KAliMA

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206 Gl 5CV 5,1l à BO Kmlh
286 GR BCV 4,Bl à BOKmlh
28UR Ivlt..... BCV 4,Blà BOKm/h
BerentlalZmalt lin. IImltetlon de kllam~retle
L'événement automobile signe PEUCiEOTil

j
Paroles de
femmes mais
aussi d'hommes, Kalima s'adresse
aux femmes et aux hommes.
Aucune parole n'épuisera tout ce
qu'ils ont à se dire, une part
d'inconnu persistera toujours. Cet
inconnu, qui nourrit leur attirance
l'un pour l'autre J
permet la surprise et
la découverte. Mais il peut aussi provoquer,
s'il est trop grand, méfiance
et malentendu.
Aussi, le premier objectif de Kalima
est-il le dialogue entre eux.
Pour que ce dialogue soit vivant et
fidèle, Kalima fera appel au témoignage
qu'offre la vie quotidienne,
parce que c'est là qu'ils se rencontrent,
se heurtent, se croisent, c'est
là qu'ils se quittent et c'est là qu'ils
s'aiment.
Kalima laissera simplement parler
cette réalité. Elle ne prétend pas donner
de leçon ni offrir de modèles de
comportement.
Des modèles, la femme en a toujours
eu qui ont voulu l'éduquer, la façonner,
taire son désir et sa parole
propres.
Or, Kalima est avant tout un espace
où des paroles féminines pourront se
déployer librement et être entendues,
par des femmes et par des hommes.
Nous n'adhérons donc pas au vieil
idéal de la femme silencieuse, laissant
l'homme parler seul. Un vieux silence
qui a noyé, figé et nié de vieux conflits,
évitant ainsi tout mouvement.
Quand un seul parle, il a toujours
raison.
La parole de la femme doit donc
entrer dans l'échange, dans la confrontation
des désirs, des langages,
des croyances.
Autant dire que dans Kalima il y aura
du conflit.
1/ y aura aussi de l'humour, dans les
mots, dans les dessins, dans les
drames.
Kalima est contre la guerre des sexes
à laquelle les mouvements féministes
ont trop souvent abouti.
Kalima est à l'écoute de ce qui
change, de ce qui bouge, de ce qui
est solide, qui a fait le passé et fera
encore l'avenir.
Kalima cherche où et comment se
prépare le futur.
Kalima parle de la femme d'ici et
d'ailleurs, la femme d'aujourd'hui,
d'hier et de demain, de ses difficultés
avec le monde des hommes, des
regards qui se posent sur elle,' des
mots qui la désignent et des résistances
que soulève son changement.
Kalima est à l'écoute de notre réalité.
Kalima parle aussi de nos rêves, qui
ne sont pas des rêves de papier mais
des rêves d'ici, à réaliser ici.
Les hommes et les femmes qui font
Kalima devaient être indépendants
pour y parvenir, et ils le sont.
Que la femme rêve, que la femme
parle, que la femme vibre. Dans
Kalima, la femme sera respectée
autrement que par son silence.
A voix haute
KALIMA
1
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2

•
sommaIre
Dossier de presse: 3/86
KAliMA
Noureddine AYOUCH
Directrice Déléguée
Rachida BENNIS
Responsables de la Rédaction
Adil HAJJI
Hinde TAARJI
Responsable des Etudes
Touria HADRAOUI
Chefs de Rubrique
Marie-France ALAOUI
Fattouma BEN ABDENBI
Fatém-Zahra EL BOUAB
Collaborateurs
Amina AYOUCH
Mohamed Fouad BENCHEKROUN
Abderrahim BERRADA
Neiib BOUDERBALA
Aicha CHENNA
Cherifa ALAOUI
Noureddine EL AOUFI
Rachida ENNAIFER
Souad FILAL
Fatéma GALLAIRE
Ripault GHISLAIN
Jocelyne LAAB1
Abdellatif LAABI
Abdelaziz MANSOURI
Fatéma MERNISSI
Driss MOUSSAOUI
Amina SAlO
Khadija AL ZEMMOURI
Directrice Artistique
Karima TAZI CALLY
Assistant
Hassan FETHEDDINE
Photogrephes
Hamid ZEROUALI
Michel TEULER
Responsable de la Publicité
Tahar MANJRA
IMPRESSION :SONIR
KALlMA: 18, Rue Ibn Yala - Casablanca
Tél : 36.24.8J /' ~ Ii,l,
Dépôt légal nO Jli'/ HIIll(\
Photo couverture: Hamid Zerouali
A VOIX HAUTE
FEMININ· PLURIEL
Points de vue sur le célibat
• « Un choix », affirment-elles
• Des messieurs indécis
Les femmes n'y sont pour rien
Monsouria : Le prix de la tenacité
Dossier réalisé par
H. TAARJI 7
A. HAJJI 11
K. AL ZEMMOURI 4
A. HAJJI 14
FEU VERT _
De l'amourologie
F. MERNISSI 20
LE POINT _
La Tunisie au féminin
• Un code symbole
• Des acquis en péril
• Une envoiée féministe
• Entretien avec Mme Ben Miled, ex-présidente de l'U.F.T.
H. TAARJI & R. ENNAIFER
BEAUTE - MODE _
F. BELMEJDOUB 38
F. BEN ABDENBI 37
F.Z. EL BOUAB 44
Le Khôl
Modélation de fréquence
Mettez-vous en forme
Jellaba
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27
28
32
L. IMANE 41
A. HAJJI 43
ESPACE JUNIORS _
Lettre ouverte: « Laissez-nous éclore»
55
Les médecins du langage
G. MRANI ALAOUI 50
MIEUX - ETRE
Un mal de tête particulier
CULTURE
Nouvelles
• « Le portrait»
• « Driss Ben Abdeslam »
Entretien: Andrée Chédid ou J'Orient intérieur
Cinéma : « Harem»
Chronique du mauvais goût: Façades
Lectures
LA BOUTIQUE DU DROIT
La hadana
Dr. K. AL ZEMMOURf 70
N. SAADAOUI 56
A. LAABI 64
A. SAlO & G. AIPAULT 61
A. HAJJI 59
EL MALTI & HAMDO UNI 66
72
M. ZIRARI 17
L'ECONOMIE EN QUESTIONS _
Libéralisme: la traînée de poudre
• Au fil des ans
• Entretien avec Mme Tamy Tazi
_
N. El AOUFI 67
A L'AFFICHE _
le voyage de Sindbad
_
-----"-_
N. BOUDERBALA 79
3

n'y sont
pour rlen
•
FILLE OU GARÇON
Cette question domine toute la
période de la grossesse. Quand il
s'agit du premier enfant, les désirs
s'expriment encore de façon variable.
La naissance d'une petite fille
peut être accueillie avec joie ou à
défaut, entraîner une légère
déception.
Mais quand la maman en est à son
deuxième ou troisième bébé de sexe
féminin, les sourires deviennent grimaces.
La course au garçon
s'amorce et l'arrivée d'une nouvelle
petite fjJJe peut prendre l'allure d'un
véritable drame. Pourtant, les femmes
n'y sont pour rien. .
La formation de l'œuf humain
résulte de la rencontre, après un rapport
sexuel fécondant de deux celluies,
l'une provenant du père: le
spermatozoïde; l'autre de la mère:
l'ovule. Cette rencontre ou fécondation
se fait chez la femme dans la
partie interne de la trompe utérine.
Le sexe de l'individu à naître est,
sur le plan génétique, lié à la présence
de deux chromosomes
sexuels:
X ET Y POUR L'HOMME
X ET X POUR LA FEMME
Les spermatozoïdes se divisent en
deux groupes: un groupe contenant
le chromosome X et un groupe contenant
un chromosome Y. Les ovules
quant à eux, portent toujours un
chromosome X puisqu'il n'y a pas
d'Y chez les femmes.
?
•
,
•
Ainsi, si l'ovule est fécondé par un
spermatozoïde X, l'enfant aura un
chromosome X venant de la mère et
un chromosome X venant de son
père et sera donc de sexe féminin
(XX). Ce sera un garçon si le spermatozoïde
est de type Y.·
C'est donc l'homme qui porte la
responsabilité génétique du'sexe de
l'enfant, la rencontre entre un spermatozoïde
porteur de X ou de Y et
un ovule étant par ailleurs tout à fait
due au hasard. Pourtant, depuis des
siècles et presque toujours
aujourd'hui, la naissance d'une fille
est vécue par les parents et la famille
comme entièrement de la faute de la
femme. Que de fois n'avons-nous
pas entendu ce genre de réflexions:
« LA PAUVRE,
ELLE N'A QUE DES FILLES})
« Foulane se remarie. Que voulezvous?
Sa femme ne lui donne que
des fi11es et lui désire tellement un
garçon ... » etc... Commisération
teintée de mépris, reproches à peine
déguisés, pitié condescendante, tout
le monde s'acharne sur cette pauvre
malheureuse qui n'a pas été capable
d'avoir un garçon. Même la manière
de féliciter les parents est différente,
selon qu'il s'agit d'une fi11e ou d'un
garçon : grandes manifestations de
joie pour le garçon, propos récon~
fortants, consolateurs pour la fjJJe
(

--------------------------------------.,
UNE NOUVELLE GÉNÉRATION DES SHAMPOOINGS TRAITANTS
UN PRODUIT DU LABORATOIRE FADIP
~·~1-'·'1
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t
6

Quand les chiffres se mettent à parler, les impressions se transforment en réalité
et celle-ci en interrogations.
D'après les résultats du recensement de 1982, 41 070 des hommes de plus de
15 ans sont célibataires - Ils étaient 32 0,10 en 1971.
'La progression est similaire pour les femmes. 25 070 en 1971, 33 0,10 en 1982.
A bon entendeur salut ! La solitude est au rendez-vous et le mariage au placard.
Vivre à deux semble une entreprise affolante pour un nombre croissant
de personnes. Quelques-uns de ces navigateurs en solitaire nous ont livré leurs
pensées, leurs craintes et leurs espoirs. De cette totale subjectivité, il n'est nullement
question de tirer des conclusions.
Toutefois à travers elle se dessine une perception nouvelle du rapport de couple
qu'il est intéressant de relever.

LE
CELIBAT • • « UN
CHOIX
ELLES
», AFFIRMENT
L ES lèvres se plissent. Le regard se
voile. Le ton se fait doucereux. Ces
dames, entre deux gorgées de thé,
s'apitoient. ({ Une jeune fille si bien .
bonne famille bonne éducation .
bons diplômes physique agréable .
mais la pauvre, à son âge, quelle
misère... toujours pas de mari! ... »
Notre bonne chère vieille société a le
cœur fragile et l'âme tendre. Voir ses
membres se débattre dans les affres de
la solitude lui mine le moral. Surtout
lorsqu'ils sont mineurs. Et mineurs à vie.
En un mot, lorsqu'ils sont femmes.
En lui-même, le célibat constitue déjà
une anomalie pour le système des
valeurs traditionnelles aux yeux duquel
la famille représente la clé de voûte de
l'édifice social. Mais, conjugué au féminin,
il frôle la subversion. Il risquerait
presque d'être accusé d'atteinte à
l'ordre, public comme privé.
Passée vingt ans, « la fille de... »ou
({ sœur de... » se doit d'atteindre le
grade supérieur « d'épouse de... »
Cette promotion lui permet de postuler
au titre vénébrale de « mère de... » Si
à vingt-cinq ans, son état-civil ne se
modifie pas, elle a tout lieu de commencer
à s'inquiéter. La trentaine se profile
à l'horizon entraînant dans ses bagages
l'infâme qualificatif de « vieille fille ».
Seulement voilà : cet épouventail autrefois
si efficace ne suffit plus à endiguer
l'évolution de la courbe du célibat... Les
chiffres sont là pour en témoigner. Un
nombre croissant de femmes, comme
d'hommes, se contentent de la solitude
comme compagnon de route.
LA CELffiATAIRE
EN QUELQUES TRAITS
ELLE vit seule, parfois. Avec ses
8
parents, souvent. Elle travaille la plupart
du temps. Ses études, elle les a poussées
le plus loin qu'elle a pu. Mais
quand elle a pu. La seule volonté ne suffit
pas, quoiqu'en disent certains. Si la
chance l'a fait naître dans un milieu aisé,
les livres lui sont restés ouverts tant
qu'elle le désirait. Le cas échéant, ses
ambitions ont composé avec d'autres
impératifs. Comme parer au plus
pressé. Un père s'essouffle. Une mère
s'épuise. Et des rêves s'envolent. Ses
amies ne la reconnaissent plus des
leurs. Pour une simple raison. Toute
bête. Elle ne convole jusqu'à présent
qu'avec elle-même.
Son accès à l'instruc~ion, puis au
marché du travail, lui permettent de
s'assumer financièrement. Du coup, le
mariage, seule alternative autrefois
offerte à la femme, perd cette quaRté à
ses yeux. Choisir lui devient possible. Se
montrer exigeante aussi. Ces quelques
traits esquissent le profil de la célibataire,
une espèce qui se développe allègrement
à travers tous les échelons de
la société.
Gagner sa vie ne suffit pas à la faire
accepter. Le bouleversement des habitudes
répugne aux mentalités qui opposent
au changement toute la force de
leur inertie. Se démarquer de l'ensemble
se paye au prix fort. La femme célibataire
en connaît le montant. Elle s'en
acquitte quotidiennement. Dame
Société se sent devoir braquer sur elle
les feux de ses projecteurs. Sa route est
parsemée de juges qui réclament un
droit de regard sur ses actes. Au lieu de
se faire la légitime d'un seul, elle hérite
de mille maris suspicieux.
Comment vit-on son célibat quand on
est femme au Maroc? A quels types de
problèmes se trouve t-on exposé? Comment
est-on perçu et comment se
perçoit-on? Cet ensemble de questions
a fait l'objet d'une discussion à bâtons
rompus eptre quelques représentantes
de cette race particulière. Prises de position
personnelles, points de vue subjectifs,
expériences propres permettent de
brosser un tableau qui ne se veut nullement
exhaustif mais indicatif d'une nouvelle
manière de se poser en tant que
femme.
FAMILLE:
DES PRESSIONS CONTINUES
«J E trouve que c'est le pied d'être
célibataire. J'ai un immense plaisir à
vivre mon célibat. Je sais que ça ne
durera pas longtemps, mais pour le
moment je le vis pleinement.»
Leïla, une architecte de 28 ans,
secoue ces boucles folles et pointille ses
paroles d'un éclat de rire. Une bonne
humeur contagieuse liée à une énergie
débordante témoignent avec force d'un
vécu pleinement assumé. Vivre positivement
son célibat est possible. Le'lla le
certifie. Malgré les problèmes. Malgré
les obstacles. Malgré les Autres. Ces
Autres dont le regard dérange, dont le
regard bloque, dont le regard s'impose
à la célibataire dans le moindre de ses
mouvements. L'assumer en permanence,
apprendre à le laisser glisser sur
elle et continuer son chemlin, voilà ce
que recommanderait un guide pratique
du célibat..
Une tâche facile. Non, certes pas. Car
il faut faire face tlHlt à ses proches et
à ses collègues de travail qu'à l'épicier
du coin. « Au niveau de la famille, des
gens d'un certain âge, personne ne te
respecte, ne te donne de l'importance.
On ne te prend pas au sérieux quoique
tu fasses ou que tu puisses faire.»

affirme Nadia de sa voix flosée
d'employée modèle. « On ne te reconnaît
aucun statut» renchérit
l'architecte.
Statut, un mot lourd de sens. Si
l'état-civil réserve à la célibataire une
case où cocher sur les papiers administratifs,
la société, pour sa part, ne la
définit que par la négative : « femme
non mariée », Une mineure, par conséquent
encore plus mineure que les
autres. Irresponsable car n'assumant ni
les responsabilités de l'épouse ni celles
de la mère. Quelles que soient ses fonctions
par ailleurs, on la juge d'abord sur
ce point.
Elle suscite la pitié de son entourage
et, par voie de conséquence, la honte
de ses parents. Pitié car dans l'imaginaire
collectif, une femme sans mari est
une femme dont personne n'a voulu.
~'inverse n~ se conçoit pas. Sa perception
du manage et ses exigences quant
au profil de son époux constituent des
données dont l'analyse traditionnelle fait
allègrement fi. Sa valeur propre est rendue
responsable de la situation, jamais
sa volonté. On ne lui en connaît, pour
ainsi dire, pas.
« Celles qui t'aiment bien prient pour
toi» déclare Latifa, 30 ans, ensei-'
gnante. A chaque réunion familiale, un
chapelet de prières et de bénédictions
attend la célibataire. Dieu, dans sa profonde
bienveillance, est invoqué afin
que sa miséricorde vienne au secours
d'une pauvre âme délaissée. Les supplications
redoublent d'intensité
lorsqu'elles émanent de la mère de
l'intéressée qui vit le célibat de sa fille
comme un désaveu indirect de ses
méthodes éducatives. Pour faire face à
la compassion de ses amies, elle recourt
parfois à des explications moyennageuses
du style « ma fille a été ensorcelée».
La croyance populaire désigne
ainsi sous le nom de « tkaf » un mauvais
sort dont la caractéristique principale
serait d'inhiber un individu pour
l'empêcher d'accomplir une action. Il
sert de justificatif aussi bien dans le cas
du célibat féminin que dans celui de
l'impuissance sexuelle masculine.
Indépendamment de ces questions
d'amour-propre maternel, une fille non
mariée représente un danger permanent
pour l'honneur familial qui risque d'être
entaché par le moindre de ses écarts.
D'où la nécessité impérieuse de la
« caser» au plus vite. Assia est enseignante;
son célibat donne des rides à
sa mère. Elle raconte : « Ma mère, dès
qu'elle entend parler d'un garçon, me
demande s'il est marié. Quand je lui dis
que non, elle me demande alors ce qu'il
fait et, en fonction de ma réponse, pour
quelle raison je ne l'épouse pas.
Le plus simplement du monde !» Aussi
de l'~ttitude des mères à leur égard, si
Nadia pense « qu'elles commencent à
s'y faire» , Le'lla rétorque « elles ne s'y
font pas du tout» , avec Latifa qui renchérit
« plus ça dure et plus ça les
inquiète» .
FEMME ET CELŒATAIRE:
UN DOUBLE HANDICAP
BIEN que la production ne soit en
rien entravée par la variable célibat ,
celle-ci intervient néanmoins dans les
rapports qu'établit la femme dans le
cadre de son travail . Confrontée au
sexe masculin sur ce qui fut, il y a si peù
de te~ps encore, sa chasse gardée, elle
se presente avec un double handicap:
femme et célibataire. Ses relations avec
ses collègues hommes s'en ressentent
fréquemment semble-t-il, d'après ce~
témoignages : « Au premier contact ,
on a un certain comportement avec moi
qui change quand on apprend quel est
mon statut. Les collègues s'expriment
différemment avec toi selon
que tu es célibataire ou que tu
t'appelles Madame. Ils te méprisent
absolument. Ils te sortent
des grossièretés, ils te traitent comme
une trois fois rien.» Il se développe
même un sentiment d'insécurité:
« Quelqu'un peut te balancer une gifle
très facilement , sans crainte. »
Femme elle est, femme elle restera. Au
travail comme ailleurs. D'où des questions
relatives à son état-civil n'ayant
strictement rien à voir avec le cadre où
elles s'énoncent.
« Souvent, rapporte Le'lla, la première
question qu'on te pose c'est: êtes-vous
mariée? Dans mes deux banques, par
exemple, on m'a posé la question.» Elle
poursuit en analysant très finement la
modification du comportement de ses
vis-à-vis quand ils prennent connais­
~ance de son statut: « Les gens, quand
Ils te rencontrent, ont l'impression que
tu vis avec un homme, que tu as donc
toute une dimension. Ils se font une
idée de toi. Ils sont dérangés quand ils
apprennent que tu n'es pas mariée. Ils
ont le sentiment qu'ils sont en train de
se tromper sur ton compte.» La dimension
d'une femme tient donc à sa reconnaissance
par un homme. Sans lui elle
n'est rien. Ce propos reflète, tant p~r sa
structure que par son sens, la perception
traditionnelle que l'on se fait de la
femme célibataire dans notre société.

Non mariée signifie non reconnue, donc
non valable. Vices cachés en prévision.
Attitude en conséquence. Le raisonnement
paraît simple. Les réactions aussi.
Face à la dévalorisation systématique,
bien des confiances en soi s'ébranlent.
Le découragement et la lassitude trouvent
alors en la célibataire une proie
facile.
Surtout lorsqu'elle intériorise l'image
que lui renvoie d'elle un entourage
empêtré dans ses stéréotypes stériles.
Ses réflexes s'émoussent et elle se laisse
prendre au jeu de la curiosité d'apparence
inoffensive dont elle fait l'objet.
« Quand on m'a demandé, explique
Lena, pourquoi je ne m'étais pas mariée,
je me suis retrouvée en train de me justifier
comme une imbécile; j'ai déjà fait
la tentative j'ai connu quelqu'un ... ça
n'a pas marché.,. à deux reprises, etc.»
Une réponse classique, «normale»
pourrait-on dire. Pourtant combien
significative dans sa banalité. Culpabilité
et dépendance s'y entremêlent.
Conscience d'avoir failli à la règle mais
désir de rectifier le tir. De se rehausser
en expliquant« qu'on aurait pu mais
qu'on n'a pas voulu »,
UNE UNION
OÙ LE DIALOGUE
SERAIT ROI
A LORS pourquoi? Pourquoi rester
confinée dans une situation qui provoque
des remises en questions épuisantes?
Qui engeQdre désagréments sur
désagréments. Qui fait avancer en
marge des autres. Qui entretient l'insécurité
tant physique que psychique.
Physique car loger seule comporte sa
part de risques. Certes, beaucoup de
célibataires continuent à résider chez
leurs parents. Mais au détriment d'un
« chez-soi » où il est possible de se
réfugier.
Insécurité psychique car, souvent, la
solitude est mieux chantée que vécue.
Ce« pourquoi» suscite maintes réponses.
Le terme responsabilité revient à
plusieurs reprises dans la discussion.
Nadia: « Moi, je fuis le mariage par peur
des responsabilités.» Assia : « Je me
sens incapable d'assumer la responsabilité
d'un couple.» Une autre avoue
carrément sa peur: « Ça me fait peur,
le mariage. Je trouve la crise du couple
partout.)} Mariage compris comme
«devoir mener un train de vie qui ne correspond
pas à mon tempérament ».
Mise en avant des principes de liberté
et d'indépendance.
Un fait clair: rejet du mariage traditionnel
perçu comme aliénant.
La perle rare, l'homme idéal
serait «...un homme intelligent, fin, qui
soit à la hauteur d'un certain
échange »... « Quelqu'un qui peut
mener sa vie et moi la mienne tout en
étant ensemble»... « Quelqu'un qui me
stimulerait, qui m'épanouirait ». Enfin
..« Quelqu'un qui m'accepte telle que
je suis, comme je suis ».
Ces réponses nous fournissent des
éléments fondamentaux de compréhension
du maintien de cette situation malgré
les difficultés qu'elle engendre.
. Une aspiration primordiale, commune
à toutes les personnes qui ont pris consience
de leur individualité anime les jeunes
femmes interviewées ci-dessus.
Etre considérée comme un individu à
part entière. Etre acceptée avec et pour
ses spécificités propres. Etre et rester
soi. Dans le travail. Dans la famille.
Dans le mariage. Celui-ci effraie. Elles
ne le rejettent pas par principe. Elles
rejettent le type de rapport qu'il instaure
dans la logique traditionnelle. Un rap-
COMPARAISON 1971 / 1982
port qui confine chacun des conjoints
dans un rôle dont la codification entrave
l'échange et la perception respective
des deux sensibilités en présence. Elles
rêvent d'une union où le dialogue serait
roi. Où l'Autre serait l'ami et le confident,
l'amant et le copain. Mais elles
buttent sur une réalité qui leur renvoie
l'image de solitudes couplées. D'une
conjugalité où le rapport de force fait loi.
D'êtres, esclaves de modèles qui conditionnent
leurs comportements. Comment,
par exemple, s'atteindre quand
l'un se doit de paraître toujours fort
même si une douleureuse envie de pleurer
le tenaille et que l'autre paye le droit
d'être faible au prix de l'abdication de
sa parole. Quand la méfiance et la
méconnaissance du sexe opposé
persiste?
De cette discussion en petit comité
est apparue une surprenante différence
d'analyse.. Alors qu'elles perçoivent
leur célibat davantage comme voulu
que comme subi, elles ont le sentiment
que les hommes « ...sont dans une
situation où ils le subissent plus qu'ils
ne le choisissent )} .
Hinde Taarji
Urbain Hommes Femmes TOTAL
1971 38 070 23,5 070 30,5 070
1982 47 070 31,9070 39,7 070
Rural
.,
1971
30,6 070 13,2 070 21,8 070
1982 35,5 070 20,3 070 27,7 070
Total
1971
1982
33,2 070
41 070
16,9 070
25,6 070
24,9 070
33,2 070
CELIBATAIRES HOMMES FEMMES TOTAL
+ de 15 ans 2.395.166 1.53Q.507 3.925.673
41 0/0 25,6 % 33,2 %
.{
10

Comment est vécu le célibat ? Qu'est-ce qui distingue les célibataires
des gens mariés? Qu'attendent les «retardataires» de l'union
conjugale pourprendre femme et s'installer à leur tour dans la vaste
confrérie des couples légaux? Nous avons, curieux que nous sommes,
voqlu savoir comment ils parlaient du célibat. Nous avons donc
interrogé quelques uns de leurs représentants (jeunes, salariés ou/et
fraîchement sortis de l'université, pour la plupart) sans autre ambition
que de recueillir de simples témoignages. Petite enquête, propos
en liberté...
CELIBATAIRES • •11

DES
MESSIEURS
INDECIS
A Salé, à Fès, il existait une variété
très rare de célibataires; des hommes
disponibles, des « clowns» raffinés,
dont on abusait gentiment, qu'on convoquait
à tous les festins, pour le plaisir
de les entendre déclamer des vers de
la Jahiliya ou des passages entiers de
poésie andalouse. Eternels fauchés mais
rigolards et fins, ils vivaient des largesses
de ceux qu'ils amusaient. On les
consultait pour l'exactitude d'une déclinaison
ou pour dissiper un doute intolérable
sur la paternité d'un monument
almohade,. On les respectait car eux
seuls pouvaient mettre tout le monde
d'accord quand ori ne savait plus qui
avait dit exactement quoi. Ces célibataires
ne songeaient jamais à se marier.
Le changement de statut aurait sans
doute ruiné leur carrière. Vaguement
« asexués », en tout cas inoffensifs,
promus sisyphes de toutes les fantaisies,
pour le bonheur de tous, on ne leur
conseillait jamais de prendre épouse.
L'espèce est plus que menacée
aujourd'hui, semblerait-il. A moins que
les greffes de chaque époque l'aient
rendue méconnaissable. Un peu plus
triste, peut-être? Mais qu'en est-il des
célibataires tout court aujourd'hui?
Un passeport
pour le plaisir
« Quand nous feras-tu le bonheur de
te marier» ? interroge malicieusement
l'oncle, ou le cousin. « Je n'attends
qu'une chose avant de partir pour ma
dernière demeure, soupire la grandmère,
c'est de te voir marié ».
Sur ce thème, les variations sont
innombrables et les accents tantôt graves,
tantôt enjoués. Privilégiés, les célibataires
masculins le sont, au moins à
un titre: ils échappent à l'atmosphère
tendue et quasi-hystérique qui règne
autour des femmes lorsqu'elles tardent
outre mesure à créer un foyer. Ils sont
naturellement soumis aux toutes bienveillantes
pressions de l'entourage. Mais
on se permet rarement de vouloir faire
leur bonheur malgré eux. On les secoue
un peu, leur rappelle l'accomplissement
que constitue le mariage. On les met en
garde contre la rumeur si malveillante,
si prompte à dénicher partout des tares.
Mais bon, un homme reste un homme
et un retard pris sur la moyenne (l'âge
du mariage) ne réduit nullement ses
chances de « plaire» un jour à un ange
au teint de pêche.
A la bourse des vertus, la virginité
d'un homme, ou ses mœurs irréprochables,
ne sont pas les plus courues. Doté
d'un passeport pour le plaisir, masculanité
oblige, son mariage peut
attendre...
Pourtant, il arrive un âge, au-delà de
30 ans en général, où le célibataire
inquiète tout dE\.même son entourage.
La dignité
par le mariage
Contrairement aux femmes - c'est
une banalité de le dire - s'ils peuvent
souffrir du célibat, ce n'est pas vraiment
à cause du miroir social, plus indulgent
dans leur cas. Pourtant, aux yeux de
notre coutume, un homme n'accède à
la plénitude de son statut « viril» que
pourvu d'une femme et de nombreux
enfants. C'est presque au poids des responsabilités
que se mesurent ses qualités
masculines.
Un fardeau conséquent fait grimper
la côte de respectabilité! A l'inverse,
pour celui qui n'a pas fini de louvoyer
comme célibataire et qui a dépassé
30/35 ans, des murmures seront fe pl;lin
quotidien. Immature il est et demeurera
tant qu'une femme ne lui sera pas
octroyée. Quel célibatraire n'a pas un
peu rougi un jour de se savoir considéré
comme un pauvre atome livré à luimême,
improductif ? La voix de la
société serait-elle si puissante qu'on le
dit?
Parfois, on s'aperçoit que les plus
ardents défenseurs du sacro-saint
mariage, qui justifient celui-ci avec force
citations consacrées, ne peuvent réprimer
un tic de jalousie quand ils voient
un célibataire heureux: « libre », ayant
encore tout à construire, il fait envie !
Ahmed, 31 ans, en est conscient: « J'ai
réellement pris goût à gérer ma vie à ma
guise ». Sceptique quant aux vertus
miracles du mariage; il affirme ne pas
beaucoup aimer ce qu'il appelle
« l'obsession du mariage ».
Le dogme
de la prudence
Pour Omar, 35 ans, « être célibataire,
c'est le meilleur moyen de ne pas faire
de bêtises irréparables ». Se marier est
un acte important, une décision capitale.
Chez les plus âgés, la prudence,
qui a découragé plus d'une bell~-mère
potentielle, s'est transformée en
dogme.
Tahar, à 43 ans n'envisage toujours
pas de se marier « parce que, dit-il, c'est
une responsabilité énorme ». Crainte
compréhensible de s'engager, de multiplier
ses problèmes par deux, de porter
un nouveau titre... de changer de
~. Mais delà à penser que notre époque
a le souci « métaphysique» de
l'avenir terrestre des enfants... Les raisons
d'une solitude, dorée ou misérable,
sont à rechercher davantage du
côté de la prose réaliste que du cas de
conscience « malthusien ».
12

