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L'Apprenti<br />

de Samuel Collardey,<br />

Document écrit par Naïma Di Piero, réalisatrice de documentaires,<br />

Pour son intervention à Tours le mercredi 12 janvier 2011<br />

à l’invitation de l’association Collège <strong>au</strong> Cinéma 37<br />

L'Apprenti, un film de Samuel COLLARDEY.<br />

Avec P<strong>au</strong>l BARBIER, Mathieu BULLE.<br />

Sortie le 3 décembre 2008.<br />

Documentaire 1H25<br />

Film fait par une EQUIPE ENTIEREMENT FEMIS 16ème Promotion<br />

Équipe TRES REDUITE ET DISPONIBLE<br />

Producteur délégué GRÉGOIRE DEBAILLY<br />

Réalisation SAMUEL COLLARDEY<br />

Scénario SAMUEL COLLARDEY <strong>et</strong> CATHERINE PAILLÉ<br />

Montage JULIEN LACHERAY<br />

Directeur de la photographie SAMUEL COLLARDEY<br />

Image SAMUEL COLLARDEY <strong>et</strong> CHARLES WILHELEM<br />

Son VINCENT VERDOUX<br />

Mixage JULIEN ROIG<br />

BIOGRAPHIE DE SAMUEL COLLARDEY<br />

Samuel Collardey est né à Besançon en 1974.<br />

Il est fils d’ouvrier <strong>et</strong> p<strong>et</strong>it-fils de paysans <strong>et</strong> a été élevé dans un village franc-comtois du Doubs.<br />

« J’étais dans une famille rurale d’ouvriers, personne ne m’a amené à voir des films dans ma<br />

jeunesse ».<br />

Samuel Collardey perd son père à l’âge de 13 ans, <strong>et</strong> c<strong>et</strong>te absence sera l’un de ses éléments<br />

d’inspiration de L’Apprenti. Sa mère l’envoie en internat à Besançon puis, après un bac technique,<br />

il va à Montbéliard préparer un BTS <strong>au</strong>diovisuel. Et c’est là, <strong>au</strong> lycée Vi<strong>et</strong>te, qu’il découvre le<br />

cinéma <strong>et</strong> prend conscience de ce qu’est vraiment un grand film : « Un jour un prof m’a ouvert une<br />

armoire pleine de cass<strong>et</strong>tes vidéo de grands classiques du cinéma. J’ai appris ce qu’était un<br />

<strong>au</strong>teur.» A c<strong>et</strong>te époque, Samuel Collardey préfère s’intéresser à la photo. « En BTS, on avait des<br />

caméras à notre disposition, on faisait des p<strong>et</strong>its films, mais je ne me m<strong>et</strong>tais pas dans l’idée que<br />

j’allais devenir cinéaste. »<br />

Après son diplôme, il travaille comme technicien pour France 3 - Région de 1999 à 2001 à Dijon,<br />

Strasbourg, Nancy.<br />

Après une rencontre sur un tournage avec des étudiants de la Fémis il décide de tenter le concours <strong>et</strong><br />

le réussit in extremis, car il a déjà 27 ans (âge limite pour rentrer à c<strong>et</strong>te école).<br />

Il réalise à la Fémis son premier court métrage, René <strong>et</strong> Yvonne, portrait d’un couple de personnes<br />

âgées, un frère <strong>et</strong> une sœur qui racontent leur quotidien. En 2005 il réalise son film de fin d’études<br />

(TFE), Du soleil en hiver. Ce court documentaire, récompensé dans de nombreux festivals, est<br />

comme une introduction de L’Apprenti. Il utilise déjà « son dispositif de mise en scène : filmer un<br />

