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CR-12-20 - Prism - Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne

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Cahiers de Recherche PRISM-<strong>Sorbonne</strong>Pôle de Recherche Interdisciplinaire en Sciences du ManagementLe triangle de la fraude d’EnronJean-Jacques PluchartProfesseur,Université <strong>Paris</strong> 1 Panthéon-<strong>Sorbonne</strong>, PRISM-<strong>Sorbonne</strong><strong>CR</strong>-<strong>12</strong>-<strong>20</strong>PRISM-<strong>Sorbonne</strong>Pôle de Recherche Interdisciplinaire en Sciences du ManagementUFR de Gestion et Economie d’Entreprise – Université <strong>Paris</strong> 1 Panthéon-<strong>Sorbonne</strong>17, rue de la <strong>Sorbonne</strong> - 75231 <strong>Paris</strong> Cedex 05 http://prism.univ-paris1.fr/


Cahiers de Recherche PRISM-<strong>Sorbonne</strong> <strong>12</strong>-<strong>20</strong>Jean-Jacques PLUCHART1Le triangle de la fraude d’EnronRésuméBien que les pratiques du trader américain Enron aient été considérées comme desarchétypes de la fraude corporate et aient donné lieu à de nombreux rapports officiels, ellesont été rarement analysées par les chercheurs en sciences de gestion. Elles n’ont notammentpas été observées à l’aide du modèle de référence du « triangle de la fraude» proposé parD.R. Cressey. Cette recherche vise à mesurer la portée et les limites de l’application dumodèle de Cressey à la fraude corporate pratiquée par le réseau d’Enron et aux dispositionsprises par les autorités publiques et professionnelles américaines, afin de mieux prévenir lesfraudes et dissuader les fraudeurs.Mots clés : Fraude corporate, triangle de la fraude, pratiques frauduleuses, comportementsopportunistes, sélection adverse.1 Professeur, Université <strong>Paris</strong> 1 Panthéon-<strong>Sorbonne</strong>, PRISM-<strong>Sorbonne</strong> : jean-jacques.pluchart@wanadoo.fr


J.J. Pluchart / Cahiers de Recherche PRISM-<strong>Sorbonne</strong> / <strong>CR</strong> <strong>12</strong>-<strong>20</strong>Les pratiques frauduleuses du trader énergétique américain Enron ont fait l’objet denombreux commentaires et analyses de la part des professionnels de la finance et du droit, quiont permis de mieux comprendre la logique du processus par lequel Enron était reconnucomme un « modèle managérial» au cours des années 1990 et est devenu un « anti-modèle »au début des années <strong>20</strong>00. « La faillite de la septième firme américaine, considérée commel’icône d’un système fondé sur la poursuite permanente de la croissance, l’optimisation de larentabilité du capital et l’utilisation des instruments financiers les plus sophistiqués commeavantage stratégique, a mis en lumière certains excès propres au capitalisme américain desannées 1990 » (Bébéar, Frison-Roche, <strong>20</strong>03).La révélation de la fraude d’Enron a tout à la fois entraîné le licenciement des 26 000 salariésdu groupe, le démantèlement du réseau d’audit Arthur Andersen, l’atteinte à la réputation denombreux établissements juridiques et financiers, le discrédit sur le système de gouvernanceactionnariale et le rejet de certaines pratiques d’ingénierie financière et de lobbying. Mais« une crise étant un effecteur qui révèle le désordre sous-jacent d’un système » (Morin, 1986),le cas d’Enron a par ailleurs contribué à accélérer les réformes des normes comptablesinternationales, des systèmes de surveillance des marchés financiers et des structures degouvernement d’entreprise, tout en relançant les réflexions sur la notion d’entreprisesocialement responsable.Bien que « l’affaire Enron » ait pu être considérée comme un « archétype de la fraudecorporate » (Burke, <strong>20</strong>02) et ait suscité de nombreux rapports officiels, commentairesjuridiques, livres de témoignage et articles de presse, elle a été rarement analysée par leschercheurs en sciences de gestion. Elle n’a notamment pas été observée à l’aide du modèle deréférence du « triangle de la fraude» proposé par D.R. Cressey (1967, 1969, 1973). Ceschéma représente la fraude comme un processus engendré par les motivations du fraudeur,encouragé par des opportunités favorables et masqué par des comportements apparemmentrespectueux des lois et des conventions sociales. Il semble intéressant, sur les plans à la foisthéorique et pratique, de tester la validité de ce modèle conçu dans l’après-guerre, sur un casemblématique de fraude survenue un demi-siècle plus tard. Cette recherche vise donc àmesurer la portée et les limites de l’application du modèle de Cressey aux fraudes pratiquéespar les dirigeants d’Enron et aux dispositions prises par les autorités publiques etprofessionnelles américaines, afin de mieux prévenir les fraudes et dissuader les fraudeurs.Après un état de l’art sur le triangle de la fraude et une présentation de la méthodologie de la1