La peur de fixer à jamais son destin
amoureux, l'indécision, la préservation
jalouse de son « territoire », les « habitudes
de vieux garçon », tout celà peut
expliquer la réticence satisfaite de certains
loups solitaires. Une façon de par­
Ier, car ce n'est pas la vie monastique
qui les tente. Ne pas oublier que les difficultés
matérielles, les temps difficiles,
eux aussi, compliquent les débats intérieurs
du célibataire.
Quand quelques cheveux blancs
pointent, l'animal se trouve souvent être
un nostalgique du mariage d'antan,
« Ah ! les filles de maintenant »,
maugrée-t-on, en une révérence toute
relative à celles d'hier. Elles sortent, elles
courent, ont des exigences, une personnalité,
des préférences. Elles ont leur
franc-parler, une vision personnelle de
leur avenir. C'est beaucoup trop, on leur
préfère une « silencieuse », aux ordres,
qui soit sans passion pour l'échange, la
discussion. Et, de surcroît, vertueuse,
au passé blanc comme neige. On connaît
la chanson !
Le «zoufri »
un homme suspect
Le célibataire n'a pas toujours la vie
facile. Il lui arrive d'être mal vu, de susciter
la méfiance des pères, pour lesquels
il incarne un danger estimable. Le
voilà jaugé avec minutie, sondé, questionné.
Relayant les anges-gardiens de
la vertu menacée, les « forces de
l'ordre» ne se privent pas de le soumettre
à quelques questions quand, d'aventure,
il se promène au mauvais moment,
au mauvais endroit, en galante compagnie.
L'amie, au sens « neutre» du
terme, est absente du vocabulaire légal.
On ne fait pas dans la dentelle! Hassan
et Mustapha, 36 ans tous les deux, se
plaignent de ces petites vexations qui
peuvent vous « dégoûter du célibat ».
Le concubinage n'existe pas aux yeux
de la loi. Qu'on se le tienne pour dit!
Autre 'sujet de malaise : les difficultés
inimaginables qu'éprouvent les
hommes célibataires à trouver un logement.
Méfiants, les propriétaires ont
décidé que « seul » était synonyme de
fêtard. Le célibataire serait un fauteur
de trouble virtuel, l'homme par qui le
scandale arrive. Privé de femme, on ne
saurait lui faire confiance. La langue dialectale
exprime à merveille le préjugéboulet
aux pieds du célibataire: le vocable
« zoufri » ne signifie-t-il pas tout à
la fois « seul» et « voyou ». Socialement
frappé de suspicion, le célibataire
est également «sanctionné, » par l'Etat.
Aziz râle gentiment: « le célibataire paie
plus d'impôts. Pour certains emplois
aussi, il est très mal vu d'être célibataire
». Augmentez encore les impôts et
la race s'éteindra tqut doucement !
Une manière
de vivre
Malgré les inconvénients, on ne peut
pas dire que le célibataire souffre un réel
martyre.
C'ést une période le plus souvent
transitoire, perçue comme une agréable
traversée du désert... une antichambre
obligée à la vie rêvée, future, à deux.
Peu d'indices donc en faveur de la thèse
selon laquelle le célibataire serait un
traumatisé « à priori» du mariage.
Mounir, 34 ans, met au compte des circonstances
seules d'avoir retardé l'instant
fatidique de l'union que l'on scelle.
« J'attends le moment favorable pour
me marier ». dit-il. Au nombre des
empêchements, il cite « le manque
d'argent, les études qui s'étirent,
l'absence d'un logement à soi ». Traditionnaliste,
profondément croyant, il
répond aux « victimes du mirage occidental»
: « ce qui nous guette, c'est le
déracinement ». A ses yeux, le mariage
est « un des actes les plus essentiels de
la vie Loo) une forme de couronnement
». La peur de changer de statut,
de « se marquer socialement », lui est
étrangère. Il croit pouvoir conclure de
ses observations qu'il y a « un effort de
ressourcement chez les jeunes marocains
(... ) dans la tradition, une volonté
de conformation aux préceptes du
Coran ». S'improvisant sociologue du
mariage, Omar m'affirme qu'un bon
mariage repose, au fond, sur une certaine
identité d'éducation et de culture.
Jalil, 33 ans, n'imagine pas se marier
autrement qu'avec une personne qui lui
ressemble, {{ qui ne (lui) apporte pas
que des problèmes ». Préférant qualifier
le célibat de « manière de vivre »plutôt
que de ({ choix», il ajoute, avec
humour, « un jour, quelqu'un te fait
changer d'avis ». Adil Ha.iii
13

M:ANSOURIA
LE PRIX DE LA TENACITE
Brune, potelée, une lueur chaleureuse
dans les yeux, du charme, Fatima
Hal fait partie de ces "mères-courage"
qui peuvent franchir allègrement les
obstacles. Marocaine d'Oujda, elle est
installée depuis de nombreuses années
à Paris, qu'elle adore et qui le lui rend
bien. Elle a, toute seule, sans le grand
coup de pouce du mari (d'ailleurs, elle
en est divorcéel) mis à flots son petit
navire: un restaurant. Pas n'importe
lequel. On y prépare la grande cuisine
marocaine, qu'on livre éventuellement
à domicile. Le Mansouria, du nom de
la mère de Fatima, existe depuis un an.
L'histoire, les péripéties du projet valent
la peine d'être contés. Le projet a mûri
pendant plusieurs années et a failli,
faute d'alliés, connaître un destin
funeste. Ce qui aurait été dommage,
pour elle, les gourmets et nous: on n'a
pas tous les jours l'occasion de parler
des "femmes d'entreprise"...
Au début, pas folle, Fatima s'est
adressée aux banques. Cinglante fin de
non-recevoir. Ne prêterait-on donc
qu'aux riches? On lui a gentiment dit
qu'il n'était pas interdit de rêver. Elle
14
Recette de Fatima Hal
"LA HARISSA A LA MAROCAINE"
Mesures pour 1 kg de piment vert
très fort
1 verre de carvi
1 verre de sel fin
1/4 litre d'huile d'olive
250 g d'ail
La veille : laver les piments. Bien
sécher. Enlever les queues et les
pépins.
Passer à la moulinette. Mélanger
avec carvi, sel, huile, ail.
Mettre le tout dans un bocal.
La harissa peut être consommée
immédiatement, mais elle aura plus
de goût si on la laisse reposer quelques
jours dans le bocal.
a donc continué à rêver seule (enfin, pas
vraiment seule). C'était en 1979. A son
domicile, transformé en cuisine de
grand hôtel, elle préparait de délicieuses
pastillas et de succulents tajines
qu'elle livrait elle même. Au début à des
amis, puis aux amis des amis, enfin à
des clients. Prudente manière de se faire
connaître et apprécier, sans risquer un
capital énorme. Contents et dépaysés,
les clients se multiplient. C'est une première
victoire. Suffisante pour réinvestir
ses forces dans la bataille.
"Quand on n'a pas d'argent, il faut
avoir plein d'idées... et les réaliser", rutelle
malicieusement. Alqrs, elle
s'adresse à "Fémin' autres", une petite
association qui aide les femmes à entreprendre.
On ressort l'idée de la tontine,
qui vient de l'Afrique de l'Ouest où les
"mamas-benz" rassemblent leurs économies
au prodit de l'une d'entre elles,
qui ait un projet solide, qui prêtera à son
tour et ainsi de suite. Ingénieux, non ?
Ce système original d'épargne contente
tout le monde. A l'arrivée, celle qu'on
a aidée, s'engage à réinvestir, l'année"

Recette
LES FIGUES FRAICHES AUX AMANDES
1 kg de figues fraîches
200 g d'amandes (ou de noix)
1 sachet de vanille
Canelle
Noix de muscade (GOUZA)
Jus d'un citron pressé
Beurre
Sucre
Pour la crème au miel:
1 litre de lait
3 jaune d'œufs
3 cuillères à soupe de miel
50 g de maïzena (ou farine)
Sucre.
Couper les figues dans le sens de la longueur, les arroser d'un peu de
citron, laisser reposer. Pendant ce temps, passer les amandes émondées
à la moulinette gros calibre, les mettre dans un saladier, mélanger avec sucre,
cannelle, gouza, et le reste du citron. Remplir les figues de ce mélange. Beurrer
très généreusement un moule et y placer les figues. Mettre une noix de
beurre sur chaque figue, et laisser 10 mn à four moyen.
Préparation de la crème:
Mélanger le lait avec les jaunes et le sucre, mettre à feu doux sans cesser
de remuer. Incorporer lentement la Maïzena, en continuant de battre pour
ne pas faire de grumeaux. Rajouter le miel. Le mélange doit épaissir sans
bouillir.
Retirer les figues du four au bout de 10 mn. Laisser refroidir figues et
crème. Servir les figues généreusement arrosées de crème, décorées avec
des feuilles de menthe. Présenter la crème restante à part.
Et bon appétit !
suivante, 1 % de son chiffre d'affaires
dans une autre tontine. Fatima a pu réunir
autour d'elle 15 femmes qui ont
offert chacune de verser 500 F par mois
pour soutenir le projet. Un prêt (gratifiant)
au taux de 12 %.
L'autre source de financement, c'est
la "souscription repas". Dans le 11 0
arrondissement, tout autour de la rue
Faidherbe où est situé le restaurant,
Fatima applique la bonne vieille recette
du "mailing". Elle met des petits papiers
dans les boÎ~es aux lettres. "Pour inviter
les gens, dit-elle d'un air coquin, à
goûter la cuisine de mon pays." Ils sont
venus et ils n'ont pas été déçus! Elle
leur a alors proposé d'acheter des tickets
repas à l'avance "comme on prévoit
d'aller au théâtre ou à un concert".
"Et comme, dit-elle, le monde attire le
monde..."
Tontine et souscriptions, banques
(finalement !), apport personnel, plus
aide à la création d'une entreprise par
un chômeur (30.000 F), plus aide à l'initiative
locale (40.000 F par emploi crée),
l'argent est là. Ouf on peut démarrer!
Le "Mansouria" est ouvert depuis
Noël 1984. Fatima, qui n'est jamais à
court d'idées, et qui ne veut pas offrir
de la cuisine marocaine une image
monolithique/envisage d'en présenter
chaque mois un nouveau visage (une
région chaque fois). A côté de son tajine
à la lotte et aux raisins secs et amandes,
des figues fraîches à la crème au
miel (fabuleux) et des briouates au saumon
et aux crevettes, Fatima a d'autres
préoccupations. Culturelles. Curieuse,
ouverte, à l'affût, Fatima, dans sa lancée,
a transformé le sous-sol du "Mansouria"
en un coquet espace de
rencontres. Déjà, l'écrivain marocaine
Badia Haj Nacer ("le voile mis à nu",
l'Arcantère) s'y est installée pour une
soirée, pour bavarder avec les invités,
signer son livre, répondre à la curiosité
que suscite la venue d'une maghrébine
écrivain, etc...
"Ma passion, c'est la cuisine marocaine,
et je ne voudrais pas la dissocier
de la culture de mon pays." Des peintres,
des artisans, des écrivains, des
artistes viendront au "Mansouria" présenter
ce qu'ils font de leur plume et de
leurs mains. Fatima est très fière d'avoir
réussi à donner ce tour culturel à une
entreprise qui aurait pu rester banalement
commerciale.
Elle .envisage d'agrandir sa cave pour
que puissent s'y tenir des concerts.
Cette ancienne interprète à Inter
Migrants Service, diplômée de l'école
normale d'instituteurs et licenciée en
arabe, a décidément les idées généreuses.
Adj] Hajji
15

BOUTI'~UE
DU DROIT
Démarches administratives (routinières ou complexes), licenciement,
divorce ·ou litige quelconque... dans tous les cas, le droit nous
concerne dans la mesure 'où il règle et sanctionne nos actes.
Connaître ses obligations c'est aussi connaître ses droits.
Les textes de loi n'étant pas destinés à être ignorés, Kalima entend
mettre à la disposition de chacun une information juridique claire
et pratique.
Pour mieux vous informer, nos journalistes feront des incursions
régulières dans l'univers des juristes.
Ils consulteront les praticiens du droit, les dossiers des tribunaux
(chaque fois que cela sera possible), ou les archives d'avocats, et
toute « littérature » susceptible d'enrichir vos connaissances en
:' matière de droits et de devoirs. .
Chaque mois, sous forme de fiches, nous traiterons d'une question
particulière relevant essentiellement du code du statut personnel
(Moudawana). A côté de cela, notre magazine prévoit un courrier
« juridique », par le biais duquel nous nous appliquerons à trouver
réponse à vos différentes interrogations.
Vous informer de vos droits de tous les jours, tel est l'objectif premier
de cette boutique du droit.
16

LA HADANA
LA TOILE DE FOND
JURIDIQUE:
LE REGNE DU PERE.
Avant d'apprécier les relations qui
unissent les parents à leurs
enfants, il convient de voir ce qui
les fait naître : la filiation, lien légal
entre parents et enfants. Le seul rattachement
juridique de l'enfant à son père
que connaisse notre droit est la filiation
légitime, celle concernant l'enfant né
d'un père et d'une mère unis par les liens
du mariage. La filiation naturelle (celle
des enfants nés hors mariage) ne crée
pas de lien de parenté vis-à-vis du père;
l'enfant n'a de lien qu'avec sa mère. La
filiation adoptive n'existe pas: l'adoption
n'a aucune valeur juridique et
n'entraîne aucun effet de filiation.
Sur les enfants pèse une double
tutelle : la tutelle sur la personne et la
tutelle sur les biens. Durant le mariage
la quasi-totalité des devoirs et prérogatives
qu'entraînent ces tutelles appartienuent
au père.
La tutelle sur la personne revêt plusieurs
aspects qui englobent l'entretien
et l'éducation de l'enfant. La garde
(hadana) consiste, d'après l'article 97 du
code de statut personnel, à « préserver
l'enfant de ce qui pourrait lui être préjudiciable,
à l'élever et à veiller à ses
intérêts ». La garde dure pour les filles
jusqu'à la consommation du mariage;
pour les garçons jusqu'à la puberté. La
garde est à la charge du père et de la
mère tant qu'ils demeurent unis par les
liens du mariage (art. 99).
L'OBLIGATION
D'ENTRETIEN
La (nafaqa) est un deuxième aspect
de la tutelle sur la personne. D'après
l'article 126 du code de statut personnel,
cette charge incombe au père qui
doit «subvenir aux besoins de ses
enfants en bas âge ou incapables de se
procurer des ressources ».
Cette obligation subsiste pour la fille
jusqu'à ce que son entretien incombe à
son mari, pour le garçon jusqu'à ce qu'il
devienne pubère, sensé et capable de
gagner sa vie; mais si celui-ci poursuit
des études, l'obligation subsiste jusqu'à
ce que ces dernières prennent fin (ou
jusqu'à l'âge de vingt et un ans).
Exceptionnellement, la nafaqa peut
incomber à la mère: lorsque le père n'a
pas les moyens matériels d'entretenir ses
enfants et que la mère est riche
(art. 129). Mais si le père revient à meilleure
fortune, l'obligation de la mère
prendra fin.
Le fait que l'obligation d'entretien
pèse exclusivement sur le père (qui d'ailleurs
la doit également à son épouse) est
conforme à la répartition traditionnelle
du travail dans l'ancienne famille
patriarcale. Le fait que la mère soit dispensée
des charges pécuniaires à l'égard
de ses enfants ne peut être considéré
comme un avantage : en contrepartie
logique, elle n'a pas voix au chapitre
concernant leur éducation.
En effet, le dernier aspect de la tutelle
sur la personne peut être défini comme
l'autorité du père sur ses enfants:
tutelle matrimoniale mais aussi droit de
décider de leurs activités, de leurs études,
de leurs déplacements, 'etc... Cette
autorité appartient au père seul et
jamais à la mère. L'article 149 du code
de statut personnel prévoit que «le père
exerce sa tutelle légale sur la personne
et sur les biens de l'incapable jusqu'à ce
que celui-ci acquiert la capacité ».
LA TUTELLE SUR LES BIENS
Elle consiste à gérer les biens propres
de l'enfant jusqu'à ce qu'il devienne
capable de le faire lui-même, c'est-à-dire
jusqu'à sa majorité (vingt et un ans). Le
père exerce la tutelle assez librement
puisque le code ne prévoit de contrôle
en ce qui le concerne que s'il est indigent
: le juge lui interdira alors tout prélèvement
sur les biens de son enfant et,
s'il a des craintes quant à leur gestion,
il lui désignera un subrogé tuteur, c'està-dire
un tuteur en second.
Le pouvoir du père sur la personne et
les biens de son enfant mineur cesse en
cas de décès ou s'il est déchu de la puissance
paternelle. Cette dernière hypothèse
est extrêmement rare puisque la
déchéance ne peut être prononcée que
çomme accessoire d'une condamnation
pénale pour infraction grave commise
sur la personne des enfants (par exemple,
coups et blessures sur l'enfant, privation
d'aliments ou de soins de nature
à compromettre sa santé...). De nombreuses
législations étrangères prévoient
la déchéance de puissance paternelle en
dehors de toute infraction pénale, lorsque,
par leur comportement, les parents
mettent en danger la santé, la sécurité
ou la moralité de l'enfant. Le législateur
marocain, quant à lui, ne prévoit pas le
contrôle de l'exercice de la puissance
paternelle, position, là aussi, conforme
à la conception traditionnelle de l'autorité
patriarcale.
LA HADANA,
UN PRIVILEGE FEMININ
En cas de dissolution du lieu matrimonial,
le père conserve l'autorité paternelle
mais "la garde est attribuée à la
mère. La hadana est d'ailleurs un privilège
féminin: l'article 99 du code de
statut personnel prévoit l'ordre d'attribution
: en priorité la mère, ensuite
selon l'ordre: la grand-mère maternelle,
l'arrière grand-mère maternelle, la tante
maternelle, etc... La famille maternelle
est, là, « favorisée» : les sept premières
attributaires sont des femmes du
~ôté maternel. Le premier attributaire
mâle (le frère) arrive seulement... en
quinzième position. Quant au père, il ne
figure pas dans la liste, oublié ou éliminé,
alors qu'il pourrait souhaiter
avoir la garde en cas de décès de sa
femme.
17

1
UN PRIVILEGE EXIGU
La garde est sujette à rémunération
par la personne à qui incombe l'entretien
de l'enfant. Le père (ou le tuteur)
conserve un droit de regard en ce qui
concerne l'éducation ou la fréquentation
des établissements scolaires (art.
109).
La mère, comme tout autre titulaire
de la garde, perd son droit si elle se
marie avec une personne autre. qu'un
proche parent de l'enfant. Elle le perd
également si elle fixe sa résidence .dans
une autre ville et qu'il devienne ainsi difficile
au père ou au tuteur de "surveiller
les conditions de vie de l'enfant et
d'assumer ses obligations envers lui"
(art. 107). On voit par là que la hadana
est un droit plutôt restreint (puisque la
gardienne reste soumise au contrôle permanent
du père ou du tuteur) et très fragile
(puisqu'il peut être perdu).
GARDIENNE, OUI
TUTRICE APART
ENTIERE, NON!
. En cas de décès du père, la hadana est
attribuée de la même manière. Mais la
mère n'est pas automatiquement tutrice
de ses enfants mineurs. Le père peut la
désigner comme tutrice par testament,
mais c'est une possibilité et non une
obligation pour lui ; il est seul juge de
l'opportunité de cette désignation et il
peut bien choisir quelqu'un d'autre. S'il
n'a pas désigné de tuteur par testament,
le juge nomme un tuteur datif; la mère
peut alors être désignée, mais une autre
personne peut également l'être. Si elle
est tutrice testamentaire ou dative sa
tutelle est soumise à un contrôle et à des
autorisations du juge pour les actes
importants.
Ce contrôle étant prévu pour toutes
les tutelles testamentaires ou datives, elle
y est également soumise et, pour la
même raison, elle peut être révoquée par
ordonance du juge s'il est établi que sa
gestion menace les intérêts du mineur.
De plus, même tutrice, elle n'a jamais
autorité entière sur ses enfants : ainsi
elle n'a jamais la tutelle qui revient à un
agnat (parent par le père) mâle.
En revanche, en cas de décès de la
mère, le père conserve la garde qui est,
nous l'avons vu, une fonction essentiellement
féminine. La hadana est alors
attribuée conformément aux règles vues
plus haut et exercée sous le contrôle du
père.
L'ordre de la liste de l'article 99 est
respecté si la personne à qui est dévolue
la hadana est digne de l'exercice,
sinon ce droit passe au suivant. Pour
être apte à assurer la garde, il faut (art.
98) «être doué de discernement ; être
pubère; avoir une bonne conduite;
être capable d'élever l'enfant et
de pourvoir à la sauvegarde de sa santé
et de son éducation morale; être
indemne de toute maladie contagieuse
ou susceptible d'empêcher l'exercice
effectif de la garde de l'enfant». La différence
de religion n'est pas un obstacle
à l'attribution de la hadana à
condition que la gardienne ne profite
pas de l'exercice de ce droit pour élever
l'enfant dans une religion autre que celle
du père.
LE DROIT
ET LA REALITE
Ce bref tour d'horizon des relations
parents-enfants nous montre que, sur le
plan juridique, il vaudrait presque
mieux parler des relations père-enfants.
Si l'on y ajoute le fait que le père transmet
à ses enfants son nom, sa religion
et sa nationalité, il faut convenir que les
prérogatives juridiques de la mère sont
bien faibles. Or, de nos jours, le rôle des
femmes dans la société, et, partant, des
mères, s'accroît de manière notable.
On sait que de nombreuses femmes
sont dans la réalité chefs de
famille: veuves ou répudiées, elles
prennent seules en charge l'éducation et
l'entretien de leurs enfants.
L'image idéale, véhiculée par le code
de statut personnel, d'un père nécessairement
capable d'entretenir ses enfants,
est démentie par la réalité. Les résultats
du recensement de 1982 abondent dans
ce sens. De plus, au sein du couple, le
rôle économique de la femme n'est pas
négligeable et sa contribution à l'entretien
des enfants s'avère indispensable.
Dans ces conditions, on ne peu{ que
souhaiter voir le droit prendre en
compte la réalité et réserver à la mère
un rôle moins subsidaire que celui qui
lui est attribué à l'heure actuelle.
Michèle ZIRARI
18
'1 l.

FEU VERT
DIALOGUE
Cette rubrique a pour but le dialogue. L'effort de marcher à la rencontre de l'autre.
L'entendre, l'écouter, le deviner, lui prêter une oreille fraternelle. Dans dialogue,
il y a cette distance équitable à parcourir, pour elle et lui, afin de recueillir, distincte
et limpide, la voix de l'autre.
Dans dialogue retentit le bruit de la traversée. D'une rive à l'autre. De l'indifférence
à la sympathie agissante. Cette rubrique est offerte à tous ceux que les médiocres
échanges entre hommes et femmes au Maroc irritent mais ne désespèrent
pas. A tous ceux pour qui les tristes habitudes de séduction hâtive et de surdité
sans limites ne sont pas sans remède.
Feu vert est donné à toutes celles et tous ceux qui ont quelque chose à dire sur
l'amitié « impossible », les communions difficiles, la femme « gibier » et l'homme
« porte monnaie », les ghettos affectifs et tout ce qui fait défaut, cruellement, à
la rencontre.
Dans dialogue, il y a nécessairement deux partenaires. Qu'ils s'écoutent et les voilà
tout près, presque certains, de se comprendre. Assurés de se respecter mutuellel11ent.
De cela seulement peut naÎtre une démarche positive. Cette tribune que
nous voudrions sans orateurs mais riche de femmes et d'hommes de simple volonté,
impatients de se parler, nous la consacrerons à la confrontation des points de vue.
A l'échange. A la contradiction, pourvu qu'elle soit clairement assumée et bien
vécue. A la discussion, pourvu qu'elle soit sincère. A la subjectivité, pourvu qu'elle
se déploie sans crainte, sans complexes.
Des questions qui nous habitent, comme l'amitié entre un homme et une femme,
par exemple, la tendresse, l'amour, les relations du couple, nous ferons des tables
rondes.
Libres propos, correspondance, « devoir» de réponse, tous les moyens nous seront
bons, à vous lecteurs et à nous, pour nourrir ce dialogue. /1 est urgent, salutaire.
Nous ne doutons pas qu'il concurrencera les égoïsmes, la force redoutable des
idées reçues qui mendient leur légitimité dans la tradition.
19

DE L'AMOUROLOGIE
L'AMOUROLOGIE
UNE SCIENCE QUI VOUS
CONCERNE
Les économistes marocains écrivent
beaucoup sur ce qui nous manque pour
devenir un peuple heureux. Mais tu
peux lire mille pages d'analyse économique
hautement sophistiquée, extrêmement
pertinente, sans arriver à
trouver la moindre allusion à ce qui est
bien un fléau national : la faim de tendresse.
Le désir d'être aimé (e) plus. Le
besoin de se saturer d'amour. Si tu
écoutes attentivement ce qui se dit
autour de toi, que ce soit à la maison,
au travail ou chez les voisins, la cherté
de la vie exceptée, 80 0,10 de ce qui se dit
se réduit à des plaintes relevant de
« l'affectif ». Les parents estiment que
leurs enfants ne les aiment pas assez..
Les maris estiment que les femmes ne
savent plus aimer comme maman l'avait
fait (Achmen Ialat bqaou : intraduisible
!). Les femmes vocifèrent que les
hommes les font souffrir. Les gouvernés
s'époumonnent à dire que les gouvernants
les détestent. Le moqaddem ne
comprend rien à l'hostilité qui l'enve-
loppe lorsqu'il traverse l'haouma
(quartier).
Le professeur est choqué de réaliser
que les étudiants ne l'admirent guère. Le
parlementaire (conscient) est surpris par
l'ampleur de la rancœur de ses électeurs.
Et le marocain moyen se réveille le
matin en chantant en français avec
Najat Atabou « J'en ai marre ».
Mais on va laisser de côté l'amour du
gouvernant pour le gouverné qui nous
semble particulièrement compliqué pour..
essayer plutôt d'élaborer les instruments
d'analyse d'une nouvelle discipline:
l'amourologie (L'amour-au-logis !).
Qu'est-ce que l'amourologie?
Comme la zoologie est la science des
animaux, la futurologie celle du futur,
l'amourologie est la science de l'amour.
(Ouf, enfin un truc qui a échappé aux
occidentaux qui sont obnubilés par le
sexe! (hum, nous ne le sommes pas !).
La réponse constitue tout un programme.
PROGRAMMEE POUR REVER
D'ETRE AIMEE PAS D'AIMER
En quoi consisté cette science ? Pour
le moment, contentons-nous de réfléchir
sur le marocain, la marocaine, en tant
qu'êtres désirants, aimants. En matière
d'amour, que consomme-t-on? Que
produit-on? Est-ce qu'on est exigeant
en matière d'amour, en tant que« consommateurs
et producteurs» ? Qu'estce
qu'on vaut sur ce plan-là? Si on
devait se délivrer des diplômes, à quel
niveau se situerait-on? Le jour où j'ai
réalisé qu'on peut être débordant de tendresse
pour quelqu'un, tout en rendant
ce quelqu'un extrêmement misérable,
fut pour moi un jour décisif. C'est ce
jour-là que je suis devenue adulte. Car,
dans le babillage interminable que les
adultes tenaient autour de moi, personne
ne m'avait parlé de cette faille-là.
On m'a inculquée l'idée que la réussite
pour une femme, c'est de se « faire
remarquer par un homme riche qui la
comble... de bijoux ». Adolescente, on
m'a programmée pour vivre l'amour
passivement. Personne ne m'a appris à
vivre l'amour comme échange, don,
ouverture. Adolescente, je sautais les
terrasses de Fez en rêvant à l'amourcoffret
de bijoux. Une ceinture d'or et
des tenues de « sqalli » que je devais
récupérer, quelque part, chez un homme
qui les déposerait à mes pieds.
20

