dépasser <strong>le</strong>s « vieux » clivages entre « défenseurs » et « critiques » <strong>de</strong>s sondages politiques. Le groupeMOD souhaitait ainsi, conformément à ses objectifs initiaux, permettre au pluralisme méthodologique <strong>de</strong>trouver toute sa place dans <strong>le</strong>s débats qui traversent notre discipline. Cet atelier a notamment permis <strong>de</strong>faire dialoguer différentes approches aujourd’hui en capacité <strong>de</strong> débattre <strong>de</strong> manière constructive. Ladiscussion était centrée sur <strong>de</strong>ux ouvrages récemment parus, celui <strong>de</strong> Patrick Lehingue, Subunda Coups<strong>de</strong> son<strong>de</strong> dans l'océan <strong>de</strong>s sondages, Editions du Croquant, 2007 et celui <strong>de</strong> Mathieu Brugidou, L’opinionet ses publics, Presses <strong>de</strong> Sciences Po, 2007, Loïc Blondiaux, auteur <strong>de</strong> La fabrique <strong>de</strong> l’opinion. Unehistoire socia<strong>le</strong> <strong>de</strong>s sondages, Paris, Seuil, 1998 ayant accepté <strong>de</strong> participer à la discussion. PatrickLehingue et Mathieu Brugidou ont successivement présenté <strong>le</strong>ur ouvrage et réagi à celui <strong>de</strong> l’autre avecla consigne <strong>de</strong> dégager <strong>le</strong>urs points d’accords et <strong>de</strong> désaccords sur la conception <strong>de</strong> l’opinionpublique et l’outil <strong>de</strong>s sondages. Très schématiquement, <strong>le</strong> débat a principa<strong>le</strong>ment porté surl’interprétation <strong>de</strong> ce qu’est l’interaction socia<strong>le</strong> spécifique que constitue la passation d’unquestionnaire et, à travers cette question sur la <strong>de</strong>nsité argumentative <strong>de</strong>s réponses fournies par <strong>le</strong>sondé. Mathieu Brugidou a défendu l’idée que <strong>le</strong>s sondages peuvent être considérés comme <strong>de</strong>sdispositifs sociaux sur <strong>le</strong>squels s’ajustent <strong>de</strong>s opinions personnel<strong>le</strong>s. Répondre à un sondage c’est seprojeter sur une scène publique. Alors que Patrick Lehingue a mis en doute ce mécanisme <strong>de</strong> projectionet a insisté sur la fragilité <strong>de</strong>s interactions socia<strong>le</strong>s fugitives sur <strong>le</strong>squel<strong>le</strong>s repose la qualité <strong>de</strong> la réponse àun sondage. Au bout du compte, par la qualité <strong>de</strong>s interventions <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux principaux protagonistes maiséga<strong>le</strong>ment du discutant et <strong>de</strong>s participants, ce débat fut <strong>de</strong> non seu<strong>le</strong>ment d’une gran<strong>de</strong> tenue mais acontribué à déplacer <strong>le</strong>s points <strong>de</strong> discussion.Bilan du modu<strong>le</strong> spécial <strong>de</strong> laSection d'Etu<strong>de</strong>s Européennes (SEE)Ce modu<strong>le</strong>, intitulé « Etudier l’Union européenne en France : objets, paradigmes, métho<strong>de</strong>s », avait pourobjectif <strong>de</strong> nourrir la réf<strong>le</strong>xion sur l’épistémologie <strong>de</strong>s étu<strong>de</strong>s européennes, dans la continuité <strong>de</strong>sactivités précé<strong>de</strong>ntes <strong>de</strong> la SEE, notamment <strong>de</strong> l’atelier « Où en sont <strong>le</strong>s étu<strong>de</strong>s européennes enFrance ? » du Congrès <strong>de</strong> Lyon (2005) et du premier congrès <strong>de</strong> la SEE « Une