J.J. Pluchart / Cahiers de Recherche PRISM-<strong>Sorbonne</strong> / <strong>CR</strong> <strong>12</strong>-<strong>20</strong>recherche, le cas d‘Enron sera développé suivant l’approche proposée par Cressey, puis leslimites du pouvoir explicatif de son modèle seront discutées. .I.- ETAT DE L’ART SUR LE TRIANGLE DE LA FRAUDELa fraude recouvre un ensemble disparate de comportements intentionnels contraires à la loi.Elle a fait l’objet de nombreuses recherches scientifiques – principalement dans les champs dudroit et de la sociologie – depuis les travaux fondateurs de Sutherland (1937, 1949), auteur dela célèbre formule du « crime en col blanc ». Mais si le concept de fraude a été largementcommenté dans les différentes branches du droit (notamment, comptable, financier,commercial et social), il demeure encore imprécis en économie de l’entreprise et ensociologie des organisations.1. le modèle de CresseyUn des modèles de référence appliqué aux pratiques frauduleuses est celui du « triangle de lafraude », défini par Cressey au cours des années 1950. Selon lui, le processus de fraude sedéveloppe suivant trois axes : les opportunités de fraude, les motivations du fraudeur et sacapacité à rationaliser son comportement.-« L’opportunité » de commettre un acte illégal et/ou contraire aux intérêts d’uneorganisation, peut être offerte par un accès privilégié à des ressources sensibles (données,systèmes, comptes bancaires…) insuffisamment protégées. Elle peut être favorisée par unmanque d’autorité, de procédures de contrôle et/ou de sens éthique de la part des acteurs del’organisation.-La « motivation » du fraudeur recouvre différents types de biais psychologiques et d’affectspsychiques: le besoin d’argent, la quête de reconnaissance, l’ambition, le goût du risque, lemimétisme, l’addiction à la fraude…-La « rationalisation » du comportement du fraudeur correspond aux pratiques de sélectionadverse destinées à dissimuler les actes frauduleux et à déjouer la confiance des tiers. Ellerecouvre également les « excuses » que le fraudeur se donne à lui-même (« il ne faitqu’emprunter l’argent » ; « il falsifie les comptes pour sauver l’entreprise »…).2. Les développements du modèleLes principales recherches sur la fraude ont porté sur ses causes (Loebbecke at al., 1989) etont appliqué à divers terrains le triangle de la fraude ou une de ses variantes. Comer (1977) a2


J.J. Pluchart / Cahiers de Recherche PRISM-<strong>Sorbonne</strong> / <strong>CR</strong> <strong>12</strong>-<strong>20</strong>identifié les motifs émotionnels et les motifs contextuels de la fraude. Albecht (1982) adistingué trois facteurs favorables à la fraude : la pression de l’environnement, l’opportunismeet le profil psychologique du fraudeur. Rezaee (<strong>20</strong>02) a proposé une variante du triangle deCressey, qu’il a intitulé « modèle 3C » (choix, conditions et cadre de l’entreprise). Bealey(<strong>20</strong>00) et Labelle (<strong>20</strong>02) ont observé les contingences internes (l’histoire de l’entreprise) etexternes (son cadre institutionnel) du processus de fraude. Le Statement of Auditing Standardsa classifié 25 facteurs différents de risque de fraude corporate, suivant 3 axes (inspirés dutriangle de Cressey) : les personnalités des dirigeants, l’environnement économique del’entreprise et ses caractéristiques organisationnelles et financières.3. Les applications du modèleLes travaux de Cressey ont directement inspiré les experts de l’Association of Certified FraudExaminer (AFCE), qui ont montré dans leurs enquêtes annuelles sur la fraude, sa contingenceà la taille de l’entreprise (les grands groupes sont plus vulnérables) et à son type de métier (lesservices financiers sont les plus exposés). Leurs études révèlent que dans plus des deux tiersdes cas, l’entreprise victime de fraude dispose d’un auditeur externe, et que dans la moitié descas, d’un auditeur interne et d’un comité d’audit indépendant. Elles indiquent que le cas leplus fréquent de détection de la fraude est la dénonciation par un salarié de l’entreprise. Ellesmontrent aussi que les fraudeurs sont le plus souvent des dirigeants et/ou des cadrescomptables ou financiers. Les motivations les plus fréquemment évoqués par les fraudeurs ouleurs juges, sont le désir de « vivre au-dessus de leurs moyens » ou la nécessité de « faire faceà des difficulté financières ». Tous ces critères sont réunis dans le cas des pratiquesfrauduleuses d’Enron.La revue de littérature consacrée au triangle de la fraude révèle donc que si ce dernier ainspiré de nombreux chercheurs et auteurs de rapports officiels sur la fraude, il n’a pas encorefait l’objet d’une analyse critique de son applicabilité à un cas complexe de fraude corporate,comme celui d’Enron.3


