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22 > C U L T U R E AGENDA CULTUREL Fica « Marley » de Kevin MacDonald projeté à Algerr Un Bob extra-mythos ! Comment réaliser un documentaire sur Bob Marley sans être intimidé par la légende, sans céder au mythe et, surtout, sans tomber dans le piège d'une énième hagiographie ? Ce sont quelques questions qui s'imposent à l'entrée de la salle Ibn Zeydoun, où le documentaire de Kevin MacDonald a été projeté dans le cadre du 2 e FICA. 2e Festival international du cinéma d'Alger. Ce soir à 19h : Projection du film «Nostalgie de la lumière » d’Alain Gomis, à la salle Ibn Zyedoun. A 15h : le documentaire «Stéphane Hessel, une histoire d’engagement» de Christine Seghezzi. A 16h30 : «Henri Alleg, l’homme de la question» de Christophe Kantcheff. A 18h: «Armadillo» de Janis Metz Anderson. TNA Ce soir à 18h30 : Concert de musique classique avec le quintette Aquilon. IFA Demain 11 décembre à 19h: Vernissage de l'exposition collective «Jeunes talents» MAMA Jusqu'au 10 février 2013 : exposition «Traversée de la mémoire» de Lazhar Hakkar. Galerie Racim Jusqu'au 11 décembre : Exposition « Maestro faites valser les couleurs » de Nadia Cherrak. Don de livres En octobre dernier, la librairie «AMF», située à la Cité des Bananiers, El Mohammadia, fut la cible d'un incendie criminel qui l'a complètement détruite. La totalité des ouvrages a été brûlée, le local entièrement ravagé et la caisse vidée de son contenu. Un collectif de soutien a été créé pour venir en aide à Fateh Agrane pour la remise sur pied de sa librairie. Tous ceux qui désirent y contribuer peuvent faire don de livres ou de sommes d'argent. Adresse : La librairie El Ijtihad, 9 rue Hamani (Ex-Charras) Alger. Contacter Boussad Ouadi au 021 63 48 51 - 05 56 77 62 21. E-mail : fatehessahli@gmail.com; boussadouadi@gmail.com Bob Marley, légende s'il en est de la musique, est l'un des rares qui demeurent jusqu'à aujourd'hui adulé, voire vénéré par des millions d'individus. Son effigie dispute l'espace public avec celle du Che Guevara et ses chansons n'ont à aucun moment pris une seule ride… Génie musical du reggae, bête de scène increvable, figure spirituelle rastafari, humaniste invétéré, militant panafricaniste, fumeur de marijuana, polygame, farouche épicurien et irréductible nomade… Mais au-delà de tout ceci, qui est vraiment Marley ? Le documentariste américain, Kevin MacDonald, prend le pari d'aller chercher cet homme embusqué derrière l'icône, d'interroger jusqu'aux plus infimes détails la vie et l'œuvre d'un personnage multiple, quasiment inaccessible. Dans son film sobrement intitulé « Marley », le réalisateur propose pas moins d'une enquête minutieuse, voire une traque déterminée dont le seul but est de nous ramener un Bob Marley comme on ne l'avait jamais vu. De sa naissance trouble, d'un père blanc et d'une mère jamaïcaine, en passant par son adolescence éprouvante à Trench Town, les premiers grattements de guitare, la rencontre avec les musiciens qui l'accompa-gneront plus tard dans le groupe « The Wailers», la guerre civile dans son pays, la conversion au rastafarisme, la consécration en Jamaïque puis le statut de star mondiale, jusqu'à sa fin prématurée à l'âge de 36 ans causée par un cancer généralisé, « Marley » s'insinue dans le parcours tumultueux et passionnant de son personnage pour nous en livrer des images et des témoignages inédits, précieux ! Même si MacDonald se soumet plus ou moins à un style académique, tournant le dos, avec prudence, aux innombrables possibilités de mise en scène et de reconstitution qu'offre un thème aussi riche, son film demeure une mine d'informations jamais égalée dans la longue cinématographie dédiée à Bob Marley. Aussi, les témoignages de ses amis, compagnons de scène, sa famille et ses maitresses ainsi que des hommes politiques jamaïcains de l'époque côtoient intelligemment des extraits vidéo et audio, dont plusieurs inédits, où l'on retrouve comme une confirmation de Marley lui-même quant aux récits que l'on entend à l'écran. La rigueur didactique de l'ensemble n'empêche pas pour autant une puissante charge émotionnelle