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SAMEDI
7 JUILLET 2001
CMJN
SPORT
Une perle de fraîcheur
Tennis � Justine Henin est l’invitée surprise de la finale féminine de Wimbledon.
La Belge a la frite. Elle glisse comme l’éclair sur le gazon londonien
De notre envoyé spécial
Patrick Turuvani /ROC
Jeudi. Temps lourd, atmosphère
pesante, victoire
de Venus
Williams. Enchaînement
logique. Et puis
l’orage s’est déchaîné
en soirée,
avec fracas. Des
zèbres aux crinièresmagnifiques
ont parcouru
le crépuscule
de Londres.
La température a
chuté d’un coup. Le
ciel tenait à saluer l’exploit
de Justine Henin, perle de
fraîcheur d’un tournoi
plombé par la chaleur, dont
chaque revers – «C’est le plus
pur du circuit, hommes et dames
confondus» affirme John
McEnroe - éclate comme l’éclair
en cette fin de semaine
londonienne. La finale de
Wimbledon entre la Wallonne
et l’Américaine (aujourd’hui
après le match
entre Henman et Ivanisevic)
sent la foudre.
Justine Henin, c’est l’invitée
surprise du tournoi, celle qui
a forcé Jennifer Capriati à
prendre la poudre d’escampette.
La jeune Belge a la frite
en cette année 2001. Demi-finaliste
(très) malheureuse à
Roland Garros face à sa compatriote
Kim Clijsters – «J’ai
beaucoup appris de cette défaite à
Paris, je suis devenue plus sereine,
plus tolérante avec moi-même» –
elle a su rebondir sur le gazon
londonien. Où son jeu de
jambes et sa tonicité font merveille:
«Je suis agressive, je me déplace
bien, rapidement, et le rebond,
plutôt bas, n’est pas un
handicap pour moi!»
«Elle croyait en moi»
Née à Liège le 1er juin 1982,
initiée au tennis dès l’âge de
Championne en titre,
Venus Williams a la
possibilité, aujourd’hui,
de devenir la première
femme depuis Steffi
Graf et Martina Navratilova à
défendre victorieusement un
titre à Wimbledon. «Vous savez,
je n’aime pas rentrer à la
maison sans un plateau ou un
trophée quelconque, glisse
l’Américaine. C’est une motivation
suffisante. J’aime jouer
ici. Quand vous avez gagné une
fois à Londres, vous devenez dépendant!
Je vous assure que je ne
fais pas cela pour entrer dans
l’histoire!»
Avec son service de plomb,
fréquemment mesuré à plus
de 190 km/h, l’aînée des
Williams se présentera sur le
court avec un argument de
poids. «Quand je sers bien,
comme ces derniers temps, tout
devient plus facile, admet-elle.
Mes adversaires se demandent
comment elles pourront réussir à
me breaker. Elles ont plus de pression
sur leurs jeux de service.
Mais je ne vais pas sous-estimer
Justine. On n’atteint pas la finale
du tournoi du Grand Chelem
par hasard. C’est une
joueuse redoutable! Sa présence à
cinq ans, Justine a toujours
clamé son désir de devenir
une «grande» joueuse: «Ce
n’était qu’un rêve, mais il est en
passe de devenir réalité! A neuf
ans, je suis allée voir Steffi Graf
(réd.: son idole avec Stefan
Edberg) contre Monica
Seles à Roland Garros.
J’ai dit à ma mère
qu’elle me verrait,
un jour, fouler la
terre battue parisienne...»
Un souvenir
douloureux
que la jeune fille
évoque en grimaçant.
Sa maman est
décédée du cancer il y a un
peu plus de six ans. «Elle
croyait en moi, en mes capacités,
en ma détermination, se souvient-elle.
Je suis sûre qu’elle est
très fière de moi aujourd’hui.»
Première Belge à atteindre la
finale à Wimbledon, la Wallonne
(167 cm) n’est pas effrayée
à l’idée d’affronter les
189 cm de Venus Williams,
surnommée la «Tour de
Londres». «La taille de mes adversaires
n’est pas un problème,
je sais juste que plus elles sont
grandes, plus elles tombent de
haut» sourit Justine Henin,
qui a remporté sur la terre
battue de Berlin sa première
et seule confrontation face à
l’Américaine. Et qui reste sur
trois finales disputées en
2001 pour autant de victoires
(Gold Coast, Canberra et
Rosmalen). Un bon signe,
surtout lorsque l’on sait la
jeune femme surperstitieuse
au
point de
veiller soi-
Justine Henin:
22 cm de moins
que Venus Williams,
mais de la volonté
à revendre. PHOTO KEYSTONE
Les clés de Venus
Venus Williams: toutes les
armes dans sa raquette.
