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Revue juridique polynésienne - Hors série numéro XIV - 1.8 Mo

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SOMMAIREAvant-Propos ........................................ Marc Debène et Antoine LecaPrésentation de la journée .............................................. Marc DebèneviviiiSanté publique et démographie en Polynésie françaisedu XVIII ème siècle à nos jours ........................................... Bernard Gille 1Aperçu historique sur la mise en place et le développement del'assurance-maladie en Polynésie française (1956-2009) ... Antoine Leca 11Les comptes de santé 2009 ....................................... Dominique Marghem 25La consommation de soins ........................................ Dominique Marghem 35Le déficit dans la réglementation des professionsde santé......................................................................... Xavier Malatre 41L'explosion des dépenses de santé: éclairagespour une réforme ........................................................ Florent Venayre 49Quels outils pour piloter les dépenses de santé? ..................... Marc Debène 75Controverses américaines sur la couverturemaladie obligatoire ................................................. Léopold Mu Si Yan 85Rapport de synthèse .............................................................. Antoine Leca 99i


COMPARATIVE LAW JOURNAL OF THE PACIFICDirection ScientifiqueREVUE JURIDIQUE POLYNESIENNEM Xavier Blanc-Jouvan, Professeur Emérite de la faculté de droit de Paris IPanthéon-SorbonneM le Doyen Paul Le Cannu, Professeur à l'Université de Paris I Panthéon-SorbonneSir Ivor Richardson, Distinguished Fellow à Victoria University of WellingtonMme Horatia Muir Watt, Professeur à l’Institut d’Etudes Politiques de ParisComité ScientifiqueMme Sylvie André, Professeur à l'Université de la Polynésie françaiseM Michel De Villiers, Professeur à l'Université de NantesM Alain Chirez, Professeur à l'Université de la Polynésie françaiseM Marc Debene, Professeur à l'Université de la Polynésie françaiseM Olivier Gohin, Professeur à l'Université de Paris II Panthéon AssasM Jérôme Huet, Professeur à l'Université de La RéunionM Pascal Jan, Professeur à l'Institut d'Etudes Politiques de BordeauxM Ichiro Kitamura, Professeur à l'Université de TokyoM Christian <strong>Mo</strong>ntet, Professeur à l'Université de la Polynésie françaiseM le Vice-Doyen Pierre Murat, Professeur à l'Université P Mendès FranceGrenobleM Mario Patrono, Professeur à l'Université de Rome I, La SapienzaM Norbert Rouland, Professeur à l'Université d'Aix- MarseilleLe Comité scientifique de Victoria University of Wellington Law Review et dela New Zealand Association for Comparative Law (association affiliée àl'UNESCO)Directeur de publicationDr Yves-Louis Sage, Maître de Conférences (Hdr) à l'Université de la PolynésieFrançaise, Teaching Fellow à Massey Universityiii


Comité de directionAnthony Angelo, Professeur à l'Université Victoria University of WellingtonDr Xavier Cabannes, Professeur à l'Université de Picardie Jules VernesAlberto Costi, Associate Professor à l'Université Victoria University ofWellingtonDr Marc Joyau, Maître de Conférences (Hdr) à l'Université de NantesM Jean-Paul Pastorel, Professeur à l'Université de la Polynésie FrançaiseCréée en 1994, la <strong>Revue</strong> Juridique Polynésienne (RJP) devenue le ComparativeLaw Journal of the Pacific – <strong>Revue</strong> Juridique Polynésienne (CLJP-RJP) en 2010est publié une fois par an, hors numéros spéciaux, sous l'égide l'Association deLégislation Comparée des Pays du Pacifique (ALCPP) en collaboration avecVictoria University Law Review (VUWLR), la New Zealand Association forComparative Law (NZACL) et l'Université de la Polynésie française (UPF). <strong>Revue</strong>pluridisciplinaire, elle accueille des articles en langue française ou anglaise, relatifsà différents aspects des sciences sociales et humaines intéressant principalement,mais pas exclusivement, les pays de la zone Pacifique. Les articles publiés sontégalement consultables et téléchargeables gratuitement à partir du site Internet:http://www.upf.pf (Recherche; RJP).Les auteurs qui souhaitent soumettrent leurs manuscrits peuvent le faire en lesenvoyant, à <strong>Mo</strong>nsieur Y-L Sage, Université de la Polynésie Française, CampusUniversitaire de Punaauia, BP 6570, Faaa Aéroport, Tahiti, Polynésie Française ouà l'une des adresses électroniques suivantes: sageyj@mail.pf oumarc_joyau@yahoo.fr ou alberto.costi@vuw.ac.nz, Tony.Angelo@vuw.ac.nz.Le comité de rédaction remercie le laboratoire EA 4240 (Gouvernance etDévelopement Insulaire) de l'Université de la Polynésie Française pour leurcontribution au financement de ce numéro. Ils remercient également DeniseBlackett pour la mise en page de cet ouvrage.En couverture: DJC, 'Blue Study I' (2004). Peinture sur paper 24 x 36 cms.vi


AVANT-PROPOS«La santé publique est le fondement où reposent le bonheur du peuple et lapuissance de l'Etat…C'est pourquoi j'estime que la s anté publique est lepremier devoir de l'homme d'Etat»Benjamin DisraeliLe numéro spécial du Comparative Law Journal of the Pacific - <strong>Revue</strong> JuridiquePolynésienne est consacré aux dépenses de santé en Polynésie française. Ilreproduit une série de contributions présentées lors d'une journée d'étude organiséeen décembre 2010 sur ce thème à l'Université de Polynésie française par lelaboratoire GDI, Gouvernance et développement insulaire.L'idée de présenter cette question nous était venue en prenant connaissance dutravail remarquable du Docteur Dominique Marguem, alors directeur de la santé.Pour la première fois étaient en effet présentés les comptes de la santé sans lesquelsil est bien difficile de réfléchir sur le système de protection sociale, sonfinancement, son évolution.Si la question est universelle (et justifie les éclairages apportés en prenant enconsidération tant la métropole que des expériences étrangères, comme la réformeObama aux Etats-Unis), elle est ici traitée dans le contexte polynésien dont lescaractéristiques historiques, géographiques, économiques, sociales et culturellesont été prises en considération.Comme ailleurs, il est ici nécessaire de confronter les réalités aux objectifsambitieux et généreux affichés (protection sociale généralisée).Comment maintenirou améliorer l'état de santé de la population en assurant à chacun, quel que soit sasituation sociale et son lieu de vie un service à un prix acceptable par lacollectivité?Avec les différents acteurs et partenaires du système de santé, nous avionsdébattu autour de quatre questions clefs. Quelles dépenses? (prévention et soinscuratifs) Quelles recettes? (prélèvements obligatoires) Quel droit? (pour lamédecine libérale, pour le service public) Quel pilotage? (pour la CPS, pour lepays)Le débat avait précédé de quelques jours la parution du Rapport public annuel2011 de la Cour des comptes dans lequel est inséré un chapitre le financement dusystème de santé en Polynésie française qui souligne l'important de l'enjeu pour lagestion publique et l'économie locale. La Cour s'appuie sur les travaux de laChambre territoriale des comptes dont nous voudrions ici remercier le président etles conseillers dont les conseils nous ont été précieux pour concevoir cette journée.vi


SANTE EN POLYNESIE FRANCAISENous souhaitons que les contributions ici rassemblées puissent permettre unemeilleure prise en considération de l'enjeu que constitue l'évolution du coût dusystème de santé polynésien et de son financement.Marc DebeneProfesseur à l'Université de Polynésie françaiseDirecteur de GDI, Gouvernance et développement insulaire (EA 4240)Antoine LecaProfesseur à l'Université d'Aix-MarseilleDirecteur du Centre de droit de la santé d'Aix-Marseille (EA 3242)vii


SANTE EN POLYNESIE FRANCAISEcommunes et le développement local» l'an passé et avant la journée consacrée à «laconcurrence en Polynésie» l'an prochain, ce laboratoire permet à ses chercheurs desouligner la liaison entre l'enseignement et la recherche en prenant soin de s'ouvriraux préoccupations de nos concitoyens.Merci à tous et bon travail.ix


1SANTE PUBLIQUE ET DEMOGRAPHIEEN POLYNESIE FRANCAISE DU 18EMESIECLE A NOS JOURSBernard Gille ∗Les dépenses de santé publique sont une question fort complexe et fontintervenir beaucoup de disciplines. Ainsi les maladies qui affectent la santépublique et la démographie depuis le 18 ème siècle permettent de mieux comprendrecomment la Polynésie française a pu en arriver à une telle dérive de ses dépensesde santé.Depuis l'arrivée du capitaine Wallis en 1767 et jusqu'en 1920 les Polynésiensont connu tout d'abord une véritable saignée à cause des épidémies dues auxmaladies apportées par les marins de passage.Le renouveau démographique polynésien commencé dans les années 1920 etconsidérablement accéléré depuis l'arrivée du CEP, explique en partie l'ampleur desdépenses de santé puisque la population est passée de 20000 habitants en 1880 àplus de 265000 actuellement. D'ailleurs le rapport Bolliet précise dans son annexe22: «La progression soutenue des dépenses d'assurance maladie s'explique par lasituation démographique et des paramètres généreux.» (Volume 3, annexe 22, p.13,septembre 2010.)Mais si les grandes épidémies ont disparu, de nouvelles pathologies sontapparues à cause des changements dans le mode de vie et les habitudesalimentaires des Polynésiens. L'allongement de la durée de vie va égalementengendrer de nouvelles dépenses en matière de santé publique d'ici quelquesannées.Il est vrai que ces problèmes ne sont pas propres à la Polynésie française etqu'ils affectent de très nombreux pays à commencer par la métropole. Les gouffresfinanciers de la sécurité sociale et de la CPS sont devenus des phénomènes presquenormaux, comme la pollution, au point que la majorité de la population semble neplus s'en soucier.∗Maître de Conférences à l'Université de la Polynésie française.


2 SANTE EN POLYNESIE FRANCAISELes politiques, quant à eux, appréhendent d'avoir à prendre des mesuresimpopulaires après avoir mis en place des systèmes de santé aussi budgétivores.Si l'on ajoute aux dépenses de santé le dossier du financement des retraites, liélui aussi au vieillissement de la population, il semble que le problème soit devenuinsoluble. C'est le premier défi auquel la Polynésie française sera confrontée dansquelques années et ce véritable problème de société pourrait, à terme, détruire lacohésion sociale ici comme ailleurs.Nous étudierons l'évolution de la santé publique et de la démographie enscindant notre exposé en deux périodes: du 18 ème siècle à 1956 et de 1956 à nosjours.I PREMIERE PARTIE: L'EVOLUTION DE LA SANTEPUBLIQUE ET DE LA DEMOGRAPHIE DU XVIIIEME SIECLEJUSQU'EN 1956Dès l'arrivée des premiers navigateurs européens au 18 ème siècle les problèmesde santé publique prennent une ampleur considérable dans la populationpolynésienne.En effet de terribles épidémies déciment les insulaires et en premier lieu lasyphillis. Comme l'a écrit Pierre-Yves Toullelan: «Peu de régions au mondedevaient connaître une pareille saignée: fièvres introduites par Cook en 1774, etgrippe de Vancouver en 1791. Si l'on estime que Tahiti compte 63000 habitantsvers 1767, il ne subsiste plus que 16050 p ersonnes dans l'île en 1797, selon lecapitaine du Duff qui a, il est vrai, dû sous-estimer cette population». (Toullelan,mai 1991 66).De même, après 1815, 50% de la population tahitienne disparaît à cause de ladysenterie, de la variole et des fièvres introduites par les navigateurs de passage.En 1829 les missionnaires anglais ne recensent plus que 8568 habitants. Beaucoupde maladies sont introduites par les équipages des baleiniers qui reviennent à Tahitiaprès de longues et difficiles campagnes de pêche pour se livrer à des semaines dedébauche, répandant la syphillis et autres maladies vénériennes.Sous le protectorat, en 1848, on dénombre un peu moins de 10000 habitants auxIles du Vent et jusqu'en 1855 plusieurs épidémies frappent la population: lacoqueluche, la variole et la rougeole. Entre 1860 et 1880 la population se stabiliseaux alentours de 9000 habitants à Tahiti.En 1918 l a grippe espagnole s'abat sur Tahiti et 3000 m orts seront recensés.Grâce à des mesures draconiennes de quarantaine, l'épidémie sera limitée aux Ilesde la Société et à Makatea. Le taux de mortalité atteint alors 190 pour mille en


SANTE PUBLIQUE ET DEMOGRAPHIE EN POLYNESIE FRANCAISE DU 18EME SIECLE A NOS JOURS 31918. Il faudra quinze ans pour retrouver la population qui existait avant l'arrivéede la grippe espagnole.Néanmoins c'est l'archipel des Marquises qui a été le plus frappé par lesépidémies à partir du XIXème siècle. Il y avait ainsi 80 000 habitants dans cetarchipel à la fin du XVIIIème siècle (Bailleul, 1998, p.45), ils ne sont plus que20000 en 1842 à l'arrivée des Français et 4865 en 1880 (Idem, 136).En 1863-1864 une épidémie de variole ravage la population. Un navire revenudu Pérou avec des Polynésiens rescapés du Blackbirding apporte la terriblemaladie: il y a 958 morts à Nuku Hiva (plus d'un tiers de la population) et 600 à UaPou (plus de la moitié de la population).En 1898 le dépeuplement de l'archipel est tel qu'il fait envisager la fin de la racemarquisienne. Plus tard, en 1920, l'inspecteur des colonies Henri note: «A cetteallure, la race Maori aura complètement disparu des Marquises dans une trentained'années» (cité par Bailleul, 1998, p.252).En 1926 il ne reste plus que 2080 habitants aux Marquises! Un siècle et demiaprès l'arrivée des premiers navigateurs aux Marquises, il ne reste plus que 2% dela population initiale.Après 1900 la situation s'est améliorée mais malgré un taux de fécondité de 6enfants par femme, l'espérance de vie ne dépasse par 25ans. En effet, en 1929 latuberculose est responsable de 40% de la mortalité.Toutefois, la lèpre régresse au XXème siècle et une léproserie est construite àHiva Hoa après 1918: à cette date il n'y a plus que 66 lépreux alors qu'ils étaient230 en 1895. En 1918 le résident en poste à Hiva Hoa est un médecin des troupescoloniales. Par la suite un médecin civil est affecté au groupe nord des Marquisesen 1923.Puis, en 1935 la première infirmerie est ouverte à Ua Pou et enfin en 1944 il n'ya plus qu'un seul médecin résident à Atuona (Hiva Hoa) pour tout l'archipel.L'alcoolisme reste cependant un fléau et il fait des ravages dans la populationavec des alcools fabriqués localement à base de coco, parfois à l'instigation desEuropéens, gendarmes compris (Bailleul, 1998, 247).Face à ces épidémies et aux maladies endémiques, les dépenses de santépublique se limitent à l'entretien de quelques médecins militaires. Un hôpital a étécréé en 1843 dans un camp militaire sur l'emplacement de Vaiami à Papeete et en1880, Il n'y a que deux médecins de la marine.En 1884 est construit l'hôpital Vaiami qui restera l'hôpital principal de Tahitijusqu'en 1971. En 1920 o n dénombre quatre médecins publics, deux médecins


4 SANTE EN POLYNESIE FRANCAISElibéraux et quatre infirmiers. «En 1939, les professionnels de santé n'étaient encoreque neuf au total. C'est l'augmentation du nombre d'infirmiers et de sages-femmesqui a surtout contribué à la promotion de la santé publique dans les îles. Ondénombrait dix-neuf infirmiers en 1960. Le nombre de lits hospitaliers a pour sapart augmenté de 60 en 1935 à 450 (répartis sur quatre îles) à la fin des années 50»(A. Leca, RJP, 2010, 22).Dans les archipels lointains, les administrateurs résidents sont souvent desmédecins et ils améliorent grandement l'état physiologique des habitants. Ainsi,dans l'entre-deux guerres le taux de natalité est remonté à 40 pour mille.En 1926, la population totale des EFO est de 24000 personnes. Elle passe à36600 en 1941 dont environ 5000 étrangers, essentiellement chinois (ces derniersseront 9000 en 1952).En 1936, on recense une population de près de 44000 personnes pour l'ensembledes archipels.Après 1945, la vitalité démographique se confirme dans tout le territoire avec lemême taux de 40 pour mille qui continue jusque dans les années 1960-1970. Cetteprogression est une des plus rapides du monde: elle permet d'atteindre unaccroissement naturel de 2 à 3% par an. Il y a deux raisons à cela: d'une part le tauxde fécondité de 6,3 enfants par femme et d'autre part la baisse du taux de mortalité.Ce dernier est passé de 20 pour mille en 1945 à 10 pour mille en 1960. L'espérancede vie est ainsi passée de 44 ans en 1945 à 54 ans en 1958 (Toullelan, 1991, p.140).De même, la mortalité infantile va reculer nettement à partir de 1956, ce quidonne une population jeune avec 55% de moins de 20 ans dans les années 1960.Quels sont donc les problèmes de santé publique et de démographie de 1956 ànos jours?II DEUXIEME PARTIE: SANTE PUBLIQUE ET DEMOGRAPHIEDE 1956 A NOS JOURSTrois points seront développés:• Le formidable essor démographique• L'évolution des pathologies• L'évolution de la protection sociale jusqu'à la PSGA Le Remarquable Essor DemographiqueEntre 1956 et 1983, la population polynésienne a connu une progressiondémographique tout à fait remarquable puisque le nombre d'habitants à plus quedoublé, passant de 76327 habitants à 167000.


SANTE PUBLIQUE ET DEMOGRAPHIE EN POLYNESIE FRANCAISE DU 18EME SIECLE A NOS JOURS 5Lors des recensements de 1983 et 1988, on constatait que le tauxd'accroissement restait très élevé dans le pays puisqu'il atteignait 2,57%. Onprévoyait à l'époque un doublement de la population en 27 ans … . En réalité, cetteprogression s'est ralentie puisque le nombre moyen d'enfants par femme (indiceconjoncturel de fécondité) est passé de 6,3 dans les années 1970 à 3,6 en 1988 et à2,1 en 2007.Cette évolution est due à l'élévation du niveau de vie, au développement del'emploi féminin et à la généralisation de la contraception. Ainsi, la population neprogresse plus que de 1,3% par an en 2008.Si l'espérance de vie n'était que de 60 ans pour les hommes et de 65 ans pour lesfemmes dans les années 1980, elle est en 2008 de 78,2 ans pour les femmes et de73 ans pour les hommes. Globalement, la durée de vie moyenne augmenterégulièrement de 3,4 mois par an entre 1998 et 2008 (Rapport ISPF, FenuaEconomie n° 7, 2009-2010, p.171).D'après le rapport d'étude sur la projection de la population pour 2027 fait parl'ISPF, l'espérance de vie à la naissance ou durée de vie moyenne en 2027 sera de79 ans pour les hommes et de 83 ans pour les femmes. La Polynésie comptera alors320000 habitants soit 60000 personnes de plus qu'en 2007.Ceci aura des conséquences considérables sur les dépenses de santé puisque17% des habitants auront plus de 60 ans en 2027, soit près de 55000 personnes. Cerapport indique clairement: «Le vieillissement rapide de la population serépercutera fortement sur les coûts de la santé, mais aussi sur le financement desretraites» (Ibid).Il faut donc s'attendre à une évolution des pathologies liées au vieillissement etdonc à une augmentation des dépenses de santé.B L'Evolution des PathologiesLa situation sanitaire de la Polynésie française a beaucoup changé depuis lesannées 1950 car certaines pathologies ont évolué, même si des similitudespersistent.1 Le constat en 1966Le rapport annuel de la santé publique de 1966 indique les pathologiesdominantes à cette époque (cité par Dominique Marghem, Evaluation du CHPF,Papeete 5 octobre 2006, 31):• Les maladies infectieuses arrivaient en tête:- La lèpre avait nécessité plus de 20000 journées d'hospitalisation


6 SANTE EN POLYNESIE FRANCAISE- La tuberculose représentait 22000 journées d'hospitalisation. En 2005, il n'y enavait plus que 26.- La filariose lymphatique- Le rhumatisme articulaire aigu et ses complications cardiaques- La typhoïde: 1145 personnes hospitalisées- La syphillis: 2255 cas diagnostiqués• D'autres infections étaient récurrentes en 1966: celles dues à l'obésité, au diabète, àl'hypertension, à l'asthme et à la goutte (un des taux les plus élevés du monde).• Les intoxications dues au «raau tahiti» (pharmacopée polynésienne)o «De 1966 à 1970, sur 183 décès d'enfants survenus au CHT, 43 étaient dus àune intoxication. Durant le seul mois de février 1970, la clinique Cardella adéclaré 27 décès d'enfants par intoxication au «raau tahiti». Les plantes leplus souvent en cause sont le metua pua, l'écorce de tipanier, la racine decorossol et le patoa» (Ibid p.32).• Il y a également beaucoup de parasitoses intestinales et de ciguatera aux Tuamotu.• Enfin, la psychiatrie représentait 10000 j ournées d'hospitalisations sur197000.2 Les pathologies en 2006Elles ne sont connues que grâce au système d'information médicale du CHPFcar «les motifs de consultation ou d'hospitalisation dans le secteur libéral ne sontpas connus…» (ibid 33).Aujourd'hui les grandes endémies ont été maîtrisées grâce au travail réalisé parl'Institut Malardé et par la direction de la santé.Les maladies infectieuses ont reculé grâce à la vaccination généralisée et auxstructures de santé publiques et privées qui se sont multipliées.Néanmoins certaines maladies infectieuses restent une préoccupationimportante: le RAA, la tuberculose, la filariose, la SIDA et la leptospirose.Les 500 professionnels de santé interrogés lors de la préparation du Plan pour lasanté 2001-2005 mettaient en priorité l'obésité qui touche 40% de la populationadulte et 12% des enfants, et les pathologies de surcharge comme le diabète etl'hypertension. Près de 20% de la population adulte a du diabète sucré ou del'hypertension.Pour la population en général et pour les adolescents en particulier lesprincipales priorités sont l'alcoolisme et les violences conjugales.Actuellement les pathologies les plus répandues et les plus coûteuses sontl'insuffisance rénale, les maladies coronariennes, l'augmentation du nombre decancers, avec plus de 525 cas diagnostiqués en 2005 pour 42 en 1966.


SANTE PUBLIQUE ET DEMOGRAPHIE EN POLYNESIE FRANCAISE DU 18EME SIECLE A NOS JOURS 7Enfin, l'asthme et les pathologies respiratoires restent importants.En 2007, sur 1152 décès dont la cause était connue, sur un total de 1235 décès,le cancer était la principale cause de mortalité avec 308 dé cès, suivi par lesmaladies de l'appareil circulatoire avec 292 cas. Les blessures et causes externesreprésentaient 132 cas et les maladies de l'appareil respiratoire 101 cas (FenuaEconomie n°78, 2009-2010, p.177).C L'evolution de la Protection Sociale de 1956 à Nos JoursA partir de 1956, c'est l'ère des grands changements qui commence avec la miseen place de cadres <strong>juridique</strong>s nouveaux qui vont permettre par la suite la mise enplace des institutions qui ont conduit à la protection sociale généralisée.1 La loi cadre et la creation des premieres institutions de protectionsocialeLa loi cadre du 23 juin 1956 p ermet au gouverneur des EFO d'organiser lesassurances sociales. Ainsi, un arrêté gubernatorial du 28 s eptembre 1956 c rée laCaisse de compensation des prestations familiales et un autre arrêté du même jourmet en œuvre le régime des prestations familiales au profit des travailleurs salariés.Cette CCPF est un organisme de droit privé – comme la CPS – dans le cadre deloi du 1 er avril 1898 sur les sociétés de secours mutuels. Elle assume une missionde service public et elle est gérée par les partenaires sociaux sous la tutelle dugouverneur (pour l'actuelle CPS ce rôle est dévolu au gouvernement de laPolynésie française).Le décret du 22 juillet 1957 dote le territoire d'un large statut d'autonomie quidonne à l'Assemblée Territoriale la compétence en matière de santé publique.L'assemblée se voit ainsi dotée d'un pouvoir de règlementation généraleconsidérable: elle exerce des compétences dans une quarantaine de matières qui enmétropole sont réservées au parlement.Par la suite, d'autres textes vont compléter la protection sociale: le décret du 24février 1957 relatif aux accidents professionnels des salariés, et la délibération del'A.T. du 24 août 1967 concernant l'assurance vieillesse qui va créer la CPS.2 La creation de la caisse de prevoyance socialeLa Caisse de prévoyance sociale ou CPS, est un organisme social de droit privéqui assume une mission de service public, placé sous la tutelle du gouvernement dela Polynésie française.Le rôle principal de la CPS est d'assurer la gestion des régimes sociaux du pays.C'est le seul organisme à gérer tous les risques couverts, ce qui n'est pas le cas en


SANTE PUBLIQUE ET DEMOGRAPHIE EN POLYNESIE FRANCAISE DU 18EME SIECLE A NOS JOURS 9Or, entre 1996 et 2009 l a population couverte n'est passée que de 200765personnes à 262634.Les dépenses ont donc été multipliées par 2,3 alors que la population couverten'a été multipliée que par 1,4 (Evolution des dépenses de santé de 1996 à 2009,document CPS).La part imputable aux hospitalisations publiques et privées est passée de 2,6milliards en 1988 à 5,3 en 1995, à 8,8 en 1996, à 13,9 en 2002 ( A. Leca, 2010,p.27).Les structures hospitalières ont considérablement évolué depuis le XIXèmesiècle: L'hôpital Vaiami a ouvert ses portes en 1884, puis le CHPF de Mamao a étéconstruit à partir de 1966 et a ouvert ses portes en 1971-1972.En 1965 il y avait également un hôpital à Taravao et cette année-là s'ouvrait laclinique Cardella. Il y avait également un hôpital à Taiohae aux Marquises et unautre à Uturoa dans l'île de Raiatea.En 1966, l'hôpital militaire Jean-Prince ouvrait à Pirae (il fut fermé en 1988).Enfin, la clinique Paofai ouvrait ses portes en 1982. En 1983 le nombre de lits danstoute la Polynésie française était de 1027 pour l'ensemble des structureshospitalières publiques (843) et privées (184 à Tahiti uniquement).En 1995 l'offre hospitalière privée représentait 211 lits et l'offre publique 555,dont 400 au CHPF et 15 à l'hôpital de <strong>Mo</strong>orea.La progression des dépenses des professionnels de santé libéraux a augmentéencore plus vite: on est passé de 2 milliards de francs cfp en 1988, à 4,5 en 1996, à11,3 milliards en 1999 et à 14,6 milliards en 2002.Ainsi, «le poste libéral a augmenté près de deux fois plus vite que les dépensestotales (+ 88% contre 48% en 5 ans). Alors que les dépenses opérées chez lespraticiens privés équivalaient à celles du CHT en 1996, elle les dépasse maintenantde 36% et sa part dans les dépenses de santé est passée de 34 à 43% entre 1996 et2002» (A Leca, 2010, 28).La part des dépenses de santé dans le PIB local (536 milliards de francs CFP en2006) est passée de 6,6% en 1999 à 7% en 2002 (Ibid.).La PSG coûtait 40,8 milliards CFP en 1995 po ur 189700 pe rsonnes etaujourd'hui la PSG engendre 103,4 milliards CFP pour 262600 personnes, soit uneaugmentation de 150% en 15 ans (F Venayre, 2010, 59).


10 SANTE EN POLYNESIE FRANCAISEIIICONCLUSIONC'est donc une véritable machine infernale qui menace les finances publiquesainsi que celles de la CPS.Le rapport Bolliet publié en septembre 2010 dans le cadre de la Missiond'assistance à la Polynésie française propose une analyse financière de la PSG, enétudiant le financement de la protection sociale, l'assurance maladie, l'offrepublique de soins, les retraites et l'action sociale, sans oublier la gouvernance, lagestion et la tutelle de la PSG.Bref, l'essentiel des questions qui sont traitées dans le cadre de cette TableRonde et que les pouvoirs publics auront à résoudre dans les prochaines années.


11APERCU HISTORIQUE SUR LA MISE ENPLACE ET LE DEVELOPPEMENT DEL'ASSURANCE-MALADIE ENPOLYNESIE FRANCAISE (1956-2009)Antoine Leca *Comme vient de le dire mon collègue et ami Bernard Gille, la prise en chargesociale des dépenses de santé en Polynésie procède de la loi n° 56-619 du 23 juin1956 1 . Celle-ci a autorisé le gouvernement de la République à mettre en œuvre lesréformes et à prendre des mesures propres à assurer l'évolution des territoiresrelevant du ministère de la France d'outre-mer.Les textes locaux ont été conçus sur cette base légale par l'inspection du travailet signés par le gouverneur des Établissements français de l'Océanie: l'arrêtén° 1336/IT en date du 28 s eptembre 1956 2 a permis la création de la Caisse deCompensation des Prestations Familiales (CCPF) des Etablissements Français del'Océanie (EFO), et, à la même date, l'arrêté n° 1335/IT a mis en œuvre le régimedes prestations familiales en faveur des travailleurs salariés 3 .Or ce système n'a pas été conçu ex nihilo. Il a été inspiré par celui en vigueur enMétropole.*Professeur agrégé de Droit, Directeur du Centre de droit de la santé d'Aix-Marseille (EA3242,Chargé de cours à l'Université de la Polynésie française.Cette contribution prolonge deux contributions parues: la première dans les Mélanges enl'honneur de P de Deckker (<strong>Mo</strong>ndes océaniens, L'Harmattan, Paris, 2010), à la veille duchangement gouvernemental de décembre 2009, qui a entraîné le retrait du plan de réforme conçupar Mme Armelle Merceron, et la seconde dans une version réactualisée au 25 février 2010, dansla <strong>Revue</strong> <strong>juridique</strong> polynésienne, vol XI, 2010, 19-40.1 Loi cadre dite Defferre.2 Arrêté n° 1336/IT du 28 s eptembre 1956 portant organisation de la caisse de compensation desprestations familiales des Établissements français de l'Océanie (JOEFO, 25 octobre 1956).3 Arrêté n° 1335/IT du 28 septembre 1956 portant institution du régime de prestations familiales auprofit des salariés.


