objectif majeur: faire partager à l'<strong>en</strong>semble <strong>de</strong>s salariés une m<strong>en</strong>talité d'<strong>en</strong>trepr<strong>en</strong>eurs tout<strong>en</strong> guidant leurs actions dans le s<strong>en</strong>s souhaité par l'<strong>en</strong>treprise. "L'esprit d'équipe" (actionsur les normes), associé au "goût <strong>de</strong> l'efficacité", (action sur les valeurs) représ<strong>en</strong>t<strong>en</strong>tainsi les <strong>de</strong>ux axes <strong>de</strong> la p<strong>en</strong>sée managériale,Ces investissem<strong>en</strong>ts vérifi<strong>en</strong>t "malheureusem<strong>en</strong>t" la théorie sociologique: les valeurs nes'inject<strong>en</strong>t pas dans un tissu social comme un liqui<strong>de</strong> anesthésiant dans un muscledouloureux. Les valeurs, les normes <strong>de</strong> relations et les représ<strong>en</strong>tations provi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t d'unappr<strong>en</strong>tissage l<strong>en</strong>t, issu <strong>de</strong> la position <strong>de</strong> travail et <strong>de</strong> pouvoir occupées dansl'organisation (R. Sainsaulieu, 1977).L'effet <strong>de</strong> ces investissem<strong>en</strong>ts est alors paradoxal. Illégitime, et donc r<strong>en</strong>force, l'espritd'initiative <strong>de</strong>s professionnels. Entre les <strong>de</strong>ux groupes il existe ainsi <strong>de</strong>ux référ<strong>en</strong>tscommuns: le refus <strong>de</strong>s fonctionnem<strong>en</strong>ts ritualisée et la recherche <strong>de</strong> l'efficacité <strong>de</strong>l'<strong>en</strong>treprise, du "profit". Mais d'autres référ<strong>en</strong>ts sont largem<strong>en</strong>t antagoniques:- au cons<strong>en</strong>sus, les innovateurs oppos<strong>en</strong>t la notion <strong>de</strong> "diss<strong>en</strong>sus", moy<strong>en</strong> <strong>de</strong> négociationet non <strong>de</strong> fusion avec les part<strong>en</strong>aires du jeu social ;- à la volonté <strong>de</strong> créativité "dans l'ordre", ils préfèr<strong>en</strong>t celle <strong>de</strong> créativité dans le désordre,moy<strong>en</strong> pour eux d'assurer la perman<strong>en</strong>ce <strong>de</strong> leurs espaces <strong>de</strong> jeu;- à la notion d'efficacité interne ils préfèr<strong>en</strong>t celle d'efficacité externe, réussiteéconomique globale ne croisant pas nécessairem<strong>en</strong>t les seuls objectifs définis par lesdirections;- à l'esprit maison, <strong>de</strong> "la" maison, ils préfèr<strong>en</strong>t l'esprit d'<strong>en</strong>trepr<strong>en</strong>dre qui pr<strong>en</strong>d lecontre-pied <strong>de</strong>s actions <strong>de</strong>stinées à forger <strong>de</strong>s cultures unifiées.La culture <strong>de</strong>s innovateurs n'est donc ni l'objet malléable et passif <strong>de</strong> l'action <strong>de</strong>sdirections ni un héritage pesant qui s'oppose à l'inv<strong>en</strong>tion d'une nouvelle positionstratégique, à l'idée <strong>de</strong> jeu ou à celle "d'<strong>en</strong>trepr<strong>en</strong>dre". Elle reflète une logique d'acteurqui consiste à collaborer activem<strong>en</strong>t au fonctionnem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> l'<strong>en</strong>treprise sans s'i<strong>de</strong>ntifier àses objectifs. Elle suppose d'<strong>en</strong>trepr<strong>en</strong>dre pour redéfinir la place, l'influ<strong>en</strong>ce et lareconnaissance qu'on y ti<strong>en</strong>t. On ne peut ici