Europe <strong>de</strong>s élites ? »(Bor<strong>de</strong>aux, 2006). Il voulait éga<strong>le</strong>ment capitaliser sur d’autres apports, tels que <strong>le</strong> colloque <strong>de</strong>s cinq ans<strong>de</strong> la revue Politique européenne.Après ces débats salutaires, qui ont surtout contribué à dire ce que <strong>le</strong>s étu<strong>de</strong>s européennes françaises nesont pas – notamment par voie <strong>de</strong> comparaison avec un, supposé, mainstream anglo-saxon – ou nedoivent pas être, l’ambition du modu<strong>le</strong> était <strong>de</strong> reconstruire sur un mo<strong>de</strong> plus positif une réf<strong>le</strong>xion sur <strong>le</strong>sobjets, paradigmes et métho<strong>de</strong>s.Le modu<strong>le</strong>, d’une durée <strong>de</strong> 3 heures, s’est organisé en <strong>de</strong>ux temps :- la présentation <strong>de</strong> publications et <strong>de</strong> recherches françaises en cours sur l’Union européenne ;- une tab<strong>le</strong> ron<strong>de</strong> sur <strong>le</strong>s métho<strong>de</strong>s et objets <strong>de</strong>s étu<strong>de</strong>s européennes, réunissant <strong>de</strong>s chercheursfrançais et étrangers <strong>de</strong> tous horizons, suivie d’un débat avec la sal<strong>le</strong>.1. Présentation <strong>de</strong> recherches françaises sur l’Union européenne• Présentation <strong>de</strong> l’ouvrage Science politique <strong>de</strong> l’Europe (Belot, Magnette, Saurugge (dir.),Economica, à paraître) par Céline Belot (PACTE-IEP <strong>de</strong> Grenob<strong>le</strong>) et Sabine Saurugger (PACTE-IEP<strong>de</strong> Grenob<strong>le</strong>)• Présentation <strong>de</strong> l’Observatoire <strong>de</strong>s Institutions Européennes et <strong>de</strong> son premier rapport annuelElargissement : comment l’Europe s’adapte (Dehousse, Deloche, Duhamel (dir.), Presses <strong>de</strong>Sciences Po, 2006) par Florence Deloche-Gau<strong>de</strong>z (Centre européen <strong>de</strong> Sciences Po)• Présentation du projet <strong>de</strong> recherche « Une sociologie politique <strong>de</strong>s milieux communautaires » parDidier Georgakakis et Michel Mangenot (GSPE-PRISME – IEP <strong>de</strong> Strasbourg)• Présentation <strong>de</strong> l’ouvrage L’espace public européen à l’épreuve du religieux (Forêt (dir.), Editions<strong>de</strong> l’Université <strong>de</strong> Bruxel<strong>le</strong>s, 2007) par François Forêt (IEE-ULB)• Présentation <strong>de</strong> l’ouvrage Une Europe <strong>de</strong>s élites ? (Costa, Magnette (dir.), Editions <strong>de</strong> l’Université<strong>de</strong> Bruxel<strong>le</strong>s, 2007) par Olivier Costa (CNRS-SPIRIT).2. Tab<strong>le</strong> ron<strong>de</strong> : quel<strong>le</strong>s métho<strong>de</strong>s et quels objets pour <strong>le</strong>s étu<strong>de</strong>s européennes ?• Yves Deloye (Paris I - CRPS)• Jean-Michel Eymeri-Douzans (IEP Toulouse - LASSP)
• Robert Harmsen (Queen’s University Belfast)• Patrick Hassenteufel (Université <strong>de</strong> Versail<strong>le</strong>s)• Nicolas Jabko (CERI)• Vivien Schmidt (Boston University)Dans son intervention, Yves Deloye insiste sur l’importance <strong>de</strong> la banalisation <strong>de</strong>s étu<strong>de</strong>s européennes,qu’opèrent notamment très bien <strong>le</strong>s spécialistes français <strong>de</strong>s politiques publiques. Il souligne, encontrepoint, <strong>le</strong> risque d’une hyperspécialisation <strong>de</strong>s européanistes. S’agissant <strong>de</strong> la « French touch »,dont il avait été beaucoup question à Lyon, Yves Deloye pense qu’el<strong>le</strong> existe, même s’il faut se gar<strong>de</strong>r<strong>de</strong> tout patriotisme intel<strong>le</strong>ctuel. El<strong>le</strong> tient tout d’abord aux contraintes qui se sont appliquées auxpremiers politistes français à s’être intéressés à l’objet ; aujourd’hui, el<strong>le</strong> se traduit par la distance <strong>de</strong>schercheurs français vis-à-vis <strong>de</strong> certains paradigmes centraux <strong>de</strong>s étu<strong>de</strong>s européennes, notamment aurational choice, quasiment absent dans <strong>le</strong>s étu<strong>de</strong>s européennes en France. Yves Deloye souligne <strong>de</strong>uxenjeux importants : <strong>le</strong> refus <strong>de</strong> la dénonciation faci<strong>le</strong> du « mainstream » anglo-saxon ; la présence àl’international, indispensab<strong>le</strong> à la diffusion <strong>de</strong>s travaux <strong>de</strong>s chercheurs françaisVivien Schmidt reconnaît la richesse <strong>de</strong>s travaux conduits par <strong>le</strong>s Français dans <strong>le</strong>s étu<strong>de</strong>s européennes,mais estime qu’ils font preuve d’un manque <strong>de</strong> théorie substantive et méthodologique et d’un fétichisme<strong>de</strong> l’empirique qui freinent la diffusion <strong>de</strong> <strong>le</strong>ur travaux. El<strong>le</strong> souligne aussi la faib<strong>le</strong>sse <strong>de</strong>s recherchesfrançaises en économie politique européenne. El<strong>le</strong> juge, el<strong>le</strong> aussi, que <strong>le</strong>s européanistes françaisdoivent être plus présents dans <strong>le</strong> débat international.Patrick Hassenteufel insiste sur la nécessité <strong>de</strong> travail<strong>le</strong>r sur la problématique <strong>de</strong> l’européanisation et <strong>de</strong> laprendre en compte dans tous <strong>le</strong>s travaux <strong>de</strong> <strong>science</strong> politique. Il rappel<strong>le</strong> <strong>le</strong> caractère désormaisincontournab<strong>le</strong> <strong>de</strong> l’Union européenne pour l’ensemb<strong>le</strong> <strong>de</strong>s politistes français, et souligne l’importance<strong>de</strong>s travaux réalisés en France sur certains aspects <strong>de</strong> l’européanisation.Robert Harmsen précise que <strong>le</strong> Royaume-Uni est marqué par un déclin relatif <strong>de</strong>s étu<strong>de</strong>s européennes :la masse critique est là, mais il y a aujourd’hui moins d’européanistes qu’il y a dix ans et moins <strong>de</strong> centresd’étu<strong>de</strong>s européennes. La tendance est inverse en France. L’autonomisation <strong>de</strong>s étu<strong>de</strong>s européennesau Royaume-Uni, via notamment la création et <strong>le</strong> succès <strong>de</strong> UACES, a été à la fois un atout et un défaut.Au second titre, il déplore notamment qu’il n’y ait pas <strong>de</strong> dialogue, outre Manche, entrel’institutionnalisme et la sociologie politique. S’agissant <strong>de</strong>s étu<strong>de</strong>s européennes en France, RobertHarmsen s’étonne <strong>de</strong> la faib<strong>le</strong> prise en compte <strong>de</strong> la mondialisation, qui est au coeur <strong>de</strong> la réf<strong>le</strong>xion surl’Union au Royaume-Uni, où l’on assiste même à une dilution progressive <strong>de</strong>s étu<strong>de</strong>s européennes dans<strong>le</strong>s relations internationa<strong>le</strong>s.Nicolas Jabko souligne, comme Vivien