12 SANTE EN POLYNESIE FRANCAISEIl faut se souvenir que la Sécurité Sociale française a été constituée en 1945 surle modèle dit «bismarckien», conçu pour le monde du travail: le risque maladie yest financé par des cotisations des employeurs et des employés proportionnellesaux salaires et géré par des organismes de droit privé, dans lesquels siègent lesreprésentants des patrons et les syndicats de travailleurs. Les spécialistes opposentce système au type «beveridgien», visant à assurer la sécurité sociale à tous, danslequel les soins sont financés par l'impôt et gérés par l'État. C'est celui duRoyaume-Uni (et aussi du Canada, de l'Australie et de la Nouvelle-Zélande 4 ). Leproblème de la France est qu'elle a voulu «réaliser les objectifs de Beveridge enutilisant les moyens de Bismarck» 5 : offrir une sécurité sociale à tous, inactifscompris, en conservant un mode de financement centré sur des cotisations,nécessairement insuffisantes. Il en a résulté la promesse d'un déficit structurel.Celui-ci n'est pas apparu tout de suite 6 , car la France de cette époque (qui n'avaitpas encore la couverture maladie universelle qu'elle a atteint en 1999) pouvaitcompter sur un dynamisme économique et démographique permettant auxnombreux actifs de subvenir sans difficultés majeures aux besoins des inactifs alorsen nombre restreints.Mais à la fin des «Trente Glorieuses» et avec le vieillissement démographique,la réalité est apparue avec le fameux «trou de la sécu».Il a aujourd'hui vingt-cinq ans d'âge 7 . Et il a été multiplié par cent en moins devingt ans: 2,3 milliards de francs lorsque Mme Simone Veil quitta une premièrefois le ministère de la Santé en 1977, 240 milliards lors de son départ définitif en1995 8 ; le déficit du régime général a dépassé la barre des vingt milliards d'euros en2009, dont près de dix milliards pour la seule branche maladie, soit deux fois plusqu'en 2008, sans même la certitude que le niveau des soins se soit amélioré dans4 B Palier La réforme des systèmes de santé (PUF, Que sais-je?, Paris, 2010) 27.5 R Lafore «La CMU un nouvel îlot dans l'archipel de l'assurance maladie», Droit social, janvier2000, n° 1, 10-11.6 Encore que le premier «trou» se soit ouvert dès 1950. Mais, après plusieurs exercices déficitaires,l'équilibre a été restauré en 1956 (www.fnic.cgt.fr/fichier.php?id=307). Néanmoins la Caissed'assurance-maladie du régime général a été déficitaire entre 1969 et 1979, en 1981, en 1986 etsans interruption depuis 1990 B Palier La réforme des systèmes de santé op cit, 57).7 La formule ne s'est répandue qu'à compter de la campagne électorale lancée en 1985, dans laperspective des Législatives de mars 1986, remportées par l'opposition de droite.8 A Leca «Génériques, TFR et déremboursements ou comment arracher un milliard d'économies"avec les dents"», Communication au colloque de Toulon des 18-19 novembre 2005, publiée dansA Leca et G Rebecq (dir), La prise en charge des dépenses de santé par la solidarité nationale,Colloque « Droit, Histoire, Médecine et Pharmacie», PUAM, Aix, 2006.


APERCU HISTORIQUE 13l'intervalle 9 . Une chose est certaine: aucun gouvernement n'est parvenu à lecombler et on comprend bien aujourd'hui qu'il ne le sera pas sans une refonte totaledu système.Dans un pr emier temps la Polynésie française a paru ne pas pouvoir donnercorps à un tel scénario.Cela s'explique par une conjonction de facteurs: des économies d'échelle, lajeunesse de la population, la faiblesse de la demande médicale et le volumecroissant des cotisations.Le pays a pu faire fonctionner le système avec une structure unique alors assezlégère: la CCPF qui, depuis 1968, porte son nom contemporain de Caisse dePrévoyance sociale (CPS) 10 .On aurait pu imaginer en 1956 de créer plusieurs caisses, comme en Métropole.Mais le bon sens a prévalu: la gestion des risques nouveaux a été attribuée à un seulorganisme qui est à lui seul l'équivalent local des URSSAF de l'ACOSS, descaisses nationales, régionales et primaires d'assurance maladie de Métropole.Cette Caisse unique est un organisme de droit privé, établi conformément auxdispositions de la loi du 1 avril 1898 sur les sociétés de secours mutuels, assumantune mission de service public, géré par les partenaires sociaux mais placé sous latutelle du gouverneur (aujourd'hui le gouvernement de la Polynésie française).Par ailleurs la Polynésie avait alors une population jeune avec des besoins desanté relativement modestes. Elle comptait bien-sûr des malades mais comme ils nese faisaient pas systématiquement soigner pour des raisons culturelles etfinancières, ils ne risquaient pas de grever les coûts.Enfin, cette époque a été celle de la création du CEP (Centre d'expérimentationdu Pacifique) installé sur le Territoire en 1963: en quelques années, le nombre desalariés déclarés à la CPS est passé du simple au triple!9 Notre collègue Brigitte Dormont a publié une étude intéressante où elle s'efforce de démontrerque la hausse historique des dépenses de santé aurait généré des progrès en santé (Les dépensesde santé. Une augmentation salutaire?, Éd Rue d'Ulm, Collection du C entre pour la rechercheéconomique et ses applications, www.cepremap.ens.fr). Elle mérite l'examen à défaut d'emportercomplètement la conviction. En effet notre pays a (après les Etats-Unis) le système de santé leplus cher du monde et s'il prenait exemple sur le Japon, pays où l'on vit le plus vieux au monde, ilconsacrerait 50 milliards d'euros de moins à ses dépenses de santé (J Kervasdoué «Faute deréforme sérieuse, la faillite annoncée de l'assurance-maladie», Le <strong>Mo</strong>nde, 6 octobre 2010). En2000, l'OMS a publié un rapport sur l'efficacité des systèmes de santé dans lequel la France étaitclassée première – mais sa révision en 2002 a placé la Suède en tête (www.who.int/whr/2002/fr/).10 .


14 SANTE EN POLYNESIE FRANCAISEMais cette donne initiale s'est progressivement modifiée. En effet la protectionsociale a été graduellement élargie et les bénéficiaires du système se sont accrus(I). Certes c'était justice, mais hélas cela ne pouvait pas ne pas mener au déficit dusystème (II).I UN SYSTÈME D'ASSURANCE-MALADIE QUI N'A PAS CESSÉD'ÉLARGIR SES BÉNÉFICIAIRES ET LES CONDITIONSD'ACCÈS AUX SOINSLa délibération du 14 février 1974 11 a rendu obligatoire l'assurance maladie etl'assurance invalidité des travailleurs salariés. Cette obligation a été suivie pourl'assurance volontaire par la délibération du 7 octobre 1976.La délibération du 15 avril 1979 a créé un second régime: le régime deprotection sociale en milieu rural (RPSMR). Il concerne essentiellement lesagriculteurs, les pêcheurs, les artisans et regroupe les prestations familiales, lesprestations de retraite, d'assurance maladie et d'accident de travail.Ce dispositif bipartite laissait, sans droits reconnus, 20 à 25% de la population.En effet, toutes les personnes qui ne rentraient pas dans les catégoriesprofessionnelles prédéfinies par les deux régimes territoriaux, comme lescommerçants, les professions libérales et les chômeurs, ne bénéficiaient d'aucunecouverture.C'est la raison pour laquelle la délibération n° 94-6 AT du 3 février 1994définissant le cadre de la couverture sociale généralisée applicable aux résidents duterritoire de la Polynésie française a étendu le système à toute la population. Dansla foulée, l'Etat, dans le cadre de la loi d'orientation n°94-99 du 5 f évrier 1994,s'était engagé pour une durée de 10 ans à soutenir le système de protection sociale.Il en a résulté la création de deux nouveaux régimes: le Régime des non-salariés(RNS) et surtout le Régime de solidarité territoriale (RST), un régime de solidariténon contributif, devenu aujourd'hui le Régime de solidarité de la Polynésiefrançaise (RSPF).D'où un dispositif éclaté à quatre, puis trois pôles. En effet, le RPSMR, né en1979, a été simultanément mis en extinction et ses ressortissants sont, selon leursrevenus, affiliés au RNS (pour 20% d'entre eux) ou au RSPF (à 80%).La PSG est donc assurée par trois régimes territoriaux distincts, qui sont gérés,contre rémunération, par la CPS, qui en retrace les écritures, tant en recettes qu'en11 Délibération n° 74-22/AT du 14 février 1974, publication au JOPF le 30 avril 1974.


APERCU HISTORIQUE 15dépenses, dans trois comptabilités séparées … sans être aucunement responsable del'équilibre financier de l'ensemble 12 .Avec le RSPF, une population importante "d'indigents" bénéficiant jusqu'alorsde la gratuité totale dans les structures publiques, mais d'aucune prise en chargedans les structures libérales a été assimilée aux catégories contributives (lescatégories acquittant des cotisations) et a désormais acquis le droit à la même priseen charge que les autres ressortissants dans l'ensemble des structures, lui permettantpour la première fois de s'adresser aux professionnels libéraux, à conditiontoutefois de consentir à l'avance des frais.En peu de temps, les dépenses de santé ont connu une très forte hausse,puisqu'elles ont plus que doublé entre 1988 et 1995, d'après les chiffres fournis parla CPS 13 :Évolution des dépenses de santé à la charge des régimes de protectionsociale territoriaux (en millions de Fcfp)1988 1989 1990 1991 1992 1993 1994 1995Prestation en espèces 1 271 1 320 1 399 1 662 1 763 1 786 1 816 1 972Hospitalisation 2 625 3 227 3 477 4 268 4 537 4 772 4 764 5 367Frais médicaux 1 271 1 450 1 589 1 939 2245 2358 2602 2765Pharmacies 334 418 471 616 778 845 934 1 031Analyses 231 284 329 408 466 521 532 575soins dentaires 166 181 187 196 203 201 218 207Déplacements 132 138 195 190 230 244 244 275autres 104 121 132 142 186 209 261 292total 4863 5819 6380 7759 8645 9150 9555 10512(Source: CPS – Agent comptable)Le phénomène est d'autant plus remarquable qu'il n'existait pas à cette époquede conventionnement entre la CPS et les professionnels (d'où un r emboursement12 CTCPF Observations définitives – Collectivité de la Polynésie française (Affaires sociales etsolidarité) Séance du 17 août 2011, 10 et 14.13 Ces chiffres minorent la part consacrée par la Polynésie aux dépenses de santé car,indépendamment de la CPS, le Pays a ses propres structures qu'il finance directement sans passerpar la CPS. Si on les intègre, les dépenses de santé devaient déjà représenter près de 9% en 1994.


16 SANTE EN POLYNESIE FRANCAISEdes actes sur la base des tarifs d'autorité, très différents des tarifs pratiqués par lesprofessionnels de santé 14 ) ni donc de tiers payant.Ceci a changé en 1995 avec la signature de la première convention médicale,qui a introduit un remboursement au taux de 80% du tarif conventionnel (aligné surles tarifs pratiqués par les professionnels) et le tiers payant avec prise en chargelongue maladie-grossesse à 100%, permettant aux patients de consulter directementdans le secteur privé sans avance de frais 15 .Il en a résulté qu'une part de plus en plus importante de la population, quijusqu'alors ne pouvait accéder qu'aux structures publiques gratuites, s'est orientéevers le secteur libéral. Et l'augmentation de la demande a entraîné uneaugmentation de l'offre: en effet le nombre de professionnels libéraux a connu unecroissance d'environ 50% en dix ans:Évolution du nombre de personnels de santé privés (exerçant en libéral)Secteur Privé 1993 1996 2000 2003Médecins 166 192 200 209Dentistes 55 66 75 70Infirmiers 83 85 100 104Masseurs kinésithérapeutes 67 92 95Sage femmes 17orthophonistes 17 22 28Total 304 427 484 523 16Puis c'est l'augmentation de l'offre, qui semble avoir entraîné une augmentationde la demande, dans la mesure où les dépenses de santé se sont envolées.On peut quantifier le phénomène de deux manières. En volume d'abord, si onconsidère les chiffres bruts, en millions de Fcfp:14 Une consultation médicale était remboursée à hauteur de 2 200 Fcfp au lieu de 2 800 Fcfpacquittés par le patient (B Hapai, L'installation des médecins en Polynésie française, Rapport derecherche pour le Master 1 Droit privé et Science criminelle et Justice (sous la dir. d'A. Leca),UPF, Papeete, 2008, 24).15 Sur la base de 2 800 Fcfp la consultation, la charge à supporter par le patient est passée de 1 040 à560 Fcfp (ibid., 25).16 Ibid, 25.


APERCU HISTORIQUE 17CHTMédecinsconventionnésAutresprof.santéCliniques Public AssociationsCentres<strong>Hors</strong>territoireTotal1996 7150 2 597 4 717 1 660 1 684 94 1 676 21 5781997 7235 3 163 5 969 2 543 2 626 121 2 118 23 7871998 8154 3 379 3 826 2 503 2 174 242 2 166 25 442Sources CPS (Pôle Analyse et Développement) 17On retiendra notamment que la consommation de soins et de biens médicaux acrû de 15,6% en 1996, pour se stabiliser à un niveau de 8,7% en 1997 et 7,2% en1998 18 . Si on compare ce taux de progression avec celui du produit intérieur brut,on relèvera que les dépenses de santé, qui représentaient 5,1% du PIB en 1995, ontreprésenté 5,8% en 1996, 6,2% en 1997 et 6,3% en 1998 19 .Pour tenter de maîtriser cette évolution, et sur l'insistance pressante desprofessionnels de santé (syndicat et conseil de l'Ordre), l'Assemblée de la Polynésiefrançaise a adopté en 1998 un certain nombre de mesures dont la plus importantefut incontestablement l'instauration d'un «gel» des conventionnements de certainesprofessions de santé libérales: médecins, infirmiers, masseurs kinésithérapeutes etdentistes. Cette dernière profession n'ayant pas de convention avec la CPS, le «gel»a été inopérant jusqu'en 2002:CHTMédecinsconventionnésAutresprofsantéCliniques Public AssociationsCentres<strong>Hors</strong>territoireTotalprescriptions1999 9 009 3 617 7 739 2 778 2 159 329 327 2 075 27 7032000 9 348 3 706 8 303 2 929 2 176 466 2 132 29 0592001 9 988 4 252 9 509 3 061 2 266 479 2 442 31 9972002 10 724 4 443 10 185 3 214 2 226 546 2 430 33 767 20Source CPS (Pôle Analyse et Développement)17 Ibid, 25.18 Sources CPS (Pôle Analyse et Développement): Évolution des dépenses de santé par rapport auPIB.19 Sources CPS (Pôle Analyse et Développement): Indicateur d'évolution des dépenses de santé parrapport au PIB.20 B Hapai, L'installation des médecins en Polynésie française, op cit, n 15, 26.


18 SANTE EN POLYNESIE FRANCAISEC'était là une bonne mesure, mais elle a simplement contribué à encadrer lahausse des dépenses en secteur libéral; en effet la courbe représentant l'enveloppe«Professionnels de santé libéraux» a poursuivi sa progression:Progression de l'enveloppe «professionnels de santé libéraux» 21Et bien sûr, la part des dépenses de santé dans le PIB a continué à croître: 6,6%en 1999, 6,5% en 2000, 7% en 2001 et 7% à nouveau en 2002 22 .Mais, si l'on ramène les montants bruts à des pourcentages, on observera que laprogression s'est ralentie au point de passer à 11% en 1999 et à 6% en 2000. Laconsommation globale de soins et de biens médicaux n'a plus augmenté que de9,3% en 1999 et 4,9% en 2000 23 .Un «incident» administratif début 2001, a introduit une «fenêtre» de deux jourspendant laquelle une vingtaine de professionnels de santé ont pu bénéficier d'unconventionnement.La progression de l'enveloppe est alors passée de 6 à 15% en 2001 ( et laconsommation de soins et de biens médicaux de 4,9 à 9,6% 24 ).21 Ibid, 26.22 Sources CPS (Pôle Analyse et Développement): Indicateur d'évolution des dépenses de santé parrapport au PIB.23 Sources CPS (Pôle Analyse et Développement): Évolution des dépenses de santé par rapport auPIB.24 Ibid.


APERCU HISTORIQUE 19Evolution annuelle des dépenses des professionnels de santé libéraux 25Le poste libéral a augmenté près de deux fois plus vite que les dépenses totales(+ 88% contre 48% en 5 ans). Alors que les dépenses opérées chez les praticiensprivés équivalaient à celle du CHT en 1996, elles les dépassent maintenant de 36%et sa part dans les dépenses de santé est passée de 34 à 43% entre 1996 et 2002.On n'incriminera pas les professionnels de santé libéraux. Ce sont les patientsqui sont allés vers eux, évidemment parce qu'ils trouvaient là un accueil plussatisfaisant que dans les structures publiques.Une dizaine d'années après la réforme de 1994, les comptes de la CPS ontcommencé à se dégrader. Et la Polynésie a commencé à découvrir le coût de sonsystème. D'autant que le soutien financier de l'Etat prévu pour dix ans par loid'orientation n°94-99 du 5 février 1994 a fini par s'évanouir en 2008 26 .II UN SYSTEME D'ASSURANCE-MALADIE DESORMAIS ENTREDANS LA SPIRALE DU DEFICITLa part de la consommation de soins et de biens médicaux par rapport au PIB acontinué à croître après la «pause» de 2001-2003 (7%): + 7,2% en 2004, + 7,6% en25 B Hapai, L'installation des médecins en Polynésie française, op cit, n 15, 27.26 Entre 1994 et 1998, des versements forfaitaires de plus de 14,1 milliards de Fcfp ont ainsicontribué au financement du RSPF. Entre 1999 et 2003, ces versements se sont élevés à 17,7milliards de Fcfp. A la demande de la Polynésie française, qui souhaitait la prorogation dudispositif conventionnel, la participation financière de l'Etat au financement du RSPF a étéprolongée par voie d'avenants annuels en 2004, en 2005, en 2006 et enfin, en 2007. Au total, unfinancement supplémentaire de 9,5 milliards de Fcfp a contribué au financement du régime desolidarité après la fin des engagements conventionnels initiaux (Sources: CTCPF).


20 SANTE EN POLYNESIE FRANCAISE2005, + 8% en 2006 27 . À titre d'exemple, le montant des remboursements payés parla CPS aux officines de pharmacie a augmenté de plus de 50% entre 2003 et2008 28 .Le nombre de patients en longue maladie a lui-même augmenté dans un mêmeordre de proportion 29 , au point que leur nombre est aujourd'hui de 30 600personnes, soit 11,8% de la population couverte par la CPS, avec un coût moyenpar patient et par an évalué à 792 000 Fcfp ! Il était inévitable que le contrecoup sefasse sentir.L'assurance maladie ne pouvait pas ne pas accuser le choc.Certes en son sein le budget du RSPF apparaît théoriquement équilibré. Mais cerégime qui n'a pas de cotisants est exclusivement alimenté par de l'aide publique et,depuis 2007, il ne bénéficie plus de la participation de l'Etat, qui est palliée par lebudget de la Polynésie française.En d'autres termes, il a financièrement parlant un dangereux effet aspirant pourles dépenses publiques locales.Jusqu'en 2007, le déficit apparent était limité au seul Régime des nonsalariés/RNS,affecté d'un déséquilibre croissant (43 M. de Fcfp en 2004, 46 en2005, 93 en 2006, 90 en 2007). C'est là une des raisons qui a conduit à la réformede 2007 imposant aux médecins de cotiser au RNS au lieu du RGS 30 .Le Régime général des salariés/RGS, quant à lui, est resté excédentaire, malgréle décrochage entre le niveau des cotisations et celui des dépenses, amorcé en 2004et confirmé en 2006 et, bien sûr, en 2007:27 Sources CPS (Pôle Analyse et Développement): 4 384 823 982 Fcp versés à 32 officines en 2003,6 870 256 370 Fcp versés à 37 officines en 2008.28 Source CPS (Pôle Analyse et Développement).29 Le phénomène s'explique par la stabilité des comportements à risques (alimentation déséquilibréeet sédentarité), l'accroissement de la population couverte par l'amorce du vieillissementdémographique et le progrès médical qui assure aux patients en ALD un taux de survie croissant(Sources CPS /Pôle Analyse et Développement).30 En septembre 2007, l'Assemblée de Polynésie a adopté une loi de Pays obligeant les médecins àcotiser au régime des non-salariés (et non plus à celui des salariés) à un taux de 7,5% contre 1%auparavant (Hapai, B., L'installation des médecins en Polynésie française, op cit, n 15, 8.


APERCU HISTORIQUE 21Recettes issues des cotisations2004 2005 2006 200754 212 MF 59 384 MF 58 955 MF 61 994 MFDépenses54 504 MF 58 712 MF 63 176 MF 67 385 MFIl faut se rappeler qu'en 2006 précisément, avec la réforme Te Autaea'era'a, lesemployeurs avaient obtenu une baisse de leurs cotisations sociales, en échanged'une augmentation de 6 000 F cfp des salaires. Cette réforme, désastreuse pour lefinancement du système de santé, est intervenue dans un contexte inquiétant dereprise à la hausse de la consommation globale de soins et services médicaux 31 .Il en a résulté pour le RGS une diminution de 3% de cotisations, c'est-à-direprès de 4 milliards Fcfp de recettes annuelles en moins 32 , pour faire face à desdépenses accrues.Le phénomène s'est accentué avec la détérioration de la situation économiquequi a induit une baisse du nombre de cotisants salariés, une explosion de celui desbénéficiaires du RSPF 33 , le gonflement des dépenses à l'hôpital et, plus largement,du secteur public.Cette croissance des frais hospitaliers n'est pas surprenante. Elle est trèscaractéristique d'un pays qui développe l'offre de soins.En Métropole, ce poste, dont le taux de croissance annuelle est passé de 15%dans les années 1950 à 3% aujourd'hui, représente toujours la part la plusimportante de la consommation de soins et de biens médicaux (44,5% en 2005) 34 .Par ailleurs, en Polynésie, la répartition des usagers sur un très grand nombred'îles dispersées génère des coûts exorbitants. Le pays doit en effet fairefonctionner de multiples structures publiques de proximité (49 postes de secours,31 Sources CPS (Pôle Analyse et Développement): Évolution des dépenses de santé par rapport auPIB: + 3,5% en 2003, + 4,8% en 2004, + 7,6% en 2005… et + 8,3% en 2006!32 F Verprat «CPS – Aggravation de l'assurance maladie des salariés» La Dépêche de Tahiti, 28juillet 2009 .33 En 2009, on dénombrait 62.137 affiliés au RSPF, soit près d'un quart de la population, alors qu'ilsn'étaient que 47.380 en 2000 (Chambre territoriale des comptes de la Polynésie française/CTCPFObservations définitives – Collectivité de la Polynésie française /Affaires sociales et solidarité/Séance du 17 août 2011 – 12). «Force est de constater que la réalité sociale à laquelle renvoientces chiffres est celle d'une paupérisation croissante de la société polynésienne» (ibid, p.24).34 J Saison Droit hospitalier (2 ed, Gualino, Paris, 2009) 233.


22 SANTE EN POLYNESIE FRANCAISE20 infirmeries, 6 dispensaires, 11 centres médicaux) en plus des activités de soinscuratifs et préventifs assurées sur l'île de Tahiti.Le problème est que le poids de la facture hospitalière paraît avoir été sousestimélocalement. En tous cas, en 2007, la situation s'est fortement tendue avecl'annonce du déficit prévisionnel de 713 millions de Fcfp (environ 6 millionsd'euros) du Centre hospitalier de la Polynésie française (CHPf).Il n'était pas question de le faire supporter par le seul RGS. Le protocoled'accord signé entre certains membres de l'intersyndicale et le gouvernement, quiavait mis fin à la grève déclenchée au CHPf avait réparti le déficit entre le Régimede solidarité/RSPF (234 millions de Fcfp), le RNS (37 millions de Fcfp), et le RGS(442 millions de Fcfp), sachant que le Pays s'était engagé à prendre à sa charge «autitre de la solidarité» la quote-part des deux premiers 35 . Mais rien n'a été réglé aufond et la situation du RGS s'aggrave. Le déficit de la branche maladie a plus quedoublé en deux ans. À la fin 2008, il était déjà de 4,196 milliards. Il est prévu à8,814 milliards de Fcfp fin 2009 36 .Et au 31 décembre 2010, le déficit cumulé de la seule branche maladie du RGSa atteint près de 15 milliards de FCFP 37 . Tous les indicateurs sont au rouge. L'Etats'est financièrement désengagé, ôtant par la même 20% des recettes du RSPF 38 . Ladotation globale du CHPf pour 2009 traduit une hausse de 9,3% par rapport àl'exercice précédent.La détérioration de la situation économique, que l'on peut mesurer àl'augmentation rapide des ressortissants du RSPF (+ 8% en un an) 39 et à la baissedu nombre de cotisants salariés (moins 4 000 à moins 5 000 de puis un an), ainsique les dépenses imprévues, pour la grippe A et la dengue 4, ont contribué àcreuser un peu plus le déficit 40 .35 Tahiti-Presse, 5 avril 2007, .36 F Verprat, CPS – Aggravation de l'assurance maladie des salariés, La Dépêche de Tahiti, 28juillet 2009, www.ladepeche.pf/.../social/5740-9-milliards-fcfp-de-deficit-toujours-sanssolution.html.37 CTCPF, Rapport d'observations définitives, Collectivité de la Polynésie française/ Affairessociales et solidarité, Exercices 2000 à 2009, adopté à la séance du 17 août 2011, 34.38 Ibid, 13: «Depuis la création du RSPF, l'Etat a versé près de 41,3 milliards de Fcfp en quatorzeans pour soutenir la politique de généralisation de la couverture sociale. Durant cette période,cette aide forfaitaire de l'Etat a représenté environ 20% des recettes du régime de solidarité».39 .40 La Dépêche de Tahiti, 17 octobre 2009, .


APERCU HISTORIQUE 23Au terme de ce panorama historique, le régime général des salariés (RGS)accuse aujourd'hui un déficit abyssal (9 milliards en 2009, 6 en 2010), le régimedes non-salariés (RNS) est financé à 40% par le Pays, le régime de solidarité de laPolynésie française (RSPF) à 100% 41 . C'est là une facture très lourde. La recherchede nouvelles pistes s'impose.On évitera toutefois de terminer sur ce registre angoissant. Car les comptes de laPolynésie française sont en réalité l'envers de la médaille. Et il ne faut pas oublierle côté face. Les dépenses de santé ont sorti la Polynésie du sous-équipementsanitaire et permis des victoires incontestables remportées sur la mortalité infantileet les pathologies infectieuses qui ont tant fait souffrir le pays jusqu'au XX e siècle.Les îles ont aujourd'hui une espérance de vie et un équipement de santé qui estcelui des grands pays développés. Car la santé n'est pas seulement un coût, c'estd'abord un bienfait.41 Les Nouvelles de Tahiti, 6 juillet 2010: .


24 SANTE EN POLYNESIE FRANCAISE


25LES COMPTES DE LA SANTE DE LAPOLYNESIE FRANCAISE EN 2009Dominique Marghem *Les dépenses de santé se sont élevées à 73,325 milliards de FCFP en 2009, soit276 000 FCFP par habitant. Elles représentent 13,5% du PIB, plaçant la Polynésiefrançaise au deuxième rang mondial, derrière les États-Unis, mais loin devant lamétropole (11%) pourtant en tête des pays européens. Depuis 1994, les dépenses desanté ont progressé de 129% alors que le PIB ne progressait que de 54%. Bien quesuivant le plan des comptes nationaux, certaines distinctions obligent à beaucoupde prudence dans les comparaisons. Par exemple, la Direction de la santé nepossédant pas de comptabilité analytique, la ventilation de ses dépenses entre lesdifférentes fonctions est calculée et non mesurée. Avec près de 30 milliards deFCFP, les soins hospitaliers représentent près de 50% de la consommation de bienset services médicaux, alors que les services de médecine préventive neconsomment que 2 milliards.Le financement des dépenses de santé est assuré à54% par les cotisations salariales et patronales, à 31% par la fiscalité, mais plus de5 milliards de FCFP (7%) n'ont pas été financés en 2009.Bien que les Comptes de la santé existent depuis plusieurs décennies enmétropole, ils n'ont été réalisés, après quelques tentatives vers le milieu des années1990, que depuis 2008.Ils mesurent les dépenses de la Caisse de prévoyance sociale (C.P.S.) au titre del'assurance-maladie, les dépenses du Pays pour le financement de ses structures etla part qui reste à la charge des ménages.Ils permettent de mesurer le poids macro-économique de la santé par rapport àla richesse d'un pays. Ils constituent un compte satellite de la comptabiliténationale.Pour permettre les comparaisons avec la métropole et les autres pays, lescomptes suivent approximativement le plan des comptes métropolitains. Ils s'endistinguent néanmoins pour prendre en compte les particularités polynésiennes. Lesprincipales différences portent sur l'intrication des actions préventives et curatives* Direction de la santé, Ministère de la santé et de la solidarité, Tahiti - Polynésie française.


