heures <strong>de</strong> savants problèmes administratifs ou sci<strong>en</strong>tifiques, ne dispos<strong>en</strong>t ultimem<strong>en</strong>t que<strong>de</strong> dix minutes pour trancher <strong>de</strong> questions dont l'importance a fait justem<strong>en</strong>t qu'elles sontarrivées jusqu'à eux.Ce même chiffre <strong>de</strong> dix minutes est cité par P. Bonarelli (9) pour indiquer le tempsconsacré à chaque décision dans l'<strong>en</strong>treprise qu'il a étudiée, mais les explicationsinvoquées sont d'une autre nature. Il s'agit d'un fabricant <strong>de</strong> matériel électronique dontles produits se démo<strong>de</strong>nt vite et sont soumis à une vive concurr<strong>en</strong>ce. Avoir le bon produitau bon mom<strong>en</strong>t peut rapporter gros, car le prix joue un faible rôle à côté <strong>de</strong> la rapidité <strong>de</strong>livraison et la qualité. On se trouve donc dans un cas où l'information est une <strong>de</strong>nréepérissable, qui doit être exploitée toute fraîche. Par ailleurs, les articles et les cli<strong>en</strong>ts sontnombreux et variés, <strong>de</strong> sorte que chaque responsable doit se prononcer sur beaucoup <strong>de</strong>choix par unité <strong>de</strong> temps. Dans ces conditions, guère <strong>de</strong> possibilités pour pr<strong>en</strong>dre <strong>de</strong>sordres ou pour se concerter. Comm<strong>en</strong>t assurer la cohér<strong>en</strong>ce <strong>de</strong> tous ces choix?La solution adoptée, on l'a vu, consiste à appliquer un petit nombre <strong>de</strong> principes simples;par exemple: "ne faire nous-mêmes que les tâches nobles", "jamais <strong>de</strong> stocks", etc.L'usage s'est établi <strong>de</strong> donner à un tel co<strong>de</strong> <strong>de</strong> conduite le nom <strong>de</strong> "culture d'<strong>en</strong>treprise".Une étu<strong>de</strong> att<strong>en</strong>tive peut montrer, et ce fut le cas ici, que les décisions ainsi ret<strong>en</strong>uespeuv<strong>en</strong>t être à l'occasion très loin <strong>de</strong> l'optimum économique, mais elles ont l'avantaged'être prises rapi<strong>de</strong>m<strong>en</strong>t. Aussi bi<strong>en</strong> l'<strong>en</strong>treprise <strong>en</strong> cause connaissait-elle uneremarquable prospérité <strong>en</strong> termes <strong>de</strong> bénéfices et <strong>de</strong> taux <strong>de</strong> croissance.Voilà donc un cas <strong>de</strong> gestion dans l'urg<strong>en</strong>ce, où les choix font peu <strong>de</strong> place à la réflexionet l'étu<strong>de</strong> et pourtant se révèl<strong>en</strong>t justifiés a posteriori, si l'on s'<strong>en</strong> ti<strong>en</strong>t du moins au critèredu profit comptable. Peters et Waterman et leurs émules érig<strong>en</strong>t ce g<strong>en</strong>re <strong>de</strong> constatation<strong>en</strong> véritable religion, et certains s'<strong>en</strong> indign<strong>en</strong>t. Ainsi, G.Y. Kervern (18) considère quel'apologie du tir réflexe conduit à <strong>de</strong>s mœurs <strong>de</strong> brutes, et à <strong>de</strong>s erreurs aussi tragiquesque la <strong>de</strong>struction, par un porte-avions le .3 juillet 1988, d'un Airbus civil <strong>de</strong> 177 piedsconfondu avec un avion <strong>de</strong> chasse <strong>de</strong> 62 pieds <strong>de</strong> long.A quoi P. Bonarelli répond qu'optimiser au s<strong>en</strong>s classique, c'est <strong>en</strong> réalité sousoptimiser,car le temps passé à réfléchir coûte cher. Il suggère même que