ES abords d'un village dans le Languedoc

FONTAINES OCCITANES DANS LEVENT D'AUTANJacques TchamkertenSi vous correspondez avec D6odat de S6verac, dites-luiqu'il ne me croie pas assez stupide pour avoir 6t6 insensible dI'envoi qu'il m'a fait. I1 fait de la musique qui sent bon, et I'ony respire 2 plein coeur.Lenre de Claude Debussy i Louis Laloy, 28 aodt 1905Cette N bonne odeur *, celebree par I'auteur de La Mer,valait sans doute B ses yeux bien plus que les merites conjuguesde maintes sonates et symphonies sorties des officinesde la Schola Cantorum. Pourtant, sortie de son contexte, cettea petite phrase. contribuera sans doute i confiner Deodatde Severac dans une reputation de musicien mineur, limit6i I'expression d'un regionalisme certes savoureux, mais sansgrande portee. Regrettable erreur de jugement qui portera troplongtemps prejudice i I'un des compositeurs franqais les plusoriginaux et les plus naturellement musiciens de la premieremoitie du vingtieme siPcle.Marie Joseph Alexandre Deodat, baron de Severac nait iSaint-Felix-Lauragais, non loin deToulouse, le 20 juillet 1872.II accomplit ses etudes secondaires et reqoit sa premiere formationmusicale serieuse B I'fcole royale militaire de SorPze.Pour satisfaire la volonte paternelle, il frequente la Facult6 dedroit de Toulouse, puis en 1893, entre au Conservatoire decette mCme ville. Sa vocation musicale s'imposant toujoursplus - il compose d6ji en dilettante depuis plusieurs annees- Severac s'installe en 1896 i Paris et s'inscrit 3 la ScholaCantorum, nouvellement fondee, ob il reqoit, pour le contrepointet la composition, I'enseignement de Vincent d'lndy.Rapidement, la musique pour piano devient son mode d'expressionde predilection. Apres une Sonate, travail d'etudeplus que partition reellement accomplie, il donne plusieursgrands cycles inspires par son midi natal qui, par leur saveur,la generosite de leur materiau melodique et I1ing6niosit6 deleur ecriture pianistique les classent parmi les chefs-d'aeuvredu piano francais: Le Chant de la terre (1900), En Languedoc(1904), Cerda5a (191 I), Sous les lauriers-roses (1919),auxquelles s'ajoutent diverses pieces isolees dont les admirable~Baigneuses au soleil (1908). Les autres facettes de laproduction de Severac sont constituees par de fort belles melodies,des pages chorales religieuses et profanes, ainsi quede la musique scenique. La nature quelque peu indolente dumusicien nous a helas prives de nombreuses pages que cetimprovisateur hors pair avait entierement composees, maisneglige de coucher sur le papier. Par ailleurs, un assez grandnombre de ses compositions ont 6t6 perdues et nous sontconnues aujourd'hui uniquement par leurs titres. Peu attirepar la vie de la capitale, le compositeur s'installe des 191 0B Ceret (Pyrenees Orientales), et s'investit sans cornpter dansla vie musicale de sa region d'adoption. C'est dans cette villequ'il meurt pr4matur6ment, le 24 mars 1921.Le regionalisme occupe une place non negligeable dansle paysage litteraire fran~ais dPs le milieu du xlxe sihcle. Sonr8le est particulierement important dans le sud du pays, avecI'action de Frederic Mistral et de I'6cole du felibrige, ceuvranti la renaissance de la langue et de la culture occitane. Cemouvernent n'est pas denue d'arrihre-plans politiques, et unCharles Maurras -membre de la Societe felibre de Parisferade I'affirmation de I'identite latine de la France un desfondements de sa doctrine. Le regionalisme, en tant que vecteurdu culte de la terre et de la Patrie, devient I'une des composantesdu nationalisme franqais. Ce dernier est au centre dela pensee devincent d'lndy, fondateur de la Schola Cantorum,dont I'un des buts implicites est la regeneration de la musiquefranqaise i travers Ifetude des maitres anciens, du plain-chant,mais aussi du chant populaire. Si, parmi ses disciples de lapremisre heure, un Roussel ou un Magnard se demarquentdes vues oolitiaues , , de leur maitre. celles-ci sont ~artaeees oarr w ,la plupart de ses 6lsves. Deodat de Severac ne fait pas exceptioni la rPgle: royaliste, sympathisant de !'Action franqaise,