CASPAR Joseph : Un rescapÃ© de la baraque 22 ... - MalgrÃ©-Nous

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Il y avait devant l’église, à côté du cimetière, de nombreux chars. Leur présence, incongrue en ce lieu, ne pouvait s’expliquer que parce que l’église devait abriter un atelier de réparation. Le reste du temps, nous restions à l’hôpital, sauf pour chercher de l’eau. Nous sortions par une des deux portes avec guérite pour atteindre un puits qui se trouvait non loin. Le puisard était à ras du sol et l’endroit était gelé, si bien que je redoutais d’y tomber. Le matin du 8 mai 1945, la cheftaine de l’hôpital a crié en russe : « Camarades, la guerre est finie ! ». Nous avons tous pleuré de joie. Je me rappelle qu’il y avait trois cheftaines : Tania, Maroussa et Nina. Je rigolais souvent avec elles. A l’hôpital, on m’appelait « le Rouge » à cause de la couleur de mes cheveux. Il faut croire que les rouquins étaient rares à cette époque en Russie. J’ai passé 26 mois à Tambov et à Kirsanov. Pour finir, je voudrais dire qu’en dehors du jeune soldat, aucun Russe ne m’a frappé. Le chemin du retour Le retour a duré plusieurs semaines. Je dois bien admettre qu’à nouveau la gare de Rada ne m’a laissé aucun souvenir. Nous étions tellement émus de pouvoir rentrer, même en wagons à bestiaux ! Dans le train, les échanges étaient nombreux, ainsi qu’avec les civils lors des arrêts : nourriture, peaux de bêtes pour rendre plus confortable les planches sur lesquelles on se couchait. Les responsables de chaque wagon étaient des Lorrains désignés par les Russes. Ils avaient pour mission de veiller à ce qu’il n’y ait pas de vols ni de bagarres. En Pologne, alors que nous étions à l’arrêt, un autre train s’est arrêté vis-à-vis du nôtre. Il s’avéra que ce train venait lui aussi de Tambov, car je vis mon camarade Florent Heitz, de Friedolsheim ! Je lui demandais : « Mais qu’est-ce que tu fais-là - Mais on rentre à la maison !». J’ai profité de l’arrêt pour lui donner quelques-unes de nos patates, ce qui lui a donné une chiasse pour longtemps ! Un souvenir qui est d’ailleurs resté gravé dans nos mémoires. Nous avons été escortés par les Russes jusqu’à la Porte de Brandenburg de Berlin. Là, nous avons échangés nos effets soviétiques contre des uniformes français (les uniformes russes ont été brûlés pour des raisons sanitaires). J’ai été démobilisé au centre du Wacken, à Strasbourg où j’ai passé deux jours dans la Caserne Ganeval pour établir mes papiers de rapatriement. Le troisème jour, j’ai été conduit à la gare pour prendre le train jusqu’à Wilwisheim où, sur le quai, j’ai rencontré Xavier Diss, une connaissance de Landersheim. Ensemble, nous avons poursuivi notre chemin à pied. Lorsque nous sommes arrivés à la chapelle qui domine le « pays », ce fut un grand moment d’émotion : enfin à la maison !
Je suis arrivé chez moi le 21 octobre 1945. L’incorporation de force m’avait fait perdre trois ans et demi de ma vie. Longtemps après la guerre, je n’avais peur de rien ni de personne, même quand il y avait de la bagarre. Si bien que je faisais un peu peur. Carte de rapatrié (recto-verso) de Joseph Caspar qui porte le tampon « Alsaciens-Lorrains déportés dans la Wehrmacht ». A l’époque, les incorporés de force étaient encore considérés comme des déportés militaires. (Coll. J. Caspar)
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