la décisionrapi<strong>de</strong> prise sur <strong>de</strong>s critères sommaires constitue un optimum "éco-rationnel" (d'après L.Lévy-Garboua).De la même manière, Ph. Roqueplo considère que la machine gouvernem<strong>en</strong>tale remplitune fonction cruciale: elle empêche les catastrophes. Plutôt qu'un état-major généralmettant <strong>en</strong> œuvre une gran<strong>de</strong> stratégie, il faut la voir comme un service d'<strong>en</strong>treti<strong>en</strong>, voire<strong>de</strong> sapeurs-pompiers, qui ne fonctionne somme toute pas si mal.A qui donner raison: à G.Y. Kervern, ou à P. Bonarelli, dont l'affrontem<strong>en</strong>t est direct etexplicite?Avant <strong>de</strong> répondre, je voudrais noter que ces réflexions nous conduis<strong>en</strong>t à un changem<strong>en</strong>t<strong>de</strong> perspective radical par rapport aux théories habituelles : bi<strong>en</strong> loin que la décisionsavamm<strong>en</strong>t méditée soit la norme et l'urg<strong>en</strong>ce l'exception pathologique, s'offre à nousl'idée que l'urg<strong>en</strong>ce est un ingrédi<strong>en</strong>t inévitable <strong>de</strong> toute prise <strong>de</strong> décision: seule varie ladose. La décision rationnelle <strong>de</strong>s livres d'où l'urg<strong>en</strong>ce est abs<strong>en</strong>te serait alors un caslimite, asymptotique, improbable <strong>en</strong>core que théoriquem<strong>en</strong>t intéressant, comme <strong>en</strong>résistance <strong>de</strong>s matériaux la poutre <strong>de</strong> Saint-V<strong>en</strong>ant, parfaitem<strong>en</strong>t élastique et homogène,donc utopique, mais commo<strong>de</strong> à mettre <strong>en</strong> équations.Cette omni-prés<strong>en</strong>ce <strong>de</strong> l'urg<strong>en</strong>ce est cohér<strong>en</strong>te avec la vision <strong>de</strong> la marche <strong>de</strong>sorganisations que postule la recherche <strong>en</strong> gestion, au s<strong>en</strong>s <strong>de</strong> l'article <strong>de</strong> M. Berry, J.c.Moisdon et C. Riveline <strong>de</strong> 1979 (19) : chaque ag<strong>en</strong>t économique se comporte <strong>de</strong>manière à optimiser les critères sur lesquels il se s<strong>en</strong>t jugé. Ce caractère local <strong>de</strong> chaqueoptimum, qui r<strong>en</strong>d compte <strong>de</strong>s conflits internes évoqués ci-<strong>de</strong>ssus, est une conséqu<strong>en</strong>ce<strong>de</strong> l'urg<strong>en</strong>ce, car le temps manque pour élaborer sans cesse <strong>de</strong>s compromis. L'urg<strong>en</strong>cecroissante a pour effet <strong>de</strong> réduire <strong>en</strong>core le nombre <strong>de</strong> critères pris <strong>en</strong> compte par chacun.56Cett~ théorie se prés<strong>en</strong>te c0!TIme une physiologie <strong>de</strong>scriptive et eIle peut r<strong>en</strong>dre compte<strong>de</strong>s echecs comme <strong>de</strong>s sucees. EIle va nous ai<strong>de</strong>r, <strong>en</strong> particulier, à éclairer le débat <strong>en</strong>treG.y. Kervern et P. Bonarelli. Ce <strong>de</strong>rnier me paraît impru<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> qualifier d'écor~tI~nn~llela gestion <strong>de</strong> son <strong>en</strong>treprise. Cette expression suggère <strong>en</strong> effet une adéquationréfléchie <strong>de</strong>s moy<strong>en</strong>s aux fins. Or, parmi les dizaines d'<strong>en</strong>treprises "excell<strong>en</strong>tes" vantéespar Peters et Waterman (1 1), la majorité ont péri ou