V. LA FORMULATION DES PROBLEMES STRATEGIQUESHervé LAROCHE<strong>Ecole</strong> Supérieure <strong>de</strong> Commerce <strong>de</strong> ParisRapporteurs :Marie-José AVENIER, GRASCEErhard FRIEDBERG, CSOSéance du 10 Janvier 19916465
"(...) nous <strong>de</strong>vrions regar<strong>de</strong>r <strong>de</strong> plus près comm<strong>en</strong>t les managers cré<strong>en</strong>teux- mêmes les problèmes et les opportunités qui se prés<strong>en</strong>t<strong>en</strong>t à eux, etport<strong>en</strong>t ainsi la responsabilité <strong>de</strong> ce à quoi ils sont confrontés (...)."(WEICK, 1983, p.242)Les problèmes dans les organisations ont donné lieu à bi<strong>en</strong> peu <strong>de</strong> recherchesspécifiques. Bi<strong>en</strong> plus, à <strong>de</strong> rares exceptions près, les recherches qui aurai<strong>en</strong>t pu s'yintéresser, comme les recherches sur les processus <strong>de</strong> décision, n'<strong>en</strong> ont fait qu'unélém<strong>en</strong>t très marginal <strong>de</strong> leur problématique. Ce papier s'intéresse plus spécifiquem<strong>en</strong>t àla formulation <strong>de</strong>s problèmes stratégiques. Il explore les processus par lesquels lesorganisations détect<strong>en</strong>t, reconnaiss<strong>en</strong>t, construis<strong>en</strong>t, se pos<strong>en</strong>t leurs problèmesstratégiques - et tout aussi bi<strong>en</strong> les processus par lesquels elles ignor<strong>en</strong>t, refus<strong>en</strong>t,oubli<strong>en</strong>t leurs problèmes stratégiques.Un bref aperçu <strong>de</strong>s perspectives théoriques sur la décision et les problèmes stratégiquespermettra <strong>de</strong> préciser notre problématique. On exposera <strong>en</strong>suite les résultats d'unerecherche conduite dans une <strong>en</strong>treprise sur une pério<strong>de</strong> d'<strong>en</strong>viron dix-huit mois. On ferale récit <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux <strong>de</strong>s problèmes stratégiques qu'on a trouvés dans cette <strong>en</strong>treprise durantcette pério<strong>de</strong>. Puis on proposera un cadre d'analyse, un <strong>en</strong>semble <strong>de</strong> concepts quir<strong>en</strong><strong>de</strong>nt compte <strong>de</strong> ces processus <strong>de</strong> formulation <strong>de</strong>s problèmes stratégiques. On avancera<strong>en</strong>fin quelques hypothèses sur l'importance <strong>de</strong> ces processus dans la formation <strong>de</strong>sstratégies11.1. PERSPECTIVES SUR LA DECISION ET LES PROBLEMESSTRATEGIQUES.Les approches "classiques" <strong>de</strong> la décision ne s'intéress<strong>en</strong>t aux problèmes que pour se<strong>de</strong>man<strong>de</strong>r soit comm<strong>en</strong>t les résoudre, soit comm<strong>en</strong>t ils ont été résolus. Une premièreperspective, intrinsèquem<strong>en</strong>t prescriptive et rationalisatrice, adopte le point <strong>de</strong> vue du"déci<strong>de</strong>ur". Celui-ci est confronté à un problème qu'il s'agit <strong>de</strong> résoudre: il faut le fairedisparaître <strong>en</strong> lui associant une solution. La métho<strong>de</strong> rationnelle est généralem<strong>en</strong>tproposée comme gui<strong>de</strong> pour cette opération. Dans cette perspective, les problèmes sont<strong>de</strong>s <strong>en</strong>sembles <strong>de</strong> stimuli décodés, <strong>de</strong> faits collectés dans l'<strong>en</strong>vironnem<strong>en</strong>t, rapportés à<strong>de</strong>s objectifs, <strong>de</strong>s normes, <strong>de</strong>s contraintes. Les problèmes donn<strong>en</strong>t lieu à <strong>de</strong>s diagnostics,qui <strong>en</strong> établiss<strong>en</strong>t la nature exacte. La formulation du problème est la phase initiale duprocessus <strong>de</strong> décision. C'est ess<strong>en</strong>tiellem<strong>en</strong>t une phase <strong>de</strong> collecte et <strong>de</strong> traitem<strong>en</strong>t <strong>de</strong>l'information. Le