adolescent dans le monde paysan. »<br />

Naïma Di Piero, janvier 2011 – Document Collège <strong>au</strong> Cinéma 37 1


FILMOGRAPHIE DE SAMUEL COLLARDEY.<br />

Comme directeur photo:<br />

2004: Tempête (court-métrage) de Nikolay Khomeriki<br />

2005: Naissance de l'orgueil (court-métrage) d'Antonio Hébrard<br />

2005: À deux (ou Vdvoyom) (court-métrage) de Nikolay Khomeriki<br />

2005: Du soleil en hiver (court-métrage) de lui-même<br />

2005: Contre temps (court-métrage) de Armel Hostiou<br />

2009: Adieu Gary de Nassim Amaouche<br />

Comme réalisateur:<br />

2005: Du soleil en hiver (court-métrage)<br />

2008: L'Apprenti<br />

L'Apprenti<br />

Sélections festivals<br />

Festival International de Hof - 2008 : Sélection internationale<br />

Festival du film francophone de Vienne - 2009 : Sélection officielle<br />

Festival du nouve<strong>au</strong> cinéma de Montréal - 2008 : Sélection (Long-métrage)<br />

Festival international du film de Rotterdam - 2009 : Sélection longs-métrages<br />

Festival international du film francophone de Namur - 2008 : Compétition officielle<br />

Palmarès<br />

Festival international du film francophone de Namur - 2008 : Prix du jury, Prix de la meilleure<br />

première œuvre<br />

Mostra internationale de cinéma de Venise - 2008 : Prix de la Semaine de la Critique<br />

DU SOLEIL EN HIVER est donc le POINT DE DEPART de L'Apprenti.<br />

Be<strong>au</strong>coup de séquences se ressemblent :<br />

- bataille de boules de neige<br />

- dérapage (voiture, mobyl<strong>et</strong>te)<br />

- chant<br />

Michel, éleveur en Franche-Comté, profite du calme de l'hiver pour passer du temps avec son jeune<br />

apprenti Francis. Une solide amitié va bientôt les lier.<br />

Du Soleil en hiver est un film réalisé avec l'aide de la BOURSE KODAK ce qui perm<strong>et</strong> de « Filmer<br />

le réel avec un dispositif de fiction ».<br />

« Tourner en 35mm, avec tout ce que cela comporte de contraintes techniques, d’attention portée à<br />

l’éclairage, <strong>au</strong> cadre, <strong>et</strong> de solennité pour ceux qui sont filmés, tout en cherchant à saisir le réel, ses<br />

imprévus, <strong>et</strong> la nature des gens. »<br />

Le tournage de L’Apprenti commence <strong>au</strong> début de l’année scolaire de Mathieu, <strong>et</strong> s’adapte à son<br />

rythme. Le cinéaste tourne une semaine ou deux par mois pendant dix mois. Samuel tourne sans<br />

répétitions. Après visionnage des rushes, il réfléchit avec ses personnages sur la suite. Le montage<br />

est effectué à partir de vingt-sept heures de rushes.<br />

Samuel Collardey utilise be<strong>au</strong>coup de travellings, d’ellipses <strong>et</strong> de plans séquences, figures de style<br />

surtout utilisées en fiction. Or L'apprenti est classé comme film documentaire.<br />

Naïma Di Piero, janvier 2011 – Document Collège <strong>au</strong> Cinéma 37 2


PISTES PEDAGOGIQUES : LE DOCUMENTAIRE.<br />

En fait, fiction <strong>et</strong> documentaire sont intimement liés puisque, comme le note François Niney,<br />

« la fiction prouve que le documentaire dit vrai <strong>et</strong> vice versa » (L’Epreuve du réel à l’écran, Essai<br />

sur le principe de la réalité documentaire).<br />

Samuel Collardey s'installe dans un territoire déjà judicieusement exploré par le néoréalisme<br />

(Allemagne, année zéro de Rossellini, Le Voleur de bicycl<strong>et</strong>te de Vittorio De Sica), la Nouvelle<br />

Vague japonaise (Le P<strong>et</strong>it Garçon de Nagisa Oshima) ou tous les trav<strong>au</strong>x de l'Iranien Abbas<br />