peu s'<strong>en</strong> faut dans les années qui ontsuivi la publication <strong>de</strong> leur livre. En effet, les critères simples peuv<strong>en</strong>t se révéler adéquatsquelque temps, mais il est très difficile <strong>de</strong> les remettre <strong>en</strong> cause quand ce n'est plus le cas.L'urg<strong>en</strong>ce prés<strong>en</strong>te <strong>en</strong> effet, passés les premiers mom<strong>en</strong>ts d'inquiétu<strong>de</strong> et d'adaptation,<strong>de</strong> redoutables commodités. Souv<strong>en</strong>t associée à <strong>de</strong>s dangers collectifs, eIle constitue uneexcuse idéale pour justifier oukases, mesures d'exception et jugem<strong>en</strong>ts expéditifs. Ellefinit par êt,re invoquée <strong>de</strong> façon rhétorique pour repousser les contestations. De plus,quand le <strong>de</strong>t<strong>en</strong>teur d'un pouvoir r<strong>en</strong>contre <strong>de</strong>s succès répétés, il est naturellem<strong>en</strong>t porté às'<strong>en</strong> t<strong>en</strong>ir aux mêmes choix quand leur pertin<strong>en</strong>ce a disparu.On voit donc que G. Y. Kervern a raison <strong>de</strong> mettre <strong>en</strong> gar<strong>de</strong> contre ces périls, mais P.Bonarelli n'<strong>en</strong> est pas moins fondé à témoigner <strong>de</strong>s succès qu'il a constatés.Une t<strong>en</strong>tation serait peut-être pour un économiste <strong>de</strong> traduire cette discussion sous formemathématique, <strong>en</strong> imaginant par exemple une fonction croissante du profit avec le temps<strong>de</strong> réflexion, mais décroissante avec le caractère périssable <strong>de</strong> l'information. Ontr,?uve.rait, <strong>en</strong> .fonction ~e .quelques paramètres caractérisant chaque décision, un temps <strong>de</strong>repexIOn optimal. .l\1.ms 1.1 est probable qu'un tel modèle ne nous instruirait guère <strong>en</strong>raison <strong>de</strong> toutes les simplifications auxquelles il faudrait cons<strong>en</strong>tir pour <strong>en</strong> donner uneexpression calculable et il laisserait dans l'ombre bi<strong>en</strong> <strong>de</strong>s aspects <strong>de</strong> l'urg<strong>en</strong>ce que nousavons rec<strong>en</strong>sés chemin faisant.Je voudrais proposer une approche théorique que je croisplus fécon<strong>de</strong>, fondée sur l'évaluation <strong>de</strong>s coûts et la recherche <strong>en</strong> gestion.5. LA BONNE URGENCE EXPLIQUÉELa principale difficulté que la sci<strong>en</strong>ce économique laisse dans l'ombre rési<strong>de</strong> on l'a vudans l'utilité indiscutable <strong>de</strong> l'urg<strong>en</strong>ce, au moins à court terme dans <strong>de</strong> nombreusessituatio,ns.C'est le cas dans les <strong>de</strong>ux exemples précé<strong>de</strong>nts, et c'est ce qu'ont égalem<strong>en</strong>tobserve D. Fixari et F. PaIlez (Petit traité d'urg<strong>en</strong>ce (20)) et J.-c. Moisdon (Grandsprojets, organisation et urg<strong>en</strong>ce (21)), dans <strong>de</strong>s travaux réc<strong>en</strong>ts.L'analyse que je proposerai repose sur <strong>de</strong>ux distinctions:-la distinction <strong>en</strong>tre" l'observateur" et "l'ag<strong>en</strong>t économique";-Ia distinction <strong>en</strong>tre "complexité d'abondance" et "complexité <strong>de</strong> s<strong>en</strong>s".Constatant qu'il n'est pas possible <strong>de</strong> calculer <strong>de</strong> manière indiscutable le coût d'un bi<strong>en</strong>ou d'un service, j'ai montré (17) qu'il est <strong>en</strong> revanche