Repères n°5 - mars 2008 Musiques du monde en ... - Arcade PACA

10 | créationJuan CarmonaAksak© cktre© José AssaJuan Carmona, le flamencoaux couleurs du mondePour le guitariste de flamenco JuanCarmona, qui mène une carrière desoliste et de créateur, "un musicien quicherche à faire de la musique flamencadoit avant tout retrouver sa culture".Ce qui explique ses liens très forts avec desartistes andalous, d’étroites collaborations,de nombreux voyages et la composition actuellede sa compagnie, Juan Carmona Grupo,autour de sept musiciens andalous. Unrenouvellement qui s’explique par son besoinde changer et de se nourrir autrement("les musiciens andalous, idéalement, sontles bienvenus"). Grâce à un langage communet à des codes connus de tous, grâce àl’excellence de ses musiciens, Juan Carmonapeut donner vie à ses créations originales età ses nouvelles compositions, quitte à enétonner plus d’un. "On peut faire partiedes musiques traditionnelles et créer sanscesse des palettes nouvelles, des couleursnouvelles" remarque Juan Carmona quidéfend l’idée que la création et la compositionsont essentielles et fondamentales, aupoint de se frotter à d’autres musiques commecelles de l’Inde ou du Liban… Mêmesi le succès international de son albumSinfonia Flamenca (Nominé en 2007 auxLatin Grammy Awards "Meilleur albumflamenco de l'année") l’a entraîné outre-Atlantique,Juan Carmona opère un doubleancrage régional à Toulon où il est professeurau Conservatoire, et à Ollioules où ilest directeur artistique des Nuits flamencasde Châteauvallon. C’est là qu’est née cettemanifestation artistique, culturelle et populairebasée sur la mixité des publics etdes artistes. En effet, fort de sa présencesur le bassin toulonnais depuis quatre anset partant du constat "qu’il n’y avait pasou très peu de lieu de diffusion et de pratique",Juan Carmona a eu envie de créerune dynamique autour de la musique et dela danse flamencas. Sa rencontre avec leCncdc Châteauvallon a fait le reste qui lui aouvert ses portes en 2007 pour un premiergalop d’essai, transformé en juillet 2008 entrois soirées de concerts où se produirontde nombreux artistes locaux, régionaux etinternationaux. Juillet 2008 sera égalementl’occasion de découvrir sa nouvelle créationaux côtés du peintre Robert Di Credicoqui proposera une performance librementinspirée de sa musique. Mais les Nuits Flamencasde Châteauvallon sont bien plusqu’un événement éphémère : elles s’inscriventdans un travail de sensibilisation menétout au long de l’année au Conservatoire etdans les écoles, avec des ateliers hebdomadaireset des master class, et dans les quartierstoulonnais à l’occasion de rencontres."Petit à petit, constate Juan Carmona, unpetit milieu flamenco s’est constitué ici. J’aivraiment l’impression que la population gitaneet maghrébine s’intéresse à la musiqueet au chant flamencas". Et d’ajouter : "j’ai lachance de voyager, mais je constate que lesmusiques du monde rencontrent un réel engouementdans la région. J’ai vu ce secteurgrandir doucement et l’existence de nombreusesmanifestations, comme la Fiestades Suds, ont fait avancer les choses".www.juancarmona.comAksak, aux sourcesdes BalkansDans le paysage des musiquestraditionnelles d’Europe Orientale, etplus largement des Balkans, Aksak sesingularise par son travail de créationnourri à la source des standards."Il existe un ferment qui nous permet debeaucoup écrire et produire, explique IsabelleCourroy, et notre travail développede plus en plus cet aspect-là. D’ailleurs,notre dernier projet "Portraits" est constituéessentiellement des compositions dechacun d’entre nous". Dans la région, Aksakconserve une position particulière carle patrimoine étant extrêmement riche, lepremier geste de tous les musiciens occidentauxest de le reproduire en toute fidélité.Ce dont se défend Isabelle Courroy :"grâce à la maturité acquise depuis 18 ans,Aksak a su s’émanciper, aller au-delà, entrecréation et tradition". Une appropriationqui permet à Christiane Ildevert, PatriceGabet, Lionel Romieu, Philippe Franceschiet Isabelle Courroy de se retrouverau sein d’Aksak tout en traçant leur proprechemin.Dix-huit années se sont ainsi écouléesrythmées par un travail régulier, un dialogueet des rendez-vous hebdomadairesjamais rompus malgré les tournées, dansun esprit de chantier permanent. Cette"assiduité unique" n’exclut aucun voyageni aucune rencontre, bien au contraire,chaque musicien ayant "une cible musicaleou instrumentale" et un centre de prédilectionparticulier qui enrichissent la pratiquecollective. Quand Aksak ne voyage pas àIstanbul pour travailler sur des textes deNicolas Bouvier, ce sont des "figures duKaval" qui viennent en France. D’ailleurs,le groupe prépare ses 20 ans et espère recevoirune nouvelle fois des musiciens et desdanseurs des Balkans car à l’éphémère, ilpréfère tisser des liens et inscrire son travailde création dans le temps… IsabelleCourroy se réjouit de l’adhésion actuelle dupublic et des professionnels pour les musiquesdu monde qui correspond, selon elle, àla richesse même de ces musiques et à leurénergie, mais elle constate néanmoins ladomination de certaines esthétiques : "lesmusiques urbaines et les fanfares occultentun peu l’existence d’autres réalités, d’autrespratiques peut-être moins aguichantes…".Comme la flûte Kaval, par exemple, quia "une force rustique et une flamboyanceencore trop méconnues". Et de regretter lafusion actuelle des genres musicaux qui faitperdre leur âme à certains, tout comme lemanque d’ouverture des festivals à des famillesd’instruments moins commerciales…www.aksak.org[Collection Repères n°5 - mars 2008 - © Arcade PACA]