Télécharger Solidaires n°47 - Pep
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Édito : Le mot du président<br />
À propos de la notion de « parcours »<br />
D epuis un an, la Fédération<br />
Générale des PEP s’est engagée<br />
résolument pour faire inscrire<br />
dans la loi pour la Refondation<br />
de l’école de la République, le<br />
concept d’école inclusive. Elle<br />
se félicite donc aujourd’hui<br />
d’avoir été entendue.<br />
À ce concept d’école inclusive,<br />
on articule souvent un autre<br />
concept, présenté en quelque<br />
sorte comme une modalité<br />
importante de l’opérationnalisation<br />
du premier, à savoir la<br />
notion de parcours.<br />
Il n’était donc pas illogique que<br />
la Fédération Générale des PEP<br />
fasse également de ce second<br />
concept un objet d’étude pour<br />
l’ensemble de ses cadres et de<br />
ses personnels, notamment dans<br />
le secteur du SMS, afin d’éviter<br />
que les orientations éthiques et<br />
politiques de l’idéal d’inclusion<br />
ne restent à l’état de simples<br />
idéalités sans incarnation<br />
concrète.<br />
Aussi peut-on aujourd’hui faire<br />
un point un peu plus précis sur<br />
cette question fondamentale :<br />
Pourquoi et à quelles conditions<br />
le concept de parcours de l’élève<br />
peut-il effectivement concourir<br />
à la réalisation d’une école<br />
authentiquement inclusive <br />
La question mérite d’être posée,<br />
car la réponse ne va aucunement<br />
de soi. Le concept de parcours<br />
peut, en effet, aisément, si on<br />
n’y prend garde, être dévoyé de<br />
son intention inclusive.<br />
Certes, chacun comprend bien<br />
que l’usage du terme parcours<br />
s’indexe sur l’idée que ce terme<br />
permettrait d’échapper à une<br />
détermination a priori d’un destin<br />
ou d’une assignation à résidence.<br />
Permettre des parcours,<br />
c’est refuser des<br />
enfermements.<br />
Il faut cependant se méfier de<br />
ce qui, a posteriori, apparaît<br />
comme des parcours, parfois<br />
surprenants, parfois qualifiés<br />
de « beaux » (parcours), etc. et<br />
qui sont en fait des itinéraires,<br />
des circuits tracés d’avance. Par<br />
exemple, la notion de parcours<br />
peut être employée comme cache<br />
d’une pratique d’orientation qui<br />
définit des parcours, mais au<br />
sens d’itinéraires tracés et courus<br />
d’avance ! La notion de parcours<br />
peut dans ces cas là renvoyer à<br />
et servir une problématique de<br />
discrimination de classes qu’on<br />
a pu connaître au travers de<br />
certaines modalités bien connues<br />
de l’orientation scolaire. Qui,<br />
aujourd’hui, pourrait nier que<br />
nombre de parcours furent et<br />
sont encore déterminés de l’extérieur<br />
selon des ordres de discriminations<br />
sociales, sexuelles,<br />
raciales ou culturelles (cf. les<br />
discriminations à l’embauche).<br />
Cette ambiguïté ne doit donc pas<br />
être escamotée si on veut éviter<br />
que le terme de parcours serve<br />
à donner une allure moderne à<br />
des pratiques anciennes de<br />
discrimination.<br />
Le parcours de l’élève dont nous<br />
parlons aux PEP ne saurait donc<br />
se confondre avec ces formes<br />
anciennes. Sa caractéristique<br />
principale est que nous voulons<br />
qu’il soit pleinement un parcours<br />
de l’élève, autrement dit qu’il<br />
soit pleinement son parcours,<br />
défini, pensé, approprié et voulu<br />
par lui, et non un parcours pour<br />
lui, défini, imposé et fixé par<br />
d’autres que lui. Ce qui veut dire<br />
ipso facto qu’il ne saurait y avoir<br />
de parcours de l’élève qui ne<br />
soit spécifique à chacun, autrement<br />
dit qu’il ne saurait y avoir<br />
d’authentique parcours de l’élève<br />
en dehors d’une définition individualisée<br />
de chaque parcours.<br />
C’est dans cette différence là que<br />
se joue à notre sens, ce qui peut<br />
faire de la notion de parcours<br />
de l’élève, un outil d’une école<br />
authentiquement inclusive.<br />
