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Algérie news quotidien national d'information

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Ahmed Cheniki (universitaire et spécialiste de théâtre)«La censure, une grave atteinte aux libertés»Ces derniers temps, on parle de plus enplus de la censure pernicieuse exercée par leministère de la Culture contre les œuvresde l’esprit. Il est clair qu’aujourd’hui, toutdébat contradictoire et pluriel est banni desespaces de ce département qui est désormaisspécialisé dans la distribution d’unerente capable d’obturer les bouches denombreux écrivains, journalistes, comédiens,universitaires qui profitent sans vergognede cette manne du ciel à travers lesjeux trop juteux de ces «festivals» qui n’apportentabsolument rien à la chose culturelledans notre pays. En parler, c’est s’exposerà la vindicte de ceux qui dirigent et àleurs réseaux au niveau des théâtres et desautres espaces censés produire de la culture,mais qui sont de terribles machinespromptes à exclure toute parole différente.La censure et l’exclusion reviennent deplus belle dans les travées de la Culture.Jamais peut-être, le département de laCulture n’a eu autant d’argent, mais, paradoxalement,rien ne va plus, à tous lesniveaux : livre, cinéma, théâtre, arts plastiques,sauf que des festivals sans objectifssérieux et la parole unique ne cessent deprendre le terrain à un débat sérieux etcontradictoire et à la mise en œuvre d’unprojet culturel à moyen et long terme. Onannonce encore l’organisation d’un autre«festival», Constantine, capitale de la culturearabe. Le festival du théâtre dit professionnelqui se déroulera à Alger, en mai,pris dans la mélasse de l’inconséquence etde l’exclusion manifeste, n’arrête pas deressasser le même discours et de convoquerl’improvisation et le manque de perspectives,tout en tentant de mettre la main surdes journalistes appelés, pour certainsd’entre eux, à fouler tragiquement, sansréaction de leur direction, les lieux del’éthique et des jeux déontologiques. Ainsi,le journaliste ne peut cracher sur la mainqui le nourrit. Autocensure et mensongepar omission sont les lieux les mieux partagésde ce type de pratiques.Aucun débat contradictoire n’est possibleà tel point que la censure et l’exclusiondeviennent des éléments-clés du discours.Des livres censurés, un colloque sur Messaliarrêté, une conférence de Harbi et deLemnaouer bloquée à l’université d’Alger ily a un peu moins de deux années, des livrescensurés. Tout projet cinématographiqueportant sur la guerre de Libération est désormaissoumis à un visa du gouvernement,correspondant au discours officiel, excluanttoute lecture différente, engendrant desérieux dégâts à l’écriture cinématographiqueet à l’Histoire réduite à la mise enœuvre du regard des gouvernants dumoment.Ce sont ces nombreux exemples quimarquent apparemment la culture de l’ordinairefortement caractérisée par unretour en force de l’autocensure, notammentdans la presse qui, exception faite detrès rares titres, est tombé dans le travail dupolitiquement correct, trait fondamentaldu conformisme et de la médiocrité. Le discoursdes œuvres littéraires et artistiques sefait trop nuancé, sans aucune saveur, occultantdangereusement les espaces clés d’unvécu qui semble voguer entre lame etlamelle, émeutes et chômage, silencespesants et bavardages obscurs, paranoïa etattitudes suicidaires.La parole vraie déserte les contrées duréel pour se construire un espace virtuel. Lacensure n’est pas un sport récent, maisinvestit toutes les contrées d’une histoirecondamnée à vivre le mutisme comme unmoment de vérité. La présence colonialeincarnait, certes, par sa cruauté, uneeffroyable censure. Beaucoup pensaientqu’une fois, indépendants, les <strong>Algérie</strong>nsallaient inventer la liberté. Le désenchantementn’était pas loin. Les différentes chartesrestreignaient encore davantage lechamp des libertés. Le colloque <strong>national</strong> dela culture de 1968 allait être le point dedépart d’une politique d’embastillement dela parole qui vit l’organe central de l’UGTA,Révolution et Travail, suspendu pendantune année en 1968, des intellectuels prendrele chemin de l’exil et les journaux investisd’une mission de neutralisation de toutevoix différente. Les différents codes de l’informationont toujours eu pour fonctionde réduire les espaces de liberté, commecette loi dont on n’arrête pas de parler aumilieu de journalistes encore séduits par cetype de codes, synonymes d’embastillement, alors qu’il faudrait plutôt insister surun texte pris en charge par les «professionnels»de l’information, régissant les lieux del’éthique dans un univers où les jeux déontologiquesn’ont jamais peuplé le terrain.Mais dans cet univers singulier, les censeursd’hier se retrouvent, par la suite, euxmêmes,victimes de ce mal qu’ils vontdénoncer une fois évacués des postes deresponsabilité. C’est le cas de Kaïd Ahmed,Boumaza, Messaâdia, Taleb, Yahiaoui,Chadli et bien d’autres qui ont, par la suite,revêtu les oripeaux, certes vieillis, de grandsdémocrates devant l’Eternel. Il y a aussi, cesderniers temps, une autre manière d’acheterle silence des uns et des autres en leurconviant des postes de responsabilité, descommissions