J.J. Pluchart / Cahiers de Recherche PRISM-<strong>Sorbonne</strong> / <strong>CR</strong> <strong>12</strong>-<strong>20</strong>Une approche doublement triangulée du terrainLa recherche repose sur l’étude du cas d’Enron, construit par triangulation de donnéespubliques (rapports officiels) et privées (ouvrages, articles, études de cas) essentiellementaméricaines. L’approche par une étude de cas a été privilégiée, car la problématique soulevéese prête difficilement à une enquête par questionnaire ou à une démarche constructiviste. Laméthode de l’étude de cas est «adaptée aux organisations complexes ayant une histoire »(Pettigrew, 1985). Elle s’appuie sur une « enquête empirique approfondie sur une situationde gestion dans un contexte socio-économique réel » (Yin, 1990). Elle suit une « démarchevisant à comprendre le changement organisationnel et/ou la dynamique de comportementsd’acteurs dans un environnement spécifique» (Eisenhardt, 1991). Elle est une « voie d’accès àun terrain réel difficile – accessible par des données non quantifiables, paramétrables oumodélisables – impliquant une empathie du chercheur » (Wacheux, <strong>20</strong>05). Les donnéesrecueillies ont été ordonnées selon les trois dimensions du triangle de la fraude. Deux phasesont été distinguées : avant et après la liquidation d’Enron.Le groupe Enron corp a été retenu car il constitue un « idéal-type » de fraude massive, dont larévélation a attiré l’attention du public sur la délinquance comptable et a entraîné la réformedes dispositifs de lutte contre la fraude. Les pratiques d’Enron concentrent les trois principauxtypes de fraude recensés par l’AFCE : la fraude comptable, le détournement d’actif et lacorruption. Créé en juillet 1985, il contrôlait le plus important réseau de gazoducs des Etats-Unis et était devenu, au cours des années 1990, la 7 e entreprise américaine et la 4 e firmemondiale de trading d’énergies et de commodités (télécommunication et distribution d’eau).II. LES PRATIQUES D’ENRON OBSERVEES A LA LUMIERE DU TRIANGLE DELA FRAUDELes comportements frauduleux d’Enron ont été favorisés par un faisceau d’opportunités aucours des années 1990, par les motivations déviantes de certains de ses dirigeants et par leurhabileté à rationaliser leurs actes.1. Un environnement favorable à la fraudeLes traders énergétiques ont bénéficié, à partir des années 1980, de la libération des échangesinternationaux et de la dérégulation des marchés nationaux de commodités. Afin de s’adapteraux nouvelles conditions de leurs marchés, ils ont adapté leurs techniques de trading, grâce àl’apport de nouvelles techniques d’ingénierie financière.Le trading mondial a connu un essor remarquable à partir du milieu des années 1980 (lors dela création d’Enron), sous l’effet de la diversification des sources d’énergie consécutive auxchocs pétroliers, de la dérégulation des marchés de l’énergie et du développement destélécommunications. Les traders en énergies ont bénéficié des effets de la globalisation des4


J.J. Pluchart / Cahiers de Recherche PRISM-<strong>Sorbonne</strong> / <strong>CR</strong> <strong>12</strong>-<strong>20</strong>échanges commerciaux et financiers, du développement des marchés libres de produitspétroliers (places de Houston, Londres, Rotterdam, Singapour...), organisés comme desbourses de valeurs, qui permettent de réguler les échanges mondiaux de pétrole et de gaznaturel. . Les traders ont également profité de la dérégulation des marchés nationaux(privatisation des services publics, libération des prix, limitation des contrôles...) de l’énergieet des commodités (postes et télécommunications, distribution d’eau, transports publics...),notamment aux Etats-Unis et au Royaume Uni, sous l’influence des thèses libérales de l’Ecolede Chicago.Au cours des années 1990, les traders (devenus e-brokers) ont traversé une nouvelle phased’expansion en développant le commerce en ligne de sources d’énergie (e-energy selling),grâce à des places de marché électroniques (internet market places), dont les transactionséchappent au contrôle des autorités américaines. A l’intermédiation traditionnelle (achatstransport-stockage-ventesen gros) sur les « marchés physiques », entre producteurs,transporteurs, distributeurs et grands comptes (administrations, collectivités locales,entreprises) consommant de l’énergie, se sont ajoutées, sur des « marchés virtuels » (ou« marchés-papier »), la couverture, par des instruments dérivés, des risques technologiques(accidents), économiques (fluctuations de cours), politiques (risque-pays) et financiers(variations de taux d’intérêt et de change, risque de contrepartie...).La plupart des traders indépendants – à l’instar d’Enron - bâtirent ainsi leur développementsur l’utilisation d’instruments financiers dérivés (contrats à terme, options d’achat-vente,swaps...), destinés à assurer une meilleure couverture des risques de marché, et sur le recoursà des techniques complexes d’optimisation juridique (constitution de filiales ad hoc),financière (recherche de leviers d’endettement élevés), comptable (déconsolidation d’actifs)et fiscale (localisation des profits dans des paradis fiscaux...), dont l’enregistrement desmouvements dans les comptes sociaux des entreprises est difficilement contrôlable.2. Des motivations paradoxalesLes pratiques frauduleuses d’Enron ont impliqué, directement ou indirectement, à titrecollectif ou individuel, différents types de fraudeurs identifiés par l’AFCE : administrateurs,dirigeants, cadres financiers et comptables, auditeurs internes et externes, juristes, banqiers,analystes financiers...5