......
Aimer, pour une femme, c'est récupérer
de l'argent quelque part. Pour un
homme, c'est avant tout signer des chèques,
jeter de l'argent au cou de l'aimée,
«Wa Assalamou Alaikoum ».
L'AMOUR NEGOCE,
L'ECHANGE TRUQUE. ..
Certes, à Imilchil on aime différemment:
l'accumulation des richesses y est
difficile et la rareté est loi. Mais Imilchil
et les communautés de l'Atlas pures
et dures sont très éloignées des modèles
qui régissent notre comportement et inspirent
nos lois. La culture « de base »,
dominante, celle qui nous imprègne à
l'école, qui fabrique nos rêves et sculpte
nos désirs, c'est celle de l'amour-négoce,
celle de l'échange truqué, celle de la
manœuvre et de la ruse... On a beau
chanter la « Açala », se gargariser de la
grandeur de notre tradition, si on réfléchit
bien à l'essence de notre éducation,
on se rend compte qu'elle est surtout
mise en garde et suspicion... Ne dis pas
ce que tu penses, cache tes intentions,
dissimule tes sentiments, masque-toi
mon garçon, musèle-toi ma fille.
Adulte, on se retrouve calé (e) dans
l'insécurité. Paranoïaque et sur le quivive.
Qui nous veut du mal ? qui nous
déteste'? Que cache-t-il derrière ce
compliment? Pourquoi s'ingénie-t-il à
me dire qu'il m'aime juste maintenant?
Où veut-il en venir?... L'espace est surchargé
de forces négatives. Les
« Jnouns» et les «Ghouls» de
l'enfance sont relayés par le chef de service,
l'enseignant, le« moqaddem », la
belle-sœur, le beau-frère, le voisin, le
collègue.
Ah, le collègue! Ce monstre du
Maroc moderne qui vous « creuse des
trous », qui passe son temps à poser des
pièges. On entend la même chose chez
les médecins d'Avicenne, les professeurs
de la Faculté de Droit, les fonctionnaires
du Ministère des Finances, les'
ouvriers des Phosphates, et les paysans
de la sucrerie de Sidi Slimane...
Dingue!
A tel point qu'on se demande'comment
les gens arrivent, à côté des coups
fourrés et des manigances qu'ils échafaudent,
à trouver encore de l'énergie
pour travailler?
21

LA TENDRESSE, UN VERITABLE
PROBLEME NATIONAL·
Si vous écoutez bien ce qui se dit
autour de vous, il est évident que la
majorité des gens souffrent de n'être pas
assez aimés. Le même refrain nous est
chanté à la télévision, dans les pièces
théâtrales de Badaoui, à la Radio, dans
les conversations entre amis, entre collègues
ou entre voisins. Il fut un temps
où je trouvais que Abdelhadi Belkhayat
et Naïma Samih exagéraient en pleurant
leur douleur de mal aimés devant des
milliers de téléspectateurs, mais l'année
de « Yak-Ajerhi » (Naïma Samih) où
des milliers de marocains se délectaient
en fredonnant « 0 ma blessure », avec
des intonations masochistes manifestes,
je me suis rendue à l'évidence; à côté
du blé et du sucre, la tendresse semble
être un véritable problème national. A
cette différence près cependant: le blé
peut être importé de Californie, la tendresse
ne peut être produite que localement.
J'avais même pensé un moment,
après les dernières élections, que les parlementaires
soucieux de réaliser notre
bonheur, finiraient probablement, un
jour, par nommer une commission
d'enquête chargée d'ouvrir un dossier
« tendresse nationale ».
Mais, jusqu'à présent, aucun indice
dans ce sens-là. A croire que les parie
mentaires n'ont pas de problèmes de cet
ordre. Leur besoin de tendresse seraitil
inférieur à la moyenne nationale? Qui
sait? En tout cas, si on prend comme
indice du besoin d'amour le volume de
plaintes des chanteurs, acteurs, poètes
et écrivains, on ne peut contourner cette
vérité: la disette d'amour est endémique,
elle s'étend sur l'ensemble du territoire.
Contre ce fléau, il faut se
mobiliser ! Faut faire quelque chose !
Mais que faire? Cerner le problème,
commencer à en parler tout au moins,
c'est déjà un prélude à sa solution, et
rien de tel pour nous y préparer que les
ressources de l'amourologie, cette
science qui va débloquer les capacités
d'aimer du citoyen et révolutionner les
structures de l'économie libidinale du
pays.
On entendra les belles-mères chanter
les louanges de leur belle-fille, le mari
crier sa joie d'être comblé d'amour par
sa femme légitime cinq ans après la lune
de miel. A tel point que... il n'a plus
besoin de divorcer pour la remplacer, ou
d'avoir une rivale à côté. Bref, on vina
dans un Maroc où les femmes gémiront
d'être trop aimées.
Ainsi on entendra la cliente dire à sa
voyante:
« Mon mari m'aime trop. Que puis-"
je faire pour qu'il m'aime un peu moins,
je suis saturée, je n'en peux plus. Cet
amour m'empêche de m'occuper de mes
enfants. Je néglige mon fils. C'est un
drame à la maison. Je ne m'occupe plus
de mes voisins. Leurs commérages me
laissent indifférente. Je suis totalement
absorbée par l'intense échange que j'ai
avec mon mari. Et lui, de même. Evidemment,
ses amis se plaignent. Il ne
disparaît plus le soir avec eux.
Il s'ennuie lorsqu'il est entouré
d'hommes uniquement. Les autres femmes
qui tendent de le séduire rencontrent
un mur d'indifférence. Aide-moi,
Madame la voyante, j'étouffe
d'amour! » Comment réaliser cette
métamorphose? Comment, surtout,
faire face aux problèmes qu'elle va
créer? Des cours de justice où les Cadis
s'ennuient car il n'y a plus de haine
entre le mari et sa femme. Des voyan-
~ tes qui somnolent et vont s'inscrire au
~ chômage car personne n'a plus besoin
o
§;
t""
.....
~
i3
ëi:
de shour ni d'amulettes.
Des sanctuaires avec d'énormes problèmes
de trésorerie (personne ne déposant
plus de cierge), et surtout plus de
coqs sacrifiés, ni de boucs égorgés. Et
bientôt on verra gambader dans nos
campagnes les boucs noirs «balala »,
miraculeusement épargnés. Et puis ce
sera l'hécatombe des poètes qui écrivent
la chanson nationale (Finak ya habib,
Hajartini etc...).
Pour ceux-là, le problème est celui du
recyclage. On voit que le jour où les
femmes et les hommes dans ce pays
développeront leur capacité d'amour,
leur aptitude au partage, on assistera à
la ruine de plusieùrs institutions. Mais
en attendant cette révolution« amourologique
», gardons la tête calme et le
cœur froid, conditions nécessaires (mais
transitoires) pour l'analyse.
Pour analyser, il faut d'abord ramasser
la matière qui sera soumise à l'investigation.
Ecouter, à travers des
interviews, les expériences des gens,
leurs moments de bonheur et leurs frustrations
et la manière dont ils peuvent
s'expliquer les uns et les autres.
Ecouter des hommes et des femmes,
venant d'horizons différents. Ecouter
les adultes et les adolescents, les paysans
et les technocrates. Faire parier les poètes
qui expriment nos désirs et nos craintes.
Prêter l'oreille aux plus âgés, aux
« Khottabs », à ceux qui ont dédié leur
vie non à la quête du pouvoir, mais à
celle de la tendresse.
22

CES MOMENTS
OU L'ON SE PERD
Certains matins, le miracle se produit:
on se réveille si tendre, et l'autre
si proche, si proche qu'on s'y perd...
Sans que cette perte soit accompagnée
d'angoisse, de peur. La tendresse, ce
sont ces moments où l'on se perd en
l'autre sans que la perspective de ne pas
se retrouver devienne angoisse.
Ce qui est surprenant, ce n'est pas
qu'on souffre en tant qu'êtres désirants
êtres « sensuels », c'est que, en dépit
d'une morale qui édifie la ségrégation
des sexes en institution, on arrive quand
même à garder le réflexe d'aimer, la
nostalgie de s'ouvrir. Dans une société
séparatiste, le rapport amoureux ne peut
être que ruses et feintes car l'autre
(l'autre sexe, ou l'autre «culture »,
l'autre partenaire) est l'ennemi. Tout
rapport à autrui nécessite la mise en jeu
de masques, de voiles (tout un dispositif
de défense) car il s'agit d'un rapport
de forces, un rapport de guerre.
Et dans cette situation là, être soi, être
vrai, naturel, devient une chose difficile.
Etre soi-même dans notre société est une
épreuve douloureuse, souvent suicidaire,
car il s'agit de déposer les masques,
tous les masques.
Et notre éducation se résume à quoi,
sinon à se fabriquer des masques selon
les circonstances. Il y a même certains
jours où l'on se retrouve avec plusieurs
masques à la fois, à tel point qu'on est
embarassé d'en avoir autant, on est fatigué,
on a envie de tout « foutre» en
l'air, juste pour respirer un moment,
juste pour être soi-même, pour savoir
qui on est. A force de bricoler avec tous
ces masques, on se perd de vue, et comment
aimer si vous ne savez plus qui
vous êtes ?
Là, je crois que je tombe un peu dans
le dramatique. Après tout, la vie n'est
pas si désagréable, il faut avouer qu'on
arrive quand même certains soirs à
s'enlacer avec plus de douceur. A
s'entendre, malgré tout cet héritage antitendresse
qui nous interpelle. Et c'est ça
le miracle : retrouver en nous, dans nos
entrailles, ce réflexe d'aimer, de
s'ouvrir, de se donner, de « miroiter»
l'autre.
Devenir miroir, pour refléter sa
beauté, malgré le conditionnement dont
nous avons été l'objet.
C'est ce miracle que l'on voudra célébrer.
Donner la parole à des hommes et
à des femmes qui ont échappé à la « destinée
culturelle », qui ont réussi à s'aimer,
à se faire confiance hier et aujourd'hui.
Moi personnellement, j'en ai « marre »
des plaintes, des jérémiades sur ce qui ne
marche pas. RAS LE BOL! ! ! Je veux
apprendre le miraculeux, je veux être
informée sur les êtres, vivants ou morts,
touchés par la grâce, qui sont parvenus,
ou parviennent, à faire mieux que moi, qui
arrivent à faire un petit pas en avant.
Je veux apprendre comment ils ont pu
réaliser ce petit pas. Ce minuscule petit
pas.
Qu'y a-t-il de plus beau, dans un pays
qui ridiculise un homme qui aime, que ces
couples qui se tiennent par la main dans
nos villes désabusées? Souvent l'étreinte
est maladroite... Mais, bon sang, quel
courage de défier toute une communauté
qui méprise le dialogue, abhorre le rapport
d'égalité, refuse l'ouverture, l'échange
total entre un homme et une femme·!
Deux' hommes qui se tiennent tendrement
par la main ne choquent pas dans la rue
marocaine. Mais un homme et une femme
qui font la même chose deviennent obscènes.
Décidément, il y a quelque chose
d'anormal dans tout ça, vous ne trouvez
pas? Et si on essaye de lire notre passé,
nos traditions textuelles et orales, religieuses
et profanes, que trouve-t-on sur le rapport
à l'autre sexe?
L'imam Ghazali, une intelligence
extraordinaire, un raffinement hors-pair
dans le spirituel, était catégorique sur la
façon d'aimer.« Si un homme se met à
obéir aux désirs de sa femme, Allah.le précipitera
dans le feu ».
Là, une dimension de~'analyse amouro- N
logique s'impose: la mémoire collective, ~
comment nos ancêtres ont-ils vécu 0
l'amour ?
~ t"-'
Nous raconterons l'histoire des cœurs ....
qui ont connu la tendresse, il y a six cents ~
ans, dans les sentiers neigeux de l'Atlas et ct
les vallées de l'Oum-Er-Rbia. Parlez-moi
de ces ancêtres-là, palpitants de tendresse
devant l'Atlantique en furie. Que se
disaient-ils lorsque la douceur envahissait
leur regard ?
Voilà le double voyage qu'on se propose
de faire ensemble : quête du quotidien
si présent, et incursion dans les temps
révolus pour alimenter et enrichir le dialogue
homme-femme.
Fatéma MERNISSI
23

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~ V,/.. 4"~c::. LIC ",'EIIA/tE• •.---

LE POINT
LA TUNISIE AU
FEMININ
Pour avoir supprimé la répudiation et la polygamie de son code du statut personnel,
la Tunisie fait figure de féministe radicale, comparée aux autres pays arabes.
Pourtant, un petit tour dans les rues de Tunis ramène bien vite le rêveur
à terre: modifier une loi n'influe pas du jour au lendemain sur les mentalités.
On a, au contraire, l'impression que l'évolution du droit a provoqué une crispation
de la population masculine. De plus, dans cette société où le tourisme constitue
une agression permanente, le discours intégriste rencontre de plus en plus
d'échos. Le voile s'allie au haïk pour meubler l'espace d'ombres blanches. Et
l'après-Bourguiba suscite des interrogations angoissées chez les Tunisiennes.
Kalima a été à la rencontre de certaines d'entre elles. D'abord, au Centre Tahar
El Haddad, une maison de culture immergée en plein cœur de la Médina. Sous
l'impulsion de sa directrice, Mme Jelila Hafsia, un club d'étude de la condition
féminine s'y est constitué. A travers une démarche qui se pose comme féministe,
ses membres développent une réflexion sur le statut et la situation de la
femme dans la société maghrébine. Quelques jours passés en leur compagnie
nous permettent ici de WlJS la présenter.
En Tunisie, le militantisme féminin ne date pas d'aujourd'hui. Un entretien
exceptionnel aété accordé par l'une des premières présidentes de l'UFT (l'Union
des Femmes de Tunisie), Mme Ben Miled, à Kalima. Sur une époque si proche
et si lointaine à la fois, voici le témoignage d'une de ces pionnières grâce auxquelles
aujourd'hui n'est plus hier.
Enfin, pour clore cette envolée tunisienne, Rachida Ennaifer, notre correspondante
à Tunis, fait le point sur le débat politique soulevé par la volonté des inté­
,gristes de remettre en question les acquis du CSP (Code du Statut Personne/).
25

UNCODE
SYMBOLE
S'il est une date dont les Tunisiennes ont,
dans leur grande majorité, souvenance, c'est
bien celle du 13 août 1956. Ce jour-là, par
la grâce d'un homme, elles s'extraient de leur
condition de « mineures» pour accéder, du
moins légalement, au rang de citoyennes à
« part entière ». Le Code du Statut Personnel
qui est promulgué prend dès lors figure
de symbole. Chaque année, son anniversaire
est célébré. Proclamé «journée de la
femme », le 13 août est hissé au rang de fête
nationale.
1986 va boucler la tridécennie de l'entérinement
du C.S.P. A cette occasion, voici un
rappel de l'historique de celui-ci et des changements
juridiques qu'il a provoqués.
Quelques mois à peine après l'accession
du pays à l'indépendance, Habib Bourguiba,
alors premier ministre sous le gouvernement
du Bey, crée l'événement en demandant
à ce que le statut de la femme soit
reconsidéré au niveau législatif. Les réformes
introduites à la suite de cette prise
de position apparaissent d'une audace folle
au regard de la législation antérieure, basée,
comme dans l'ensemble des autres pays arabes,
sur le droit musulman classique. Leurs
auteurs, pourtant, n'ont nullement cherché
à se distancier par rapport à la religion. Bien
au contraire, ils en revendiquent la légitimité.
Elaboré à partir des textes religieux, le
C.S.P. est posé comme une nouvelle lecture
de ceux-ci, différente certes des précédentes,
mais toujours respectueuse du message
divin.
La codifiation de ces textes a d'ailleurs été
précédée de consultations de la hiérarchie
religieuse et reçut l'aval de sa plus hauteinstance
en la personne du Mufti de l'époque,
M. Fadel Ben Achour.
De cette «révolution» juridique, on
retient en général deux choses: l'abolition
de la répudiation et l'interdiction de la polygamie.
Pour le Tunisien, en effet, le temps
des épouses en série et des bye-bye à sens unique
est révolu. Un an de prison et/ou une
amende de 240 dinars (+ ou - 2500 DH)
punit celui qui prend une seconde compagne.
Celle-ci, de son côté, peut être poursuivie
pour complicité.
Le fâcheux privilège qui permet au mari
de se débarrasser de sa femme d'une vulgaire
chiquenaude, a pris le chemin des oubliettes.
Maintenant, quand la tête de J'un des
conjoints provoque J'insomnie de l'autre,
c'est avec monsieur le juge qu'il faut aller
en discuter. Lui seul est habilité à dissoudre
les liens du mariage. Les règles qui régissent
le divorce s'appliquent aux deux sexes, les
mettant ainsi sur un pied d'égalité par rapport
à cette question. Lorsque la Justice
estime que la séparation est susceptible de
porter préjudice à la femme, elle contraint
l'époux à lui accorder des dommages et intérêts.
Depuis le vote d'un amendement en
1981, la femme qui ne travaille pas reçoit une
pension alimentaire.
Après tant de décennies d'arbitraire et
d'insécurité, la Tunisienne peutaujourd'hui
aborder le mariage avec une plus grande
sérénité. Mais les changements introduits par
le C.S.P. ne se limitent pas à ces deux réformes.
Le droit de décider de sa propre destinée
est enfin reconnu à la femme : elle se
marie « toute seule ». Plus besoin de Papa
ou de n'importe quel autre tuteur matrimonial
pour la représenter (sauf si elle est
mineure, mais cela est valable également
pour le garçon).
Bien entendu, le« jabr », ou droit du père
à marier sa fille sans son consentement, disparaît
par la force des choses.
Cette mesure, dans son ensemble, revêt
une importance fondamentale car elle signifie
la reconnaissance de la femme comme un
individu à part entière, responsable de sa vie
et de ses actes.
Le mariage civil apparaît aux côtés du
mariage religieux. 11 marque ainsi la volonté
du législateur de faire ressortir le caractère
d'union entre deux êtres et non simplement
d'alliance entre des familles. Nous citerons
également l'élévation de l'âge du mariage (l8
ans pour la fille et 20 ans pour le garçon).
Sur les questions relatives à l'héritage,
notons que lorsque le défunt ne laisse que
des filles, celles-ci bénéficient, désormais, de
la totalité de la succession. Jusque là, en
l'absence d'enfants mâles, les oncles paternels
avaient la priorité sur elles.
Mais ceci dit, le C.S.P. n'en a pas pour
autant éliminé toutes les formes de discriminations
qui existent à l'égard de la femme.
Elle continue, par exemple, à recevoir en tant
qu'héritière la moitié de ce qui revient à
l'homme pour un même degré de parenté.
Le mari demeure légalement le chef de
famille (

Par la question féminine un règne a
débuté. Par elle aujourd'hui il semble
vouloir se clore. Au courant de l'année
passée, pour la première fois, une formation
politique a demandé publiquement
à ce que le code du statut
personnel (c.S.P.) soit soumis à un
référendum. Par cette prise de position,
le mouvement de la tendance islamique
(M.T.1.) a osé remettre en cause un des
acquis fondamentaux du régime de
Bourguiba.
Les réformes introduites dans le statut
juridique de la femme n'avaient certes
jamais suscité l'enthousiasme des
personnes conservatrices. Ces dernières
années, des voix s'étaient élevées dans
certaines formations politiques et syndicales
pour imputer d'une manière plus
au moins directe la responsabilité de la
crise économique et sociale aux femmes.
Chômage, délinquance, destabilisation
des structures familiales, autant de
maux mis sur le compte d'une libération
jugée « excessive ». Les solutions préconisées
étaient bien entendu le retour
des femmes au foyer, le rétablissement
de la polygamie, la complication de la
procédure de divorce etc... Mais jusquelà,
ces voix ont été plus au moins circonscrites,
car, traditionnellement, la
majorité de l'opinion publique, sans être
particulièrement favorable à l'émancipation
des femmes, reste attachée aux
idéaux de justice et de progrès.
L'appel lancé par les dirigeants du
M.T.I. ne fut donc pas suivi par les
Tunisiens dans leur grande majorité.
Face à cet échec cinglant, les fondamentalistes
ont été obligés de changer de
mot d'ordre.
Abandonnant l'idée d'un référendum
sur le C.S.P., ils réclamèrent lapromulgation
d'une loi interdisant le mariage
d'une musulmane avec un non musulman.
Quelques précisions s'avèrent ici
nécessaires. Permis par les textes de loi,
ce mariage se voit dans la pratique interdit
par une circulaire du ministère de la
Justice.
Grâce à ce stratagème (les mariages
mixtes étant vécus comme la violation
d'un grand tabou), le M.T.1. put continuer
à prôner le retour à la Chariâ tout
en évitant de s'attaquer directement au
C.S.P. Un moyen astucieux de se rallier
le public le plus large et de neutraliser
les défenseurs de la laïcité et des
droits de la femme.
Cependant, ces derniers, réalisant la
portée d'un tel enjeu, ont réagi. Ils ont
saisi l'occasion de l'élaboration d'une
charte de la Ligue tunisienne des droits
de l'Homme (L.T.D.H.) pour proposer
la consécration de la liberté de chacun
dans le choix de son conjoint, indépendemment
de toutes considérations, y
compris religieuses; ceci conformément
à la Charte Internationale des droits de
l'homme, adoptée par les Nations
Unies, en 1948.
Ce défi, lancé par les laïcs, fut relevé
par les intégristes, qui réussirent à rallier
à eux non seulement les plus conformistes,
mais aussi certaines
formations politiques de gauche. Cellesci,
bien que défendant la laïcité, estim~rent
qu'il valait mieux ne pas choquer
l'opinion publique.
Or, que sait-on de cette opinion qui
a rarement les moyens de s'exprimer?
Très peu de chose en vérité.
Un certain nombre de constatations
peuvent être faites. Nous citerons en
premier lieu la crise d'identité dans
laquelle se débat la majorité des Tunisiens
tant hommes que femmes. La
résultante en est un retour ou un renforcement
des « valeurs» islamiques.
Confrontée à cette tendance, la
notion de laïcité qui demeure encore très
vague dans l'esprit des gens, évoque
pour beaucoup d'entre-eux le déracinement
et le mimétisme culturel. Conscients
de cette perception, ses partisans
hésitent à se hasarder sur un terrain peu
balisé. La personnalité tunisienne étant
à redéfinir, les uns et les autres essaient
d'avancer leurs propres éléments de
définition. La femme occupe dans cette
polémique une place de choix vu que,
de tous temps, elle a été considérée
comme la clé de voûte de la famille.
Sur ce problème épineux de l'identité
vient se greffer un problème de lutte
politique. Pouvoir contre oppositiqn et
au sein de celle-ci, gauche contre droite.
Cette dernière est incarnée essentiellement
par le M.T.1. La gauche est divisée.
Le pouvoir, quant à lui, est affaibli
par la lutte de succession. Face à des
protagonistes divisés et affaiblis, le courant
fondamentaliste s'est renforcé.
Considérant la question de la femme
comme un des plus faibles maillons du
régime, le M.T.I. y concentre ses tirs
pour destabiliser le pouvoir en place. De
leur côté, les formations politiques de
gauche associent la sauvegarde des
acquis de la femme au niveau juridique
à la lutte pour les libertés démocratiques.
.
Les principales concernées, quant à
elles, piétinent. Certaines évoluent dans
des partis politiques. D'autres se retrouvent
dans des regroupements de femmes
dont l'impact reste très limité. Aucune
structure globale, cependant ne leur permet
au stade actuel de s'organiser d'une
manière autonome pour poser les jalons
d'une société nouvelle où toutes formes
de discrimination seraient bannies.
RACHIDA ENNAIFER
27

TUNIS • • UNE ENVOLEE
FEMINISTE
Bonjour Tunis. Charmée de te découvrir. Ouvres-moi vite ton cœur, veux-tu,
il me faut te happer, te saisir et t'emporter sans attendre. Je suis venue si la rencontre
de tes dames. Elles ont, semble-t-il, bien des choses iJ nous dire.
Sagement, très sagemènt, l'avenue Habib Bourguiba me conduit à la porte de
la médina. Une fois plongée dàns son univers kaléidoscopique, un plaisir soudain
et malicieux m'envahit. Tout m'interpelle: commerçants, couleurs, odeurs et.. dragueurs,
bien sûr. Saisie d'un amusement incompréhensible, je déambule, libérant,
dans ma nonchalance, les derbs de leurs enchevètrements. Au détour d'une échoppe,
les raisons de ce sourire béat qui m'étire les lèvres se dessinent enfin. Je me rends
compte tout bêtement que je suis en train de jouer. A la touriste. Un peu comme
si je m'étais travestie pour circuler dans les souks de Rabat ou de Marrakech.
Spectatrice d'une réalité familière, j'ai le pouvoir.de la maÎtriser sans qu'elle
ne m'emprisonne. Je flotte, je vogue, je m'y sens libre malgré les regards.qui me
déshabillent.
Rue du Pacha, Zankat El ArFOus, rue du Tribunal, N° 20. Nous y sommes.
Dar Lasram, un ancien palais c!assé monument historique et restauré par les
soins del'UNESCO et du gouvernement tunisien, a offertses écuries au cen.tre culturel
Tahar El Haddad (1). Des écuries, oui, mais ne vous y méprenez pas. A les
voir, on peut déduire sans crainte queles chevaux, pourleur part du moins, n'avaient
guère à se plaindre de leur époque !
Un décor sobre, presque nu,
mais fascinant. De grosses voûtes
crémeuses en pierres massives
donnent à l'ensemble un aspect
que l'on oserait qualifier d'utérin.
Passé la porte de fer, le temps suspend
son soufle.
«Nous sommes venues au
Club Tahar El Haddad pour
ychercher tout ce que nous
n'avons pas trouvé par ailleurs»
En une phrase, elle vous résument
leur attente et vous expliquent leur présence
dans cette très officielle maison de
la culture. Elles, ce sont les jeunes femmes
du club d'étude de la condition
féminine. Comme le nom de celui-èÏ
l'indique, c'est pour réfléchir sur le
thème précité qu'elles se retrouvent à
intervalles réguliers depuis cinq à six
ans, dans ce cadre médiéval.
Remettant en question le statut de la
femme dans nos sociétés, elles centrent
leur réfexion sur les moyens à mettre en
œuvre pour transformer la condition de
celle-ci dans le sens d'une pleine égalité
de droit avec son compagnon du sexe
opposé. Elles se définissent de la sorte
comme féministes. Débats, séminaires
et colloques jalonnent un parcours riche
en interrogations. La nécessité d'allier
en permanence la recherche théorique à
un travail sur la réalité environnante
constitue l'une de leurs perspectives
principales. C'est dans cet ordre d'idées
que le dernier colloque organisé en Mai
a porté sUr les horizons et l'avenir du
féminisme au Maghreb.
Se poser comme féministe
à Tunis
comme à Casablanca n'est pas une
mince affaire. Quolibets ou moqueries
accueillent immanquablement la revendication
de cette qualité. Ils stigmatisent
clairement le rejet viscéral que provoque
toute prise de position susceptible
de déranger l'ordre social établi.
Il n'est d'ailleurs pas nécessaire de se
déclarer féministe pour susciter des réactians:
la plus petite allusion aux droits
de la femme vous vaut cette étiquette.
. Et il va sans dire que, dans la bouche
de ceux qui la prononcent, elle ne revêt
guère le caractère d'un compliment.
L'insulte fleurit facilement. Ainsi les
membres de ce club ont-elles eu droit à
des gentilesses du style « les ouailles de
Tahar El Haddad », ou encore, plus
subtil, « les putains de Tahar El Haddad
». L'analyse de cette attitude ne
requiert guère les services d'un psychologue
pour nous faire sentir le degré de
résistance qu'opposent les mentalités à
tout changement !
Une réflexion autonome
C'est ainsi que le club d'étude de la
condition féminine présente sa démarche:
autonome car indépendante et
strictement féminine..
L'indépendance à laquelle renvoie le
concept d'autonomie fait référence tant
au passé qu'au présent. En Tunisie,
comme dans beaucoup d'autres pays,
l'émergence des organisations féminines
s'est effectuée sous l'impulsion de partis
ou formations politiques. Si la pre-
28

mière d'entre elles, l'UMFT a été lancée
par une femme, Mme Bchira Ben
Mrad, celle-ci avait une double qualité :
femme et fille d'un cheikh de la
Zitouna. A ce propos, Souad Chater,
une sociologue tunisienne écrit: « Il est
difficile de considérer comme un pur
hasard le fait que cette Union soit lancée
par la femme du Cheikh Mohamed
Ben Mrad, ennemi déclaré de Haddad.
De plus, loin de renier Mme Ben Mrad,
le milieu « zitounien » a plutôt soutenu
son action » (2).
La seconde organisation, l'UFT se
situait pour sa part dans la mouvance
du parti communiste. Quand à l'UNFT
actuelle, elle a été créée par le parti au
pouvoir, le Néo Destour de Bourguiba.
Parallèlement aux structures institutionnelles,
une place a souvent été réservée
à la question de la femme dans les
plates-formes des partis politiques. Les
tes les catégories sociales opprimées.
Puis je me suis rendue compte que je ne
pouvais plus tenir un discours extérieur
dans la mesure où les femmes, c'était
aussi moi. S'il y avait une action à
mener, c'était une action de changement
collectif dont je ne devais pas
m'exclure.» Le facteur principal cependant
qui les a amenées à se regrouper
en dehors de ces instances, reste la contradiction,
combien classique, qui existait
entre les discours tenus et leI>
pratiques réelles. Sur de belles dissertations
se rapportant à l'égalité des sexes
venaient se superposer des attitudes bassement
sexistes.
La notion de démocratie enjolivait les
prises de paroles mais son absence se
faisait rudement sentir dans les rapports
entre militants.
simplement de réagir. De ne plus me
définir par rapport à ce qui m'est extérieur,
mais d'assumer ce que je suis. »
Pourquoi devient-on féministe?
Une question à deux sous : pourquoi
devient-on féministe ?
Causes multiples répondrait ce cher
La Palice. Mais encore. Une raison, une
seule qui sous-tend bien des explications
: la perception aigüe de l'injustice.
Un sentiment qui prend à la gorge, écorche
la sensibilité et engendre la révolte.
La révolte contre les portes closes, contre
les avenirs interdits. Se sentir
« Etre » et n'être perçue que comme
sexe. En un mot, vivre cette inégalité des
droits sur laquelle il est très aisé de théoriser.
Et devenir allergique à tous ces
comportements qui vous figent et vous
chosifient.
femmes rencontrées au centre Tahar El
Haddad militent ou ont milité dans des
mouvements progressistes. Aujourd'hui,
elles s'élèvent contre leur incapacité
à prendre en considération la spécificité
des luttes féministes. « Cette
adéquation, expliquent-elles, entre les
actions mises en place pour les femmes
et l'orientation politique, sans prendre
en considération la condition réelle des
principales concernées, a empêché de
tracer les jalons d'une émancipation
conforme aux besoins de la femme. »
«Les autres, c'est aussi moi »
Elle ont également conscience du
regard extérieur qu'elles-mêmes jetaient
sur une situation qui les concernait en
premier chef. « Auparavant, nous dit
Rachida, une journaliste alerte et dynamique,
je voulais faire quelque chose
pour les femmes comme tou-
« La démocratie dans les rapports
interpersonnels était pour moi inséparable
de la lutte pour les libertés démocratiques
dans le pays », précise Amal,
une enseignante du second cycle. Du
Club Tahar El Haddad, elles ont l'ambition
de faire « un lieu pour apprendre
la démocratie ». « Car, soulignent-elles,
comment être démocrate quand on n'a
jamais pu pratiquer la démocratie. »
Une volonté également de se retrouver
entre femmes. Dans un premier
temps, la non-mixité leur est apparue
nécessaire. Pour protéger une parole
naissante. Une parole dont le monopole,
jusqu'à présent, a toujours été
, masculin. Pouvoir parler, s'exprimer,
donner libre cours à ses émotions, à ses
contraditions, à ses interrogations. Voir
ainsi un peu plus clair en soi comme le
souligne Rachida. « Le groupe m'a aidé
à faire un cheminement en moi-même.
Il m'a donné le courage d'agir et non
A partir de là, bonjour les ennuis. Car
autant il est facile de se glisser dans un
moule préétabli, autant son rejet coûte
cher. Aspirer à une autre perception de
la femme, à une modification de son
statut et à une transformation des rapports
sociaux nécessite un bouleversement
radical des valeurs sur lesquelles
repose la société. Or celle-ci ne voit
jamais d'un très bon œil ceux qui la contestent.
Les marginaliser est sa réponse..
Mais ce n'est pas tout. Une fois
l'habit de la femme traditionnelle mis
dans le placard des antiquités, la marche
de l'aveugle commence. Et avec elle
l'angoisse. « Moi, c'était quoi? A qui
allais-je m'identifier? A quel modèle? .
A ma mère, femme soumise et au foyer,
il n'en était plus question », raconte
l'une de ces jeunes femmes en nous
exposant ainsi le problème d'identification
qu'elle a dû vivre, au même titre
que toutes ses compagnes. « Je me suis
29

