12.07.2015 Views

Actes - Forums du Champ Lacanien

Actes - Forums du Champ Lacanien

Actes - Forums du Champ Lacanien

SHOW MORE
SHOW LESS

Create successful ePaper yourself

Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.

Patrick. DE NEUTERDu parfait bonheur dans le couple : Hier un rêve, aujourd‟hui un devoirdésir d‟un désir insatisfait, nous sommes touteset tous affectés par une tendance plus ou moinsprononcée au masochisme et nous trouvonstous et toutes une part de notre bonheur dans lasatisfaction de cette tendance à cultiver lasouffrance et le malheur.Cela étant, que nos contemporains recherchentdonc ce bonheur avant tout dans la famille et lecouple se constate tout d‟abord dans leursréponses conscientes aux questionnaires dessociologues. Ainsi, l‟observation des réponsesdes jeunes Européens à une enquête sur lesvaleurs qui ont leur préférence, enquête quis‟est répétée en 1981, 1990 et 1999, amèneChristina Pina à affirmer : « Qu‟il s‟agisse de seprononcer sur l‟importance <strong>du</strong> partage destâches, le fait d‟avoir des enfants ou la fidélitépour assurer la réussite d‟un mariage, l‟enquêtedémontre… que ces valeurs sont en croissancedans la plupart d‟entre eux (les payseuropéens). Les jeunes générations seraientainsi plus attachées au couple qu‟on ne le dit ouqu‟on ne l‟entend parfois ». Ainsi, par exemple,l‟affirmation « Le mariage ou une relation stableet <strong>du</strong>rable sont nécessaires pour être heureux »recueille l‟assentiment de 61% des jeunesFrançais 9 .Pensons aussi à ce nombre très important dedivorcés et autres " victimes " d‟une vie decouple qu‟ils disent avoir été profondémentinsatisfaisante et qui néanmoins n‟hésitent pas às‟engager dans de nouvelles relationsconjugales plutôt que de vivre une vie solitaireou encore la multiplication des relationspassagères.Ceci pour dire qu‟il ne faudrait pas trop vite ettrop simplement affirmer « qu‟il n‟y a pasd‟amour heureux » ou, plus précisément, qu‟iln‟y a pas de couple qui ne soit source debonheurs, plus nombreux et plus grands queceux que peut apporter la vie libre <strong>du</strong> célibataire.Autrement dit encore, s‟il n‟y a pas d‟amourheureux, il y en a de moins malheureux qued‟autres. Et cela serait faire preuve d‟idéologietragique ou de noir romantisme que de ne fairevaloir que la dimension de leurre et de malheursde la vie conjugale et le côté profondémentinsatisfaisant de la relation sexuelle.Il arrive ainsi que d‟aucuns font glisserl‟aphorisme lacanien « Il n‟y a pas de rapportsexuel » de son versant logique « il n‟y a pasdans l‟inconscient de rapport entre les signifiantshomme et femme qui orienterait la dynamiquepulsionnelle », vers son versant idéologique :« le couple est toujours raté » ou, plus9 Galland O. et Roudet B., op. cit., pp. 250 et 286.radicalement, « le couple n‟existe pas » 10 . Nepas vouloir emboîter le pas aux affirmationsracoleuses de certains sexologues concernantl‟épanouissement sexuel en 10 séances, ne doitpas nous empêcher de faire valoir les réelseffets de nos cures psychanalytiques.Un collègue, pourtant lacanien lui aussi, s‟est unjour demandé si le plaisir avec lequel certainslacaniens pouvaient répéter cet aphorisme <strong>du</strong>non-rapport sexuel ne trouvait pas sa sourcedans la déresponsabilisation qu‟elle impliquaitquant à nos vies de couple. Autrement dit, « simon couple ne marche pas, je n‟y suis pour rien,c‟est un effet de la structure : aucun sujetd‟ailleurs ne peut se dire heureux dans soncouple, sauf dans l‟illusion ou la bêtise ». De là àcréer une antinorme, c‟est-à-dire une nouvellenorme, psychanalytique cette fois, il n‟y a qu‟unpas. « Il n‟y a pas à tenter de dépasser lesdifficultés que nous rencontrons. Il faut que moncouple soit source de malheurs, voire, il faut quenous nous séparions, sinon c‟est le signe que jevis dans la bêtise ou l‟illusion ».Quel serait un plus juste positionnementanalytique par rapport au bonheur, au bonheurdans le couple et, plus précisément, par rapportà cette obligation <strong>du</strong> bonheur dans le couple ?La question n‟est pas simple. J‟essayerainéanmoins d‟y apporter quelques réponses, pastrop idéologiques, si tant est que cela soitpossible en cette matière.Je pense tout d‟abord qu‟il convient de continuerà soutenir ce que les cliniques psychanalytiquesnous ont enseigné :1. Le bonheur relève, en partie <strong>du</strong> moins, <strong>du</strong>domaine de l‟illusion. Comme tout sentiment, lesentiment de bonheur est partiellementmenteur : « le senti ment », disait Lacan, etencore : « le bonheur "sans ombre" n‟existepas » 11 .2. Par conséquent, ce serait une escroquerieque de promettre ce parfait bonheur en fin decure. Ce serait aussi une escroquerie qued‟accepter sans questionnement une demanded‟analyse ou de thérapie de couple qui seraitessentiellement demande d‟atteindre un grandbonheur.3. Par contre, nous ne pouvons pas, mesemble-t-il, nous faire les apôtres d‟une religion10 À lire à ce propos l‟excellent travail de Gisèle Chaboudez« Le rapport sexuel en psychanalyse », in Figure de lapsychanalyse, 5, 2001, Eres, 41-64.11 Lacan J., Séminaire sur l’Ethique de la psychanalyse,leçon <strong>du</strong> 29 juin 1960.36Association des <strong>Forums</strong> <strong>du</strong> <strong>Champ</strong> <strong>Lacanien</strong> de Wallonie (Belgique)Colloque <strong>du</strong> 6 mai 2006ACTES

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!