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Marion POIRSON-DECHONNE Avatars d'Apocalypse ... - Ekphrasis

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<strong>Avatars</strong> d’Apocalypse, du cinéma au jeu vidéo15Il s’agit d’une citation du passage del’ouverture du sixième sceau, hypotyposedu Jugement dernier, que précède unséisme cosmique. Le texte, très imagé,n’est pas illustré par les images du film,qui s’attachent juste à montrer les tracesd’une catastrophe, à travers les restesemblématiques de la société. La camérafilme sous l’eau des objets immergés,posés sur un carrelage sale et couvertde vase, débris de civilisation, commeune longue contemplation méditativede ces restes inutiles. Des pièces d’orcôtoient une seringue hypodermique,des instruments chirurgicaux, une reproductiond’un Christ de Jean Van Eyck,une mitrailleuse rouillée, un ressort. Cesobjets, du fait de leur immersion, ontperdu toute valeur, mais ils représententdivers aspects de la civilisation moderneou contemporaine, l’économie, la science,le pouvoir militaire, l’art et la religion. Lefilm pose la question métaphysique dela condition humaine. Il évoque le sujetde la création des œuvres d’art, qui, enapparence, ne rapportent rien à l’homme.Puis le passeur raconte l’épisode despèlerins d’Emmaüs. À une plongée fortesur lui succède un travelling, glissant surles visages de ses compagnons, les yeuxouverts. Dans l’Evangile, l’épisode se situeaprès la résurrection. Les disciplescheminent, désespérés, quand Jésus leurapparaît et leur parle. Ils l’écoutent, maisne le reconnaissent qu’à l’auberge, au momentde la fraction du pain. Or, Tarkovskia tronqué ce passage, si bien que l’interrogationporte sur cette absence de reconnaissance.Lorsque le passeur a fini sonrécit, il demande «tu es réveillé?» Audelàde l’apparente banalité de la question,il faut entendre un questionnementplus profond: «es-tu réceptif?», qui peutaussi s’adresser au spectateur. Si les disciplesn’ont pu reconnaître Jésus, c’estqu’il existe deux modes de connaissance,l’un par la rationalité, l’autre, par le cœur.L’absence de Dieu qu’évoquait le passeurn’est peut-être en définitive qu’une présenceinvisible.Dans cette séquence se trouve aussi,en lien avec l’Apocalypse et la résurrection,clairement évoquée la notion de miracle:«Laissez ici votre empirisme. Lesmiracles sont en dehors de l’empirisme.»Cette notion semble confirmée par lesimages de la fin, où l’on voit la fillette maladelire. L’image se fixe un moment surelle, juste animée par les volutes de vapeurqui s’élèvent dans la pièce. Elle refermele livre. Une voix off, récitant unpoème, s’élève. Le regard de l’enfantse concentre. Puis un verre glisse sur latable, par un probable effet de télékinésie.Une musique très douce succède à lafois off. D’imperceptibles flocons volent,mouchetant délicatement l’image. Un secondverre s’avance en direction du spectateur.À cet instant, le bruit du train sefait entendre, comme au début du film,et la table se met à vibrer. Les premièresnotes de l’hymne à la joie se mêlent aufracas du train. Un travelling avant serapproche du visage de l’enfant, jusqu’aufondu au noir final. En quelques plans,avec une étonnante sobriété de moyens,Tarkovski a suggéré l’invisible. L’enfantinfirme est investie d’un don particulier.

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