26 SANTE EN POLYNESIE FRANCAISEdes structures publiques, sur la place de l'hygiène scolaire qui relève de l'éducationen métropole et de la santé en Polynésie française, et enfin sur la prise en comptedes soins dispensés à l'occasion d'évacuations sanitaires internationales, (quireprésentent 5% des dépenses de santé). Dans le dispositif métropolitain, n'est prisen compte que le coût des actes effectués sur le territoire métropolitain.A l'instar de la métropole, certaines données (médecine militaire, médecine desprisons, …) ne sont pas prises en compte, car figurant ailleurs dans le système descomptes nationaux. En Polynésie française, elles relèvent de l'État. Il a néanmoinsété tenté de les identifier, pour avoir une idée des dépenses globales liées à la santé.Elles figurent dans un chapitre «Autres» et représentent près de 1 milliard deFCFP.Les comptes sont établis par structure. Les structures figurent dans la «case»correspondant à leur activité principale, même si elles exercent plusieurs fonctionsdistinctes.Dans quelques cas, lorsque les missions sont très différentes ou méritent d'êtreindividualisées, il a été procédé à un découpage de l'activité:I• Au Centre hospitalier de la Polynésie française (CHPf), ont été isoléesl'activité du Centre de transfusion sanguine, les «consultations spécialiséesavancées» effectuées par les praticiens du CHPf dans les îles et l'école desages-femmes.• A l'Institut Louis Malardé, les activités de recherche, d'analyses médicales,d'analyses de l'eau et des aliments et l'activité de vente de vaccins ont étéidentifiées.• Mais c'est surtout pour la Direction de la santé qu'il a fallu tenter d'isoler lesdifférentes missions de soins (hospitaliers, ambulatoires, spécialisés –psychiatrie infantile, alcoologie), de prévention individuelle et collective,de planification réglementation, de formation…Les comptes de la santé se présentent sous la forme de plusieurs agrégats.La consommation médicale totale: 61 955 M FCFP 1 .LA CONSOMMATION DE BIENS ET SERVICES MEDICAUXElle se décompose elle-même en quatre postes:1 Du total des différents postes, il convient de déduire certaines dépenses qui figurent à deuxreprises (double compte): vaccins vendus par l'ILM à la Direction de la santé, poches de sang duCentre de transfusion sanguine vendus aux structures hospitalières.


LES COMPTES DE LA SANTE DE LA POLYNESIE FRANCAISE EN 2009 271 Les soins hospitaliers – 29 359 M FCFP – publics (CHPf et hôpitaux de laDirection de la santé), privés et, spécificité polynésienne, les soinshospitaliers hors territoire.Les informations proviennent des comptes d'exploitation des structures et desdonnées fournies par la CPS.2 Les soins ambulatoires–20 342 M FCFP—rassemblent les honorairesservis aux différents professionnels de santé, les coûts de fonctionnement dedifférents centres spécialisés (APURAD, APAIR, centre médicalMamao…), ceux des dispensaires de la Direction de la santé et du Centre detransfusion sanguine.La CPS ayant fourni les montants remboursés avec les taux de remboursementcorrespondants, il a pu être calculé la part restant à la charge des ménages (le ticketmodérateur).Pour les professions peu ou non remboursées (herboristes chinois,chiropracteurs…), le service des contributions a fourni le montant total du chiffred'affaires déclaré par l'ensemble des professionnels.3 Les transports—1 811 M FCFP–comprennent les transports en ambulance,les évacuations sanitaires inter-îles et internationales. Ils sont pris en chargeà 100% par la CPS (évacuations sanitaires) ou pas du t out (taxis pour serendre chez les professionnels de santé).4 Les médicaments et prothèses – 10 919 M FCFP – regroupent lesmédicaments:• produits pharmaceutiques vendus en officine;• vaccins et allergènes vendus par l'ILM;• médicaments distribués par la pharmacie d'approvisionnement (horsmédicaments hospitaliers et vaccins);• médicaments «rétrocédés» par le CHPf, qu'il est seul autorisé à déteniret à dispenser (médicaments pour le traitement du SIDA, l'EPO…).et les prothèses: optique médicale, appareillage (orthopédique, auditif, …)et prothèses dentaires.


28 SANTE EN POLYNESIE FRANCAISEIILA CONSOMMATION DE SERVICES DE MEDECINEPREVENTIVECe poste – 2 086 M FCFP – regroupe les dépenses de fonctionnement deplusieurs entités ou organismes, dont la vocation principale est la prévention,même si une partie de leurs activités est consacrée aux soins.• Les services de prévention de la Direction de la santé: ceux du centre de lamère et de l'enfant, y compris le coût des vaccins distribués par laPharmappro;• Le programme de dépistage des cancers gynécologiques;• Les autres structures qui offrent des services de prévention individuelle(Fare tama hau, maison du diabétique);• La médecine du travail.Administration générale415Soins hospitaliers3,409Soins ambulatoires2,924Médicaments242Prévention individuelle1,516Prévention collective613Formation4310 1,000 2,000 3,000 4,000en millions de FCFPLa dépense courante de santé: 73 325 M FCFP.Il s'agit du deuxième agrégat. Il a un périmètre plus large. C'est la somme desdépenses qu'engagent les financeurs de l'ensemble du système. En plus de la


LES COMPTES DE LA SANTE DE LA POLYNESIE FRANCAISE EN 2009 29consommation médicale totale (CMT), elle intègre les indemnités journalières, laprévention collective, la formation, la recherche, et l'administration sanitaire.Elle se présente en trois chapitres:• Les dépenses pour les malades – 69 427 M FCFP – incluant la CMT, lesdépenses de prévention collective (promotion de la santé, surveillancesanitaire), les indemnités journalières servies aux personnes en arrêt detravail;• Les dépenses en faveur du système de santé – 859 M FCFP – pourl'enseignement et la recherche;• Les dépenses en faveur de gestion générale de la santé–3 039 M FCFP endépenses d'administration sanitaire et frais de gestion de l'assurancemaladie.


30 SANTE EN POLYNESIE FRANCAISEAutres dépenses: 944 M FCFPCertaines dépenses de santé ne figurent pas dans les comptes nationaux, maisdans d'autres tableaux de la comptabilité nationale: santé militaire, santé desprisons, santé scolaire (partie prise en charge par l'éducation).Au total, c'est donc 276 000 FCFP par an/habitant qui est consacré à la santé enPolynésie française, contre 376 900 F CFP en métropole et 264 500 FCFP enNouvelle-Calédonie (en 2006). Mais cela représente 13,5% du PIB, ce qui place laPolynésie française au 2nd rang mondial derrière les États-Unis, alors qu'il est de10% en Nouvelle-Calédonie et 11% en métropole, pourtant en tête des payseuropéens.Le financement des dépenses de santé 12 % des dépenses de santé sont payéesdirectement par le Pays, 1% par l'État, 5% par les ménages alors que la C.P.S prenddirectement en charge 57 887 M FCFP soit 79%.La part des mutuelles locales est négligeable, et celle de la MGEN, non connue.Le financement de l'assurance-maladie par la C.P.S provient à 59% descotisations (patronales et salariales), 23% du Pays (fiscalité) et 8% de la sécuritésociale métropolitaine. Mais 9% des dépenses d'assurance-maladie à la charge dela C.P.S (régime des salariés) n'ont pas été financées en 2009.


LES COMPTES DE LA SANTE DE LA POLYNESIE FRANCAISE EN 2009 31Précisions sur la détermination des coûts de la Direction de la santéLe budget de la Direction de la santé est connu par le compte administratif duPays qui fournit le budget de fonctionnement et la charge de personnel (salaire debase, primes et indemnités, charges sociales comprises) et par l'État qui nousinforme de la dépense liée à la mise à disposition d'agents CEAPF.Ce budget est ensuite réparti entre les différentes structures, mais la direction dela santé n'a pas de comptabilité analytique.Plusieurs éléments permettent d'approcher les coûts des différentes structures:


32 SANTE EN POLYNESIE FRANCAISE• budget de fonctionnement ventilé exactement par services (source:PolyGF);• dépenses de personnel ventilées par structures (source: Direction desfinances) mais avec beaucoup d'imprécisions;Il a été calculé un coût moyen par agent selon la profession et le statut desagents puis établi un recensement des personnels dans chacune des structures.Avec ces éléments, il a été calculé un coût de personnel pour chaque structure.Cela a permis la détermination d'une estimation d'un coût de fonctionnementpour chaque structure, subdivision et hôpital.La marge d'erreur pour chacun est importante, mais le total est juste et lesrésultats cohérents.Le jour où la Direction de la santé aura pu régulariser l'affectationadministrative de ses agents, la réalité en sera approchée d'autant.Evolution de la dépense courante de santéEntre 2008 et 2009, la dépense courante de santé a progressé de 1 611 M FCFP(2,2%). Mais alors que la consommation de biens et services médicaux progressaitde 1 810 M FCFP (3%), les dépenses de prévention individuelle diminuaient de138 millions (6,2%). C'est le poste «médicaments et prothèses» qui a progressé leplus (6,4%) devant le poste «soins ambulatoires» (4,1%).La comparaison est plus intéressante par rapport à 1994, juste avant la mise enplace de la Protection sociale généralisée. Les dépenses de santé sont passées aucours de cette période de 31,5 milliards de FCFP à 71,6 milliards de FCFP, soit uneprogression de 129% en 15 a ns, alors que dans la même période le PIB neprogressait que de 54%.La principale évolution concerne les «autres professionnels de santé libéraux»(infirmiers, masseurs kinésithérapeutes (+ 550%); l'offre à l'époque était très faible.


LES COMPTES DE LA SANTE DE LA POLYNESIE FRANCAISE EN 2009 33Soins ambulatoires216%Médecins155%Dentistes162%Infirmier, kiné.550%Soins hospitaliers87%CHPF94%Direction de la santé34%0% 100% 200% 300% 400% 500% 600%DEPENSE COURANTE DE SANTE73 325 MDEPENSES EN FAVEUR DES MALADES69 427 MDEPENSES DE GESTION GENERALE DE LA SANTE3 039 MDEPENSES EN FAVEUR DU SYSTEME DE SANTE859 MPrévention collective756 MCONSOMMATION MEDICALE TOTALE64 041 MIndemnités journalières4 640 MAdministration publique de la santé415 MEnseignement491 Mmoins double compte : 475 MCPS + sécu2 624 MRecherche368 MPrévention individuelle2 086 MBIENS ET SERVICES MEDICAUX61 955 MServices de médecine préventive1 687 MSoins hospitaliers29 329 MMédicaments et prothèses10 919 MTransports1 811 MSoins ambulatoires20 342 MMédecine de travail399 Mhôpitaux publics21 962 Mhôpitaux privés4 784 MHôpitaux hors territoire2 614 Mpharmacie8 957 Mmédicaments hors territoire116 Mdétaillants et autres distributeurs(optique, appareillage)1 536 Mmédecins(hors biologistes, radiologistes)5 594 Mautres professionnels3 986 Mdentistes2 225 Mlaboratoires et radiologie2 680 Mprothésistes dentaires309 Mbanque de sang378 Mcentres de dialyse727 Msoins ambulatoireshors territoire651 Mcentre pour malades mentauxet toxicomanes229 Mautres centres(dispensaires DS)3 020 Mautres centres de soins coordonnés(Centre médical Mamao, Apair,centre handicapés)852 M


34 SANTE EN POLYNESIE FRANCAISEDépense courante de santé (en millions de FCFP)Dépenses en faveur des malades 69 427Biens et soins médicaux 61 955Aide aux malades indemnités journalières 4 640Dépenses de prévention 2 832. Prévention individuelle 1 686. Prévention collective 747Services de la Direction de la santé (DPP, BVS) 267Autres structures (associations) 11Contrôle sanitaire (SHSP, LASEA) 468. Médecine du travail 399Dépenses en faveur du système de soins 859Formation 491. Institut de formation soins infirmiers 431. École des sages-femmes 34. CPS (professionnels de santé) 18. Université 7Recherche (ILM) 368Dépenses de gestion générale de la santé 3 039Administration publique de la santé (DS) 415Régimes de sécurité sociale (régimes obligatoires) 2624. CPS (branche maladie) 2 387. Sécurité sociale 237DEPENSE COURANTE DE SANTE 73 325Services de santé associés 944 180. Médecine scolaire (infirmiers scolaires) 158 544. Soins aux militaires 700 508. Médecine des prisons 85 128


35LA CONSOMMATION DE SOINS ENPOLYNESIE FRANCAISE EN 2009Dominique Marghem *La consommation de soins est intimement liée à l'offre et donc à l'organisationdu système de soins. Celui-ci ne peut se comprendre que si l'on étudie la manièredont il s'est construit. Le principal tournant a été la mise en place de la Protectionsociale généralisée, mais qui ne s'est pas accompagnée d'une réflexion sur le rôle etla place de chacun des acteurs et a laissé perdurer deux systèmes avec des logiqueset des financements différents.L'originalité de l'offre de soins tient à l'existenced'une offre publique ambulatoire importante, parfois exclusive, dans les archipelséloignés, qui mêle les activités de soins et les activités de prévention. Le systèmede soins a généré plus de 225 000 journées d'hospitalisation et plus d'un million deconsultations médicales.I L'EVOLUTION DE L'OFFRE DE SOINSLa consommation de soins est intimement liée à l'offre et par conséquence àl'organisation du système de soins. La compréhen-sion du dispositif actuel ne peutse faire que si l'on appréhende les principales étapes de sa construction.Longtemps l'offre de soins a été presque exclusivement limitée à une offrepublique reposant sur une logique «Beveridgienne»: ouverte à tous, financée parl'impôt et gratuite, alors que l'offre libérale, non remboursée donc nonconcurrentielle, ne pouvait se développer et restait «anecdotique».Le système a été mis en place dans la deuxième moitié du XIXème siècle parl'administration coloniale et confié aux militaires, jusqu'en 1984, date de la reprisepar la Polynésie française, de l'organisation du système de santé. Cette fin depériode a été marquée notamment par l'individualisation du Centre hospitalier de laPolynésie française (CHPf), sorti de la Direction de la santé et transformé enétablissement public en 1983. Le développement de l'offre libérale a été permis parla création en 1957 de la Caisse de compensation…, reposant sur une «logiqueBismarckienne», où la prise en charge des soins est réservée à une partie de lapopulation (les travailleurs salariés) qui finance elle-même la majeure partie des*Direction de la santé, Ministère de la santé et de la solidarité, Tahiti – Polynésie française.


36 SANTE EN POLYNESIE FRANCAISEprestations par ses cotisations alors qu'une partie reste à la charge du patient(«ticket modérateur» censé limiter la demande).Mais comme souvent, les grandes réformes ne s'accompagnent pas d'uneréflexion théorique aboutie. Elles ne suppriment pas les systèmes antérieurs et leslaissent coexister, sans que les règles de cette cohabitation ne soient clairementposées.Ainsi le Territoire a maintenu et même développé une offre de soins deproximité par un réseau de centres de santé sur l'île de Tahiti et dans les archipels,par le développement de structures hospitalières (Uturoa, Taiohae, Taravao et<strong>Mo</strong>orea) et par la création progressive de plusieurs services spécialisés (hygiènedentaire, protection infantile, protection maternelle, …). Pendant ce temps, l'offrelibérale se développait progressivement. Bien qu'accessibles à tous, les soins n'yétaient pris en charge que pour les seuls cotisants (salariés). Les fonctionnairesd'État, les professionnels libéraux et les «indigents» s'en trouvaient exclus de fait.De même, certains salariés ne pouvaient y avoir accès, faute d'offre de proximité, etcotisaient sans contrepartie.Un deuxième tournant important est intervenu en 1995 avec l'instauration de laProtection sociale généralisée (PSG) qui a assuré la même prise en charge pourtous. Un des éléments des accords de l'époque a été l'alignement du tarif des actespris en charge à 80% par la Caisse de prévoyance sociale (tarifs de responsabilité)sur les «tarifs syndicaux» en vigueur. Le reste à charge des ménages en était réduitd'autant et rendait l'accès au secteur libéral plus facile. Comme par ailleurs, «lalongue maladie» s'est développée avec une prise en charge à 100% des actes, l'offrelibérale s'est développée pour pouvoir répondre à la demande (et réciproquementl'accroissement de l'offre a généré l'explosion de la demande).Une autre mesure a été le paiement par la Caisse de prévoyance sociale au Pays,des actes réalisés par les structures publiques au profit de ses ressortissants (sur destarifs fixés par arrêté en 1996 et jamais révisés).Il n'est pas inutile de rappeler que la Caisse de protection sociale (C.P.S.) n'estque l'organisme gestionnaire des trois régimes de protection sociale (salariés, nonsalariéset de solidarité) dotés chacun d'un organisme délibérant (conseild'administration ou comité de gestion).II QUELLE LOGIQUE POUR L'ORGANISATION ACTUELLE?A ce stade, il devient difficile de comprendre sur quelle logique repose lesystème de santé actuel.La finalité est-elle d'avoir, à l'instar de ce qui se fait en métropole, une offreambulatoire purement libérale financée par les cotisations, et, pour les exclus du


LA CONSOMMATION DE SOINS EN POLYNESIE FRANCAISE EN 2009 37système, par l'impôt–comme la couverture médicale universelle (CMU)? Dans ceschéma, l'offre publique devrait se limiter à pallier l'insuffisance du secteur libéralet se retirer dès que celui-ci est à même de répondre à la demande.Ou l'offre publique a-t-elle une population cible particulière, comme les laisséspour compte de la société, ou peut être un rôle propre? Dans ce sens, la CPS atoujours refusé d'assurer le remboursement des vaccins, estimant qu'il s'agit deprévention et que celle-ci relève du Pays. Par ailleurs, les médecins libérauxn'organisent que très rarement un système de permanence de soins, en laissant lacharge aux structures publiques, même lorsqu'il ne s'agit pas de structureshospitalières (ISLV – hors Raiatea).III LES PARTICULARITES DU SYSTEME POLYNESIENA La Première CaractéristiqueCette confusion a donné à la consommation de soins en Polynésie française destraits particuliers, dont un des principaux est la coexistence de deux systèmesreposant sur des financements différents et soumis à une gouvernance incertaine.La CPS finance directement les établissements hospitaliers (CHPf et cliniques)et le secteur ambulatoire libéral alors que le Pays finance intégralement laDirection de la santé et ses hôpitaux périphériques.L'offre hospitalière, publique (CHPf) et privée (cliniques), bénéficie d'unfinancement quasi exclusif par l'organisme de protection sociale, sous forme d'unedotation globale de fonctionnement (DGF), enveloppe fermée déterminée dans lecadre des décisions budgétaires, en fin d'année précédente et d'une enveloppe «horsdotation» pour certains actes non intégrés dans la DGF telles les consultations etles examens pour les consultants externes. Le Pays accorde une subvention auCHPf pour ses missions spécifiques (école de sage-femme, SAMU) maiségalement pour le fonctionnement de l'hôpital psychiatrique depuis son intégrationau CHPf en 2003 et pour le centre de transfusion sanguine jusqu'en 2009.Le secteur ambulatoire libéral, bien que se voyant fixé conventionnellementchaque année, des objectifs d'honoraires et de prescriptions déterminés, dispose enfait d'un «guichet ouvert».Le secteur public, hors CHPf, se voit doté d'un budget annuel par l'Assembléede Polynésie française, bien plus rigoureuse que la CPS sur les montants alloués, etdispose de ce fait d'une enveloppe fermée, non liée à l'activité qu'elle produit.


38 SANTE EN POLYNESIE FRANCAISEB La Deuxième CaractéristiqueLa deuxième caractéristique du système est l'existence de centres de santépublics. Alors qu'en métropole, il n'existe que quelques dispensaires municipaux oumutualistes, ces centres de santé représentent une offre essentielle en Polynésiefrançaise, voire même la seule dans de nombreuses îles.Ils ont la particularité d'être de typologie et de dimensionnement variables(hôpitaux avec ou sans chirurgie, avec ou sans possibilité d'accouchement, centresmédicaux, infirmeries, voire postes de secours) selon la taille de la populationdesservie. Ils ont également la particularité d'agir autant dans le domaine curatifque préventif (hygiène dentaire, hygiène scolaire, protection maternelle et infantile,…).C La Troisième CaractéristiqueLa troisième caractéristique est l'existence, depuis 1998 d 'un système derégulation des professionnels de santé libéraux basé sur la limitation desconventionnements accordés par la CPS, après avis préalable d'une commission derégulation.1 Les professionnels de santéHormis les sages-femmes, (1,5 fois plus nombreuses), les professionnels desanté sont beaucoup moins nombreux qu'en métropole, mais à un taux voisin decelui de la Nouvelle-Calédonie.Leur répartition est très inégale selon les zones géographiques. La zone urbainede Papeete concentre une très grande partie des professionnels de santé et présentemême une densité médicale (379) plus élevée que celle de la métropole (340). Elleest de 234 po ur l'ensemble de la Polynésie française mais de 70 sur le reste deTahiti.Dans les archipels éloignés (Tuamotu-Gambier, Marquises, Australes, Maupitiet Maiao), où demeure la liberté de conventionnement, le niveau de densitémédicale est le plus bas (68) et encore la moitié d'entre eux sont basés dans la petitestructure hospitalière de Taiohae.2 La consommation de soinsIl est impossible de réduire la consommation de soins à quelques donnéeschiffrées, tant elle est diversifiée. Néanmoins, certaines données permettent unepremière approche de celle-ci.


LA CONSOMMATION DE SOINS EN POLYNESIE FRANCAISE EN 2009 392009 a été marqué par le passage de deux épidémies, la dengue IV en débutd'année, puis la grippe H1N1, qui ont généré une augmentation de laconsommation de soins, essentiellement ambulatoires.3 L'hospitalisationIl y a eu plus de 38 000 hospitalisations et 14 000 hospitalisations de jour en2009, générant au total 226 000 journées d'hospitalisation. L'hospitalisation de jourreprésente 1/3 des séjours.Le CHPf effectue plus de la moitié des hospitalisations. Les hôpitauxpériphériques de la Direction de la santé représentent 14% des hospitalisations.Mais tant que les établissements ne disposeront pas tous d'un système d'informationperformant, on ne pourra connaître le «poids» de l'activité de chacun d'entre eux.Seul le secteur public offre une prise en charge lourde (réanimation générale,hémodialyse, néonatologie, ..) ou spécialisée (hospitalisation psychiatrique et longséjour).Alors que l'offre d'hospitalisation MCO (médecine, chirurgie, gynécoobstétrique)est satisfaisante, l'hospitalisation spécialisée est largement insuffisante:taux d'occupation de 116 en psychiatrie adulte, pas d'offre en psychiatrie infantile,pas de moyen séjour, longue liste d'attente en long séjour.Activité de l'hospitalisation générale en 2009Nbre hospitalisésNbre journées en Durée moyenne de Nbre journées enhosp. complète séjourhosp. de jourCHPF 20 806 113 102 5,4 6 042Hôpitaux périphériques 5 166 23 448 4,5Clinique Paofai 5 051 16 375 3,2 4 053Clinique Cardella 5 836 25 508 4,4 2 710Centre Médical Mamao 0 0 1 302TOTAL 36 859 178 433 14 107


40 SANTE EN POLYNESIE FRANCAISEActivité de l'hospitalisation spécialisée en 2009NbrehospitalisésNbrejournéesPsychiatrie 1 345 27 091Long séjour 14 6 6114 L'activité ambulatoireIl est difficile de donner une idée de l'activité des professionnels de santé àpartir de quelques chiffres. Elle se décompose en actes identifiés par une lettre clé(consultation: C, acte infirmier: AMI, …) et affectés d'un coefficient variable selonla difficulté, la durée, le prix de revient, …Seule l'activité de consultation est relativement aisément mesurable: il y a euplus d'un million de consultations médicales dispensées en 2009, dont 640 000dans le secteur libéral.Dans les structures de la Direction de la santé ont été également dispensées125 000 consultations par les «services de prévention» (hygiène scolaire, hygiènedentaire, protection maternelle et infantile). Et particularité de la Polynésiefrançaise: les infirmiers exerçant en poste isolé, en l'absence de médecins, ontassuré 105 000 consultations.L'activité des professionnels de santé libéraux est fournie par les relevés de laCPS Ainsi, pour leur part, les sages-femmes libérales ont effectué plus de 50 000consultations et soins, les masseurs kinésithérapeutes plus de 400 000 actes et lesinfirmiers plus de 2 200 000.Les autres activités du système de santé sont plus difficiles à mesurer: la veillesanitaire, les actions de dépistage, de prévention, de promotion de la santé, l'activitédu Centre d'hygiène et de salubrité publique …Par contre l'activité de formation professionnelle est facilement déterminable:l'Institut de formation aux professions de santé a mené à son terme une promotiond'infirmiers diplômés d'État et une promotion d'aides-soignants.


41DEFICIT DES LEGISLATIONS DESPROFESSIONS DE SANTE EN POLYNESIEFRANCAISEXavier Malatre ∗L'observation du déficit de législation des professions de santé en Polynésiefrançaise est faite en référence au Code de la santé Publique (France) qui n'a pasd'équivalent en Polynésie française. La recherche de textes réglementairesPolynésiens est effectuée sur le site LEXPOL (www.lexpol.pf).ILES PROFESSIONS DE SANTE CE SONTLes professions de santé ce sont:- Les professions médicales: médecins, chirurgiens dentistes et sages femmes- Les pharmaciens, et préparateurs en pharmacie et préparateurs en pharmaciehospitalière- Les auxiliaires médicaux: infirmiers, masseur-kinésithérapeute, pédicurepodologue,ergothérapeute, psychomotricien, orthophoniste, orthoptiste,manipulateur d'électroradiologie médicale, technicien de laboratoire médical,audioprothésiste, opticien-lunetier, prothésiste, orthésiste, diététicien, aidessoignants,auxiliaires de puériculture et ambulanciers.IILA LEGISLATION DES PROFESSIONS DE SANTE ENCADREA Au Niveau Législatif et RéglementaireExercice: conditions à remplir pour pouvoir exercer (diplôme, inscription,enregistrement)Organisation de la profession: déontologie, ordre aux niveaux national et local,chambre et procédures disciplinaires.∗Ministère de la Santé, Direction de la Santé, Département Planification et Organisation des Soins.


42 SANTE EN POLYNESIE FRANCAISEB Quelques aspects des professions relèvent d'autres textes- Les statuts des salariés sont posés dans des conventions collectives, descontrats individuels voir pour la fonction publique dans des textes de portéeréglementaire. (statut de la fonction publique de la Polynésie française, filière santétome 3), détachés de la fonction publique d'Etat ou territoriale ou hospitalière,corps d'emploi de l'administration pour la Polynésie française, agents nonfonctionnaires de l'administration, salariés de clinique.)A noter: La juxtaposition dans le même service d'agents ayant la même fonction maisrelevant de statuts différents (droits à congés, rémunérations accessoires, indemnitésdiverses etc…) représente une complexité de gestion pour l'employeur et génère unmalaise social. Cette difficulté n'est pas propre à la Polynésie française mais elle yest importante.- L'exercice libéral fait l'objet dans la plupart des cas de conventions négociéesentre les professionnels concernés et la Caisse de Prévoyance sociale. Cesconventions posent un certain nombre d'engagement réciproques, de règles debonnes pratiques et de suivi de la convention et fixent les tarifs des prestations. Lespraticiens non conventionnés sont soumis à un tarif dit d'autorité, fixé par voieréglementaire par le gouvernement.C La situation en Polynésie françaiseLe statut d'autonomie de la Polynésie française dispose qu'en matière de santé leniveau législatif est une compétence partagée avec l'Etat. Les évolutionslégislatives françaises nécessitent, pour être appliquées en Polynésie française, uneextension par ordonnance. Une loi du pays peut compléter le dispositif, l'adapter(cas de la profession de sage femme en 2009) ou combler un vide (les infirmiers,en 2009 également). On peut noter par exemple que les dispositions introduites auniveau législatif par la loi de juillet 2009 (Loi Hôpital Patient Santé Territoire) enfaveur du «développement professionnel continu» n'existent pas en Polynésiefrançaise. Il en est de même pour les dispositions relatives à l' Accréditation de laqualité de la pratique professionnelle des médecins, plus anciennes puisquepostulées en août 2004 ( Loi n°2004-810 du 13 a oût 2004 relative à l'assurancemaladie).Au niveau réglementaire, la Polynésie française est compétente pour préciser lesdispositions prévues au niveau législatif, soit à travers des délibérations del'Assemblée de la Polynésie française (Code de déontologie des infirmiers parexemple) ou à travers des arrêtés pris en conseils des ministres (arrêté relatif auxactes professionnels des infirmiers). C es règles évoluent en Métropole creusant


DEFICIT DES LEGISLATIONS DES PROFESSIONS DE SANTE 43l'écart (les infirmiers ont le droit, en France, de prescrire quelques dispositifsmédicaux, ce n'est pas encore précisé par arrêté en Polynésie française).* Pour les professions médicales, c'est l'ordonnance 45-2184 du 24 septembre1945 qui est le fondement législatif. Elle est rendue applicable, notamment enPolynésie française par le Decret n° 52-964 du 28 juillet 1952.Deux exemples- le code de déontologie médicale applicable en Polynésie française est posédans une délibération datant d'octobre 1996. En métropole, le code de déontologiefait l'objet d'un décret en conseil d'Etat.Art 77 en Pf: « Dans le cadre de la permanence des soins, c'est un devoir pourtout médecin de participer aux services de garde de jour et de nuit ».Art 77 en France: «Il est du devoir du médecin de participer à la permanencedes soins dans le cadre des lois et des règlements qui l'organisent.»La nuance est importante, en France pendant quelques années, seuls lesmédecins volontaires participaient à la permanence des soins.- la loi de pays 2009-14 APF du 3 août 2009 et quelques arrêtés afférents ontpermis, pour la profession de sage femme d'une part de combler un écart decompétence (réalisation de certaines vaccinations, prescription de certainsdispositifs) qui s'était creusé et d'autre part d'étendre les compétences des sagesfemmes en matière de dépistage des cancers gynécologiques et en matière deprotection infantile pour les sages femmes exerçant dans les structures de ladirection de la santé et ayant bénéficié d'une formation spécifique.* Pour la profession de pharmacien, c'est la Loi 54-418 du 15 avril 1954 quireprésente le fondement en rendant applicable notamment en Polynésie françaisecertaines dispositions du code de la santé publique relatives à l'exercice de lapharmacie. Plus de trente ans plus tard, la délibération n° 88-153 AT du 20 octobre1988 encadre l'exercice de la pharmacie en Polynésie française. Elle est modifiéeen 2001, 2002, 2003 et 2004.Ici aussi, les évolutions Françaises ne sont pas automatiquement répercutées.- Par exemple, la profession de préparateur en pharmacie hospitalière n'est pasencore identifiée en Polynésie française.- Les Pharmacies à usage intérieur ne sont pas encadrées en Polynésie françaisecomme elles le sont en France (dans la 5° partie du CSP: Produits de santé).


