26l’optique de revente immédiate. Au moment de l’arrivée des opérations de lotissementremembrementdans <strong>le</strong>ur zone au début des années 1990, ils se sont rendus compte des opportunitésfinancières de ce « métier » face à une plus-value considérab<strong>le</strong>. Depuis, il s’agit pour eux d’unevéritab<strong>le</strong> activité économique. Tous <strong>le</strong>s deux n’ayant quasiment pas eu d’héritage familial au départ,ils ont ainsi accumulé de larges propriétés foncières (Carli 2001, 122-123). Ces marchandsrecherchent <strong>le</strong>s occasions qui <strong>le</strong>ur permettront de réaliser <strong>le</strong>s bénéfices maxima. Leur stratégies’inscrit donc dans une logique de spéculation foncière.2.1.2. Les acteurs intermédiaires2.1.2.1. Les géomètresIls réalisent <strong>le</strong>s plans de morcel<strong>le</strong>ment pour <strong>le</strong> compte de propriétaires ne disposant d’aucuneautorisation de lotir et sans que soient réservés <strong>le</strong>s emplacements des voiries de desserte. Legéomètre joue aussi un rô<strong>le</strong> c<strong>le</strong>f lors de la procédure de lotissement-remembrement. Il existe vingtdeux (22) géomètres reconnus, habilités en particulier à dresser des « états des lieux » dans <strong>le</strong>sopérations de lotissement. Il s’y ajoute un nombre indéterminé de topographes. Leur qualificationtechnique ne semb<strong>le</strong> pas devoir être mise en cause et ils jouissent d’une bonne connaissance desréalités du terrain. Le rô<strong>le</strong> para juridique qu’ils peuvent être amenés à jouer dans <strong>le</strong> processus dereconnaissance de la possession néo-coutumière, lors de la confection des plans « d’état des lieux »,pose cependant certains problèmes de principe et la procédure doit certainement en être rendue plusrigoureuse (voir plus loin) (Dagnon-Prince, Souhouénou et Tonato 2001, 15).2.1.2.2. Les démarcheursLa recherche et la publicité des parcel<strong>le</strong>s à vendre se fait par <strong>le</strong> « bouche à oreil<strong>le</strong> », surtoutdans un pays à tradition ora<strong>le</strong> (Ladurel<strong>le</strong> 2002). Les nombreux intermédiaires ou « démarcheurs »sont souvent des hommes et exercent un métier qui ne <strong>le</strong>s occupe pas à p<strong>le</strong>in temps (Tonato 2000,3). Mais il y a aussi des ouvriers, des déscolarisés et des chômeurs, pour <strong>le</strong>squels il s’agit de la seu<strong>le</strong>source de revenu, devenant ainsi de « véritab<strong>le</strong>s professionnels du marché foncier » (Carli 2001,121). Les démarcheurs sont des personnes très actives dans <strong>le</strong>s transactions entre <strong>le</strong> propriétaire etl’acquéreur. Leur rô<strong>le</strong> est de trouver une terre disponib<strong>le</strong> pour une personne qui en cherche une oude trouver un acheteur pour une personne voulant vendre son terrain. Si un propriétaire estd’accord, ils vont chercher des témoins. Ils sont assez mobi<strong>le</strong>s et connaissent bien tous <strong>le</strong>s quartierset travail<strong>le</strong>nt en équipe ou individuel<strong>le</strong>ment. En contact permanent avec <strong>le</strong>s propriétaires terriens, ilssont en mesure d'informer toute personne du potentiel foncier, ainsi que de sa va<strong>le</strong>ur (Tonato 2000,3). Le démarcheur gagne une commission de 10% sur <strong>le</strong> prix de la vente. L’acheteur et <strong>le</strong> vendeurlui donnent chacun 5% (Ladurel<strong>le</strong> 2002). Ils tirent de <strong>le</strong>ur activité un revenu mensuel approximatifvariant entre € 15 et € 100) (10.000 et 70.000 FCFA) selon <strong>le</strong>s vil<strong>le</strong>s (Tonato 2000, 3).Certains démarcheurs font un effort pour garantir la sécurité de la transaction à l’acquéreuren procédant à une vérification préalab<strong>le</strong> auprès des structures compétentes et en signantéventuel<strong>le</strong>ment <strong>le</strong>s conventions de vente en qualité de témoins. Dans l’exercice de <strong>le</strong>ur activité, <strong>le</strong>sdémarcheurs sont confrontés à plusieurs problèmes : difficultés d'ordre financier (<strong>le</strong>s clients nepaient pas toujours), rareté des marchés due au manque de confiance des clients, exploration desquartiers souvent diffici<strong>le</strong>. Dans <strong>le</strong>s vil<strong>le</strong>s de l’intérieur (autres que Cotonou et Porto-Novo), <strong>le</strong>ursprestations sont bien souvent méconnues. Le coût de la prestation du démarcheur grève davantage<strong>le</strong> montant du loyer et <strong>le</strong> prix de vente de la parcel<strong>le</strong> (Tonato 2000, 3).2.1.2.3. Les responsab<strong>le</strong>s locauxPar responsab<strong>le</strong>s locaux, il faut entendre <strong>le</strong>s maires et <strong>le</strong>s chefs de quartier (appeléséga<strong>le</strong>ment chefs de village ou délégués), et même <strong>le</strong>s bureaux des affaires domania<strong>le</strong>s des souspréfectures/communes.L’autorité administrative (maire, sous-préfet/chef de Commune) vise la26