bon dirigeant est c<strong>en</strong>sé se livrer spontaném<strong>en</strong>t à une activité <strong>de</strong>recherche <strong>de</strong> problèmes. Il peut être aidé <strong>en</strong> cela par <strong>de</strong>s systèmes d'information, <strong>de</strong>planification, etc. Dans le domaine stratégique, "l'école du <strong>de</strong>sign" <strong>de</strong> HARVARDreprés<strong>en</strong>te bi<strong>en</strong> cette perspective. Elle est aujourd'hui perpétuée par nombre <strong>de</strong>s outils etdémarches <strong>de</strong> la stratégie, tels qu'ils sont prés<strong>en</strong>tés dans les manuels.Cette approche <strong>de</strong> la décision a été abondamm<strong>en</strong>t critiquée. De nombreux travauxempiriques ont été réalisés, et <strong>de</strong>s théories ont été construites, pour proposer <strong>de</strong>s<strong>de</strong>scriptions plus réalistes <strong>de</strong>s processus <strong>de</strong> décision dans les organisations. Une secon<strong>de</strong>perspective s'<strong>en</strong> dégage, qui met <strong>en</strong> avant, pour l'ess<strong>en</strong>tiel, <strong>de</strong>s processusorganisationnels et politiques (ALLISON, 1971), ou "politico-comportern<strong>en</strong>taux"(QUINN, 1980). Parmi les travaux représ<strong>en</strong>tatifs <strong>de</strong> cette secon<strong>de</strong> perspective, citonsLINDBLOM (1959), CYERT & MARCH (1963), CARTER (1971), MINTZBERG,RAISINGHANI, & THEORET (1976), HICKS ON & alii (1986).Que <strong>de</strong>vi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t les problèmes dans cette secon<strong>de</strong> perspective? Ils disparaiss<strong>en</strong>t souv<strong>en</strong>tdans l'origine parfois obscure du processus. Les problèmes se trouv<strong>en</strong>t souv<strong>en</strong>t réduits àIl Ce papier est un résumé d'une recherche disponible sous la référ<strong>en</strong>ce suivante: Hervé LAROCHE, Laformulation <strong>de</strong>s problèmes stratégiques: ag<strong>en</strong>da stratégique et i<strong>de</strong>ntité <strong>de</strong> l'<strong>en</strong>treprise, Thèse <strong>de</strong> Doctorat <strong>en</strong>Sci<strong>en</strong>ces <strong>de</strong> <strong>Gestion</strong>, HEC, 1991.66<strong>de</strong> simples "stimuli" dans les conceptions behavioristes <strong>de</strong> la décision, ou bi<strong>en</strong> à <strong>de</strong>s"<strong>de</strong>man<strong>de</strong>s" dans les conceptions politiques.Notons cep<strong>en</strong>dant les contributions spécifiques <strong>de</strong> POUNDS (1969) et <strong>de</strong> LYLES(1981). POUNDS constate que les problèmes naiss<strong>en</strong>t principalem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux sources:les <strong>de</strong>man<strong>de</strong>s adressées aux managers, et l'expéri<strong>en</strong>ce <strong>de</strong>s managers (les comparaisonsque font les managers <strong>en</strong>tre la situation existante et les situations passées). Il souligne lefaible rôle <strong>de</strong>s systèmes <strong>de</strong> planification, et <strong>de</strong> manière générale, déplore le simplisme <strong>de</strong>sdémarches <strong>de</strong> recherche <strong>de</strong>s problèmes.Plus récemm<strong>en</strong>t, LYLES (1981) a proposé un modèle <strong>de</strong> la "formulation <strong>de</strong>s problèmesstratégiques" à partir d'une étu<strong>de</strong> empirique <strong>de</strong> tr<strong>en</strong>te-trois cas. Il s'agit ess<strong>en</strong>tiellem<strong>en</strong>td'un processus politique qui implique les acteurs dans un certain nombre <strong>de</strong> cycles <strong>de</strong>prise <strong>de</strong> consci<strong>en</strong>ce, <strong>de</strong> collecte d'information, et <strong>de</strong> confrontation, jusqu'à une résolutionqui marque le début <strong>de</strong> la phase <strong>de</strong> recherche <strong>de</strong> solutions.Les travaux <strong>de</strong> cette secon<strong>de</strong> perspective affirm<strong>en</strong>t que les