Jelila Hafsia • •
J'ai pris réellement conscience de la condition
de la femme en intégrant le monde du
travail. Jusque là les choses étaient restées
assez floues dans mon esprit. Le jour où j'ai
commencé à traivailler, j'ai alors compris
que les femmes étaient vraiment victimes de
discrimination. Les hommes, à leur égard
adoptent un comportement paternaliste et
ce, même si elles sont leurs égales hiérarchiques.
De plus, elles sont rares aux postes de
responsabilité. Pour y parvenir, elles doivent
fournir un effort double de celui de
l'homme. La nomination d'une femme soulève
toutes sortes de problèmes.
« Elle va tomber enceinte.. elle ne va pas
produire de la même façon ... elle est sensible...
elle n'a pas de réflexions.» Bref tous
les clichés que l'on ressort depuis des siècles.
II faut voir le tapage qu'on fait dans notre
pays losqu'une femme accède à un poste
important. Comme si c'était quelque chose
d'extraordinaire. Je ne vois pourtant pas
pourquoi je dois m'émerveiller parce qu'une
d'entre nous a été nommée directeur général.
Je trouve au contraire qu'elle aurait dû
y accéder depuis bien longtemps déjà.
Je me suis alors dit qu'il fallait faire quelque
chose. Essayer de nous entendre entre
femmes, de nous réunir. Pas pour faire la
guerre aux hommes, certes non. Des hommes
qui soutiennent la cause desfemmes, il
yen a eu et il en aura toujours. Des hommes
sensibles, des hommes intelligents, des
hommes courageux. Mais ce n'est pas, malheureusement,
le cas de tous. Dans notre
société maghrébine patriarcale - il faut
appeler les choses par leur nom - les choses
sont loin d'être faciles.
A mes yeux, il était nécessaire en premier
lieu d'amener les femmes à prendre conscience
d'elles-mêmes. Aussi, si nous avons
choisi de nous réunir seules, c'est pour
essayer d'abord de résoudre des problèmes
qui ont trait uniquement à la femme.
Rester entre intellectuelles ne mène strictement
à rien. De par l'emplacement du centre
Tahar El Hadad, nous nous retrouvons
complètement immergées dans un milieu
populaire. Cela nous permet donc d'entrer
en contact avec beaucoup de femmes. C'est
pour nous une chance extraordinaire
d'essayer de les amener à réfléchir avec nous
sur leur condition. De leur apprendre à prendre
conscience d'elles-mêmes.
La réflexion développée au club d'étude
de la condition féminine a rejailli sur
l'ensemble de la maison. Une très grande
évolution s'est manifestée dans le comportement
des filles. Au début, certaines ne parvenaient
pas à s'exprimer en public.
Maintenant elles ont acquis suffisamment de
confiance en elles pour participer activement
à des débats. C'est un progrès énorme.
Jusqu'à ces deux dernières années, les initiatives
prises dans les divers clubs étaient le
fait des garçons. Jamais une fille ne venait
me dire; « Je veux faire ça »~
Elles avaient toutes honte, elles n'osaient
pas, elles craignaient d'échouer. Ce n'est
plus le cas aujourd'hui. Elles font preuve
d'autant de dynamisme que leurs camarades
de l'autre sexe. Les choses avancent donc
petit à petit.
30

alors demandée s'il ne fallait pas chercher
ce modèle en moi-même. A partir
du moment où le féminisme entraîne un
rejet classique de l'échelle, il impose une
quête de soi en dehors des sentiers
battus ».
Un travail de longue haleine s'enclenche.
Chacun est à sa manière un « produit
social ». Donc pleinement
imprégné de la culture qui l'a baigné
enfant et le baigne adulte.
Dépasser les.contradictions
Rejeter un système de pensée ne suffit
pas à le démonter car les normes qui
le régissent sont profondement enfouies
au fond de chaque personne. L'inconscient
est pervers. Il se moque bien souvent
des volontés affichées.
«Aujourd'hui, avoue Hafida, nous
sommes en rupture. Il y a une dichotomie
entre ce que nous disons et ce que
nous faisons. Il nous faut trouver le
moyen de dépasser cette contradiction
qui oppose une pratique conformiste à
un discours subversif.» Malgré la solidarité
du groupe et la chaleur qu'elles
y rencontrent, une avancée en solitaire
est le lot de chacune d'entre elles.

MADAME
BEN MILED
«Aujourd'hui, les femmes
ont un avenir
extraordinaire
devant elles »
Sous les mèches d'argent, le sourire est espiègle. Le regard vif et lumineux s'intensifie
au fur et à mesure que les souvenirs s'égrennent. Souvenirs des premiers pas
féminins hors du territoire traditionnel. Approvisi'onnement de la rue. Premières
prises de paroles. Premieres actions. Par les femmes, pour les femmes. Première
présidente musulmane de la seconde organisation féminine, l'U.F.T., créée en Tunisie,
Nébiha Ben Miled a vécu les balbutiements d'une ère nouvelle: la nôtre
aujourd'hui, celle des femmes du Maghreb.
A mon époque, les filles n'étudiaient
pas, n'allaient pas à l'école. J'ai eu la
chance de naître dans un milieu aisé et
d'avoir des parents qui m'ont permis
d'étudier. Il est tellement important de
s'ouvrir sur d'autres mondes que celui
de la famille ou de la maison. Mais j'ai
fait comme toutes les femmes de mon
temps: je me suis mariée dans un milieu
de militants. Mon mari en était un. D'ailleur,
comme bague de fiançailles, il m'a
offert le livre de Tahar El Haddad (Il. Il
était toujours très pris par ses colloques,
ses réunions. J'y assistais souvent avec
lui. Il m'y amenait en me disant:
"Viens, sors, ne t'occupe pas des
enfants, laisse les tranquilles, ils grandiront
bien tous seuls". Et c'est ainsi
que j'ai pu voir ce qui se passait en
dehors de notre milieu. Très vite, j'ai pu
militer et m'inscrire au premier mouvement
des femmes tunisiennes, l'union
musulmane des femmes, l'UMFT, dirigée
par Madame Bchira Ben Mrad.
32

être nourries quotidiennement.
Les femmes de l'U.F.T. m'ont
demandé d'adhérer à leur organisation
et j'ai finalement accepté leur proposition.
MOBILISER DES· FEMMES A
L'EPOQUE, UN EXPLOIT
ita,;~~~~
A cette époque, constituer une organisation
de femmes était une entreprise
très difficile. On ne peut pas imaginer
aujourd'hui ce que cela représentait,
comme on ne peut imaginer ce que
signifiait vraiment rester à la maison.
Les femmes, lorsqu'elles sortaient, se
contentaient d'aller rendre visite à leurs
amies et papoter entre elles. Il n'y avait
pas d'autres activités.
Bchira voulait tirer les femmes de
cette routine, de cet enfermement, leur
permettre de faire autre chose. Ainsi,
elle cherchait à diriger les jeunes filles
et les jeunes femmes inactives vers la
voie de l'instruction.
Avec elle, nous organisions des réunions
afin que ces femmes sortent de
chez elles et s'instruisent. Nous faisions
àussi des fêtes pour réunir l'argent à
envoyer aux étudiants et étudiantes qui
étaient en France, il n'y avait pas de
bourses. Nous faisions donc des collectes
et nous leur préparions des colis de
vêtements que nous leur expédions.
~"!I_'1I_rnC7!Jlî!1!iJ1rd
«FORCE DE SECOURS»
PENDANT LA GUERRE
C'était la période précédant la
deuxième guerre mondiale, vers 1937.
Avec la guerre, les temps ont changé.
Durant celle-ci je participais à la défense
passive. Des bombes étaient tombées sur
Tunis. Il y avait des blessés, il fallait
donc leur porter secours. Nous avons
par conséquent créé un dispensaire pour
les soigner.
Au lendemain de la guerre, il y a eu
une année de famine. La sécheresse a
poussé les gens de la campagne vers
Tunis. Ils se sont retrouvés sans abri,
sans travail et donc sans argent.
Nous nous sommes réunies à douze
ou treize femmes pour trouver l'argent
et mettre sur pied une soupe populaire
de quartier. Pendant une année complète,
près de 130 personnes ont ainsi pu
L'U.F.T.
L'union des femmes tunlSlennes
d'obédience communiste, a été créée par
les femmes communistes. Ces femmes
avaient été très actives pendant la
guerre. Elle avaient combattu de
manière clandestine. La guerre finie,
elles se sont ralliées les mères qui avaient
perdu leur enfant, les épouses qui
avaient perdu leur mari, les femmes qui,
dans l'ensemble avaient protesté contre
la guerre. C'était, dans leur très grande
majorité des françaises et des juives.
Au départ, l'objectif de l'U.F.T. était
de combattre le fascisme. De faire en
sorte que les Tunisiens ne soutiennent
pas les soldats allemands car certains -
très peu d'ailleurs - avaient fait le raisonnement
suivant : l'Allemagne est
l'ennemi de la France, la France est
notre ennemie. Donc l'Allemagne est,
notre amie. Puis la question de la libération
des femmes est passée au premier
plan.l'U.F.T. a cherché à se rallier des
musulmanes, des femmes arabes. C'est
ainsi que j'ai été contactée.
~_.~.]••••••'
TRAVAILLER AVEC
LES FEMMES DU PEUPLE:
UNE NECESSITE ABSOLUE
1IL!i_
L'U.F.T. était beaucoup plus engagée
dans la lutte sociale que l'UMFT qui
restait, dans sa grande majorité, composée
de femmes issues de la bourgeoisie
tunisienne. J'avais été impressionnée
lors d'une grande manifestation qu'elles
avaient organisé contre la guerre. Une
manifestation comme on n'en avait
jamais fait. Le théâtre était plein
d'hommes et de femmes jusqu'au "poulailler".
Beaucoup de femmes intervenaient
en Arabe. Elle étaient venues de
Souss, de Bizerte, de partout. Il y avait
un groupe qui s'appelait "les syndiquées
de l'arsenal" (le premier arsenal après
celui de Toulon). Les femmes des
ouvriers étaient très conscientes. Elles
étaient formidables, les filles !
En sortant, un grand drapeau a été
tendu par l'union des jeunes filles (communistes
aussi). En partant, les gens y
jetaient des pièces et des billets. Là, j'ai
pris conscience que, si nous ne travaillions
pas avec les femmes du peuple,
notre action n'avait aucun sens.
33

DES ACTIONS CONCRETES,
DES REVENDICATIONS NETTES
RACISME
Nos objectifs étaient la libération de
la femme et une meilleurs justice sociale.
Nous étions peu nombreuses. Sans
beaucoup d'argent. Les juives nous
aidaient énormément. Elles s'arrangaient
pour nous trouver de l'argent Un jour, j'étais dans un train avec Ma mère était furieuse. En rentrant
pour la location du local. Nous organi~ maman. Une française l'a basculée à la maison, elle s'en est pris à mon
siqns aussi des réunions les unes chez les et n'a même pas pris la .,peine de père en lui disant : ne parle plus de
autres. Des femmes venaient y participer.
Nous leur demandions de nous par­
Je me suis alors tournée vers elle et Regarde où celle.ci m'a conduite
s'excuser.
politique à côté de tes enfants.
ler de leurs problèmes. Nous les aidions lui ait demandé :
aujourd'hui. Au commissariat!
dans leurs démarches administratives. "madame pourquoi poussez-vous C'était quelque chose dé terrible
Ainsi par exemple, celles du Jbel El maman avec votre parapluie." pour elle, fille de...de s'être retrouvée
là-bas. Mais moi, je ne pouvais
Ahmer n'avaient pàs d'eau, pas de fontaine
suffisamment proche. Nous avons paroles en paroles, nous nous som- . déjà pas tolérer ce type de compor­
Elle m'a répondu avec mépris. De
demandé aux autorités d'y remédier. mes retrouvées au commissariat de tement raciste.
Nous menions divers types d'actions. Il police. J'avais 12 ans.
y avait ainsi un collège technique où
seuls les Français étaient admi~. Nous
avons bataillé pour que nos enfants
aient aussi le droit de poursuivre leur
scolarité. Rencontres avec les responsables,
..
articles dans les journaux, tous nos
efforts avaient été mobilisés pour obte- ~-----_-__-_--_-- _
nir satisfaction. La question du droit de
vote a été posée dès 1956. Il a fallu
attendre 1959 pour que les femmes accèdent
aux urnes.
Après l'indépendance, le destour a été
à l'origine de la nouvelle organisation
de l'U.N.F.T. Nous avons pratiquement
dû cesser toute activité. La loi a changé.
Nous avons demandé une autorisation
d'association, un visa mais on ne nous
a jamais permis de l'obtenir. Nous
avons continm;à vivoter avant de disparaître
complètement.
UN AVENIR
EXTRAORDINAIRE
- Lors de nos réunions, les femmes ne
discutaient pas, ou très peu. Elles
avaient une attitude passive: nous parlions
et elles nous écoutaient.
Aujourd'hui, elles participent, interviennent
et prennent position. Vous
avez maintenant un avenir extraordinaire
devant vous.
Propos recueillis par H. TAARJI
(1) cf note de "une envolée féministe"
La contraception
La contraception était le cauchemar
des jeunes femmes de l'époque.
Aucun moyen n'était à leur disposition
pour les empêcher de tomber
enceintes. A part se faire ligaturer les
trompes. Aussi étonnant que cela
puisse paraître, cette opération se
pratiquait à Tunis en ces temps là.
J'ai rencontré beaucoup d'étrangères
fuyant l'Europe fasciste qui venaient
s'y faire ligaturer les trompes clandestinement.
Comme produit contraceptif,
nous recourrions aussi aux
pilules de quinine. Pour avoir ses
règles, il fallait en avaler un nombre
considérable. Cela nous rendait
malade. J'en garde personnellement
un très mauvais souvenir.
Et puis il y avait les recettes miracles
qui se passaient de bouches à oreilles.
Un jour une anarchiste m'a conseillé
de prendre un alcool. Une eau de vie
allemande extrêmement forte dont
elle m'apporta un flacon. Quand je
l'ai avalé j'ai cru que j'allais mourir.
Mes intestins étaient complètement
brûlés et je suis restée malade pen·
dant une semaine. Maintenant, elles
sont heureuses, les femmes. Elles ont
tout ce qu'il faut pour ne pas avoir
d'enfants.
34

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.' 1.
j'
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M DEL~ ,.ION
FR
o DEN
E
Trop grosse, trop maigre, du plein au délié sur le corps
féminin.
Bien en chair pour le lit, mais plutôt maigre pour l'habit.
Pour plaire, il faut être réglable, presque à l'image d'une poupée
gonflable. Rubens ou Renoir (1) en frémiraient d'horreur:
leurs belles dames n'auraient eu que la peau sur les
os. Adieu formes généreuses ! adieu aimables rondeurs !
Que de problèmes, bonnes gens, nous pose le maître
corps. De la salle de sport au footing, du martyr du massage
au ramadan forcé.
Nous le moulons, nous le façonnons, qu'il se prête ou
non aux caprices des temps.
Nous portons en nous la camisole de force du modèle
standard.
Le corps individu disparaît, cédant la place au corps uniforme.
Mais pas n'importe lequel: on lui demande style et
genre, définis au grand mépris de la bourse par mode et haute
couture. Mille et une acrobaties.
Tantôt au mini, tantôt au midi, le corps est enfermé dans
la mode d'aujourd'hui.
Et de celui des hommes, qu'en est-il ?
Jongle-t-il avec l'habit avec autant de mièvrérie ?
Le voit-on déambuler dans un pantalon bouffon, étroit
ou aux pattes d'éléphant ?
Se prête-t-il au déguisement?
Sans doute dirait-on.
Mais si son aspect n'est pas celui d'Apollon, il s'en accomode
plus aisement.
Sur cette question, il ya certes évolution. De leur apparence,
ces messieurs se font soucieux. Pris au piège de la
compétition esthétique, ils se veulent aussi, beaux, minces
et séduisants.
Mais la tradition aidant, gros ou bedonnants ils ne seront
pas niés, gommés, mis à l'écart comme le serait une dame
aux formes généreuses.
Heureux celui qui n'a guère la névrose de la maigreur,
de la rondeur, du court, du long, du rose ou du blanc. Heureux
enfin celui qui ne se renie pas pour plaire. Qu'il est bon
de retrouver le plaisir oublié de laisser son corps vivre avec
ses défauts et qualités.
Sentir couler J'eau sur sa peau, sentir battre son cœur,
sentir respirer ses cheveux. En toute liberté.
Adieu idéal potiche.
Fattouma Ben Abdenbi
(II Peintres français dont les modèles avaient des formes particulièrement
généreuses.
37

"-
LE KHOL
Qui, le premier s'avisa
d'extraire de la roche ce minerai
couleur anthracite et
nommé antimoine pour le
transformer en produit de
beauté? Nul ne le sait. L'œil,
cette partie du corps, oh combien
précieuse et délicate, en
bénéficia. Quant à l'histoire de
~.~ son histoire, elle se perd dans
V.(.,>~ ....
la nuit des temps. Les plus
'~"~-.",, anciens utilisateurs connus
~."...... ..
.--..~
sont les Pharaons.
.. Aujourd'hui, à l'aube du XXle
~-- siècle, le Khôl (este d'un usage
courant chez toutes les femmes
d'Afrique et d'Asie, voire
d'Europe.
Des origines nobles
L
E khôl, à son origine, ne
connaissait pas la frontière
des sexes. Distret, il
habillait l'œil masculin avec
élégance. Les premiers musulmans
et le Prophète lui-même
étaient assurés, dit-on, des vertus
de la poudre noire contre
les assauts du sable. Ils se
l'approprièrent tout naturellement.
On imagine sans peinela
noblesse ténébreuse qu'elle
devait dessiner aux yeux ! Les
Arabes du désert étaient à
mille lieues de prévoir la gêne
moqueuse qui guette parfois,
aujourd'hui, les adeptes masculins
du khôl. Saviez-vous
que les farouches Afghans
d'aujourd'hui (musulmans
sunnites en majorité), fabuleusement
imprégnés du. modèle
prophétique, continuent de se
parfaire le regard et l'œil à
l'aide de la poudre magique?
Sobre maquillage, sobres
mœurs ! Plus que de sophistication,
la séduction a besoin de
naturel. Le khôl et la moustache
peuvent faire bon ménage.
Il a fallu du temps aux Occidentaux
pour tolérer les produits
de beauté pour homme.
Nous somm~s quelquefois très
en avance...
Malgré la profusion des produits
de beauté existants sur le
marché, malgré leur attraction
extrême, le Khôl garde sa place
dans toutes les salles de bain,
sur toutes les tables de maquillage.
Allloureusement conservé
dans une fiole en métal
précieux ou en bois ouvragé,
modestement déposé dans un
vieux flacon de médicament, il
trône, souverain.
Le Khôl s'utilise «à la
manière de chez nous », en
poudre, à l'aide d'un bâtonnet
en corne. Mais les. grandes
maisons internationales de cosmétiques
ont préféré le commercialiser
sous forme de
crayon, à la manière hindoue.
En Inde, le Kajal représente
l'équivalent du Khôl, un Khôl
qui serait solidifié.
Madame Saâdia S. est une
célébrité régionale. Son Khôl,
fabriqué selon la recette transmise
par sa mère qui l'a ellemême
reçue de sa propre
mère..., se vend maintenant
hors des limites de sa ville,
Azemmour. Ses clientes se
recrutent à présent à Casablanca
et à El Jadida.
Madame Saâdia S. parle du
Khôl en spécialiste. Son premier
soin, lors de notre rencontre
avec elle, est de mettre
les choses au point par rapport
à une certaine superstition
attachée à la fabrication du
Khôl: «D'après une vieille
croyance, la femme qui a
encore ses menstruations ne
doit pas fabriquer de Khôl
sous prétexte que celui-ci serait
alors mauvais pour les yeux.
Lorsque, à la mort de ma
mère, j'ai dû prendre la relève,
je n'avais que trente ans.
J'étais donc encore loin de la
ménopause ! Eh bien je peux
vous garantir que mon Khôl
n'a jamais fait de mal à
personne. »'
Ceci dit, le Khôl est excellent
pour les yeux. Il protège la cornée
et retarde ainsi l'apparition
de la cataracte. C'est un produit
de soin idéal. Seulement
voilà, le corps médical
s'insurge contre cette perception
et ne lui reconnaît aucune
valeur curative. L'opinion
publique, de son côté, est
têtue. Le discours scientifique
ne l'impressionne guère. Beaucoup
de personnes réagissent
comme Dounia R. qui nous
déclare: «A force de les
maquiller et de les démaquil­
1er, mes yeux connaissent des
périodes de « fatigue» où ils
deviennent rouges et irritables. '
Un rien alors les fait larmoyer;
le vent, la poussière,
la télé... J'entreprends à ce
moment-là une cure de Khôl
exclusive. Plus rien d'autre.
Après une période plus au
moins longue, mes yeu·x
retrouvent santé et brillant. »
Alors ce Khôl ? Produit de
beauté uniquement ou produit
curatif? Les avis diffèrent.
Pour les uns, il est la solution
miracle des petits ennuis oculaires.
Pour les autres, ceux qui
y sont allergiques, il ferait plus
de mal que de bien. A chacun
sa vérité. Mais pour traverser
les siècles, quelques petites
qualités sont toutefois nécessaires!
Fouzia Belmejdoub
39

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Droits et obligations du titulaire de la carte accréditive à validité locale.
La carte DINERS CLUB du Maroc ..Valid only in Morocco.. est valable exclusivement au 7. Les notes ou factures signées par le titulaire doivent porter uniquement sur des dépenses
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réellement effectuées.
Elle donne à son détenteur la faculté de consommer, d'acheter. de séjourner. sans aucune En aucun cas'la carte accréditive ne peut servir à faire un emprunt, et ce sous peine de
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Les dépenses faites avec la carte DINERS CLUB ne donnent lieu à aucun paiement 8. En cas de perte ou de vol de la carte, le titulaire doit immédiatement alerter le bureau
immédiat, Elles sont cçmstatées par la signature apposée par le titulaire sur la note ou la du DINERS CLUB ou l'une des agences CMCB, et confirmer sa déclaration par lettre ou
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télégramme au DINERS CLUB du Maroc. Le titulaire reste responsable de toute dépense
L'omission de la signature ne peut en aucun cas dégager le titulaire de l'obligation de payer effectuée par l'usage de sa carte jusqu'à réception de cette déclaration à concurrence
la dépense engagée par lui.
toutefois d'un montant maximum de 250 DH. Le DINERS CLUB se réserve le drort, le cas
Le titulaire reçoit chaque mois un relevé détaillé de son compte et des dépenses effectuées échéant, de demander au titulaire le récépissé de déclaration de perte ou de vol délivré
avec sa carte,
par les autorités de Police,
La carte accréditive DINERS CLUB ne peut être utilisée qu'aux conditions stipulées ci - 9. LE DINERS CLUB se réserve le droit de retirer la carte à son titulaire par lettre
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recommandée avec avis de réception ou par tout autre moyen qu'ii jugerait utile, si cette
1, Elle n'est pas cessible, sous peine de retrait. mesure lui paraissait nécessaire. Ce retrait aurait lieu de plein droit en cas d'annulation de
2. Toute contestation relative aux relevés mensuels n'est recevable que dans les 15 jours l'avis de domiciliation des traites destinée au règlement des relevés de dépenses et de
suivant l'expédition desdits relevés.
cotisation. Dés la notification du retrait, le titulaire devra renvoyer sa carte sous pli
3. Toute réclamation et tout différend pouvant naUre entre le titulaire et l'établissement recommandé à DINERS CLUB ou à une Agence CMCB.
fournisseur doivent être réglés directement entre eux.
10. CLAUSE PENALE. Si après notification du retrait de la carte le tituiaire continue à en
L'existence d'une rèclamation ou d'un différend ne dègage aucunement le titulaire de faire usage, i1.s'expose aux sanctions prévues par l'article 547 du Code Pénal. Il en serait
l'obligation de payer au DINERS CLUB l'intégralité des dépenses effectuées à l'aide de sa de même si après retrait il continuait à faire usage de sa qualité de titulaire d'une carte
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accréditive.
4. De convention expresse, toute somme non payée dans les dix jours de l'envoi du relevé Au cas où le DINERS CLUB du Maroc est amené, pour non - paiement d'un relevé, à
portera, de plein droit et sans mise en demeure, une pénalité au taux de 1,5 % par mois demander à l'adhérent le retour de sa carte, celui - ci sera de plein droit redevable, en
sur le montant dû.
réglement forfaitaire des frais inhérents à cette situation, d'une somme égale à 20 % du
5. Le défaut de paiement d'un relevé peut entrainer le. retrait de la carte. montant de sa dette.
6. Le titulaire de la carte accréditive reste personnellement responsable du règlement des 11. Toutes contestations pouvant naitre entre le DINERS CLUB et le titulaire sont de la
dépenses effectuées à l'aide de sa carte DINERS CLUB, même dans le cas où sa demande compétence exclusive des juridictions du lieu du siége du DINERS CLUB, même en cas
d'adhésion a bénéficié de l'engagement solidaire d'une personne physique ou morale. de pluralité de défendeurs, d'appel en 9,!rantie, le droit Marocain étant le seul applicable.
Dlner. Club du Maroc 45, Bd, d'Anla - Casablanca 01 - Tél. : 27.50,27 1 27.04.46

