong>interculturelle</strong>s s’est<br />
é<strong>la</strong>rgie.<br />
Etape 6 : Intégration<br />
A force d'interagir de manière différenciée<br />
avec des personnes de<br />
cultures différentes, l'identité culturelle<br />
de <strong>la</strong> personne se transforme.<br />
Petit à petit, l'on intègre en soi des<br />
éléments de cultures différentes, et<br />
l'on développe une identité multiculturelle,<br />
avec toute sa richesse et<br />
son ouverture, mais aussi ses souffrances<br />
et ses défis. L'intégration<br />
de diverses cultures en soi permet<br />
de se mettre <strong>dans</strong> <strong>la</strong> perspective<br />
de cultures différentes, et de comprendre<br />
une situation selon diverses<br />
facettes.<br />
Exemple<br />
Exemples de réponses différentes<br />
données selon l'étape du DMIS à<br />
<strong>la</strong> question « Avez-vous découvert<br />
des spécialités gastronomiques<br />
pendant vos vacances <strong>dans</strong> le pays<br />
X »<br />
Déni : « Pendant nos vacances, on<br />
a toujours mangé <strong>dans</strong> des supers<br />
bons restaurants au standing international,<br />
on peut manger là-bas<br />
comme chez nous, pas de différence.<br />
»<br />
Défensive : « Ces gens ne savent<br />
pas bien cuisiner, notre cuisine est<br />
bien plus fine et plus riche que <strong>la</strong><br />
leur. »<br />
Minimisation : « On a tous besoin<br />
de manger, et on a tous des spécialités<br />
locales. Quand j'aimais, je<br />
mangeais, quand je n'aimais pas, je<br />
ne mangeais pas. »<br />
Acceptation : « On a découvert<br />
plein de choses intéressantes au<br />
marché, on a de superbes photos,<br />
et on a goûté à plein de choses<br />
nouvelles. C'est tellement fascinant<br />
de voir <strong>la</strong> différence et <strong>la</strong><br />
richesse gastronomique d'une culture<br />
à l'autre. »<br />
Adaptation : « On a été invités à<br />
un mariage, et nous avons dégusté<br />
des p<strong>la</strong>ts typiquement préparés<br />
pour cette occasion. Non seulement,<br />
les p<strong>la</strong>ts étaient réservés<br />
à cette occasion, mais en plus,<br />
le partage suivait des règles très<br />
c<strong>la</strong>ires. C'était fascinant, et un vrai<br />
défi d'essayer de se comporter de<br />
manière appropriée, et de manger<br />
de manière culturellement appropriée.<br />
Quand j'avais du mal avec un
p<strong>la</strong>t, j'en prenais seulement un peu,<br />
pour honorer nos hôtes et participer<br />
à <strong>la</strong> fête. »<br />
Intégration : « De par nos interactions<br />
avec des personnes de cultures<br />
différentes, nous avons appris<br />
à apprécier des p<strong>la</strong>ts et des goûts<br />
très différents. Lors de nos vacances,<br />
nous avons pu savourer cette<br />
richesse, avec toute sa dimension<br />
culturelle et sociale, et non seulement<br />
culinaire. »<br />
Intérêt du modèle <strong>dans</strong> <strong>la</strong><br />
coopération <strong>internationale</strong><br />
Le DMIS est intéressant pour <strong>la</strong><br />
coopération <strong>internationale</strong> à divers<br />
niveaux :<br />
Pour le recrutement :<br />
▪ Le modèle donne aux organisations<br />
une structure d'analyse<br />
et de réflexion leur permettant<br />
d'identifier le niveau de compétence<br />
<strong>interculturelle</strong> dont elles<br />
veulent se doter<br />
▪ Il permet aussi à l'organisation de<br />
c<strong>la</strong>rifier le niveau de compétence<br />
Pour <strong>la</strong> formation :<br />
▪ Le DMIS permet aux formatrices<br />
et formateurs d'adapter le contenu<br />
d'un cours au niveau de compétence<br />
<strong>interculturelle</strong> des participant-e-s<br />
▪ Il permet aussi d'adapter <strong>la</strong> méthodologie<br />
au niveau des participant-e-s<br />
▪ Le modèle permet d'identifier le<br />
niveau approprié de suivi et de<br />