possible <strong>de</strong> définir avec précisionle coût d'une décision ou d'un événem<strong>en</strong>t pour un observateur déterminé. L'"observateur" est une <strong>en</strong>tité qui rec<strong>en</strong>se tous les effets, quantitatifs et qualitatifs <strong>de</strong> ladécision ou <strong>de</strong> l'événem<strong>en</strong>t considérés. Ri<strong>en</strong> ne dit qu'il se trouvera <strong>de</strong>ux observateurspour ress<strong>en</strong>tir à l'i<strong>de</strong>ntique une alternative déterminée. L'observateur est une consci<strong>en</strong>celibre.Par contraste, "l'ag<strong>en</strong>t économique", je l'ai dit plus haut, est un déci<strong>de</strong>ur logique <strong>en</strong> ceciqu'il optimise les jugem<strong>en</strong>ts dont il se s<strong>en</strong>t l'objet.Ces jugem<strong>en</strong>ts font partie <strong>de</strong>s élém<strong>en</strong>tsqui <strong>en</strong>tr<strong>en</strong>t dans son appréciation personnelle <strong>en</strong> tant qu'observateur, mais ce ne sont pasles seuls, <strong>en</strong> sorte qu'il peut affirmer sans m<strong>en</strong>tir que sa décision lui déplait, mais lesordres sont les ordres et, que voulez-vous, ce n'est pas moi qui fais les réglem<strong>en</strong>ts.La <strong>de</strong>uxième distinction part <strong>de</strong> la remarque que l'appréciation <strong>de</strong> "complexité" portée suru~e sit~ation r<strong>en</strong>voie à <strong>de</strong>s ~.ifficultés <strong>de</strong> natures bi<strong>en</strong> différ<strong>en</strong>tes. Un problème peut être~ec!a:e complexe parce qu Il comporte beaucoup <strong>de</strong> solutions et que les moy<strong>en</strong>s sontlimités pour les explorer toutes.Mais cette épithète est aussi employée pour caractériser57
<strong>de</strong>s problèmes qui n'offr<strong>en</strong>t que peu <strong>de</strong> solutions (nommer Untel ou Untel à un poste-clé)mais où les points <strong>de</strong> vue sur le choix sont divers, antagonistes et puissants.La seule considération d'un "profit" ou <strong>de</strong> la "fonction d'utilité" du déci<strong>de</strong>ur revi<strong>en</strong>t àconfondre observateur et ag<strong>en</strong>t économique, et à négliger la complexité <strong>de</strong> s<strong>en</strong>s pour negar<strong>de</strong>r que la complexité d'abondance.Avec ces restrictions, il est clair que moins ledéci<strong>de</strong>ur a <strong>de</strong> temps, plus la décision est mauvaise à ses yeux.En revanche, si l'on reti<strong>en</strong>t les distinctions précé<strong>de</strong>ntes, il apparaît que l'urg<strong>en</strong>ce peut êtrebénéfique, car si l'on peut admettre qu'<strong>en</strong> général elle nuit à la maîtrise <strong>de</strong> la complexitéd'abondance (<strong>en</strong>core que l'urg<strong>en</strong>ce ait souv<strong>en</strong>t pour effet <strong>de</strong> stimuler les recherches et lescalculs), il est clair qu'elle peut souv<strong>en</strong>t diminuer la complexité <strong>de</strong> s<strong>en</strong>s: le manque <strong>de</strong>temps limite les possibilités <strong>de</strong> discussions et pousse à privilégier <strong>de</strong>s <strong>en</strong>jeux simples,comme on le voit à la limite dans les cas d'union sacrée face à une catastrophe collective.Le cheminem<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s choix gouvernem<strong>en</strong>taux tel que le décrit Ph. Roqueplo, peut alorss'analyser schématiquem<strong>en</strong>t comme un traitem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> l'abondance