LA JELLABA
AU FIL DES ANS
C'est une très vieille dame: elle a
plus d'un siècle, mais son cœur bat toujours
au rythme du temps.
Elégante, pratique, elle a su évoluer
et rester à notre goût. Malgré une concurrence
acharnée (la mode occidentale)
et de nombreux détracteurs, la
jellaba continue à monopoliser notre
espace quotidien.
Ses métamorphoses permanentes,
tant au niveau de la forme qu'au niveau
de la couleur, se rythment au gré du
temps, des mœurs de la société. Il ya
quarante ans, c'est eux qui la firent
changer de sexe.
Les premières jellabas du Maroc sont
masculines.
Pièces importantes du costume traditionnel
de l'homme, elles se présentent
sous la forme de confortables
tuniques à manches longues, agrémentées
d'un énorme capuchon. Les étoffes
utilisées dans leur confection
semblent différer selon les régions et les
climats.
"Dans les campagnes, la jellaba est
taillée dans un tissu épais, parfois rude,
C'est un gros manteau destiné à affronter
les rigueurs du froid. Dans les villes,
les citadins utilisent des étoffes plus
fines". (1)
Les premières jellabas féminines ont
fait leur apparition dans les rues de Fès,
vers le milieu des années 40. Depuis
elles n'ont cessé d'évoluer.
41

c
Ala conquête de la rue
Les années 45 : là "féminisme" arabe
(les chefs de file sont pour la plupart des
hommes) est à son apogée.
A Fès, quelques audacieuses, filles ou
femmes de militants nationalistes,
empruntent la jellaba à n.omme pour en
faire un habit de sortie. Le visage discrètement
voilé, elles se lancent à la
conquête de la rue. Pour le Maroc, c'est
une nouvelle époque qui vient ~ commencer.
La jellaba se dévoile
L'aube des années 50 se lève sur un
Maroc déchiré par la lutte anticoloniale.
La jellaba au féminin s'engage dans les
rangs de la résistance. Ses couleurs se
font le porte-parole des états d'âme du
pays .
..--."::t-c'
En 1953, le Roi Mohammed V est
exilé à Madagascar. En signe de deuil,
les marocainss portent des jellabas de
couleur sombre.
En 1956, le Maroc est indépendant,
l'allégresse est au rendez-vous et les jellabas
sont blanches.
Originaire de Madagascar, la jellabamanteau
est très en vogue: petit col,
épaulettes, capuchon à pression, elle
prend des allures assez occidentales.
A partir de 1957, de nombreuses jellabas
se dévoilent, le capuchon traditionnel
devient presque facultatif.
Petites capuches et broderies d'artisan
La jellaba se féminise, devient plus
coquette. Les couleurs sont plus chatoyantes,
les formes épousent étroitement
le corps. A la demande des
~
femmes, le tissu est agrémenté de plusieurs
variétés de broderies d'artisans.
Entre la jellaba et son capuchon traditionnel,
la rupture est consommée. A la
place, une petite capuche décorative
dégage le cou et libère le visage.
La jeUaba s'éclate
Les années 80, : une nouvelle génération
de femmes, insoumises, obstinées,
à la recherche d'une plus grande
autonomie.
La jellaba s'enhardit. Majestueuse
mais fantaisiste, elle jongle avec les formes,
les couleurs et les tissus.
En soie pure ou synthétique l'été, en
draps et lainages l'hiver, elle emprunte
les couleurs de la mode occidentale.
Elle raccourcit, s'installe à mi-jambes,
découvre les bras, parfois les épaules.
Le capuchon traditionnel revient à la
mode mais à titre simplement décoratif.
Si dans certains milieux populaires
elle demeure un cache-misère, dans
d'autres elle fait preuve d'une plus
grande fantaisie. .
Considérée comme un habit à part
entière, elle peut se transformer en
cache-ma~lot, en robe d'intérieur.
Luxueuse, en soie pure, enrichie de
broderies soyeuses ou dorées, elle
bénéficie pendant quelques années des
faveurs des grands couturiers parisiens.
L.IMANE
(1) Costumes et parures d'Afrique: Maroc, par
A. Sefrioui
42

ENTRETIEN AVEC MADAME TAMY TAZI
Je suis venue à la mode il y une
dizaine d'années et, très vite, j'ai réalisé
combien il était délicat, risqué, de donner
une forme moderne à la jellaba. De
nos jours, on fait des jellabas étroites,
étriquées dirai-je,censées souligner les
formes féminines. Mais, personnellement,
je suis une inconditionnelle de la
jellaba classique, très pure, avec son
dessin tout simple de « croix ». C'est à
dire la'jellaba masculine, que je considère
d'ailleurs comme le plus beau vêtement
marocain. Il a des siècles d'histoire
derrière lui et sa sobriété, sa noblesse
sont évidentes. C'est un peu un costume,
un genre d'uniforme. Un vêtement
souple, ample, merveilleux, avec
sa forme impeccablement droite. Sa
rigueur est comparable à celle d'une
chemise mao ou d'un kimono. C'est un
vêtement unisexe, dont le succès rappelle,
toutes proportions gardées, celui
du jean. Lorsque la jellaba est devenue
aussi un vêtement féminin, on en a
altéré la simplicité. On ya ajouté la broderie,
élargi l'éventail des couleurs... on
a joué sur la diversité des matières. A
l'origine, la jellaba n'a rien de populaire.
Elle est née au sein des élites.
Aujoud'hui, c'est un vêtement pratique,
facile à porter. La jellaba est à tous
points, de vue commode. Une femme
peut l'enfiler n'importe quand: si elle
est
enceinte, si elle doit présenter ses condoléances,
si elle n'a pas le temps de
s'attarder sur le choix de ses vêtements.
C'est un vêtement qui sert à tout, un
cache-misère.
Aujourd'hui on modernise, on adapte
au goût du jour la jellaba, en l'émaillant
de broderies. Certains trouvent ça joli.
Je n'ai pas de préjugé contre cette évolution,
il m'arrive de trouver des modèles
très réussis, mais je conserve une
nette préférence pour la jellaba classique.
Je ne suis pas favorable à cette
influence de la mode sur le vêtement
traditionnel, la jellaba en particulier.
Du moment que rien n'a encore été
créé qui la remplace dignement, il faut
la conserver. Ca serait vraiment triste de
mettre tout ça dans des musées,
comme en Turquie, où les vêtements
traditionnels étaient d'une beauté à couper
le souffle et dont il n'est à peu près
rien resté. En Tunisie aussi, les vêtements
traditionnels étaient magnifiques
mais cela n'a pas empêché leur éclipse,
probablement définitive. Toutes mes jellabas
sont conçues d'après le modèle
masculin classique avec les manches
carrées, la coupe très large, la recherche
et la finesse dans le travail des
galons tressés (

SPORT
Ltlm
A mi-chemin entre la gym et la danse,
l'aérobic permet de se dépenser au
L'AEROBIC
rythme de la musique.
Les mouvements sont souvent des
mouvements de base de la gymnastique
mais l'enchaînement est beaucoup plus
rapide, plus rythmé. L'aérobic fait travailler
tout le corps, tous les muscles et
tous les ligaments articulaires.
Toutefois, les mouvements doivent
être bien faits, et bien surveillés. Le
rythme endiablé de l'aérobic peut provoquer,
chez des gens ayant une mauvaise
circulation, des incidents
vasculaires.
Il est donc important d'avoir au
départ une forme exceptionnelle. Les
cours d'aérobic devraient d'ailleurs exi-
10- ger un certificat médical.
44

LE BODY BUILDING
Le body building est un travail du
muscle au dessus de son niveau d'entretien
qui vise à augmenter la puissance
musculaire. On se muscle « à la carte»
avec différentes machines:
- les haltères musclent les bras et
les pectoraux.
- la barre fixe permet de s'étirer.
- l'escalier offre différentes possibilités:
élongation, musculation des
abdominaux...
- le vélo d'appartement stimule la
circulation du muscle et affine les
jambes...
Toutefois, les exercices nécessitent
une étroite et constante surveillance.
Car, mal exécutés, ils peuvent être
même dangereux.
Il faut aussi savoir que la musculation,
dite la « gonflette » ne développe pas
les tissus musculaires mais le volume
musculaire. Lorsqu'on arrête l'entraÎnement,
le volume musculaire revient à sa
forme initiale.
LE STRETCHING
Cette nouvelle discipline basée sur le
principe des étirements permet de dominer
les tensions musculaires. Cette
technique qui repose sur l'étirement
associe 2 facteurs: des contractions
musculaires et une respiration
appropriée.
Il engendre « un véritable courant
d'influx qui expulse tension nerveuse et
stress avant de favoriser l'installation
bénéfique d'une énergie nouvelle ».
(D.P. Moreal.
Cette méthode tonifie en profondeur
et assouplit le corps. Le stretching équilibre
le système nerveux, affine les muscles,
fait brûler le~ graisses.
Toutefois, cette méthode est insuffisante
pour une réelle mise en condition
physique. Et les étirements doivent être
très bien faits pour ne pas risquer d'aller
à l'encontre du résultat souhaité en contractant
à faux.
De la danse qui est complètement travaillée
sous forme de gymnastique,
mais n'est en aucun cas de la gymnastique.
C'est un travail de musculation
totale et d'assouplissement réalisé en
GYM TONie
dansant. Chaque mouvement comporte
une progression du plus simple au plus
compliqué. Dans le rythme, on persévère
et on va plus loin dans le mouvement.
Le cours qui dure en tout 1 heure,
comporte 6 phases :
- le jogging de mise en train
- le travail un par un de tous les
muscles.
les exercices d'équilibre.
le temps de musculation pure au
sol.
le jogging de défoulement.
la relaxation.
La gym-tonie améliore le souffle et
renforce l'endurance. Elle affine la taille,
affermit le corps et muscle en longueur.
Déconseillée toutefois pour les gens
qui ont des problèmes de cœur ou de
dos.
C'est une danse qui, trop poussée et
mal contrôlée, peut entraîner des lésions
au niveau de la colonne vertébrale.
45

Le biscuit qui craque
et qui croque
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DIFFERENTES ACTIVITES
PARTICULARITES
MISS NELLY
DIFFERENTES ACTIVITES
Streching - Aérobic - Gym-tonic­
Sauna - Danse classique - Danse
moderne - Danse orientale - Jazz.
OBJECTIF
Mettre en forme
METHODE DE TRAVAIL
Cours collectifs. 10 à 30 personnes
Eventuellement, cours individuels si
l'on en fait la demande.
PARTICULARITES
Salon de coiffure. 2 esthéticiennes
Réductions pour étudiants: 650 DH /
trimestre au lieu de 750 IlH pour une
discipline. 3 fois / semaine.
Pour toutes les disciplines 900 IlH /
trimestre au lieu de 1000 DH (en plus, et
Stretching - Aérobic - Aérogym (Style
Aérobic mais plus lent, pour personnes
débutantes) - Danse moderne - Danse
classique - Musculation (Body building).
OBJECTIF
Maintenir en forme et préserver sa
santé.
3 critères importants: amélioration,
correction et progression.
METHODE DE TRAVAIL
Cours individuels et collectifs. Un
dossier pour chaque cas. Programme
individuel personnalisé établi par la
monitrice. 20 à 25 personnes par cours
Salles pour hommes et femmes dans
une même résidence (bien entendu, salles
et entrées différentes pour hommes
et femmes).
Parking avec accès direct dans les salles.
Boutique, buvette, salon de coiffure,
sauna.
NOTRE AVIS
Calme, luxe et volupté. Très BC ­
BG. Accueil un peu réticent au début,
sympathique vers la fin de l'entretien.
Clientèle sélectionnée au départ. N'ont
pas voulu que l'on parle des prix. Petite
bourse s'abstenir.
Adr. : Galerie Ben Omar - Casablanca
KINESITHERAPEUTES
pour tout le monde, si l'on prend un
abonnement pour un trimestre, on a
droit à 3 brushings gratuits).
NOTRE AVIS
Ambiance jeune et décontractée.
Cool et sympathique. Plus de danse que
de gym (pas d'appareil de musculation).
Une seule salle.
Adr.: 102, rlle Galilée - Casablanca
DIFFERENTES ACTIVITES
Une gym mélangée d'aérobic (quoique
sans musique), body building (certains
mouvements sont faits avec des
ballons lourds). En fait, un cours précis
adapté à chaque cas.
OBJECTIF
Modeler son corps et maintenir sa
forme. Se sentir bien, combattre le
stress.
METHODE DE TRAVAIL
Le cours dure 45 mn. Echauffement,
assouplissement, musculation (sans haltères),
trois fois par semaine, et 8 élèves
maximum par cours.
Faire travailler ses muscles en faisant
intervenir la respiration.
Prix: 600 IlH / trimestre, 3 cours par
semaine + sauna.
PARTICULARITES
Gym surveillée physiologiquement et
médicalement puisque guidée de près
par cette équipe de deux kinésithérapeutes.
NOTRE AVIS
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un peu médicale, qui rassure.
Adr. : 234, Bd. Zerktollni
( INSTITUT HILDA CASAGRANDE
Nous n'avons pu vérifier la bonne réputation
de cette salle. Sceptique, incertaine de
nos intentions, la patronne s'est montrée
avare d'informations et a, de très mauvaise
grâce, répondu à nos questions ...
Quand bien même la pratique de l'enquête
journalistique n'est pas chose courante, il n'y
avait pas lieu de se montrer aussi désagréable...
1
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LES
«MEDECINS»
Espace-Juniors
DU LANGAGE
Un cheveu sur la langue, des dictées criblées de fautes d'orthographe
et voilà un enfant en butte aux moqueries de ses camarades.
Les handicaps ou troubles du langage relèvent de la compétence
de l'orthophoniste qui peut les corriger, grâce à une rééducation
régulière.
Ghislaine Mrani Alaoui nous décrit cette profession encore peu
connue au Maroc.
Elles sont une quinzaine au Maroc.
Techniciennes du langage, elles reçoivent
en cabinet privé ou à l'hôpital
beaucoup d'enfants (mais aussi des
adultes). Pour tous, le premier rendezvous
est très important: l'orthophoniste
doit discerner avec précision le trouble,
en chercher les causes et c'est au terme
de ce plan qu'elle décidera, en accord
avec le médecin du malade et avec le
malade lui-même, de la nécessité d'une
rééducation orthophonique. En général,
cela demandera plusieurs mois, à raison
de deux séances de trois quarts d'heure
oar semaine.
Des retards à l'école
Pour certains enfants, entre 3 et 6
ans, il s'agit d'un retard dans l'usage de
la parole et du langage. Ils parlent peu
et mal, l'orthophoniste va donc les
aider, souvent au moyen de jeux divers,
à acquérir un langage oral satisfaisant
avant l'entrée à l'école prililaire.
Pour d'autres, un trouble d'articulation
est le motif de la rééducation: ils
ne parviennent pas à prononcer certains
sons tels que « ch » ou « j », ou alors
ont ce qu'on appelle familièrement « un
cheveu sur la langue ».Ces troubles
d'articulation sont sans gravité et une
quinzaine de séances suffisent généralement
à les faire disparafre. Chez les
enfants de six ans et plus, une rééducation
orthophonique est fréquemment
nécessaire afin de les aider à surmonter
les difficultés qu'ils rencontrent dans
l'apprentissage scolaire, en lecture, écriture,
orthographe. Pour eux, la préparation
à ces apprentissages a été
mauvaise à l'école maternelle. Certains
sont dyslexiques ; ils confondent certaines
lettres, en oublient quand ils écrivent,
en inversent d'autres, confondent
des homophones, ne parviennent pas à
lire....
Vers le CMI, la dysorthographie apparaît.
Parents et enseignants sont souvent
désemparés devant le nombre
impressionnant de fautes dans les dictées.
Se succèdent alors la plupart du
temps des cours particuliers qui sont
autant de coups d'épée dans l'eau.
Encore méconnus de beaucoup de
parents, de médecins et même d'enseignants,
ces troubles trouvent un terrain
fertile au Maroc où le bilinguisme est de
rigueur dans la plupart des écoles privées.
Dyslexie et dysorthographie sont
donc en général dépistées tardivement
et une année scolaire de rééducation
orthophonique intensive et régulière est
la plupart du temps indispensable pour
amener écoliers et même lycéens à un
niveau de langage écrit correct. La
dysgraphie, trouble de l'écriture, est
moins fréquente. Elle se traduit par une
écriture irrégulière, parfois illisible et va
de pair parfois avec la dyslexie ou la
dysorthographie.
50

--~-----
.ppr
•
1
- ' ,
\
ZEROUALI Hamid
Surdité . Un dépistage tardif
Quant aux enfants atteints de surdité,
la « guérison» prendra plusieurs
années. Deux problèmes préalables se
posent actuellement au Maroc: le
dépistage de la surdité - qui est très tardif
- et l'impossibilité d'appareiller
l'enfant avant 6 ou 7 ans. Rappelons,
à titre de comparaison, qu'en France,
certains enfants sont appareillés dès
l'âge de neuf mois. Quant à la rééducation
elle même, qui doit être entreprise
dès l'appareillage de l'enfant, elle a pour
but la démutisation : le petit sourd doit
apprendre à écouter à l'aide de ses prothèses
auditives. Avec les quelques
« restes» auditifs qu'il possède encore,
il doit apprendre à prononcer tous les
sons pour parvenir à articuler ensuite
des syllabes, puis des mots, apprendre
à lire sur les lèvres de la personne qui
lui parle, et, plus tard, à construire des
phrases. Education auditive, articulation,
lecture labiale et cours de langage,
tout doit être mis en œuvre pour que les
petits sourds parlent, comprennent
quand on leur parle, puissent être scolarisés
et s'intégrer dans la « société des
entendants ».
Retard du langage, trouble d'articulation,
dyslexie, dysorthographie,
dysgraphie, surdité ne sont pas les seuls
troubles relevant de la compétence de
l'orthophoniste. Son domaine est aussi
le bégaiement, les troubles entraînés par
des malformations congénitales telles
que la division palatine (ou « bec de lièvre
»), les troubles du langage des infirmes
moteurs cérébraux, des handicapés
mentaux... sans oublier les troubles de
la voix, de la parole et du langage des
adultes. C'est le médecin, phoniatre ou
ORL, qui préconise généralement la rééducation.
Certains viennent chez l'orthophoniste
pour dysphonie. Celle-ci se traduit
par une altération plus ou moins importante
de l'émission vocale, en atteignant
le timbre, l'intensité et parfois même la
durée. La rééducation n'intervient parfois
qu'après intervention chirurgicale
sur le larynx.
L'orthophoniste a parfois une rude
tâche... Par exemple quand il a affaire
à des patients atteints d'aphasie. Due
à une lésion cérébrale, celle-ci est parfois
associée à une hémiplégie et à des
troubles d'ordre intellectuel. Le malade
perd la mémoire des mots, ou, quand
il parle, n'en comprend plus le sens.
Face à des troubles si variés, l'orthophoniste
dispose de diverses techniques
qu'elle adapte à chaque cas.
51

Une journée chez
l'orthophoniste
Nous nous sommes rendus au cabinet
de l'une de ces orthophonistes. Cet
après-midi là, l'âge du premier client
nous surprend: Adil n'a que deux ans,
il est sourd profond et à la chance
d'avoir été appareillé à Paris dès l'âge
de un an. Les prothèses auditives qu'il
porte derrière les oreilles fonctionnent
avec des piles et permettent une amplification
de certains sons. La maman
d'Adil assiste à la rééducation qui la
concerne tout autant que lui. Pour
l'enfant, c'est le moment de l'éducation
auditive : les jeux, par jouets sonores
interposés, sont dirigés par l'othophoniste
et faits devant le phoniodoscope.
A chaque bruit apparaît sur un petit
écran. une courbe différente selon que
le bruit est aigu ou grave. Au dessus,
des petites lampes s'allument en fonction
de l'intensité du bruit.
Puis vient l'exercice du souffle: on
apprend à Adil à souffler sur la bougie,
fort puis doucement. Pour varier un
peu, on souffle sur une balle de pingpong,
sur un moulin à vent. Pendant la
séance, diverses activités seront proposées
et l'orthophoniste répondra à toutes
les questions que se pose la maman
pour l'éducation de son fils.
Le second rendez-vous de l'aprèsmidi
est avec Nejib, un garçon de 10 ans
qui présentè une petite malformation au
niveau de la gorge l'empêchant d'articuler
correctement certains sons. Le
langage est très perturbé et,pour éviter
l'opération chirurgicale, une rééducation
orthophonique est tentée sur les
conseils du stomatologue. Pour lui, il
s'agit d'apprendre à souffler par la bouche
et non par le nez comme il l'a fait
spontanément jusqu'à présent. Les
exercices sont très techniques, certains
étant repris quotidiennement à la
maison.
Puis c'est le tour de Ghislaine. Pour
elle, le problème est bien différent:
âgée de 7 ans, Ghizlaine est en CEl,
dans une école privée, et les tests ont
révélé des difficultés complètement
ignorées par les parents et les enseignants
: méconnaissance de la gauche
et de la droite, défaut de points de
repère dans le temps et dans l'espace,
un niveau de langage oral en français
très insuffisant, une perception auditive
perturbée. Mal préparée pour un CP
bilingue (le français s'écrivant de gauche
à droite et l'arabe de droite à gauche),
Ghizlaine y a échoué
complétement. Les tests ont révélé une
dyslexie importante.
Au chevet des bébés
L'orthophoniste ne travaille pas que
dans son cabinet: parfois, elle va à la
maternité tester l'audition de certains
nouveau-nés. Ce test, d'une importance
capitale pour l'avenir des petits sourds,
et rendu possible par un appareil appelé
« babymètre )}, n'est pratiqué systématiquement
qu'au service des prématurés
de la goutte de lait, à Casablanca.
Il est souhaitable qu'il se généralise
bientôt dans les cliniques privées et les
hôpitaux.
Dans les années à venir, les orthophonistes,
auxiliaires médicales dont les
soins sont pris en charge par les mutuelles,
deviendront des personnages familiers
et indispensables: les « médecins
)} du langage.
52

LA PUBLICITE FACTEUR DE PROGRES
ECONOMIQUE ET SOCIAL
LA PUBLICITE UN FACTEUR
DYNAMIQUE
La publicité est un facteur dynamique de
l'économie d'un pays.
Elle contribue de la sorte à l'amélioration
du niveau de vie de sa population,
amélioration quantitative mais aussi
qualitative dans la mesure où elle facilite
le libre choix du consommateur et lui
donne accès aux innovations
compétitives.
Pour les industriels, les distributeurs et
les consommateurs, la publicité est
perçue de plus en plus comme un outil au
service du progrès économique et social
du pays.
Elle permet de rentabiliser les
investissements de production, crée des
emplois et fait évoluer les rémunérations.
Enfin, c'est la publicité qui offre aux
consommateurs la possibilité d'être plus
largement informés et de dépenser leur
argent librement selon leur propre choix.
Reflet et expression visible de toute une
société, la publicité fait souvent l'objet de
critiques, et quelquefois à bon endroit.
Il ya la bonne et la mauvaise publicité.
Mais aujourd'hui, la profession
organisée, à travers ses représentants
qualifiés que sont les Agences Conseil
en Publicité est de plus en plus vigilante.
Les agences pratiquent une autocensure
au niveau même de la
conception de leurs actions publicitaires
afin de respecter les consommateurs.
LA PUBLICITE ET LES GRANDES
CAUSES NATIONALES
Les agences de publicité et les média
jouent un rôle très important en faveur
des grandes causes d'intérêt national
tels que le Cancer, la Prévention
Routière, les Forces Armées Royales, le
Planning Familial, la Protection de
l'Environnement, l'Economie de
l'Energie et de l'Eau, l'Epargne Nationale
etc... .
Certaines campagnes sont réalisées
bénévolement par les agences de
Publicité et les média offrent
gracieusement leur espace.
C'est le cas des campagnes sur le
Cancer, la Collecte du Sang etc...
Si la publicité peut constituer un facteur
économique et social, elle peut aussi
servir de moyen puissant et structuré
pour informer les citoyens, les mobiliser
pour une action d'intérêt national et
militer en faveur des grandes causes
pour le bien de notre pays.
LE ROLE SOCIAL ET ECONOMIQUE
DE LA PUBLICITE
La publicité au Maroc regroupe un
ensemble d'agents intervenant dans
différents domaines: sociétés d'études
de marchés, Agences de Publicité,
supports et média, PMI et PME dans
l'industrie publicitaire (imprimerie,
sociétés de sérigraphie, artistes
décorateurs etc... ), ainsi qu'une branche
de la production cinématogmphique
(maisons de production, studios vidéo
et d'enregistrement, musiciens etc... ).
Le potentiel humain représentant
l'ensemble de ce secteur est estimé au
Maroc à 5.000 personnes.
Ce jeune secteur dynamique de
l'activité économique a besoin d'être
compris et aidé.
Pour cela, il est indispensable qu'un
dialogue constructif et une concertation
permanente soient instaurés entre les
Agences de Publicité, les Média, les
Annonceurs et l'Administration, afin
d'assurer un développement harmonieux
à ce secteur dynamique qui joue un rôle
social et économique indéniable.
ASSOCIATION DES AGENCES CONSEIL EN PUBLICITE DU MAROC

Les mots fléehes
Les définitions figurent à l'emplacement des cases traditionnelles entourées en gras. Les flèches indiquent dans
quelle rangée ou quelle colonne placer les mots qui se lisent toujours de gauche à droite et de haut en bas.
, , Rue
, , , ,
,
en
Partie Comme Bordure désordre
Voyageur de la Fidèle Ipommée
journée Paysage Fauve
Secourir
~
,
Récipient ~
Repos
,
Chef
.. ,
~
Spectre de
Rire au Neptune
passé
Terres
, ,
Moitié de
Manitou
Sal~être
, • Poisson ~
à
l'envers
Poisson
~ Dehors P
Langue
• ,
Fin
Pronom
,
de
p
envers
Pas
Mouillé
~ Usitée ~
Boire ~
•
Vieux mot
,
~
détestables
:
, ,
Jeûne
Homme de Projectile
Mfir-
~
loi
mation
Ecouter
~
y~'t-
...'t-
Solution prochain numéro
54

LETTRE OUVERTE
«LAISSEZ-NOUS ECLORE»
R
evue
du dialogue, Kalima ouvre dès à présent ses pages aux plus jeunes. II ne
s'agit plus simplement de parler d'eux, mais de les écouter. Dans sa virginité
ou dans sa révolte, le regard qu'ils portent sur les choses est source de renouveau.
Il est temps de le prendre en compte.
Adolescents, cette rubrique est votre.
Comme Houda, not re première épistolière,libérez-y
vos pensées et faites-nous part
de vos interrogations. Bien des adultes
seraient soucieux de les connaître.
Kalima attend vos écrits
Parents contre enfants? Contre?
Serait-ce un affrontement? Un combat?
Pour moi, le qualificatif est
guerre...
- Guerre?
Oui c'est une guerre entre générations.
Souvenez-vous, vous avez été
jeune, et vous avez eu 15 ans puis 18 ans! Ne vous révoltiezvous
pas, quand, catégoriquement, on vous disait « non! »,
alors que vous n'aviez en tête que de vous distraire avec des
copains sympas ? Figurez-vous que nous sommes, maintenant,
ce que vous étiez dans le temps. Nous voulons, comme
vous ne cessez de nous le répéter, vous autres adultes, « profiter
» de notre jeunesse.
Oui! Nous voulons rire et nous amuser! Nous avons envie
de danser et aussi de crier et de chanter
notre joie de vivre !
- Mais rien ne vous en empêche !
L'éternelle réponse. En effet, rien.
Mais alors qui? Je pourrais, immédiatement,
répondre. Et je dirai :
vous.
« Maman, est-ce que je peux aller
danser avec... ? Papa, je dîne ce soir chez...., tu m'autorises
n'est-ce pas? Maman, je sors du lycée à trois heures, toute
la classe va à la piscine. J'aimerais bien les accompagner. »
« Non, il n'en est pas question. Si on te voyait, qu'en penseraient
les gens (notre société). Tout le monde saura que toi,
fille de un tel, tuas été... »
Et voilà le « qu'en dira-t-on ». Depuis notre plus tendre
enfance, nous sommes conditionnés par ce « qu'en dira-ton
». Je suis sûre qu'à la naissance, dans le trousseau de chaque
bébé se trouvait une paire d'œillères. Petits, il fallait nous
exhiber. C'est à qui aura l'enfant le plus beau, le mieux
fagotté et, surtout, le plus original. On fait des politesses..
qu'on nous souffle. Puis, plus tard, plus âgés (par exemple,
s'il y a du monde chez soi) : « Souris, sois accueillante et
aimable. Propose des boissons. Ne parle surtout pas trop!
Il faut savoir écouter. Tes opinions, personne ne peut s'y intéresser.»
D'ailleurs, toute personnalité ou trait de caractère,
on doit l'effacer, l'étouffer. Et cela jusqu'au choix de notre
compagnon de vie! « Bien-sûr, ton choix devra se fixer sur
un jeune homme bien comme il faut. Beau, mais pas trop
(il ne faut pas qu'on lui court après). Gentil, doux, intelligent
Uuste assez, sinon, il risquerait d'être quelque peu fantaisiste).»
Mais la tare des tares, c'est qu'il soit d'un milieu
inférieur à celui dans lequel on vit. Donc, je termine par une
demande que je vous adresse de la part de tous ceux qui sont
assoiffés, avides d'une vie pleine d'expériences.
Laissez-nous éclore! Et ne vous faites point un bouclier de
ce devoir de nous préserver!!!