qui se révèle d'abord dans le fait même de jouir d'une si grande intimité avec l'artiste, puis dans ces moments privilégiés où l'on redécouvre, parfois avec un nouveau regard, ce qu'étaient vraiment l'œuvre et le fabuleux parcours du prophète du reggae. Le documentaire réussit également à peindre une fresque complète où plusieurs éléments s'entremêlent sans la moindre fausse note : on a droit autant à des extraits de chansons et de concerts mythiques qu'à des instants de vie immortalisés par une caméra amateure au sein de son milieu familial et social. Mais plus réjouissant encore : suivre, pas à pas tout au long de deux heures et demi, sans se lasser une seconde, l'itinéraire de l'enfant pauvre qui allait devenir, vingt ans plus tard, idole suprême de millions de personnes. Lui qui adulait l'empereur éthiopien Haïlé Selassié 1er et l'élevait au rang d'un Dieu vivant, il ne se doutait pas que c'était lui qui devait endosser cette auréole, tant comme musicien que comme icône plurielle où chacun retrouvait une partie de ses rêves… Mais MacDonald pousse son enquête plus loin en allant chercher du côté obscur et interroger certaines ambigüités et détails troubles de la personnalité de Bob Marley. Ce dernier n'était pas parfait, et c'est tout à notre bonheur ! C'est pour cela que la partie où la polygamie du chanteur est évoquée par sa famille et ses amis (il a eu 11 enfants de sept femmes différentes), s'ajoute au portrait globale non pas comme une tache indésirable mais comme un enrichissement savoureux de cette complexité propre aux grands artistes. De même : découvrir que Marley a accepté l'invitation du président angolais Omar Bango « parce qu'on ne savait pas que c'était un dictateur et qu'on l'a su une fois arrivé en Angola ! », témoigne un musicien, et que bien plus tôt il s'est aussi laissé embarquer dans un concert détourné à des fins politiques en Jamaïque, contribuent à leur tour à diversifier l'approche du personnage. Ainsi, « Marley » libère Bob du mythe et de l'idolâtrie béate, pour mieux le rapprocher de nous qui, curieusement, en découvrant ses défaillances, ses faiblesses et ses paradoxes, ne faisons que l'aimer encore plus ! Sarah H. ALGERIE NEWS Lundi 10 décembre 2012
C U L T U R E 23 « Yema » de Djamila Sahraoui projeté au Fica Au-delà du drame, la sublimation ! Si le 7 e art algérien, dans sa plus grande majorité, se contente aujourd'hui d'amonceler des images et des dialogues sur une thématique donnée, Djamila Sahraoui vient de jeter un pavé dans la mare en nous offrant un requiem cinématographique d'une rare beauté Présenté samedi dernier dans le cadre du 2e Festival international du cinéma d'Alger, «Yema» n'est pas de ces films faciles à voir, en ce sens où il ne se donne pas clé en main au spectateur et prend même le risque de le déboussoler, voire lui déplaire… Djamila Sahraoui signe, dans ce deuxième longmétrage de fiction, une double performance : interroger cette plaie béante qu'est la décennie noire et distiller une véritable proposition de cinéma tant à travers la mise en scène que le jeu d'acteurs pour finalement nous faire rappeler que le 7e art, c’est d'abord une poétique de l'image. D'abord, le titre : à la fois cri et murmure, prière et soliloque, une introduction mystérieuse dans un univers dont on ne cessera de laper les saveurs à petites gorgées tout au long du film. Yema (Ouardia), campée par la réalisatrice, perdue dans un plan large d'une montagne déserte, traîne une civière où repose un cadavre, tandis que le vent, seule voix audible de ce silence inaugural, tente vainement de freiner sa marche. Le mort, c'est un fils, dont Ouardia s'applique stoïquement à laver le corps. C'est dans cette scène que se dévoile tout le désir proprement artistique de l'auteure (car il s'agit bien d'un film d'auteur) tant chaque mouvement de la comédienne et chaque prise de vue de cette longue solitude mortuaire, dégagent un étonnant mélange entre force et fragilité, rigueur et vacillement… On découvrira très vite que Djamila Sahraoui ne va pas nous présenter ses personnages comme des êtres étrangers avec une « biographie express » à la