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La syntaxe mensongère - Aix Marseille Université

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sens pourront être analysés. L’on en trouvera quelques illustrations ci-dessous, à titreindicatif :• Les énoncés du type They say he is dead, où they est indéterminé, font apparaître unedéconnexion forme / sens. <strong>La</strong> proposition principale du point de vue syntaxique necorrespond pas à l’acte principal du point de vue sémantique. L’énoncé a les caractéristiquesformelles du discours indirect classique (DIC) mais relève-t-il du DIC d’un point de vuesémantique ? Ce type d’énoncés interroge la catégorie même de discours rapporté et sadéfinition, qui transcende nécessairement la forme.• Les énoncés du type She didn’t buy the dress she said she liked, qui comportent une propositionrelative (she said she liked) contenant elle-même une proposition principale (she said) et uneproposition subordonnée complétive (she liked), interrogent également sur le rôle de laproposition principale. Correspond-elle à l’acte principal ? Si tel était le cas, l’utilisation de laconjonction that devrait être possible. Or, sa présence est manifestement peu acceptable (?She didn’t buy the dress she said that she liked), et la relative n’a pas pour mission de rapporterles dires de she, malgré la forme de l’énoncé, mais bien de déterminer la robe. <strong>La</strong>subordonnée relative fait apparaître une subordination syntaxique mais non sémantique.• L’on peut également s’interroger sur le hiatus entre la <strong>syntaxe</strong> et le sens dans un énoncédu type So completely did they dwarf the surrounding architecture that from the roof of VictoryMansions you could see all four of them simultaneously (G. Orwell, 1984), dont la structuresyntaxique est contredite par le sens, la proposition syntaxiquement principale étantsémantiquement subordonnée.• Les questions rhétoriques offrent également une illustration de déconnexion forme / sens,en ce que la forme est interrogative mais le sens n’est pas interrogatif. Ces énoncésproduisent tout au plus un effet interrogatif.• Les relatives peuvent illustrer le phénomène de déconnexion : certaines d’entre elles sonten apparence syntaxiquement déterminatives mais leur fonctionnement sémantique lesrapproche des appositives (She looked at her shoes which were covered with mud. U. Dubos,1990).• Certains énoncés au passif se prêtent également à une description en termes dedéconnexion. Si leur forme est prototypiquement passive, leur sens en revanche l’estnettement moins, comme le montre l’énoncé, How 'liberation' has brought anarchy to Kabul, andnow history is repeated in Baghdad, où is repeated signifie repeats itself. Comment alors définir lepassif ? Une forme passive peut-elle être totalement déconnectée du sens passif ?Inversement, certains énoncés ou segments ne font pas apparaître les marqueursprototypiques du passif mais ont un sens passif : Nebraska’s diverse landscape supports a diversevariety of huntable wildlife, huntable ayant un sens passif (that can be hunted), même s’il n’en apas la forme.• Les verbes à montée du sujet (seem, appear, happen, be sure to, cease, etc., les verbes de dire oud’opinion au passif, say, believe, report, rumour, etc.), se prêtent également à ce type d’analysecar leur sujet syntaxique ne correspond pas à leur sujet sémantique. Les verbes activo-passifs(the book reads well) et les verbes décausatifs (the door opened, the branch broke) pourrontégalement être interrogés.• Les clivées comportent parfois des focus qui ne correspondent pas à une informationnouvelle, à un élément mis en relief mais qui servent de charnière avec ce qui suit, comme lemontre It was in the face of such opposition that the first Protestant missionary to China,Robert Morrison, arrived at Caton in September 1807 (F. Dubois-Charlier, 1997). Le focus est iciconnu, alors que ce qui suit, censé être présupposé, ne l’est pas. Le focus syntaxique del’énoncé clivé annonce, contre toute attente, l’information nouvelle. Cette déconnexion estellepossible quels que soient les constituants sémantiques de l’énoncé clivé ? Ceci pourraitêtre exploité.• Dans le domaine nominal, les constructions du type Her married bliss had been bliss indeed (I.Murdoch, the Nice and the Good, 1968, cité par C. Guimier et G. Garnier, (1997)), fondées sur