soutien pour les personnes se<br />
préparant à un engagement à<br />
l'étranger<br />
▪ De nombreuses personnes faisant<br />
carrière <strong>dans</strong> <strong>la</strong> coopération<br />
<strong>internationale</strong> développent une<br />
identité multiculturelle, souvent<br />
mal vécue et mal gérée, par manque<br />
de reconnaissance et de validation<br />
par autrui, et d'outils pour<br />
parler des enjeux spécifiques<br />
d'une telle identité. Des formations<br />
spécifiques développées<br />
pour des personnes se situant à<br />
l'étape 6 peuvent leur permettre<br />
de retrouver une appartenance,<br />
une plus grande c<strong>la</strong>rté, et <strong>la</strong> paix<br />
en ce qui concerne leur identité<br />
culturelle.<br />
faux pas en situation <strong>interculturelle</strong>.<br />
Elle dit des choses inappropriées<br />
sans s'en rendre compte, ne<br />
comprend pas les messages qui lui<br />
sont adressés, et ne comprend pas<br />
<strong>la</strong> culture <strong>dans</strong> <strong>la</strong>quelle elle travaille…<br />
mais ne s'en rend pas compte.<br />
Elle part du principe que tous<br />
les humains sont fondamentalement<br />
semb<strong>la</strong>bles, et ne voit pas si<br />
elle fait des erreurs. Elle fait confiance<br />
à sa perception des choses,<br />
aux mots qu'on lui dit, et à son interprétation<br />
de ce qu'elle voit ou entend.<br />
Elle s'exprime et écoute comme<br />
elle l'a toujours fait, sans imaginer<br />
que l'autre pourrait énoncer<br />
ou comprendre les choses différemment.<br />
L'idée de se former <strong>dans</strong><br />
l'interculturel paraît inutile et une<br />
perte de temps.<br />
Incompétence consciente<br />
A cette phase, <strong>la</strong> personne se rend<br />
compte des défis de <strong>la</strong> communication<br />
<strong>interculturelle</strong>, et de l'intérêt<br />
de développer des savoirs et des<br />
compétences <strong>dans</strong> ce domaine.<br />
Elle est consciente de ses propres<br />
limites en cette matière, se rend<br />
11<br />
Modèle de William Howell<br />
Incompétence<br />
inconsciente<br />
Incompétence<br />
consciente<br />
Compétence<br />
consciente<br />
Compétence<br />
inconsciente<br />
Traduit par cinfo<br />
cinfo<br />
<strong>interculturelle</strong> pour des fonctions<br />
spécifiques<br />
▪ Il donne aux spécialistes du recrutement<br />
une orientation très<br />
utile sur le niveau de compétence<br />
<strong>interculturelle</strong> des personnes<br />
avec lesquelles ils dialoguent lors<br />
d'un processus d'engagement<br />
▪ Il illustre les compétences <strong>interculturelle</strong>s<br />
dont doit faire preuve<br />
un-e spécialiste qui recrute des<br />
personnes de cultures différentes.<br />
3.2 Les quatre phases de<br />
développement de compétence :<br />
Modèle de William Howell<br />
Si le DMIS se centre sur <strong>la</strong> perception<br />
de l’autre et de <strong>la</strong> différence, le<br />
modèle de Howell se centre sur les<br />
étapes de développement de compétences<br />
<strong>dans</strong> cette interaction.<br />
Incompétence inconsciente<br />
A ce stade, une personne n'est pas<br />
consciente des enjeux interculturels,<br />
de <strong>la</strong> notion de compétence<br />
<strong>interculturelle</strong>, ni de ses propres<br />
compte que les choses ne sont<br />
pas aussi simples qu'elle le croyait.<br />
Elle réalise qu'elle ne sait pas toujours<br />
s'exprimer de <strong>la</strong> manière <strong>la</strong><br />
plus appropriée, ni décoder les divers<br />
messages qu'elle reçoit. Elle<br />
ne comprend pas assez <strong>la</strong> culture<br />
<strong>dans</strong> <strong>la</strong>quelle elle travaille pour<br />
pouvoir y fonctionner de manière<br />
constructive. Ce<strong>la</strong> <strong>la</strong> déstabilise et<br />
<strong>la</strong> préoccupe.<br />