44 SANTE EN POLYNESIE FRANCAISE* Pour les auxiliaires médicaux–La profession d'infirmier (# 1200 en Pf) est encadrée par la loi du pays n° 2009-2 du 28 J anvier 2009 r elative à la profession d'infirmier en Polynésie française.Sont posés, les conditions d'exercice (diplôme, inscription au tableau de l'ordre etenregistrement à la Direction de la santé), l'organisation de la profession avec lamise en place d'un ordre et de son conseil. On remarquera au passage qu'il existedonc un Ordre des infirmiers en Polynésie française, dont le premier conseil a étéélu début septembre, alors que ce n'est pas le cas pour les pédicures podologue nipour les masseur kinésithérapeute. Les professionnels concernés n'ont pasmanifesté spontanément d'intérêt à ce sujet. Les règles professionnelles del'exercice infirmier sont posées notamment dans le code de déontologie desinfirmiers qui fait l'objet de la deliberation n° 2009-14 APF du 14 mai 2009.l'Arrete n° 449 CM du 2 avril 2009 relatif aux actes professionnels et à l'exercicede la profession d'infirmier définit le rôle propre des infirmiers et les actes qu'ilssont habilités à réaliser soit dans le cadre de leur rôle propre soit en applicationd'une prescription médicale.La problématique des infirmiers dits consultants, qui concerne peu d'individus afait l'objet d'un projet de loi du pays soumis aux avis, notamment du Haut conseil.Ces auxiliaires médicaux, isolés, sont amenés à exercer la médecine (poser undiagnostic, prescrire un traitement) et la pharmacie (délivrer des traitements). Cesexercices sont aujourd'hui illégaux. Le Haut conseil recommande donc à laPolynésie de modifier l'ordonnance n° 45-2184 du 24 septembre 1945 r elative àl'exercice et à l'organisation des professions de médecin, de chirurgien-dentiste etde sage-femme. Il doit être fait de même pour la délibération n° 88-153 AT du 20octobre 1988 qui encadre l'exercice de la pharmacie. Le projet sera repris dans cesens et soumis aux avis des instances nationales compétentes pour ces professions.Les conditions d'exercice et les modalités d'organisation des nombreuses autresprofessions d'auxiliaires médicaux sont rarement définies dans un texte de portéeréglementaire en Polynésie française.C'est le cas pour les opticiens-lunetiers (Délibération n° 78-20 du 2 f évrier1978) ou pour les diététiciens (Délibération n° 88-155 AT du 20 octobre 1988).Pour la plupart d'entre elles, seul le statut de la fonction publique définit uncadre d'emploi soit spécifique,- les manipulateurs d'électroradiologie constituent un cadre d'emplois médicotechniques de catégorie B- le cadre d'emploi des assistants qualifiés de laboratoire dans lequel on retrouveles laborantins d'analyse médical


DEFICIT DES LEGISLATIONS DES PROFESSIONS DE SANTE 45soit par regroupement:- le cadre d'emploi des «rééducateurs» inclue les pedicures-podologues, lesmasseur-kinésithérapeute, les ergothérapeute, les psychomotriciens, lesorthophonistes, les orthoptistes et les diététiciens.- celui des «auxiliaires de soins», regroupe les professions de santé d'auxiliairede puériculture ou d'aide soignant, et des professions non répertoriées par le Codede la santé publique comme les aides medico-psychologiques et les adjoints desoins.Pour quelques unes, il ne semble pas exister de référence réglementaire enPolynésie française. C'est le cas des ambulanciers, audioprothésiste, prothésistes etorthésiste.L'absence de cadre réglementaire définissant les conditions d'exercice oumodalités d'organisation de la profession ne nuit pas, de fait, à l'existence deconventions entre certaines de ces professions et la CPS (orthophoniste, masseurkinésithérapeute,pédicure-podologue, …) dans le cadre d'un exercice libéral.IIILES PROFESSIONS DE SANTE DANS LE CODE DE LA SANTEPUBLIQUEQuatrième partie du Code de la santé publiqueLivre préliminaireCoopération entre professionnelsGestion du fonds de développement professionnel continuReprésentation des professions de santé libéralesLivre I: Professions médicalesExercice des Professions médicales (conditions générales, inscription autableau …)Organisation des Professions médicales (ordres, déontologie, chambresdisciplinaires)Profession de médecinConditions d'exerciceProfession de chirurgien dentistes Règles d'organisation,Profession de sage-femmeDéveloppement professionnelDisposition pénalesExercice illégal; Usurpation de titre; autres dispositions pénalesLivre II: Professions de la Pharmacie<strong>Mo</strong>nopole des pharmaciensExercice de la profession de pharmacienOrganisation de la profession de pharmacien


46 SANTE EN POLYNESIE FRANCAISEProfessions de préparateur en pharmacie et de préparateur en pharmaciehospitalièreLivre III: Auxiliaires médicaux, aides-soignants, auxiliaires de puériculture etambulanciersProfession d'infirmier ou d'infirmièreExercice, Organisation, …Professions de masseur-kinésithérapeute et de pédicure-podologueProfessions d'ergothérapeute et de psychomotricienProfessions d'orthophoniste et d'orthoptisteProfessions de manipulateur d'électroradiologie médicale et de technicien delaboratoire médicalProfessions d'audioprothésiste, d'opticien-lunetier, de prothésiste et d'orthésistepour l'appareillage des personnes handicapéesProfession de diététicienAides-soignants, auxiliaires de puériculture et ambulanciersLivre IV: Mayotte, îles Wallis et Futuna et Terres australes et antarctiquesfrançaises, Nouvelle-Calédonie et Polynésie françaiseTitre IV: Nouvelle-Calédonie et Polynésie françaiseProfessions médicales. (Articles L4441-1 à L4441-22)Dispositions pénales. (Article L4442-1)Professions de la pharmacie. (Articles L4443-1 à L4443-6)Noter:1) Ces dispositions étendues à la Polynésie française concernent les dispositifs deschambres disciplinaires.2) Ils ont fait l'objet d'ordonnances en 2000, en 2003 et en 2010.3) Il n'existe pas encore de dispositif semblable pour la profession des infirmiers.


DEFICIT DES LEGISLATIONS DES PROFESSIONS DE SANTE 47Enregistrement des diplômes à la DS (extraits)Noter: les professions pointées (regard du Code de la santé publique) ne sont pas des professions de santé, au


48 SANTE EN POLYNESIE FRANCAISE


49L'EXPLOSION DES DEPENSES DESANTE: ECLAIRAGES POUR UNEREFORMEFlorent Venayre *Depuis quelques années, des signaux alarmants, relayés par les médiaspolynésiens, nous informent régulièrement des dangers encourus par le système desanté de la Polynésie française. Son financement semble être de moins en moinsassuré et les menaces de son effondrement se font jour. Nous nous proposons danscet article de caractériser les difficultés rencontrées par le financement du systèmede santé dues, particulièrement, à l'explosion du niveau des dépenses de santé.Les bases de travail ne sont cependant pas évidentes. Peu de sources de donnéessont en effet disponibles sur la question en Polynésie française. La première sourcede données sur les dépenses de santé provient de la caisse de prévoyance sociale(CPS). Elle a le mérite d'être «historique», au sens où il est possible d'accéder à unemesure des dépenses de santé depuis la mise en place de la protection socialegénéralisée (PSG) en 1995.Néanmoins, cette évaluation est basée sur le travail de collecte effectué par laCPS, qui ne prend pas en compte l'intégralité de tous les coûts qui constituent lesdépenses totales de santé. Ces chiffres conduisent donc à sous-estimer la réalité dupoids du secteur de la santé au sein de l'économie polynésienne. Pour ces motifs, laDirection de la santé a souhaité procéder à une évaluation plus complète – ce que laCPS n'était pas en mesure de réaliser – en intégrant tous les coûts qui constituent,directement ou indirectement, des dépenses de santé pour la collectivité 1 .Les résultats obtenus par cette seconde source d'information sont ainsisensiblement différents des seules dépenses que la CPS, en tant qu'organisme degestion, était en mesure de comptabiliser. Ils permettent de mettre en exergue un* Maître de conférences en Sciences économiques, Université de la Polynésie française etLAMETA, Université de <strong>Mo</strong>ntpellier.1 Voir la contribution du directeur de la santé, M Dominique Marghem, dans ce même ouvragepour des informations plus détaillées sur la constitution des comptes de la santé.


50 SANTE EN POLYNESIE FRANCAISEpoids réel de la santé beaucoup plus important que ce qui pouvait être appréhendéauparavant.Ainsi, pour l'année 2008, les comptes de la santé évaluent les dépenses totalesde santé à 71,7 milliards de Fcfp, tandis que la CPS ne pouvait en recenser, pour lamême année, que 48,4 milliards. Malheureusement, la production des comptes dela santé est très récente, et nous ne disposons donc de ces chiffres que pour 2008 et2009, ce qui ne permet pas une visualisation des évolutions de moyen ou longterme 2 .En l'état des sources d'information disponibles, nous proposons de caractériserl'évolution des dépenses de santé de la Polynésie française depuis la réforme de laprotection sociale généralisée et de la mettre en perspective avec les autrescollectivités ou pays du Pacifique, ainsi qu'avec la progression des richesses de laPolynésie (1).L'explosion des dépenses de santé ainsi mise en évidence souligne les difficultésd'équilibre financier du système de santé. Cela conduit à s'interroger, de manièreplus générale, sur les modalités d'organisation du financement d'un système desanté, en relation avec ses performances (2), mais aussi en relation avec lasatisfaction des assurés que le système est censé servir (3). L'article se propose deconclure sur un essai de prévision des dépenses de santé, en dépit des difficultésstatistiques importantes soulignées plus haut (4).I EVOLUTION COMPARATIVE DES DÉPENSES DE SANTÉEn 1995, la Polynésie française a adopté une grande réforme visant à étendre lesystème de protection sociale à l'ensemble des Polynésiens, notamment en matièrede dépenses de santé.La PSG a ainsi été mise en place, gérée par un organisme unique – la CPS –,fixant un taux de remboursement élevé, contre l'avis même, à l'époque, de certainsprofessionnels du secteur qui avaient anticipé les difficultés de financement à venirde ce nouveau système de santé.Depuis cette réforme profonde, le taux de couverture des Polynésiens esteffectivement passé de 71,7 % fin décembre 1994 à 98,3 % fin décembre 2010 3 , et2 A titre de remarque, cela renvoie plus généralement à un problème récurrent dans bien desdomaines qui est la faiblesse de l'outil statistique en Polynésie française, lui-même lié à l'absencede culture d'évaluation des politiques publiques.3 Ce sont ainsi 264 096 Polynésiens qui sont couverts par la PSG au 31 décembre 2010. Voir: CPS,2011 «Evolution de la couverture sociale de 1994 à 2010» www.cps.pf.


L'EXPLOSION DES DEPENSES DE SANTE: ECLAIRAGES POUR UNE REFORME 51l'explosion des dépenses de santé corollaire pose des problèmes de financement telsque l'avenir du système social polynésien en devient compromis 4 .La très forte progression des dépenses de santé, observée continûment depuisl'instauration de la PSG, a été très largement supérieure à l'évolution du PIB sur lamême période. Une véritable déconnexion des tendances peut s'observer (voirgraphique 1).Cela est d'autant plus préoccupant que l'on observe une croissance réelle du PIBextrêmement faible depuis 2002, et que, compte tenu du développementdémographique, le PIB par tête a tendance à se réduire progressivement, certes à unniveau faible. Les effets de la crise économique subie par la Polynésie françaisedepuis 2008 viennent encore renforcer l'aspect alarmant des précédents constats.On voit d'après le graphique 1 que le PIB connaît sur la période 1996-2008 uneaugmentation de 48,5 %, tandis que les dépenses de santé observent unaccroissement de 124,3 %, soit une progression deux fois et demi plus forte. Onpeut par ailleurs remarquer que la progression des dépenses de santé affiche uneconstance très prononcée 5 , ce qui laisse présager que cette évolution se maintiendradans les années à venir, en l'absence de mesures spécifiques destinées à endiguer lephénomène.Graphique 1: Evolution comparée du PIB et des dépenses de santé enPolynésie françaiseSources: Données CPS pour les dépenses de santé et ISPF pour le PIB.Remarques:4 Voir: T Bambridge, F Venayre et J Vucher-Visin «Les défis sociaux de la Polynésie française»(2010) 16 <strong>Revue</strong> Juridique Polynésienne, 41-68.5 Nous reviendrons sur l'analyse de cette question dans la quatrième partie de cet article.


52 SANTE EN POLYNESIE FRANCAISE• Les données définitives pour le PIB de 2007 et 2008 n'étant pas officiellementconnues, elles ont ici été générées à partir des taux de croissance fournis par lestravaux des Etats-généraux de l'outremer, ce qui conduit à une estimation de550,289 milliards de Fcfp pour 2007 et 551,940 milliards de Fcfp pour 2008.• Les calculs ont été effectués avec une base 100 en 1996 pour les deux séries.Au-delà de cette mesure en valeur monétaire courante, il est intéressant de voircomment évoluent les dépenses de santé polynésiennes exprimées en points dePIB, et de les comparer aux dépenses calédoniennes. La Nouvelle-Calédonieprésente en effet des similitudes fortes avec la Polynésie française, aussi bien entermes de richesse que de démographie.Le graphique 2 mesure ainsi les dépenses de santé en pourcentage du PIB, pourles deux collectivités françaises du Pacifique, et représente l'évolution de ce tauxsur la période 2001-2006, avec comme base 100 en 2000 dans les deux cas.On constate que les deux collectivités ont connu une augmentation proche, etassez marquée, de la proportion des dépenses de santé dans le PIB entre 2000 et2001.Dans les deux années suivantes, alors que la Nouvelle-Calédonie voyait la partde sa richesse consacrée à la santé augmenter encore un peu, la Polynésie françaisea connu une stabilité de son ratio, c'est-à-dire que son PIB et ses dépenses de santéprogressait avec la même vigueur.Mais le plus remarquable est le véritable décrochage polynésien observé à partirde 2004, alors même que la Nouvelle-Calédonie semble poursuivre une relativestabilité. Au total, alors que la part de la richesse totale consacrée à la santé neprogresse que de 10 ,2 % en Nouvelle-Calédonie entre 2000 et 2006, elle augmentede plus du double en Polynésie française, pour atteindre 23,1 %, et ce en dépit dessimilitudes des deux collectivités, soulignées plus haut.


L'EXPLOSION DES DEPENSES DE SANTE: ECLAIRAGES POUR UNE REFORME 53Graphique 2: Evolution comparée des dépenses de santé (en pourcentagedu PIB) en Nouvelle-Calédonie et Polynésie françaiseSources: Données CPS pour les dépenses de santé en Polynésie française, ISPF pour lePIB polynésien et ISEE pour la Nouvelle-Calédonie.Remarque: Les calculs sont effectués avec une base 100 en 2000.Lorsque l'on tente de positionner la Polynésie française par rapport à l'ensembledes pays du Pacifique, le constat reste le même: la progression des dépenses desanté polynésiennes est particulièrement accentuée au regard de l'ensemble de sesvoisins.On se propose ainsi d'effectuer une comparaison entre la Polynésie française et15 autres pays du Pacifique 6 . On distingue ici deux groupes de pays: ceux quiconnaissent entre 1996 et 2008 u ne augmentation globale de leurs dépenses de6 Il s'agit de l'Australie, de Fidji, des Iles Cook, des Iles Marshall, des Iles Salomon, du Japon, deKiribati, de Nauru, de la Nouvelle-Zélande, de Palau, de la Papouasie Nouvelle-Guinée, deSamoa, de Tonga, de Tuvalu et du Vanuatu. Les données d'évolution concernant Niue ont étéretirées en raison de leur faible fiabilité statistique. Ainsi, par exemple, les dépenses de santéreprésenteraient 8 % du PIB en 2000, 38,1 % en 2001 et 11,1 % en 2002 selon les donnéesrecueillies par l'OMS. De telles évolutions semblent être plus vraisemblablement dues à d eserreurs de mesures qu'à des évolutions réelles. Or, au-delà de ces quelques exemples, c'estl'ensemble de la série des données de Niue qui semble être sujette à caution, d'où le choix desupprimer cette série. Dans les données conservées, d'autres évolutions semblent parfois trèssurprenantes, comme celle de Kiribati en 2007 ou encore de Tuvalu en 2000, mais nous avonschoisi de les maintenir malgré tout en l'état des données disponibles, dans la mesure où cesobservations ne concernent à chaque fois qu'une partie de la série du pays, contrairement au casde Niue.


54 SANTE EN POLYNESIE FRANCAISEsanté (graphique 3), et ceux qui connaissent au contraire une diminution de cesdépenses (graphique 4).Il s'agit ici de mesures relatives des dépenses, comme dans le cas précédent dela comparaison entre Polynésie française et Nouvelle Calédonie, c'est-à-dire que lesdépenses de santé sont calculées comme un pourcentage du PIB du pays pourl'année en question. Les différentes mesures sont ensuite comparées en utilisant unebase 100 en 1996.Graphique 3: Evolution des dépenses de santé pour les pays du Pacifiqueayant connu une augmentation des dépenses sur la période 1996-2008Sources: OMS pour l'ensemble des pays ; CPS et ISPF pour la Polynésie française.Remarque:• Les dépenses de santé sont appréhendées en points de PIB.• Les calculs sont effectués avec une base 100 en 1996 pour l'ensemble des pays.Le premier groupe de pays, dont les dépenses ont augmenté en valeur relativede la richesse nationale entre 1996 et 2008, fait apparaître une progressionpolynésienne nettement plus forte que celle des autres pays (graphique 3). On peutnoter également la constance de cet accroissement polynésien, qui se retrouve chezles pays les plus développés de la région: Australie, Japon et Nouvelle-Zélande.L'accroissement des dépenses de santé est une tendance partagée par nombre depays dans le monde, et le niveau de développement des pays vient renforcer cettecaractéristique, les populations concernées étant en général en demande forte desoins de qualité. A cet égard, les pays dont la part de la richesse nationaleconsacrée aux dépenses de santé a diminué entre 1996 e t 2008 ( graphique 4)


L'EXPLOSION DES DEPENSES DE SANTE: ECLAIRAGES POUR UNE REFORME 55affichent globalement des évolutions plus erratiques. Par rapport à ces pays,l'évolution polynésienne est plus remarquable encore.Graphique 4: Evolution des dépenses de santé pour les pays du Pacifiqueayant connu une diminution des dépenses sur la période 1996-2008Sources: OMS pour l'ensemble des pays ; CPS et ISPF pour la Polynésie française.Remarques:• Les dépenses de santé sont appréhendées en points de PIB.• Les calculs sont effectués avec une base 100 en 1996 pour l'ensemble des pays.• La Polynésie française, dont les dépenses augmentent, a été ajoutée pour permettreune comparaison.On voit donc que l'évolution des dépenses de santé polynésiennes s'est nonseulement décorrélée de l'évolution de la richesse de la collectivité, mais est enoutre nettement plus marquée que celle des autres pays de la région Pacifique,qu'ils soient de niveau de développement relativement faible ou au contraire plusimportant.La Polynésie française fait ainsi figure de cas particulier, ce qui vient renforcerles inquiétudes soulignées plus haut quant à la pérennisation de son système de


56 SANTE EN POLYNESIE FRANCAISEsanté dans les années à venir. D'autant plus que le vieillissement de la population etla hausse du taux d'obésité devrait accroître la nécessité de soins 7 .En termes absolus, la Polynésie française consacre à l'heure actuelle une partnon négligeable de sa richesse globale au financement de ces dépenses de santé.Comme nous l'avons souligné en introduction, les seuls chiffres disponibles pourmesurer les dépenses de santé ont longtemps été ceux fournis par la CPS.Mais plus récemment, pour les années 2008 et 2009, la Direction de la santé atravaillé à la production des comptes de la santé, intégrant ainsi des dépenses quine pouvaient pas être prises en compte dans les calculs de la CPS, cette dernière nedisposant pas des informations nécessaires à l'intégration de ces dépenses dans lescomptes globaux. Ainsi, pour l'année 2008, nous disposons de deux évaluations desdépenses de santé qui positionnent la Polynésie française de manière très différentepar rapport aux autres pays, comme le montre le graphique 5.Graphique 5: Dépenses de santé en pourcentage du PIB, 2008Sources: OCDE, Eco-santé 2010, et données CPS et Direction de la santé (DS) pour laPolynésie française.Le graphique 5 ne fait apparaître que quelques pays ou groupes de paysréférents présentant un intérêt particulier, en raison de l'importance de leursdépenses (Etats-Unis), de leur proximité démographique (Islande) ou politico-7 On trouvera, concernant les pays de l'OCDE, des informations intéressantes sur le vieillissementet l'obésité dans: OCDE, 2006, «Projecting OECD Health and Long-Term Care Expenditures:What Are the Main Drivers?», Economics Department Working Papers, n°477.


L'EXPLOSION DES DEPENSES DE SANTE: ECLAIRAGES POUR UNE REFORME 57sociale (France) avec la Polynésie française, ou de leur niveau de développement(OCDE, Chili).On voit que tant que les seules données utilisées pour appréhender les dépensesde santé en Polynésie française étaient celles de la CPS, la santé polynésiennepouvait ne pas sembler particulièrement coûteuse au regard de la richesse de lacollectivité 8 . Pour l'année 2008, c'est en effet 8,8 % du PIB polynésien qui estdestiné au financement de la santé, ce qui met la Polynésie française dans unesituation identique à celle de l'Islande ou de l'ensemble des pays de l'OCDE, et lapositionne même à un niveau inférieur à celui de la France. En revanche, lescomptes de la santé viennent maintenant souligner un niveau de dépenses relativesplus important que ce qui semblait être, avec 13 % de la richesse de la collectivitéconsacrés à la santé.Cette fois, la Polynésie se trouve alors dans une fourchette haute. Bienqu'encore inférieure aux Etats-Unis, elle supplante de 4 point de PIB les dépensesmoyennes du bloc OCDE ; elle dépasse même la France, pourtant reconnue au seindes pays développés comme un pays au système de santé particulièrementdéveloppé et généreux.II ORGANISATION DU FINANCEMENT ET PERFORMANCE DUSYSTEME DE SANTELe développement des dépenses de santé en Polynésie française poseinévitablement des questions sur les possibilités de financement. A l'heure actuelle,le système de protection sociale cumule en effet les déficits, dans une société où lapression fiscale est déjà relativement élevée.L'organisation mondiale de la santé (OMS) distingue trois critèresinterdépendants pour caractériser le financement d'un système de santé 9 , que nousallons voir brièvement: la collecte des contributions, la mise en commun desressources et l'achat des interventions.Les systèmes de santé peuvent recevoir des fonds de différentes manières:impôts, cotisations obligatoires, cotisations facultatives, paiements directs ou dons.Schématiquement, en matière de collecte des contributions, les pays à revenusélevés utilisent le plus fréquemment les impôts ou les cotisations obligatoires,8 Ce qui n'enlève malgré tout rien aux difficultés rencontrées pour assurer le financement de cesdépenses de santé au regard du système fiscal en place à l'heure actuelle, qui ne permet pasd'éviter les déficits cumulés de l'assurance maladie.9 OMS, 2000, Rapport sur la santé dans le monde, 109.


58 SANTE EN POLYNESIE FRANCAISEtandis que les pays à revenus plus faibles recourent plus facilement aux paiementsdirects 10 . Cela renvoie au taux de couverture de la population.Plus la part de la population couverte par l'assurance maladie est importante, etplus l'accessibilité financière aux soins sera renforcée, le système étant davantagealimenté en ressources 11 .La mise en commun des ressources est une «fonction d'assurance» 12 . Elleassure la répartition du risque entre les assurés en permettant une péréquation descontributions. Notons que lorsque plusieurs caisses existent, comme c'est le cas enPolynésie française, cela peut limiter la mise en commun des ressources, et doncrestreindre l'accessibilité aux soins.Cependant, ce n'est pas nécessairement le cas si une solidarité existe entre cesdifférentes caisses, comme le montre l'exemple français 13 .L'achat des interventions caractérise le versement de fonds d'une caisse à desprestataires, ce qui peut se faire de manière passive, c'est-à-dire en payant lesfactures à leur réception, ou de manière plus active.Cela nécessite alors une stratégie d'achat qui «suppose que l'on recherche enpermanence le meilleur moyen d'augmenter au maximum la performance dusystème de santé en décidant quelles interventions il y a lieu d'acquérir, comment etauprès de qui» 14 .Cela permet alors de rationaliser les dépenses de santé, tout en renvoyant à lanotion d'efficacité du système de santé. Selon Emilie Sauvignet 15 , «dans le systèmefrançais, la fonction d'achat est remplie par l'assuré: celui-ci choisit son prestataire,fait l'avance de frais (sauf tiers-payant et hospitalisation), et est ensuite remboursépar sa caisse d'assurance maladie», ce qui constitue un système similaire à celui dela Polynésie française.Pour caractériser le financement des dépenses de santé, il est commun dedistinguer les dépenses publiques des dépenses privées. Le graphique 6 montre que10 OMS, 2000, op cit, 110.11 E Sauvignet, 2005, «Le financement du système de santé en France: rôle et organisation del'assurance maladie obligatoire», WHO Discussion Paper, n° 1, Department «Health SystemFinancing», Cluster «Evidence and Information for Policy», 41.12 OMS, 2000, op cit, 110.13 E Sauvignet, 2005, op cit, 64-65.14 OMS, 2000, op cit, 111.15 E Sauvignet, 2005, op cit, 68.


L'EXPLOSION DES DEPENSES DE SANTE: ECLAIRAGES POUR UNE REFORME 59les dépenses de santé des pays du Pacifique sont fortement assises sur desfinancements publics.Graphique 6: Dépenses publiques et privées de santé en % du PIB,Pacifique, 2008Sources: OMS et Comptes de la santé 2008 pour la Polynésie française.Remarques:• Les dépenses publiques de santé sont obtenues en cumulant les parts definancement dues à la CPS, le Pays, l'Etat et l'EPAP 16 .• Pour cette seule année 2008, les données de Niue ont été réintroduites.En effet, seuls trois pays ont plus de 30 % des dépenses totales de santé dont lefinancement est de source privée: l'Australie, Fidji et Tonga 17 . En moyenne, pourles pays du Pacifique, les dépenses publiques représentent donc plus de 83 % del'ensemble des dépenses, ce qui se situe sensiblement au-dessus de la moyenne despays de l'OCDE, pour lesquels la part des dépenses publiques est de 72,5 % 18 .La Polynésie française se situe dans la fourchette basse des pays du Pacifique –en utilisant les chiffres fournis par la Direction de la santé.16 Etablissement pour la prévention. Il a cessé d'exister depuis le 31 décembre 2010.17 Et Nauru les atteint presque, avec 29 %.18 Chiffres de 2001, tirés de: OMS, 2004, Rapport sur la santé dans le monde.


60 SANTE EN POLYNESIE FRANCAISELe rôle du financement public en matière de santé est essentiel 19 , notammentpour ce qui concerne la production de biens publics, dont les non acheteurs nepeuvent être exclus de la consommation.C'est par exemple le cas de la lutte contre les maladies transmissibles. De cefait, ce type d'interventions ne saurait être offert par un fonctionnement classiquede marché, en raison de l'absence de rentabilité des opérations en question.Cependant, la dichotomie public / privée n'est pas la meilleure façon decaractériser les performances d'un système de santé, particulièrement pour les soinsde santé individuels.On lui préfère plutôt la différence entre le pré-paiement et les paiements directs,même si les deux distinctions peuvent parfois se recouper, du moins à grands traits.L'OMS indique ainsi que 20 :le financement privé, notamment dans les pays en développement, est largementsynonyme de paiements directs ou de contributions à des caisses d'assurancevolontaire […]. Au contraire, le financement public ou le financement privéobligatoire (à l'aie de l'impôt ou de cotisations à un régime de sécurité sociale) sonttoujours associés au prépaiement.Il y a donc un lien, dans une certaine mesure, entre la proportion du financementprivé des dépenses de santé et l'ampleur des versements directs.Cependant, effectuer une généralisation de l'importance de ce lien ne permet pasd'appréhender pleinement les caractéristiques propres de chaque système de santé.Le graphique 7 permet de relativiser l'importance de ce lien, pour l'ensemble despays du Pacifique, à l'aide des données disponibles auprès de l'OMS. En revanche,il n'existe à ce jour pas de statistique disponible sur la part des versements directsen Polynésie française, qui est donc absente du graphique.19 OMS, 2000, op cit, Chapitre 3, 54-81.20 OMS, 2000, op cit, 111-112.