Kiarostami. C'est-à-dire qu'il travaille sur les frontières du documentaire <strong>et</strong> de la fiction, <strong>et</strong> ne<br />

néglige jamais <strong>au</strong>cun de ces deux territoires d'expression cinématographique, s'appliquant à<br />

informer le public sur les réalités <strong>au</strong>tant que sur les états d'âme (<strong>et</strong> les rêves) de son<br />

personnage principal. Plus qu'un procédé habile, ce choix de mise en scène lui perm<strong>et</strong> de sublimer<br />

la représentation de c<strong>et</strong> état des lieux <strong>et</strong> de la fondre à son principal suj<strong>et</strong> : la prise de conscience<br />

d'un adolescent.<br />

Comme il a choisi de vrais « personnages » (<strong>et</strong> non des acteurs) pour jouer les rôles princip<strong>au</strong>x<br />

dans sa fiction, le collage du documentaire <strong>et</strong> de la fiction existe également dans la nature<br />

même des protagonistes. Ils jouent leur propre rôle. Leur véritable histoire est à peu près la<br />

même que celle que Samuel Collardey leur invente. Ce qui n'est pas si loin des expériences tentées<br />

par Luchino Visconti pour La Terre tremble ou par Jean Rouch dans la majorité de ses films.<br />

Le documentaire est une fiction déguisée <strong>et</strong> tout film de fiction a sa part de documentaire.<br />

« On entre chez les gens avec un micro, une caméra, on les interroge, <strong>au</strong> moment où ils s’y<br />

attendent le moins on les filme, <strong>et</strong> l’on a la naïv<strong>et</strong>é de croire qu’on les a saisis “dans leur<br />

comportement réel” alors qu’on a suscité chez eux un comportement de circonstance. »<br />

Jean Mitry, historien français du cinéma, critique <strong>et</strong> théoricien<br />

Youssef Ishaghpour, essayiste français d’origine iranienne, ajoute : « En y intervenant pour<br />

perm<strong>et</strong>tre à sa part cachée de devenir manifeste, le cinéma ne transpose pas la réalité dans un<br />

univers fictif, mais, en se servant, <strong>au</strong> passage, de la fiction, il restitue à la réalité une plénitude<br />

que, sans cela, elle n’<strong>au</strong>rait pas atteinte par elle-même ».<br />

Samuel Collardey tourne des "portraits" (René <strong>et</strong> Yvonne). Ce premier court métrage est un essai<br />

sur le comportement quotidien des gens, c'est par l'observation du comportement des individus que<br />

le réalisateur nous raconte l'histoire. L'Apprenti nous confirme ce dispositif utilisé par Samuel<br />

Collardey dès son premier film.<br />

Naïma Di Piero, janvier 2011 – Document Collège <strong>au</strong> Cinéma 37 3


INTERVIEW DE SAMUEL COLLARDEY par <strong>Claire</strong> Vassé pour le dossier de presse d’UGC<br />

Distribution<br />

Votre film brouille les cartes entre documentaire <strong>et</strong> fiction…<br />

Ce n'est pas un but, ni une intention, c’est intuitif, c’est ma façon de filmer. Je comprends qu'on se<br />

pose la question. Comme spectateur, je suis comme tout le monde : je marche dans les histoires<br />

qu’on me raconte même si je sais que c’est de la fiction. Mais quand je fais un film, j’ai du mal à<br />

croire à mes personnages si c’est moi qui les invente. J'ai besoin de partir du réel. Si j’ai envie de<br />

raconter un personnage habité par le manque de père, je cherche dans la réalité une personne qui<br />

porte en lui c<strong>et</strong>te question <strong>et</strong> je m'attache à faire son portrait. Bien sûr, je prends des libertés. Quand<br />

un peintre fait un portrait, il prend des libertés avec la couleur ou la perspective. L'important est<br />

qu'il vous fasse partager l'émotion qui a été la sienne face à la personne qu'il a eu en face de lui.<br />

Kiarostami disait que le cinéma c'est “une suite de p<strong>et</strong>its mensonges pour raconter une grande<br />

vérité.”<br />

Comment avez-vous trouvé Mathieu <strong>et</strong> P<strong>au</strong>l <br />

