marcher en paYs Dogon !Aventure4H30, Les coqs chantent. Il fait encorenuit. Je suis dans ma moustiquairesur le toit de la maison enbanco qui nous sert de refuge. Levillage dogon d’Ireli se réveillesous le regard mort des Tellemsdont les tombes et les maisonsperchées au milieu de la falaisedominent les vivants. Les ritesdogons leur donnent vie et lesmorts du présent rejoignent ceuxdes temps anciens. Ici le passé etle présent semblent confondus.Les maisons en banco du villagese fondent avec les énormes4La marche est un acte physiquede déséquilibre et il faut sanscesse pour se mouvoir passer dudéséquilibre à l’équilibre. Maisl’équilibre en pays dogon est entoutes choses et marcher devientun acte délicat où chaque paspeut créer un déséquilibre cosmique.Lors d’un voyage effectué enpays dogon, accompagné par unguide local on m’interdit régulièrementde franchir un muret ouun champ qui ne se distinguaienten rien d’un autre champ ou d’unautre muret ou d’approcher lessites d’ habitation des Tellems :civilisation qui vivait avant lesDogons en ces lieux. Chaqueacte dans la société dogon estcodifié par le religieux dans lebut de garder l’harmonie globale.Des touristes qui s’étaient déplacésseuls en territoire Dogontransgressèrent sans le savoir denombreux tabous. Une amendede deux vaches leur fut réclaméeet ces animaux sacrifiés. Notreguide dogon nous avoua qu’il neconnaissait pas tous les interditset qu’il se trouvait parfois pris enfaute et obligé de se dédouaner.Mettre un pied devant l’autren’est pas si évident qu’il n’y paraît.Marcher dans notre société estun acte individualiste. Cet actedevient en pays dogon collectifet religieux.Mettre ses pas dans celui de sespères ne se fait plus chez nous.Mais où mettre ses pas quandil faut définir un nouveau cheminementtout en restant enéquilibre dans ce déséquilibre ?blocs de grès tombés de la falaiseet les sentiers à peines ébauchésse perdent au milieu des ébouliset des champs en terrasses.Une journée ordinaire commencepour ses habitants. ChercherL’eau en bas dans les mares ouaux quelques sources encore actives,piler le mil, laver les enfants,sarcler les champs à la houe, allerau marché vendre un bon prix sesoignons …Chacun a sa tâche biendéfinie et la tradition est omniprésente.Ici c’est survivre avecpeu de moyens et avoir à sa portele monde moderne. Des hommessont déjà partis à Bamako ou àAbidjan pour essayer d’assurerl’avenir.Tout à l’heure nous allons visiterce village et les enfants vont crier
"toubabous" et vite venir nous toucher,curieux, et nous dire "t’as pasbonbon ?, t’as pas biqui ?" ou pourles plus audacieux "t’as pas argent?" et nous répondrons "abanabonbons ou abana biqui". Donnern’est pas évident, comment donner? que donner ? à qui donner ?La réponse n’est pas simple. Noussommes de passage et chaque gesteà son importance.Nous participons à une économietouristique et nous sommes accompagnéspar un guide dogonvêtu d’un magnifique costumelocal et de ses aides porteurs. Certainstouristes font un petit tourdu pays dogon en un ou deux joursen 4X4 climatisé. Lors de notrerandonnée, au détour d’un sentieren pleine brousse, dans un villagen’importe où, nous nous trouvonsface à l’objet touristique dogonqu’il faut marchander. Serrure, voletsculpté, peigne, bracelet, bonnetchasse-mouches ... et le clou :Un magnifique dérouleur de papiertoilette dogon.Le bonjour en pays dogon est trèsSucreries !!!Je marche en pays Dogon et voispasser une caisse plastique rougeCoca Cola. Mon coca de midi ou dece soir. Une gamine de treize ansen costume traditionnel la portesur la tête. Quelle sera la récompensede son effort ?Porte-t-elle l’avenir de la firmeCoca ou la modernité ?Ainsi va l’Afrique !ritualisé. Dans le déroulementd’une journée il se décline en cinqou six formules complexes et différentessuivant les heures. Le touristemarcheur ne peut pas assimilerces échanges complexes et ils sontremplacés par un "ça va ?"et vousrépondez "ça va ! et vous ça va ?" etvous pouvez rajouter "ça va la femme,les enfants, etc..." Vous pouvezconclure l’échange par une poignéede main qui est toujours acceptéecomme une marque de considérationréciproque.Encore quelques centaines de mètreset ma randonnée en pays dogonva se conclure. Notre guide nousmontre les tables de divination duvillage. Elles sont composées d’unesurface de sable plane et lisse àmême le sol. Cette surface séparéeen rectangles par de petits caillouxest balisée par des signes énigmatiques.Cette composition arroséeavec un mélange appétissantattirera lerenard. L’animal dela nuit portera parson piétinement unprobable oracle qu’ilfaudra déchiffrer.Au même moment,très faiblement m’arrivele son caractéristiquede l’instrumentqui appelle le mondedes esprits. Il est actionnécomme unefronde par un mouvement circulaireet est composé d’une planchettede bois au bout d’une corde. Je nevois pas l’acteur qui l’anime mais lesdernières images du film de MarcelGriaule qui nous fit découvrir cettecivilisation se rappellent à mon esprit.Un superbe Dogon perché surla falaise de Bandiagara agitait lemême instrument et un son vrombissant,distinct et puissant enémanait. Parmi tous mes amis jesuis le seul à entendre cet appel etj’entrevois un cours instant la magiedu peuple dogon mais dieu quece son est faible et lointain.Le monde moderne avec ses réussiteset ses écueils est aux portes dupays dogon et va bientôt s’imposer.Qu’adviendra-t-il de ses habitants,de ses villages et de ses paysagesjardinés ? Comment cette civilisationcomplexe et ritualisée va-telles’adapter à cette réalité ? Souhaitonsque l’équilibre du mondetant voulu par les Dogons ne soitpas rompu. Que cette marche versla modernité et la science resteconsciente.Mais que viennent chercher les toubabous(les tout blancs) dans notrepays alors qu’ils ont tout chez euxet qu’ici c’est la misère ? C’est unequestion que se posent les maliensen général.Trouver une réponse à cette questionn’est pas simple. Nous découvronsdans ce pays de superbespaysages ; montagnes, plaines, déserts,le fleuve Niger, une histoire,une architecture. Il y a surtout larichesse des rencontres humaines.Le mythe du bon sauvage de Rousseauou l’exotisme colonial semblentaussi inscrits dans notreregard. Comment sortir de cet enfermement? Pourquoi voyager ?Peut être pour voir, essayer de comprendreet être témoin.Rostaing Jean - luc5