L'EXPLOSION DES DEPENSES DE SANTE: ECLAIRAGES POUR UNE REFORME 61Graphique 7: Part des versements directs dans les dépenses privées desanté (en % des dépenses totales), Pacifique, 2008–Source: OMS.Remarque: Pour cette seule année 2008, les données de Niue ont été réintroduites.Aide de lecture: Les dépenses privées de l'Australie représentent à peu près un tiers desdépenses totales de santé et se répartissent pour moitié environ de versements directs etpour l'autre moitié de versements d'autres natures.On peut observer sur le graphique 7 que les dépenses privées ne sont pasidentiquement constituées de versements directs.Il est vrai que, d'une manière très générale, les pays du Pacifique ayant les plusforts taux de dépenses privées présentent également les taux de versements directsles plus importants au regard des dépenses totales (Australie, Fidji, Nauru, Tonga).Toutefois, des différences sensibles peuvent parfois apparaître. Ainsi, l'Australieobserve des versements directs sensiblement inférieurs à ceux de Fidji, alors mêmeque leurs dépenses privées représentent environ la même proportion de leursdépenses totales de santé.A l'inverse, les versements directs australiens et japonais sont les mêmes enproportion des dépenses totales, bien que les dépenses privées du Japon soient trèsinférieures à celles de l'Australie (en proportion des dépenses totales).On voit donc que les trois caractéristiques du financement d'un système de santé(collecte des contributions, mise en commun des ressources et achat desinterventions) sont intimement liées. Ainsi, la mise en commun des contributions


62 SANTE EN POLYNESIE FRANCAISEest liée au mode de collecte par l'importance des versements directs. En effet, sitous les paiements étaient directs, il n'y aurait de fait aucune mise en commun, cequi exclurait du système de santé les plus démunis. La réduction des paiementsdirects permet donc d'améliorer l'équité du système de santé.Cependant, dans un objectif d'efficacité économique, il peut être intéressantd'introduire malgré tout une part de versements directs (ticket modérateur), quipermet de réduire la demande de soins, et donc de limiter l'accroissement desdépenses de santé.Cela dit, comme le précise l'OMS, «l'utilisation du ticket modérateur permet derationner l'utilisation d'une intervention donnée, mais elle ne rationalise pas sademande par les consommateurs» 21 .La rationalisation, elle, trouve plus sa source dans une politique stratégique desactes d'achat des interventions.La part des versements directs joue donc un rôle non négligeable, à la fois surl'efficacité et sur l'équité du système de santé. Or l'ampleur des versements directsest également liée au mode de collecte des contributions, et plus particulièrementau taux de couverture de l'assurance maladie. De ce point de vue, nous avons vuque le taux de couverture de la PSG était très important, puisque la PSG bénéficiepresque à l'intégralité de la population polynésienne (98,3 %, cf. supra), ce qui larapproche du cas métropolitain dans lequel toute la population est couverte.Cela dit, si les situations métropolitaines et polynésiennes sont similaires enterme d'assurance maladie obligatoire, elles diffèrent sensiblement concernantl'assurance maladie complémentaire.En France, en 2002, 86 % de la population sont couverts par unecomplémentaire santé. Si l'on ajoute les bénéficiaires de la CMU-C 22 , ce sont 91 %des métropolitains qui sont couverts 23 .A l'inverse, le très faible développement du marché des complémentaires santéen Polynésie française laisse penser que le taux de versements directs pourrait êtreplus élevé qu'attendu. Encore qu'il faille modérer cette remarque par le nombre deprises en charge à 100 % – les «carnets rouges» – qui représentent une part très21 OMS, 2000, op cit, 113.22 Couverture maladie universelle complémentaire.23 E Sauvignet, 2005, op cit, 42.


L'EXPLOSION DES DEPENSES DE SANTE: ECLAIRAGES POUR UNE REFORME 63importante des dépenses globales de santé comparativement au nombre depersonnes concernées 24 .L'importance des mutuelles n'est quoi qu'il en soit pas à sous-estimer dans lefinancement de certaines dépenses de santé. Ainsi, en France, elles financent prèsde 20 % des dépenses de médicaments, consultations et biens médicaux 25 .Au-delà de la question des paiements directs, l'importance du pré-paiement estégalement, comme nous l'avons vu, à souligner. Lorsqu'il faut payer directement aumoment des soins, cela est vecteur d'une exclusion plus probable des assurés lesmoins favorisés. Là encore, nous ne disposons pas des chiffres pour la Polynésiefrançaise. Certes, le tiers payant s'applique par exemple sur les médicaments, mais,contrairement à bien des situations en métropole, ce n'est pas le cas pour lesconsultations.Même s'il faut essayer d'améliorer les performances du système santé et mêmesi on peut tenter de contrôler les dépenses (mais en se gardant des effets perversinduits, c'est-à-dire l'exclusion des moins favorisés, et en gardant en mémoire quenombreuses sont les tentatives qui ont échoué dans le domaine), il reste qu'unequestion fondamentale est celle de la volonté de la population. Si, majoritairement,la population souhaite avoir un système de santé développé, il faudra égalementqu'elle accepte d'en supporter le coût, qu'il s'agisse d'un coût direct ou fiscal.Evidemment, il est important, à ce titre, de pouvoir évaluer la satisfaction desassurés.III DETERMINANTS ET MESURE DE LA SATISFACTION DESASSURES«Le degré de satisfaction des usagers est un élément d'évaluation et de suivi desréformes du système de santé». 26A cet égard, des études ont été menées sur certains pays européens, quimontrent que les degrés de satisfaction des assurés sont très différents d'un pays àl'autre, mais de telles études n'ont pas été menée dans le cas de la Polynésiefrançaise.24 En 2008, les dépenses consacrées aux «longues maladies» représentent près de la moitié desdépenses de santé, pour seulement 11,8 % de la population couverte. En moyenne, les dépensesde santé sont multipliées par 10 pour un patient en longue maladie. Voir: CESC, 2010, Rapportsur la réforme de la protection sociale généralisée, n° 145, présenté par P Galenon, 20 août, 116,pages 14 et 15.25 E Sauvignet, 2005, op cit, 71.26 E Jakubowski et R Busse, 1998, Les systèmes de santé dans l'UE – Une étude comparative,Document de travail, Parlement européen éd, 39.


64 SANTE EN POLYNESIE FRANCAISECependant, les travaux existants, ou les données existantes, permettent de mettreen exergue certains déterminants de la satisfaction des assurés, qui peuvent aider àsituer à grands traits le système de santé polynésien.Elias <strong>Mo</strong>ssialos 27 a ainsi travaillé sur des données de satisfaction issues desconsommateurs de l'Europe des 15, desquelles il ressort que les pays du sud del'Europe sont moins satisfaits de leur système de santé. Gianfranco Domenighetti 28s'est inspiré de ce travail de E. <strong>Mo</strong>ssialos pour l'appliquer à la satisfaction desSuisses quant à leur système de santé.Il ressort de ces études qu'il existe un lien positif entre le niveau des dépenses desanté et la satisfaction des assurés à l'égard de leur système de santé. Plusprécisément, la satisfaction des assurés augmente avec les dépenses de santé partête, comme le confirme Stefan Hakansson 29 . En revanche, les dépenses de santé,exprimées en points de PIB, semblent être moins pertinentes pour rendre compte dela satisfaction des consommateurs, selon Jürgen Kohl et Claus Wendt 30 .Ce lien entre satisfaction des usagers et dépenses de santé n'est pasparticulièrement surprenant, au sens où plus les dépenses de santé sont importantes,plus les infrastructures de soins doivent être développées, ce qui va dans le sens dela demande croissante des populations. Néanmoins, nous avons vu que d'autresparamètres du financement des dépenses de santé pouvaient jouer un rôle importantsur la structure du système de santé, comme la répartition entre les financementspublics et privés, ou encore le niveau des versements directs effectués.Il n'est donc pas improbable que ces paramètres soient également en relationavec le niveau de satisfaction des consommateurs de soins. Concernant laproportion des dépenses publiques au sein des dépenses totales de santé, un résultatde J. Kohl et C. Wendt 31 semble corroborer l'existence d'une liaison avec lasatisfaction du public. Les auteurs montrent en effet que dans les pays où lesdépenses publiques de santé sont plus fortes, la population soutient plus l'idée quel'Etat doit jouer un rôle étendu dans le système de santé.27 E <strong>Mo</strong>ssialos, 1997, «Citizens Views on Health Care Systems in the 15 Member States of theEuropean Union», Health Economics, Vol 6(2), 109-116.28 G Domenighetti, 1997, «Estime des Suisses pour leur système sanitaire – Comparaison avec lespays de l'UE», Sécurité Sociale, Vol. 5, 279-281.29 S Hakansson, 2000 «Productivity Changes After Introduction of Prospective Hospital Paymentsin Sweden», CASEMIX, Vol 2, n° 2, June, 47-57.30 J Kohl and C Wendt «Satisfaction with Health Care Systems – A Comparison of EU Countries»in W Glatzer, S von Below and M Stoffregen (eds) Challenges for Quality of Life in theContemporary World (Kluwer Academics Publishers, Netherlands, 2004) 311-331.31 J Kohl and C Wendt, 2004, op cit.


L'EXPLOSION DES DEPENSES DE SANTE: ECLAIRAGES POUR UNE REFORME 65Cela laisse entendre que la population ferait d'autant plus confiance à l'Etat pourgérer le système de santé qu'il le fait déjà, ce qui pourrait être interprété comme unesatisfaction accrue des assurés lorsque la proportion des dépenses publiques dansles dépenses totales de santé est plus élevée.Cela dit, quelques pays, comme l'Autriche, la Belgique et le Luxembourg,obtiennent à l'inverse un soutien de la population en accroissant les dépensesprivées, toujours selon J. Kohl et C. Wendt.Il pourrait donc être intéressant de croiser directement le niveau de satisfactiondes assurés avec la part des dépenses privées de santé, pour tenter de déterminer lacorrélation existant entre ces deux variables.On se propose pour cela d'utiliser un panel de 16 pa ys pour lesquels nousdisposons de la mesure de la satisfaction des assurés, à l'aide des travaux de E.<strong>Mo</strong>ssialos et G. Domenighetti. Les bases de données de l'OMS pour l'Europefournissent les informations nécessaires en termes de dépenses totales, publiques etprivées. Le tableau 1 regroupe l'ensemble des informations ainsi collectées 32 .Tableau 1: Satisfaction des assurés et caractéristiques des dépenses desanté de 16 pays d'EuropeSatisfaits(%)Mécontents(%)DT(% du PIB)Dpub(% DT)Dpriv(% DT)VD(% DPriv)Allemagne 66,0 10,9 10,4 82,2 17,8 53,2Autriche 63,3 4,7 9,5 73,5 26,5 59,1Belgique 70,1 8,3 8,5 78,8 21,2 87,0Danemark 90,0 5,7 8,2 82,4 17,6 92,3Espagne 35,6 28,6 7,5 72,4 27,6 83,9Finlande 86,4 6,0 8,0 71,9 28,1 78,1France 65,1 14,6 10,4 79,6 20,4 35,8Grèce 18,4 53,9 8,6 53,0 47,0 95,7Irlande 49,9 29,1 6,5 71,3 28,7 45,4Italie 16,3 59,4 7,4 70,6 29,4 90,2Luxembourg 71,1 8,9 5,7 92,8 7,2 100Pays-Bas 72,8 17,4 8,2 66,2 33,8 24,0Portugal 19,9 59,3 8,0 65,3 34,7 67,2Royaume-Uni 48,1 40,9 6,8 82,9 17,1 79,4Suède 67,3 14,2 8,2 86,9 13,1 99,9Suisse 58,4 23,4 9,9 54,5 45,5 69,2<strong>Mo</strong>yenne 56,2 24,1 8,2 74,0 26,0 72,532 Il contient également la part des versements directs réalisés dans les dépenses privées de santé,que nous utiliserons plus bas.


66 SANTE EN POLYNESIE FRANCAISESources:• Satisfaction: <strong>Mo</strong>ssialos (1997) et Domenighetti (1997) pour la Suisse ; données de1996 (et 1997 pour la Suisse).• Autres données: OMS, 1996.Légende: Dépenses totales de santé (DT); Dépenses publiques de santé (Dpub),Dépenses privées de santé (Dpriv), Versements directs (VD).Il est à noter que les travaux de <strong>Mo</strong>ssialos, comme ceux de Domenighetti,distinguent cinq catégories de satisfaction différentes: «très satisfaits», «plutôtsatisfaits», «plutôt mécontents», «très mécontents» et «autres». Nous avons iciagrégé l'ensemble des satisfaits et des mécontents («très» et «plutôt»). L'existencede la catégorie «autres» justifie que le total des satisfaits et des mécontents dutableau 1 ne permette pas de retrouver l'intégralité de la population.Le graphique 8 illustre la relation entre le niveau relatif des dépenses privées desanté et le degré de satisfaction des consommateurs de soins. Le coefficient decorrélation linéaire (r = - 0,50) indique que les assurés semblent être d'autant moinssatisfaits que les dépenses privées sont importantes.Graphique 8: Liaison entre dépenses privées et satisfaction des assurés(r = - 0,50)Sources: Pour la satisfaction des assurés: <strong>Mo</strong>ssialos (1997) et Domenighetti (1997) pourla Suisse. Pour les dépenses privées et les dépenses totales: données OMS, 1996.


L'EXPLOSION DES DEPENSES DE SANTE: ECLAIRAGES POUR UNE REFORME 67Nous avons vu dans la deuxième partie que, au-delà de l'importance de ladistinction entre dépenses publiques et privées, il fallait prendre en compte lanotion de versements directs. Plus ces derniers sont importants, et plus les risquesd'exclusion des plus défavorisés sont en effet élevés, ce qui rend le système desanté inéquitable.D'un autre côté, l'existence de versements directs peut permettre une limitationde la demande de soins, ce qui peut aller dans le sens d'une meilleure efficacitééconomique, vue en tout cas comme une limitation des dépenses de santé, c'est-àdirepar exemple en incitant à renoncer aux consultations de «confort».L'analyse des versements directs apparaît donc comme tiraillée entre efficacitéet équité, et on peut se demander quel est donc l'impact de ces versements directssur la satisfaction des usagers des services de santé.A cet égard, E. Adang et G. Borm 33 remarquent que la recherche d'uneperformance économique accrue des systèmes de santé ne rend pas nécessairementle public plus satisfait.Le graphique 9 propose de mettre en exergue ce lien entre les versements directset la satisfaction des assurés. De façon traditionnelle, les versements directs sontmesurés en proportion des dépenses privées de santé (comme dans le tableau 1).Or nous avons vu que les dépenses privées de santé sont très variables d'un paysà l'autre. Ainsi, les versements directs, mesurés de cette manière, ne permettent pasdans le cas qui nous intéresse de prendre pleinement en compte leur impact global.Nous avons en conséquence calculé la part de ces versements directs au sein del'ensemble des dépenses de santé, qu'elles soient publiques ou privées.33 EMM Adang and GF Borm «Is There an Association Between Economic Performance and PublicSatisfaction in Health Care» (2007) 8 European Journal of Health Economics 279-285.


68 SANTE EN POLYNESIE FRANCAISEGraphique 9: Liaison entre versements directs et satisfaction des assurés(r = - 0,59)Sources: Pour la satisfaction des assurés: <strong>Mo</strong>ssialos (1997) et Domenighetti (1997) pourla Suisse. Pour les versements directs et les dépenses totales: données OMS, 1996.La liaison du graphique 9 peut être mesurée par un coefficient de corrélationlinéaire (r = - 0,59) qui montre que plus les versements directs tiennent une placeimportante dans le financement des dépenses globales de santé, plus les assurésaffichent un taux de satisfaction faible. On peut d'ailleurs remarquer que la liaisonétablie ici est de meilleure qualité que la précédente (graphique 8), le coefficient decorrélation étant ici plus élevé en valeur absolue que le précédent. Ainsi, lesassurés semblent rechigner à la mise en place de mécanismes destinés à accroîtrel'efficacité du système de santé par des incitations financières à limiter laconsommation, alors même que cela renforce la nécessité de recourir à desprélèvements obligatoires accrus.Au total, cela signifierait que la satisfaction des assurés augmente lorsque lesdépenses de santé par tête sont plus fortes (<strong>Mo</strong>ssialos, 1997 ; Hakansson, 2000 ;Kohl et Wendt, 2004), mais aussi lorsque la part des dépenses privées est faible(graphique 8) et que les versements directs sont limités au regard de l'ensemble desdépenses de santé réalisées (graphique 9). Cela nécessite dont une part active de lapuissance publique dans la gestion du système de santé, ce qui impose comme nousvenons de le voir que les prélèvements obligatoires soient très importants. Ainsi, lesystème de santé polynésien, qui affiche des niveaux de dépenses de santé très


L'EXPLOSION DES DEPENSES DE SANTE: ECLAIRAGES POUR UNE REFORME 69importants, essentiellement assis sur des financements publics, semble être plutôtde nature à satisfaire les consommateurs de soins. Il reste alors à accepter, pour lapopulation polynésienne, d'en assumer le financement coûteux, la discussion surl'ampleur des versements directs restant à poursuivre.IV TENTATIVE DE PREVISIONCompte tenu de la forte progression des dépenses de santé en Polynésie depuisla mise en place de la PSG, il est probable que ces dernières soient encore amenéesà progresser, ce qui ne rendra que plus épineuse encore la question du financementdu système de santé polynésien. Les comptes de la santé, disponibles uniquementpour les années 2008 et 2009, ne permettent pas de déterminer une tendanced'évolution qui autoriserait une prévision au-delà de l'année 2009. En revanche, lesdonnées fournies par la CPS, disponibles sur une période plus longue (1996-2008) 34 , et même si elles n'incluent pas l'ensemble de toutes les dépenses de santé,autorisent une projection au-delà de 2008. Notre interrogation est donc de savoirs'il est possible de dégager la tendance d'évolution des données de la CPS pourl'utiliser ensuite pour tenter une prévision des comptes de la santé pour, parexemple, les années 2010 et 2011.Le graphique 10 représente les dépenses de santé répertoriées par la CPS depuisla création de la PSG, évaluées en francs courants. On peut observer une tendancelinéaire particulièrement marquée dans l'évolution de ces dépenses de santé.34 Voir: CESC, 2010, op cit, 20 août, 10.


70 SANTE EN POLYNESIE FRANCAISEGraphique 10: Evolution des dépenses de santé en Polynésie française(milliards de Fcfp)Source: Données CPS.Cette tendance linéaire peut être estimée par un modèle de régression simple 35 ,qui fait apparaître la relation suivante, t représentant le temps et D t les dépenses desanté – telles que mesurées par la CPS – au cours de l'année t:D t= 2,194t− 4357,875 . Comme on peut le voir graphiquement (graphique 10),la tendance ainsi trouvée épouse presque parfaitement l'évolution temporelle desdépenses de santé. Ce caractère très significatif de la liaison apparaît par le calculdu coefficient de corrélation linéaire, qui affiche une valeur supérieure à 0,99. Enutilisant le modèle généré pour prévoir l'évolution de la série des données de laCPS de 2009 à 2011, on obtient alors les estimations recueillies dans le tableau 2 etillustrées par le graphique 11.35 Le nombre des données disponibles reste malgré tout très faible (13 points seulement). Lesrésultats obtenus dans cette partie ne sauraient donc être qu'indicatifs. De même, la méthodologiedéveloppée ici, qui essaie de reconstituer les prévisions des comptes de la santé à partir desdonnées fournies par la CPS, ne présente pas suffisamment de garantie scientifique au regard dela théorie statistique pour être reçue par le lecteur au pied de la lettre. D'où le titre de cettequatrième partie: «Tentative de prévision».


L'EXPLOSION DES DEPENSES DE SANTE: ECLAIRAGES POUR UNE REFORME 71Tableau 2: Prévisions des dépenses de santé recensées par la CPSAnnée NPrévisions desdépenses de santé (Fcfp)Variation N / N – 12009 49,45 Mds + 2,17 %2010 51,65 Mds + 4,45 %2011 53,84 Mds + 4,24 %Remarque: les dépenses de santé mesurées par la CPS en 2008 sont de 48,40 Mdsde Fcfp, d'où une variation de + 2,17 % entre 2008 et 2009.Graphique 11: Prévisions des dépenses de santé en Polynésie française,période 2009-2010, en milliards de Fcfp, selon les données de la CPSSource: Données CPS pour 1996-2008.La prévision obtenue pour l'année 2009 correspond ainsi à un accroissement desdépenses de santé, telles que mesurées par la CPS, de 2,17 % par rapport à l'annéeprécédente. On peut se demander si cette évolution est cohérente avec celle descomptes de la santé, produits précisément pour 2008 et 2009. Or, entre ces deux


72 SANTE EN POLYNESIE FRANCAISEannées, les dépenses totales de santé ont cru de 2,25 % selon les comptes proposéspar la Direction de la santé 36 . La marge d'erreur entre les deux évolutions, calculéessur les données de la CPS et sur celles de la Direction de la santé, n'est donc que de3,5 % environ. Puisque les deux évolutions semblent très cohérentes, au moinsentre les années 2008 et 2009 qui sont les seules sur lesquelles on puisse effectuerune comparaison, on se propose alors d'appliquer les taux d'accroissement calculéssur les prévisions des données CPS 37 aux comptes de la santé. Le tableau 3 liste cesprévisions pour les années 2010 et 2011 et corrobore l'idée que les déficits del'assurance maladie risquent de s'accroître sensiblement.Tableau 3: Prévisions des dépenses totales de santé (comptes de la santé)AnnéePrévisions desdépenses de santé (Fcfp)2010 74,905 Mds2011 78,081 MdsCes prévisions sont cependant à considérer sous un éclairage indicatif, commenous l'avons déjà expliqué, compte tenu de la limitation des données disponibles etdes imperfections de la méthode utilisée. Il n'est malgré tout pas possible, en l'étatdes informations publiques, de déterminer avec plus de précision les dépenses desanté pour les années en question.Depuis l'instauration de la protection sociale généralisée en 1995, la Polynésiefrançaise connaît une véritable explosion de ses dépenses de santé. Nous avons vudans cet article que l'on pouvait s'attendre à une poursuite de cette augmentationdes dépenses, ce qui pose des problèmes majeurs au système de santé polynésien 38 .Les déficits sont déjà très importants et devraient se creuser encore dans les annéesà venir, menaçant l'existence même de l'assurance maladie. Le rapport Bolliet 39indique ainsi que la dette de l'assurance atteindrait, fin 2010, 15,4 milliards deFcfp. Et les projections du même rapport font état d'une dette de 49 milliards de36 On passe en effet de 71, 714 milliards de Fcfp en 2008 à 73, 325 milliards de Fcfp en 2009.37 Voir tableau 2.38 Et plus généralement à son système social compte tenu des difficultés également supportées par lerégime de retraite.39 Rapport Mission d'assistance à la Polynésie française, septembre 2010, Volume 3, Annexe 22,18.


L'EXPLOSION DES DEPENSES DE SANTE: ECLAIRAGES POUR UNE REFORME 73Fcfp à l'horizon 2014, ce qui est difficilement envisageable compte tenu desfinances de la collectivité.Le financement des dépenses de santé est donc largement compromis, et ced'autant plus que les recettes du système de santé sont en partie liées à l'activitééconomique. La fiscalité assure en effet 12,4 % des recettes, à la fois par lacontribution de solidarité du territoire (CST) et par les autres taxes affectées. Lescotisations représentent quant à elle la majeure partie des sources de financement,avec 78 % des recettes 40 . Avec une activité économique au ralenti, comme c'estactuellement le cas en Polynésie française, la difficulté d'équilibrer les dépenses enexplosion devient plus inquiétante encore. Selon la CPS, les pertes de la PSG aucours de l'année 2010, du fait du ralentissement économique subi par la Polynésie,étaient estimées à 1,2 milliard de Fcfp 41 .Ces constats soulignent de manière aiguë la nécessité de repenser le système desanté polynésien en s'interrogeant à la foi sur la maîtrise des coûts mais aussi sur lebien-être des assurés, tout en assurant les ponctions fiscales et participativesindispensables. Le récent rapport de la Cour des comptes a d'ailleurs appelé auxnécessaires «adaptations rapides et profondes du système de santé polynésien et deson financement» 42 , soutenant notamment dans ses recommandations ledéveloppement des organismes complémentaires et la participation des ménages 43 .Compte tenu de la pression fiscale polynésienne plutôt élevée, il sera en effetcomplexe d'accroître les prélèvements obligatoires toutes choses égales par ailleurs.Le concours des patients sera vraisemblablement à développer et, au-delà, il s erasans doute nécessaire de chercher dans d'autres secteurs que celui de la santéd'autres économies de dépenses pour les finances publiques. La réflexion menéeactuellement en Polynésie française sur la délimitation du périmètre de l'actionpublique pourrait à cet égard s'avérer être un complément utile à la réflexion defond à mener sur le système de santé.40 Chiffres de 2008.41 Les Nouvelles, édition du 26 mai 2010.42 Cour des comptes, 2011, «Le système de santé en Polynésie française et son financement»,Rapport public annuel, février, 221-248, page 239.43 Cour des comptes, 2011, op cit, 240.


74 SANTE EN POLYNESIE FRANCAISE–


75QUELS OUTILS POUR PILOTER LESDEPENSES DE SANTE?Marc Debene ∗La Polynésie française a depuis plus d'un demi-siècle 1 la responsabilité de sonsystème de santé. Comme la Nouvelle-Calédonie, il lui revient de fixer les normesapplicables en ce domaine et de déterminer la politique de santé. Aussi, doit-ellefixer ses objectifs et en assurer le suivi et l'évaluation.Dans la mesure où ce système fait appel tant à des acteurs publics, pour lessoins hospitaliers ou la prévention, qu'au secteur privé, les uns et les autress'inscrivant dans une perspective ambitieuse de protection sociale généralisée 2 , laCollectivité doit veiller à son financement global. Dans son rapport public de 2010,la Cour des comptes considère que le système de santé mis en place est bien adaptéaux besoins, apportant à la population un niveau de protection sanitaire élevé, biensupérieur à celui des pays proches 3 . Il faut toutefois souligner le coût élevé de ceteffort sanitaire qui atteint 13% du PIB local, contre 11% en France, 9% enNouvelle-Calédonie et… 4% aux îles Fidji.Les dépenses de santé ont dépassé 73 milliards de francs CFP en 2009 4 . Ellessont essentiellement financées par les prélèvements obligatoires, cotisations des∗Professeur à l'Université de Polynésie française (GDI).1 En application de la loi-cadre du 23 juin 1956, le territoire dispose de compétences d'attributionénumérées par le décret du 22 juillet 1957 parmi lesquelles figurent les œuvres sanitaires et lasécurité sociale.2 Délibération n°94-6 AT du 3 février 1994.3 Cour des Comptes, Rapport public 2011, le système de santé de la Polynésie française et sonfinancement, Février 2011. Ce rapport s'appuie sur le rapport d'observations définitives de laChambre territoriale des comptes de la Polynésie française consacrée à la «Mission santé» du 13janvier 2010. A noter que ce rapport a été précédé par un rapport du 10 décembre 2010 surl'EPAP, établissement public administratif de prévention et d'un rapport du 10 mai 2010 suer leCentre hospitalier de Polynésie française. Voir site Cour des comptes.4 Il s'agit ici de la dépense courante de santé estimée en 2009 73.325 millions de francs CFP, VoirDominique Marghem, Présentation des comptes de santé.


76 SANTE EN POLYNESIE FRANCAISEassurés à la Caisse de prévoyance sociale 5 pour 60% et impositions de toute naturequi alimentent le budget de la Collectivité pour 30%.La part des ménages ne dépasse pas 4 milliards. Celle de l'Etat (horsinvestissement) qui atteignait 10% en 2003 a été divisée par dix 6 . Si le système deprotection sociale s'inspire fortement du modèle métropolitain, le budget du paysapporte un concours significatif aux régimes sociaux (100% du régime desolidarité, 42% pour celui des non salariés).Le coût croissant des dépenses de santé et la crise économique rendent de plusen plus difficile l'exercice annuel de prévision et d'exécution des comptes. Ledéficit de la branche maladie impose des décisions fortes tant pour limiter lesdépenses 7 que pour assurer leur financement ; le vieillissement de la populationdevrait encore les accroître. La Cour insiste fortement sur l'insuffisance dupilotage, relevant de nombreuses lacunes s'agissant des objectifs, du suivi ou del'évaluation.Elle note qu'à l'heure actuelle, «à aucun moment le ministre de la solidarité etde la famille (qui exerce la tutelle de la CPS) ne se prononce sur les moyens àmobiliser, ni ne définit d'indicateurs de mesure du degré de réalisation». Demême, l'Assemblée de Polynésie française ne dispose pas des outils qui luipermettraient d'exercer un contrôle effectif.Aussi, la Cour recommande-t-elle à la Polynésie française de définir et dehiérarchiser les objectifs de santé en adoptant un plan d'action stratégique etenvisage qu'elle puisse se doter des moyens les plus efficients, insistant sur laproduction d'informations chiffrées et fixant un objectif type ONDAM, visant alorsl' Objectif national des dépenses d'assurance maladie affiché en métropole 8 .La Chambre territoriale des comptes rappelle que la Polynésie avait adopté undocument stratégique quadriennal en 1999, renouvelé en 2001, mais abandonné5 Caisse de Prévoyance sociale créée en 1956, Voir Antoine Leca, La Polynésie française face à lanécessaire maîtrise des dépenses de santé.6 La convention santé-solidarité passée avec l'Etat n'a en effet pas été renouvelée. Le contrat deprojet Etat-Polynésie française 2008-2013 comporte un v olet santé qui prévoit 8 milliardsd'investissement dont chaque partie finance 50%.7 Question récurrente qui donne lieu à des décisions successives, voir par exemple, délibération n°98-162 APF du 15 o ctobre 1998 relative aux mesures destinées à prévenir l'augmentation desdépenses de santé.8 A défaut d'une loi sur la santé fixant comme celle du 9 août 2004 cent objectifs pour la santé.Voir Marc Debène, Le verbe et le chiffre: quelques observations sur la formulation des objectifslégislatifs, Mélanges Michel Bazex, Droit et économie. Interférences et interactions. (Litec, Paris,2009) 73.


