S'agissant de la multiplicité des langues et des cultures, une ... - Euxin

Wénin • Babel (Gn 11,1-9) • 4
universalité n’est donc pas à penser sur le mode de l’uniformité, mais au contraire d’une
diversité qui témoigne de son extraordinaire fécondité.
Dans cette liste de noms un peu monotone, une seule figure fait l’objet d’un
développement particulier, Nemrod (10,8-12).
8 Et Koush enfanta Nemrod :
c’est lui qui commença à être un fort sur la terre.
9 Lui fut un fort de chasse devant le SEIGNEUR
– c’est pourquoi l’on dit : « comme Nemrod, fort de chasse devant le SEIGNEUR. »
10 Et la capitale de son royaume fut Babel, Érek, Akkad et Kelné, en terre de Shinéar.
11 De cette terre sortit Assour, et il construisit Ninive, Rehovôt-Ir et Kalah,
12 et Rèçen entre Ninive et Kalah - c’est la grande ville.
Cet être qui sort du lot au point de devenir un personnage proverbial est quelqu’un qui se
singularise par la force violente. Car c’est comme chasseur, souligne le texte, que ce Nemrod
est passé à la légende. Or, le rêve du Créateur est que l’être humain se réalise à son image, en
maîtrisant les animaux par la douceur, sans les tuer (1,28-29). Le chasseur est à l’opposé d’un
tel idéal, puisqu’il montre sa maîtrise sur l’animal en le tuant avant de le manger 6 . Ajoutons à
cela que gibbôr, premier mot à qualifier Nemrod et répété trois fois dans ce court passage est
un terme qui, en hébreu, désigne couramment le guerrier. De cette figure, il serait même
l’archétype, puisque le texte précise qu’il fut le premier de son espèce. Bref, Nemrod est
présenté ici avec insistance comme un être de violence et de mort.
Mais la notice se prolonge au plan politique (v. 10). Nemrod, en effet, est encore le
fondateur des grands empires mésopotamiens : le babylonien dont la capitale est Babel, et
l’assyrien centré sur Ninive. Ces deux empires sont connus dans le reste du premier
Testament comme de grands conquérants 7 : On notera que, parmi d’autres villes, le texte de
Genèse 10 mentionne les capitales de ces deux empires, et insiste sur leurs dimensions
exorbitantes, signe peut-être de la force et du poids que représentent ces empires. On notera
que c’est ici que le lecteur de la Genèse entend parler pour la première fois de la ville de
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Voir les développements que je consacre à cette thématique dans Pas seulement de pain… Violence
et alliance dans la Bible. Essai, Cerf, Paris, 1998, p. 25-34.
L’empire assyrien met fin au royaume du Nord en prenant sa capitale Samarie (2 R 17), tandis que
les Babyloniens de Nabuchodonosor détruiront Jérusalem et Juda, un siècle et demi plus tard (2 R
24–25). Bien des textes prophétiques décrivent ces empires comme particulièrement violents.