Brésil 6propos recueillis parCatherine Ojalvo etSouad von AllmenKelly, coordinatrice <strong>des</strong>projets TdH au BrésilKeu Ribeiro, 32 ans, est coordinatrice nationale de <strong>Terre</strong> <strong>des</strong> <strong>Hommes</strong> <strong>Suisse</strong> (TdH)au Brésil depuis août 2007. À Genève pendant le mois de décembre dans le cadred’une formation en français, nous en avons profité pour rencontrer cette jeune femmeoriginaire de Pernambuco, passionnante et passionnée.TdH : Quel a été ton parcours avant de prendre ce postede coordinatrice nationale ?K.R. : J'avais peu travaillé dans le domaine <strong>des</strong> droits del’enfant avant d’intégrer <strong>Terre</strong> <strong>des</strong> <strong>Hommes</strong> <strong>Suisse</strong>. Enrevanche, l’action sociale a toujours été une priorité pourmoi, en fait dès ma vie d'étudiante. Formée en administrationd’entreprises, je me suis occupée d’accompagnementsocial et d'éducation pendant une dizained’années, d’abord auprès de paysans et de femmes, puisauprès de petites et moyennes entreprises.aïeul noir. Mais dans la réalité, on constate que cettemajorité n'a pas accès à la richesse du pays. On assisteà un mouvement de lutte concernant la « négritude »,dont la question essentielle est : « En quoi le fait d’êtreblanc donne-t-il plus de chance ? » Moi qui suis d’unefamille totalement métisse, j’ai pu constater que nousTdH : Comment as-tu connu TdH ?K.R. : En 2005, j’ai souhaité réduire mon temps de travail,c’est alors que je suis tombée sur une annonce pour unposte à 25% proposé par TdH pour suivre les projets àBahìa. En 2006, j'ai également assumé la coordination <strong>des</strong>projets en Amazonie. Me voici maintenant à 80% pourcoordonner les 8 projets que TdH soutient dans le pays.TdH : En quoi consiste ton travail, quel est ton rôle ?K.R. : Il est différent selon la taille <strong>des</strong> projets. Les petitsdemandent parfois plus de présence, notamment dans lagestion. S’agissant <strong>des</strong> plus grands, souvent mieux organisés,mon rôle consiste plutôt à développer un lien avecles politiques et une mise en réseau. Plus généralement,j’essaie d’avoir une vision globale <strong>des</strong> projets et de repérerles besoins en formation. Le défi est aussi de mettreen place <strong>des</strong> indicateurs permettant d’évaluer les impacts<strong>des</strong> projets. Le rôle de la coordination nationale est enfind’identifier de nouvelles opportunités de réseaux, de nouveauxpartenariats possibles. C'est donc non seulement unrôle d’action, mais également de prospection.terre <strong>des</strong> hommes suisse n°93 - février 2009TdH : Y a-t-il en ce moment un thème sur lequel vousvous penchez plus particulièrement ?K.R. : Nous sommes actuellement très attentifs auxquestions de « races » et de genres. Au Brésil, entre 60et 70% de la population est métisse ou noire. Officiellement,il n’y a pas de racisme, nous vivons dans unedémocratie raciale, toute personne (ou presque) a un
Interview 7n’étions que 3 étudiants sur 30 à avoir la peau foncée àl’université.Bien que la plupart de nos bénéficiaires soient noirs eten majorité <strong>des</strong> femmes, ces notions n’avaient jusqu’alorsaucune place dans les programmes.TdH: Et concrètement ?K.R. : <strong>Terre</strong> <strong>des</strong> <strong>Hommes</strong> <strong>Suisse</strong> (Genève et Bâle) s’occupechacune de 8-9 projets au Brésil. De notre travailen commun est née la première formation en septembre2007, où durant une semaine, pour chaque projet, nousavons travaillé sur l'intégration de ces notions de race etde genre dans les programmes. Nous avons poursuivi cetteréflexion en juillet dernier.Ce qui est extraordinaire, c'est de voir qu'aujourd'hui cesconcepts font leur chemin. Les enseignants paysans duprojet d’école agricole au sud de Salvador les transmettentà leurs élèves. Nos partenaires de Recife, le CMC etle CMNE, les ont également intégrés dans la formationpolitique qu’ils dispensent aux femmes.Ce travail doit également se concrétiser au sein même <strong>des</strong>équipes avec lesquelles nous travaillons : les employés dela Cedeca, par exemple, dont la plupart ont un haut niveaud’étude (avocats, psychologues, etc.), sont en majoritéblancs : faut-il faire de la discrimination positive lors deprochains engagements ? Les peintures murales <strong>des</strong> crèchesavec lesquelles travaille la Caac montrent systématiquement<strong>des</strong> enfants blonds aux yeux bleus... ! À quand<strong>des</strong> métisses dansant la capoeira ?TdH : Quels enjeux d'avenir pour TdH Brésil ?K.R. : Nous devons redéfinir nos thématiques prioritaireset confirmer notre présence dans la région du Nor<strong>des</strong>te.Une autre préoccupation est celle d'avoir un bon équilibreentre les projets d'assistance directe et ceux qui développentun travail plus politique. Je crois que tous deux sontimportants, et notamment que la pression politique peutgarantir la pérennité <strong>des</strong> projets de soutien direct.TdH : Voudrais-tu partager une autre préoccupationavec les lecteurs ?K.R. : On s’interroge sur le statut de pays émergent pourle Brésil. Un certain nombre d’avancées ont été faites,notamment concernant les politiques publiques, maiselles ne sont pas bien consolidées et pas vraiment misesen œuvre. À cette étape, le rôle du mouvement social estdéterminant. Je crains que ma génération voie la fin dela coopération internationale au Brésil... Si c'est le cas, ilsera primordial de bien réfléchir aux conditions de départavant de quitter le pays.Actuellement au Brésil• Droits <strong>des</strong> enfants et <strong>des</strong> adolescentsCedeca : Centro de Defensa da Criança e Adolescente, combatl'impunité <strong>des</strong> auteurs d'homici<strong>des</strong> contre les enfants etadolescents à Salvador de Bahía.• Promotion du rôle <strong>des</strong> femmesCMNE : Centro das Mulheres do Nor<strong>des</strong>te, propose <strong>des</strong> formationset un accès à la microfinance à <strong>des</strong> femmes.CMC : Centro das Mulheres do Cabo, lutte contre les abussexuels et la prostitution dans l'Etat de Pernambuco.• Education adaptéeCaac : Centro de articulacao e apoio as creches, encourageles échanges entre les différentes crèches communautairesde Fortaleza.Efa : Escola Família Agrícola, offre aux jeunes une éducationadaptée au milieu rural à Ilhéus.Secoya : éducation bilingue pour les Yanomamis.MIEIB : Movimento Interforuns de Educacao Infantil do Brasil,lutte pour l'éducation <strong>des</strong> enfants de moins de 6 ans.AECOFABA : Associação das escolas das comunida<strong>des</strong> e famíliasagrícolas da Bahía, forme <strong>des</strong> enseignants pour les écolesagricoles.• Sécurité alimentaireSasop : Serviço de assessoría a organizações populares rurais,promet une agriculture durable et familiale dans le nor<strong>des</strong>terre <strong>des</strong> hommes suisse n°93 - février 2009© TdH, Brésil, Silvio Cavuscens et Souad von Allmen