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•
Médecin et auteur d'une quinzaine de
livres en arabe (romans, nouvelles, essais,
téâtre), Naoual El Saadaoui est l'une des
rares femmes arabes à dénoncer les hypocrisies
et l'injustice au sein des sociétés
arabo-musulmanes et de leurs institutions;
à remettre en cause les réflexes dominants
et les idées reçues, au risque de choquer.
Née dans le village de Kafr Tahla, dans le
delta du Nil, au nord du Caire, elle parvient
à se faire accepter dans une école de médecine
de la capitale malgré les restrictions
imposées par les autorités commerciales et
religieuses auxjeunes filles d'origine rurale.
Depuis les années 50, ce sont les problèmes,
les difficultés, la vie des femmes et
leurs rapports avec les hommes qu'elle prend
pour thème des romans et nouvelles qu'elle
écrit {exclusivement} jusqu'en 1970. Ayant
à faire face à la censure dans son pays, elle
fait paraÎtre ses livres à Beyrouth. En 1972,
la publication de son premier essai sur les
femmes et la sexualité provoque le colère
des autorités, tant politiques que religieuses.
En conséquence, elle perd son poste au
ministère de la Santé et le magazine «La
Santé» qu'elle dirige est interdit. En septembre
1981, elle est l'une des 1.500 personnes
arrêtées par le président Sadate.
Pour elle, l'émancipation véritable des
femmes doit aller de pair avec la conquête
des libertés économique, politique, sexuelle
et culturelle.
En français, les œuvres de N. El Saadaoui
sont publiées par les éditions des femmes,
notamment son essai La Face cachée d'Eve,
Les Femmes dans le monde arabe (1983) et
son roman Ferdaous (198/), livres pour lesquels
elle a obtenu le Prix de l'Amitié francoarabe.
La nouvelle présentée ici est extraite
du recueil publié en 1979 à Beyrouth aux éditions
Dar El Adab : Kenet hia el Adhaaf.
Amina Saïd
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LE PORTRAIT
56

Tout aurait pu continuer comme
avant dans la vie de Narjès si sa main
n'avait par hasard heurté le dos de
Nabouya. Ses doigts s'étaient écrasés
sur un globe de chair tendre et, stupéfaite,
elle avait vu .deux rondeurs qui
ballottaient sous la tunique de Nabouya
en train de laver devant l'évier. .. Pour
la première fois, elle découvrait que
Nabouya, la petite bonne qui était venue
chez eux de la campagne l'année précédente,
avec son corps fluet et sec comme
une tige de sorgho au point qu'on
n'aurait su distinguer son ventre de son
dos et que si elle ne s'était appelée
Nabouya, on l'aurait prise pour un
garçon...
Narjès se retrouva dans sa chambre;
devant le miroir, elle tourna sur ellemême.
Ses yeux s'agrandirent d'étonnement
lorsqu'elle vit deux petites protubérances
qui bougeaient sous sa robe.
Sa main erra vers son dos et ses doigts
tremblants rencontrèrent deux globes de
chair tendre... A elle aussi une paire de
fesses était donc poussée? !
Elle souleva sa robe par derrière, puis
inclina la tête pour les regarder, mais
voici qu'elles suivirent le mouvement de
son corps et disparurent à sa vue. Elle
tenta d'immobiliser le bas de son corps
devant le miroir et d'accomplir avec les
yeux un cercle autour d'elle-même. Mais
elle ne put y parvenir, car lorsque sa tête
se pliait, le haut de son corps suivait et
chaque fois que le haut de son corps
tournait, le bas tournait aussi. Elle se
sentit quelque peu perplexe... Elle
n'arrivait pas à se voir de dos alors
qu'elle pouvait le faire pour Nabouya.
A cet instant, elle s'imagina avoir
découvert une nouvelle infirmité aux
êtres humains... Pourquoi en effet ne
pouvait-on contempler le corps avec
lequel on était né et qu'on transportait
partout et tout le temps comme on pouvait
le faire avec celui des autres?
Elle eut soudain l'idée d'aller à la cuisine
pour prier Nabouya de regarder son
dos, puis de lui décrire ses fesses avec
précision... qu'elle était leur forme .
étaient-elles rondes ou ovoïdes .
bougeaient-elles lorsqu'elle était immobile
ou seulement lorsqu'elle marchait...
étaient-elles apparentes et attiraient-elles
l'attention ou pas...
Elle voulut y aller mais hésita...
Pouvait-elle demander à Nabouya
pareille chose? Nabouya, la bonne, à
laquelle elle n'adressait 'pratiquement
pas la parole. Elle lui donnait des
ordres, ce qui était loin d'être une conversation
digne de ce nom, et les réponses
de Nabouya se bornaient à des
« oui» et à des « tout de suite» qui
étaient loin d'être des réponses.
C'étaient plutôt des réflexes conditionnés
qui s'enchaînaient à la même allure
et sur le même ton, exactement comme
les oscillations d'une machine.
Narjès, exaspérée mais résolue à se
contempler par elle-même, attrapa sa
robe et dénuda entièrement son dos,
puis, affermissant ses pieds au sol, elle
pencha la tête et tenta de faire pivoter
son regard autour de son corps. Mais sa
tête ne tarda pas à se bloquer et son
mouvement comme son regard ne
purent achever leur rotation. Elle raidit
violement ses muscles et tenta de renouveler
l'expérience... Pendant qu'elle
tournait la tête devant le miroir, le dos
entièrement dénudé, ses yeux rencontrèrent
ceux de son père. Elle tressaillit. ..
Elle savait que ce n'étaient pas ses yeux
véritables et qu'ils appartenaient au portrait
photographique qui était accroché
au mur, mais son petit corps se mit à
trembler, tant et si bien qu'elle saisit sa
robe et la rabattit. Elle ne pouvait plus
détourner les yeux de ceux de son père...
Chaque fois qu'elle le regardait, elle
voulait le fixer; elle avait l'impression
de ne l'avoir jamais assez vu... Elle avait
maintenant treize ans et elle voyait toujours
son père de dos... C'est lorsqu'il
lui tournait le dos qu'elle pouvait lever
les yeux et contempler sa haute taille et
sa large stature... Pas une fois elle
n'avait levé la tête pour le fixer dans les
yeux et tous deux n'avaient guère
échangé de regards ni ne s'étaient
adressé la parole... Lorsqu'il la regardait,
elle baissait la tête et s'il s'adressait
à elle, ce n'était que pour lui donner
des ordres ou des conseils auxquels elle
répondait machinalement par des
« oui» avec une soumission aveugle...
De sorte que lorsqu'il lui avait ordonné
de quitter l'école et de rester à la maison,
elle avait quitté l'école et était restée
à la maison... et lorsqu'il lui avait
dit de ne pas ouvrir les fenêtres, elle
n'avait plus ouvert les fenêtres ... et
lorsqu'il lui avait recommandé de ne pas
regarder derrière les rideaux, elle avait
cessé de regarder derrière les rideaux, et
à peine lui avait-il enjoint de faire ses
ablutions avant de dormir pour faire des
rêves purs, qu'elle se mit à faire ses
ablutions et à faire des rêves purs.
Ses yeux demeuraient rivés aux siens.
Elle voulait le regarder sans faiblir, voir
ses yeux, les connaître, se familiariser
avec eux. Mais elle n'y parvint pas... Il
y avait irrémédiablement une distance
entre ses propres yeux et les siens qui
57

l'empêchait de les voir de près, même
avec les yeux collés au portrait. Le
visage de son père lui parut démesuré,
son nez busqué était imposant, et ses
yeux enfoncés si grands qu'ils lui semblèrent
sur le point de l'avaler. .. Elle
dissimula son visage dans ses mains...
Le grand bureau derrière lequel dépassait
d'entre de nombreux papiers le nez
busqué de son père lui revint en
mémoire... De temps à autre, il jetait un
œil sur la longue file d'hommes qui
s'étirait devant lui, le regard plein
d'adoration et de respect.
Sa tête puissante s'agitait entre les
piles de feuilles, ses longs doigts épais
enveloppaient le stylo qui courait à une
vitesse folle... Et elle, assise dans un
coin, ses petites jambes minces repliées,
elle se recroquevillait sur elle-même en
retenant son souffle... Se pouvait-il
qu'elle soit la fille d'un homme aussi
important ? Dès que son père se levait,
sa haute et large stature se déployait derrière
le bureau et l'extrémité de son nez
frôlait presque le plafond... Dans la rue,
lorsqu'elle marchait à ses côtés, elle
redressait fièrement la tête, croyant voir
tous les regards converger vers son père
et toutes les lèvres s'ouvrir pour lui formuler
une requête. Ses petites oreilles lui
semblaient enregistrer le murmure incessant
des passants : « Voici le maître et
voici sa fille Narjès qui marche à ses
côtés! ». Lorsqu'ils traversaient l'avenue,
son père lui prenait la main et ses
grands doigts enveloppaient ses petits
doigts à elle. Son cœur se mettait alors
à battre, sa respiration se troublait et
elle inclinait la tête pour lui baiser la
main. A peine ses lèvres avaient-elles
frôlé la large main velue que lui parvenait
cette odeur forte, l'odeur caractéristique
de son père... Elle n'aurait pu
qualifier cette odeur, mais elle la reconnaissait
partout où il se trouvait et
lorsqu'elle entrait dans la chambre de
son père, elle la cherchait dans le lit,
l'armoire, les vêtements... Parfois, pour
mieux la respirer, elle enfouissait la tête
dans les vêtements de son père, les
embrassait, puis s'agenouillait devant le
grand portrait au-dessus du lit comme
pour prier. .. Ce n'était pas la prière traditionnelle
qu'elle récitait à toute allure
à l'adresse d'un dieu qu'elle n'avait
jamais vu, mais un véritable cuite rendu
à un dieu vivant, qu'elle voyait de ses
yeux et entendait de ses oreilles, un dieu
qui achetait pour elle nourriture et vêtements
et qui avait un bureau immense
et quantité de feuilles dont il connaissait
le contenu tout entier, un dieu qui
répondait aux besoins des hommes et
qui, par-dessus tout, écrivait à la vitesse
de l'éclair.
J
Narjès se retrouva agenouillée devant
le portrait dans l'attitude de la prière.
Elle se releva, tête baissée en signe de
respect et elle baisa la main de son père
comme chaque soir avant d'aller dormir...
Alors qu'elle s'allongeait, ses fesses
rebondies frottèrent le lit et un léger
frisson jamais encore ressenti la parcourut
tout entière. Elle avança alors des
doigts tremblants pour palper le bas de
son dos. Deux volumes de chair arrondis
s'interposaient entre le lit et elle.
Pour mettre fin à cette étrange sensation
et pouvoir dormir, elle se tourna sur le
ventre, mais ses fesses se soulevèrent et
elle sentit leur poids... Elle se tourna sur
le côté, mais là elles continuèrent à frotter
le lit chaque fois qu'elle respirait. Un
instant, elle put retenir son souffle, mais
elle ne tarda pas à étouffer, ce qui fit
tressauter son petit corps. Ses spasmes
secouèrent le lit et provoquèrent un
grincement sourd que, dans le silence de
la nuit, elle s'imagina parvenir
jusqu'aux oreilles de son père qui dormait
dans sa chambre et allait certainement
tout comprendre.
Narjès frémit à cette pensée. Elle
tenta de contrôler sa respiration pour
que son lit cesse de grincer, et elle aurait
suffoqué si l'air ne s'était violemment
engouffré dans sa poitrine. La secousse
qui la saisit se communiqua au lit et
dans le silence nocturne,un grincement
horrible retentit. Elle sauta hors de son
lit...
Les pieds à peine au sol, le bruit prit
fin. Elle n'entendit plus que le rythme
plus régulier de sa respiration qui s'était
calmée peu à peu jusqu'à devenir tout
à fait paisible. De nouveau, comme chaque
nuit, le silence régnait dans sa
chambre, lorsqu'elle se souvint qu'elle
n'avait pas fait ses ablutions. Pensant
avoir découvert la raison des sensations
coupables qui avaient assailli son corps
non purifié, elle en fut soulagée.
Pendant qu'elle se lavait devant le
lavabo tout en récitant diverses formules
religieuses, ses oreilles captèrent par
hasard un faible gémissement provenant
de la cuisine. Nabouya ne dormait pas
encore? Narjès poussa doucement la
porte de la cuisine qui résista. Le faible
gémissement se fit de nouveau entendre.
Ayant collé l'oreille à la porte, elle perçut
clairement des halètements rapides
et irréguliers. Elle sourit, apaisée.
Comme elle, Nabouya n'arrivait pas à
s'endormir: elle cherchait à comprendre
pourquoi elle avait elle aussi des fesses
toutes neuves! Sans qu'elle en ait
conscience, la tête de Narjès se déplaça
et ses yeux se retrouvèrent au niveau du
trou de la serrure. Elle regarda à l'intérieur
de la cuisine. Il n'y avait personne
sur le petit divan où dormait Nabouya,
mais Narjès vit quelque chose remuer
sur le sol. Elle regarda plus attentivement
et ses pupilles s'agrandirent à la
vue d'une masse de chair nue qui roulait
par terre et qui avait deux têtes...
L'une était celle de Nabouya avec ses
longues tresses, l'autre celle de son père
avec son long nez busqué ! Elle aurait
pu, à cet instant, s'arracher au trou de
la serrure, mais ses yeux y restèrent collés
comme s'ils en faisaient partie et se
figèrent sur la masse nue qui se balançait,
tant et si bien que la tête de
Nabouya se retrouvait au sol et butait
contre le seau d'ordures, tandis que la
tête du père venait heurter la cuvette de
l',évier. Mais ils eurent tôt fait de changer
de position et c'est la tête de
Nabouya qui cognait le fond de l'évier
et celle du père qui plongeait vers le seau
d'ordures... Puis les deux têtes finirent
par disparaître complètement sous l'étagère
où Nabouya rangeait ses vêtements.
Narjès ne vit plus alors que
quatre pieds avec leurs vingt orteils qui
s'agitaient avec vigueur et prenaient, à
force de s'entrelacer, une forme étrange
qui rappelait les bras multiples d'une
pieuvre.
Sans savoir comment, Narjès détacha
les yeux du trou de la serrure et regagna
sa chambre où elle alla se regarder
dans le miroir...Sa petite tête tressaillait.
Ses yeux hagards aperçurent ses fesses
apparentes qui tremblaient avec la
même intensité que son corps... Inconsciemment,
elle tendit la main pour
explorer le bas de son dos tout entier en
regardant son père du coin de l'œil. Ses
bras faillirent être repris par leur tremblement.
Elle voulut saisir sa robe et se
couvrir, mais ses bras restèrent immobiles
et elle continua à toiser le visage
paternel, tête haute... Son père avait des
yeux exorbités, un nez busqué et pointu
qui partageait son visage en deux, et sur
son extrémité velue, un long fil d'araignée
se spulevait au gré de la brise nocturne
qui filtrait à travers les rideaux...
Narjès s'approcha du portrait et souffla
sur la toile d'araignée, mais une fine
pluie de salive humecta le portrait et la
toile.
Naoual Saildaoui ­
Traduction Amina Saïd
58

"HAREM" ·..................
••••• ••••• ••••• •••• ••••• •••• •••••• ••••
de Arthur Joffé
Rencontre avec un jeune cinéaste
Marrakech, Ouarzazate, New-York, le triangle d'or du tournage de "Harem". Un jeune réalisateur
qui n'a rien d'un loup mais audacieux, qui n'en fait qu'à sa tête, avec un culot rarissime: Arthur
Joffé, 30 ans. Un budget inattendu pour un premier long métrage: 80 millions de francs. Deux acteurs
merveilleux: Nastassia Kinsky et Ben Kingsley. Un décorateur remarquable: Alexandre Trauner
("Les enfants du paradis" de Marcel Carné, "Othello" d'Orson Welles, etc...). Un photographe
fameux: Pasqualino de Santis ('~Mort à Venise" de Visconti", "L'assassinat de Trotsky" de Losey).
Un Harem qui n'est sans doute pas à la mesure des fantasmes qu'il a coutume d'éveiller, mais Joffé
voulait avant tout raconter une histoire...
• • • • •• • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • •
• • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • •
• • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • •
SEQUENCES:
1
2
New York crépusculaire: dans un studio très
c1ean, une jeune femme caresse son chat,
lui susurre des propos tout doux à son oreille
touffue d'angora. Diane est célibataire, indépendante.
La petite américaine solitaire est enlevée, par une
matinée brumeuse, chargée de mélancolie, sur
un quai de New York.
3
4
Un ennuque débonnaire, un géant noir, torse nu
et ventre flasque, porte Diane, encore
hébétée par la "drogue",à travers les corridors
d'un palais sombre.
La petite américaine est entourée de femmes
nues (de tous âges, belles, fripées, à peine
nubiles) et d'enfants. Le bain maure du Harem.
59

Pépiements, gazouillis des femmes qui
s'ennuient stoïquement et s'esclaffent en
regardant en accéleré des films vidéo
vaguement pornos. Ni almées recluses,
ni Salomés intrigantes el cruelles, les
créatures de "Harem" sont, à l'image
du maître (ni despote, ni jouisseur), de
paisibles éléments d'une grande famille.
Diane apporte avec elle une perception
différente du temps, bouleverse l'écoulement
contemplatif des jours.
Elle (Nastassia Kinsky) apprend peu à
peu à connaître Selim, le commanditaire
du rapt (Ben Kingsley), un être sensible,
raffiné, qui perpétue, par fidélité, la tradition
des Ancêtres. Prince moderne, il
conserve à l'intérieur de ses murs une
structure familiale complexe (le
harem) ; il admire ses "favorites" à distance
et joue du piano.
L'histoire est très simple, dépouillée à
l'extrême. Elle va comme un rêve,
s'enchaînant avec plus ou moins de bonheur,
comme tous les rêves. C'est la rencontre
entre deux êtres au départ
étrangers mentalement l'un à l'autre. Le
harem est la scène de cette confrontation.
"C'est un film à trois personnages"
, précise Arthur Joffé. "Ce que je
voulais, ajoute-t-il, c'est "écrire", montrer
un conte moderne. Mon film est une
parabole (...) je n'ai pas pensé un seul
instant raconter un fait réel, de manière
réaliste". Avis aux nostalgiques des
splendeurs feutrées de l'Orient: Arthur
Joffé n'avait pas l'ambition de reconstituer
un harem flamboyant peuplé de
créatures lascives. "Personne n'a jamais
pu témoigner de visu de la réalité du
harem, personne n'a décrit de l'intérieur
ce qu'était la vie de ses pensionnaires."
Joffé, donc, loin de toute tentation
hollywoodienne, se proclame simplement
conteur. Vous pouvez le croire.
"Une rencontre", insiste-t-il, entre
Selim, oriental métissé de culture européenne,
et Diane, newyorkaise à la
liberté fière. Qui pouvait, mieux que
l"'ex-Ghandi" donner à sentir, à écouter,
la cohabitation de deux cultures en
un être?
Qui pouvait, aussi bien que l'instinctive
Nastassia Kinsky, camper le personnage
farouche et fragile de Diane? Quand on
complimente le jeune réalisateur à propos
des scènes intimistes, il répond,
ingénu et soudain heureux: "Ça prouve
que je dirige quand même bien les
acteurs" ...
Joffé n'est pas peu fier d'avoir pu réunir
de tels acteurs pour son film. Mais
il ne veut pas qu'on dise "encore un qui
ne donne pas leur chance aux jeunes
comédiens inconnus".
Joffé n'en revient pas encore d'avoir été
si heureux, si bien inspiré dans le choix
de l'eunnuque, jeune acteur de théâtre
rencontré à New-York : "Hein, il est
extraordinaire, Denis Goldson"!
Même ravissement pour les figurantes,
toutes marocaines: "Elles ont été parfaites
... en plus, elles sont très belles".
Il précise que pour les scènes du hammam,
où le nu était indispensable, il
craignait d'essuyer un refus. "Au début,
dit-il, elles étaient méfiantes, puis elles
ont compris."
Ce harem est de nulle part. Posé aux
limites du monde, muet, féérique. Dans
un désert insituable. "Je voulais montrer
ce lieu clos qui se désagrège, montrer
la nostalgie", affirme Joffé.
Le scénario de "Harem" a débuté, dans
son esprit, "par une image" des femmes
voilées descendant une rue de New­
York... "Harem" est un peu déroutant
car ce que le titre suggère, de manière
indubitablement commerciale (l'Orient
soyeux et un ballet de corps baignant
dans la volupté) n'est pas sur l'écran.
Joffé proteste: "Les producteurs ont
été sensibles à mon projet qui leur a
paru commercial. Mais, à l'origine, il
n'y a aucun calcul de type mercantile.
Ce n'est pas mon rôle". Et il ajoute,
tirant sur sa énième cigarette : "Je sais
qu'on va m'attaquer sur beaucoup de
points mais c'était un gros risque et j'en
étais conscient depuis le début......
j'aime le risque".
Adil Hajji
60

Poète et romancière, Andrée
Chedid est née au Caire où elle a passé
sa jeunesse. Peut-être parce que son
père était d'origine libanaise, sa mère
d'origine syrienne, parce que très tôt
elle a voyagé (Suisse, Belgique, Angleterre,
France.. .), parce que le français,
sa première langue, n'a pas été source
de conflit et que, vigoureusement optimiste,
elle a su aussi allier le clair et
l'obscur, Andrée Chedid est parvenue
à faire de son écriture le lieu actif, dynamique,
chaleureux, de l'enracinement
comme du déracinement, d'un « ailleurs
sans cesse conquis ». « Assumer son
identité, dit-elle, se nourrir de toutes ses
sensibilités, de toutes ses vibrations,
sans négliger la recherche de l'identité
tout court, de l'identité de l'être, me
paraÎt essentiel .»
Après des études de journalisme à
l'Université américaine du Caire, une initiation
au théâtre à Beyrouth, elle
s'arrête en 1946 à Paris, ville qui l'a toujours
attirée. L'année suivante, ses premiers
articles sont publiés, et, en 1949,
ses poèmes. Elle se met bientôt à écrire
des nouvelles, plus tard rassemblées (Le
Corps et le temps suivi de L'Etroite
peau). C'est en 1953 que paraÎt son premier
roman, Le sommeil délivré, un récit
très construit que porte un style sobre·
où l'image vient comme un don, un
souffle, une caresse de lumière, une
veine qui bat plus fort. On est saisi par
l'histoire tragique de cette jèune femme
accouchant de son cri de révolte
comme d'un enfant du silence.
Egalement auteur de pièces de théâtre
et d'essais, Andrée Chedid n'a
cependantjamais abandonné la poésie.
En témoignent ses nombreux recueils
(Cérémonie de la violence, Cavernes et
soleils, Epreuves du vivant, pour ne citer
que les plus récents). La poésie est pour
elle la quête de l'être au plus près des
mots, fragile, fugitive, éblouissante,
menacée. Le roman est somme toute
l'incarnation de cette quête à travers des
destins très singuliers, pour « dire les
choses vivantes qui bouillonnent au
fond de chacun » ; là aussi, l'essentiel
de la poésie éclaire le labyrinthe.
En trente ans, Andrée Chedid a élaboré
une œuvre romanesque de belle
densité, à la fois actuelle et concrète,
redonnant formes humaines aux mythes
qui ont marqué la Méditerranée. Pour
s'en convaincre, il faut lire Le Sixième
jour, qui se passe au bord du Nil et met
en scène une grand-mère paysanne et
son petit-fils en proie au choléra ; traduite
en arabe, cette parabole ne pouvait
qu'intéresser un cinéaste tel que
Youssef Chahine qui est en train d'écrire
le scénario pour un prochain film. D'ailleurs,
la plupart des romans d'A. Chedid
pourraient facilement être portés à
ANDREE
CREDID
l'écran : le découpage romanesque
existe, les visions, le rythme, les lumières...
Lire bien sûr Néfertiti ou Le Rêve
d'Akhnaton, L'Autre, Le Survivant et
découvrir ces superbes Marches de
sable où, mises à l'épreuve du désert,
trois femmes inscrivent leurs
inoubliables empreintes.
Pour Andrée Chedid, « le brassage,
l'interpénétration des cultures paraissent
une garantie de liberté et d'avenir
». Nulle part elle ne s'est sentie
exilée. Les racines qui comptent sont
celles quise tissent à travers l'existence,
qui n'attachent pas, ne séparent pas:
celles qui donnent leur part vivante à
l'hybride, à l'ouverture, à la richesse des
univers: celles enfin qui donnent ses
chances à l'humanité composite. Dès
lors, il n'est pas étonnant de constater
que l'Orient d'A. Chedid n'est pas celui
L'ORIENT
INTERIEUR
de la seule terre fermement délimitée,
il est avant tout intérieur. Faisant sienne
une phrase du migrateur Khalil Gibran,
eUe assure: « Ta maison ne sera pas
une ancre mais un mât ».
Son dernier livre, La Maison sans
racines, publié comme les autres aux
éditions Flammarion, déploie de nouvelles
voiles à ce mât, dans un Liban à
l'aube des plus terribles convulsions et
où l'espace se réduit aux dimensions
d'une peau de chagrin que laboureront
les balles. Une fois de plus, il faut saluer
la parfaite maÎtrise de son art qui permet
à la romancière de simplement,
nous toucher, sans détour: ses images
restent longtemps gravées en nous.
C'est à l'occasion de la sortie de ce
neuvième roman que nous avons rencontré
Andrée Chedid chez elle.
Amina Saïd et Ghislain Ripault
ENTRETIEN
Andrée Chedid -J'ai commencé à
écrire très jeune et je ne suis pas du tout
partie d'une idée préconçue. Seul le
désir de m'exprimer, une sorte de soif,
me poussait. Durant des années, je n'ai
écrit que des poèmes. Ensuite j'ai eu
envie de dire les choses d'une manière
plus quotidienne, plus abordable. Parce
qu'en poésie, ce qui m'intéresse, ce que
je cherche à faire, c'est d'aller vers
l'essentiel en chacun de nous et cela
mène forcément à un dépouillement de
l'expression. J'avais aussi envie d'une
histoire, de personnages, de faire vivre
leur cœur, leur sensibilité. Ayant vécu
l'Orient dans ma jeunesse il y a tout un
61

lot de sentiments, d'Images, d'événements
que je souhaitais relater. J'ai
donc commencé par écrire des nouvelles,
ne sachant au début si je· pousserais
plus loin. On apprend, on s'apprend
en cours de route, Une autre raison
peut-être aussi, c'est que la poésie vous
laisse à sec, parfois longtemps, et que
ça peut devenir angoissant. J'avais sans
doute l'impression que la prose m'offrirait
des refais. Mais je n'ai jamais abandonné
la poésie, j'espère ne jamais la
quitter. C'est elle la moëlle, l'expression
la plus intense... Plus tard, je suis passée
au roman, pour pouvoir mieux
développer des situations, des personnages.
En fait, le désir de s'exprimer
peut prendre différentes formes, c'est
comme un flux vital qui chercherait ses
chemins. Si l'on pouvait vivre trois cents
ans par exemple (sans trop vieillir !),
j'aurais sans doute essayé le cinéma, la
peinture, la danse.
- Il ya beaucoup de poésie dans
votre écriture romanesque.
L'écriture dans le poème c'est
évidemment important : la forme, le
rythme, la structure, l'espace sur la
page... J'entraîne tout ça avec moi dans
le roman. C'est périlleux et ça prend du
temps. Il faut que la phrase plaise à mon
oreille, que la page - paragraphe, ponctuation,
etc... - plaisent à ma vue! En
plus il faut éviter de faire « poétique ».
Faire passer l'élan, l'architecture du
poème sans que cela ne se sente trop,
sans alourdir l'action. Un vrai di-
62
lemne ! Mais si je n'ai pas trouvé une
structure, une construction qui me convienne,
je reste bloquée. La Maison
sans racines, par exemple, cela fait 8
ans que j'y pense. J'ai écrit des pages
et des pages et ça ne se reliait pas. Puis
m'est venue l'idée d'une marche de
quelques minutes qui ponctue, rythme
le roman et laisse une ouverture au
lyrisme. Ces parties répétées, écrites en
italique, ont été le pivot du récit; toutes
ces pages éparses se sont assemblées,
rassemblées autour... Pour
Néfertiti, cela a été un peu pareil. Je ne
voulais pas écrire un récit purement historique
(je n'en ai ni le savoir ni la compétence)
; alors là s'est présenté le
personnage du scribe-écrivain. Il m'a
donné la bonne distance par rapport au
sujet, un regard plus objectif. Ce petit
bonhomme plein d'humour, comme
beaucoup d'Egyptiens, m'a beaucoup
aidée.
- Qu'est-ce qui vous attire dans le
théâtre 7
D'abord un fait vécu: j'étais
quelqu'un de timide en société. Après
mes études secondaires, j'ai fait quelques
années à l'Université américaine
du Caire, Nous avions un doyen fou de
théâtre qui montait des pièces chaque
année. Il m'avait choisie pour être l'une
des interprètes et il n'était pas question
de refuser. Paraître en public me semblait
terrible, j'étais très inquiète. Mais
une fois sur les planches, c'était la révélation.
J'aurais pu tout faire, marcher
sur les mains, me transformer en
clown... Un bonheur fou! Je rêvais
d'écrire des pièces un jour. Je pensais
que c'était l'art le plus difficile et je
remettais toujours à plus tard. Puis, vers
la quarantaine, j'ai écrit trois pièces
d'affilée, « Le Montreur », « Bérénice
d'Egypte » et « Les Nombres ». J'ai été
quelquefois jouée, pas assez pour poursuivre
d'une manière plus assidue. C'est
une expérience que j'aime énormément,
j'aime aussi beaucoup les comédiens,
leur passion, leur désintéressement...
- Pensez-vous que la femme
aujourd'hui a de plus en plus de
place dans la création !
C'est indéniable, en Occident
surtout. Il ya un progrès, une ouverture
énorme. Je suis optimiste sur ce planlà.
En Orient, il ya encore un long chemin
à faire pour que la grande richesse
intérieure de ces femmes puisse librement
s'exprimer,
- Nombre de vos livres ont des
femm~s pour protagonistes, de
tous âges et parfois de tous temps.
Votre premier roman, Le Sommeil
délivré, est le portrait d'une femme
du Moyen-Orient d'il y a trente ans.
Il nous semble toujours d'actualité,
qu'en pensez-vous 7
Je n'ai pas d'a-priori. Deux de
mes romans, Jonathan et L'Autre, ont
des hommes comme personnages centraux.
Mais le plus souvent il est vrai que
ce sont des femmes, peut-être que je
me mets plus facilement dans leur peau.
La Samya du Sommeil délivré est une
chrétienne prise dans l'étau d'une
société patriarcale, coercitive. Elle n'a
pas droit à la parole, sa sensibilité est
étouffée. Pour elle, il n'y a, dans ce contexte,
aucune échappatoire.
- Par contre, il yale personnage
de la petite Ammal (l'espoir). Elle
modèle des personnages d'argile,
elle est créatrice. Elle pourra peutêtre
s'exprimer, s'en sortir grâce à
cela 7
C'est ce que j'essaie de montrer.
La création est une fenêtre ouverte
sur un « plus» de vie, c'est certain.
J'essaie aussi d'exprimer des sentiments
qui seraient universels, simples,
presque élémentaires. Un sentiment qui
pourrait être partagé par tous. Des récits
qui semblent d'un autre temps, comme
Néfertiti ou Les Marches de sable, ne
sont pas si loin de ce que nous pouvons
encore vivre ou éprouver. Du moins je
l'espère.