J.J. Pluchart / Cahiers de Recherche PRISM-<strong>Sorbonne</strong> / <strong>CR</strong> <strong>12</strong>-<strong>20</strong>Son président Ken Lay (ancien membre de l’Agence Américaine de l’Energie, spécialiste desrelations avec l’administration), son directeur général Jeffrey Skilling (ancien associé de McKinsey (considéré comme le principal inspirateur du système de fraude) et son directeurfinancier Andrew Fastow (ex-spécialiste de la titrisation des créances à la Continental Bankof Chicago) ont été surnommés par la presse les «barons of bankrupcy » et ont été condamnésà des pertes d’emprisonnement et à de lourdes amendes. Les principales motivations de leursagissements invoqués lors de leurs procès, furent la recherche d’enrichissement personnel etla volonté de développer rapidement les activités de leur entreprise.Les motifs avancés pour expliquer certaines pratiques de créativité comptable de la part desautres managers d’Enron furent leur mise sous tension permanente par une culture de laperformance exclusivement financière, assortie d’intéressement aux résultats et de sanctionsimmédiates en cas d’échec.Mais la raison la plus fréquemment invoquée fut la non-intentionnalité de la fraude, en raisonde la complexité de certains montages juridiques et/ou financiers pratiqués par Enron. La« commission Powers », désignée en octobre <strong>20</strong>01 afin d’auditer les pratiques d’Enron,souligna « l’incapacité du conseil d’administration et de l’auditeur Arthur Andersen, àcontrôler des opérations risquées, en raison de leur complexité technique, de leur natureocculte et/ou de leur décentralisation dans des structures déconsolidées »… ; « le conseildéléguait à l’auditeur Andersen le soin d’appliquer les procédures de contrôle, sans s’assurerde l’équité globale des opérations ».3. Des apparences sauvegardéesLe groupe Enron a mis en place des structures formelles de contrôle, développé des pratiqueset cultivé des valeurs, qui ont été considérées comme exemplaires jusqu’à la veille de safaillite.Les structures formelles de contrôle du groupe Enron ont été citées en exemple degouvernance d’entreprise: le conseil d’administration (composé de 15 membres expérimentés,dont plusieurs anciens experts-comptables reconnus et 4 administrateurs indépendants)comportait notamment une commission d’audit et de conformité, chargée avec l’auditeurAndersen, de contrôler et d’approuver les comptes. Comme l’ont observé les experts del’AFCE, c’est une dénonciation qui a révélé les fraudes : S.Watkins (cadre à la direction6


J.J. Pluchart / Cahiers de Recherche PRISM-<strong>Sorbonne</strong> / <strong>CR</strong> <strong>12</strong>-<strong>20</strong>financière et ancienne d’Andersen) a été la première à alerter sa hiérarchie de l’irrégularité decertaines opérations de la compagnie.La dissimulation comptable d’Enron a pris la forme d’opérations de plus en plus complexesfaisant appel à des instruments dérivés (options et contrats d’achat-vente à terme), destinés àcouvrir des risques de hausse ou de baisse de cours. Les dirigeants d’Enron ont égalementpratiqué la syndication d’actifs, en cédant des titres, des stocks et des créances, à des filialesad hoc (Special Purpose Vehicles), dont le nombre a atteint environ 3000 en <strong>20</strong>01 (localiséesdans des paradis fiscaux). Plus du tiers du capital social de ces filiales étant ouverts à destiers, ces actifs - qui bénéficiaient de prêts de la part de banques d’affaires - pouvaient être,conformément aux règles américaines, déconsolidés des bilans d’Enron corp et non révélésaux actionnaires. Les risques sur les actifs transférés étaient couverts par des montagesconsidérés comme «avant-gardiste » par la commission Powers. Les principales transactions(intitulées Raptors) ont été qualifiées de « structure comptable excessivement complexe,condamnée à échouer ».Plusieurs autres pratiques ont permis aux dirigeants d’Enron d’améliorer la présentation deleurs comptes sociaux sans éveiller l’attention des auditeurs et des analystes: la multiplicationdes transactions mutuelles avec des filiales (round-stripping-sales), la sous-évaluation desprovisions pour dépréciation d’actifs et pour risques; le non-amortissement des survaleursd’acquisition des titres des filiales et la comptabilisation des postes du bilan (actif et passif) enfair value); la présentation systématique de comptes pro-forma hors résultats exceptionnels...Enfin, la culture affichée d’Enron a constitué un leurre vis à vis de ses parties prenantes. Ellereposait sur trois « principes d’excellence » :- Une mystique de l’innovation en matière juridique, financière et comptable, considérée parGary Hamel lui-même 1 comme « révolutionnaire », traduite à la fois dans les instruments(project & market finance), les méthodes (business methods) et l’organisation (design) dugroupe.- Un culte de la croissance accélérée (approche « growth »), traduit en termes de chiffresd’affaires, de résultats, de cours boursier et d’effectif, mais aussi de nombre de filiales, departenaires et de sponsors prestigieux.1 Professeur à Harvard Business School, auteur avec Prahalad, de Competing for the Future et de Leading theRevolution , HBP,1989.7


