MAG mars <strong>2013</strong> X PRESS_Mise en page 1 26/02/13 11:15 Page27HistoireLes Ar<strong>de</strong>nnais et le Premier EmpireCorvisartMé<strong>de</strong>cin ar<strong>de</strong>nnais <strong>de</strong> Napoléon I erIssu <strong>de</strong> la petite noblessear<strong>de</strong>nnaise, Corvisart participeà la révolution médicalesous le Consulat etl’Empire. Il <strong>de</strong>vient le confi<strong>de</strong>nt<strong>de</strong> Napoléon I er et <strong>de</strong>ses épouses, Joséphine etMarie-Louise. Revenonssur la carrière hors ducommun <strong>de</strong> ce mé<strong>de</strong>cinspécialiste <strong>de</strong>s maladiesdu cœur.Carte postale Pierre Bertrand éd. - Coll. GDP - DRŒuvre du Baron Gérardsuccession professionnelle et lui fait suivreles cours <strong>de</strong> Droit <strong>de</strong> la Faculté.Il refuse la carrière d’avocatEn fait, il préfère suivre une autre voie, augrand dam <strong>de</strong> son père, en découvrant uncours d’Antoine Petit, professeur d’anatomieet <strong>de</strong> mé<strong>de</strong>cine. En 1782, reçu docteur,il <strong>de</strong>vient mé<strong>de</strong>cin <strong>de</strong>s pauvres <strong>de</strong> la paroisse<strong>de</strong> Saint-Sulpice. Le mé<strong>de</strong>cin <strong>de</strong> l’hôpital<strong>de</strong> la Charité, Desbois <strong>de</strong> Rochefort, le soutientet le conseille. Dans la communautémédicale, il est mal considéré puisqu’il necesse <strong>de</strong> critiquer le conformisme et la routine<strong>de</strong> la profession. Entre 1782 et 1785, ilréussit à soutenir trois thèses. Le 4 février1784, Corvisart <strong>de</strong>vient professeur <strong>de</strong>pathologie à la Faculté. à la suite du décès<strong>de</strong> Desbois <strong>de</strong> Rochefort, Corvisart lui succè<strong>de</strong>à la chaire <strong>de</strong> clinique interne à laCharité. De 1795 à 1807, il occupe mêmeune chaire <strong>de</strong> clinique interne, spécialementcréée pour lui, à la nouvelle école <strong>de</strong> Santé<strong>de</strong> Paris. Parallèlement, Corvisart obtient lachaire <strong>de</strong> Mé<strong>de</strong>cine pratique du Collège <strong>de</strong>France. Avec l’ai<strong>de</strong> <strong>de</strong> l’anatomiste XavierBichat (1771-1802), Corvisart fon<strong>de</strong> uneSociété d’Instruction médicale et, avecJean-Jacques Leroux du Tillet, Le Journal<strong>de</strong> Mé<strong>de</strong>cine, Chirurgie et Pharmacie.Plus qu’un mé<strong>de</strong>cin, Corvisart était le confi<strong>de</strong>nt et l’ami<strong>de</strong> Joséphine et <strong>de</strong> Napoléon.Carte postale « Premier Jour »distribuée à Dricourtle 12 décembre 1984.Jean-Nicolas Corvisart voit le jour àDricourt, le 15 février 1755. Ses parentss’étaient mariés à La Neuville-à-Maire en1752. Les Corvisart sont une famille <strong>de</strong>petite noblesse <strong>de</strong> l’Argonne : ils ont étéseigneurs <strong>de</strong> Charbogne, Semuy,Warigny à Cauroy, Dricourt. à Attigny, en1640, un dénommé Didier Corvisartoccupe les fauteuils <strong>de</strong> conseiller du Roy,contrôleur <strong>de</strong> l’élection du Rethélois, prévôt<strong>de</strong> la châtellenie d’Attigny. Son père,Pierre Corvisart, était avocat et procureurau parlement <strong>de</strong> Paris. à l’âge <strong>de</strong> douzeans, Jean-Nicolas Corvisart vit chez unoncle maternel, curé <strong>de</strong> Vimille, près <strong>de</strong>Boulogne-sur-Mer. Ensuite, il obtient lebaccalauréat après <strong>de</strong>s étu<strong>de</strong>smédiocres au collège Sainte-Barbe <strong>de</strong>Paris. Son père souhaite qu’il prenne saMé<strong>de</strong>cin du gouvernement<strong>de</strong> BonaparteChez le comte <strong>de</strong> Barras (1755-1829),Corvisart fait la connaissance <strong>de</strong> la jolieJoséphine <strong>de</strong> Beauharnais (1763-1814), la premièreépouse du Premier consul, Bonaparte. Ce <strong>de</strong>rnierne tar<strong>de</strong> pas à le nommer Mé<strong>de</strong>cin duGouvernement, en 1799. Corvisart participe àquelques campagnes : l’Italie en 1805 et l’Autricheen 1809. En 1807, l’empereur Napoléon I er lui offrela place <strong>de</strong> Premier Mé<strong>de</strong>cin. Il est alors introduità la cour impériale et acquiert une renommée internationale.Il étudie les maladies du cœur. Et il insistesur l’intérêt d’étudier la dyspnée d’effort (difficultéà respirer). Il vulgarise la métho<strong>de</strong> dite <strong>de</strong> la« percussion » dans les affections <strong>de</strong> poitrine(1808). Ses recherches dans ce domaine ontouvert la voie aux travaux <strong>de</strong> son élève, Théophile-Hyacinthe Laënnec (1781-1826), nommé mé<strong>de</strong>cin<strong>de</strong> l’hôpital Necker en 1806 et qui invente le stéthoscopeen 1815. En 1806, la publication <strong>de</strong> sonEssai sur les maladies et les lésions organiques ducœur et <strong>de</strong>s gros vaisseaux constitue un événe-26 N° 168 - mars <strong>2013</strong>
MAG mars <strong>2013</strong> X PRESS_Mise en page 1 26/02/13 11:15 Page28Histoire <strong>de</strong> nos ruesCorvisart sera d’un grand réconfort pour Joséphine à la suite <strong>de</strong> l’annonce <strong>de</strong> son divorce.Ici, Joséphine est soutenue par Beausset, Préfet du Palais.ment majeur, en effet, constatant l’influence <strong>de</strong>scauses sociales et morales, Corvisart soutient queles lésions organiques du cœur ont été « plus fréquentesdans les horribles temps <strong>de</strong> laRévolution que dans le calme ordinaire <strong>de</strong>l’ordre social. » La fréquentation <strong>de</strong>s hautessphères ne le détourne pas <strong>de</strong>s milieux mo<strong>de</strong>stes<strong>de</strong> ses débuts : il continue <strong>de</strong> soigner les pauvrespatients, et en particulier, les artistes. Il soutient lesétudiants en mé<strong>de</strong>cine. Dans son hôtel particulier<strong>de</strong> la rue Saint-Dominique, il donne <strong>de</strong> gran<strong>de</strong>ssoirées et constitue une riche bibliothèque conservant<strong>de</strong>s ouvrages rares et anciens. Il est nomméau gra<strong>de</strong> d’officier <strong>de</strong> la Légion d’honneur, le 15juillet 1804. Par Lettres patentes du 27 novembre1808, il <strong>de</strong>vient Baron d’Empire et prend alors lenom <strong>de</strong> Corvisart <strong>de</strong>s Marets. En 1809, à Vienne,Corvisart annonce à l’Empereur la grossesse <strong>de</strong> samaîtresse, Marie Laczynska Walewska, ce quiprouve que Napoléon n’est pas stérile.N’empêche, Corvisart soutient son amie,l’Impératrice Joséphine, lorsque Napoléon lacongédie en décembre 1809. Plus tard, il ai<strong>de</strong>ra lanouvelle Impératrice Marie-Louise à accoucher duRoi <strong>de</strong> Rome, le 20 mars 1811. Il est reçu àl’Institut <strong>de</strong> France en 1811. Napoléon disait <strong>de</strong> lui« Honnête et habile homme, mais un peubrusque » et le surnommait, avec humour, « legrand charlatan. »La Restauration l’écarte<strong>de</strong>s sphères du pouvoiret <strong>de</strong> la mé<strong>de</strong>cineLa Restauration bourbonienne interrompt sonascension. En 1815, à 60 