PHOTO KEYSTONE
ce stade de la compétition ne me
surprend pas!»
L’Américaine pense-t-elle détenir
seule les clés de cette finale?
«J’espère que oui! Si je
joue à 100% et que cela n’est
pas suffisant, je devrai commencer
à me faire du souci! Mon niveau
de jeu est allé crescendo depuis
le début de la quinzaine,
constate-t-elle. Mes coups sont
bien en place. J’ai confiance en
moi, mais je sais que je devrai
jouer mon meilleur tennis pour
remporter une seconde fois le
tournoi.» /PTU-ROC
gneusement à ne jamais marcher
sur les lignes entre les
points!
Comme Kuerten?
Parvenue en finale
alors
que «c’était
quelque
chose que
je ne pouvais
même
pas imaginer en
arrivant à Wimbledon»,
la
Belge ne va
pas se satisfaire
de ce premier
exploit.
«Je crois fermement
en mes
chances, assure-telle.
Mentalement,
je suis devenue
plus forte, je
joue
mieux les points importants.
Kuerten avait dû sauver une
balle de match avant de s’imposer
à Roland Garros.
Après avoir frôlé
l’élimination
face à Boogerd
(réd.: 5-7 7-
5 6-2 au
deuxième
tour),
j’espère
bien vivre
la même
aventure!»
La pureté
de son jeu,
la manière
dont elle
gambade
d a n s
l’herbe,
dont
elle frappe dans la balle, seront
les principaux atouts de
Justine Henin. Face à Capriati,
elle avait suscité des
«oh!» d’admiration à chacun
de ses revers gagnants. «C’est
une sensation agréable, mais
l’important est que cela fasse des
dégâts en face, lâche la jeune
joueuse belge. Quand j’étais
plus jeune, il y a eu trop de défaites
après lesquelles ont venait
me féliciter pour mon jeu. Maintenant,
je préfère qu’on me dise:
bravo, tu as gagné! Même si je
joue mal!»
«Il est tout pour moi»
Après avoir coupé les ponts
avec son père José en début
d’année, juste après l’Open
d’Australie, sous prétexte
qu’il s’immisçait de trop près
dans sa carrière – elle ne lui a
pour ainsi dire plus parlé depuis
– Justine Henin se
repose entièrement
sur les épaules de
Carlos Rodriguez,
son coach depuis
cinq ans. «Je crois
que nous n’avons
jamais perdu
une finale ensemble,
glisse
la Wallonne.
Vous savez, il
est tout pour
moi, un
coach, un
ami, un confident.
Sans lui,
je ne serais pas
là, c’est sûr! Je
peux lui parler
en toute
confiance de
t e n n i s
comme de
ma vie
privée. Il
connaît les
mots que j’ai
besoin d’entendre...»
/PTU
Un vrai duel d’attaquants
Messieurs � Rafter jouera la finale. Contre qui?
La pluie a repoussé le verdict à aujourd’hui
La finale masculine opposera
deux attaquants.
Dernier rescapé
des relanceurs-frappeurs
de fond de court,
Andre Agassi, comme
l’année dernière, a échoué
sur l’avant-dernier obstacle
en s’inclinant 2-6 6-3 3-6 6-2
8-6 face à Patrick Rafter.
L’autre demi-finale a été interrompue
par la pluie alors
que l’Anglais Tim Henman
menait 5-7 7-6 (8-6) 6-0 2-1,
30-40 sur le service du Croate
Goran Ivanisevic. La partie
reprendra aujourd’hui à 15 h
avant la finale des dames si le
ciel le veut bien.
Agassi peut nourrir bien des
regrets. Après avoir mené
deux manches à une, l’Américain
s’est ménagé deux
balles de double break dans
Patrick Rafter: une deuxième finale d’affilée. PHOTO KEYSTONE
la cinquième manche avant
de servir à 5-4 pour le gain
de la partie. Sentant la fin
toute proche, Rafter a alors
joué son va-tout. «J’ai eu un
petit peu de chance, avouait
l’Australien. Le tournant du
match, c’est sans aucun doute
ce point à 15-40 où Andre a
manqué un coup droit facile.