main, mais va plutôt les écouler dans l'esprit du spectateur comme autant d'entités vaporeuses qu'il faut se résigner à accepter telles qu'elles sont, dans leur vacuité et leur mystère. Celui-ci reste entier tout au long de la première partie du film car il n'est pas question d'expliquer quoi que ce soit, seulement installer le public dans un huis clos assez angoissant avec cette mère qui pleure un fils militaire assassiné par des terroristes et qui, à présent, le met en terre avec les mêmes gestes obsessionnels du lavage mortuaire. La mise en scène est habitée à l'image du personnage, le silence semble être la seule manière authentique d'accompagner ces images superbement photographiées, l'atmosphère est donc tellement captivante que l'on aimerait que la comédienne reste seule avec nous, dans une espèce de dialogue muet et irrationnel... Mais un autre personnage s'insinue dans la trame : Samir Yahia est loin d'être aussi charismatique que Djamila Sahraoui mais sa présence ne détonne pas pour autant même si son arrivée signe momentanément la fin du silence et dévoile une certaine maladresse dans l'écriture des dialogues... Avec son visage juvénile et ses gestes hésitants, il incarne le rôle du gardien, celui qui pour d'obscures raisons doit surveiller la mère, vaguement séquestrée. C'est alors qu'on assiste à un duel feutré entre une femme qui ne parle qu'à travers le regard et les contorsions du visage, et ce jeune homme paumé qui essaie de mettre un peu de parole autant dans sa relation ambiguë avec sa captive que dans le film lui-même. Quelques instants plus tard, le troisième et dernier personnage fait son apparition et boucle ainsi cette trinité psychologique qui va nous mener au bout d'un enfer intime… Le deuxième fils de Ouardia (Ali Zarif) est un terroriste, naturellement accusé par sa mère d'avoir participé au meurtre de l'officier qu'elle vient d'enterrer… Yema, déjà personnage complexe, à la composition dédaléenne, s'endurcit de plus belle et devient si déroutante dans son incapacité à pardonner que l'on confondrait aisément sa cruauté avec celle des assassins de son fils, laquelle d'ailleurs n'apparaît qu'en filigrane, sans le moindre discours direct, sans verdict… Ce drame sémantique n'est cependant pas aussi important, d'un point de vue cinématographique, que la manière qu'a Djamila Sahraoui de le filmer… Fixant sa caméra comme on immobilise un souvenir, la cinéaste s'affranchit d'emblée d'une approche tragique qui aurait pu s'imposer à d'autres et ira plutôt fouiller dans une esthétique dépouillée qui se révèle, par exemple, à travers ces longues séquences où la mère cultive sa terre rude et s'acharne à la féconder comme pour lui donner une autre âme que celle du sol cynique qui vient d'engloutir son fils. Ces scènes reviennent comme un refrain et frôlent parfois la redondance mais encore une fois, c'est le regard porté par la cinéaste qui change tout, qui donne à chaque image une raison d'être intrinsèque, la dispensant ainsi d'obéir au linéaire et à l'harmonie formelle. « Yema » s'écoule ainsi comme un long requiem dont la seule musique est celle qui suinte des corps et des cœurs meurtris des personnages… On aurait aimé que Djamila Sahraoui (in)achève son œuvre avec des points de suspension pour rester fidèle aux non-dits, aux entre-lignes et aux superbes transcendances qu'elle a si généreusement offert au cinéma, mais (et quel dommage !), la fin est pour le moins incongrue tant elle tranche radicalement avec tout ce qui a fait la beauté du film, en tombant dans une banalité consternante, une espèce de surenchère inutile qui préfère mettre un point final larmoyant au lieu de nous laisser la liberté d'accompagner ses personnages au-delà du générique de fin… Cependant, il est probablement plus juste de voir dans cette sortie ratée une regrettable et surprenante faiblesse qui, à coup sûr, n'enlève en rien à « Yema » la qualité d'une œuvre virtuose, l'une des rares qui aient réussi à transcender à la fois les idées reçues et les attentes du spectateur… Sarah Haidar ALGERIE NEWS Lundi 10 décembre 2012
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