ans, il est atteint par unecrise d’apoplexie. L’année suivante, une secon<strong>de</strong>attaque provoque une hémiplégie complète. Il seréfugie dans son château <strong>de</strong>s Tournelles à laGarenne-Colombes, puis, au 11, rue Vendôme àParis. Une troisième attaque lui est fatale. Il estentré, comme membre honoraire, à l’Académieroyale <strong>de</strong> Mé<strong>de</strong>cine, dès 1820. Il décè<strong>de</strong> àCourbevoie, le 18 septembre 1821. Il est d’abordinhumé au Père-Lachaise, sa dépouille est ensuitetransférée dans sa propriété d’Athis-Mons, enEssonne. En 1820, les trois quarts <strong>de</strong>s membres<strong>de</strong> l’Académie <strong>de</strong> Mé<strong>de</strong>cine ont été <strong>de</strong>s élèves <strong>de</strong>Corvisart. Il est l’auteur <strong>de</strong> sept ouvrages, traités,mémoires ou essais, imprimés <strong>de</strong> 1789 à 1808.Gravure <strong>de</strong> Bosselman, d’après Chasselat - DRLe pourfen<strong>de</strong>ur <strong>de</strong>s dogmesReveillé-Parise a décrit admirablement la personnalité<strong>de</strong> Corvisart : « (...) Toujours clair, toujoursprésent, toujours logique, instructif, il étaitpuissant par sa parole, parce qu’il était puissantpar l’excellence <strong>de</strong> son jugement, par sa hauteraison et par ses convictions. Sévère, impartial,exempt <strong>de</strong> préjugés, il chercha constammentcette mé<strong>de</strong>cine <strong>de</strong> vérité que <strong>de</strong>s hommes àvues étroites et à larges prétentions, assurent siaisément avoir trouvée... à vrai dire, ce grandmé<strong>de</strong>cin ne croyait guère à certaines théoriesprédominantes <strong>de</strong> son temps ; il raillait les nosographessur leur manière <strong>de</strong> décrire, <strong>de</strong> parquerles maladies ; il y employait même cette verved’ironie dont il flagellait parfois les petitshommes, les petits écrits, et ces aigles <strong>de</strong> coteriedont la phrase est un dogme et la parole oraculairepour leurs admirateurs... Ayant cettevaste intelligence qui met l’homme <strong>de</strong> plain-piedavec toutes les sommités <strong>de</strong> son temps, cegrand mé<strong>de</strong>cin ne dévia jamais <strong>de</strong> la route qu’ils’était tracée... Cet illustre mé<strong>de</strong>cin paraissaittrès indifférent aux honneurs académiques ; ilassistait bien rarement aux séances <strong>de</strong>l’Académie <strong>de</strong>s sciences, soit qu’il n’en eût pasle temps, soit qu’il voulût se soustraire au <strong>de</strong>spotismeque Cuvier était déjà accusé d’exercer surcette compagnie savante (...) » Corvisart était unhomme sincère, franc, discret, généreux, ouvert,mais aussi mélancolique, parfois grave, triste. Il luiétait reproché une certaine nonchalance, n’était-cepas plutôt « un lâcher prise » salutaire à laconcentration ?Quoi <strong>de</strong> plus normal <strong>de</strong> baptiser l’hôpital historique<strong>de</strong> <strong>Charleville</strong> du nom <strong>de</strong> ce grand mé<strong>de</strong>cinissu <strong>de</strong> notre chère Ar<strong>de</strong>nne !Gérald DardartRemerciements :Mairie <strong>de</strong> DricourtBibliographie succincte :➨ Docteur Louis Héchemann, Corvisart (1755-1821), Paris,102 p., 1906.➨ Marcel Lelarge, trois articles parus dans L’Ar<strong>de</strong>nnais, enseptembre 1955.➨ J.-H. Reveillé-Parise, Étu<strong>de</strong>s <strong>de</strong> l’homme dans l’état <strong>de</strong>santé et dans l’état <strong>de</strong> la maladie, tome I, Paris, 512 p.,1845.➨ Marcel Touche, J.