Schmidt, la faib<strong>le</strong>sse <strong>de</strong> l’économie politique appliquée à l’Unioneuropéenne en France. Cette faib<strong>le</strong>sse se traduit par la bonne santé <strong>de</strong> l’analyse <strong>de</strong>s politiquespubliques, sous-discipline qui n’existe pas en tant que tel<strong>le</strong> au Royaume-Uni et aux Etats-Unis. NicolasJabko constate que <strong>le</strong>s auteurs français ne sont pas lus et connus à l’étranger, mais que l’on peutnéanmoins distinguer une « French touch », résultant <strong>de</strong> l’importance <strong>de</strong>s travaux <strong>de</strong>s sociologues etanthropologues dans <strong>le</strong>s étu<strong>de</strong>s européennes françaises. Le défaut <strong>de</strong> ces approches est toutefois <strong>de</strong>cé<strong>de</strong>r à un hyperempirisme sur <strong>de</strong>s micro-objets, qui ne permet aucune forme <strong>de</strong> généralisation, et n’yaspire pas.Jean-Michel Eymeri-Douzans estime que, si <strong>le</strong>s politistes américains sont <strong>de</strong>s économistes ratés, <strong>le</strong>spolitistes français sont <strong>de</strong>s sociologues ratés ; il y voit l’explication principa<strong>le</strong> <strong>de</strong> la spécificité <strong>de</strong>s étu<strong>de</strong>seuropéennes en France. Il considère que l’hyperempirisme reproché aux politistes français n’est en rienun travers, et qu’il permet au contraire d’al<strong>le</strong>r au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong> certaines <strong>de</strong>s approches formel<strong>le</strong>s etglobalisantes qui dominent <strong>le</strong>s étu<strong>de</strong>s européennes ail<strong>le</strong>urs.A l’issue d’un large débat avec la sal<strong>le</strong>, il apparaît qu’un consensus se dégage dans la communauté <strong>de</strong>seuropéanistes français sur plusieurs points – ce qui n’avait pas été <strong>le</strong> cas lors du précé<strong>de</strong>nt atelier <strong>de</strong> laSEE à Lyon (septembre 2005).En premier lieu, <strong>le</strong>s intervenants s’accor<strong>de</strong>nt pour reconnaître l’importance d’une réf<strong>le</strong>xion sur <strong>le</strong> rapportà l’international. Tandis que d’autres branches <strong>de</strong> la <strong>science</strong> politique peuvent faire abstraction <strong>de</strong>srecherches menées à cette échel<strong>le</strong> et/ou portent sur <strong>de</strong>s objets très peu considérés par <strong>le</strong>s politistesétrangers, <strong>le</strong>s étu<strong>de</strong>s européennes (comme <strong>le</strong>s relations internationa<strong>le</strong>s) sont très largementdéveloppées dans tous <strong>le</strong>s pays européens ainsi qu’en Amérique du nord. La confrontation <strong>de</strong>srecherches françaises, encore faib<strong>le</strong>s quantitativement parlant, avec cel<strong>le</strong>s menées à l’étranger est <strong>de</strong>ce fait diffici<strong>le</strong>ment évitab<strong>le</strong>, sauf à se replier sur <strong>de</strong> micro-objets spécifiquement hexagonaux ou sur <strong>de</strong>sapproches connues <strong>de</strong>s seuls chercheurs français, et à produire <strong>de</strong>s recherches franco-françaisesessentiel<strong>le</strong>ment autoréférentiel<strong>le</strong>s.Pour l’heure, <strong>le</strong>s européanistes français sont peu lus à l’international : seuls quelques chercheurs publientrégulièrement en anglais. Ils sont éga<strong>le</strong>ment peu présents dans <strong>le</strong>s arènes <strong>de</strong> la discipline. Si l’on constate