sérieusem<strong>en</strong>t opposer l'idée <strong>de</strong> culture etcelle <strong>de</strong> stratégie. L'une et l'autre se confort<strong>en</strong>t. Les valeurs, selon M. Weber ne sontd'ailleurs jamais qu'une rationalisation <strong>de</strong>s ressources: on aime et respecte ce qui donne<strong>de</strong> la force.La culture est donc aussi une ressource pour le groupe. Au même titre que les directionsdévelopp<strong>en</strong>t une idéologie managériale (D. Segrestin, 1987 ; P.E. Tixier, 1988), lesinnovateurs développ<strong>en</strong>t une idéologie <strong>en</strong>trepr<strong>en</strong>euriale : ils <strong>en</strong>t<strong>en</strong><strong>de</strong>nt eux aussi à fairepartager leurs valeurs, leurs normes <strong>de</strong> relations et leur représ<strong>en</strong>tations aux autresmembres <strong>de</strong> l'<strong>en</strong>treprise.L'exemple <strong>de</strong>s critères d'évaluation <strong>de</strong>s activités, traditionnellem<strong>en</strong>t prés<strong>en</strong>tés comme unoutil <strong>de</strong> contrôle <strong>de</strong>s "chefs", est parlant. Ces critères ne permett<strong>en</strong>t pas <strong>de</strong> pr<strong>en</strong>dre <strong>en</strong>compte la valeur ajoutée par une organisation moins formaliste mais plus mobile.L'amélioration spontanée <strong>de</strong>s relations commerciales avec fournisseurs et cli<strong>en</strong>ts, la mise<strong>en</strong> oeuvre <strong>de</strong> produits non programmés ou la perversion réussie d'une technologie neparticip<strong>en</strong>t d'aucun registre d'évaluation. Confrontés à la nécessité d'innover, lesprofessionnels sont alors autant confrontés à l'obligation d'inv<strong>en</strong>ter ces registres. Lesnégociations directes avec les dirigeants vont souv<strong>en</strong>t dans ce s<strong>en</strong>s. Il s'agit <strong>de</strong> passerd'évaluations c<strong>en</strong>trées sur la capacité à atteindre les objectifs du service à d'autres,c<strong>en</strong>trées sur la capacité à assurer la r<strong>en</strong>tabilité globale <strong>de</strong> l'<strong>en</strong>treprise.La force <strong>de</strong>s innovateurs ti<strong>en</strong>t donc à leur jeu off<strong>en</strong>sif mais aussi à la capacité culturellequi consiste à concevoir un nouvel ordre <strong>en</strong>trepr<strong>en</strong>eurial et à lui apporter un caractèrelégitime. Les indicateurs <strong>de</strong> cette logique d'action sont au moins au nombre <strong>de</strong> cinq.44- L'écart répété <strong>en</strong>tre leurs tâches et les moy<strong>en</strong>s organisationnels dont ils dispos<strong>en</strong>t pourles réaliser, l'obligation d'inv<strong>en</strong>ter <strong>de</strong>s solutions, les amène à disposer <strong>de</strong> richesreprés<strong>en</strong>tations du fonctionnem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> l'<strong>en</strong>treprise. L'écart répété <strong>en</strong>tre les solutions qu'ilstrouv<strong>en</strong>t et la capacité institutionnelle à les accepter les conduit à être d'habilesnégociateurs. Ils dispos<strong>en</strong>t ainsi d'un large imaginaire organisationnel. Ils jouiss<strong>en</strong>t d'unecapacité à voir dans une chose ce qu'elle n'est pas <strong>en</strong> soi mais dans ce qu'elle peut êtredans un ordre différ<strong>en</strong>t. L'imaginaire est à ce titre "le complém<strong>en</strong>t, la source <strong>de</strong> laredéfinition <strong>de</strong> l'ordre" (C. Castoriadis, 1975).