Note d’intentionR.W. Fassbinder & Petra Von Kant : les héros de la sentimentalité,en quête de la vieL’histoire des <strong>Larmes</strong> amères de Petra Von KantPetra Von Kant, styliste très cotée, femme d’affaire indépendante et ambitieuse, a su imposerson nom dans le monde de la mode. Une réussite professionnelle qui parvient à cacher pour un tempsle gouffre émotionnel laissé par la perte d’un premier mari et la séparation d’avec le second.C’est dans un univers exclusivement féminin qu’évolue notre protagoniste, entourée de samère, de sa fille, de son amie Sidonie et de Marlène, son factotum et bonne à tout faire qui lui esttotalement soumise.L’apparente tranquillité est bouleversée par l’arrivée de Karine, dont Petra tombe amoureuse,elle s’attache à elle en lui promettant de faire d'elle un mannequin. Incarnation d’une jeunesse nonpervertie,elle correspond à l’idéal d’amour candide et désintéressé, sur lequel Petra projette tous sesdésirs et son rêve d’amour sans homme, ni barrière de classe, ni barrière d’âge.On assiste alors à la naissance d’une passion perverse qui deviendra le révélateur desnostalgies et des cynismes, le détonateur d’une explosion de l’amertume existentielle.Le proposArtificialité et authenticitéPetra c’est l’histoire d’une femme qui se réveille au beau milieu de l’échec de sa vie. Une vieremplie de relations fantasmatiques, de sentiments déshumanisés, de rapports de fascinationdomination,une existence abîmée par un combat entre artificialité et authenticité.Avec <strong>Les</strong> larmes amères de Petra Von Kant, Fassbinder donne corps à la cruauté sociale àtravers la relation de soumission masochiste entre Petra et Marlène ; il regarde avec tendresse lacruauté des relations familiales qui lient Petra, sa mère et sa fille ; et il laisse se déployer la cruautéamoureuse à travers la relation dangereuse que Petra et Karine entretiennent.Par opposition à ces relations pernicieuses mais authentiques, la Baronne Sidonie, l’amie dePetra, apparaît comme une caricature de femme artificielle, une sorte de marionnette sociale sans âmeni état d’âme, à l’image des mannequins de coutures qui habitent avec Petra.
Petra, l’amoureuse tragiqueAvant d’être une artiste de renom, une mère, une fille, avant presque d’être une femme, Petraest une amoureuse tragique. Elle trône au milieu d’une toile cauchemardesque qu’elle a elle-mêmetissée afin d’immobiliser et de posséder ceux qui se trouvent autour d’elle mais dont elle est devenue lapropre proie.Petra est hantée par l’hybris des héros tragiques, c’est une Médée ou une Phèdre,démesurément vouée à sa passion.Petra a trop d’amour à donner. Elle se tue d’en avoir trop. Car dans <strong>Les</strong> larmes amères de PetraVon Kant, c’est bien de l’amour que traite Fassbinder, d’un amour ravageur qu’il va nous faire suivre dulever au coucher, du coup de foudre à la déraison.« C’est une mauvaise époque pour les sentiments, je crois. »L’exploitation des sentiments dans les relations humaines est un des thèmes principaux deFassbinder. Fassbinder déclinera obsessionnellement ce thème tout au long de sa vie.Le premier film de Fassbinder s’appelait « L’amour est plus froid que la mort ». Si ce titre sonnecomme le postulat, <strong>Les</strong> larmes amères de Petra Von Kant en est une parfaite démonstration. C’est unepièce maîtresse de son œuvre prolifique au cours de laquelle un splendide jeu de l’amour et de latorture se déroule comme une vivisection qui décortique les relations humaines.Dans l’œuvre de Fassbinder, nos sentiments sont comme un vital et fatal. Un poison qui mèneles personnages à leur propre perte car chez Fassbinder l’amour est bel et bien plus froid et plusravageur que la mort.