Soixante ans de Bulletin européen - Fondazione Europea Dragan

minin et le masculin, entre Vénus et Mars,
entre la politique qui utilise la carotte et
celle qui préfère le bâton. Ces deux instruments
sont incontournables.
La situation internationale actuelle
correspond à la vision de Roosevelt, à la
création des Nations unies, à la Charte atlantique,
à la Déclaration universelle des
droits de l’homme de 1948, aux Cours pénales
internationales, à la responsabilité
des États et à celles des leaders des États
pour leurs actes.
On avait encore jamais vu une situation
de ce genre, sauf à la fin de la guerre avec
les tribunaux créés au Japon et celui de
Nuremberg. Mais il s’agissait de cas exceptionnels
qui ont d’ailleurs été très discutés
par la doctrine juridictionnelle.
Les conditions internationales ont
changé. L’Europe affronte cette situation
dans une position enviable, car elle y est
arrivée la première, non pas parce qu’elle
l’a décidé, mais parce qu’elle a connu l’infamie,
l’échec et l’épuisement de ses énergies
avant les autres. L’Europe s’est “féminisée”
et s’est habituée à cette situation cinquante
ans avant les autres.
Le problème majeur est que cette
construction européenne est un modèle
occidental, tout comme l’est la Charte des
Nations unies, la sécurité partagée et l’emploi
des forces armées pour des objectifs
autres que la défense de son territoire. Par
contre, les pays du Moyen-Orient et dans
d’autres parties du monde emploient leurs
armées contre leurs voisins pour affirmer
leur souveraineté nationale.
Le système européen de sécurité partagée
mis en place par l’Union européenne
montre la validité pratique des principes
du système européen et de sa culture inspirée
de la Révolution française, de l’autodétermination
des peuples, du développement
de la démocratie, de la Déclaration
universelle des droits de l’homme, de Kant,
Maritain etc. On redécouvre aujourd’hui
l’importance de Maritain qui, à son re-
4
tour des États-Unis, après la constitution
des Nations unies à la fin de la Deuxième
Guerre mondiale, avait compris que la
seule voie possible pour nous était celle
proposée par les Américains.
Il faut aujourd’hui démontrer aux
autres pays que la collaboration est le seul
système valable et qu’il ne s’agit pas d’un
nouvel impérialisme utilisant d’autres
moyens.
De nombreux pays vont jusqu’à prétendre
qu’un investissement étranger chez
eux constitue une ingérence dans leurs affaires
intérieures, car les financements ne
sont accordés aujourd’hui à des pays tiers
que s’il est possible d’en contrôler l’emploi
et la manière dont cet argent est investi.
Beaucoup considèrent donc ces pratiques
comme une interférence dans leur souveraineté
nationale. Ce sont là des réactions
qu’en Europe nous avons dépassées, même
si c’est depuis peu.
Il faut donc démontrer que ce système
occidental de sécurité partagée n’est pas,
abstraitement, le meilleur, ni le plus moral,
ni celui qui correspond le mieux à notre
vision de la dignité humaine.
Il faut démontrer que ce système peut
être utile à tous les pays, y compris à ceux
qui, comme nous, peuvent bénéficier d’un
système où l’opposition des forces est remplacée
par la collaboration, les échanges et
la transparence des comportements.
Dépasser la logique
du conflit des cultures
Il s’agit, en d’autres mots, de sortir de
la logique du conflit des cultures. Il ne
s’agit pas d’imposer notre point de vue à
d’autres et encore moins d’“exporter la démocratie”.
Il s’agit de parvenir à un intérêt
commun, ce qui est déjà en soi une valeur
supérieure.
Il existe donc une valeur que nous
pouvons partager et c’est l’intérêt de ce
système de collaboration qui correspond