Quand je commence un livre ce n'est
toutefois pas une idée qui m'entraîne,
mais plutôt une image. Pour Le Sixième
jour, j'ai vu une vieille femme poussant
devant elle, dans une brouette, un
enfant malade. Puis l'image s'est affirmée,
l'histoire s'est bâtie autour. En
général, la fin me reste cachée, jusqu'au
bout; cette fin-là, en l'occurence, j'y ai
même résisté longtemps. Le même phénomène
s'est passé pour La Maison
sans racines.
- Ce nouveau livre a aussi,
comme souvent un titre
symbolique...
c'est l'histoire d'une grandmère
qui vit à Paris, de sa petite-fille qui
habite aux Etats-Unis. Emigrées depuis
plusieurs générations, elles se rejoignent
pour passer ensemble des vacances au
Liban, pays de leurs lointains ancêtres.
C'est en 1975, à la veille des terribles
événements. Elles appartiennent à des
« maisons sans racines », une expression
qui pour moi est positive, sans tristesse,
sans nostalgie : des maisons
libres. Les racines ne sont riches que si
elles tiennent du cœur ou de l'esprit,
non pas lorsqu'elles retiennent,
lorsqu'elles étouffent, brident les autres.
- Il ya comme un écho entre ce
titre et celui de votre premier
roman, Le Sommeil délivré.
Cela correspond sans doute à
une passion de la liberté. En fait: sortir
de sa peau pour devenir ce que l'on est
vraiment. J'avais intitulé un recueil de
n0!Jvelles L'Etroite peau à partir de cette
phrase de Pierre Reverdy: « l'Au-delà,
c'est tout ce qui est en dehors de notre
étroite peau ». J'ai toujours l'impression
qu'il faut sortir de ses peaux, de ses
racines, de ses rôles, ceux que la
société, les années, vous imposent,
ceux que l'on se fabrique parfois soimême,
pour essayer de savoir qui l'on
est en vérité... C'est aussi, me semblet-i1,
le moyen de rencontrer l'autre: les
barrières tombent.
- Parfois l'image ou une situation
peuvent être cruelles, mais il y
a toujours chez vous le souci de
l'espoir, de la lumière, d'une beauté
possible...
J'y tiens absolument. Sans
cela je crois que je ne pourrais pas
écrire, et même que je ne pourrais pas
vivre. Je serais plutôt de tempérament
optimiste, joyeux, mais je sais aussi
combien la vie peut être tragique. Je
veux être lucide le plus possible. Mais
1être lucide c'est aussi croire en l'amour
la clarté, la beauté...
'
- Comment travaillez-vous à vos
romans?
L'écriture est presque un phénomène
biologique. Quant tout avance
bien on est vraiment heureux, comme
si le sang coulait bien dans les veines,
un bonheur extraordinaire. D'autres
fois, c'est la difficulté de se mettre à sa
table, la perte de foi, le vide... et on fuit,
on se fuit. Je crois que tous les écrivains
connaissent ça. J'ai parlé à des peintres,
c'est pareil. Mais on n'arrive pas à bout
de ce qui compte sans une constance,
un effort. Je pense à l'alpiniste, au navigateur
solitaire et même à la réussite
d'un amour! Euphorie et douleur, risque
et accomplissement. Le livre terminé,
c'est vraiment le soulagement, et
pour moi, chaque fois, la surprise d'être
arrivée au bout de ces 250 pages !...
Quelque temps après je suis prise d'une
sorte de panique, je ne veux pas relire.
Pour les épreuves, il le faut pourtant
(( épreuves », le mot dit bien ce qu'il
veut dire... ) Pour Néfertiti, par exemple,
il m'est arrivé de corriger des pages
entières - ça ne fait pas très plaisir à
l'éditeur ou à l'imprimeur ! Plus tard
encore, l'accueil des autres me réconcilie
peu à peu avec un livre terminé.
Oui, L'écriture c'es~ important, mais
pas plus important que tout. Si je
n'avais que l'écriture je ne vivrais pas
complètement. J'ai besoin des autres
de leur amour, de les aimer, besoin d~
regarder la vie, de l'aimer aussi. L'écriture
est peut-être un moyen de multiplier
le sentiment de la vie.
- Quelle est votre langue d'écriture
?
Le français est ma langue
depuis toujours. Je n'ai donc pas eu de
difficulté de choix au départ. On parlait
français à la maison. J'ai appris l'anglais
ausssi, mais c'était plus secondaire.
J'aime beaucoup la poésie anglaise et
j'ai écrit mon premier recueil de poèmes
en anglais... Le français était ma langue,
je ne me posais pas de question à ce
sujet. Le terme de « francophonie »
n'est apparu que plus tard.
- Parlez-nous des lieux de vos
romans?
En général ils se situent en
Egypte ou autour du bassin méditerranéen.
Les paysages de l'enfance se gravent
plus profondément. On a comme
une loupe devant les yeux jusqu'à un
certain âge... Je retourne en Egypte
tous les trois ans environ, pour de
courts séjours, avec joie mais sans nostalgie,
pas pour retrouver le passé. Je
ne cherche jamais le passé, les images
de là-bas me viennent, elles se font présentes.
Je ne me sens ni exilée ni écartelée.
J'adore Paris. D'où que l'on
vienne, on s'y retrouve dans sa liberté.
Je n'ai pas non plus l'impression de me
couper de mes racines, je les emporte
avec moi. C'est un Orient intérieur qui
ne me semble pas incompatible avec ce
que je vis ici.
- Le roman est une métaphore
avant tout?
Pas avant tout mais aussi.
C'est d'abord l'image, le récit. Et presque
toujours se dégage ensuite la proximité
du mythe, comme si cela remontait
du fond de soi. Je m'en aperçois après,
en cours de route. J'aime bien cette
référence au mythe, il me semble que
l'on se rattache ainsi à queque chose de
plus large, de plus universel. Dans Le
Survivant, on pourrait retrouver le
mythe d'Osiris. Dans L'Autre, la descente
aux enfers de Perséphone à la
recherche de sa fille. Dans Le Sixième
jour, la barque d'Achéron" etc... Mais
au début je ne cherche pas à illustrer un
mythe, les métaphores affleurent tout
naturellement.
- La tragédie et l'espérance, se
sont vos thèmes dominants ?
D'abord, la mort comme aboutissement
de toute vie est difficile à
accepter. Je me souviens que, très
jeune, l'idée de cette fin inévitable me
révoltait, me préoccupait. Puis on se
rend à l'évidence, on comprend, on
accepte. La vie en est d'autant plus
chère. A l'intérieur de cet espérance, de
ce passage, il faut vivre, et le mieux possible,
avec toute l'espérance dont on est
capable. Une espérance active. Ecrire
aussi est une action, une forme de salut.
Il y a tant de beauté vers laquelle on
peut se tourner, cela aussi est vrai au
même titre que la tragédie.O
63

« Poète est celui-là qui
rompt pour nous l'accoutumance
H, disait Saint-John
Perse.
Abdellatif Laabi rend
ici un superbe hommage au
père, à la sentinelle effacée
des jours anciens, œuvrant
avec patience à la perfection
du même objet.
Aimant sans mot dire.
Calme comme les sillons
qui font sourire son visage
austère.
Voici ce texte d'amour
que bien des fils eussent
aimé écrire.
Driss Ben Abdeslam
Je suis devenu allergique aux oraisons funèbres, père.
Je veux te parler de ton vivant. Mais voilà, je m'empêtre déjà
dans les mots, les langues. Comment m'adresser à toi, te
rejoindre, faire poindre la lueur de la compréhension dans tes
yeux? La seule langue que tu parles ne s'écrit pas, et même
si je l'écrivais, notre dialogue deviendrait monologue ou simple
confidence. Comme lorsque nous discourons sur les derniers
survivants de ta corporation, celle des selliers, ou lorsque
nous nous évertuons à reconstituer l'arbre généalogique de
la famille.
Pourquoi m'as-tu envoyé à l'école, père, et ne m'as-tu
pas appris ton métier? J'imagine un moment que je suis dans
ton échoppe de Sakkatine, installé dans ton établi, maÎtrisant
à la perfectiOI1 tes gestes d'artisan semeur d'étoiles. Et
pour unique vision le petit monde de l'ancienne médina de
Fès : mariages, circoncisions, décès, le prix des choses,
l'écho lointain des nouveaux quartiers qui poussent en dehors
de la ville, la pluie et la sécheresse, les décisions prises par
les Maîtres de l'heure, les petits scandales vite étouffés, les
vendredis où l'on va de bonne heure au hammam, les films
hindous et égyptiens au cinéma du quartier, les rixes entre
bandes rivales d'enfants, et maintenant les yeux si indiscrets
des touristes, l'avantage qu'on peut en tirer, etc...
Non, je ne me sens pas étranger à tout cela. Je ne
m'en sens pas amoindri. J'imagine sans peine. Moi,
à ta place, quand le momen( en serait venu. Un nouveau chaînon
dans cette longue chaîne du travail où l'on ne perd pas
son âme comme dans les usines d'aujourd'hui. Car l'artisan
crée son œuvre de bout en bout. Il en domine tout le processus
de réalisation. Instinctivement, il sait qu'il fait œuvre
durable de beauté quand bien même cette œuvre finira par
tomber dans le cycle infernal de la marchandise. Car il y a
un honneur à défendre, celui de son nom de maître-artisan.
Alors que l'ouvrier n'est qu'une pièce-chair meurtrie dans un
engrenage dont il perce rarement le mystère.
As~tu bien fait de m'envoyer à l'école, père? Oui, peutêtre.
Mais d'où t'es venue cette intuition, ce courage? D'où,
en toi, ce besoin de rupture, cette folle entreprise de vouloir
te perpétuer dans et par un être dépourvu de mains fertiles?
Mystère tien, lové définitivement dans les sillons de ton
silence. Toi tu n'as pas besoin d'expliquer. Tu te contentes
des catégories les plus simples de la sensibilité humaine : joie,
chagrin, colère, indignation, prière secrète ou solonnelle. La
vie et la mort ne s'excluent pas. Elles se font paisiblement
la guerre. Une guerre loyale si l'on peut dire. Qui ne t'arrache
pas ces angoisses terribles que vivent les hommes sûrs
de leurs pouvoirs. Et quand tu conduis à leur ultime demeure
tes derniers amis, tu te sens chaque fois proche de l'Autre
côté, là où tu as la certitude d'aller rejoindre ceux et celles
que tu as aimés. Ta tristesse s'adoucit à l'idée de ces retrouvailles.
64

Tes mains, père. Toute ta force est là. Excuse-moi de
ne plus les embrasser. Oui, je suis ton fils le plus bizarre. MaiE,
tu ne t'attardes pas trop là-dessus. Je sais que tu me fais
confiance, même lorsque tu ne comprends pas. Je n'oublierai
jamais le jour où j'étais venu chez nous avec ma première
fiancée. Je ne vous avais pas caché qu'elle était juive. Et vous
lui aviez fait fête, démolissant incroyablement toutes les lignes
grosses et minces, faisant fi des préjugés, intronisant le seul
bonheur d'aimer.
Quelle chance tout de même que d'avoir pu découvrir
ainsi, grâce à toi et à ta compagne, ma mère, la bonté, émeraude
brûlante de votre cœur et petit soleil bien brillant de
notre peuple.
Je disais tes mains, père. Enigme familière, ces mains
qui parlent en myriades d'arabesques rituelles, en abeilles de
lumières neuves, en chuchotements de nuits drapées de fantasques
épopées, en gestuelle domestiquant l'espace comme
une chamelle d'arcs-en-ciel et de cire, en dictons et en devinettes,
sucs d'une sagesse tour à tour soumise et rebelle,
en strates de cals déposés par le temps ricanant sous cape.
Je suis sûr que tu n'as jamais regardé tes mains. Le narcissisme
n'existe ni dans ton vocabulaire ni dans ta morale.
Et cela me fait penser à toutes ces questions que j'aurais aimé
te poser. Insupportablement indiscrètes. Aurais-je pu t'interroger
sur ton rapport avec ton corps, sur tes infidélités conjugales,
sur cette période où j'étais encore tout petit mais
où je soupçonnais, quand tu revenais tard, que tu avais pris
de l'alcool.
Ou sur ton enfance simplement, lorsque Bou Hamara,
le Rogui, avait été vaincu, capturé et qu'on l'avait montré
dans toutes les ruelles de la ville, enfermé dans une cage.
«Le Maroc disparu», comme disait l'autre, le voile qui allait
le recouvrir, pour mieux opérer la fêlure. Toi, enfant, ta mère
ton père qui avait fait le pélerinage à La Mecque, l'esclave
noire qu'il avait et qu'il a «libérée» par la suite, celle-là même
qui t'a nourri de son sein.
Questions idiotes. Dans ton monde, on ne parle pas de
soi. La petite histoire individuelle est perçue comme ~ne
espèce de folklore sans intérêt. Ce qui se passe dans la vie
d'une femme, d'un homme, est avant et après tout une manifestation
de la volonté de l'Un, puissant et miséricordieux.
En parler serait une outrecuidance indécente, une atteinte
aux attributions de Celui qui gouverne l'arche fragile de
l'Univers.
Alors je n'en demande pas tant. Je me contente de me
concentrer sur tes mains. Et je ressuscite dans la résine fluide
de mon enfance. Tu me caresses la tête. Une odeur de soupe
à la coriandre et au citron envahit mes narines. Mon oncle
Touissa raconte le douzième épisode de l'histoire de Sou­
Iikha. Mes paupières s'alourdissent. Je me rêve grand et fort,
trimant comme un diable dans ton échoppe.
La terre n'a pas cessé de tourner pour autant. 0
65

La chronique du mauvais goût
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LIBERALISME
LA TRAINEE DE POUDRE
Lui est économiste. Elle pose des questions sur l'économie. Des
questions simples, ingénues et franches. Impertinentes, irreligieuses.
Elle a choisi de tout interroger , de ne rien tenir pour évident.
Elle sait se glisser dans l'antre de l'économiste, le faire descendre de
sa chaire. Les questions simples appellent des réponses sans fioritures.
D'ailleurs, l'économie a été pratique, domestique et quotidienne
avant d'être théorique et constituer un casse-tête pour l'homme de
la rue.
Elle et lui entreprennent donc de bavarder des choses de l'économie,
autour, chaque fois, d'une question concrète, utile, que tout le
monde peut se poser. L'économie au ras du sol, c'est la priorité, certes,
mais, de temps en temps, une escapade en direction des étages
au-dessus, une virée vers les thématiques théoriques... Pourquoipas ?
•
N QUESTIONS
LUI: Le libéralisme déferle sur
le monde. Une traînée de
poudre.
ELLE: C'est bien? C'est mauvais?
Je voudrais tout d'abord
que tu précises un point: le
libéralisme c'est quoi au juste ?
LUI : Tu as raison de commencer
par cette question.
Parce que la plupart du temps
on ne sait pas de quoi on parle.
Il y a, en effet, un problème de
définition qui se pose, au
préalable.
ELLE: Je sais que le mot
prend plusieurs sens: politique,
économique, philosophique,
etc... Il Y a aussi le sens
commun: on est libéral c'està-dire
on est moderne. Je
constate, cependant, que c'est
à l'économie qu'on se réfère le
plus souvent.
LUI: C'est vrai. Mais sur ce
plan non .plus les choses ne
sont ni claires, ni tranchées. Je
vais être extrêmement sommaire.
Le libéralisme signifie ­
entre autres - deux choses :
la propriété privée et le toutmarché.
ELLE: Quel est l'économiste
qui a le premier parlé de libéralisme?
LUI: C'est Adam Smith, économiste
anglais du 1g e siècle.
On trouve chez lui une jolie
formule, simple et ramassée,
qui transmet le mode d'emploi
du libéralisme: laisser-faire,
laisser-passer. Laisser-faire les
règles du marché, laisser agir
les individus. Laisser passer les
marchandises, laisser circuler
les capitaux. L'équilibre devra
s'établir durablement, de
façon automatique. Il y a, en
ce sens, dans le marché, une
« main invisible» qui conduit
tout le monde à un maximum
de satisfaction. L'équilibre
général, entre l'offre et la
demande disent les économistes
classiques du 1g e siècle.
Voyons un exemple. Le prix
des cigarettes est déterminé
par la rencontre entre l'offre
totale de cigarettes et la
demande totale correspondante.
Si la quantité demandée
(par les consommateurs)
sur le marché est plus grande
que la quantité offerte (par les
vendeurs) le prix tendra à augmenter.
A l'inverse, lorsque
l'offre excède la demande, les
prix tendent à baisser. Il y a,
67

donc, un prix appelé prix 1
d'équilibre qui est avantageux
pour tous, c'est-à-dire,
en même temps, pour le vendeur
et pour racheteur. Au
prix d'équilibre correspond,
bien entendu, une quantité
d'équilibre. Ce principe évident
et banal constitue le cœur
de l'économie libérale. Il est à
peine simplifié dans mon
exemple.
ELLE :C'est un monde
enchanté que tu décris là.
Mais moi je constate que les
prix, tous les prix montent,
montent, montent. Irrésistiblement.
De manière régulière.
Presque chaque jour.
LUI: C'est justement là que le
bât blesse la théorie libérale.
Le phénomène d'inflation que
tu viens d'évoquer - qui est
un phénomène complexe, on
en parlera un jour si tu veux ­
montre bien que la concurrence
n'est, dans la réalité, ni
pure, ni parfaite comme le prétendent
les libéraux. Mais qu'il
y a, au contraire, de grands
monopoles, c'est-à-dire des
unités éléphantesques qui
fixent tout: les prix, les quantités.
Même les besoins les
plus extravagants, elles les
créent. Pense à Coca-Cola,
une belle superfluité devenue
à coups de publicité une habitude
de consommation de
masse absolument inébranlable.
ELLE : Les monopoles empêchent
le libéralisme de fonctionner,
tout le monde le sait.
Les économistes en premier.
Soit. Mais alors pourquoi
l'engouement ces dernières
années pour quelque chose
qui n'a aucune chance de
s'accomplir pleinement?
LUI: C'est la crise actuelle qui
explique cette nostalgie d'une
époque révolue qui, il faut le
souligner, ne correspond pas
à l'idée que s'en font les économistes
libéraux. Le Iibéra~
lisme intégral n'a jamais existé.
C'est une belle fiction. D'une
part parce que, comme je l'ai
déjà précisé, la concurrence
pure et parfaite se fonde sur
des unités de production éga­
Ies, de même dimension. Or,
le capitalisme se développe de
manière inégale. D'autre part,
l'Etat a toujours joué un rôle
dans l'économie capitaliste.
ELLE: C'est "anti-Keynes ce
68
Laffer?
LUI: Absolument. L'économie
de l'offre est systématique
de l'économie de la demande.
ELLE : Mais en quoi cette économie
dite de l'offre est-elle
plus libérale que l'économie
keynésienne?
ELLE : Cet élément, on a tendance
à l'oublier. Pour les gens,
l'Etat ne commence à intervenir
dans l'économie qu'à partir de la
grande crise mondiale, c'est-à-dire
à partir de 1929.
LUI: C'est une hypothèse
d'école. Archi-fausse. Après la
crise, c'est un certain type
d'Etat, une forme particulière
d'intervention en économie qui
va marquer l'évolution du capitalisme
jusqu'à la seconde
guerre mondiale, puis de 1945
à 1974 de façon ininterrompue,
sans à-coups.
ELLE :L'Etat-Providence ?
LUI: Oui. L'Etat-Providence,
c'est-à-dire la protection
sociale, les allocations,
l'indexation des salaires sur la
productivité et sur les prix, les
négociations entre patronat et
syndicats etc... C'est égaIement
la révolution keynésienne
en économie.
ELLE: Nous sommes en
quelle année?
LUI: John Maynard Keynes,
économiste anglais mort en
1946, a écrit, en 1936, un livre
remarquable: « la Théorie
générale de l'emploi, de
l'intérêt et de la monnaie»
qui a chamboulé le paradigme
économique classique et néoclassique,
c'est-à-dire libéral.
La politique économique keynésienne,
un ensemble de
mesures économiques et
sociales, a pu entraîner un net
accroissement du pouvoir
d'achat et de la consommation
de masse. A son tour,
l'accroissement de la consommation
de masse a engendré
celui de la production de
masse. Le mouvement dessine
un cercle vertueux. C'est
l'époque du frigidaire, de la
machine à laver, de l'automobile
et d'autres biens durables.
Un économiste français, Jean
Fourastié, a caractérisé les
années 45-75 de« Trente Glorieuses
».
ELLE: Mais !

vent en poupe. Il s'étend tous
azimus. Il y a une remarque
qui, à ce point de la discussion,
mérite d'être faite: le
libéralisme n'est pas seulement
interne, bouclé dans les frontières
d'un Etat-Nation. Il
s'applique également aux relations
commerciales entre pays.
A cette échelle, le libéralisme
veut dire libre-échange,
c'est-à-dire, pour faire vite,
suppression des droits de
douane.
ELLE: C'est le sens du nouveau
régime des importations
? Importer sans aucune
restriction ?
LUI: Le programme général
des importations mis en application
depuis le 11 février 1985
épuise le libéralisme. Il est
extrême. Tout est désormais
importable. La liste C - des
produits interdits à l'importation
- contient sept articles
seulement. Des bagatelles.
ELLE: Mais pour importer un
article figurant sur la liste B, il
faut bien une autorisation ?
LUI: Une simple formalité,
inutile dans la logique du libéralisme
pur et dur. En tout cas,
ce n'est pas une limitation.
ELLE : Quels sont les arguments
avancés de part et
d'autre?
LUI: Des arguments classiques.
Je suis pour parce que
la libéralisation du commerce
extérieur établit la concurrence
entre production locale et production
étrangère. La concurc
rence est une loi cœrcitive. Elle
oblige tout le monde à améliorer
la qualité du produit.
ELLE : On évoque parfois la
baisse. des prix.
LUI: Des balivernes. La
grande tare de l'économie
marocaine, c'est qu'elle est
maillée d'un réseau inextricable
d'intermédiaires. Entre un
intermédiaire et un intermédiaire,
on trouve un autre intermédiaire.
Tout ce monde il est
beau il est gentil, mais superbement
improductif. Des spéculateurs
qui prélèvent leur
part sur une production à
laquelle ils n'ont pas contribué.
Résultat: les prix montent,
montent.
ELLE: Mais l'argument: « Je
suis contre parce que le libéralisme,
c'est le renard libre
dans le poulailler libre et parce
que la concurrence étrangère
débilite et assassine la production
locale» n'est pas non plus
très probant. Puisque le protectionnisme,
la « marocanisation
», ça n'a servi à rien en
fin de compte.
LUI: D'accord. Mais le ver
est-il dans le fruit? Le protectionnisme
s'intègre dans un
mécanisme d'ensemble qui
l'appuie. Ce mécanisme doit
être autonome, déconnecté
par rapport au marché mondial.
On ferme la porte du poulailler,
mais le renard est à
l'intérieur.
ELLE: Le débat porte sur
d'autres points. La loi des
Finances pour l'année 1985, le
programme actuel du gouvernement
qui seraient très
imprégnés d'un libéralisme aux
couleurs du Fonds Monétaire
International et de la Banque
Mondiale. Qu'est-ce que c'est
que ces monstres?
LUI: Il y a aussi le débat sur
les secteurs public et privé.
C'est un autre problème,
même si tout ça est très mêlé.
ELLE: On en discutera un
jour?
LUI: On en discutera un jour.
Noureddine EL AOUFI
69

Souvent invoquée à tort et à
travers, ou utilisée comme un
simple prétexte pour se soustraire
élégamment à une activité jugée
désagréable, la migraine est en
fait une entité à part, une véritable
maladie. La maladie migraineuse
est un mal de tête très
particulier qui touche 23 à 29 0J0
des femmes, 15 à 20 % des hommes,
et qui oblige souvent ses
« victimes » à interrompre
momentanément toute activité.
Affection bénigne, elle peut toutefois
constituer un véritable
handicap.
UN
.0 0'/
~~.
-
~~.~.'
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ETET
LIER
TEULER Michel

COMMENT CA SE DECLARE
1
L'accès commence par une impression de
maladie indéfinissable, parfois par un scintillement
devant les yeux : le malade sent
venir sa crise et les signes prémonitoires sont
souvent les mêmes pour la même personne.
Une vingtaine de minutes plus tard, la douleur
s'installe. Très caractéristique, ce mal
de tête intéresse généralement une seule moitié
du crâne. Naissant aux tempes et autour
de l'œil, la douleur est vive, martelante et
pulsative avec un battement des tempes
rythmé par le pouls.
Elle s'intensifie progressivement, toujours
localisée à la moitié de la tête, atteignant parfois
un seuil intolérable.
L'accès dure deux à trois heures, ou une
journée, parfois plus, avec son cortège de
désagréments : une grande intolérance au
bruit, à la lumière et à certaines odeurs. Le
malade a du mal à bouger la tête et, souvent,
n'a d'autres ressources que de se coucher
dans le silence et l'obscurité, en attendant
que la crise se termine. La fin de l'accès est
souvent marquée par des vomissements qui
soulagent le malade. Lorsqu'il arrive à
s'endormir, la douleur disparaît au réveil.
Certains sujets présentent, pendant
l'accès, des signes neurologiques passagers.
On parle dans ce cas de « migraine accompagnée
». La plus classique est la migraine
ophtalmique dont l'apparition est marquée
par des scintillements, des points lumineux
ou une image de lignes brisées, comme sur
un téléviseur déréglé. Ces phénomènes lumineux
persistent les yeux fermés et disparaissent
en même temps que la douleur. Parfois,
les troubles sont plus impressionnants: lourdeur
d'un membre, fourmillements, paralysie
d'un hémicorps, troubles de la parole.
Mais ces symptômes sont de courte durée et
cessent également avec la douleur.
tension ou, parfois, paradoxalement, lors
d'un relâchement succédant à une grande
excitation nerveuse. On l'appelle la
« migraine du week-end ». D'autre part, la
période des règles est très propice à ces accès
et il arrive qu'ils s'installent exclusivement
pendant cette période. On parle dans ce cas
de migraine cataméniale. Des recherches
récentes ont permis de découvrir qu'il existait,
à la fin du cycle, une diminution des
béta-endorphines (substances semblables à
la morphine), domiciliées dans le cerveau,
dont le rôle est précisément de combattre la
douleur. Tout se passe comme si, au moment
des règles, les femmes n'étaient plus protégées
contre la douleur. Notons aussi que les
crises sont rares lors de la grossesse et à la
ménopause.
UNE MALADIE
PSYCHOSOMATIQUE
L'accès migraineux fait intervenir une instabilité
vasomotrice intéressant les artères
méningées et parfois les artères cérébrales.
Il se produit d'abord une vasoconstriction
qui correspond à la phase d'apparition de
la douleur, puis une brutale dilatation des
vaisseaux sanguins, qui correspond à la
phase où s'installe la douleur. Ces phénomènes
vasculaires s'accompagnent d'une
libération de substances chimiques jouant un
rôle contributif dans la douleur.
D'autre part, les facteurs psychologiques
influent considérablement sur le déclenchement
des crises. Pour cette raison, la
migraine est considérée comme une maladie
psychosomatique où
interviennent des facteurs
vasculaires, nerveux
et biochimiques. Il
faut savoir que les vrais
accès de migraine ne sont jamais
« secondaires » non plus que
dus à ûne tumeur ou à une malformation
vasculaire. Les explorations
neuro-radiologiques ne sont nécessaires
que lorsque les crises sortent de l'ordinaire.
Il faut, bien sûr, séparer la crise
migraineuse des autres maux de tête.
CONTRE LA MIGRAINE,
CALME ET RELAXATION
La nécessité d'un traitement médicamenteux
dépend de la fréquence des crises et de
la façon dont on les supporte. Il convient
d'agir dès la première phase, c'est-à-dire
avant l'intensification de la douleur. A ce
stade, des antalgiques simples peuvent suffire.
Au plus fort de la crise, on utilise généralement
des médicaments dérivés de l'ergot
de seigle, dont le plus connu est le tartrate
d'ergotamine. En cas de crises fréquentes et
rapprochées, un traitement de fond de plusieurs
mois doit être décidé sur prescription
et sous surveillance médicale. L'importance
des facteurs déclenchants n'étant plus à
démontrer, une hygiène de vie physique et
psychologique est hautement recommandée
au cours du traitement. La vogue des médecines
douces (homéopathie, acupuncture), et
le succès des techniques de relaxation,n'en
démontrent-ils pas l'utilité?
Dr 1(. Al ZF,f\.ofMOlJRI
UNE A QUATRE CRISES
PAR MOIS
La migraine se distingue aussi par son
caractère récidivant. C'est une maladie qui
réapparaît par périodes. Les accès se répètent
à une fréquence variable (de quelques
jours à plusieurs mois). Une à quatre crises
par mois, c'est la moyenne pour environ
50 070 des patients.,Quoi qu'il en soit, la
maladie migraineuse" reste une affection
bénigne où les complications sont
l'exception.
C'est la fréquence des crises et le retentissement
de celles-ci sur la vie active du sujet
qui est inquiétante.
Les facteurs déclenchants sont déterminants
et variés. Les plus fréquents sont les
facteurs psychologiques. Les accès surviennent
alors dans les moments de grande
-