QUELS OUTILS POUR PILOTER LES DEPENSES DE SANTE? 77quatre ans plus tard alors qu'il présentait quatre priorités déclinées en objectifsgénéraux et secondaires, eux même accompagnés d'indicateurs 9 .De même, un schéma d'organisation sanitaire (SOS) 10 est bâti autour d'objectifsgénéraux et de programmes d'accompagnement.Mais, le manque de suivi et d'évaluation impose que la question soit reprise.L'insuffisance de réalisme nécessite de mieux centrer la question sur la dépense.C'est la raison pour laquelle on s'interrogera ici sur la dimension budgétaire etfinancière du pilotage en écho à la problématique métropolitaine.En se référant à l'ONDAM, la Cour évoque un outil de pilotage introduit en1996, avec l'institution de la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS). Laloi statutaire du 27 f évrier 2004 modifiée en 2007 précise que la loi du paysintervient dans le domaine de la loi; mais la Polynésie ignore les diverses loisfinancières mentionnées dans l'article 34 de la Constitution. Si les lois du payspeuvent créer des impositions de toute nature, il n'existe ici ni loi de finances, ni loide financement de la sécurité sociale, ni loi de programmation qui depuis 2008déterminent les objectifs de l'action de l'Etat, définissent les orientationspluriannuelles des finances publiques et s'inscrivent dans l'objectif d'équilibre descomptes des administrations publiques.Sans vouloir transposer systématiquement les institutions nationales au contextelocal, il est toutefois possible de se référer aux outils qu'elles emploient pourcontribuer au débat sur le pilotage des dépenses de santé, au pilotage des dépensespubliques financées par le budget de la Polynésie française comme au pilotage desdépenses sociales qui assurent un niveau de protection élevée dans ce pays,éléments fondamentaux de la gouvernance financière du pays.I QUELS OUTILS POUR PILOTER LA DEPENSE PUBLIQUE?La Polynésie française dispose de l'autonomie fiscale: les lois du pays fixentl'assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toutenature 11 .9 Ainsi, la loi n° 2010-1645 du 28 décembre 2010 de programmation des finances publiques pourles années 2011 à 2014 fixe un objectif d'augmentation cumulée par rapport à 2010 des dépensesdes administrations publiques au sens de la comptabilité nationale évoluant de 6 milliards d'euros(2011), à 14 (2012), puis 20 (2012), et 28 (2014).10 Délibération n° 2002-170 APF du 12 d écembre 2002 portant approbation du schémad'organisation sanitaire 2003-200711 Antonino Troïannello, Les spécificités du régime <strong>juridique</strong> des «lois du pays» en matière fiscale,in Marc Debène et Jean-Paul Pastorel (sous la direction de), Les «lois du pays» en Polynésiefrançaise, (L'Harmattan, Paris, 2011) 101.


78 SANTE EN POLYNESIE FRANCAISEPar contre, le budget est adopté non par une loi de finances du pays mais parune délibération administrative prise dans les conditions fixées par la délibérationn° 95- 205 AT du 23 nove mbre portant réglementation budgétaire, comptable etfinancière. <strong>Mo</strong>difiée à quatorze reprises, elle adapte au pays les principesbudgétaires, comptables et financiers conçus pour les collectivités territoriales 12 .Pour tenter de moderniser cette réglementation désuète la délibération n° 2006-42 APF du 27 juillet 2006 a introduit une terminologie empruntée à la LOLF. Si lescrédits restent en effet spécialisés par chapitre, celui-ci correspond à une missiongroupant les dépenses qui concourent à la réalisation d'une politique publiquedéfinie. Ils restent divisés en sous-chapitre (qui peuvent être rebaptisés programme)et articles (art.12 dont l'alinéa 2 rappelle que les crédits sont votés par chapitre oupar article pour certaines dépenses de participations ou de subventions sil'Assemblée de Polynésie française en décide ainsi).Ainsi au budget 2011, la mission « santé » qui correspond aux chapitres 910 et970 comporte tant des crédits de fonctionnement (910: 1 milliard 500 millions) quedes crédits d'investissement (970:134 millions pour assurer la fin du chantier dunouvel hôpital, des acquisitions foncières, des travaux et équipements deshôpitaux…).Le rapport du gouvernement peut en présenter la logique en distinguant troisrubriques (médecine curative, prévention, veille et sécurité sanitaire) que l'on peutalors baptiser programme soulignant la priorité n°1 (maintenir une offre de soins deproximité satisfaisante), s'attachant au maintien de certains services, ou insistantsur la nécessité d'apporter une réponse optimale aux besoins de la population.Contrairement aux lois de finances de l'Etat, la référence aux missions etprogrammes n'a ici qu'un rôle informatif. Le regroupement des opérations derecettes ou de dépenses par mission (et programmes) complète le classementtraditionnel par nature: il permet de mieux présenter les actions du pays mais nesubstitue pas une logique de performance à la logique administrative 13 .En métropole au contraire, la mission, désormais érigée en unité de vote,regroupe des programmes ministériels, unité de spécialité des crédits, ceux-cidevant permettre de financer des actions.12 Sur la distinction entre les règles budgétaires et les normes comptables applicables à l'Etat et auxcollectivités, voir Paul Hernu, «Une comparaison des systèmes budgétaires et comptables del'Etat et des collectivités locales», <strong>Revue</strong> française de finances publiques, n°1°9, février 2010, 18113 Sur cette question voir notamment Franck <strong>Mo</strong>rdacq: La LOLF: un nouveau cadre budgétairepour réformer l'Etat, LGDJ, Collection Systèmes, 2006, 412 pages.


QUELS OUTILS POUR PILOTER LES DEPENSES DE SANTE? 79Ainsi, la loi de finances de l'année prévoit depuis 2006 une «mission santé» quicontient deux programmes et douze actions pour un montant de 1, 2 milliardsd'euros. La loi de programmation des finances publiques 2011-2014 envisage demaintenir ce montant pour les trois années concernées tant en autorisationsd'engagement qu'en crédits de paiement.Le projet de loi de finances de l'année est accompagné d'une annexe quiprésente chaque mission en mettant tout d'abord en lumière la stratégie de laprogrammation pluriannuelle, se référant alors à la politique globale de santé(prévention, offre de soins de qualité, sécurité sanitaire, égalité dans l'accès auxsoins) et au nécessaire équilibre de l'assurance maladie.Elle est assortie d'objectifs et d'indicateurs chiffrés rassemblés dans des projetsannuels de performance (PAP), permettant en fin d'exercice d'évaluer les résultatsobtenus en les comparant aux objectifs dans le cadre d'un rapport annuel deperformance (RAP). Le programme 204 «Prévention, sécurité sanitaire et offres desoin» est ainsi doublé d'un PAP articulé autour de 9 objectifs, eux-mêmesaccompagnés d'indicateurs de performance. Voulant «Améliorer l'état de santé dela population et réduire les inégalités territoriales et sociales» (objectif n° 2) ou«Développer les bonnes pratiques alimentaires et la pratique d'une activitéphysique» (objectif n° 3), le programme prévoit une série d'indicateurs pourmesurer, du point de vue du citoyen, l'efficacité des actions (Taux de participationau dépistage organisé du cancer du sein dans la population cible, consommationannuelle d'alcool par habitant de plus de 15 ans, prévalence du tabagisme quotidienchez les jeunes, prévalence de l'obésité et du surpoids chez l'enfant).Le programme 183 « Protection maladie» s'appuie sur 6 o bjectifs et 12indicateurs. Ainsi son objectif n° 1 «Garantir l'accès aux soins des personnesdisposant de faibles ressources» est accompagné d'indicateurs devant permettred'évaluer la qualité de la dépense en se situant du point de vue de l'usager (accèsaux soins des bénéficiaires de la couverture maladie universelle CMU) et sonefficience en se plaçant du point de vue du contribuable (Divergence entre lesressources déclarées et les ressources contrôlées).En Polynésie, le chantier des indicateurs de performance a été lancé en 2007mais la réflexion semble être restée au stade de l'approche 14 .Même si ce travail avait été finalisé, il resterait une grande différence entre lesdeux systèmes budgétaires. En effet, aucune disposition n'a introduit ici le principede fongibilité asymétrique qui donne aux gestionnaires de crédits une marge de14 C'est du moins ce que constate la Cour des Comptes, dans son Rapport public de 2008.


80 SANTE EN POLYNESIE FRANCAISEmanœuvre pour utiliser les crédits, pour atteindre les objectifs, les consommantlibrement sous réserve de ne pas augmenter la masse salariale et dans la limite d'unplafond d'emplois ministériel.Si le passage à des solutions similaires n'est pas directement envisageable,l'Etat, dans le cadre de son partenariat avec la Polynésie française, a pu proposer unnouveau mode de suivi des actions, tentant ainsi d'instiller une démarched'évaluation.Le contrat de projet conclu entre l'Etat et la Polynésie française pour la période2008-20013 contient un volet santé. Les partenaires apportent chacun 4 milliardsde francs CFP pour atteindre quatre objectifs principaux dans le cadre de 14actions: renforcer l'offre de proximité, développer la prise en charge en santémentale, mettre en réseau les secours et soins d'urgence et mettre en place la veillesanitaire et la lutte anti-vectorielle. Comme pour les autres volets les actions santédoivent faire l'objet d'un suivi-évaluation.Conformément aux recommandations de la Cour, le représentant de l'Etat ainsisté pour que le contrat de projet introduise l'évaluation. Une mission a étéconfiée à l'Agence française de développement (AFD) pour réaliser les étudesd'évaluation concernant les projets, thèmes prioritaires ou volets du contrat deprojet, apportant ainsi son appui au comité de pilotage du contrat.Une convention a été conclue avec l'AFD qui doit définir le dispositifpermettant de suivre les avancées et les résultats du contrat de projet, en mesurerles effets et diffuser une culture de résultat.On peut évidemment souhaiter que cette démarche soit reprise par laCollectivité tant pour la programmation que pour l'évaluation.La recherche de qualité, d'efficacité et d'efficience de la dépense publique qu'ils'agisse de l'investissement, du fonctionnement, des transferts ou de la massesalariale imposera vraisemblablement la remise en chantier du droit budgétairelocal qui devrait alors tenir compte de l'ensemble des dépenses de santé qu'ellessoient assurées par le budget de la Collectivité ou par les cotisations à la CPSII QUELS OUTILS POUR PILOTER LA DEPENSE SOCIALE?En France, les finances sociales entendues comme l'ensemble des dépensessociales (santé, vieillesse, famille, emploi, logement, exclusion sociale) et desressources chargées de les assurer ont un poids aujourd'hui supérieur à celui dubudget de l'Etat. A partir de 1974, le Gouvernement a du informer le Parlement parune annexe au projet de loi de finances décrivant l' « effort social de la nation ». Laloi constitutionnelle du 22 février 1996 a prévu le vote annuel de la loi de


QUELS OUTILS POUR PILOTER LES DEPENSES DE SANTE? 81financement de la sécurité sociale (LFSS) dans les conditions prévues par la loiorganique du 2 août 2005 (LOLFSS) intégrée au Code de la sécurité sociale 15 .Contrairement aux lois de finances qui prévoient et autorisent les recettes et lesdépenses de l'Etat, les lois de financement de la sécurité sociale constituent unsimple exercice de prévision des recettes (par catégories pour l'ensemble desrégimes obligatoires, la loi contenant des tableaux d'équilibre par branche) et defixation des objectifs de dépense. Rapprochant les unes et les autres, la LFSSdétermine les conditions de l'équilibre en approuvant les montants correspondantaux recettes affectées aux différents organismes.Le Parlement s'est ainsi vu confier la responsabilité d'approuver la politique desanté et de sécurité sociale. Le Gouvernement produit un rapport décrivant lesprévisions de recettes et les objectifs de dépenses pour chaque branche des régimesobligatoires et chaque organisme de financement en veillant à la cohérence avec lerapport sur les comptes des administrations publiques annexé au projet de loi definances de l'année.Le projet de LFSS est accompagné d'une série d'annexes présentant notammentdes programmes de qualité et d'efficience relatifs aux dépenses et aux recettes dechaque branche et de chaque organisme (diagnostic, objectifs/indicateurs, moyens,résultats), les objectifs pluriannuels de gestion et moyens des organismes, le détaildes recettes…Parmi celles-ci, l'annexe n° 7 précise chaque année le périmètre del'ONDAML'ONDAM, objectif national des dépenses d'assurance maladie, a été créé en1996 dans le cadre du plan Juppé. Repris par loi organique du 22 j uillet 1996relative aux lois de financement de la Sécurité sociale (LOLFSS) il constitue uninstrument de régulation globale des dépenses de santé prises en chargecollectivement.Depuis 1997, le niveau de l'objectif est voté chaque année par le Parlement. Ilne s'agit pas d'une enveloppe limitative mais d'un cadre évaluatif. Les dépenses desanté sont ici les dépenses remboursées par les caisses de sécurité sociale dans lecadre des différents régimes de la branche maladie comme de la branche accidentsdu travail et maladies professionnelles.L'objectif ne comprend pas les frais non couverts par l'assurance maladie, telsque le ticket modérateur, les dépassements d'honoraires médicaux, les prestationsexclues de par leur nature du remboursement.15 Voir notamment R Pellet Les finances sociales. Economie, droit et politique (LGDJ CollectionSystèmes, Paris, 2001).


82 SANTE EN POLYNESIE FRANCAISELa construction de l'ONDAM nécessite de déterminer la base de référence avantde l'affecter chaque année d'un taux d'évolution. Lors de sa création, la base del'année était fixée en appliquant un taux d'évolution par rapport à l'ONDAM del'année précédente. Depuis 2000, la base à laquelle est appliqué le taux d'évolutionest la dépense effective constatée cette année là.L'objectif global a été fixé à 162,4 MM d'euros en 2010 (+ 3%). A périmètreconstant, il devrait s'élever à 167,3 en 2011, 171,8 (2012), 176,6 (2013) et 181,6(2014) 16 . L'objectif est détaillé en 6 sous-objectifs qui peuvent être regroupés entrois rubriques. Il s'agit tout d'abord des dépenses correspondant aux soins de ville(ou ONDAM soins de ville). C'est à partir de ce sous-objectif prévisionnel que lescaisses d'assurance maladie négocient avec les professions libérales de santé pourdéfinir des objectifs par profession ; en 2010 s on montant est de 75,2 milliardsd'euros (+ 2, 8%).Les dépenses des établissements de santé (ou ONDAM hospitalier) regroupentensuite les dépenses des hôpitaux publics (financés par dotation globale) et lesdépenses des établissements d'hospitalisation privés (cliniques privées) ; enmétropole et dans les DOM les deux sous-objectifs (établissements tarifés àl'activité ; établissements de santé) sont ventilés par région et donnent lieu ànégociation entre les établissements et les Agences régionales de santé (ARS) quiont succédé aux agences régionales d'hospitalisation (ARH) 17 .En 2010, il est fixé à 71,2 milliards d'euros (+ 2,8%). Enfin, les dépensesdes établissements médico-sociaux (ou ONDAM médico-social) représentent lacontribution de l'assurance maladie aux dépenses en établissements et services pourles personnes âgées d'une part et pour les dépenses en établissements et servicespour les personnes handicapées (enfance inadaptée et adultes handicapés), d'autrepart. En 2010, le montant prévu est de 14, 1 milliards d'euros (+ 5,8%)A l'exception de sa première édition en 1997, l'ONDAM a toujours étédépassé 18 . Au cours des dix premières années de son existence les dépassementsont connu des variations entre + 0,8% (2003) et +3,5% (2002).16 Loi n° 2010-1645 du 28 décembre 2010 de programmation des finances publiques pour lesannées 2011 à 2014.17 Article 131 de la loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l'hôpital et relative auxpatients, à la santé et aux territoires.18 Etienne Douat, Le dépassement de l'ONDAM, <strong>Revue</strong> française de finances publiques, n°100,novembre 2007, p.175. L'ONDAM 2010 a toutefois s été respecté.


QUELS OUTILS POUR PILOTER LES DEPENSES DE SANTE? 83La croissance forte des dépenses de médecine de ville et la difficulté demaitriser les dépenses hospitalières peuvent expliquer cette marge. Aussi, undispositif d'alerte a du être mis en place 19 .Un comité d'alerte adossé à la Commission des comptes de la sécurité sociale ala responsabilité de constater les dérives en cours d'année et de proposer desactions correctives. Des faiblesses subsistent toutefois tenant tant à la constructionde l'ONDAM (manque de transparence, insuffisante liaison avec la politiquepublique de santé) qu'à son suivi infra annuel.Plusieurs propositions ont été faites récemment par un groupe de travail sur lepilotage des dépenses de l'assurance maladie pour accroitre la crédibilité del'objectif (recours à une expertise externe, insertion de l'ONDAM dans uneperspective pluriannuelle), prévenir plus efficacement les risques de dépassement(mettre en place un comité de pilotage de l'ONDAM, renforcer le suivi comptable,abaisser le seuil d'alerte) et améliorer la gouvernance (conditionner les mesuresnouvelles au respect de l'ONDAM) 20 .III CONCLUSIONL'ONDAM introduit par la LOLFSS ou la nouvelle gouvernance financière tellequ'elle résulte de la LOLF ne constituent évidemment pas des solutionstransférables «clefs en mains». Leur présentation comme éléments de réponse à laquestion du pilotage de la dépense de santé permet de souligner l'importance de laquestion. Elle devrait être posée sur le plan politique.La délibération n° 98-162 APF du 15 octobre 1998 avait prévu que chaqueannée, à partir de 1999, l'APF devait examiner lors de la session budgétaire unrapport présenté par le gouvernement présentant la situation sanitaire de laPolynésie française accompagné d'un bilan de réalisation des programmes deprévention, des comptes de santé avec un bilan de l'application des mesures demaitrise de l'évolution des dépenses de santé ; de même le point devait être fait descomptes de la CPS). L'article 2 est resté lettre morte. Le chantier de l'évaluation està reprendreLa loi organique du 7 décembre 2007 qui a voulu renforcer non seulement lastabilité ( !) mais aussi la transparence, impose dorénavant «dans un délai de deuxmois précédant l'examen du budget primitif de la Polynésie française un débat àl'APF sur les orientations budgétaires de l'exercice ainsi que sur les engagements19 Article 40 de la loi n°2004-810 du 13 août 2004 relative à l'assurance maladie.20 Rapport du groupe de travail sur le pilotage des dépenses d'assurance maladie, avril 2010.


84 SANTE EN POLYNESIE FRANCAISEpluriannuels envisagés» (art 144-1). Le DOB existe au Parlement comme dans lesconseils élus des autres collectivités territoriales.La présentation de grands objectifs et des résultats obtenus pour les atteindrepermettraient d'avoir une vision plus cohérente des politiques suivis et d'introduireun début d'évaluation des actions.Il serait alors nécessaire de prendre en considération l'évolution pluriannuelledes données financières et sociales, mettant en place comme dans certains petitsEtats en développement


85CONTROVERSES AMERICAINES SUR LACOUVERTURE MALADIE OBLIGATOIRELéopold Mu Si Yan ∗La Patient Protection and Affordable Care Act 1 (raccourcie souvent en uneformule: ACA), signée le 23 mars 2010 par le président Barack Obama est-elleréellement un texte législatif historique? La réponse est oui si l'on croit que lesystème de protection sociale aux Etats-Unis est quasiment inexistant ou alors qu'ilest dominé par des groupes de pression (industrie pharmaceutique, médecins,compagnies d'assurance, grande distribution). L'échec de la réforme de l'assurancemaladieuniverselle en 1993, sous la présidence Clinton, et les péripétiescaliforniennes de 2004 et 2007 2 sur les structures de soins publiques, n'ont fait querenforcer cette perception. On en oublierait presque le rôle prépondérant qu'a jouéhistoriquement le gouvernement fédéral dans la création de vrais droits sociaux etdes caisses de protection publiques bien connues, Medicaid et Medicare. Certes, onest loin du modèle européen de l'Etat-Providence. Pour autant, sans remettre enquestion le consensus social sur une quasi-délégation au secteur privé des efforts deprotection médicale, le toilettage du système d'assurance-maladie était reconnu parpresque tous comme nécessaire et urgent.∗Maître de Conférences à l'Université de la Polynésie française.1 PL 111-148, 124 Stat 119 (2010).2 Après l'échec d'une douzaine de projets législatifs prévoyant une couverture universelle, laProposition 72 mettait l'accent sur la contribution des entreprises de plus de 50 employés, avecnéanmoins une participation salariale de 20% au paiement des primes. Mais il y eut peut-être uneerreur de ciblage: seulement 65% des petites et moyennes entreprises proposaient une assurance,contre 95% pour les autres. L'initiative populaire fut rejetée par l'électorat à une faible marge.VoirLaurie Rubiner, "Under the Umbrella of Health Care" (2005) California Journal 40-42. En 2007,le gouverneur Schwarzenegger ambitionne de mettre en place un système intégrant l'implicationdes entreprises de plus de dix employés, l'assurance obligatoire et une mutualisation des risquesavec l'octroi de subventions pour les revenus les plus modestes, mais comportant aussi unerefonte du système d'aide publique Medi-Cal et des prélèvements fiscaux pour les médecins et lesstructures de soins. Le projet n'a jamais abouti. Cf Mark Baldassare, Cheryl Katz The ComingAge of Direct Democracy (Lanham Rowman & Littlefield Publishers, 2008) 212-213.


86 SANTE EN POLYNESIE FRANCAISELa réforme législative de mars 2010 trouve une partie de son inspiration dansles mesures mises en œuvre dans l'Etat du Massachusetts 3 par le gouverneurRépublicain Mitt Romney avec le soutien actif des législateurs locaux. Ce rappelest d'autant plus important que les divergences politiques traditionnelles entreDémocrates et Républicains semblent avoir repris le dessus, et que se multiplientles contentieux sur l'interprétation de la clause de l'assurance individuelleobligatoire. Ce débat à la fois constitutionnel et idéologique n'est pas nouveau. Iln'a pas empêché, d'ailleurs, l'Etat du Massachusetts d'étendre pratiquement à tousses résidents la couverture maladie. L'extension des dispositifs publics au niveaufédéral n'a pas modifié le cadre global et unitaire de la protection sociale. On n'apas basculé d'un coup dans le capitalisme de la compassion. Appelés à seprononcer sur la validité de l'assurance obligatoire, les juges de la Cour suprêmeauront à choisir entre le pragmatisme économique et le symbolisme <strong>juridique</strong>.I LES LACUNES SYSTEMIQUES DANS LES STRUCTURES DESANTE AMERICAINESNous ne nous attarderons pas sur les postures et ambiguïtés de Mitt Romney,candidat aux élections présidentielles de 2012, partagé entre la séduction del'électorat conservateur et la revendication de son œuvre novatrice dans leMassachusetts, pour ne retenir que sa volonté en 2006 de sortir des impasses danslequel est enfoncé depuis longtemps tout le système de soins américain 4 .Il est facile, par exemple, de gloser sur le décalage sensible entre les dépensesde santé privées et publiques (en moyenne, 6.000 dollars par habitant, soit 16% duPIB, contre 9% pour l'ensemble des pays membres de l'OCDE c'est-à-dire 2.300dollars) et les résultats réels au niveau de l'efficacité des soins médicaux, de la priseen charge de la population, des lenteurs et tracasseries bureaucratiques, des coûts3 2006 Mass Acts ch 58. Tous les commentateurs à l'époque saluent les initiatives novatrices et lacohérence du pr ojet. Par ex Edmund F Hailslmaier and Nina Owcharenko "The MassachusettsApproach: A New Way to Restructure State Health Insurance Markets and Public Programs"Health Affairs, 25, N° 6, Nov-Dec. 2006, 1580-1590; Mar Ann Chirba Martin, Andrés Torres"Universal Health Care in Massachusetts: Setting the Standard For National Reform" (2008) 35Fordham Urban Law Journal 409-446.4 Les disparités dans la qualité et l'efficacité des soins médicaux, l'inégalité devant l'accès auxsoins, le taux élevé de désassurance, font partie des blocages systémiques recensés par DavidCutler et Patricia Keenan, Health Care, dans Peter Schuck, James Q Wilson UnderstandingAmerica:The Anatomy of an Exceptional Nation (PublicAffairs, New York, 2008) 449-473. On sesouvient que lors de sa campagne présidentielle, Barack Obama en faisait l'une de ses priorités,bien qu'il ne mentionnât pas encore le principe de l'assurance obligatoire. Voir en particulier sonlivre-programme, The Audacity of Hope (Three Rivers Press, New York, 2006) 186-187. Parcontre, il réaffirmait clairement que la socialisation de la médecine n'est pas dans la traditionaméricaine. Cf. John R Talbott Obanomics: How Bottom-Up Economic Prosperity Will ReplaceTrickle-Down Economics (Seven Stories Press, New York, 2008) 147-159.


CONTROVERSES AMERICAINES SUR LA COUVERTURE MALADIE OBLIGATOIRE 87des consultations, analyses et interventions, de l'inflation rampante engendrée parles prix des médicaments et les primes d'assurance-maladie. Comme le dit souventl'économiste David Cutler, un des conseillers de Barack Obama, ce n'est pas tant leniveau des dépenses consenties qui fait problème, même à l'échelle macroéconomique,que son adéquation avec la qualité des soins médicaux dispensées auplus grand nombre. Ce n'est pas non plus l'insuffisance des dépenses médicales(bien que la part du secteur public en représente seulement 44%, contre 70%environ pour la plupart des pays de l'OCDE) qui est dénoncée, mais plutôt lesinefficiences. A titre de comparaison, la Suisse dépense 3.800 dollars par habitantmais pour des résultats tout autres.Est-ce alors le système de soins décentralisé et fragmenté des Etats-Unis quidoit être incriminé? Il paraît tentant de faire porter la responsabilité de tous lesdysfonctionnements au complexe médico-industriel – un ensemble disparate destructures de soins donnant le rôle dominant au secteur privé, représenté par lescompagnies d'assurances, dont Aetna et Blue Cross Blue Shield sont les exemplesles plus célèbres, les médecins libéraux ou hospitaliers, indépendants ou salariés ouagréés par des organismes d'assurances, tous regroupés en tout cas en associationspuissantes et influentes (American Medical Association, American College ofCardiology, Massachusetts Medical Society, California Medical Association), lesprestataires de soins constitués en réseaux ou collectifs de médecins rémunéréscontractuellement par des entreprises (Kaiser Permanente est un exempleemblématique des Health Maintenance Organizations). Toutes ces formules varientdu reste d'un Etat à l'autre, avec des règles de fonctionnement et de régulationdifférentes. Du moins, parmi les tendances communes dans tout le pays, on doitnoter la place prééminente occupée aujourd'hui par les HMO.Ces entités dont la caractéristique est d'intégrer prestations médicales etpaiement forfaitaire des actes sans surcoûts inutiles continuent, malgré les critiquesdont elles font l'objet, et avec le soutien passé bien involontaire du président BillClinton 5 , de dominer le paysage de l'assurance médicale: plus de 90% des salariésaméricains bénéficiant d'un tel avantage sont affiliés à des HMO, alors que dans lesannées 1980, cette formule concernait à peine 10% de ces salariés. L'accusation laplus courante à l'encontre de ce système d'assurance privée est que dans larecherche du profit ou de l'équilibre (suivant qu'il s'agisse d'organismes à butlucratif ou non lucratif), ces derniers vont trop loin dans l'arbitrage entre une5 En 1993, son projet, finalement avorté, de couverture médicale universelle avait incité nombred'entreprises à faire affilier, par anticipation, nombre de salariés à ces collectifs de soinsmédicaux. L'une des idées principales était en effet de susciter la concurrence entre ces derniers.Voir Kermit L Hall The Oxford Guide to American Law (Oxford University Press, New York,2002) 357-358.