J’ai d’abord cherché la ferme qui allait accueillir l’apprenti pendant son stage, grâce à un membre<br />

de ma famille qui est maquignon <strong>et</strong> connaît donc tous les paysans du coin. Je l’ai accompagné dans<br />

son travail <strong>et</strong> je suis tombé sur P<strong>au</strong>l, qui m’a rapidement séduit. J'ai senti que c<strong>et</strong> homme ne prenait<br />

pas des apprentis pour avoir de la main d'œuvre gratis, mais pour construire quelque chose avec<br />

eux. Il en reçoit peu car c'est chaque fois une expérience forte.<br />

Et Mathieu <br />

Je suis allé dans un lycée agricole près de chez moi, où j’avais déjà tourné mon court métrage <strong>et</strong> j’ai<br />

demandé à la directrice qu’elle m’organise des rencontres avec des lycéens qui devaient faire un<br />

stage l'année d'après. À la fin de la journée, je n’avais pas trouvé l’adolescent que je cherchais <strong>et</strong><br />

j’allais partir quand Mathieu, qui n’avait pas été “casté” par la directrice, est venu de lui-même<br />

frapper à la porte : “On peut parler un peu ” Mathieu avait 14 ans, il était très fragile à l’époque. Il<br />

avait besoin de parler, il s’est mis à pleurer, <strong>et</strong> m’a raconté toute sa vie. Il m’a touché. Ensuite, je<br />

suis r<strong>et</strong>ourné le voir chez lui, j’ai commencé à le filmer avec une p<strong>et</strong>ite caméra <strong>et</strong> assez rapidement,<br />

on a décidé que c’était lui.<br />

Pour L’APPRENTI, vous avez écrit un scénario…<br />

Oui, qui avait la forme d’un scénario de fiction classique <strong>et</strong> qui a été nourri de choses que P<strong>au</strong>l <strong>et</strong><br />

Mathieu pouvaient me raconter d’eux. Et <strong>au</strong>ssi d’entr<strong>et</strong>iens avec d’anciens apprentis de P<strong>au</strong>l. J’ai dû<br />

écrire pour formuler mon envie de filmer. Il me semblait important de m<strong>et</strong>tre sur papier mes<br />

intentions avant de me confronter <strong>au</strong> réel. Mais dès la première semaine de tournage, j’ai rangé le<br />

scénario pour inventer le film <strong>au</strong> fur <strong>et</strong> à mesure. Je proposais <strong>au</strong>x protagonistes des scènes, une<br />

action ou un suj<strong>et</strong> de conversation. Les dialogues n’étaient pas écrits, l’idée était juste que ce que je<br />

leur propose soit le plus proche possible de ce qu’ils vivent réellement. Non pas leur demander<br />

d’inventer mais leur dire : “Je sais que tu penses ça, pourquoi n’en parles-tu pas avec lui ” La<br />

scène où Janine engueule Mathieu en épluchant les pommes <strong>au</strong> suj<strong>et</strong> de la traite des vaches, c’est<br />

parce que je savais que Janine était énervée après Mathieu à ce suj<strong>et</strong>. Alors je lui ai dit : “Est-ce que<br />

tu serais d'accord pour lui dire en face ” On a installé la caméra, les micros, l’éclairage <strong>et</strong> je leur ai<br />

dit : “C’est bon, ça tourne !”<br />

Vous ne faisiez qu’une prise <br />

Oui, il n’y avait pas de répétitions, on déroulait la scène, on tournait tant que je n’avais pas la scène,<br />

ou jusqu’<strong>au</strong> moment où je comprenais que je ne l’<strong>au</strong>rais jamais ! En général, les scènes les plus<br />

fortes sont des prises très courtes. J'aime c<strong>et</strong> aspect solennel de la pellicule : il f<strong>au</strong>t que les choses se<br />

passent <strong>au</strong> moment précis où la caméra se m<strong>et</strong> à tourner. On était toute la journée ensemble mais on<br />

tournait seulement pendant dix minutes, pendant lesquelles il s’agissait pour eux d’être intensément<br />

là. Et malgré le tournage, la vie continuait pour eux. J’avais un film à faire mais eux avaient une<br />

ferme à faire tourner !<br />

Naïma Di Piero, janvier 2011 – Document Collège <strong>au</strong> Cinéma 37 4


Vous avez tourné sur plusieurs périodes…<br />

Oui, on se calait sur les stages de Mathieu, qui était en alternance à l’école <strong>et</strong> à la ferme, tout en<br />

débordant pour pouvoir <strong>au</strong>ssi tourner quelques scènes <strong>au</strong> lycée, avec sa copine, avec sa mère. On a<br />

tourné une semaine ou deux par mois pendant 10 mois. Le premier jour de tournage correspond à la<br />

première rencontre entre P<strong>au</strong>l <strong>et</strong> Mathieu. Et à chaque fois qu’on rentrait de tournage, on voyait les<br />

rushes <strong>et</strong> on réfléchissait sur les scènes suivantes à tourner : “Qu’est-ce qu’il f<strong>au</strong>t filmer dans le<br />

prochain épisode ”<br />

Vous n’êtes jamais dans la captation, caméra à l’ép<strong>au</strong>le, avec la volonté de voler des moments<br />