J.J. Pluchart / Cahiers de Recherche PRISM-<strong>Sorbonne</strong> / <strong>CR</strong> <strong>12</strong>-<strong>20</strong>- Une religion de la création de valeur actionnariale (shareholder value), à la fois dans lesdiscours, les rapports financiers, les tableaux de bord internes, les processus de reporting etles systèmes de rétribution.Afin de promouvoir son image d’entreprise citoyenne, Enron a également développé unestratégie de sponsorat et de mécénat, en investissant dans une équipe de base-ball, un stade(l’Enron field) et des spectacles culturels, principalement dans la ville de Houston, où sesituait son siège social. Mais c’est par ses actions de communication d’influence (lobbying)qu’Enron s’est montrée le plus efficace: elle a constitué un comité d’action politique (PoliticalAction Committee) - doté d’une trentaine de bureaux et d’une centaine de lobbyists - chargéde collecter des fonds (soft money) destinés à financer certains partis politiques.III-. LA CHUTE D’ENRON ET LES MESURES PRISES POUR CASSER LETRIANGLE DE LA FRAUDEEnron est passée en quelques jours de l’état de « modèle » à celui « d’anti-modèle » dumanagement. La veille de son dépôt de bilan, 85% des analystes de la place de New Yorkconseillaient encore l’achat du titre, selon l’agence Bloomberg, et Goldman Sachs qualifiaitEnron de « still the best of the best ». La chute d’Enron a donné lieu à un nombre sansprécédents d’enquêtes officielles (« plusieurs millions de pages »), d’actions en justice et deréactions de la presse mondiale, depuis sa mise sous la protection du « chapitre 11 », le 2décembre <strong>20</strong>01. Les autorités américaines et les milieux d’affaires ont engagé des enquêtes 2 ,puis ont pris un ensemble de dispositions visant, conformément au triangle de Cressey, àlimiter les opportunités de fraude, à réprimer les comportements opportunistes et à encadrerles organisations paradoxales (Burke, <strong>20</strong>02).1. L’encadrement des opportunités de fraudeLe 9 juillet <strong>20</strong>02, le Président des Etats-Unis déclara: « l’économie américaine a un besoinimpératif de standards éthiques renforcés qui seront imposés par des lois strictes », et le 30juillet suivant, la loi Sarbanes-Oxley - qualifiée de « réforme la plus importante depuis leSecurities act de 1934 » - fut votée par le Parlement. La loi impose aux entreprises2 les principales enquêtes ont été dépêchées par le Congrès américain (Sénat et Chambre des représentants), laSecurities Exchange Commission) la Commodities Futures Trading Commission, la Federal Energy RegulatoryCommission, le General Accounting Office et le US Department of Justice.8