Elle sait qu'elle doit acquérir du savoir<br />
et développer des compéten-
12<br />
ces, et est prête à faire l'effort nécessaire.<br />
Compétence consciente<br />
A cette étape, <strong>la</strong> personne est capable<br />
d'analyser les enjeux interculturels<br />
<strong>dans</strong> les interactions avec<br />
ses divers partenaires, et sait tenir<br />
compte de leur culture <strong>dans</strong> sa manière<br />
de s'exprimer et d'interpréter<br />
leurs messages. Mais ce<strong>la</strong> exige<br />
une attention constante, des hésitations<br />
et une préparation précise<br />
et consciente.<br />
La personne est peut-être <strong>dans</strong><br />
une situation où elle connaît bien<br />
les enjeux transversaux de <strong>la</strong> communication<br />
<strong>interculturelle</strong>, mais pas<br />
<strong>la</strong> culture spécifique <strong>dans</strong> <strong>la</strong>quelle<br />
elle se situe. Comment choisir<br />
le style de communication approprié,<br />
au niveau verbal et non-verbal<br />
Comment tenir compte de manière<br />
judicieuse des orientations de<br />
valeurs culturelles <br />
Compétence inconsciente<br />
A ce stade, <strong>la</strong> bonne maîtrise de<br />
l'essentiel des enjeux interculturels<br />
permet à <strong>la</strong> personne de repérer<br />
immédiatement ce à quoi elle doit<br />
prêter attention. Elle est capa ble<br />
d'adapter son fonctionnement de<br />
manière quasi-automatique et appropriée.<br />
Dans les cultures qu'elle<br />
connaît en profondeur, elle sait se<br />
mouvoir de manière appropriée.<br />
Lorsqu'elle travaille <strong>dans</strong> des pays<br />
ou cultures moins bien connues,<br />
l'automatisme doit être mis en veilleuse<br />
le temps de connaître suffisamment<br />
<strong>la</strong> culture. A ce stade, <strong>la</strong><br />
personne a le potentiel de transmettre<br />
les compétences à autrui,<br />
de devenir formatrice ou formateur.<br />
Exemple<br />
Exemple de fonctionnement différent<br />
selon les étapes du modèle<br />
de Howell, <strong>dans</strong> <strong>la</strong> situation suivante<br />
: « Au Pakistan, une équipe<br />
composée de deux col<strong>la</strong>borateurs<br />
et deux col<strong>la</strong>boratrices occidentaux<br />
rencontre un Imam, afin de décider<br />
ensemble de <strong>la</strong> construction<br />
d'une école <strong>dans</strong> le vil<strong>la</strong>ge. Seule<br />
l'une des femmes parle <strong>la</strong> <strong>la</strong>ngue<br />
de l'Imam ».<br />
Incompétence inconsciente<br />
« L'équipe désigne <strong>la</strong> femme comme<br />
interlocutrice de l'Imam, car elle<br />
est <strong>la</strong> seule à parler <strong>la</strong> <strong>la</strong>ngue. Elle<br />
ne se pose aucune autre question.<br />
»<br />
Incompétence consciente<br />
« L'équipe se doute bien que les re<strong>la</strong>tions<br />
avec un dignitaire is<strong>la</strong>mique<br />
sont formelles et doivent respecter<br />
un protocole, mais elle n'a pas eu le<br />
temps de s'y préparer, et va essayer<br />
de ne pas faire trop de faux pas.<br />
Elle se rendra compte à postériori<br />
des erreurs commises. »<br />
Compétence consciente<br />
«L'équipe se réunit, discute et<br />
décide de <strong>la</strong> meilleure manière<br />
d'aborder <strong>la</strong> rencontre avec<br />
l'Imam : Qui sera l'interlocuteur/trice<br />
La femme qui parle <strong>la</strong> <strong>la</strong>ngue <br />
(compétence linguistique mise<br />
en avant) ; l'homme au statut le<br />
plus élevé, avec l'aide de <strong>la</strong> collègue<br />
comme traductrice (dimensions<br />
hiérarchique et genre mises<br />
en avant) ; faut-il se faire accompagner<br />
d'un collègue local avec un<br />
rang hiérarchique élevé, et lui confier<br />
le rôle d’interlocuteur (compétence<br />
culturelle mise en avant.) »<br />
Compétence inconsciente<br />