<strong>au</strong>x gens… On sent une présence <strong>au</strong> réel, mais <strong>au</strong>cune violence pour le saisir…<br />

C'est le dispositif qui fait cela. On ne tourne pas de la même façon avec une p<strong>et</strong>ite caméra vidéo <strong>et</strong><br />

le lourd équipement qu'induit la pellicule. Mais c’est surtout un vrai parti pris de mise en scène. Je<br />

ne voulais pas voler des moments de leur intimité mais plutôt les amener à interpréter leur propre<br />

rôle.<br />

Donc Samuel Collardey choisit des personnes réelles.<br />

Du réel vécu<br />

Tout ce qui se passe devant la caméra est vrai. Aucun dialogue n'est écrit. Tous ces éléments<br />

semblent bien aller dans le sens d’une mise en scène documentaire.<br />

Un réel stimulé<br />

Samuel Collardey a provoqué des rebondissements : il a manipulé le réel <strong>et</strong> il l’a orienté :<br />

« On discutait avant la prise » pour la scène où Mathieu chante. « Je lui ai dit qu’il fallait qu’il<br />

montre qu’il soit content d’être là, qu’il fasse un peu le con. Mon rôle était d’essayer de créer sur le<br />

plate<strong>au</strong> une atmosphère un peu de déconne, pour que Mathieu se libère, qu’il soit spontané. Sinon,<br />

je ne lui ai donné <strong>au</strong>cune indication sur ce qu’il devait faire. Je voulais qu’il me surprenne, car ce<br />

que je cherche sur un plate<strong>au</strong>, c’est à être surpris. »<br />

Samuel Collardey impose la situation mais il n'écrit pas le dialogue<br />

LE SON DOCUMENTAIRE<br />

C'est par le son que L’Apprenti s’approche le plus de ses racines documentaires. Pour les prises de<br />

son, Samuel Collardey ne voulait pas trop de monde sur le plate<strong>au</strong> : il a fait appel à l'ingénieur du<br />

son Vincent Verdoux, qui était donc seul, avec deux enregistreurs quatre pistes.<br />

« On est dans une mise en scène où les personnages improvisent, commente Samuel Collardey,<br />

c’est-à-dire qu’il est impossible après de faire de la post-synchronisation, en rejouant ce qui avait<br />

été dit. Je sais que Jean-François Stévenin l’a fait dans Le Passe-montagne, ça a marché, mais je<br />

n’ai pas réussi à le faire. Dans un scénario totalement écrit, on sait quand les acteurs vont parler,<br />

ce qu’ils vont dire, <strong>et</strong> le perchman peut faire son travail avec précision.<br />

Là, Vincent était dans une captation délicate, il ne savait jamais qui allait parler, quand, combien<br />

de temps, le micro devait se balader <strong>et</strong> il n’y avait qu’une seule prise, comme pour l’image. »<br />

Le son est donc brut, presque brouillon.<br />

« Ça participe <strong>au</strong>ssi à l’<strong>au</strong>thenticité des scènes, même si c’est peut-être un peu frustrant pour le<br />

spectateur. J’ai pensé que les sous-titres seraient gênants pour les personnages du film. »<br />

Naïma Di Piero, janvier 2011 – Document Collège <strong>au</strong> Cinéma 37 5


FICTION ET DOCUMENTAIRE<br />

Si L’Apprenti nous touche <strong>au</strong>tant, c’est sans doute par la justesse de son regard : Samuel Collardey a<br />

tourné dans la région dont il est originaire.<br />

En filmant en direct, « pour de vrai », une mort (celle d’un cochon) <strong>et</strong> une naissance (celle d’un<br />

ve<strong>au</strong>), le réalisateur montre sa foi dans l’enregistrement du réel. Mais il se défie de la dimension<br />