88 SANTE EN POLYNESIE FRANCAISEmédecine de qualité et des soins palliatifs ou préventifs proposés au moindre coût,ou encore le choix entre une réelle prise en charge du patient et le refus deproposer, pour des raisons financières, un traitement considéré pourtant commenécessaire. Les actions en justice intentées dans ce cas de figure ont toujours euune issue incertaine, au moins pour une raison: l'accès aux soins médicaux ou àleur financement n'est pas un principe de droit inscrit dans le marbre. Quant auxmédecins ou assureurs concernés, leur argumentation se concentre précisément surla nécessité de réduire les coûts inutiles pour maintenir, sur le marché de lamédecine, une concurrence dont doivent bénéficier au final les consommateurs,sauf à répercuter sur d'autres agents économiques, par le paiement de cotisations oude primes d'assurance plus élevées, la moindre augmentation des coûts.Cette logique du marché, les Américains semblent toujours prêts à s'enaccommoder, quitte à y apporter des règles plus contraignantes, quitte aussi àimposer par des menaces de recours judiciaires une «médecine défensive», maisintroduisant par là même une nouvelle source de surcoûts. Ils sont d'autant plusattachés à ce modèle que la coexistence entre le secteur de soins privé et le secteurpublic leur apparaît comme un compromis raisonnable entre une forme demédecine socialisée et l'inégalité sociale et économique en matière de protectionmédicale. Ainsi, les plans de santé proposés par les entreprises, conçus de façonexpérimentale dans les années 1930 pa r des industriels comme Henry J. Kaiser,intégrés ensuite au fil des ans dans une sorte de consensus social, illustrent cetteapproche purement contractuelle de la mutualisation des risques, avec néanmoinsune grande différence de situations.Pour les entreprises qui sont en mesure d'offrir une assurance médicale,moyennant une contribution conjointe de leurs salariés qu'elles fixaient ellesmêmesau début (la répartition habituelle étant aujourd'hui de 75 à 80 % pourl'employeur et 20 à 25% pour les salariés), les motivations sont naturellementdiverses et changeantes: initier une politique sociale pour renforcer leur attractivitédans un secteur économique ou un ba ssin d'emploi donné, fidéliser leurspersonnels, échanger un avantage social contre un autre, voire contre la modérationsalariale, rechercher des exemptions fiscales pour afficher de meilleurs résultatsfinanciers, et transférer ainsi indirectement aux employés la charge de la couverturemédicale, utiliser cette forme d'assistance sociale comme une arme dans lesnégociations collectives. A ctuellement, 59% des salariés américains (ou end'autres termes, 45% des Américains âgés de 18 a ns et plus) ont une assurancemaladie par ce biais. Mais toute la question est de savoir si les employeursconcernés considèrent la chose comme un droit acquis, ou s'ils ne sont pas tentés,en fonction de la conjoncture économique, d'ajouter des dispositions financières ou


CONTROVERSES AMERICAINES SUR LA COUVERTURE MALADIE OBLIGATOIRE 89matérielles moins favorables pour leurs salariés et, le cas échéant, les conjoints etenfants bénéficiaires d'une couverture.Pour tous les autres salariés dont le nombre est estimé à 22 millions, et qui ne sevoient offrir aucune assurance santé du fait de leur statut, de leur niveau de revenu,de leur appartenance sociale ou ethnique, ou de la taille modeste de leur entreprise,ou parce que les employeurs des secteurs concernés n'en ont simplement pas lesmoyens en raison de la hausse continue des primes d'assurance, ou souffrent dedifficultés structurelles, ou parce que les entreprises en cause ont une vision moinssociale de la répartition des gains et des charges, il est évidemment impossibled'exiger un traitement égal. Quand bien même ils auraient le soutien des syndicatsou des législateurs de leur Etat de résidence, le principe intangible demeure que lesentreprises n'ont aucunement l'obligation – du moins avant que la loi fédérale du 23mars 2010 ne s'applique pleinement pour cette partie – de proposer une couverturemaladie. Par une étrange ironie, la loi ERISA (Employee Retirement IncomeSecurity Act) votée par le Congrès en 1974 pour régir un tout autre domaine, lerégime des retraites, mais interprétée par les tribunaux de façon connexe, faitinterdiction aux Etats d'imposer une telle obligation aux entreprises 6 . C'est cettelacune <strong>juridique</strong> qui fait dire qu'un grand nombre de salariés américains, dans unpays si fier de ses hautes technologies médicales, restent vulnérables face à lamaladie.Qui est alors protégé par le «filet de sécurité» que constituent les programmesfédéraux d'assistance médicale Medicare, Medicaid, SCHIP (State Children'sHealth Insurance Program) 7 ? Parmi les bénéficiaires, on recense assurément lespersonnes âgées de plus de 65 ans et les personnes handicapées, ainsi que lesindividus et les familles les plus démunis. Mais le problème pérenne est que cesrégimes de couverture médicale sont victimes de leur succès, avec une croissanceexponentielle des coûts, due au vieillissement de la population, à l'augmentation dela tarification des soins médicaux, parfois aux abus commis par les professionnels6 Cf l'article d'Evelyne Thevenard «Travail et droits sociaux: le déclin de la couverture maladie liéeà l'emploi» <strong>Revue</strong> Française d'Etudes Américaines, N° 111, mars 2007, 56-72. L'auteur rappelleque les assurances maladie proposées par les entreprises américaines étaient censées remplacerles pertes de salaire en cas de maladie et non financer les soins.7 L'idéal de la «Grande Société» sous la présidence de Lyndon Johnson suscite la création des deuxfonds d'assurance sociale les plus connus. Cf Jeremy Black Altered States: America Since theSixties (Reaktion Books, London, 2006) 63-78. Mais pour la droite américaine, ils deviennent lessymboles honnis de l'Etat-Providence avec son cortège de procédures bureaucratiques, de déficitsgrandissants, et de comportements socialement irresponsables. Ils continuent d'occuper une placeimportante dans l'actuel débat sur la réforme du système de santé, de façon presque caricaturaleparfois. Voir sur ce point Gregg Jackson, Conservative Comebacks to Liberal Lies (JAJPublishing, Ramsey, 2007) 118-120.


90 SANTE EN POLYNESIE FRANCAISEde santé eux-mêmes, entre autres raisons. Ces programmes fédéraux sont la versionaméricaine atténuée, en quelque sorte, de la couverture universelle. En fait depanacées, ils continuent d'absorber une grande partie des fonds publics, desressources fiscales, des transferts inter-générationnels. Pour prendre le seulexemple des frais d'hospitalisation, même le passage du système de paiement àl'acte à la tarification préétablie sur la base de procédures médicales strictementcodifiées (Prospective Payment System) n'a pu compenser l'explosion des coûts.Le second problème est que si 16% des Américains âgé de moins de 65 ansdisposent d'une couverture médicale publique, l'abaissement progressif desexigences d'éligibilité n'a pas pour autant résolu la question des personnes quiéchappent au maillage social. D'après un sondage récent de l'Institut Gallup, lesnon-assurés représentent encore 16,3% de la population des moins de 65 a ns, àsavoir quelque 50 millions d'individus. Or, l'objectif de l'administration Obama estde faire en sorte que d'ici 2019, 32 millions de personnes supplémentaires aient unecouverture médicale publique ou privée (dont 16 millions par le seul canal duprogramme Medicaid). A cette échéance, 18 millions de personnes (le quart d'entreelles étant des immigrés clandestins) ne seront pas encore médicalement couvertes.Mais du moins, d'après les projections du Congressional Budget Office, on se seraapproché d'un taux de couverture médicale de 94% des moins de 65 a ns résidantlégalement aux Etats-Unis.II LES SOLUTIONS GRADUALISTES ADOPTEES DANS LEMASSACHUSETTSPuisque tous ces dilemnes sur les modalités d'une assurance médicalegénéralisée se retrouvaient dans tout le pays, de l'Oregon au Maryland, de l'Illinoisau Texas, une réforme fédérale devait s'imposer tôt ou tard. Elle a été précédéepourtant par des politiques expérimentales au niveau de certains Etats dont leMassachusetts. Adoptée le 12 avril 2006, mise en œuvre le 1 er juillet 2007, la loisignée par le gouverneur Républicain Mitt Romney, avec le soutien actif nonseulement des législateurs Démocrates et Républicains mais aussi d'un grandnombre de groupes d'intérêt privés et publics, suscite plus de louanges que decritiques 8 . La raison essentielle en est qu'elle ne remet pas en cause les structuresde soins traditionnelles, ni la complémentarité entre le secteur médical privé et lesecteur public. Elle essaie par contre d'éviter toute division doctrinaire en8 Parmi les études indépendantes, on peut citer John Holahan, Linda Blumberg, MassachusettsHealth Care Reform: "A Look at the Issues", (2006) 25(6) HealthAffairs, w432-w443; Arthur PMurphy "The Massachusetts Health Care Reform: Coming to a State Near You ?" (2007) July-August, HR Advisor, 6-7.


CONTROVERSES AMERICAINES SUR LA COUVERTURE MALADIE OBLIGATOIRE 91combinant certains mécanismes de l'offre et de la demande avec une certaine dosed'interventionnisme.Les trois grands principes retenus sont le fruit des compromis opérés entre legouverneur, le Sénat et l'Assemblée Représentative de l'époque mais s'inspirentégalement, pour une grande part des réflexions de Jonathan Gruben 9 , professeurd'économie au Massachusetts Institute of Technology et du professeur de droitMark Hall 10 . Premièrement, le marché de l'assurance médicale doit être réaménagéen faveur des assurés, particuliers ou petites entreprises comptant moins decinquante salariés, incités à se regrouper pour disposer d'un plus grand pouvoir denégociation en face des compagnies proposant un régime actuariel. Une autoritéadministrative appelée Connector, agissant à la fois en tant que facilitateur etnégotiateur, veille au bon fonctionnement de ce marché, mais sans détenir aucunmonopole réglementaire. En second lieu, au nom de la responsabilité individuelleet collective, tous ceux qui ne bénéficient pas d'une assurance liée à un contrat detravail sont tenus de souscrire un plan de couverture en choisissant librement parmisix organisations à but non lucratif mais représentant à elles seules 90% du marchécommercial. Les entreprises d'une certaine taille (plus de onze employés) ontcorrélativement l'obligation de protéger leurs personnels, sous peine d'une sanctionfinancière en forme de contribution de solidarité (fixée dans le compromispolitique final à 295 dollars par employé). En troisième lieu enfin, pour qui n'auraitréellement pas les moyens de souscrire une assurance, l'Etat accordera, dans lecadre du Commonwealth Care, une aide financière pour favoriser l'adhésion à l'unou l'autre des régimes déjà intégrés aux programmes Medicaid et proposant destarifs et des conditions acceptables, avec un minimum de prestations imposé. Cesinterventions sont modulées en fonction d'une échelle mobile basée sur le seuil depauvreté tel qu'il est défini par le gouvernement fédéral, le plafond étant fixé à300% de ce seuil de pauvreté.En outre, le nouveau schéma laisse une place non négligeable à la prise encharge publique par les programmes fédéraux et régionaux classiques (Medicaid,MassHealth, Free Care Pool), alors que le gouverneur Romney avait écarté cettesolution pour donner la préférence à des subventions d'achat d'assurance. Ainsi, lebénéfice du programme Medicaid a été étendu à de nouvelles catégories9 Sur la question de l'expérimentation en grande nature de la politique du Massachusetts, on pourraconsulter notamment son article "Incremental Universalism for the United States: The States<strong>Mo</strong>ve First?" (2008) 22(4) Journal of Economic Perspectives 51-68.10 Mark Hall non seulement multiplie les interventions publiques pour défendre l'idée d'une refontedu système américain, mais il prend clairement position sur le débat constitutionnel en cours. Cf"Commerce Clause Challenges to Health Care Reform" (2011) 159 University of PennsylvaniaLaw Review 1825-1872.


92 SANTE EN POLYNESIE FRANCAISEd'individus: les adultes sans enfant, les personnes atteintes du virus HIV, cellessouffrant de certains types d'handicaps. Par ailleurs, l'Etat prévoit toujours dans sonbudget de rembourser directement aux hôpitaux ou c liniques tous les soinsconsidérés comme non remboursables par définition, du fait que les patients traitésne sont pas assurés. En résumé, la loi du Massachusetts est gradualiste nonseulement parce qu'elle confère une autre logique interne aux institutionsexistantes, mais également dans la mesure où elle essaie de sensibiliser lesdifférents agents économiques aux répercussions générales de leur comportementindividuel.Que cette pédagogie paraisse contraignante ou non, toutes ces mesures seveulent incitatives, volontaristes, et adaptables. Par exemple, les subventionspubliques pour la souscription d'une assurance médicale ne sont pas fixées àl'avance ni acquises définitivement; leur calcul et leur versement effectif dépendentde l'évolution des revenus des ménages et de l'accessibilité réelle des plans decouverture. L'illustration que le système n'est pas statique ni figé se trouveégalement dans l'obligation d'assurance individuelle, mesure la plus controversée,appelée progressivement à occuper une place plus importante que les dispositifsd'assistance directe comme le Free Care Pool. Après tout, c'est la menace d'unretrait d'une partie des fonds fédéraux destinés au programme Medicaid qui avaitprécipité cette réforme consensuelle. Mais surtout, elle a pu s'imposer parce que lesconditions favorables étaient réunies.D'abord, l'Etat pouvait s'appuyer sur le système d'assurance fourni par lesentreprises, 68% des résidents de moins de 65 a ns étant couverts par ce biais(contre 61% à l'échelle nationale). En y ajoutant les autres dispositifs de protection(12,7% de la population assurée bénéficiaient du programme Medicaid), onestimait donc à 10% environ la couche de la population dépourvue de touteassurance maladie, soit 550 000 personnes. La marge d'intégration paraissaitjouable. Ensuite, il était avéré que les non-assurés, comme au niveau national,étaient loin d'être tous démunis de ressources, ou privés de tout emploi. Enfin, ilconvenait d'intégrer dans les chiffres globaux ceux qui font le choix délibéré de neprendre aucune assurance, non pas faute de moyens, mais parce qu'ils s'estiment, depar leur âge, nullement exposés à des risques médicaux, et ceux qui retardent leplus longtemps possible la décision de s'inscrire à des programmes d'assistanceauxquels ils ont droit (environ 106 000 personnes en 2006), ou de s'assurer, audétriment en vérité de tous les cotisants actifs à des plans de couverture, lesentreprises comme leurs salariés. Ce facteur de distorsion dans le principe demutualisation des risques paraît encore plus inacceptable lorsque certainscontribuent de par leur inaction à augmenter les dépenses publiques occasionnées


CONTROVERSES AMERICAINES SUR LA COUVERTURE MALADIE OBLIGATOIRE 93par des interventions médicales en urgence, et au final à une inflation des coûts,budgétaires, administratifs, commerciaux.L'expérimentation lancée dans le Massachusetts en 2006 continue de produireses effets, avec des résultats contrastés, commentés diversement, propices à desquerelles de chiffres 11 . Il semble néanmoins que certaines données brutes soientincontestables. Selon le Département de la santé publique de l'Etat, à la fin del'année 2010, 98,1% de la population, dont 99,8% d'enfants, bénéficient d'unecouverture maladie (contre 84,6% à l'échelle nationale). Le taux de couverture dessalariés par leurs entreprises est passé de 68 % à 76% en trois ans, avant des'infléchir. Par ailleurs, le nombre de bénéficiaires de plans de santé publique aaugmenté de 265 000 pe rsonnes, et le nombre de résidents ayant souscrit uneassurance privée est passé de 40 000 à 86 000. Enfin, les prises en charge desdépenses médicales non remboursées ont baissé de 38%, ce qui laisse supposer queles économies correspondantes ont pu être transférées vers d'autres postesbudgétaires, notamment les aides aux souscriptions d'assurances.En regardant dans les détails de ces statistiques, certains milieux conservateursont vite fait évidemment d'y trouver des points négatifs. Faut-il se féliciter que plusde la moitié des nouveaux assurés aient bénéficié de subventions publiques? Si lescompagnies d'assurances continuent d'augmenter leurs primes de police, cela n'estilpas dû à un simple effet de transfert causé par le strict encadrement despaiements offerts désormais aux médecins? Pourquoi 40 % des employeurs se sontilsrefusé de proposer un plan de couverture à leurs salariés, faisant ainsi l'objetd'une sanction financière? Comment expliquer que les coûts de l'assurancemédicale s'élèvent en moyenne à 13 788 dollars par an et par famille, une manièrede record par rapport au reste des Etats-Unis? Certaines des critiques sont peut-êtrerecevables. Elles n'ont pas empêché l'administration Obama de transposer au plannational, presque terme à terme, la politique de réforme du Massachusetts. Lesbourses d'assurances (Health Insurance Exchanges) ont remplacé le Connectormais c'est bien la même fonction de mise en relation des assureurs et des assurés et11 Pour une présentation plus équilibrée de l'impact de la réforme, le Wall Street Journal a ainsidonné la parole à deux représentants de l'une et l'autre partie: Grace-Marie Turner, présidente duGalen Institute, un organisme d'études financé par des professionnels de la santé, et Michael JWidmer, président de la plus importante association régionale de contribuables, MassachusettsTaxpayers Foundation. "A Debate in Massachusetts: Costs Keep Rising/ A Great Success", Oct.27, 2009. Si la première reste sceptique sur les améliorations apportées au système de soins etévoque une «imposition déguisée» pour les assureurs privés, le deuxième n'a que des louangespour l'esprit de «responsabilité partagée». Rappelons que c'est dans le même journal économiqueque Mitt Romney avait publié une apologie de sa réforme: "Health Care for Everyone? We Founda Way", (2011) April, Wall Street Journal, A16. Il écrivait alors: «Quelqu'un doit payer pour lessoins offerts par le législateur: c'est soit chaque individu, soit chaque contribuable. Profiter dugouvernement n'a rien de libertaire».


94 SANTE EN POLYNESIE FRANCAISEde mise en concurrence que l'on retrouve. Pareillement, si les plans de santé duCommonwealth Care ne sont pas reproduits dans le cadre fédéral, les programmestraditionnels Medicaid et Medicare, eux, sont maintenus, rationalisés, voirerenforcés. Les assurances liées à l'emploi sont fortement encouragées, avec desrègles identiques concernant l'interdiction de refus d'assurance pour raisond'antécédents médicaux, l'extension systématique de la protection médicale auxpersonnes dépendantes, le transfert automatique des polices d'assurance d'unemploi à l'autre, ou encore le déplafonnement des remboursements pour lespatients. L'esprit, et le raisonnement économique qui sous-entend les deuxréformes, sont communs. L'objectif, au niveau fédéral, est d'amplifierprogressivement le mouvement amorcé en faisant passer la proportiond'Américains assurés de 83% aujourd'hui à 94% d'ici 2020 12 . Enfin, la clef de voûtedes deux réformes est la même: l'obligation faite à tous de contracter une assurancemaladie 13 .III LES RECOURS JUDICIAIRES CONTRE LA REFORME DE 2010La liste des objections contre le texte du Congrès est bien connue. Sur le planidéologique, les conservateurs en retiennent surtout un succédané de collectivismeillustré par les contraintes fiscales et financières qui sanctionnent toute réticence àsouscrire une assurance. Sur le plan budgétaire, le gouvernement devra prévoir deshausses d'impôts pour financer la réforme avec, en plus, un fort horizond'incertitude puisque le coût global, estimé à 940 milliards de dollars devra êtreétalé sur dix ans. Sur le plan de l'efficacité, l'impact de la loi est marginal pour cequi est de faire baisser les coûts des traitements ou des consultations ou de limiterla multiplication des procédures médicales, pour réduire le phénomène de ladésassurance volontaire dans les classes moyennes ou pauvres ou dans la tranchedes jeunes de 18 à 27 ans. Sur le plan <strong>juridique</strong>, la loi - approuvée au Congrès parles seuls Démocrates, rappelons-le – ressemble à une série d'injonctions adresséespar le gouvernement fédéral en direction des populations des Etats, outrepassantainsi les règles de la division verticale des pouvoirs et les limites apportées au12 Pour une vue d'ensemble, voir Eveline Thevenard, «Barack Obama et la réforme du système desanté» dans Anne Deysine Etats-Unis, une nouvelle donne La Documentation française, 2010,87-188; Alexandra Giraud-Roufast «La réforme de l'assurance maladie aux Etats-Unis enperspective» Politique américaine, N° 17, 2010, 123-146.13 Une étude californienne passe en revue différentes versions américaines et internationales de lamême architecture de réforme, sans omettre les insuffisances ou les désillusions ici ou là. LucienWulsin Jr, Adam Dougherty, "Individual Mandate: A Background Report", California ResearchBureau, April 2009, 1-30.


CONTROVERSES AMERICAINES SUR LA COUVERTURE MALADIE OBLIGATOIRE 95principe constitutionnel de la compétence fédérale en matière de commerce interétatique14 .Plus d'une trentaine de procédures judiciaires (sans suite pour une douzained'entre elles) ont été introduites pour empêcher la mise en œuvre de la loi. Celle-cin'a pas peu fait pour amplifier le mouvement contestataire dénommé Tea Party,avec ses multiples ramifications. Même l'évocation récente d'un retraithypothétique de la loi encore plus coûteux pour les contribuables n'a pas atténué laforce des dénonciations 15 . Entre l'objectivité du droit et les passions politiques, ilest difficile de faire la part. Aussi n'est-il pas étonnant que les décisions de justicerendues jusqu'à présent soient extrêmement contradictoires, et que lescommentateurs les recensent comme une alternance de victoires et de défaitespolitiques.Les jugements défavorables à la loi et plus spécifiquement à un paragrapheinséré dans les quelque 2700 pages (Minimum Essential Coverage) 16 reviennentinvariablement sur l'interprétation d'une disposition de la Constitution fédérale:l'article I, Section 8, énumérant les compétences attribuées aux autorités fédérales,et décliné en ses différentes clauses, notamment sur les prérogatives fiscales, ladéfense de l'intérêt général, le commerce inter-étatique et les mesures «nécessaireset appropriées» permettant de mettre en œuvre – étendre, a jugé la Cour suprêmedes Etats-Unis dans des arrêts célèbres 17 – les attributions exclusives dugouvernement fédéral.Ainsi, le juge de Floride Roger Vinson 18 , après un passage en revue de lajurisprudence reconnaissant ou limitant l'extension de ces pouvoirs, consacrel'essentiel de ses analyses à la nature de l'obligation de s'assurer. Comment peutelleêtre assimilée à une activité commerciale ou économique susceptible d'êtreréglementée? Le choix de ne pas s'assurer relève-t-il d'ailleurs d'une activité, oud'une pure inaction, échappant de ce fait à toute emprise réglementaire? Pour14 Cf David B Rivkin, Lee A Casey and Jack M Balkin "A Healthy Debate: The Constitutionality ofan Individual Mandate" (2009) 158 University of Pennsylvania Law Review 93-118; Ryan CPatterson "Are You Serious? Examining the Constitutionality of an Individual Mandate forHealth Insurance" (2010) 85 Notre Dame Law Review 2003-2032.15 D'après le Congressional Budget Office, organe officiel non partisan, une abrogation de la loipourrait induire un déficit de l'ordre de 230 milliards de dollars d'ici 2021, en augmentant de 32millions le nombre d'Américains sans couverture médicale. Cf Noam N Levy "Big Price Tag Puton Healthcare Repeal" Los Angeles Times, January 7, 2011, A16.16 26 USC § 5000 A.17 McCulloch v Maryland, 17 US (Wheat.) 316 (1819); Gibbons v Ogden, 22 US (Wheat) 1 (1824).18 State of Florida v United States Department of Health and Human Services, 2011 US Dis LEXIS,8822.


96 SANTE EN POLYNESIE FRANCAISEautant, le juge fédéral ne se contente pas de se livrer à un exercice sémantique. Ils'attarde longuement sur une évolution jurisprudentielle marquée par un sens deplus en plus extensif donné à la notion de commerce inter-étatique, ce entre 1824 et1995 19 . Loin d'avoir une lecture littéraliste ou partisane, il fait déférence au cadred'interprétation fixé par le juge de la Cour suprême Antonin Scalia 20 . Est légitimetoute intervention du Congrès fédéral répondant à l'un ou l'autre de trois critères:lorsqu'il agit sur les circuits du commerce entre Etats, ou lorsqu'il tente deréglementer et protéger les voies et moyens de ces flux d'échanges ou leurs acteursou encore les choses échangées, et enfin lorsqu'il veut régir toutes activités ayantun lien significatif avec le commerce inter-étatique. Mais précisément, dans lesconclusions du juge Vinson, l'obligation législative de s'assurer n'est pas un produitcommercial ni une activité économique sui generis. De plus, il r elève que mêmedans les situations où un individu était impliqué dans une activité isolée et liée,directement ou indirectement, à un réseau d'échanges commerciaux plus global, ilavait au moins le choix de se retirer de cette activité pour éviter toute sanction,pénale ou financière. S'agissant de l'assurance obligatoire, les personnes viséesn'ont d'autre option que de souscrire une couverture sous la menace d'une pénalité.Quant à la logique économique qui justifie une telle obligation, par exemple lanécessité de mutualiser les risques et de réduire les coûts des prises en charge etdes cotisations de police pour les assurés, le juge Vinson reste totalementsceptique, parce que le choix de l'inaction ne peut être décrit comme une activitéayant un rapport substantiel avec le domaine d'intervention législative. Il estfallacieux du reste de l'assimiler à un acte ou une quelconque décision économiquepour justifier la règle: «Les décisions économiques constituent une catégoriebeaucoup plus large que ne le sont des activités affectant de façon significative leséchanges inter-étatiques. Si ces derniers incluent nécessairement les premiers,l'inverse n'est pas vrai. Economique ne veut pas dire commercial. Et une décisionn'équivaut pas à une activité». La clause du commerce, par conséquent, n'est passusceptible d'interprétations trop larges. Autrement, toute décision individuellepourrait devenir matière à intervention législative, qu'il s'agisse de moyens detransport, de logement, ou d'habitudes alimentaires, pour reprendre les exemples dujuge de Virginie Henry Hudson 21 qui, lui, contrairement à son collègue Vinson, acontesté non pas la totalité de la loi de réforme mais uniquement la disposition surl'assurance obligatoire.19 United States v Lopez, 514 US 549 (1995).20 Ibid, 558-559.21 Commonwealth of Virginia v Sebelius, 2010 US Dist LEXIS 130814.


CONTROVERSES AMERICAINES SUR LA COUVERTURE MALADIE OBLIGATOIRE 97Bien évidemment, les juges fédéraux qui ont pris leur contre-pied n'ont de cessede démontrer les liens étroits entre les comportements des non-assurés et le cycleinfernal de l'inflation des prix. Dans le premier cas de figure, certains de ceux quiont les moyens de souscrire une assurance retardent leur décision le plus longtempspossible. Ils font ce choix de l'omission en supposant que les dépenses médicalesen cas d'urgence ou d'événements imprévus seront prises en charge par d'autresqu'eux. Mais ces profiteurs du système (free riders) n'ont plus la possibilité, le jourvenu, de payer quoi que ce soit. Du coup, le remboursement des frais médicauxréels - non pas les 10% des montants habituellement demandés par les structures desoins mais leur intégralité - se trouve assuré par l'augmentation des primesd'assurance ou des ponctions fiscales. On estime que ce phénomène représente 3%des dépenses du système de santé américain 22 .Le deuxième cas de figure est celui des non-assurés qui se considèrent en bonnesanté et n'éprouvent pas le besoin, par une sorte de calcul actuariel qui leur estpropre, d'adhérer à une organisation de la population en mutualité. Si bien que lepartage des risques devant les événements aléatoires de la vie finit par ne plusconcerner que des personnes à haut risque. Cette sélection négative (adverseselection) du marché aboutit à faire assumer les coûts à cette tranche sociale, alorsque les autres pourraient y contribuer de par leur moindre exposition aux risquesmédicaux. Le niveau général des prix, une fois de plus, reste orienté à la hausse. Leraisonnement macro-économique est que par un effet cumulatif, de simplesdécisions individuelles peuvent introduire ainsi des facteurs de dysfonctionnement,suivant que ces consommateurs de biens et de services médicaux que sont aussi lesnon-assurés participent ou non à la discipline du marché. C'est en ce sens qu'ilssont les maillons faibles du système de régulation que propose la loi de réforme. Etc'est pourquoi aussi la première juridiction d'appel à avoir rendu une décisionretient que la compétence du Congrès peut être fondée sur des appréciationsraisonnables d'opportunité et des principes économiques pratiques, pour autantqu'elle corresponde par ailleurs aux critères de l'Article I, Section 8. En somme, s'ily a une relation raisonnable entre l'obligation individuelle de s'assurer et le pouvoirde réglementation d'un secteur économique sensible touchant l'ensemble duterritoire, on peut parler d'une présomption de constitutionnalité 23 .22 Cf Douglas A Kahn et Jeffrey H Kahn "Free Rider: A Justification for Mandatory MedicalInsurance Under Health Care Reform ?" (2011) 109 Michigan Law Review 78-85. Cet articlepose, entre autres, la question de la nature de la redistribution sociale opérée par la réforme.23 Patrick McKinley Brennan, "The Individual Mandate, Sovereignty and the Ends of GoodGovernment", Villanova University School of Law, Working Paper, N° 2011-01, Feb. 2011. Pourla thèse contraire, voir Randy Barnett "Commandeering the People: Why the Individual HealthInsurance Mandate is Unconstitutional" (2010) 5 New York University Journal of Law andLiberty 581-637.


98 SANTE EN POLYNESIE FRANCAISEEn attendant que la Cour suprême fédérale se prononce définitivement sur lavalidité de l'assurance obligatoire, on peut se demander si les argumentsconstitutionnels ne sont pas utilisés par certains groupes de pression (Cato Institute,Heritage Foundation) 24 comme un simple expédient ou un prétexte pour essayerd'ébranler tout l'édifice législatif de la loi ACA, comme si c'était la dernière voie derecours possible. Car les deux grands partis reconnaissent l'urgence à proposer dessolutions à la problématique des soins médicaux. Or, ils semblent se polariser surune question unique en oubliant l'essentiel. La Cour suprême aura ainsi la tâchedélicate de préciser et compléter sa jurisprudence sur la liste exclusive et limitativedes compétences du Congrès en se référant ni à l'esprit de conservatismeéconomique et social du début du 20 e siècle, ni à la philosophie délibérémentprogressiste associée à la politique du New Deal, en évitant donc que le débatpolitique ne soit logé dans la formulation des opinions judiciaires. Au-delà desaspects formalistes (La sanction financière infligée aux non-assurés est-elle unprélèvement fiscal? L'inaction est-elle une forme d'activité en négatif?), cette hautejuridiction devra dire en droit pourquoi un schéma de réforme qui a fonctionnédans l'Etat du Massachusetts ne peut être transposé à l'ensemble des Etats-Unis.24 Assez paradoxalement, un des juristes rattaché à l'organisme conservateur Heritage Foundation,Robert E <strong>Mo</strong>ffitt, ne veut plus revendiquer la paternité des idées qui ont inspiré le réformismesage de Mitt Romney et Barack Obama. C'est le sens de son article "Choice and Consequences:Transparent Alternatives to the Individual Insurance Mandate" (2008) 9(1) Harvard Health PolicyReview 223-233.