« L'équipe sait que le partenaire<br />
de dialogue de l'Imam doit être<br />
d'un statut qui honore ce dernier,<br />
et choisira une telle personne pour<br />
mener le dialogue. »<br />
Intérêt du modèle <strong>dans</strong> <strong>la</strong><br />
coopération <strong>internationale</strong><br />
Le modèle de Howell est intéressant<br />
pour <strong>la</strong> coopération <strong>internationale</strong><br />
à divers niveaux :<br />
Pour le recrutement :<br />
▪ Le modèle alerte les recruteurs<br />
du danger de recruter du personnel<br />
qui se situe à l’étape un, c'està-dire<br />
des personnes qui ne sont<br />
pas conscientes de leur incompétence<br />
<strong>interculturelle</strong>.<br />
▪ Il donne aux organisations une<br />
structure d'analyse et de réfle xion<br />
leur permettant d'identifier le niveau<br />
de compétence <strong>interculturelle</strong><br />
dont elles veulent se doter.<br />
▪ Il permet aussi à l'organisation de<br />
c<strong>la</strong>rifier le niveau de compétence<br />
<strong>interculturelle</strong> pour des fonctions<br />
spécifiques.<br />
▪ Il faut du temps, de l'expérience<br />
et de <strong>la</strong> réflexion pour arriver au<br />
niveau de compétence automatisée,<br />
inconsciente. Malheureusement,<br />
les missions de plus en<br />
plus courtes permettent de plus<br />
en plus rarement d'arriver au niveau<br />
quatre.<br />
▪ Les engagements à l'étranger<br />
étant de plus en plus courts, il<br />
faudrait recruter du personnel<br />
ayant déjà des compétences <strong>interculturelle</strong>s<br />
élevées (au moins<br />
niveau trois).
Pour <strong>la</strong> formation :<br />
▪ Le modèle rappelle que les personnes<br />
feront seulement l'effort<br />
de développer de nouvelles compétences<br />
si elles sont conscientes<br />
de leur manque de compétence<br />
<strong>dans</strong> ce domaine.<br />
▪ Les formations à l'interculturel doivent<br />
respecter le niveau de compétence<br />
présent <strong>dans</strong> le groupe.<br />
Pour Howell, de nombreuses formations<br />
échouent, car les formateurs<br />
assument que les participant-e-s<br />
sont au moins à l'étape<br />
deux, et ils les forment pour arriver<br />
vers trois. Or, de nombreux<br />
participants sont en fait à l'étape<br />
un, et doivent d'abord être intéressés<br />
à l'interaction <strong>interculturelle</strong>,<br />
à son importance, avant de<br />
vouloir y développer des compétences.<br />
▪ La pratique des compétences est<br />
essentielle pour les intérioriser et<br />
les automatiser, sinon le risque<br />
de régression est réel. Formation<br />
continue et analyse des expériences<br />
permettent d'éviter ce piège.<br />
Il est cependant possible de régresser<br />
de l'étape quatre à trois,<br />
ou de trois à deux. Dans ce cas, le<br />
travail conscient d'apprentissage<br />
et de pratique doit être refait, pour<br />
accéder au niveau d'avant.<br />
▪ Au niveau trois, les personnes<br />
ont besoin de possibilités d'interaction<br />
complexes, et d'un système<br />
d'accompagnement pour ancrer<br />
leur apprentissage.<br />
▪ Le danger inhérent à <strong>la</strong> phase<br />
quatre est de se reposer sur ses<br />
<strong>la</strong>uriers, et d'arrêter de se former,<br />
restant sur des modèles et des<br />
fonctionnements certes automatisés,<br />
mais rapidement dépassés<br />
si l'on n'y prend garde.<br />
cinfo / Marcel Kaufmann<br />
13
4. Compétence <strong>interculturelle</strong> : quelles spécificités pour <strong>la</strong><br />
coopération <strong>internationale</strong> <br />
14<br />
La coopération <strong>internationale</strong> est<br />
au service de peuples de cultures<br />
différentes. De ce fait <strong>la</strong> communication<br />
<strong>interculturelle</strong> est le<br />
pain quotidien de <strong>la</strong> plupart de ses<br />
acteurs, <strong>dans</strong> les pays de coopération<br />