27convention de vente au vu de l’attestation de non litige délivrée par <strong>le</strong> chef de quartier. Les chefs dequartier jouent un rô<strong>le</strong> particulier. Chaque quartier, comme chaque village, possède un responsab<strong>le</strong>,choisi par la population et dont la nomination doit être confirmée par <strong>le</strong> Ministère de l'Intérieur. Cesont des sortes de maires de quartier, des intermédiaires entre la population et l'administration. Larémunération de <strong>le</strong>urs services n’est pas toujours bien déterminée et formalisée. Ils sont rémunérésessentiel<strong>le</strong>ment par <strong>le</strong>s cadeaux qu'ils reçoivent à l'occasion des divers actes et interventions que <strong>le</strong>sadministrés <strong>le</strong>urs demandent. Ils ne disposent d'aucun moyen administratif. Pourtant, dans toutes <strong>le</strong>sprocédures administratives, c'est en pratique sur <strong>le</strong>ur seul témoignage que repose la reconnaissancede la possession paisib<strong>le</strong> sous la forme de « certificats de non litige » (Comby 1998, 21).L’acquéreur d’une parcel<strong>le</strong> assure donc volontiers ces frais accessoires qui devraient êtrecomptabilisés au titre de la sécurisation du foncier.Le chef de quartier participe aussi aux opérations de lotissement aux côtés de l’équipetechnique chargée du lotissement.2.1.3. Les acquéreurs de lotsIl est diffici<strong>le</strong> de distinguer entre spéculateurs (décrits ci-dessus) et simp<strong>le</strong>s acquéreurs. Celaest dû aux stratégies diverses des acheteurs de parcel<strong>le</strong>s. Nombreux sont <strong>le</strong>s nouveaux« propriétaires » de terrains qui ne <strong>le</strong>s construisent pas tout de suite. Certaines stratégiesindividuel<strong>le</strong>s, comme cel<strong>le</strong>s des petits épargnants « qui se méfient des banques et préfèrent avoir<strong>le</strong>urs biens au so<strong>le</strong>il » (Bourdon et Tonato 1998, 54), se fondent sur la spéculation foncière, mais nes’inscrivent pas dans une logique de gain commercial à grande échel<strong>le</strong>.A notre connaissance, il n’existe pas d’étude exhaustive sur <strong>le</strong>s « clients » de la filière néocoutumièrede production foncière. Les différents types d’acquéreurs présents dans une localitédépendent de ce que cette dernière offre aux intéressés. Il existe un certain nombre d’études de casréalisées récemment par des étudiants et qui ont été mises à notre disposition, comme cel<strong>le</strong>s de Carliet Ladurel<strong>le</strong>. L’étude de terrain menée par Ladurel<strong>le</strong> en 2001-2002 sur <strong>le</strong>s acteurs et dynamiques depériurbanisation entre Cotonou et Porto-Novo analyse <strong>le</strong>s transactions foncières qui s’étaientdéroulées au sein et autour des villages périurbains d’Ekpé, Djeffa et Podji à l’Est de Cotonou. Letravail de Carli en 2001 a comme objet d’étude la sous-préfecture/commune d’Adjarra dans la zoneau Nord de Porto-Novo.Ladurel<strong>le</strong> montre que des personnes considérées comme « étrangères » par <strong>le</strong>s autochtonesrachètent des terrains dans <strong>le</strong> cœur des villages périurbains ainsi que dans <strong>le</strong>s périphéries proches oulointaines. Suite à la vente d’une parcel<strong>le</strong> (<strong>le</strong> plus souvent des anciennes terres cultivées), on ytrouve une plaque métallique ou en bois qui matérialise <strong>le</strong> droit d’un propriétaire. L’installationd’un panneau est un préliminaire à la construction, comme l’est la présence d’un tas de briques oula construction d’un mur de parpaing. Ils indiquent l’adresse du propriétaire et sa profession 11 .Dans <strong>le</strong>s deux endroits, <strong>le</strong>s acquéreurs sont majoritairement des citadins des quartiersanciens de Cotonou 12 issus des couches moyennes de la société (fonctionnaires, professeurs, agents11 Grâce au re<strong>le</strong>vé sur <strong>le</strong> terrain de 50 panneaux, Ladurel<strong>le</strong> a pu re<strong>le</strong>ver des données socioéconomiques sur <strong>le</strong>sacquéreurs. Les panneaux étant souvent incomp<strong>le</strong>ts, on a rarement toutes <strong>le</strong>s données. Sur 50 re<strong>le</strong>vés effectués, seuls 27sont comp<strong>le</strong>ts. Carli a tiré ses informations du Cahier de retrait des conventions de ventes de la Sous-Préfecture/Commune d’Adjarra, au bureau des affaires domania<strong>le</strong>s.12 70% résident dans des quartiers anciens de Cotonou (St Michel, Kowegbo, Sakakpa, Dantokpa, Apakpa), 18% dansdes villages suburbains (Sékandji, Aganblandan), 5% sont des propriétaires vivant à l’étranger, ici Côte d’Ivoire ouFrance. En outre, on trouve parfois des autochtones qui, après réussite socia<strong>le</strong>, préfèrent quitter <strong>le</strong> cœur du village tropserré, pour construire en dur en dehors du cœur villageois (Ladurel<strong>le</strong> 2002). Au Nord de Porto-Novo, presque 50% desacquéreurs sont Porto-Noviens. Globa<strong>le</strong>ment, <strong>le</strong>s acheteurs y sont surtout des gens de la région proche et encore plusrarement des étrangers (seu<strong>le</strong>ment 1%), ce qui distingue <strong>le</strong> périurbain de Porto-Novo de celui de Cotonou, dont <strong>le</strong>caractère cosmopolite diversifie <strong>le</strong>s origines (Carli 2001, 121).27