grâce à la consultationméthodique <strong>de</strong>s administrations compét<strong>en</strong>tes, conclu par un traitem<strong>en</strong>t du s<strong>en</strong>s ausommet.Dans les <strong>en</strong>treprises, à prés<strong>en</strong>t, la bonne urg<strong>en</strong>ce se manifeste notamm<strong>en</strong>t <strong>de</strong> <strong>de</strong>uxmanières: comme moy<strong>en</strong> <strong>de</strong> concurr<strong>en</strong>ce au niveau global, comme moy<strong>en</strong> <strong>de</strong> protectionau niveau <strong>de</strong>s exécutants. Pour le montrer, imaginons un poste <strong>de</strong> travail parfaitem<strong>en</strong>ttaylorisé, et introduisons <strong>de</strong>s perturbations: pannes, changem<strong>en</strong>ts <strong>de</strong> ca<strong>de</strong>nce, <strong>de</strong> produitou <strong>de</strong> technique.Trois conséqu<strong>en</strong>ces possibles: ou bi<strong>en</strong> les performances se dégra<strong>de</strong>nt,ou bi<strong>en</strong> l'opérateur se débrouille pour faire face sans dommage, ou bi<strong>en</strong> un nouveaudispositif, technique ou organisationnel, apporte un remè<strong>de</strong> perman<strong>en</strong>t.On voit comm<strong>en</strong>tles changem<strong>en</strong>ts rapi<strong>de</strong>s peuv<strong>en</strong>t <strong>de</strong>v<strong>en</strong>ir un moy<strong>en</strong> <strong>de</strong> compétition, <strong>en</strong> créant l'urg<strong>en</strong>cechez soi et chez les concurr<strong>en</strong>ts et <strong>en</strong> y faisant face mieux qu'eux.C'est manifestem<strong>en</strong>t lecas pour l'<strong>en</strong>treprise <strong>de</strong> P. Bonarelli.La troisième issue, celle <strong>de</strong> la réponse programmée, est évi<strong>de</strong>mm<strong>en</strong>t la plusdésirable.C'est à cette catégorie que l'on peut assimiler les systèmes automatisés quis'adapt<strong>en</strong>t aux événem<strong>en</strong>ts, les consignes méthodiques et l'<strong>en</strong>traînem<strong>en</strong>t auxquels onsoumet par exemple les pilotes d'avion.A la limite, l'urg<strong>en</strong>ce disparaît si hommes etsystèmes ont le temps <strong>de</strong> réagir à propos.Mais il est à p<strong>en</strong>ser que c'est la <strong>de</strong>uxième issue, celle <strong>de</strong> la débrouillardise locale, quiprévaut le plus souv<strong>en</strong>t dans l'industrie d'aujourd'hui, car il est rare que les perturbationss'y reproduis<strong>en</strong>t avec une perman<strong>en</strong>ce suffisante pour permettre leur résolutionsystématique. Il <strong>en</strong> résulte que la bonne marche repose <strong>de</strong> plus <strong>en</strong> plus sur l'habileté et ledévouem<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s opérateurs.C'est notamm<strong>en</strong>t ce qu'ont montré V. Rigal et T. Weil àpropos <strong>de</strong>s pannes (22) et Y. Barraquand et P. Maruani à propos <strong>de</strong> la conduite <strong>de</strong>sinstallations <strong>de</strong> haute technologie (23).Par rapport à l'ouvrier taylorisé, l'opérateur voit alors s'accroître à la fois la complexitéd'abondance et la complexité <strong>de</strong> s<strong>en</strong>s <strong>de</strong> son poste. Sa "zone d'incertitu<strong>de</strong>", au s<strong>en</strong>s <strong>de</strong> lasociologie <strong>de</strong>s organisations (23) s'agrandit. Selon sa qualification, son caractère, lesréseaux <strong>de</strong> relations qu'il a pu nouer, il appréciera <strong>de</strong> manière variée cette nouvellecondition, mais on imagine