d'une part, lorsque les partenaires<br />
locaux et expatriés essaient<br />
de se comprendre afin de pouvoir<br />
col<strong>la</strong>borer, ou entre le siège et<br />
les bureaux des partenaires locaux<br />
d'autre part, lorsque les échanges<br />
téléphoniques ou par e-mail sont<br />
parfois chargés de mystères difficilement<br />
décodables.<br />
4.1 Dans les pays de coopération<br />
Dans les pays de coopération, les<br />
équipes multiculturelles font face<br />
à de nombreux défis interculturels<br />
avant de pouvoir fonctionner de<br />
manière optimale :<br />
▪ L'intégration des partenaires expatrié-es<br />
:<br />
▫ Ils sont souvent à <strong>la</strong> recherche<br />
du difficile équilibre entre le besoin<br />
de fonctionner rapidement,<br />
<strong>la</strong> méconnaissance initiale de<br />
<strong>la</strong> culture d'accueil, et des compétences<br />
<strong>interculturelle</strong>s souvent<br />
insuffisantes pour bien gérer<br />
ces phases d'intégration.<br />
▫ Le processus de choc culturel<br />
est fréquent. Durant cette<br />
pério de, l'on est en général peu<br />
ouvert à l'apprentissage de <strong>la</strong><br />
culture et au développement de<br />
compétences <strong>interculturelle</strong>s.<br />
▫ Pour de nombreux jeunes expatriés,<br />
les missions à l'étranger<br />
sont souvent <strong>la</strong> première expérience<br />
de confrontation à une<br />
grande pauvreté matérielle, ce<br />
qui constitue un facteur déstabilisant<br />
supplémentaire. Devant<br />
<strong>la</strong> pauvreté, et avec des mandats<br />
de courte durée, <strong>la</strong> tentation<br />
est grande de vouloir agir<br />
vite, selon des recettes connues<br />
(de chez soi), plutôt que<br />
d'essayer de comprendre et<br />
d'avancer avec les personnes<br />
du pays hôte.<br />
▪ Dans <strong>la</strong> coopération <strong>internationale</strong>,<br />
les bonnes intentions de<br />
départ (solidarité, générosité,…)<br />
sont souvent accompagnées<br />
d'une attente de confiance immédiate<br />
de <strong>la</strong> part des partenaires<br />
locaux. La désillusion peut être<br />
grande lorsqu'on se rend compte<br />
que, même <strong>dans</strong> <strong>la</strong> coopéra tion<br />
<strong>internationale</strong>, <strong>la</strong> confiance se gagne<br />
et se construit petit à petit.<br />
▪ Le déséquilibre en terme de savoir<br />
et de pouvoir peut créer des<br />
tensions au sein de l'équipe. Les<br />
expatrié-es sont souvent hautement<br />
qualifié-es <strong>dans</strong> leur domaine,<br />
mais peu compétent-es <strong>dans</strong><br />
<strong>la</strong> culture d'accueil. Leur savoir<br />
doit se connecter au savoir et aux<br />
compétences locales, qui existent<br />
bien, eux aussi.<br />
▪ Les durées d'engagement :<br />
▫ Elles sont de plus en plus courtes,<br />
et rendent impossible une<br />
véritable connaissance de <strong>la</strong><br />
culture hôte, base de projets<br />
durables.<br />
▫ Ces durées d'engagement de<br />
plus en plus courtes sont souvent<br />
assorties d'une pression<br />
de résultat de plus en plus forte…<br />
ce qui est paradoxal. En effet,<br />
<strong>la</strong> connaissance de <strong>la</strong> culture,<br />
nécessaire à <strong>la</strong> durabilité<br />
des projets et à l'efficacité de<br />
l'engagement, est impossible<br />
<strong>dans</strong> ces conditions.<br />
▪ La plupart des outils de gestion,<br />
de p<strong>la</strong>nification, de suivi, etc. sont<br />
développés au « Nord » et basés<br />
sur les cultures du « Nord ». Comment<br />
les utiliser avec des gens<br />
du « Sud » ayant une culture du<br />
« Sud » <br />
4.2 Au siège<br />
Au siège aussi, <strong>la</strong> communication<br />
<strong>interculturelle</strong> fait partie de <strong>la</strong> pratique<br />
quotidienne :<br />