J.J. Pluchart / Cahiers de Recherche PRISM-<strong>Sorbonne</strong> / <strong>CR</strong> <strong>12</strong>-<strong>20</strong>américaines de nouvelles obligations d’information des actionnaires (notamment sur lesengagements hors bilan) et une certification sous serment des rapports financiers. S.Harrigan,président du fonds de pension Calpers, a ainsi pu déclarer en juillet <strong>20</strong>03 : « globalement, dixhuitmois après la débâcle d’Enron, plus de progrès ont été accomplis dans la gouvernanced’entreprise qu’au cours des vingt dernières années » 3 . Les autorités de tutelle des bourses devaleurs ont également durci leurs exigences en matière de gouvernance des sociétés cotées;les plans de distribution d’actions et de stock-options aux salariés doivent désormais êtresoumis aux actionnaires.Une autre cible a été les auditeurs légaux, dont la globalisation, chez un même client, desmissions de contrôle légal des comptes et des opérations de contrôle interne et de conseil, futdénoncée. La loi Sarbanes-Oxley prévoit désormais un cloisonnement entre ces missions, etun nouvel organe de régulation, le Public Company Accounting Oversight Board, est chargéde veiller à l’indépendance des auditeurs.2. La responsabilisation des managersLes dérives des systèmes de contrôle ont été dénoncées par les juges et les observateurs desdifférents procès intentés contre Enron: «S’il faut deux ans aux régulateurs pour établir unerègle comptable, il ne faut que deux heures aux banquiers d’affaires pour trouver comment lacontourner »... « Il existe toute une industrie de gens qui vont essayer de trouver la faille quipermet de contourner la loi tout en restant dans la légalité ». Souvent, ils réussissent » 4 .Afin de dissuader les fraudeurs après l’affaire Enron, les autorités américaines ont renforcé lesFederal Sentencing Guidelines, ont encouragé la définition de codes déontologiques parfonctions et par professions, la création de postes de responsables de l’éthique au sein desfirmes, l’encouragement des pratiques de dénonciation (whistleblowing) des fraudes au seindes entreprises et de leurs réseaux, ainsi que l’instauration de fonds d’investissement éthiqueet de systèmes de notation (rating) favorisant la transparence des pratiques de management.3. La recherche de transparence comptable et financièreAu cours de la décennie <strong>20</strong>00, le législateur américain a assorti de sanctions pénales de plusen plus lourdes l’inobservation par les entreprises d’exigences positives telles que3 Entretien la Tribune, 21 juillet <strong>20</strong>03.4 Entretien avec M.Granoff, professeur à l’université d’Austin, la Tribune, 18 juin <strong>20</strong>02.9


J.J. Pluchart / Cahiers de Recherche PRISM-<strong>Sorbonne</strong> / <strong>CR</strong> <strong>12</strong>-<strong>20</strong>l’information des actionnaires, comme contraire à l’éthique des affaires et à l’efficience desmarchés financiers (Frison-Roche, <strong>20</strong>01).La condamnation tardive d’Enron par la Securities Exchange Commission (SEC) fit planer undoute sur l’efficacité de ses contrôles. Le Parlement américain renforça son pouvoir decontrôle de l’information financière au cours de l’année <strong>20</strong>02.Les analystes financiers, qui conseillèrent l’achat du titre Enron jusqu’à la veille de sabanqueroute, et les deux agences américaines de notation financière Moody’s et Standard’s &Poors, qui ne déclassèrent Enron que le jour de sa mise sous protection judiciaire, ont étéégalement contestées par les autorités de tutelle des marchés et par les associations de défensedes intérêts des actionnaires.L’ensemble de ces dispositions visant à lutter contre la fraude ont été apparemment organiséesconformément aux principes définis par Cressey. Elles se sont efforcées de limiter lesopportunités de fraudes, de réduire les possibilités de les masquer et de dissuader lesfraudeurs par des mesures préventives et répressives.IV-. DISCUSSION : LES LIMITES DU MODELE DU TRIANGLE DE LA FRAUDEUne étude plus approfondie du cas Enron permet toutefois d’identifier les limites du pouvoirexplicatif du triangle de la fraude, qui paraît être insuffisamment éco-systémique,interprétativiste et interactionniste.1. Un modèle insuffisamment éco-systémiqueLes enquêtes sur les pratiques d’Enron ont révélé l’existence d’une forme particulière« d’éco-système d’affaires », défini comme un réseau (ou une communauté) de partenairesprésentant des statuts différents (industriels, auditeurs, consultants, juristes, fonctionnaires…)et opérant dans divers secteurs d’activité. Cette communauté de pratiques structurée autourdu groupe Enron a – intentionnellement ou non - mutualisé ses compétences, sesconnaissances et ses valeurs socio-culturelles. Ce réseau a été soumis à des principesoriginaux d’organisation et à des modes particuliers de changement organisationnel,conformément aux principes posés par Moore (1998) et Iansiti et Levien (<strong>20</strong>04). Bien quepoursuivant des finalités illicites, le réseau construit en 25 années par Enron, s’est conformé10