et on observe d'ailleurs <strong>de</strong> nombreuses circonstances (cf. I.e. Moisdon (21» où les urg<strong>en</strong>ces protèg<strong>en</strong>t son statut et allèg<strong>en</strong>t, à l'instar d'un ministre,les complexités <strong>de</strong> s<strong>en</strong>s qu'il affronte.Ces remarques invit<strong>en</strong>t à une réflexion plus générale sur la place <strong>de</strong> l'urg<strong>en</strong>ce dans lagestion <strong>de</strong>s organisations d'aujourd'hui, réflexion sur laquelle je voudrais conclure.autour d'un chef d'État d'aujourd'hui, et on ne saurait dire si le téléphone et la télécopieont atténué ou aggravé le phénomène. De même, dans la vie <strong>de</strong>s affaires, s'il ne fait pas<strong>de</strong> doute que les innovations techniques et commerciales se succè<strong>de</strong>nt à un rythme sansprécé<strong>de</strong>nt, les moy<strong>en</strong>s d'y faire face se multipli<strong>en</strong>t à un rythme comparable.Cela étant, les délais propres à l'esprit humain, délais d'appr<strong>en</strong>tissage, <strong>de</strong> compréh<strong>en</strong>sionet <strong>de</strong> contrôle, n'ont pas beaucoup varié, et il <strong>en</strong> résulte <strong>de</strong>s modifications profon<strong>de</strong>s dansla gestion <strong>de</strong>s <strong>en</strong>treprises.En particulier, nous v<strong>en</strong>ons <strong>de</strong> le voir, la vitesse <strong>de</strong>schangem<strong>en</strong>ts est <strong>de</strong>v<strong>en</strong>ue un moy<strong>en</strong> privilégié <strong>de</strong> concurr<strong>en</strong>ce, comme la vitesse <strong>de</strong> balleau t<strong>en</strong>nis, et l'un <strong>de</strong>s moy<strong>en</strong>s <strong>de</strong> réussir <strong>en</strong> la matière est <strong>de</strong> déléguer le maximum <strong>de</strong>responsabilités à ceux qui sont confrontés aux faits élém<strong>en</strong>taires.C'est tout l'opposé <strong>de</strong> l'organisation sci<strong>en</strong>tifique du travail selon Taylor pour laquelle lap<strong>en</strong>sée et l'autorité sont <strong>en</strong> haut et l'action pratique <strong>en</strong> bas. L'heure est à la déc<strong>en</strong>tralisation,la souplesse et la convivialité. Les caractéristiques <strong>de</strong>s individus, leursaspirations et leurs affinités sont prises aujourd'hui <strong>en</strong> gran<strong>de</strong> considération, et tout cela<strong>de</strong>ssine les traits d'un nouvel humanisme qui n'est pas sans charme (cf. mon Essai surl'urg<strong>en</strong>ce (24) : chapitre VI : "L'urg<strong>en</strong>ce et les personnes").Toutefois, ces dynamiques républiques <strong>de</strong> camara<strong>de</strong>s ne sont accessibles qu'à ceux quidispos<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s tal<strong>en</strong>ts requis.Les autres, qui s'accommo<strong>de</strong>nt souv<strong>en</strong>t fort bi<strong>en</strong> <strong>de</strong>s tâchesrépétitives et <strong>de</strong>s hiérarchies aujourd'hui vilip<strong>en</strong>dées, ont <strong>de</strong> plus <strong>en</strong> plus <strong>de</strong> mal à trouverleur place.Pour repr<strong>en</strong>dre la métaphore du t<strong>en</strong>nis, l'écart <strong>en</strong>tre bons et mauvais joueurss'est creusé. Selon l'expression conv<strong>en</strong>ue, c'est l'économie à <strong>de</strong>ux vitesses, économiecruelle aux plus l<strong>en</strong>ts.Le rythme toujours plus trépidant <strong>de</strong> la vie <strong>de</strong>s affaires n'est pas homogène; beaucoupd'organisations