-N. Corvisart, praticien célèbre, grandmaître <strong>de</strong> la mé<strong>de</strong>cine, éditions J.-B. Baillière, Paris, 61 p.,1968.Rue Pol-BouinAndré-Pol Bouin voit le jour àVendresse, au cœur <strong>de</strong>s crêtespréar<strong>de</strong>nnaises, le 11 juin 1870,à quelques mois <strong>de</strong> la venuedans le village <strong>de</strong> Guillaume, roi<strong>de</strong> Prusse, le 31 août 1870, laveille <strong>de</strong> la terrible journée <strong>de</strong>Sedan. Il est le fils <strong>de</strong> Jean-LéonBouin, vétérinaire et d’Adèle-Alsimi<strong>de</strong> Bau<strong>de</strong>lot, native <strong>de</strong>Vendresse. à la suite d’étu<strong>de</strong>sélémentaires à l’école communale<strong>de</strong> Vendresse, Bouin poursuitColl. Mme Hardyses étu<strong>de</strong>s au lycée Chanzy <strong>de</strong> <strong>Charleville</strong>.Toutes les semaines, il rentre chez ses parents àVendresse. La voiture le dépose à 13 km <strong>de</strong> chezlui, le reste du parcours est terminé à pied. Aprèsle baccalauréat, il entre à la Faculté <strong>de</strong> Mé<strong>de</strong>cine<strong>de</strong> Nancy. Il y suit les cours <strong>de</strong>s professeursAdolphe Nicolas et Auguste Prenant (1861 –1927).Pionnier <strong>de</strong> l’histologiePol Bouin <strong>de</strong>vient préparateur d’histologie en1892. L’histologie est un domaine <strong>de</strong> l’anatomiequi étudie la formation, l’évolution et la composition<strong>de</strong>s tissus <strong>de</strong>s êtres vivants. Pendant <strong>de</strong>sannées, Bouin assiste Prenant dans sesrecherches. Le 30 juillet 1897, il soutient unethèse sur les altérations <strong>de</strong> la gona<strong>de</strong> mâle. En1898, il est appelé à occuper un poste <strong>de</strong> maître<strong>de</strong> conférences agrégé d’histologie. Il est nomméprofesseur à l’école <strong>de</strong> Mé<strong>de</strong>cine d’Alger en1907, mais très vite il succombe à la nostalgie <strong>de</strong>son pays. Et dès l’année suivante, il est <strong>de</strong> retourà Nancy. En 1914, lors <strong>de</strong> la déclaration <strong>de</strong> guerre,Bouin <strong>de</strong>vient mé<strong>de</strong>cin-chef dans un service<strong>de</strong> l’hôpital militaire <strong>de</strong> Nancy. Après la Gran<strong>de</strong>Guerre, en 1919, la Faculté <strong>de</strong> Mé<strong>de</strong>cine <strong>de</strong>Strasbourg l’appelle à la chaire d’histologie. Ileffectue <strong>de</strong>s recherches, aidé par un ami, PaulAncel, sur les glan<strong>de</strong>s génitales et leurs actionsdans le corps. En 1922, avec le ProfesseurAndré Forster, Bouin fon<strong>de</strong> la revue Archivesd’anatomie, d’histologie et d’embryologie. En1939, au début <strong>de</strong> la Secon<strong>de</strong> Guerre mondiale,son laboratoire est transféré à Clermont-Ferrand.En 1945, il prend sa retraite. Il est élevé au gra<strong>de</strong><strong>de</strong> comman<strong>de</strong>ur dans l’ordre national <strong>de</strong> laLégion d’honneur en 1960. Il se retire àVendresse, où il décè<strong>de</strong> le 5 février 1962. Lesrecherches <strong>de</strong> Bouin ont permis l’aboutissement<strong>de</strong> la pilule contraceptive. Maurice Caullery rendhommage à Bouin : « La voie ouverte par Bouins’est révélée comme l’une <strong>de</strong>s plus fécon<strong>de</strong>s<strong>de</strong> la biologie contemporaine. La France n’apas beaucoup <strong>de</strong> noms à mettre au niveau dusien. »Remerciements :➨ M. François Quinart➨ M me Hardy <strong>de</strong> VendresseGérald DardartN° 168 - mars <strong>2013</strong>27