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Du bonheur à l'état Brut - Club Alpin Francais - Albertville

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ces premiers liens de la journéequi vont nous unir les uns auxautres, encore bien plus que notrecorde, histoire aussi de nousdistraire de cette litanie qui nousobsède tous les trois : "la rimayerisque d’être problématique".Après les derniers préparatifs etla courte descente à ski sous lerefuge, pour rejoindre le glacier,ce sera la marche d’approche.Dans mon petit cercle de lumière,mes skis vont glisser tour à tour,de manière régulière, au rythmede ma respiration. Tel un ouvrierd’usine qui réglerait sa machine,je vais essayer de gérer mon efforten tenant compte de cettesueur qui va couler dans mondos, de cette bise nocturne quiva me geler le visage et le boutdes doigts, des bretelles de monsac qui maltraiteront les épaules.Mes pensées, à ce moment-là,seront plus que jamais concentréessur cette fameuse rimayeque nous allons devoir franchir.Le gardien du refuge nous a clairementmis en garde : "la rimayerisque d’être problématique".Mais bon, qu’est-ce qu’il entendpar problématique. Un problèmen’est-il pas fait pour être résolu ?Et puis nos prédécesseurs n’ontilspas noirci le tableau volontairementpour donner un peu plusde valeur à leur course, commec’est parfois le cas ? Bref, j’essayeraipar tous les moyens d’apaisermon esprit alors qu’en toile defond, ma conscience me rimerale pire. Il est vrai que si nous n’arrivonspas à passer, c’est la fin dela ballade avant même qu’elle necommence. Après tout, ce sontles aléas de la petite aventure quenous recherchons et il faut composeravec.Puis enfin, la rimaye se présenteraprogressivement face à nos minusculesfaisceaux lumineux, tella gueule d’un requin démesuréet monstrueux qui voudrait barrerle passage à quelques frêlesembarcations, au beau milieu del’océan. Elle nous apparaîtra démesuréeet invincible. Nous nousdirons : "Elle n’est pas problématiquedu tout, elle est carrémentdémesurée et infranchissable".Puis nous l’observerons, nouslongerons ses lèvres, nous lui chatouilleronsles gencives à la recherchede la moindre faiblesse,et nous élaborerons un plan. Peutêtre déciderai-je de laisser monsac et mes skis pour m’alléger,le temps d’un premier passage,quitte à redescendre les chercheret à remonter le long d’une cordeque j’aurai fixée. Peut être qu’une"pédale", placée au bon endroit àl’aide d’une broche et d’une sangle,fera l’affaire. C’est en ces moments-làque l’alpinisme révèleses vraies valeurs, lorsqu’il exigedes efforts de l’esprit autant quedu corps.Enfin je m’engagerai dans le passage,l’adrénaline affluera danschacune de mes veines. L’ancragede mes piolets et de mes cramponsabsorbera toute mon attentionet il y aura le "pas" à faire,celui qui va durer quelques secondespendant lesquelles je medirai : "faut que ça tienne ! "<strong>Du</strong>rant ces instants, ma tête va sevider complètement et plus riend’autre n’aura d’importance quela volonté de donner le meilleurde moi-même. Et ça va tenir, lesang va affluer de nouveau dansmes veines, irriguer tous messens. Je vais me rétablir sur lalèvre supérieure de l’animal, enchaînerrapidement quelques pasde progression comme pour memettre hors d’atteinte et je vaispenser : "ça y est, je suis passé ! "Heureux et impatient d’en découdre,je saurai à ce moment-là quela course ne fait que commencer.P. Gimard12

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