processus <strong>de</strong> décisions'écart<strong>en</strong>t du modèle rationnel, qu'ils ont un impact sur la substance <strong>de</strong>s choix, et queleur maîtrise est difficile. En cela, ils s'oppos<strong>en</strong>t à la première perspective. Mais les <strong>de</strong>uxperspectives sont inspirées par la même conception fondam<strong>en</strong>tale <strong>de</strong> la décision dans lesorganisations. Elles considèr<strong>en</strong>t le fonctionnem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> l'organisation comme lajuxtaposition et la succession d'activités <strong>de</strong> décision, ori<strong>en</strong>tées vers la production <strong>de</strong>choix, vers l'attribution <strong>de</strong> solutions à <strong>de</strong>s problèmes; les activités <strong>de</strong>s acteurs sont vuescomme <strong>de</strong>s "contributions" à la formation <strong>de</strong>s choix.Cette vision est à son tour dénoncée par certains auteurs (MARCH, 1981, 1988 ; SFEZ,1981 ; STARBUCK, 1983). Le fameux "modèle <strong>de</strong> la poubelle" (COHEN, MARCH &OLSEN, 1972) donne par exemple une vision éclatée <strong>de</strong>s processus <strong>de</strong> décision: leschoix advi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t bi<strong>en</strong> plus qu'ils ne sont construits.Une troisième perspective peut alors être i<strong>de</strong>ntifiée sous l'étiquette "la décision commeaction". Elle rev<strong>en</strong>dique ou au moins admet que l'action dans les organisations débor<strong>de</strong>largem<strong>en</strong>t le cadre <strong>de</strong>s activités décisionnelles. Les processus sont susceptiblesd'échapper largem<strong>en</strong>t aux acteurs, dans la mesure où les acteurs ne conçoiv<strong>en</strong>t pasnécessairem<strong>en</strong>t leur action dans le cadre <strong>de</strong> processus <strong>de</strong> décision et <strong>en</strong> fonction durésultat att<strong>en</strong>du <strong>de</strong> ce processus.Ces débats sur la décision ont rapi<strong>de</strong>m<strong>en</strong>t atteint le champ <strong>de</strong> la formation <strong>de</strong>s stratégies.Dans une controverse les opposant à PETTIGREW et à BUTLER, MINTZBERG &WATERS souti<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t que la formation <strong>de</strong>s stratégies ne peut être interprétée <strong>en</strong> termes <strong>de</strong>décisions, dans la mesure où les actions sont au moins partiellem<strong>en</strong>t indép<strong>en</strong>dantes <strong>de</strong>sdécisions (MINTZBERG & WATERS, PETTIGREW, BUTLER, 1990). Ce n'est quedans le contexte particulier <strong>de</strong>s organisations <strong>de</strong> type "bureaucratie mécaniste"(MINTZBERG, 1979) que les décisions sont vraim<strong>en</strong>t repérables, et conduis<strong>en</strong>t l'action.Dans le domaine stratégique, on constate que nombre d'auteurs accept<strong>en</strong>t une perspective<strong>de</strong> type "action", mais <strong>de</strong> manière moins drastique que MARCH ou STARBUCK. Citonsles travaux <strong>de</strong> HUFF (1982), DONALDSON & LORSCH (1983), HALL (1984),PRAHALAD & BETTIS (1986), ou JOHNSON (1987 et 1988). Derrière la diversité <strong>de</strong>scadres théoriques, <strong>de</strong>s concepts utilisés, <strong>de</strong>s méthodologies, ces auteurs sembl<strong>en</strong>tpartager <strong>de</strong>ux idées maîtresses:1. dans toute organisation, une structure cognitive c<strong>en</strong>tralel-, relativem<strong>en</strong>t stable, génère<strong>de</strong>s processus d'action stratégique converg<strong>en</strong>ts ; cette structure cognitive garantit àl'organisation une forte stabilité, tout <strong>en</strong> lui permettant une certaine capacité d'adaptationou au moins un certain <strong>de</strong>gré <strong>de</strong> changem<strong>en</strong>t ;12 Les dénominations vari<strong>en</strong>t : croyances, cadre stratégique, logique dominante, cartes causales,paradigme..,67
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