march<strong>en</strong>t <strong>en</strong>core au train <strong>de</strong> sénateur du siècle <strong>de</strong>rnier ou <strong>de</strong> l'<strong>en</strong>tre-<strong>de</strong>uxguerres.C'est le cas notamm<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s administrations publiques, dont la vie est régie par <strong>de</strong>pesants impératifs réglem<strong>en</strong>taires. La cohabitation <strong>en</strong>tre ces divers régimes <strong>de</strong> vitesse estmalaisée et tourne, là aussi, au désavantage <strong>de</strong>s plus l<strong>en</strong>ts: les hommes d'affaires voi<strong>en</strong>tleur prestige s'améliorer d'année <strong>en</strong> année, tandis que celui <strong>de</strong>s fonctionnaires déclinesymétriquem<strong>en</strong>t.L'image <strong>de</strong> l'Etat se dégra<strong>de</strong> et la gestion <strong>de</strong>s intérêts à long terme dont ilest le garant <strong>en</strong> souffre.Cela étant, ri<strong>en</strong> ne dit que le mon<strong>de</strong> <strong>de</strong>s affaires soit à l'abri <strong>de</strong> dérives analogues.S'il n'est pas certain que les responsables d'aujourd'hui sont plus surm<strong>en</strong>és que ceux <strong>de</strong>jadis, il y a une différ<strong>en</strong>ce importante: au temps <strong>de</strong>s innovations peu fréqu<strong>en</strong>tes, les milleproblèmes qu'ils réglai<strong>en</strong>t chaque jour changeai<strong>en</strong>t peu <strong>de</strong> libellé, <strong>de</strong> sorte qu'ilss'instruisai<strong>en</strong>t <strong>de</strong> leurs succès et <strong>de</strong> leurs erreurs, et <strong>de</strong>s doctrines pouvai<strong>en</strong>t servirdurablem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> fil conducteur à leurs choix. De nos jours, on n'ose plus guère parler <strong>de</strong>planification, <strong>en</strong>core un peu <strong>de</strong> choix stratégiques, mais sans gran<strong>de</strong> conviction.Unpragmatisme au jour le jour, excusé par l'urg<strong>en</strong>ce, risque <strong>de</strong> nuire aux réflexions sur lemoy<strong>en</strong> et le long terme.Les urg<strong>en</strong>ces d'aujourd'hui sont donc plus dangereuses que celles d'hier, conclusion quidésigne une urg<strong>en</strong>ce particulière: celle <strong>de</strong> réfléchir à ce phénomène. Les recherches, dansce domaine, se heurt<strong>en</strong>t aux difficultés que connaiss<strong>en</strong>t bi<strong>en</strong> les chercheurs <strong>en</strong> gestion, àsavoir allier une implication suffisante dans l'action pour observer les faits à undétachem<strong>en</strong>t méthodologique suffisant pour les analyser objectivem<strong>en</strong>t, difficultésaggravées, comme je l'ai noté au début, par la nature même <strong>de</strong> l'urg<strong>en</strong>ce.Mais il faut au préalable que l'urg<strong>en</strong>ce soit considérée comme un objet <strong>de</strong> rechercheacceptable, un aspect normal <strong>de</strong> toute gestion. C'est ce <strong>de</strong>rnier objectif que le prés<strong>en</strong>tarticle a pour objet <strong>de</strong> servir.6. L'URGENCE AUJOURD'HUIBi<strong>en</strong> que tout aille <strong>de</strong> plus <strong>en</strong> plus vite, il n'est pas certain, comme je l'ai dit au début, quel'urg<strong>en</strong>ce sévisse <strong>de</strong> nos jours avec une plus gran<strong>de</strong> virul<strong>en</strong>ce que dans les époquesantérieures. Autour du Roi-Soleil, la fébrilité était sans doute analogue à celle qui règne.5859
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