99RAPPORT DE SYNTHESEAntoine Leca ∗Tenter la synthèse de cette Journée n'est pas une chose aisée. Je vais essayer dele faire sans décevoir, mais avec honnêteté.Le Dr Dominique Marghem nous a présenté les comptes de santé 2009. C'estune nouveauté que sa modestie ne lui a pas permis de souligner. Je vais le fairepour lui. Avant que le Dr Marghem ne s'y attelle, le Pays n'avait pas cet outil. MFlorent Venayre a d'ailleurs souligné la faiblesse de la documentation disponible.En effet, la Polynésie française ne dispose pas comme la Nouvelle-Calédonie d'uneDASS qui produit chaque année un annuaire très complet sur la santé locale, dansses aspects médicaux, démographiques, économiques et sociaux. Pour l'observateurextérieur, c'est là une carence très étrange. Les seules informations comptables donton disposait avant l'initiative du Dr Marghem étaient celles de la CPS, sociétéprivée qui ne connaît qu'une partie de la consommation médicale -64 milliards deFrcs en 2009- celle qu'elle prend à sa charge.L'examen révèle que le système local est plus généreux que le systèmemétropolitain. Les prestations d'assurance maladie par exemple reflètent unemeilleure prise en charge qu'en Métropole ou en Nouvelle-Calédonie, puisque quele remboursement des frais médicaux et pharmaceutiques est à 80% et il est porté à100% pour les assurés en longue maladie 1 , en matière d'hospitalisation oud'évacuations sanitaires 2 /EVASAN, vers la France ou la Nouvelle-Zélande 3 .D'ailleurs le fonctionnaire métropolitain, affilié à la Sécurité Sociale métropolitaine∗Professeur agrégé de Droit, Directeur du Centre de droit de la santé d'Aix-Marseille (EA3242),Chargé de cours à l'Université de la Polynésie française1 Le nombre de patients en longue maladie a doublé entre 1998 et 2008. Il comptait au 1 er janvier2009 quelque 30 6 00 personnes, soit 11,8% de la population couverte par la CPS (SourcesCPS/Pôle Analyse et Développement).2 Selon la délibération n° 2001-6 APF du 11 janvier 2001, «l'évacuation sanitaire à l'extérieur de laPolynésie française constitue une offre de soins proposée au patient lorsque le diagnostic et/ou letraitement et/ou le suivi thérapeutique ne sont pas réalisables dans le Pays par manqued'infrastructure, de service et/ou de moyens adaptés à sa pathologie». Il s'agit essentiellement desradiothérapies pour le cancer, la prise en charge des grands brûlés, la chirurgie cardiaque etneurologique ainsi que certaines greffes.3 En pratique, 80% des évacuations sont effectuées vers la France et 20% vers la Nouvelle-Zélande.


100 SANTE EN POLYNESIE FRANCAISEne bénéficie pas de la prise en charge de l'hébergement lorsqu'il est «évasané» 4 . Àla différence de la solution prévalant en Métropole, le paiement des indemnitésjournalières est versé du premier au troisième jour par l'employeur et couvrel'intégralité du salaire. À partir du quatrième jour de maladie, le paiement de cesindemnités est de 75% à 90% du salaire de référence.Ceci étant «les comptes donnent des informations mais pas les solutions. Ce nesont que des outils d'aide au diagnostic» (D Marghem).La première Table Ronde s'est polarisée sur la contrainte financière. Lesdépenses de santé ont fortement augmenté en Polynésie et il est probable que cettehausse va se poursuivre: on dénombre aujourd'hui près de 25 000 personnes de plusde 60 ans, dont 2.125 ont dépassé l'âge de 80 ans…Evidemment, la discussion s'est immédiatement portée sur l'hôpital. EnMétropole, l'hôpital est globalement le premier vecteur de la hausse des dépensesde santé. Ici la dotation globale du Centre hospitalier de Mamao a doublé en dixans 5 .Et ce n'est pas à l'exemple de Taaone qui risque d'inverser la situation.L'ouverture de ce Centre hospitalier, son coût colossal et les controversesauxquelles l'établissement a donné lieu en font un exemple incontournable. On sesouvient qu'il a nécessité huit ans de travaux( 6 ) et aurait coûté quelques 40milliards de Fcfp, soit plus du double du budget prévu 7 . Selon son directeur,M Louis Rolland, le surcoût de fonctionnement par rapport à l'établissement deMamao sera de 1,4 milliard de Fcfp (11,7 millions d'euros) 8 . Les inquiétudes sontdonc légitimes.4 Entretien avec A Leontieff «Évolution et perspectives du système de retraite des salariés»,.5 7 780 millions de Fcfp en 1999 pour 14 066 millions en 2009.6 L'Hôpital a accueilli ses premiers patients en cardiologie en octobre 2010 (Les Nouvelles deTahiti, 27 octobre 2010: ).7 .8 Théoriquement, le surcoût devrait être compensé par la diminution du nombre d'évacuationssanitaires vers la métropole ou la Nouvelle-Zélande, grâce aux nouveaux services offerts. Deuxcents évacuations sanitaires par an pourraient être évitées, chacune d'entre elles coûtant enmoyenne deux millions de Fcfp (16 700 euros) à la CPS(). Mais la compensation ne sera que très partielle car, naturellement, la priseen charge sur le territoire ne permettra d'économiser que le transport et parfois l'hébergement,mais pas les soins. Or le transport représente moins de 10% du coût de l'évasan et les soinscoûtent plus cher en Polynésie qu'en Métropole. Si on ajoute que certaines personnes refusent


RAPPORT DE SYNTHESE 101Au vu de tout ce qui a été dit aujourd'hui, il semble qu'il y aurait deux regardsdifférents sur la question.Pour certains, faute de volontarisme politique, la Polynésie, a laissé filer leschoses au profit du privé et l'hôpital peut permettre une redéfinition de larépartition des tâches entre le public et le privé.Pour d'autres, cet hôpital est un risque. Notamment pour l'offre de santé dans lesîles qui pourrait en pâtir au plan des dotations budgétaires.Le Dr Jacques Raynal nous a rappelé que la détérioration des comptes de la CPSsurvenait au moment où le Pays voyait commencer à fonctionner le Centre deTaaone. Le Pays a-t-il maintenant les moyens de faire fonctionner ce géant? N'y a-t-il pas un risque pour la pérennité des structures extérieures? D'autant que certainsservices n'ont pas trouvé leur place dans la nouvelle structure, notamment lapsychiatrie et la lutte contre la toxicomanie, comme l'a observé le Dr Marie-Françoise Brugiroux.L'hôpital doit pouvoir être un élément d'un ensemble, a souligné le DrBrugiraux qui a insisté sur la nécessité d'instaurer une complémentarité publicprivé.Si un effort n'est pas entrepris dans ce sens, Taaone qui est une chancepourrait devenir un boulet et un facteur de désertification médical.Peut-on fixer a priori une enveloppe de dépenses? s'est interrogé le DrMarghem. Instruit par l'expérience française de l'ONDAM, personne ne s'estentièrement illusionné sur cette méthode. Le Dr Gérard Papouin a noté que siquelqu'un savait le faire, il pourrait candidater à une prix Nobel d'économie de lasanté.Il y a aujourd'hui 40.000 personnes par an qui viennent aux Urgences a noté MJack Herel, directeur financier de l'hôpital de Taaone. Chaque année ce chiffreaugmente. Comment intégrer ce paramètre a priori?Le Dr Raynal a néanmoins insisté sur la nécessité de fixer un chiffre pourresponsabiliser les décideurs. Car le Pays n'a pas des moyens illimités et ne pourrapas honorer n'importe quelle facture. Il serait important symboliquement d'afficherun plafond.M Jack Herel a lui-même insisté sur la nécessité d'une maitrise médicalisée desdépenses (pas une simple maitrise comptable) et plaidé en faveur d'un ONDAMl'évacuation sanitaire mais accepteront de se faire soigner localement, on peut même appréhenderque l'économie se transforme en un alourdissement inattendu…


102 SANTE EN POLYNESIE FRANCAISElocal, acte politique fort engageant le gouvernement. Ce serait en quelque sortel'Objectif de Pays des Dépenses d'Assurance Maladie (l'OPDAM).Mais un tel programme peut susciter des craintes qui ne sont pas illégitimes : sion met une enveloppe il faudra faire des choix et donc des priorités et desexclusions a observé le Dr Marie-Françoise Brugiroux.La prévention peut-elle générer des économies? Sans doute, mais son action nepeut porter que sur le long terme. Même en ce qui concerne l'hygiène buccodentaire.La question de l'introduction en Polynésie du système du médecin référent néocalédonienou du médecin traitant métropolitain a été posée. Elle ne semble pasavoir entièrement convaincu.On peut néanmoins être sceptique sur ces pistes qui ont été inutilement mises enœuvre en Métropole, la fixation d'un Objectif comptable a priori (réforme Juppé1996) et le système du médecin traitant (réforme Douste-Blazy 2004).En effet on peut craindre que les objectifs n'engagent personne. Les politiquesqui les votent ne se sentent pas obligatoirement concernés par les dépassements quisurviennent chaque année à cause des acteurs du système de santé.Un Objectif comptable défini a priori ne peut être effectif que si on plafonne levolume des actes et des prescriptions et le plafonnement ne sera respecté que s'il estassorti de sanctions financières ce dont personne ne veut, les professionnels desanté d'abord mais aussi les malades qui pourraient ne plus être soignés. Ceci étantil n'est pas interdit de penser que l'OPDAM puisse avoir des effets bénéfiques àlong terme. On se gardera donc de fermer la porte à cette proposition, sans douteutile, mais certainement pas suffisante.Quant au système du médecin traitant, on s ait qu'il a entraîné en France unehausse des dépenses. Il semblerait qu'on ne puisse pas le transposer sans yintroduire des correctifs.D'autres pistes ont été évoquées. Ainsi le taux d'hospitalisations inappropriées(qui serait de l'ordre de 30%) pourrait inspirer une action ponctuelle, efficace àcourt terme. De même, il ne fait pas de doute qu'il y a un abus de consultationsmédicales à la faveur du tiers-payant. Toute la difficulté est naturellement de lesréduire sans entraver l'accès aux soins de plus démunis.En conclusion on dira que l'augmentation des dépenses de santé ne doit pas êtreliée par principe à un tropisme négatif (la gabegie administrative réelle ou supposéeà l'hôpital, la cupidité des professionnels de santé libéraux, la fraude des assurés,etc…). Elle s'explique avant tout par l'augmentation de l'espérance de vie,


104 SANTE EN POLYNESIE FRANCAISEF…alors qu'un nombre très limité de hauts revenus versaient des sommesplafonnées. Ceci appelle des choix politiques.M Régis Chang directeur de la CPS a rappelé, entre autres, le poidsincontournable de la longue maladie.M Erhel a observé que des améliorations étaient tout de même envisageables, àcommencer par la T2A (tarification à l 'activité à l'hôpital) et l'introduction enPolynésie du système métropolitain de certification des établissements de santé.Mais comme pour ce qui a été dit à propos de l'ONDAM et du médecinréférent,il n'est pas interdit de penser qu'en Métropole ces outils n'ont pas suffi àrétablir l'équilibre des budgets hospitaliers.Les échanges ont mis en évidence certains clivages. Pour certains le trou de laCPS appelle une redéfinition du champ des recettes. Pour d'autres, avec 70milliards de dépenses de santé, il y aurait largement de quoi satisfaire aux besoinsdes Polynésiens. En d'autres termes, la priorité ne serait pas d'accroître lefinancement mais de mieux utiliser les vastes ressources dont on dispose. Ladispense de paiement à l'acte fait débat. De toute évidence, cette technique faitoublier aux patients le coût réel de leur démarche : «le tiers payant estinflationniste» a observé M Chang. Mais si on le supprimait, on développerait unsystème d'exclusion avec retour à la situation d'avant 1995 a relevé Mme Merceronsans être démentie par personne.Autre clivage, celui qui distingue ceux qui parlent en général du trou de la CPSet ceux qui font valoir avec Mme Merceron qu'on parle en réalité du déficit duRGS (régime général des salariés).La troisième Table Ronde dirigée par M le Premier Conseiller Loir de laChambre territoriale des comptes s'est posée la question du droit applicable àl'activité médicale.M Jean-Jacques Delarce (HCPF) s'est attaché à décrire les difficultés quis'attachent à l'accessibilité du droit de la santé au plan local. Il n'y a pas ici de codeà proprement parler, mais un fatras de textes. Contrairement à ce qu'on pourraitimaginer, le périmètre de l'Etat et de la Polynésie française n'est pas clair. Certes lasanté est clairement dans la compétence du Pays. Mais il existe des connexités avecle droit civil, le droit pénal et le droit des libertés publiques qui sont de lacompétence de l'Etat. Ceci paralyserait les possibilités de réforme locales. On sesouvient qu'en 1998 le Conseil d'Etat a jugée illégale la création du médecinréférentnéo-calédonien, dans sa version initiale, au motif que l'interdiction dechanger de référent sans l'accord préalable du service chargé du contrôle médical


RAPPORT DE SYNTHESE 105méconnaissait "le principe général de la liberté de choix du médecin par lepatient" 10 .Mme Lubrano du Tribunal administratif de Papeete a exposé les compétencesde la juridiction administrative en matière de droit de la santé et apporté un certainnombre d'éclaircissements, comme le régime des vaccinations (qui relève du Pays),celui des juridictions disciplinaires (régies par des textes étatiques) ou laqualification des médecins (dont on a vu en 2003 qu'elle relevait de l'Etat qui a lemonopole de la collation des grades).Le Dr Malattre de la Direction de la santé a fait état de son expérience deterrain. Effectivement, bon nombre de professionnels de santé ici n'ont pas deréglementation locale, par exemple les masseurs-kinésithérapeutes. Mais le Pays aréglementé avec succès la profession d'infirmier. Et surtout le Dr Malattre a rappeléque les conseils des Ordres professionnels avaient pris l'initiative de forger descodes locaux de déontologie, pour les médecins (1996), les pharmaciens (1997) etdernièrement les infirmiers. Ceci montre que la paralysie n'est pas invincible.M Dupire, Pharmacien chef CMPF et Président de l'Ordre des Pharmaciens dela Polynésie française, a d'ailleurs conclu que réglementer était possible et qu'ilfallait «user et abuser de notre droit à réfléchir».La dernière Table Ronde sur le pilotage, présidée par le Pr. Marc Debène,Directeur du Laboratoire GDI, a abordé la question politique majeure du pilotagedu système de santé.M François Giovalucchi (de l'Agence Française de Développement) a présentéles différents modèles de pilotage, les aspects techniques et les enjeux avecminutie.Mais de toute évidence, il n'y a pas de consensus sur le poids respectif de laCPS et des décideurs politiques. On s'en est aperçu dès la fin de la matinée. MWong-Chou a expliqué que la CPS était «un Etat dans l'Etat». M Chang a répliquéque c'était inexact et que la CPS était un organisme de gestion, le décideur étant legouvernement. D'ailleurs, ses budgets sont parfois modifiés. A l'inverse, pour MmeMerceron «les jeux sont faits au moment où les dossiers arrivent sur le bureau duconseil des ministres» et l'assemblée ne discute jamais des comptes de santé. Leséchanges de l'après-midi n'ont pas démenti cette cacophonie. Mme Bambridge quia, entre autres fonctions, dirigé la CPS jusqu'en 2004, a notamment a relevé10 CE (7° et 10° SSR), 18 février 1998, Section locale du Pacifique sud de l'ordre des médecins, Reqn° 171851, Gaz Pal, 25 septembre 1999, p. 615 et les commentaires dans G Orfila, A Leca, GAgniel (dir) Le droit médical en Nouvelle-Calédonie CDPNC, Nouméa, 2005.


RAPPORT DE SYNTHESE 107Car la réforme s'impose comme vient de le rappeler la Chambre territoriale descomptes qui a relevé la carence des instances élues de la Polynésie française 11 qui afait un certain nombre de propositions intéressantes 12 . La réforme doit concernertous les acteurs et pas l'un ou l'autre de ceux-ci, en épargnant tel ou tel. On sehasardera à évoquer une douzaine de pistes qui, prises de concert, impliqueraienttous et seraient de nature à rétablir l'équilibre dans la durée : les unes reprennent cequi a été dit à un moment donné aujourd'hui, d'autres sont dans l'air du tempsactuellement en Polynésie.En écho à tous ceux qui ont jugé qu'avec quelque 70 milliards la Polynésiepouvait faire fonctionner son système de santé, il faudrait certainement envisagerdes économies d'échelle.Supprimer les dépenses évitables par une rationalisation administrativepourrait faire consensus. Evidemment tout le problème sera de faire des choix. Onse permettra de poser deux questions candides : est-il vraiment indispensable que laPolynésie ait deux ministères distincts de la santé et de la protection sociale? 13 Nepeut-on imaginer que ces deux matières soient intimement liées? Est-il raisonnableque la PSG reste écartelée en trois pôles séparés (RGS, RNS, RSPF), dont lacoexistence génère des coûts de gestion supplémentaires pour la CPS 14 ?Clarifier le contrôle du pays sur les comptes de la santé devrait aussi pouvoirréunir une écrasante majorité de citoyens de la Polynésie. Il n'est pas normal qu'undirecteur de la CPS et une ancien ministre puisse s'opposer sur le point de savoir sile pilotage réel relève de la CPS ou du gouvernement. L'identité des décideurs doit11 Chambre territoriale des comptes de la Polynésie francaise, Rapport d'observations définitives,Collectivité de la Polynésie française/ Affaires sociales et solidarité, Exercices 2000 à 2009,adopté à la séance du 17 août 2011, pp 2-3: "depuis quinze ans, aucune politique globale deprotection sociale et de solidarité n'a été définie, ni par l'assemblée de la Polynésie française nipar les gouvernements qui se sont succédé… En 2011, la protection sociale et la solidarité ontbesoin d'être refondées pour que les principaux acquis de la PSG puissent être préservés", 8: "Lesystème requiert donc une réforme profonde concernant son financement, ses prestations et sesmodalités de gestion".12 Notamment répenser la répartition du financement par l'impôt et par les cotisations, généraliser lesystème de tarification à prix de journée. (Chambre territoriale des comptes de la Polynésiefrancaise, Rapport d'observations définitives, op cit, p7) et moderniser le secteur médico-social.13 Le rapport de la mission d'assistance à la Polynésie française (octobre 2010), mais aussi le rapportde la Chambre territoriale des comptes sur la mission santé (13 janvier 2011) et le rapportAffaires sociales et solidarité (17 août 2011), ont fortement recommandé qu'un seul ministrecouvre la protection sociale et la santé.14 A la fin du XX° siècle déjà, le rapport de Bernard Brunhes International de septembre 1997déconseillait de persister dans l'organisation du système en régimes autonomes, trop compliqués àgérer efficacement, et prônait qu'au moins un rapprochement progressif entre les régimes soitpiloté par la collectivité de la Polynésie française.


108 SANTE EN POLYNESIE FRANCAISEêtre claire aux yeux de tous. De toute évidence, le pouvoir et la responsabilitédoivent appartenir au gouvernement et l'assemblée du Pays doit examinerannuellement les comptes de la santé, voire s'engager sur un OPDAM. Il estinconcevable que l'assemblée de la Polynésie française n'ait jamais fixé ni cadregénéral, ni aucun objectif de dépenses pour la PSG. Inconcevable aussi que legouvernement ne puisse pas faire prévaloir ses vues au comité de gestion du RSPF,«organisme qui est pourtant présidé par un ministre de son gouvernement, maisdont la majorité est composée de dix socioprofessionnels sur dix-sept membres» 15 .Brider la hausse des dépenses hospitalières fait aussi consensus. Reste à endéterminer plus précisément les pistes. L'idée de généraliser le système detarification à prix de journée à progressé. Mais la transposition au Fenua dusystème de la tarification à l'activité (imaginé aux Etats-Unis et introduit depuis2004 en Métropole) ne fera pas de miracles et on peut même craindre qu'il nepousse l'hôpital à transférer au privé les activités non rentables. Reste la questiondu forfait journalier, qui existe en Métropole et qui a existé en Polynésie françaiseoù il a été supprimé. Elle mériterait peut-être d'être à nouveau posée. Sans doutefaudrait-il en exempter les catégories défavorisées en évitant toutefois toutestigmatisation des indigents, comme on les appelait jadis.Réduire les dépenses médicales évitables n'est pas hors de portée. EnMétropole, le périmètre des monopoles respectifs des médecins, des sages-femmeset des infirmiers a été redessiné avec l'accord des médecins qui n'ont pas faitobstacle à un droit de prescription partagé sur un petit nombre de points. Onpourrait s'en inspirer et peut-être aller plus loin, si une loi d'Etat pouvait en ouvrirla voie à la Polynésie, qui mettrait ceci en œuvre par voie réglementaire. Offrir undroit de prescription limité au pharmacien pour la gestion des affections sansgravité dispenserait de rembourser des consultations médicales de routine pour destoux, des gorges enflammées, rhumes, céphalées, diarrhées, constipation, etc...Outre-Manche, où la possibilité a été introduite depuis 2003, on estime que siseulement le quart des patients consultant leur généraliste pour une pathologiemineure allaient voir à la place leur pharmacien, le NHS économiserait 551 Md'euros par an.Diminuer les dépenses de médicaments sans ruiner les officinaux devrait êtreréalisable. Les comptes 2009 établis par le Dr Marghem révèlent que 17% de laconsommation médicale concerne les médicaments et les dispositifs médicaux. Ce15 CTCPF Rapport d'observations définitives, op cit, 15.


RAPPORT DE SYNTHESE 109n'est pas négligeable!( 16 ). Il faut donner en Polynésie un statut attractif pour lesgénériques et introduire des tarifs forfaitaires de remboursement sur la base du prixde la spécialité la moins chère. Réfléchir au cadre <strong>juridique</strong> applicable àl'importation de médicaments serait susceptible d'offrir de possibles alternatives enmatière d'approvisionnement du marché local.Accroître le volume global des cotisations à taux constant serait possible parl'adjonction des fonctionnaires d'Etat. En Nouvelle-Calédonie, ceux-ci cotisent àla CAFAT sans que cela pose de difficultés particulières. C'est une populationactive à haut niveau de salaire qui devrait pouvoir cotiser à l'intérieur du systèmesans être lésée.Certaines professionnels de santé ont accepté il y a peu de réduire leurshonoraires 17 . Les professions visées devraient sans doute admettre un encadrementconventionnel plus strict pour contrôler l'activité médicale. On ne doit prendre encharge que ce qui est médicalement justifié.On devrait pouvoir faire baisser les arrêts-maladies dans les secteursprofessionnels où leur haut niveau reflète inévitablement une anomalie.Une institution analogue à la section des assurances sociales 18 serait utile auPays: elle permettrait de faire collaborer les médecins et la CPS qui ont tout intérêtà sanctionner les comportements professionnels socialement intolérables.Créer une taxe adéquate risque certainement d'apparaître comme un gros mot.Malheureusement, au vu de la situation économique et sociale locale, il est clairque la part de fiscalité par rapport aux cotisations s'est fortement accrue cesdernières années 19 et il semble illusoire d'imaginer que l'on puisse inverser unetendance lourde 20 .16 En Métropole, la Sécurité sociale consacre 20% de ses ressources aux biens médicaux(médicaments inclus), cf B Majnoni d'Intignano Économie de la santé (PUF, Thémis, 2001) 296-297).17 Les Nouvelles de Tahiti, 1° septembre 2010: .18 En Métropole, la section des assurances sociales a une compétence d'exception pour connaître des"fautes, fraudes et abus et tous faits" commis au préjudice de la sécurité sociale. Elle a unecomposition mixte. Elle regroupe en effet (outre un membre du corps des tribunaux administratifset des cours administratives d'appel en activité), deux assesseurs médecins et deux assesseursreprésentant les organismes d'assurance maladie.19 La contribution de la Polynésie française au financement de la PSG est passée de 17,6 milliardsde F CFP en 2004 à 27,7 milliards de F CFP en 2009 (Sources : CRCPF 2011).20 Même en France métropolitaine, la Sécurité Sociale serait aujourd'hui financée à 40% par l'impôt(D Laurent «De l'assurance publique à l'assurance privée» Lamy Droit de la santé, fasc130, §.130-10).


110 SANTE EN POLYNESIE FRANCAISEEn d'autres termes, les patients qui en ont individuellement les moyensfinanciers devraient pouvoir supporter une taxation supplémentaire. Deux voiessont possibles. La première consisterait à taxer les visites médicales en enexemptant les enfants, les étudiants, les femmes enceintes, les vieux, les chômeurset les pauvres. La seconde possibilité serait de créer un impôt nouveau pour tousles foyers fiscaux au-dessus d'un certain niveau, mais pas une TIS qui frapperait lesentreprises et serait répercutée sur leurs prix (et donc supportée indifféremment partous). Inévitablement, ce serait un impôt sur les ressources des ménages - ce quisupposerait que la connaissance exacte des revenus non-salariaux puisse êtrefiabilisée dans ce Pays.En toutes hypothèses, cette réforme devra se cantonner à des limitesraisonnables et bien prendre garde au fait que le taux estimé des prélèvementsobligatoires en Polynésie française, d'après les travaux des Etats Généraux del'outre-mer (EGOM) en septembre 2009, a déjà atteint, eu égard aux chargespubliques supportées par le Pays, un niveau élevé.Augmenter le 'ticket modérateur' paraît incontournable, à condition d'enexempter les plus démunis 21 . Seuls les plus favorisés pourraient supporter lesacrifice, quitte se tourner vers des mutuelles, comme en Métropole et en Nouvelle-Calédonie. La création en novembre 2009 de la première mutuelle de santépolynésienne (Turu Ora, Mutuelle des Patentés et Libéraux de Polynésie) estd'ailleurs symptomatique d'un tel contexte 22 . Au Royaume-Uni, existe une taxe deprès de dix euros sur les prescriptions qui ne s'applique pas à 85% desprescriptions; elle n'en assure pas moins une dotation importante pour le NationalHealth Service.Associer la CPS aux sacrifices partagés par tous. Le coût de fonctionnementde la Caisse est un élément qui doit être remis à plat. Que le salaire moyen y soit deplus de 400.000 Fcfp peut susciter des interrogations qui ne sont pas illégitimes.D'ailleurs, en avril 2010, la Cour des comptes a pointé une masse salariale pasassez encadrée.Enfin il n'est pas possible de renoncer à responsabiliser l'usager du système desanté. Chacun devrait prendre conscience qu'il n'y a pas de créances sans21 A défaut de 'ticket modérateur' pour les catégories les plus défavorisées, on pourrait imaginer unefranchise d'ordre public limitée à une somme annuelle forfaitaire – assez base pour ne pas êtredissuasive, mais assez substantielle pour éviter les effets dé-responsabilisants de la gratuitéintégrale.22 «Étant donné le déficit de la CPS et les solutions de financement qui viennent à manquer, cettemutuelle apporte une première réponse, pour les particuliers, à la maîtrise des dépenses de santé»,indique avec réalisme M Kolka Muller, son directeur général.


RAPPORT DE SYNTHESE 111obligations et se pénétrer de l'existence de véritables devoirs du citoyen assurésocial.Il faut responsabiliser socialement le patient. C'est ce que révèle l'exempledramatique des «affections de surcharge pondérale» (diabète sucré et hypertensionartérielle), qui occupent une part très importante parmi les pathologies frappant lespatients en longue maladie 23 . Parmi ceux-ci le nombre de jeunes de moins de vingtans 24 est toujours préoccupant. Cette situation révèle avec acuité l'extrêmedifficulté qu'il y a à changer certains comportements alimentaires. Il n'empêche quecette politique ne pourra pas éternellement se limiter à des conseils et à desmesures incitatives dépourvues de sanctions : lorsque 10% des assurés représententà eux-seuls la moitié des dépenses de l'assurance maladie, la société a le droit des'interroger sur la part de responsabilité qui est la leur dans le développement despathologies dont ils sont les victimes.Pour finir, on dira que la santé a un prix et que chacun doit contribuer à payercelui-ci à proportion de ses ressources pour éviter une faillite prévisible. Si leshabitants de ce Pays préfèrent garder ce qu'ils connaissent, de crainte d'avoir àsupporter ces sacrifices, ils perdront ce qu'ils pourraient sauvegarder pourconserver ce qu'ils ne retrouveront plus.Faa'a, le 28 novembre 201123 La part de ces pathologies est considérable chez les patients en longue maladie: 15,1% sonttouchés par le diabète sucré et 18% par l'hypertension artérielle (Sources CPS /Pôle Analyse etDéveloppement, juin 2009).24 En 1995, on dénombrait 1 809 jeunes de moins de vingt ans parmi les patients en LM, soit 21,4%des effectifs globaux. En 2008, leur nombre s'est hissé à 3 953, mais il ne représente plus que12,9% de l'ensemble (Sources CPS /Pôle Analyse et Développement, 2009). Le rapport de lamission d'assistance à la Polynésie française (octobre 2010), mais aussi le rapport de la chambreterritoriale des comptes sur la mission santé (13 janvier 2011), ont fortement recommandé qu'unseul ministre couvre la protection sociale et la santé.

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