▪ Au siège, <strong>la</strong> communication avec<br />
le « terrain » passe par <strong>la</strong> communication<br />
virtuelle : e-mail, téléphone,<br />
skype, et les réseaux sociaux.<br />
Si les outils sont les mêmes, les<br />
normes d'utilisation de ces outils<br />
sont bien différentes d'une culture<br />
à l'autre. Faut-il être surtout synthétique<br />
ou détaillé Orienté sur<br />
le contenu, ou sur le re<strong>la</strong>tionnel <br />
▪ Souvent, les priorités et les urgences<br />
sont bien différentes au<br />
siège et sur le terrain : les uns<br />
(siège) ont absolument besoin<br />
d'un rapport ou d'une réponse<br />
urgente, alors que les autres ont<br />
peut-être des urgences du terrain<br />
de toute autre nature.<br />
▪ Les besoins administratifs ne<br />
cessent de se développer au<br />
Nord, et sont perçus au Sud comme<br />
du temps « volé » au travail<br />
de coopération sur le terrain. Les<br />
prio rités sont très différentes.<br />
▪ Dans les organisations <strong>internationale</strong>s,<br />
le personnel vient de cultures<br />
très diverses, et chacun-e a<br />
sa manière de voir les priorités,<br />
les rôles et les processus.<br />
▪ La coopération <strong>internationale</strong> subit<br />
des pressions politiques et financières<br />
de plus en plus fortes,<br />
amenant des réductions budgétaires<br />
et l'obligation d'abandonner
certains projets. Ces décisions<br />
sont souvent difficiles à communiquer<br />
sur le terrain de manière<br />
appropriée.<br />
4.3 Les consultant-es<br />
Les consultant-e-s sont une catégorie<br />
professionnelle nombreuse et<br />
importante <strong>dans</strong> <strong>la</strong> coopération <strong>internationale</strong><br />
:<br />
▪ Si les processus d'intégration ne<br />
sont pas un enjeu pour eux, ils/<br />
elles doivent faire face à d'autres<br />
défis interculturels. Comment<br />
comprendre suffisamment <strong>la</strong><br />
complexité du contexte en étant<br />
sur p<strong>la</strong>ce quelques jours seulement,<br />
et rédiger des rapports respectueux<br />
de cette complexité <br />
Au « Sud », on entend souvent<br />
« ces consultant-e-s viennent,<br />
écrivent des rapports, nous évaluent,<br />
mais ne nous comprennent<br />
pas ».<br />
▪ Les consultant-e-s connaissentils<br />
les principales dimensions <strong>interculturelle</strong>s<br />
auxquelles il faut<br />
être attentif lors de leurs séjours <br />
Savent-ils par exemple décoder<br />
les messages indirects, limiter<br />
leurs interventions directes, gérer<br />
le temps de manières diverses<br />
Peuvent-ils intégrer <strong>dans</strong><br />
leur agenda du temps re<strong>la</strong>tionnel,<br />
pour honorer l'hospitalité de leurs<br />
hôtes <br />
4.4 L'aide humanitaire<br />
L'aide humanitaire comprend elle<br />
aussi toute une série de défis interculturels<br />
spécifiques à <strong>la</strong> nature de<br />
son travail :<br />
▪ Un travail <strong>dans</strong> des conditions<br />
souvent très précaires et stressantes,<br />
peu propices au développement<br />
de compétences <strong>interculturelle</strong>s.<br />
▪ Des conditions d'hébergement<br />
souvent déconnectées du reste<br />
de <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion.<br />
▪ Des équipes très multiculturelles,<br />
ayant souvent des manières<br />
très différentes de voir le travail,<br />
les hiérarchies, les priorités, et<br />
devant se coordonner pour des<br />
tâches complexes.<br />
▪ Un roulement très élevé du personnel,<br />
ayant comme conséquence<br />
que les équipes sont en<br />
formation constante, et que les<br />
partenaires locaux doivent constamment<br />
s'habituer à de nouveaux<br />
collègues.<br />
15<br />
cinfo / Véronique Schoeffel
5. En conclusion<br />
16<br />
Les questions sont nombreuses,<br />
et les réponses toujours situationnelles.<br />
Que l'on travaille <strong>dans</strong><br />