Presse
« GRAND MAGHREB »
A côté du géant qu'est
encore l'Annuaire de
l'Afrique du Nord qui
existe depuis plus de 20
ans, à côté aussi de la revue
trimestrielle Maghreb­
Machrek (plus de 100
numéros parus) soutenue
par une puissante institution,
la Documentation
Française, la revue Grand
Maghreb semble un petit
poucet égaré dans l'Isère.
Mail;l d'ores et déjà, après
quatre années d'existence,
on peut affirmer que c'est
un petit poucet fort
robuste! L'originalité et la
spécificité de Grand
Maghreb sont indiscutables.
La revue a pour vocation
d'établir une sélection et
une synthèse des principales
informations concernant
l'Algérie, le Maroc, la Tunisie,
la Libye et la Mauritanie.
Pour cela, elle épluche
soigneusement et régulièrement
une bonne centaine
de journaux et revues. Les
informations sont classées
chronologiquement, après
« ventilation » en rubriques
précises:
Par ailleurs, inventaire est
dressé des dossiers, articles
de fond, études, travaux
universitaires et ouvrages
de toute sorte. Tout est
abordé au mieux des possibilités,
sous tous les angles
et dans un grand souci de
clarté.
Au fil des numéros la
partie magazine s'est étoffée
et complète à sa
manière la partie plus
« sérieuse ». Des portraits
d'écrivains, de cinéastes,
de musiciens, de plasticiens,
des reportages, des
chroniques culturelles enrichissent
ainsi le travail
d'archivage tous azimuts...que
réussit une
minuscule équipe: une
secrétaire à mi-temps, deux
documentalistes, plus les
deux fondé!teurs. C'est- un
exploit!
Grand Maghreb c'est
aussi une chance : un carrefour
d'informations pour
{( GEISHA »,
DE L1ZA DALBY
(Edition Pavot . 356 Pagesl
Le livre' (au départ une
thèse) d'une Américaine de
25 ans qui a vécu au milieu
des geishas de Kyoto. Partie
avec des questionnaires
plein les poches, J'étudiante
de Stanford n'a pas pu se
contenter d'observer. Elle
s'est intégrée, a fini par
devenir elle-même, l'espace
d'une année, geisha. Elle a,
tout ce qui a trait à la condition
féminine telle qu'elle
est balisée par les lois, auscultée
et analysée par les
professionnels, dite et
vécue par les Maghrébines
elles-mêmes dans leurs différentes
aires sociales.
Pour toutes ces raisons,
on ne saurait trop recommander
la lecture de cette
revue, qu'illustrent les caricatures
du dessinateur
algérien Slim dont Grand
Maghreb a publié, conjointement
avec l'Harmattan,
un album asez
satirique, « l'Algérie de
Slim ».
Lotfi AL BADI
ABONNEMENT: 1 an : 240 Fà
l'ordre du CIGMA. ADRESSE:
CIGMA CIO I.E.P. BP
N° 45.38402 St-Martin d'Hères
Cedex (France). Pour tout pays du
Maghreb, on peut passer commande
à Dawson France, rue de
la Prairie. B.P. : 40.91121 Palaiseau
Cedex (F).
Au Maroc, on peut s'adresser à
Sochepress, B.P. 13.683­
Casablanca 05.
pas à pas, appris le savoir
faire de ces artistes « pour
l'homme », fait de danse:
de chant, de musique, de
courtoisie extrême et d'infinie
délicatesse. Elle nous
montre comment, pourquoi
les geishas, ces fées dans
l'art de dorloter l'homme,
veillent dignement sur
l'héritage culturel japonais.
Une anthropologie à la
première personne,
vivante, agréable, pleine
d'amour pour le « monde
de la fleur et du saule» et
pour la tradition japonaise.
({ ECRIRE, LIRE
ET EN PARLER»
A.H.
(Editions R. Laffont -563 Pages)
L'écrivain sans visage,
lointain, sans voix, c'est
une époque bien révolue.
Aujourd'hui, il perd rarement
une occasion de descendre
dans l'arène. Voici
une anthologie qui prend
acte de dix années de littérature
mondiale et qui réunit
une cinquantaine
d'interviews (Tournier, Le
Clézio, Barthes, Duras,
Foucault, Borgès, Garcia
Marquez, Zinoniev, etc...)
de grande qualité.
Réalisée par l'équipe de
« Lire », le magazine de B.
Pivot, cette anthologie est
un hommage à l'interview
comme prolongement utile,
et parfois nécessaire, de
l'œuvre. Peu d'écrivains s'y
dérobent, car elle est
l'expression, comme disait
Barthes, d'une « solidarité
de travail intellectuel » avec
les médias, au profit du
public. Un public qui
s'interroge, auquel il faut
une parole « vive », un
autre langage, comme
complémentaire, et, bien
sûr, des pistes d'accès à
l'œuvre. Ecrire, lire et en
parler, une triade qui insuffle
vie au papier et donne
envie de lire et de relire.
A.H.
72

«LE VOYAGE EN ORIENT»
L
es ancêtres du tourisme
moderne ne
sont autres que les
Anglais. Les premières
vagues de « désœuvrés »,
de « Cook et Cookesses »,
assoiffés de paysages et de
senteurs épicées, ont déferlé
sur l'Orient dès la première
moitié du XIXème siècle.
Pierre Loti, qui ne soupçonnait
pas qu'on est toujours
le touriste d'un autre,
s'en prit à ces hordes indécentes
dans son « Jérusalem»:
«Oh leur tenue,
leurs cris, leurs rires sur
cette terre sainte où nous
arrivions si humblement
pensifs par le vieux chemin
des prophètes. »
Cette anthologie du
«voyage en Orient» au
XIXème siècle est consacrée
au voyageurs français et se
limite, si l'on peut dire, au
Levant (Grèce, Asie
Mineure, Constantinople,
Syrie-Palestine, Egypte...
Désert). Mais son objet
n'est pas à proprement parler
l'orientalisme. Celui-ci,
en effet, s'est posé comme
un regard scientifique sur
une réalité étrangère bonne
à décrire seulement pour en
préparer la maîtrise et la
conquête. Or, les textes rassemblés
ici ne sont pas vraiment
l'œuvre de « savantsespions
», mais le résultat
opposition, comme l'ombre et la
lumière, l'écho des écrits de ceux
qui imposèrent le joug (lettres,
mémoires, rapports... ) alterne (ou
se tisse) aux voix de celles qui,
«sans écriture», ont pour s'exprimer
la «stridulation du chant}), le
cri et toutes ses nuances, le« hullulement
funèbre}), le râle parfois,
les vou-vou, les prières, les lamentos,
les chuchotements et les murmures,
les transes, mais aussi les
révoltes sourdes de leurs corps
niés de femmes.
S'absentant à regret de la langue
arabe où «couve le chant}), l'écrivain,
attentive à ces voix, à ces
écrits, s'exprime, elle, dans

LE
VERT
sous
VERRE
..
Un nid de verdure au creux des murs,
quoi de 'mieux pour s'évader en douce 7
Pour une mini-maison, voilli un mini jardin
avec de mini moyens. La nature mise en
boite sur le coin de votre table, c'est un kidnapping
sympa dont Kalima vous livre le
secret.
Pour le réaliser, nul besoin d'être expert.
Suivez ces quelques indications et libérez
votre sensibilité. Le reste suivra.
Tout d'abord allez faire un tour du cdté
des artisans. Pour 80 DH li 100 DH, trouvezvous
une boite en verre avec des armatures
en cuivre d'une taille moyenne (35 cm
sur 40 cm). Elles existent sous plusieurs formes.
A vous de choisir.
Ensuite direction les pépinières. Ramenez
en deux palmiers, (minuscules, bien sûr !J,
deux capillaires, deux pots de mousse...
brefen un mot, quelques unes de ces petites
plantes qui poussent en douceur et supportent
la vie en commun (elles sont
comme nous, elles ont leur préférence).
Leur prévoir de la tourbe, du terreau, du
gros sable (attention utilisez du sable de
rivière et non du sable marin) des gravillons
(arrêtez-vous près d'un chantieret remplissez
vos poches, c'est ce que nous Bvons
fait) etdes morceaux de charbon. Retroussez
vos manches, affichez "prière de ne pas
déranger" et au travail.
CONCEPTION DU JARDIN
Prlparation du fond
Etalezau fond de la boÎte
un lit de gravillons (2 d
3 cm) ml/és d des fragments
de charbon de bois
qui assureront les drainages.
Puis recouvrez ensuite
cette couche d,e quelques
centimètres de terre
humide:
2/5 de terreau (terre de
jardin), 2/5de gros sable et
1/5 de terre de bruyère ou
de tourbe.
74

Fabrication des meubles
de jardin
Pour que votre mini jardin ne soit pas
jaloux de son grand frère, parez-le en conséquence.
Voici donc comment créer, à partir
de mille petits riens, l'ameublement qui
lui convient. (Idées et réalisation : Fouzia
Loubaris)
Matériel: 3 batonnets d'esquimau, 4
batonnets de coton, une rondelle en bois, un
tee de golf (support en bois sur lequel est
posée la balle), éléments d'un jeu de construction,
échantillon de carrelage, perle percée,
fleurs artificielles.
Les chaises: découpez avec un cuter les
bouts des batonnets d'esquimau (1,5 cm sur
1,5 cm). Collez avec une colle puissante.
Pour les pieds, utilisez les batonnets de coton
(4 cm).
La table : collez la rondelle de bois (3 cm
de diamètre) sur le tee de golf.
Le bouquet: la perle fait office de vase.
Le bouquet est composé de minuscules boutons
de fleurs artificielles.
Disposition
des plantes
Modelez la terre en fonction
du paysage que vous
désirez construire.. Celui
que nous vous présentons a
été conçu de la manière suivante.
Dans l'angle N°l,
un monticule de terre supporte
deux capillaires. Un
aspect rocailleux est donné
à l'ensemble grâce à quelques
éclats de pierre rouge
argileuse.
Dans l'angle N° 2, la
frêle élégance de deux palmiers
épouse la plénitude
sereine d'un pegonia,
Dans l'angle N° 3, une
fougère étale ses feuilles,
tandis que dans l'angle N°
4 un pépéromia légérement
surélevé dresse la tête en
solitaire. Enfin, pour terminer,
de la mousse est disposée
en touches légères sur
toute la surface, achevant
ainsi de donner au jardin
son harmonie.
Mini
Jtlrdln
Conseils
Au moment du dépotage, procédez avec précaution.
Evitez au maximum de dénuder les racines.
• Associez des plantes ayant les mêmes besoins
et les mêmes exigences. Au moment de l'achat
de vos plantes, renseignez-vous auprès de votre
vendeur. Les plantes grasses par exemples qui se
contentent de peu d'eau ne doivent pas être
mariées à celles auxquelles une bonne humidité
doit être assurée.
• Voilà toutefois un "truc" pour les rendre
amies. Si le récipient est assez large, remplissezle
de tourbe et enfouissez-y les plantes dans leurs
godets. Elles vivront dans leur compost d'origine
et vous les arroserez en fonction de leurs besoins.
• Celles que nous avons utilisé pour réaliser ce
jardin ont besoin d'humidité. Mais attention:
trop d'eau pourrit les racines.
• Evitez cet écueil en vous servant d'un vaporisateur
grâce auquel vous pourrez humidifier régulièrement
leur feuillage sans les noyer.
• Assurez-leur une bonne lumière mais toujours
de manière indirecte.
Le banc: si vos enfants possèdent un jeu
de construction en bois, prenez leur deux éléments,
ajustez-les avec un batonnet et vous
aurez un banc pour vos amoureux.
Le chemin: une quinzaine d'échantillons
de carrelage. (Faites semblant de vouloir
construire une superbe salle de bains et
demandez à voir les modèles. On vous en
laissera peut-être quelques uns).
75

Le vinaigre 1
Gloire au vinaigre. Ce
modeste compagnon qui se
perd entre le sel et le poivre,
l'huile et la moutarde n'est pas
uniquement pour la vinaigrette.
1\ sait rendre service
dans une multitude de cas.
KALIMA en a dénombré
douze où son utilisation permet
de régler de méchants
petits détails.
VINAIGRE
PANIER
A
IDEES
ENTRETIEN
2
3
Rebelles les tâches sur vos
murs?
Qu'à cela ne tienne. Puisque
l'eau savonneuse n'en vient
pas à bout, recourez au vinaigre.
Utilisez-le à' la place du
savon et frottez la tâche avec
une éponge. Vous n'aurez ainsi
même plus besoin de rincer.
Pas très agréable de nettoyer le
dépôt de calcaire qui s'est
formé dans la cuvette de vos
W.C.pendant votre absence.
Laissez donc le vinaigre s'en
charger. Faites chauffer 200 à
250 cl. Puis versez les ensuite
dans la cuvette. Laissez agir
toute la nuit. Le lendemain,
vous n'aurez plus qu'à tirer la
chasse. Le détartrage est total.
CUISINE
4
5
Si vous décidez de vous atteler
au rajeunissement de vos
fenêtres, voici un truc pour évi~
ter de devoir gratter les taches
de peinture indésirables. Avant
de repeindre son encadrement,
passez un chiffon imbibé de
vinaigre sur la vitre. La peinture
ne pourra pas y adhérer et les
traces s'en iront d'un seul coup
d'éponge.
Pour ôter aux légumes eh conserve
le goût de la boîte en fer,
passez-les dans l'eau additionnée
de vinaigre.
Quand on a envie d'un bon
œuf à la coque, il est. plutôt
ennuyeux de le voir se répandre
dans l'eau de cuisson. Pour
éviter ce petit désagrément,
ajoutez quelques gouttes de
vinaigre à celle-ci. Elles empêcheront
la coque de se fêler à la
suite du changement de température.
6
7
8
Les petites bêtes élisent souvent
domicile dans les légumes.
Si vous n'avez pas
particulièrement envie de les
rajouter à votre menu, laissez
tremper vos légumes dans de
l'eau vinaigrée. Vous serez à
l'abri de ces locataires indésirables.
Pour avoir des choux-fleurs
bien blancs et des carottes bien
rouges, ébouillantez-les dans
de l'eau vinaigrée. Le vinaigre
permet d'en conserver les couleurs
initiales.
Pour les maîtresses de maison,
rien n'est plus désagréable que
de nettoyer en permanence des
cuisinières encrassées. Le
vinaigre leur donnera un petit
coup de pouce si elles en mettent
sur leur torchon. La saleté
n'y résiste .pas.
NETTOYAGE
9
10
Il
SOINS
12
Votre chemisier déteint.
Vous pouvez ralentir sa décoloration
en ajoutant quelques
gouttes de vinaigre à l'eau de
lavage.
Pour' délustrer un pantalon,
repassez-le à l'aide d'une pattemouille
trempée préalablement
dans une eau additionnée de
vinaigre.
Les traces de brillance disparaÎtront
et le tissu retrouvera son
aspect initial.
Vos bijoux en or ou en argent
se sont ternis. Plongez-les dans
de l'eau additionnée de vinaigre.
Ils retrouveront bien vite
leur éclat.
Les pellicules n'apprécient
guère le vinaigre. Si votre cuir
chevelu à téndance à en secréter,
après votre shampoing,
rincez-vous la tête avec une
eau additionnée de vinaigre.
76

~LIMA.KALIMA.KALIMA.KALIMA.KALIMA.KALIMA.KALIMA.KALIMA.KALIMA.KALIMA. KALIMA.KALIMA,
~LIMA.KALIMA.KALIMA.KALIMA.KALIMA.KALIMA.KALIMA.KALIMA.KALIMA.KALIMA. KALIMA.KALIMA.
~LIMA.KALIMA.KALIMA.KALIMA.KALIMA.KALIMA.KALIMA.KALIMA.KALIMA.KALIMA.KALIMA.KALIMA.
~t~~~:~KALIMASCOPE
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\.LIMA.KALIMA.KALIMA.KALiMA.KALiMA.KALiMA.KALIMA.KALIMA.KALIMA.KALIMA. KALIMA.KALIMA.
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\.LIMA. , LI - T' T,: , T
LI .. -' LIMA,
\.LlMA. LI Des effets sp~cIaux a la LI LIMA.
\.LIMA. L'empire des sens contre attaque LI magIe LI LIMA.
\.LIMA. LI Les mystères de la sorcellerie LI LIMA
lLIMA Aux Philippines, 50 organisations féministes ont vu le LI reviennent en force dans le cinéma LI ~
.,. • jour depuis 1983. Soyez sans inquiétude, elles se sont déjà pour enfants. les studios Walt Dis. LIMA.
\.LIMA. fédérées en une association jolimentappelée « Gabrielle ». LI ney, peu décontenancés par l'inso- LI LIMA.'
\.LIMA. Les femmes de l'archipel en ont assez des touristes qui LI lent succès de Steven Spielberg, LI Entre les deux, LIMA i
\.LIMA n'en veulent qu'à leurs corps, de tous ces japonais, néo- LI mettent c~tte f?is·ci lepaquet avec LI LIMA']
• zélandais, australiens, qui débarquent à Manille des sal- leur dermer film, « Taram et le la loi balance .
\.LIMA. les de massage et des bars plein la tête en guise de pro- LI chaudron magique », Cette histoire LI LIMA.
lLIMA. gramme d'excursion. Marre des contingents de boys LI de prince qui veut délivrer la terre LI LIMA
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opante et
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es LI de ':empire
Le cannabis constitue un vérita-
~u mal. a deman~é pas LI LIMA'·
• agences matrimoniales qui « offrent» des jeunes philip- mOins de diX ans de travail. Et, ble casse-tête chinois pour les res- •
\.LIMA. pines aux vieux célibataires, australiens ou autres. LI tenez·vous bien, 2.519.000 dessins, LI ponsables de la police de Hong LIMA.!
\.LlMA. 1 A.KALIMA.KALI 5.500 mètres de pellicule et... 25 mil- LI Kong. Ils ne savent plus si l'herbe LIMA 1
\.LIMA.KALIMA.KALIMA.KALIMA.KALIMA.KALI lions de dollars, LI du diable est /égale ou non, Deux LIMA:l
\LIMA. TMA.K 1. MA.KAT.TMA.KA1.TMA.K LI A.KALIMA.KALIMA.KALI décrets contradictoires les font LIMA.!
\LIMA. LI LI tourner en rond. L'un, de 1971, sur LIMA.)
\LIMA. La meilleure d'Orson LI Retour aux sources LI les drogues dangereuses, inclut LIMAJ
\LIMA. LI LI tous les dérivés dl! chanvre indien LIMA.J
Les associations de tous poils
dans le tableau noir.
\LIMA L'une des dernières interviews d'Orson WeI/es LI LI LIMA 1
• contre le tabagisme vont être con- . •
\LIMA contient des passages très élogieux sur les femmes. LI LI LIMA 1
t\.LIMA· longtemps accusé de misogynie, Orson Welles, LI tentes. Chiquer est àla mode. Aux LI L'autre, narquois, tiré du livre .
• avant de partir, a remis les pendules à l'heure: « En Etats-Unis, le tabac en sachets fait des lois au chapitre de la pharma- LIMA.!
t\.LIMA. fait je suis cortre l'égalité entre l'homme et la LI fureur. Chiquer est, semble-t-il, LI cie et des poisons, donne droit de LIMA.!
t\.LIMA. femme. Je n'y crois pas une seconde... puisque de LI moins meurtrier que fumer. On LI cité au canabis en tant que médi- LIMAJ
t\.LIMA. tout temps la femme a été supérieure à l'homme. LI absorbe certes un peu de'nicotine, LI cament de l'antique pharmacopée LIMA,}

· 2:"
Invitation au voyage
Schéhérazade fit entrer Sindbad dans le palais par une
porte dérobée.
Sindbad, mon ami, lui dit-elle, je suis lasse. Me voici
à ma cinq centième nuit avec le Calife et je tremble
de ne pouvoir trouver encore cinq cent une histoires
à lui raconter. Je t'en prie, mon bon marin, pars
autour du monde et fais pour moi une moisson d'histoires
nouvelles.
Sindbad, heureux que la princesse
ait quelque chose à lui
demander, s'installe, sans
hâte, sur les coussins:
Faut-il qu'elles soient vraies tes
histoires, ma princesse?
• Il suffit qu'elles soient belles,
mon ami.
Pour cela, il n'est pas nécessaire
que je parte. De belles histoires,
je peux t'en rapporter sans quitter
le port.
• Il faut que tu partes, Sindbad.
Les raisons existent mais elles doivent
rester secrètes jusqu'à ton
retour. Vite, mon. ami, il y va de
ma vie.
Sindbad, s'étirant lentement
sur un divan:
Je t'aime Schéhérazade, et je
n'ai rien à te refuser. Mais le pouvoir
du Calife n'a pas de limites et personne
ne' peut même imaginer
l'étendue de sa fortune. Il peut
tout pour moi ou contre moi. Et
toi, ma belle, qu'as-tu à m'offrir?
Schéhérazade, avec gravité :
• Je peux t'aimer Sindbad
Mais nous nous aimons déjà,
Schéhérazade.
• Sindbad, mon beau marin,
nous nous sommes contentés
d'échanger quelques gestes
agréables.
Sindbad, vexé:
Je ne vois pas ce que nous
pourrions faire de plus.
Schéhérazade, un peu
tristement :
• Marin, comme tu te satisfais
de peu. Je t'ai connu
plus inventif et plus libre.
Nous nous sommes contentés
de regarder le temps
passer.
77
-

Mais, si nous le voulons,
nous pouvons commencer à
vivre, nous pouvons arrêter le
temps et installer l'éternité
dans chaque seconde.
Sindbad, hargneux:
Comme tu le fais avec le
Calife?
• Marin stupide! Je ne dis au
Calife que ce qu'il peut entendre:
qu'il est grand, fort,
magnanime et qu'il me comble.
Mais à toi, hardi navigateur,
si tu te laisses aimer, je
pourrai tout dire, l'ineffable et
les vérités fugaces de l'instant:
que tu es faible et lâche,
que tu es laid, que je te hais et
souhaite te voir mort, que tu
es égoiste, vaniteux et jaloux,
et que je t'aime.
Sindbad, à mi-voix pour
lui-même:
Faut-il qu'elle m'aime pour
me faire de telles déclarations...
Et à haute voix
Réellement, Schéhérazade,
je me demande qui, du Calife
ou de moi, peut s'estimer le
plus satisfait de la considération
que tu lui portes...
• Marin, beau marin, on voit
bien que le commerce des
poissons t'es plus familier que
celui des êtres humains. Le
Calife croit à l'éternel féminin.
Quand il n'y croira plus, il me
fera mourir.
L'éternel féminin?
Sché~érazade répond
en riant :
La femme éternelle,
c'est un couple composé
d'un homme, viril et
froid, pourvu d'une moustache
et d'un sabre, et d'une femme
aimante, belle, douce,
discrète.
Ah ! J'allais oublier - elle
rit de plus en plus­
"homme éternel exige de la
femme éternelle qu'elle seule
soit fidèle. Et c'est ainsi qu'il a
fait entrer, dans l'éternel féminin,
la duplicité et la trahison ...
Et moi, selon toi, je ne croirais
pas à l'éternel féminin?
Comment n'y croiraistu
pas, mon ami? Tu
n'es pas d'une autre
planète que les autres
hommes. Mais, me suis-je
abusée, j'ai senti en toi comme
un frémissement, une possibilité
de rupture avec ce vieux
monde usé jusqu'à la corde,
qui avance à reculons et ne
souhaite que la répétition infinie
des mêmes gestes absents.
Elle lui prend la main et le
regarde gravement:
• Nous pourrions un jour aller
tous les deux, par les mers et
par les continents, loin des
bruits du monde. Tu oserais
être avec moi ce que tu es et
moi je pourrais risquer d'être
ce que je suis. Je pourrais être
ton amie, ta sœur, ton frère,
ton double.
Non, Schéhérazade, je ne
t'aimerais pas comme je t'aime
si tu n'étais pas si semblable.
Tu me fascines, ma belle
étrangère, par ce gouffre des
choses que j'ignore de toi, et
que chaque jour que nous passons
ensemble approfondit.
• C'est que je suis comme
sont les êtres humains, à la fois
ombre et lumière, mystère et
transparence.
Sindbad la regarde en
tremblant:
J'ai peur, Schéhérazade,
comme si je devais affronter,
sans gouvernail et sans l'aide
d'aucune voile, une mer hostile.
Je ne veux explorer ni ces
ténèbres effrayantes ni cette
clarté aveuglante. Je veux rester
sur le rivage accueillant et
tiède, peuplé de personnes
familières qui me saluent de
leurs sourires, sans rien exiger
de moi. Je veux rester un
homme comme les autres. Je
veux t'aimer, Schéhérazade,
comme on aime autour de
moi, comme mon père, que
Dieu le bénisse, a aimé celle
qui me donna le jour. Je veux
que tu sois l'ornement de ma
vie, la mère de mes enfants,
mon havre contre la tempête.
Schéhérazade le regarde
avec une tendre commisération:
• Pauvre, pauvre Sindbad.
Pour cet amour où tout est
déjà dit, pourquoi te choisiraisje
? S'il ne s'agit que de cela,
le Calife fait mille fois mieux
l'affaire. Et puis, mon beau
capitaine, si l'on ne me propose
que des chaînes, sois sûr
que je les préfère dorées.
Je vois bien, Schéhérazade,
que tu préfères être esclave et
riche que pauvre et libre.
• Et en quoi, petit marin, la
pauvreté exceptée, ton offre
diffère-t-elle de celle du
Calife?
J
amais, Schéhérazade,
jamais je ne me résignerai
à l'idée qu'il te prend
chaque soir dans ses
bras.
• Marin, le Calife t'obsède. Tu
ne vois que lui, il te cache la
mer. Tu brûles de me poser
une seule question: à qui, de
toi ou du Calife, moi, Schéhérazade,
j'appartiens? Et c'est,
bien sûr, la plus futile, la seule
qui soit sans signification et
sans aucune réponse_ Alors,
moi, je vais quand même
répondre à ma façon. Ne te
plains pas, Sindbad, si cette
réponse ne te plaît pas. ISchéhérazade
s'installe confortablement
et surveille
Sindbad du coin de l'œil)
Chaque soir, avant que je ne
commence à lui conter une
nuit de plus, le Calife entre
dans mon lit, botté et casqué,
pour mener toujours la même
bataille dont il a, seul, distribué
les rôles, fixé les règles, arrêté
la durée, désigné le vainqueur.
{Elle rit!. Mais il faut dire qu'il
se satisfait, de bonne grâce, de
victoires- éclair remportées
avant même que le camp
adverse soit engagé dans la
bataille.
Sindbad, se drapant dans
sa dignité:
Schéhérazade, tu es la plus
vénale des courtisanes. Je ne
suis pas riche, il est vrai, et je
ne commande qu'à mon
bateau. Serait-ce trop te
demander, princesse, de m'aimer
comme je suis ?
Il y a mille ans, Sindbad,
que tu me proposes
l'observance de cette vertu
et mille ans que je la pratique
dans l'obéissance. N'estce
pas assez? Je suis lasse
d'être le repos du navigateur.
Je t'ai aimé pauvre, mais ne t'y
trompes pas, ce n'est pas ta
pauvreté que j'ai aimée, c'est
l'espoir du grand large,
l'attente de nouveaux continents,
flottant autour de toi.
Et tu me proposes maintenant,
quelle pitié, un petit coin
de gynécée...
Tu ne cesses, Schéhérazade,
de parler de liberté, de
vastes espaces et je te vois
finalemant heureuse d'un clOÎtre
et de ta soumission aux
caprices du maître. Tu dis que
tu veux être libre avec moi,
mais au fond de toi, n'as-tu
pas, déjà, trouvé le bonheur
dans l'esclavage?
Schéhérazade, tremblante
et grave:
." n'y aura -jamais, tu
entends, jamais, de réponse à
cette question. C'est la part de
l'ombre qu'aucune confession
jamais, ne pourra faire disparaître.
Est-il trop tard pour nous
deux, Schéhérazade ?
• Il est très tard, marin,
Sindbad, éperdu:
Viens Schéhérazade, partons:
le bateau est prêt à
appareiller, les vents sont favorables.
Nous serons loin ce soir
à l'heure de la visite du Calife.
• Ce n'est pas encore possible.
Non, ce n'est pas le Calife
qui me retient ici. C'est toi qui
n'est pas encore prêt. Il te faut
d'abord découvrir un secret.
Dis-moi au moins ce que je
dois chercher?
• Ce que tu cherches, marin,
personne ne peut le trouver à
ta place. C'est la règle de ce
jeu. Chacun doit y jouer tout
seul.
Ne peux-tu me donner la
moindre indication, nord ou
sud, couchant ou levant?
• Cesse de marchander, Sindbad,
je ne peux rien pour toi.
Quant à moi, depuis toujours,
j'y pense sans cesse. Chaque
matin, je crois avoir trouvé et
chaque soir, avec le crépuscule,
la réponse s'évanouit.
Parmi tous les secrets du
monde, c'est celui qui s'oublie
le plus vite.
Je pars à l'instant, princesse.
Foi de Sindbad, je
ramènerai ce secret dans mes
cales, dussé-je faire le tour du
monde.
• Adieu, mon beau marin, je
serai là pour ton retour. 0
Voici donc le début du
récit des nouveaux voyages
de Sindbad le marin.
Ceux qui vivent dans les
familiarité des « Contes des
mille et une nuits )) remarqueront
que les destins
séparés de Schéhérazade et
Sindbad sont ici réunis~
Comme toutes les créations
réussies, ces personm,ges
sont assez forts pour
échapper aux textes qui les
retiennent et entrer dans de
nouvelles aventures.
Nous suivrons donc
l'envoyé spécial de Schéhérazade,
à travers le monde.
La tâche de notre marin
n'est pas simple. N'est-elle
pas même insurmontable
pour un homme ordinaire?
Il doit aider la femme qu'il
aime à en séduire un autre.
Il doit aussi la quitter,
aujourd'hui, pour découvrir
le terrible secret qui, croitil,
le fera aimer d'elle,
demain.
Néjib BouderbaJa
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