On voit les conséquences<br />
importantes que cela<br />
implique.<br />
J’en dégagerai principalement<br />
trois.<br />
En premier lieu, et pour prendre<br />
le domaine de la scolarisation<br />
des jeunes en situation de handicap<br />
comme exemple, la notion<br />
de parcours de l’élève implique<br />
de rompre avec une idée de<br />
l’orientation dans des filières<br />
verticales, (filières scolaires,<br />
médico-sociales, professionnelles)<br />
pour souligner la nécessité de<br />
préserver une mobilité qui<br />
permette une adaptation aux<br />
attentes, attentes évolutives qu’on<br />
pourrait situer, après élaboration<br />
partagée, à la croisée des projets<br />
personnels et des effets de<br />
contraintes du réel.<br />
En deuxième lieu, le parcours<br />
doit devenir nécessairement un<br />
travail de construction partagée<br />
(ou coconstruction) et non plus<br />
un travail d’adaptation aux déficiences<br />
posées comme incontournables.<br />
Aussi faut-il que<br />
chacun des acteurs au service<br />
du parcours de l’élève subordonne<br />
toujours son expertise propre,<br />
tout utile et nécessaire qu’elle<br />
soit, au projet de vie de l’élève<br />
lui-même. Car le parcours, dans<br />
le cadre d’une école inclusive,<br />
c’est le chemin que l’élève, aidé<br />
par sa famille, veut prendre,<br />
dans la globalité de sa personne,<br />
pour se réaliser lui-même. Il va<br />
de soi de ce point de vue que<br />
les PEP ne sauraient concevoir<br />
le concept de parcours de l’élève<br />
sans qu’il lui soit donc fondamentalement<br />
aussi un outil<br />
d’émancipation<br />
D’où une troisième détermination.<br />
Qui dit nécessité d’un<br />
partenariat, dit aussi la nécessité<br />
d’articuler sur un territoire accessible,<br />
les différentes modalités<br />
d’aides qui permettent de tels<br />
parcours par la définition d’espaces<br />
éducatifs qui articulent<br />
établissements de droit commun,<br />
services sociaux et services<br />
médico-sociaux, services d’aides<br />
et d’accompagnement, etc.<br />
Vaste chantier. Il imposera des<br />
changements culturels, des<br />
changements organisationnels,<br />
la création partagée de nouveaux<br />
outils. Il conduira probablement<br />
aussi à des repositionnements<br />
ou à des affinements du rôle des<br />
MDPH.<br />
Dans la réflexion et la conduite<br />
de ces changements de postures,<br />
de pratiques, de regards, il faudra<br />
en tout cas toujours veiller à ce<br />
que le parcours de l’élève en<br />
cessant d’être un parcours pour<br />
l’élève, devienne pleinement un<br />
parcours de vie qui concerne les<br />
différentes dimensions d’une<br />
vie bonne, autrement dit qu’il<br />
concoure à la réalisation authentique<br />
d’un projet de vie.<br />
On voit, ce faisant, que les problématiques<br />
du parcours de l’élève<br />
ne concerneront plus seulement<br />
la seule déficience, mais qu’elles<br />
concerneront l’ensemble des<br />
dimensions qui articulent, pour<br />
tous les élèves, une vie bonne et<br />
désirable. Cette dimension n’est<br />
pas seulement médicale ou paramédicale,<br />
ni même simplement<br />
éducative, ni même seulement<br />
psychologique, mais elle est plus<br />
fondamentalement culturelle,<br />
sociale et aussi profondément<br />
éthique au sens simple où<br />
l’éthique, c’est ce qui confère<br />
authentiquement de la valeur.<br />
n<br />
Jean-Pierre VILLAIN<br />
Président de la Fédération<br />
Générale des PEP<br />
<strong>Solidaires</strong><br />
Le magazine de la Fédération Générale des PEP • 5-7, rue Georges-Enesco • 94026 Créteil Cedex • Tél. : 01 41 78 92 60 • Email : accueil@lespep.org • Directeur de la publication :<br />
Jean-Pierre Villain • Responsable de la rédaction : Patricia Palu • Conception-réalisation : Planète Couleurs (Paris 2 e ) • Photos : DR • Impression : Roto Armor (22) • Routage : Lamif ilm (35) •<br />
ISSN : en cours • Commission paritaire : en cours.<br />
2 Juin 2013 - N° 47