L'IMPARTIAL / JEUDI 8 FÉVRIER 2007 2 - Arcinfo.ch
L'IMPARTIAL / JEUDI 8 FÉVRIER 2007 2 - Arcinfo.ch
L'IMPARTIAL / JEUDI 8 FÉVRIER 2007 2 - Arcinfo.ch
Create successful ePaper yourself
Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.
17<br />
CultureL’EXPRESS - L’IMPARTIAL / <strong>JEUDI</strong> 8 <strong>FÉVRIER</strong> <strong>2007</strong><br />
DRAMATURGIE<br />
Babel et l’ange piquent la curiosité<br />
Il est l’auteur de «Babel Oued<br />
and Co», de «La peau de<br />
l’ange», de «Qui<strong>ch</strong>otte des<br />
villes». Trois jalons que Serge<br />
Martin a inscrits dans le<br />
festival Février des auteurs.<br />
Rencontre à Neu<strong>ch</strong>âtel.<br />
DOMINIQUE BOSSHARD<br />
Isolé dans la lumière d’un<br />
projecteur, un homme<br />
s’adresse à une femme, à la<br />
fois pro<strong>ch</strong>e et inaccessible.<br />
Etrange dialogue, suspendu<br />
entre une cabine téléphonique<br />
invisible et le lieu, indéfini, où<br />
les anges, peut-être, prennent<br />
leur envol. Paroles tendues<br />
vers l’autre, dualité en quête de<br />
fusion, «La peau de l’ange» a<br />
été esquissée par la Cie Aloïs<br />
Troll, mardi soir à la Maison<br />
du concert, à Neu<strong>ch</strong>âtel. «La<br />
mise en lecture d’un texte,<br />
c’est, déjà, un acteur et une<br />
voix qui s’engagent pour le défendre,<br />
et qui peuvent déclen<strong>ch</strong>er<br />
la curiosité du spectateur»,<br />
dit Serge Martin, heureux<br />
d’alimenter cette curiosité<br />
avec deux autres textes<br />
présentés dans le cadre de Février<br />
des auteurs. «Babel Oued<br />
and Co», sera lu samedi au<br />
Passage, «Qui<strong>ch</strong>otte des villes»<br />
a remporté le Prix de l’écriture<br />
jeune public (notre édition de<br />
mardi).<br />
«Il s’agit de mon premier<br />
texte pour le jeune public», situe<br />
l’auteur, homme de théâtre<br />
à part entière puisqu’il est<br />
aussi comédien et metteur en<br />
scène. «Incarner Don Qui<strong>ch</strong>otte<br />
dans un ado, c’est formidable;<br />
le personnage de Cer-<br />
INTERVENTION POÉTIQUE<br />
vantès meurt, contrairement à<br />
ce jeune héros qui garde l’espoir<br />
de <strong>ch</strong>anger le monde».<br />
Serge Martin avait déjà fréquenté<br />
Cervantès en 1997,<br />
avec la création d’un «Qui<strong>ch</strong>otte»<br />
en plein air, au Pont<br />
Butin à Genève. Le jeune public,<br />
il s’en est appro<strong>ch</strong>é en<br />
écrivant des <strong>ch</strong>ansons pour<br />
deux spectacles de la Cie 100%<br />
Acrylique, puis lors de nombreuses<br />
scolaires. Une passerelle<br />
qui l’intéresse, il se dit impressionné<br />
par la qualité des<br />
questions posées par ce jeune<br />
public. «Je me souviens de la<br />
réception, extraordinaire, réservée<br />
au «Silence de la mer»,<br />
une pièce sur la résistance<br />
pourtant dénuée d’action».<br />
Entre «Qui<strong>ch</strong>otte» et «Qui<strong>ch</strong>otte<br />
des villes», une autre<br />
expérience encore, décisive.<br />
«Un tournant», dit-il. Au bénéfice<br />
d’une résidence d’auteur à<br />
la Chartreuse de Villeneuvelez-Avignon,<br />
il se confronte<br />
aux mots, à la matière textuelle,<br />
lui qui jusque-là avait<br />
écrit «comme un metteur en<br />
scène, c’est-à-dire en visualisant<br />
déjà le spectacle».<br />
Depuis, le pli est pris, de ces<br />
rendez-vous réguliers avec la<br />
page blan<strong>ch</strong>e. Il ne revendique<br />
aucune méthode, tout juste reconnaît-il<br />
la récurrence de certains<br />
thèmes, «mais on s’en<br />
aperçoit après coup. Ce n’est<br />
pas à moi de définir ces <strong>ch</strong>oses-là.<br />
Comme la plupart d’entre<br />
nous, je vis dans un monde<br />
que j’espérais meilleur, et j’en<br />
vois les dangers». Ce monde, il<br />
le soumet au questionnement,<br />
mais sans perdre foi en l’âme<br />