- La relation inv<strong>en</strong>tive à l'objet technique, aux cli<strong>en</strong>ts ou à l'organisation ne r<strong>en</strong>voie pas àun plaisir ludique, au s<strong>en</strong>s "inné <strong>de</strong> la relation" ou à la volonté <strong>de</strong> "bi<strong>en</strong>" faire. Il s'agitd'une affaire plus sérieuse. Le temps et l'énergie consacrés à l'optimisation d'un systèmetechnique, à l'élaboration d'une stratégie commerciale adaptée, ou à un procédé <strong>de</strong>fabrication nouveau est un investissem<strong>en</strong>t. Il représ<strong>en</strong>te le moy<strong>en</strong> d'inv<strong>en</strong>ter une source<strong>de</strong> compét<strong>en</strong>ce et d'autonomie. Il permet, dans un <strong>de</strong>uxième temps <strong>de</strong> jouer, <strong>en</strong> acteur,dans le système social. Il s'agit d'une sorte "d'accumulation primitive du capitalstatégique".- L'institution ne supporte ces jeux qu'à la condition <strong>de</strong> les voir porteurs d'avantages"sonnants". La légitimité <strong>de</strong>s professionnels repose alors sur la valeur économique <strong>de</strong>leur action. A cette contrainte correspond une stratégie originale: les innovateurs t<strong>en</strong><strong>de</strong>ntà s'auto-définir une charge <strong>de</strong> travail souv<strong>en</strong>t lour<strong>de</strong> et <strong>de</strong>s contraintes <strong>de</strong> publicité <strong>de</strong>leurs actions auprès <strong>de</strong>s directions. Ils sont comme <strong>de</strong> petits <strong>en</strong>trepr<strong>en</strong>eurs auprès <strong>de</strong>l'Etat.- Enfin, les professionnels inv<strong>en</strong>t<strong>en</strong>t le risque dans leur activité: ils introduis<strong>en</strong>t <strong>de</strong>sincertitu<strong>de</strong>s "objectives" dans l'organisation. Dans le service international <strong>de</strong> la boursed'une gran<strong>de</strong> banque les cadres "s'arrang<strong>en</strong>t" avec leurs cli<strong>en</strong>ts pour pr<strong>en</strong>dre <strong>de</strong>spositions à risque conçues comme "irresponsables" par le siège. Ils se mett<strong>en</strong>t <strong>en</strong> chevilleavec les cli<strong>en</strong>ts pour <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r un "accord préalable" à la place <strong>de</strong> "l'accord d'office"préconisé par le siège. L'accord préalable permet <strong>de</strong> se référer aux souhaits du cli<strong>en</strong>t. Il<strong>de</strong>vi<strong>en</strong>t alors possible <strong>de</strong> court-circuiter la politique du siège. Cette métho<strong>de</strong> est la seulepermettant <strong>de</strong> personnaliser la relation <strong>en</strong>treprise-cli<strong>en</strong>t et <strong>de</strong> mettre <strong>en</strong> lumière, ex post, lalégitimité <strong>de</strong> leurs actions et la valeur <strong>de</strong> leur professionnalisme.Ce fonctionnem<strong>en</strong>t donne à l'<strong>en</strong>treprise son caractère mobile, comme les jeux déf<strong>en</strong>sifscontribu<strong>en</strong>t à verrouiller les systèmes bureaucratiques. Le changem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> logiquedominante reflète une profon<strong>de</strong> transformation: les acteurs jou<strong>en</strong>t autrem<strong>en</strong>t parce qu'ilstrouv<strong>en</strong>t d'autres moy<strong>en</strong>s pour exercer leur propre rationalité.Le r<strong>en</strong>versem<strong>en</strong>t s'observe d'abord sur le plan <strong>de</strong> la position <strong>de</strong>s acteurs. L'universbureaucratique (M. Crozier, 1963) confère une sorte <strong>de</strong> toute