J.J. Pluchart / Cahiers de Recherche PRISM-<strong>Sorbonne</strong> / <strong>CR</strong> <strong>12</strong>-<strong>20</strong>en partie à la notion d’éco-système d’affaires et a instauré un système d’apprentissagecollectif, comme l’ont révélé les enquêtes publiques engagées en <strong>20</strong>02. Ce système acontribué à « tester les limites de la légalité ».Dans le premier cercle du réseau d’Enron, a figuré le cabinet d’audit Arthur Andersen, dontEnron était le meilleur client. Le choix d’un modèle à haut rendement-risque par les dirigeantsd’Enron fit dire à un associé d’Andersen: « La question se pose du rôle de l’auditeur. Est-ceson devoir d’avertir le public qu’il y a un risque pour le client à poursuivre tel ou tel modèleéconomique qu’il a jusque-là développé avec un succès apparent? » 5 . Le bureau locald’Houston (qui employait 80 personnes pour auditer les comptes d’Enron) approuva toujoursles comptes consolidés d’Enron. A la demande du Comité des comptes d’Enron, il se livramême en <strong>20</strong>00 à une analyse détaillée des zones à risques comptables, qui ne révélèrent pasde risques majeurs.Le réseau a aussi intégré plusieurs banques directement impliquées dans les montagesdéconsolidants d’Enron (Citigroup, JP. Morgan Chase et Merrill Lynch). Elles firent l’objetde plaintes collectives de la part des actionnaires minoritaires d’Enron (class actions).Citigroup et JP Morgan ont été notamment convaincues de montages (de type pre-pays) parlesquels des contrats de fourniture de gaz conclus par Enron ont été cédés à des sociétésoffshorecontrôlées par ces banques puis rachetés (avec plus-values) par Enron. Merrill Lyncha été accusée de prêt déguisé dans le rachat suivi d’une revente en 1999 des titres détenus parEnron dans une société exploitant des générateurs. Afin d’échapper à des poursuitespréjudiciables à leurs images, les banques concernées ont accepté des transactions avec laSEC.Le réseau a également comporté de nombreux cabinets de conseil et d’avocats sous contratd’Enron. Le Ministère public a engagé des actions en justice à l’encontre de 16établissements, accusés d’avoir « entraîné Enron dans des opérations structurées susceptiblesde fragiliser sa situation financière » et « d’avoir omis d’indiquer dans leurs noticesd’émission d’actions ou d’obligations par les filiales d’Enron qu’elles levaient en fait desfonds pour rembourser leurs propres prêts à ces sociétés ». Parmi les autres conseils5 entretien avec A.Cardoso, président d’Andersen France, la Tribune, 25 janvier <strong>20</strong>02.11


J.J. Pluchart / Cahiers de Recherche PRISM-<strong>Sorbonne</strong> / <strong>CR</strong> <strong>12</strong>-<strong>20</strong>incriminés, le cabinet d’avocats Vinson & Etkins a été l’objet de nombreuses plaintes pouravoir incité la direction d’Enron « à tester les limites de la légalité ».Le réseau a également favorisé le développement des relations entre la direction d’Enron etl’administration, qui furent qualifiés de «crony capitalism». La révélation de ces liens suscitade nombreuses réactions : le député Waxman déclara « qu’aucune autre société comme Enronne possédait autant d’entrées à la Maison blanche » ; Lewis, directeur du Center for PublicIntegrity, déclara « qu’il n’y a pas de meilleur exemple dans les temps modernes de lasymbiose entre le commerce et la politique, la prospérité et la puissance, le contact etl’influence ».2. Un modèle insuffisamment interprétativisteLe modèle de Cressey repose sur une vision objective de la fraude, caractérisée parl’intentionnalité du fraudeur et la nature illicite de ses actes. Il est fondé sur une approchepositiviste de l’environnement, présenté comme favorable ou défavorable à l’exécution et à ladissimulation de la fraude. Il se limite à un premier cadrage du processus de fraude. Iln’adopte pas l’approche interprétativiste nécessaire à la compréhension des perceptions dusystème de fraude par les différents groupes d’acteurs impliqués. Ces représentations sontplus ou moins partagées selon les statuts, les intentions, les stratégies, les connaissances, lesmotivations et les valeurs culturelles de ces acteurs. Les fraudeurs, plus ou moins liés auxnon-fraudeurs, « co-construisent » leur environnement de manière pro-active (Berger,Luckman, 1966).Les acteurs impliqués dans le réseau d’Enron ont construit des représentations différentes deson environnement technologique, juridique et managérial. L’auditeur Arthur Andersen avaitindiqué que les comptes sociaux d’Enron « étaient adaptés aux transactions commercialesnovatrices de la société », qu’ils « étaient complexes mais régis par des normes assez floues »,qu’ils « étaient sur le fil », qu’ils « repoussaient parfois les limites », qu’ils « comportaient desrisques significatifs en matière d’information comptable et financière », qu’ils « étaient baséssur des paris destinés à atteindre des objectifs financiers exigeants »... Ces justificationsrésument les représentations partagées par la plupart des acteurs directs (salariés d’Enron) ouindirects (intermédiaires des marchés), publics (SEC…) et privés (établissements financiers,cabinets juridiques, analystes financiers, agences de notation..), du processus de frauded’Enron. Elles ont apparemment convaincu les tribunaux américains, puisqu’après son<strong>12</strong>