l'humanitaire ou <strong>dans</strong> le long terme,<br />
au siège ou sur le terrain, comme<br />
consultant ou comme expatriée,<br />
l'acquisition d'un bagage minimal<br />
de savoir sur les enjeux de <strong>la</strong> communication<br />
<strong>interculturelle</strong> et sur ses<br />
dimensions-clé permettent d'agir<br />
de manière plus compétente et plus<br />
durable avec nos partenaires.<br />
Le fait d'être généreux et compétent<br />
<strong>dans</strong> son domaine n'est pas<br />
suffisant pour effectuer un travail<br />
durable <strong>dans</strong> un contexte international<br />
et donc interculturel. La compétence<br />
<strong>interculturelle</strong> fait <strong>la</strong> différence,<br />
et, comme toute autre compétence,<br />
elle peut s'acquérir. cinfo<br />
et de nombreux autres instituts de<br />
formation offrent de nombreux services<br />
<strong>dans</strong> ce sens.<br />
Les recherches coordonnées par<br />
Dar<strong>la</strong> Deardorff et citées ci-dessus<br />
suggèrent qu'un-e coopérant-e<br />
compétente doit savoir mettre en<br />
œuvre sa connaissance de soi, de<br />
<strong>la</strong> culture locale et des dimensions<br />
<strong>interculturelle</strong>s appropriées à chaque<br />
situation. Janet Bennett ajouterait<br />
que <strong>la</strong> capacité d'empathie et<br />
de gestion de l'anxiété contribuent<br />
de manière significative à <strong>la</strong> qualité<br />
de l'interaction <strong>interculturelle</strong> et à<br />
l'établissement de liens.<br />
(Deardorff, 2009, p. 131-132)<br />
Ce document a réfléchi à<br />
l'importance de <strong>la</strong> communica tion<br />
<strong>interculturelle</strong> <strong>dans</strong> un contexte de<br />
coopération <strong>internationale</strong>. Mais en<br />
fait, pour Dar<strong>la</strong> Deardorff l'enjeu est<br />
bien plus vaste : il s'agit d'un enjeu<br />
de survie : « Cette recherche de <strong>la</strong><br />
compétence <strong>interculturelle</strong> souligne<br />
l'exigence d'un profond respect<br />
et d'une grande humilité lorsque<br />
nous interagissons les un-e-s avec<br />
les autres. Il s'agit de véritablement<br />
s'apprécier les un-e-s les autres, et<br />
d'établir des ponts au-delà des différences,<br />
grâce à l'établissement<br />
de re<strong>la</strong>tions. En conclusion, <strong>la</strong> compétence<br />
<strong>interculturelle</strong>, c'est notre<br />
manière d'interagir les un-e-s<br />
avec les autres. Finalement, il y va<br />
de notre survie comme espèce humaine,<br />
lorsque nous col<strong>la</strong>borons<br />
pour gérer les défis globaux auxquels<br />
nous devons faire face. »<br />
(Dar<strong>la</strong> Deardorff, 2009, p. 269)<br />
Traduit par cinfo.
6. Contributions de cinfo au développement de compétences<br />
<strong>interculturelle</strong>s<br />
cinfo met ses compétences <strong>interculturelle</strong>s<br />
à disposition de <strong>la</strong> coopération<br />
<strong>internationale</strong>, en offrant :<br />
▪ Des cours et formations sur<br />
l'interculturel en Suisse, <strong>dans</strong><br />
le cadre de son propre programme<br />
de cours, ou auprès<br />
d'organisations partenaires.<br />
▪ Des cours et formations sur<br />
l'interculturel sur le terrain, aux<br />
équipes multiculturelles qui travaillent<br />
ensemble.<br />
▪ Du conseil et du coaching aux<br />
institutions souhaitant développer<br />
leurs propres compétences<br />
<strong>interculturelle</strong>s au sein de<br />
l'organisation.<br />
▪ Du matériel pédagogique spécialisé<br />
<strong>dans</strong> l'interface entre <strong>la</strong> coopération<br />
<strong>internationale</strong> et <strong>la</strong> communication<br />
<strong>interculturelle</strong>.<br />
Collection d'études de cas<br />
▪ Volume 1<br />
▪ Volume 2<br />
▪ Volume 3 (début 2012)<br />
Articles<br />
