la brochure Lire en 6e - Centre académique de ressources sur la ...

familier avec l’univers du livre. Je leur ai demandé de les relire attentivement, et d’essayer de
caractériser l’écrivain auquel on avait affaire à partir de ces titres. Les réponses ont été de
deux sortes, s’accordant toutes (et c’est normal à ce stade du travail) dans la seule prise en
compte de l’histoire racontée (le décentrement par rapport à cette posture constituait l’enjeu
du travail à venir) : certains élèves ont relié les prénoms présents dans deux titres (Adil, cœur
rebelle, Samira des quatre routes) à l’origine tunisienne de l’auteur et au mouvement
identificatoire premier: « Les livres de Jeanne Benameur, ils parlent de gens comme nous »,
d’autres ont perçu une récurrence thématique, autour de la relation parents-enfants, à partir
des titres Quitte ta mère, Le Petit Etre et Ça t’apprendra à vivre, mis en relation avec la
quatrième de couverture de Une heure, une vie qu’on avait lue et qui parle de la séparation de
parents.
Les élèves se sont ensuite interrogés sur ce qui était écrit sur l’autre page, à côté de la
première qu’on avait observée, et qui portait la mention « A Guillaume, … à tous ceux qui ont
menti… au moins une fois ». Comme ils avaient compris que ces mots s’adressaient à
quelqu’un, je leur ai donné le mot « dédicace ». Ils ont mis en relation cette dédicace avec les
hypothèses faites à partir de la quatrième de couverture et de la liste des titres (les rapports
parents-enfants), en avançant que Guillaume devait sûrement être le fils de l’auteur. Nous
nous sommes attardés sur ce mot, « mensonge », en nous demandant quel pourrait être le rôle
du mensonge dans ce livre.
Puis j’ai lu à haute voix la première section (je nomme sections les parties du livre
séparées par une page blanche), c’est-à-dire les trois premières pages (chaque élève lisant
silencieusement en même temps à l’aide de son propre exemplaire). Pour que le lecteur du
présent article qui ne connaîtrait pas ce livre puisse se faire une idée de l’écriture qui le
caractérise, j’en transcris le début :
« Quand mes parents m’ont annoncé qu’ils avaient des choses importantes à me dire,
on était tous trois au salon.
Ils parlaient.
Ça me faisait le gouffre à l’intérieur.
Ils parlaient ils parlaient.
Est-ce qu’ils se rendaient compte de ce qu’ils m’annonçaient ?
Ça creusait.
Je les entendais. La voix de ma mère. La voix de mon père.
Les mots, ça rentre dans le corps ?
Je ne savais plus rien.
Ça tourbillonnait.
Le vide, ça n’a pas de couleur. J’étais dans du rien.
Il y avait un trou énorme que je n’avais encore jamais vu, jamais senti ».
Ils ont été sensibles, à travers la lecture des trois premières pages, à l’insistance qu’ils
ont perçue de l’idée de vide et de rien, et de l’impossibilité de parler. Je leur ai demandé ce
qui dans le texte leur permettait d’avancer cette idée 16 . Ils ont relevé les mots qui leur avaient
donné cette idée. Puis je leur ai demandé ce qu’ils pouvaient dire sur la manière dont le texte
16 « Il s’agit ainsi de transformer des impressions en hypothèses et les hypothèses en pistes de travail. Cette
démarche implique que l’enseignant prenne le risque d’accepter les propositions des élèves pour construire avec
eux l’analyse. » Accompagnements des programmes officiels, op. cit. p. 97.
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