ou des jurys peu crédibles.Il faudrait aussi ne pas oublier qu’on estALGERIE NEWS Dimanche 7 avril 2013en train de reproduire certaines attitudes etpostures du passé colonial. La colonisationfreinait toute voix autonome. Des piècesétaient interdites, des livres édités à Parisn’étaient même pas en vente à Alger, la languearabe était indésirable. On pensaitqu’une fois, l’indépendance acquise, leschoses allaient changer. Déjà, au Congrèsde Tripoli, les forts en gueule arrêtaient lesautres comme on avait orienté les débatsfuturs qui ne pouvaient quitter les arcanesdu conformisme idéologique dominant.Les rédacteurs de la Charte de Tripoli balisaientle terrain. A l’époque, personne neparlait de multipartisme. Les journauxdirigés par Harbi (Révolution Africaine) ouBenzine et Khalfa (Alger-Républicain) oumême Boudia (Alger ce soir) n’évoquaientpas le multipartisme, même si ces hommesont produit un travail intéressant. Pour unesimple inversion de légendes, le <strong>quotidien</strong>«Algerce soir» paya un prix très fort : saliquidation. C’était avant 1965. D’ailleurs,le PRS de Boudiaf ou le FFS de Aït Ahmedn’avaient pas pignon sur colonnes de lapresse. Même un débat sur la culture <strong>national</strong>e,parti d’une interview de Lacherafdans «Les Temps modernes», reproduitepar «Révolution Africaine», aurait étéarrêté sur instruction de Ben Bella. Aucunmembre de l’équipe de cet hebdomadairen’avait protesté contre cet affligeant cas de> C U L T U R E 23censure. Celle-ci était considérée commenormale.C’étaient de véritables années de plomb.La peur côtoyait l’impuissance. Il n’étaitmême pas possible d’écrire et de s’exprimerdans la presse étrangère et française en particulier.Le <strong>quotidien</strong> «Le Monde» ne pouvait,au nom de la défense des libertés individuellesen <strong>Algérie</strong>, s’offrir le luxe de perdreun marché aussi juteux (plus de vingtmille exemplaires diffusés <strong>quotidien</strong>nement)à tel point que son correspondant àAlger était affublé du sobriquet de«Mondjahid». «Afrique-Asie», dirigé parSimon Malley était lui aussi, se cachant derrièreune vulgate «révolutionnaire», tropgâté à Alger pour pouvoir laisser libre coursà des plumes algériennes non conformistes.«Jeune Afrique» de Béchir Ben Yahmed n’achangé de discours qu’en 1975 quand il apris position en faveur du Maroc dans leconflit du Sahara occidental. Cet hebdomadairedevenait d’ailleurs suspect. Le grandécrivain, Mourad Bourboune, dut, quelquesannées plus tard, claquer la porte de cejournal trop marqué politiquement.Aujourd’hui, cet hebdomadaire a subitementencore changé d’oripeau pour retrouverses lecteurs d’Alger. Est-ce innocent ouune affaire de gros sous marquée du sceaud’une communication chèrement payée ?La presse connaissait des moments difficiles.Toute velléité d’autonomie était bloquée.Ce qui avait condamné beaucoup dejournalistes au silence ou au départ. Maismalgré cette dure situation, des plumes,quelque peu libres, arrivaient à s’exprimeralors que la grande partie des journalistes,souvent sans titres, se prenaient pour desmilitants politiques reproduisant à longueurde colonnes le discours politiqueofficiel chantant la révolution agraire, lagestion socialiste des entreprises et lamédecine gratuite et délaissant royalementla fonction sacrée du journalisme : informer.Belaïd Abdesslam disait dans sesentretiens avec El Kenz et Bennoune qu’ilne lui était pas permis de répondre à sesdétracteurs dans les journaux de l’époqueoù il était ministre de l’Industrie et del’Energie. Il était tellement absurde cemoment où «El Moudjahid» ou«Echaâb» répondaient dans leurs journauxà des articles que les lecteurs n’avaient pasla possibilité de lire ou faisaient écrire parleurs journalistes des «lettres de lecteurs»lors des débats sur la charte <strong>national</strong>e. Toutécrit considéré comme suspect condamnaitle journal étranger au pilon. La télévisionest le lieu par excellence où s’opère unecensure extrêmement dure. C’est ainsi queles responsables de la télé ont transforméune expression d’un citoyen «ma ranachm’lah» en «rana m’lah» en supprimant toutsimplement au montage «ma» et «ch». Toutpropos considéré comme peu élogieux àl’endroit du président est supprimé. Lechanteur Baâziz a surpris tout le monde enchantant en direct une chanson censurée.Aujourd’hui, ce média lourd, fermé à touteparole différente, vit en vase-clos réduisantson journal télévisé aux défilés protocolaireset aux visites ministérielles. Même lapresse «privée», souvent piégée par la singularitéde sa situation, n’est pas épargnéepar la censure. Ses prises de position sontempreintes d’un trop plein de subjectivitéomettant souvent la parole de l’autre. Cettemanière de faire participe de l’effacementd’une source importante dans la recherchede la «vérité». Ce qui est assimilé à unevéritable censure. Omettre un fait, c’esttout simplement mentir, c’est-à-dire orientersciemment l’information.Aujourd’hui, les choses ne semblent pasavoir considérablement changé. La télévisionest toujours de plomb, le ministère dela Culture et ses réseaux continuent àexclure ceux qui développeraient un discoursdifférent.S. H.

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