puissance à <strong>de</strong>s acteursdéfinis par strates statutaires. Les acteurs <strong>de</strong> l'innovation ne peuv<strong>en</strong>t, faute <strong>de</strong> statutsunivoques, se référer à une appart<strong>en</strong>ance administrative pourjouer. Ils doiv<strong>en</strong>t, au moinspartiellem<strong>en</strong>t, définir le champ <strong>de</strong> leur action par rapport à une contribution concrète,visible.Les ressources mêmes <strong>de</strong>s acteurs <strong>de</strong> l'univers bureaucratique sont <strong>en</strong> quelque sorte "précontraintes"par la position <strong>de</strong> travail et le champ d'interv<strong>en</strong>tion prévu par les règles. Lesouvriers d'<strong>en</strong>treti<strong>en</strong> du célèbre "Monopole Industriel" tir<strong>en</strong>t leur influ<strong>en</strong>ce <strong>de</strong> la protection<strong>de</strong>s connaissances permettant d'assurer la maint<strong>en</strong>ance <strong>de</strong>s machines : il existe uneadéquation <strong>en</strong>tre les fonctions prescrites et les ressources stratégiques.Faute <strong>de</strong> règles d'organisation soli<strong>de</strong>m<strong>en</strong>t structurées, les acteurs <strong>de</strong> l'innovationdéfiniss<strong>en</strong>t leurs ressources par itération, <strong>en</strong> fonction <strong>de</strong> leur champ d'investigation dumom<strong>en</strong>t et <strong>de</strong>s sources <strong>de</strong> pouvoir qu'ils peuv<strong>en</strong>t <strong>en</strong> dégager. Ils inv<strong>en</strong>t<strong>en</strong>t leursressources, au même titre que <strong>de</strong>s procédures, pour parv<strong>en</strong>ir à jouer. Mais surtout, ils necré<strong>en</strong>t pas <strong>de</strong>s incertitu<strong>de</strong>s "artificielles" (M. Crozier et E. Friedberg, 1977) <strong>en</strong> déf<strong>en</strong>dantun savoir: ils cré<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s incertitu<strong>de</strong>s "objectives" <strong>en</strong> multipliant <strong>de</strong>s actions innovantes etéconomiquem<strong>en</strong>t légitimes.45
Les jeux bureaucratiques, stables, finis et reproducteurs disparaiss<strong>en</strong>t: l'obsolesc<strong>en</strong>cetouche aussi le système social. Ses différ<strong>en</strong>ts élém<strong>en</strong>ts <strong>de</strong>vi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t trop incertains etmobiles pour qu'il soit possible <strong>de</strong> jouer ici les mêmes "coups" avec les mêmes alliances.L'acteur <strong>de</strong> la logique <strong>de</strong> l'innovation doit pouvoir supporter <strong>de</strong>s jeux ouverts. L'artstratégique change alors <strong>de</strong> nature: il ne s'agit plus d'être puissant sur un <strong>en</strong>jeu précis,mais <strong>de</strong> réussir à élaborer <strong>de</strong>s relations dynamiques <strong>en</strong>tre les atouts et les opportunités dumom<strong>en</strong>t.5. LA LASSITUDE DE L'ACTEURLe désordre ainsi prés<strong>en</strong>té correspondrait à une sorte d'auto régulation du système social<strong>de</strong> l'<strong>en</strong>treprise, à un équilibre parfois comparé à celui <strong>de</strong>s sci<strong>en</strong>ces du vivant, et d'autresfois prés<strong>en</strong>té comme un nouveau modèle (T. Peters, 1987). Ce serait oublier qu'un acteurne saurait se confondre avec l'élém<strong>en</strong>t constitutif d'un système biologique oucybernétique.Libérés d'une partie <strong>de</strong> leur dép<strong>en</strong>dance verticale, les professionnels viv<strong>en</strong>t