Avec deux services de retard,
l’affaire était close! A 5-4 pour
lui dans le dernier set, je
n’avais qu’une chose à faire:
jouer de bons coups et... voir ce
qui se passe! Ce que j’ai fait! Et
me voilà avec un large sourire
devant vous!» /PTU-ROC
Résultats
Wimbledon. Internationaux de
Grande-Bretagne (8.525.280
livres). Simple messieurs,
demi-finale: Rafter (Aus-3) bat
Agassi (EU-2) 2-6 6-3 3-6 6-2
8-6. Henman (GB-6) - Ivanisevic
(Cro) 5-6 7-6 (8-6) 6-0 2-1
30-40 interrompu par la pluie.
Juniors. Simple garçons, demifinale:
Valent (S-10) bat Wang
(Tap) 4-6 6-4 6-3. /si
L’IMPARTIAL
PAGE26
22°À LONDRES
Un avis partagé
Devenues consultantes sur la
BBC, Pam Shriver et Jana
Novotna ont un avis divergent
sur les chances de Justine
Henin face à Venus
Williams. Si l’Américaine estime
qu’elles sont réelles
«car personne ne sait ce qui peut
se passer dans une finale de
Grand Chelem», la Tchèque,
victorieuse du tournoi en
1998 après deux échecs en
1997 et 1993, se montre plus
nuancée: «Je ne sais pas si l’on
s’achemine vers une grande finale,
ou une finale expéditive!»
Pas très sympa pour la Belge,
tout ça! Il faut toutefois se
méfier des pronostics de
l’ancienne championne, qui
voit Tim Henman aller au
bout simplement «parce que je
l’aime bien!»
A table!
Les journaux anglais sont
plutôt marrants et ont le
sens de la formule. Un reporter
du «Sun» a ainsi mis
le doigt, comme tout le
monde, sur l’énormité de la
différence morphologique
séparant Justine Henin et
Venus Williams. Avec cette
conclusion: «Elles vont se rencontrer
sur un court de tennis.
Heureusement. Car dans un restaurant,
Venus aurait pu manger
Justine par mégarde!»
Le bon exemple
Un bon joueur est un joueur
qui s’entraîne. Cette vérité,
que les sportifs amateurs
n’élèvent pas toujours au
rang d’hygiène de vie, n’est
pas toujours non plus acceptée
par les stars. Venus
Williams est du lot et ne s’en
cache pas: «C’est parfois dur
de s’entraîner, ce n’est pas toujours
amusant! Steffi Graf et
Ivan Lendl étaient des champions
en compétition, mais également
à l’entraînement! C’est
pour cela qu’ils réussissaient
toujours à donner le meilleur
d’eux-mêmes! Je devrais peut-être
adopter la même attitude...» Visiblement,
ce n’est pas gagné.
L’Américaine, sans vraiment
y songer encore, imagine
ainsi une vie après le
tennis «où je ne devrai pas travailler
trop dur!» On ne se refait
pas.
Assagi, le voyou?
Andre Agassi est un mauvais
perdant. Juste après la balle
de match, sous le coup de la
déception, l’Américain a violemment
expédié une balle
à 20 cm de la juge de ligne
qui, un jeu auparavant,
l’avait dénoncé à l’arbitre de
chaise pour obscénité, ce qui
lui avait valu un avertissement.
La dame est restée de
marbre. La «british» attitude.
/PTU-ROC
Sur les traces de Federer
Roman Valent (18 ans)
pourrait devenir ce weekend
le troisième Suisse à enlever
le tournoi juniors de
Wimbledon. Déjà quart de
finaliste à l’Open d’Australie
au mois de janvier, le Zurichois
s’est qualifié pour la finale
grâce à sa victoire 4-6 6-
4 6-3 en demi-finale contre
le joueur de Taïpei, Yeu-
Tzuoo Wang. Valent est actuellement
entraîné par Pavel
Daron, l’ancien sparringpartner
de Martina Hingis.
Heinz Günthardt, en 1976,
et Roger Federer, il y a trois
ans, ont déjà inscrit leur
nom au palmarès du tournoi
londonien. /si