J.J. Pluchart / Cahiers de Recherche PRISM-<strong>Sorbonne</strong> / <strong>CR</strong> <strong>12</strong>-<strong>20</strong>démantèlement, les responsabilités du cabinet d’Arthur Andersen et de nombreux autresintermédiaires dans la fraude d’Enron, n’ont pas été reconnues.3. Un modèle insuffisamment interactionnisteLe concept de triangle de la fraude repose notamment sur le paradigme de l‘individualismeméthodologique classique (ou standard), selon lequel un phénomène socio-économique –comme la fraude – est explicable par des motifs propres à chaque individu, de natureessentiellement économique (le fraudeur est un homo oeconomicus qui cherche à maximisersa fonction d’utilité par des voies illégales) et psychologique (il se laisse entraîner par sespassions). Ce paradigme est notamment fondé sur la notion de rationalité limitée (Simon,1947), contemporaine de celle du triangle de Cressey.L’approche de Cressey ignore le paradigme de l’individualisme méthodologique complexeou institutionnel, qui lui est postérieure (Boudon, 1982,1990 ; Dupuy, 1999). Selon ce dernier,la fraude est un processus social agrégeant des comportements et des représentationsindividuelles, qui est marqué par des « effets de composition », par lesquels les interactionsentre les acteurs (les fraudeurs et les non-fraudeurs dans le cas d’Enron) peuvent entraîner des« effets pervers » (Boudon, 1990) contraires aux intentions de chacun. Ils sont soumis à uneforme de « rationalité cognitive ». Ils justifient leurs intentions et leurs comportements par descroyances (par exemple, la supériorité du modèle actionnarial), des logiques personnelles(Enron « crée » un nouveau modèle de management), de « bonnes raisons » (comme l’adage« too big to fail »), qui reflètent des conventions (ou « structures ») sociales, elles-mêmes« co-construites » par les interactions entre les individus.Les limites de la validité du triangle de Cressey sont révélées par l’analyse du phénomène ditdu « syndrome de l’enronite », qui recouvre la forme de la psychose collective qui s’estemparée en <strong>20</strong>02 des milieux d’affaires et des citoyens américains, après les révélations enchaîne des banqueroutes de Worldcom, de Global Crossing et de Qwest (opérateurstéléphoniques), de Tyco (conglomérat), d’Imclone (laboratoire de bio-technologies), deHealthsouth (opérateur de cliniques privées), de Ahold (chaine hollandaise de distribution)...Ce mouvement fit croire que les comportements opportunistes des managers étaient favoriséspar des institutions permissives et/ou opaques, elles-mêmes construites par les interactionssociales (notamment, les actions de lobbying des entreprises), conformément à la dialectique« actions-structures » analysée par Dupuy (1999).13


J.J. Pluchart / Cahiers de Recherche PRISM-<strong>Sorbonne</strong> / <strong>CR</strong> <strong>12</strong>-<strong>20</strong>La mise en lumière des relations tissées à des fins illicites entre les milieux industriels,politiques, juridiques, administratifs, bancaires, boursiers et médiatiques, dans le cadre de cesdifférentes affaires, entraîna même une remise en question de la prétendue supériorité dumodèle d’enseignement anglo-saxon de management, basé sur une approche pluspraxéologique qu’axiologique (Pastré, Vigier, <strong>20</strong>03).CONCLUSIONL’étude du cas d’Enron, revisité dix années après sa chute, contribue à une meilleureperception des limites du modèle du triangle de la fraude. La notion de fraude proposée parCressey repose, comme toutes les théories, sur des hypothèses explicites et implicites qui enrestreignent les conditions de validité. « Toute théorie tend à être interprétée comme dotéed’une validité plus grande qu’elle ne le mérite » (Boudon, 1990 : 165). Le triangle de Cresseyest sous-tendu par un système logique fondé sur la théorie de la contingence. Cressey« explique » la fraude par l’intentionnalité et les motivations du fraudeur encouragé par unenvironnement institutionnel permissif. Le modèle de Cressey « explique » les pratiques defraudeurs individuels confrontés à un environnement simple, déterminé et stable. Il ne permetpas de « comprendre » le processus durable d’une fraude massive, « co-construit » par desréseaux d’acteurs aux intentions et aux motivations multiples et parfois contradictoires. Letriangle de Cressey s’applique donc difficilement aux cas – de plus en plus nombreux selonl’AFCE – des fraudes engendrées, à l’échelle d’une profession, d’un réseau ou d’un grouped’entreprises, par des pratiques – plus ou moins complexes - de « comptabilité créative »,« d’ingénierie financière innovante», « d’optimisation fiscale », de « lobbying parlementaireet administratif »… Ces fraudes sont favorisées par les décisions et les comportementsd’acteurs multiples, fondés sur des interprétations incertaines et des raisonnements aléatoires,appliqués à un environnement complexe, indéterminé et instable. Cette étude invite donc lessociologues et les économistes à revisiter la notion de fraude en restaurant sa dimensioncognitive et en la refondant sur des paradigmes plus adaptés à la complexité du managementmoderne.14


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