uneinterdép<strong>en</strong>dance horizontale, <strong>en</strong>tre collègues et alliés, qui s'avère souv<strong>en</strong>t lour<strong>de</strong>,oppressante. Les actions s'y concoct<strong>en</strong>t <strong>en</strong> effet à l'intérieur d'un milieu caractérisé par safragilité institutionnelle: l'action <strong>de</strong> chacun <strong>en</strong>gageant un peu l'av<strong>en</strong>ir <strong>de</strong> tous, chacundoit observer scrupuleusem<strong>en</strong>t les contraintes et avis <strong>de</strong> l'autre. La culture du groupe aainsi un rôle à la fois instrum<strong>en</strong>tal, structurant mais égalem<strong>en</strong>t normatif (M. Liu, 1982).Le fonctionnem<strong>en</strong>t interne du groupe <strong>de</strong>s innovateurs se rapproche sur bi<strong>en</strong> <strong>de</strong>s points <strong>de</strong>celui du "Milieu". La <strong>de</strong>nsité et la clan<strong>de</strong>stinité relative <strong>de</strong>s actions qui s'y nou<strong>en</strong>t r<strong>en</strong><strong>de</strong>ntcet univers parfaitem<strong>en</strong>t adapté pour oeuvrer malgré la loi. La pér<strong>en</strong>nité du groupe reposesur la force <strong>de</strong>s normes implicites <strong>de</strong> comportem<strong>en</strong>t et sur la loyauté: l'une et l'autreassur<strong>en</strong>t la cohésion du groupe. L'appart<strong>en</strong>ance au "Milieu" offre ainsi <strong>de</strong>s atoutssupplém<strong>en</strong>taires, mais oblige à "savoir se t<strong>en</strong>ir" et souv<strong>en</strong>t strictem<strong>en</strong>t (J.G. Padioleau,1987). C'est bi<strong>en</strong> parce qu'il est m<strong>en</strong>acé que le groupe augm<strong>en</strong>te la qualité et la <strong>de</strong>nsité <strong>de</strong>ses relations (E. Reynaud, 1982).La transgression <strong>de</strong> ces interdits, l'exercice <strong>de</strong> l'infidélité prés<strong>en</strong>te donc un lourd tribut.Le prix à payer pour changer <strong>de</strong> camp ou transformer ses alliances est élevé, mais pastoujours autant que le "manque à gagner" : celui que représ<strong>en</strong>te la promotion auprès <strong>de</strong>positions légalistes ou directoriales, ou plus simplem<strong>en</strong>t la reconnaissance personnaliséed'une action m<strong>en</strong>ée collectivem<strong>en</strong>t. Quand l'attirance est forte, l'i<strong>de</strong>ntité stratégique <strong>de</strong>sinnovateurs peut donc dominer leur morale et leur s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>t d'appart<strong>en</strong>ance. Le groupecorrespond ainsi autant à un <strong>en</strong>trecroisem<strong>en</strong>t d'alliances qu'à <strong>de</strong>s normes <strong>de</strong> relationssoli<strong>de</strong>m<strong>en</strong>t établies, à une coalition qu'à une culture, à une agrégation d'actionsindividuelles (R. Boudon, 1977) qu'à un "micro" mouvem<strong>en</strong>t social (A. Touraine,1975).Les <strong>en</strong>jeux majeurs du groupe <strong>de</strong>s innovateurs, autonomie, reconnaissance sociale,influ<strong>en</strong>ce sur l'organisation et sur l'<strong>en</strong>treprise, ne peuv<strong>en</strong>t donc se réduire à une volontécollective <strong>de</strong> contrôler l'institution. Ils correspon<strong>de</strong>nt aussi à <strong>de</strong>s <strong>en</strong>jeux à l'intérieur dugroupe: ils sont l'objet <strong>de</strong> tiraillem<strong>en</strong>ts incessants <strong>en</strong>tre ses différ<strong>en</strong>ts membres. Ceux-ciont donc <strong>de</strong>s objectifs et <strong>de</strong>s capacités d'action collectifs, qui se manifest<strong>en</strong>t par <strong>de</strong>ssolidarités fortes. Mais la culture du groupe, comme sa conception <strong>de</strong> l'i<strong>de</strong>ntité <strong>de</strong>l'<strong>en</strong>treprise n'ont ri<strong>en</strong> <strong>de</strong> fusionnel et <strong>de</strong> définitif: elles représ<strong>en</strong>t<strong>en</strong>t un appr<strong>en</strong>tissagemais aussi les moy<strong>en</strong>s nécessairem<strong>en</strong>t communs <strong>de</strong> négocier avec l'institution, à unmom<strong>en</strong>t donné. Les manoeuvres et les luttes intertines sont donc pratiquées, mais"coupables". Le groupe est à la fois une communauté et une société.Répété, le conflit, interne et externe, représ<strong>en</strong>te un coût psychologique considérable. Lesprofessionnels viv<strong>en</strong>t alors leur position stratégique avec un s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>t perman<strong>en</strong>t <strong>de</strong>précarité.46A cette situation difficile s'ajoute une autre contrainte, représ<strong>en</strong>tant le prix à payer pour"faire la différ<strong>en</strong>ce" : celle <strong>de</strong> "travailler dur". Il s'agit d'un auto-surm<strong>en</strong>age, lesinnovateurs décidant eux-mêmes d'investir aussi lour<strong>de</strong>m<strong>en</strong>t dans leur activité. Cephénomène est doublem<strong>en</strong>t r<strong>en</strong>forcé. Il correspond <strong>en</strong> effet à la loi du "Milieu". Ilcorrespond égalem<strong>en</strong>t aux contraintes d'aquisition perman<strong>en</strong>te <strong>de</strong> savoirs nouveaux.La logique <strong>de</strong> l'innovation retrouve ainsi paradoxalem<strong>en</strong>t et souv<strong>en</strong>t <strong>de</strong> façon acc<strong>en</strong>tuée,les effets classiques <strong>de</strong> la fatigue au travail. Le paradoxe ti<strong>en</strong>t au fait que l'institutionlaisse définir partiellem<strong>en</strong>t la charge <strong>de</strong> travail au même titre qu'elle accepte une certainepart d'organisation. Mais le couplage étroit <strong>en</strong>tre l'action <strong>de</strong>s professionnels sur le plan <strong>de</strong>leur métier et la reconnaissance et l'influ<strong>en</strong>ce qu'ils <strong>en</strong> tir<strong>en</strong>t les amène à vivre unprocessus ambigu: plus le groupe travaille, plus il peut jouer et plus il joue, plus il doittravailler. La liberté <strong>de</strong> ces acteurs est à la fois plus large et plus étroitem<strong>en</strong>t délimitée parla logique économique <strong>de</strong> l'<strong>en</strong>treprise que celle <strong>de</strong>s acteurs <strong>de</strong>s univers bureaucratiques(M. Crozier, 1963).Certaines <strong>en</strong>treprises considèr<strong>en</strong>t cette situation d'auto-surm<strong>en</strong>age comme positive ett<strong>en</strong><strong>de</strong>nt à l'ériger <strong>en</strong> métho<strong>de</strong>. Gilbert Trigano affirme ainsi "je crois qu'il faut vivre dansla pression perman<strong>en</strong>te et je fais tout pour que mes collaborateurs et collaboratrices viv<strong>en</strong>tcomme cela, dans la crainte et dans l'angoisse pour que l'on ne s'<strong>en</strong>dorme pas" (G.Bradfer, 1989).Pr<strong>en</strong>ant à revers la logique d'acteur <strong>de</strong>s professionnels, ce "managem<strong>en</strong>t par le stress", nesemble cep<strong>en</strong>dant pas pouvoir perdurer. Même dans <strong>de</strong>s <strong>en</strong>treprises moins volontaristes<strong>en</strong> la