<strong>et</strong>hnographique <strong>et</strong> veut filmer Mathieu, P<strong>au</strong>l <strong>et</strong> les <strong>au</strong>tres « comme des personnages de cinéma. »<br />

Samuel Collardey invoque ainsi le peintre Courb<strong>et</strong> (1819-1877), originaire lui <strong>au</strong>ssi de la région, <strong>et</strong><br />

ses table<strong>au</strong>x m<strong>et</strong>tant en scène des p<strong>et</strong>ites gens.<br />

« La révolution de Courb<strong>et</strong> a consisté à consacrer de grands formats, réservés habituellement <strong>au</strong>x<br />

scènes religieuses, à des scènes plus prosaïques, avec des paysans. Ce qui avait une portée à la fois<br />

artistique <strong>et</strong> politique. D’habitude, le 35 mm est réservé <strong>au</strong>x acteurs de cinéma. Moi, je m’en sers<br />

pour filmer Mathieu, Martine <strong>et</strong> P<strong>au</strong>l, pour filmer leur parole. J’avais envie qu’ils deviennent des<br />

personnages de cinéma »<br />

Samuel Collardey<br />

Casseurs de pierres de Gustave Courb<strong>et</strong> (1849, Gemäldegalerie, Dresden)<br />

AUTRES PISTES DE TRAVAIL<br />

- Cinéma Rural<br />

- Cinéma <strong>et</strong> Filiation<br />

- Cinéma <strong>et</strong> Adolescence<br />

- Cinéma <strong>et</strong> Apprentissage<br />

Naïma Di Piero, janvier 2011 – Document Collège <strong>au</strong> Cinéma 37 6


SOURCES<br />

Cinéma[s] Le France, dossier L'Enfance Nue de M<strong>au</strong>rice Pialat<br />

Zéro de Conduite.n<strong>et</strong>, dossier pédagogique L'Apprenti<br />

Collège <strong>au</strong> cinéma, Dossier 179 L'Apprenti<br />

Jean Mitry, Histoire du cinéma, Éditions universitaires, 1967-1980<br />

Jean Mitry, La Sémiologie en question, Éditions du Cerf, 1987<br />

Youssef Ishaghpour, D'une image à l'<strong>au</strong>tre : la nouvelle modernité du cinéma, Éditions Denoël,<br />

1982<br />

Youssef Ishaghpour, Historicité du cinéma, Éditions Farrago, 2004<br />

François Niney, Le documentaire <strong>et</strong> ses f<strong>au</strong>x semblants, Klincksieck, 2009<br />

Jean Breschand, Le documentaire - l'<strong>au</strong>tre force du cinéma, Cahiers Du Cinema, 2002<br />

Guy G<strong>au</strong>thier, Le documentaire, un <strong>au</strong>tre cinéma, Armand Colin, 2008<br />

Annie Goldmann, Cinéma <strong>et</strong> société moderne, Paris, Éd. Anthropos 1971<br />

Naïma Di Piero<br />

Italo-brésilienne née en France, Naïma suit des études universitaires <strong>au</strong> Brésil (Philosophie, Arts<br />

plastiques) puis en France (Hypokhâgne, DEUG de cinéma). Diplômée de la Fémis en 2005 elle<br />

réalise le court métrage Jongo Danse des Ames à Rio de Janeiro <strong>et</strong> suit des cours avec Vilmos<br />

Zsigmond <strong>et</strong> John Schwartzman lors de la Budapest Cinematography Masterclass (Kodak) en<br />

Hongrie. Elle prépare actuellement un doctorat sur le cinéma documentaire brésilien.<br />

Naïma travaille <strong>au</strong>jourd’hui comme cadreuse à l’Unesco, assistante à la télévision <strong>et</strong> réalisatrice de<br />

films documentaires: notamment sur un collectif de Sans papiers, sur des photographes de l’agence<br />

VU <strong>et</strong> sur des immigrés africains à Paris.<br />

Naïma Di Piero, janvier 2011 – Document Collège <strong>au</strong> Cinéma 37 7

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