▪ Méthodes participatives et enjeux interculturels<br />
(Véronique Schoeffel et Sylvie Roman)<br />
▪ When deep commitment leads to deep conflict – or why cultural<br />
fluency is essential in international cooperation (Michelle LeBaron)<br />
▪ La prise de Constantinople ou Quelle formation pour <strong>la</strong> CI <br />
(Ruedi Hoegger)<br />
▪ A cultural approach for HIV / AIDS re<strong>la</strong>ted projects: the need for<br />
intercultural competency (Véronique Schoeffel)<br />
17<br />
www.cinfo.ch<br />
cinfo / Marcel Kaufmann
7. Références bibliographiques<br />
18<br />
BARLEY, Nigel, ENDERWITZ,<br />
Ulrich (Übersetz.). Traumatische<br />
Tropen: Notizen aus meiner Lehmhütte.<br />
8. Aufl. München: Deutscher<br />
Taschenbuch Ver<strong>la</strong>g, 2006<br />
BARRIER, Guy. La communication<br />
non verbale : comprendre les<br />
gestes : perception et signification.<br />
4ème éd. – Issy-les-Moulineaux :<br />
esf éditeur, 2008. (Formation permanente)<br />
BENNETT, Milton J. (Ed.) Basic<br />
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Yarmouth: Intercultural<br />
Press, 1998<br />
CHHOKAR. Jagdeep S., BROD-<br />
BECK, Felix C., HOUSE, Robert<br />
J. (Eds.). Culture and Leadership<br />
across the World. New Jersey:<br />
Lawrence Erlbaum Associates,<br />
2007<br />
DEARDORFF, Dar<strong>la</strong> K. The SAGE<br />
Handbook of Intercultural Competence.<br />
Los Angeles [...]: Sage Publ.,<br />
2009<br />
De PURY, Sybille. Comment on dit<br />
<strong>dans</strong> ta <strong>la</strong>ngue Pratiques ethnopsychiatriques.<br />
Paris : Les empêcheurs<br />
de penser en rond, 2005<br />
EDMUNDSON, Andrea. Globalized<br />
e-learning cultural challenges.<br />
Hershey […]: Information Science<br />
Publ., 2007<br />
HÖGGER, Rudolph. Wassersch<strong>la</strong>nge<br />
und Sonnenvogel: Die<br />
andere Seite der Entwicklungshilfe.<br />
Frauenfeld: Im Waldgut, 1993<br />
KEALEY, David J., PROTHEROE,<br />
David R. Les col<strong>la</strong>borations <strong>interculturelle</strong>s<br />
: pour une coopération<br />
Nord-Sud plus efficace. Hull, Québec<br />
: Centre d'apprentissage interculturel,<br />
Institut canadien du service<br />
extérieur, 2001<br />
KUMBIER, Dagmar, SCHULZ VON<br />
THUN, Friedmann (Hrsg.). Interkulturelle<br />
Kommunikation: Methoden,<br />
Modelle, Beispiele. Reinbek<br />
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Ver<strong>la</strong>g, 2006. (Miteinander reden.<br />
Praxis)<br />
LANDIS, Dan, BENNETT, Janet,<br />
BENNETT, Milton J. (Eds.).<br />
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Thousand Oaks: Sage Publ., 2004<br />
MALETZKE, Gerhard. Interkulturelle<br />
Kommunikation: zur Interaktion<br />
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Kulturen. Op<strong>la</strong>den: Westdeutscher<br />
Ver<strong>la</strong>g, 1996<br />
NISBETT, Richard E. The geography<br />
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why. New York[…]: Free Press, 2003<br />
OERTIG-DAVIDSON, Margaret.<br />
Beyond choco<strong>la</strong>te: understanding<br />
Swiss culture. Basel: Bergli Books,<br />
2002<br />
SHEEHY, Maureen, NAUGHTON,<br />
Frank, O'REAGAN, Collette. Partners<br />
intercultural companion to training<br />
for transformation: exercises,<br />
processes, resources, and reflections<br />
for intercultural work. Dublin:<br />
Partners Training for Transformation,<br />
2007<br />
TING-TOOMEY, Stel<strong>la</strong>. Communicating<br />
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London: The Guilford Press, 1999.<br />
(The Guilford communication series)<br />
VERHELST, Thierry. Des racines<br />
pour l’avenir : cultures et spiritualités<br />
<strong>dans</strong> un monde en feu. Paris :<br />
L'Harmattan, 2008<br />
VERHELST, Thierry. Des racines<br />
pour vivre : Sud-Nord : identités culturelles<br />
et développement. Paris :<br />
Duculot, 1987