matière, l'auto-surm<strong>en</strong>age représ<strong>en</strong>te une source <strong>de</strong> fragilité considérable pourl'acteur et, in fine, pour l'<strong>en</strong>treprise.La lassitu<strong>de</strong> d'<strong>en</strong>trepr<strong>en</strong>dre est <strong>en</strong> effet l'autre face <strong>de</strong> la logique <strong>de</strong> l'innovation.L'<strong>en</strong>gagem<strong>en</strong>t s'avère parfois trop lourd et excessivem<strong>en</strong>t "mobilisateur". L'ordre <strong>de</strong> laproduction fatiguait ses ag<strong>en</strong>ts; le désordre <strong>de</strong> l'innovation risque <strong>de</strong> briser ses acteurs.La lassitu<strong>de</strong> d'<strong>en</strong>trepr<strong>en</strong>dre se manifeste selon <strong>de</strong>ux perspective distinctes: baissevolontaire <strong>de</strong> l'activité; intégration à un groupe jouant la règle ou l'institution. Leshistoires <strong>de</strong> vie professionnelle <strong>de</strong> ce type sont nombreuses. Elles éclair<strong>en</strong>t troisdim<strong>en</strong>sions ess<strong>en</strong>tielles:- le coût psycho-sociologique <strong>de</strong> la position d'innovateur peut l'emporter sur lesavantages qu'elle procure; l'appr<strong>en</strong>tissage est alors régressif;- l'acteur dispose d'une liberté <strong>de</strong> choix <strong>en</strong>tre différ<strong>en</strong>tes positions permettant <strong>de</strong> réduireces coûts: l'<strong>en</strong>treprise ne peut obliger à <strong>en</strong>trepr<strong>en</strong>dre, seulem<strong>en</strong>t à travailler;- la lassitu<strong>de</strong> d'<strong>en</strong>trepr<strong>en</strong>dre grossit ainsi les rangs <strong>de</strong>s groupes légalistes ou ceux <strong>de</strong>s"bras cassés", plus nombreux ici que dans la douceur amniotique <strong>de</strong>s universbureautiques.Ces situations sont proches <strong>de</strong> celles <strong>de</strong> la défection, <strong>de</strong> la loyauté (A.O. Hirshmann,1972) et <strong>de</strong> "l'apathie" (G. Bajoit, 1985). Mais ces comportem<strong>en</strong>ts ne peuv<strong>en</strong>t seconfondre avec une stratégie optimale <strong>de</strong> substitution. Ils mett<strong>en</strong>t surtout <strong>en</strong> évi<strong>de</strong>nce leslimites du système social qui butt<strong>en</strong>t sur le système <strong>de</strong> l'acteur (R. Sainsaulieu, 1981). Ilsreflèt<strong>en</strong>t l'incapacité culturelle à optimiser <strong>en</strong> perman<strong>en</strong>ce <strong>de</strong>s ressources. L'appr<strong>en</strong>tissagerégressif décrit ici s'accompagne par ailleurs d'une difficulté personnelle considérable:celle <strong>de</strong> s'accepter comme incapable <strong>de</strong> participer plus longtemps à la "volee", qui<strong>de</strong>meure la norme du milieu.L'innovateur pour <strong>de</strong> raisons culturelles ou morales profon<strong>de</strong>s peut aussi ne changer ni<strong>de</strong> jeu, ni <strong>de</strong> groupe sans pour autant <strong>de</strong>meurer "sur la brèche", Anomique, il ne disposeplus <strong>de</strong>s moy<strong>en</strong>s pour parv<strong>en</strong>ir au type <strong>de</strong> réussite que lui-même et le réseaud'innovateurs valoris<strong>en</strong>t (Merton, 1965). Il doit rompre avec le projet pour lequel il militeet se trouve isolé, exposé aux incertitu<strong>de</strong>s <strong>de</strong> sa situation sans trouver <strong>de</strong> repères et <strong>de</strong>47
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