SERGE MARTIN «Ce que j’attends, c’est d’être étonné». (CHRISTIAN GALLEY)<br />
humaine. Dans ce théâtre-là,<br />
l’intrusion de l’imaginaire, ou<br />
une perturbation dans le déroulement<br />
logique des <strong>ch</strong>oses<br />
nous invitent à réviser notre<br />
perception de la réalité.<br />
«Ma préoccupation, c’est de<br />
rendre les problématiques de<br />
façon vivante. Au metteur en<br />
scène, ensuite, de dépasser ce<br />
qui est écrit sur le papier. Libre<br />
aux créateurs de faire ce qu’ils<br />
veulent de mon texte. Je ne<br />
suis pas de ceux qui crient à la<br />
trahison. Ce que j’attends, c’est<br />
d’être étonné». /DBO<br />
L’absurde est, seul, l’acte libérateur<br />
Après la cuisine mo (t) léculaire,<br />
offerte samedi au Centre<br />
de culture ABC à La Chauxde-Fonds,<br />
à des convives médusés,<br />
une deuxième casserole<br />
de soupe aux lettres leur a été<br />
servie mardi par Pascal Nordmann.<br />
A la trilogie, imaginée<br />
dans le cadre du Février des<br />
auteurs, manque encore le<br />
verbe, qui sera servi demain,<br />
au pied de la lettre, par le<br />
drame.<br />
Pascal Nordmann travaille,<br />
dit-il, sur un logiciel de génération<br />
automatique de littérature<br />
dont la dernière forme est<br />
l’Encyclopédie mutante. Erudition?<br />
Et comment. Tout ce<br />
qui était confit dans les bibliothèques,<br />
empilé comme matière<br />
morte dans les bouquins,<br />
a été réveillé par Alain Monnier,<br />
coéquipier dans cette<br />
aventure, lors d’une représentation,<br />
mardi, quasiment improvisée.<br />
Le procédé élague le<br />
langage de toute virgule et autre<br />
ponctuation pour mieux<br />
(SP)<br />
ARTS PLASTIQUES<br />
La fragilité résistante de Frænzi Neuhaus<br />
Les œuvres de l’artiste soleuroise Fraenzi Neuhaus paraissent fragiles et<br />
transparentes. Elle travaille le nylon, la fibre synthétique ou des produits<br />
high-te<strong>ch</strong>. «Dessins & objets», une exposition à découvrir à l’Espace PR<br />
36, à Neu<strong>ch</strong>âtel, jusqu’au 27 janvier <strong>2007</strong>. /réd<br />
«LA PHRASE» Esprit surréaliste. (RICHARD LEUENBERGER)<br />
subvertir les mots et faire<br />
jaillir le rire. On ne déclen<strong>ch</strong>e<br />
pas sans risques un discours<br />
surréaliste, qui peut dire où<br />
s’arrêtera l’invention poétique?<br />
Folie que d’analyser. On<br />
plonge en plein dadaïsme.<br />
Nordmann dépasse toutes les<br />
frontières, sème la confusion<br />
entre les genres, s’empare de<br />
matériaux considérés comme<br />
étrangers à l’art, le fil de fer et<br />
toutes sortes d’objets, pour<br />
faire un assemblage de sculptures,<br />
cohérent en lui-même.<br />
Pas de geste de révolte <strong>ch</strong>ez<br />
Nordmann, au contraire une<br />
attitude constructive. Il n’est<br />
porteur d’aucun message, il<br />
s’atta<strong>ch</strong>e à explorer l’inconscient,<br />
les rêves, fait corps avec<br />
l’écriture et ne parle que mot à<br />
mot. Chacun de ses paragraphes<br />
est un combat au plus<br />
près de sa conscience, le lieu<br />
géographique d’un règlement<br />
de compte entre les mots et la<br />
phrase. Christiane Margraitner<br />
et Philippe Vuilleumier,<br />
comédiens, ont été les subtils<br />
révélateurs de ce langage.<br />
Mais on ne saura jamais pourquoi<br />
Chagall tirait au pistolet<br />
sur les anges, les violonistes et<br />
les rabbins, sur les commissaires<br />
de 1917, les colombes et les<br />
acrobates... L’absurde est, seul,<br />
l’acte libérateur.<br />
Un crayon dessine tout seul<br />
sur un papier blanc. Tout seul,<br />
Pascal Nordman a imaginé les<br />
plus poétiques ma<strong>ch</strong>ines<br />
d‘écriture automatique, une filiation,<br />
c’est probable, que Jaquet-Droz<br />
ne renierait pas.<br />
Quant à l’art sacré d’Alain<br />
Monnier, il renvoie à une lecture<br />
subjective./ddc<br />