une hypallage, mettent en scène une rupture entre la portée syntaxique de l’adjectif et sonsupport sémantique. Même chose dans les cas de métonymie, comme dans she went scarlet allover the face, où le conflit entre l’analyse en constituants syntaxiques et l’interprétationsémantique est patent, she représentant her face par métonymie.Autre cas : les structures du type A little comfy kennel of a house, qui font apparaître que lenoyau syntaxique n’est pas le noyau sémantique du SN, et qu’une relation d’identificationmétaphorique est créé entre les deux noms.• Certaines déconnexions d’ordre morphologique pourront également être étudiées : lesnoms à nombre libre du type barracks, species etc., possèdent un morphème pluriel tout enpouvant avoir un sens singulier, et déclencher des accords singuliers. Une forme dedéconnexion morphologique s’opère alors. L’on constate le même phénomène avec les nomsà nombre fixe du type police, cattle, gentry, clergy, etc., qui sont morphologiquement singuliersmais sémantiquement pluriels et sont toujours suivis du pluriel (pluralia tantum).• Cette déconnexion peut s’opérer au niveau des marqueurs eux-mêmes : la conjonction decoordination OR par exemple pourrait être analysée, en ce qu’elle peut être décrite commeun ‘marqueur paradoxal’, disjoignant « sémantiquement ce qu’il conjoint syntaxiquement »(<strong>La</strong>paire & Rotgé, 2004)• À un autre niveau, les déconnexions englobent également les cas où la structure ne peutpas avoir le sens qui lui est généralement associé. L’expression ‘<strong>syntaxe</strong> <strong>mensongère</strong>’ prendalors tout son sens : le discours direct (DD) par exemple peut apparaître dans des contextesoù aucun acte de parole n’a lieu, comme le montrent les énoncés ci-dessous, extraits d’unenouvelle de Virginia Woolf (« The Haunted House », 1918) :« Safe, safe, safe, » the pulse of the house beats softly. […]« Safe, safe, safe, » the pulse of the house beats gladly. […]« Safe, safe, safe, » the heart of the house beats proudly. […]« Safe! safe! safe!, » the pulse of the house beats wildly. […]À chaque fois, l’énoncé correspond syntaxiquement à du DD, mais au niveau du sens, le DD,enserré de guillemets, renvoie à ce qui ne peut par définition être dit, l’énonciateur étantmétaphorique et le verbe beat n’étant pas un verbe de parole. L’on peut alors suggérer que sil’on a affaire à du DD au niveau syntaxique, il ne peut s’agir que d’un effet de DD au niveausémantique.Même chose dans Jones believes that the trains are working, où l’énoncé semble annoncer lereport d’une croyance de Jones. Or, suivant le contexte, il peut décrire une croyance que lelocuteur attribue au sujet, sans que ce dernier ne soit l’auteur d’un acte de parole origine.Ceci est le propre des verbes ‘parenthétiques’, selon la terminologie mise au point parUrmson.• <strong>La</strong> <strong>syntaxe</strong> devient littéralement <strong>mensongère</strong> dans les énoncés où le contexte invalide lesens qui lui est généralement attribué, comme dans “And it came over me ‘I might havemarried you,’” she said, thinking of Peter. (V. Woolf, Mrs Dalloway). L’énoncé, qui seprésente comme ayant été verbalisé à haute voix (les guillemets semblent l’attester, ainsi quel’incise she said), est pourtant, dans le contexte, nécessairement intérieur : Mrs Dalloway esten présence de son mari, mais elle pense à Peter Walsh, dont elle se dit qu’elle aurait pul’épouser. Peter est le rival amoureux de Richard Dalloway et c’est à ce dernier que « you »renvoie. Mrs Dalloway s’adresse ainsi à Peter en pensées. Cette phrase ne peut donc avoirété prononcée à voix haute, malgré la présence de she said, qui semble indiquer le contraire.Pourquoi alors cet énoncé prend-il la forme d’un acte verbalisé ? <strong>La</strong> forme devient le lieu detous les dangers, de toutes les instabilités et dit autre chose que ce qu’elle est censée dire.• Les langues imaginaires, créations utopiques d'une langue parfaite, peuvent également êtreinterrogées comme lieu de perfection, reflétant par un langage idéal, une société idéale. Ceslangues, visant à l’expression pure de la pensée impliquent a priori la négation de toutedéconnexion forme / sens. <strong>La</strong> complexité est bannie, le conflit également. Ceci est-il une


propriété commune à toutes les langues imaginaires ? L’imperfection n’est-elle pas l’apanagede toute communication ?<strong>La</strong> réflexion pourra alors déboucher sur des considérations épistémologiques sur lefonctionnement de la langue : qu’en est-il du modèle saussurien et de la théorie du signe ? Dela pragmatique austinienne (il existe un sens locutionnaire indépendant du sensillocutionnaire d’un acte) et gricéenne (le sujet intentionnel surplombe la langue et lacontrôle) ? Qu’en est-il du résidu (théorie du reste de Jean-Jacques Lecercle), la langueproduisant inévitablement son propre reste ? Où le localiser ? Quel est le rôle du contexte ?Où faut-il l’intégrer dans la grammaire de la langue ? Telles sont les questions que l’onpourra se poser.L’étude pourra concerner divers types de discours (littéraire, oral, politique, etc.).

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