La Chaux-de-Fonds, ABC, «Le drame»<br />
vendredi 9 février, 20h30. Visite des<br />
expositions: de 11h à 14h et de 18h à<br />
21h. Jusqu’au 11 février<br />
THÉÂTRE<br />
Bateau à vau-l’eau<br />
«Sur ce bateau de misère,<br />
nous parlons tous la même<br />
langue» lance Zoé (Maureen<br />
Chi<strong>ch</strong>é) à ses compagnons<br />
d’infortune. Dans le cadre de<br />
Févier des auteurs, Domenico<br />
Carli présente sa pièce,<br />
du 6 au 9 février, au théâtre<br />
du Passage. Sensible à la problématique<br />
des boat people,<br />
l’auteur et metteur en scène<br />
s’est inspiré de témoignages<br />
véridiques pour construire<br />
son récit. «Zattera» ou l’improbable<br />
rencontre de quatre<br />
femmes et trois hommes, aux<br />
origines diverses, embarqués<br />
sur un vieux rafiot en partance<br />
pour l’Italie. L’Europe<br />
tel un eldorado, une terre<br />
d’élection pour tous les peuples<br />
fuyant la pauvreté ou la<br />
violence.<br />
Abandonnés par le commandant<br />
de bord, ces réfugiés<br />
n’ont que leurs seules ressources<br />
pour éviter le naufrage.<br />
De rebondissements en<br />
épreuves, les sept passagers de<br />
«Je vis dans un<br />
monde que<br />
j’espérais<br />
meilleur, et j’en<br />
vois les dangers».<br />
Serge Martin<br />
L’école, un creuset pour la création<br />
«Les écoles sont les meilleurs creusets de la<br />
création», disait Vitez. Il a raison, dans une<br />
école, on apprend et on invente. Il s’y passe<br />
même des <strong>ch</strong>oses extraordinaires que l’on<br />
aurait envie de partager avec le spectateur».<br />
Serge Martin a ouvert la sienne à Paris d’abord,<br />
où il a acquis les bases de son métier avec<br />
Jacques Lecoq, et travaillé avec le Jeune<br />
Théâtre national, la Comédie-Française, le<br />
Théâtre national de l’Odéon.<br />
Puis les circonstances de la vie l’ont conduit<br />
à Genève, où il remet l’ouvrage sur le métier,<br />
Le Corbusier, un ar<strong>ch</strong>itecte<br />
sous influence<br />
L’ar<strong>ch</strong>itecture des fermes jurassiennes a-t-elle influencé Le<br />
Corbusier? C’est le thème de la conférence donnée<br />
vendredi 16 février à 20h à la Maison blan<strong>ch</strong>e, à La Chauxde-Fonds.<br />
Réservation obligatoire au 032 910 90 30. /réd<br />
muant, à nouveau, son atelier-théâtre en école.<br />
A 18 ans, ce natif de Montpellier se destinait à<br />
devenir ingénieur, les calculs d’incertitude le<br />
passionnaient. Il dirige aujourd’hui sa propre<br />
structure, explore différents types d’écriture –<br />
il termine actuellement son premier roman –,<br />
met en scène. Et continue de jouer: «Quand<br />
on enseigne le théâtre, il est important de ne<br />
pas rester sur son piédestal. C’est en<br />
plongeant les mains dans le cambouis, en<br />
remettant les compteurs à zéro que l’on peut<br />
convaincre». /dbo<br />
ce navire à la dérive se heurtent,<br />
se bousculent. Une humanité<br />
qui enrage, s’agresse,<br />
pour finalement s’apprivoiser<br />
peu à peu.<br />
Un début prometteur que<br />
contrebalance, hélas, l’épisode<br />
onirique en milieu de pièce:<br />
de caricaturales profondeurs<br />
marines parodiées avec un<br />
certain sens de l’absurde. Poisson<br />
et étoile de mer prennent<br />
la parole pour admonester ou<br />
conseiller les personnages,<br />
méduse et hippocampe se<br />
mouvant en fond de scène.<br />
Les rêves des uns et des autres<br />
s’en<strong>ch</strong>evêtrent au travers<br />
d’une plongée au cœur de<br />
l’inconscient de ces êtres en<br />
souffrance; la noyade est pro<strong>ch</strong>e.<br />
Réalisme cru, onirisme<br />
quasi débridé et saugrenu se<br />
succèdent ainsi en une suite<br />
étonnante et détonante. Reste<br />
à souligner la bonne prestation<br />
des acteurs, notamment<br />
le juste ton de Maureen Chi<strong>ch</strong>é<br />
ou Charles Joris. /cbx