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Vie pédagogique - Ministère de l'Éducation, du Loisir et du Sport

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Après leurs collègues <strong>du</strong> primaire,les enseignantes <strong>et</strong> lesenseignants <strong>du</strong> secondaire s’apprêtentà s’engager ou, diront certainsesprits plus sarcastiques, à se faireengager dans une nouvelle réform<strong>et</strong>ouchant, celle-ci, le cœur <strong>de</strong> l’école,c’est-à-dire le curriculum. En raison<strong>de</strong>s difficultés ayant entouré l’implantation<strong>du</strong> nouveau curriculum au primaire,<strong>de</strong> nombreux enseignants <strong>et</strong>enseignantes envisageront sans douteles prochaines années avec <strong>de</strong>s sentimentsbien partagés allant <strong>du</strong> scepticismeà la résignation ou <strong>de</strong> l’irritationau cynisme, en passant par l’inquiétu<strong>de</strong><strong>et</strong> même l’angoisse. Encore <strong>de</strong>s changementsvenus d’en haut! soupirerontcertains. D’autres dénonceront lesrisques d’improvisation ou d’ajustementchaotique! Et avec quelle assurance<strong>de</strong> succès ou même <strong>de</strong> pertinence<strong>du</strong> nouveau modèle par rapport auxpratiques en place? Comment motiverun corps enseignant qui a vécu <strong>du</strong>rementplusieurs années <strong>de</strong> compressionsbudgétaires <strong>et</strong> qui accueille dansles écoles un nombre croissant d’adolescentspour qui la joie <strong>de</strong> connaîtren’est pas nécessairement la premièrepréoccupation existentielle? Commentdonner à ce corps enseignant le goût<strong>de</strong> faire tous les efforts nécessaires <strong>de</strong>renouvellement? Comment les convierà assurer le succès <strong>de</strong> la réforme?On pourrait répondre en disant que leschangements en voie d’implantationsont le fruit <strong>de</strong> plusieurs années <strong>de</strong>réflexion <strong>et</strong> <strong>de</strong> débats <strong>de</strong> société. Tourà tour, au cours <strong>de</strong>s années 90, leConseil supérieur <strong>de</strong> l’é<strong>du</strong>cation, leGroupe <strong>de</strong> travail sur les profils <strong>de</strong> formationau primaire <strong>et</strong> au secondaire,les États généraux sur l’é<strong>du</strong>cation, leGroupe <strong>de</strong> travail sur la réforme <strong>du</strong>curriculum, pour ne citer que cesinstances officielles, ont multiplié lesanalyses, les réflexions <strong>et</strong> les propositionssur ce que doit faire l’école<strong>et</strong> sur les types <strong>de</strong> curriculum qu’elledoit privilégier. On pourrait aussi rappelerqu’ailleurs dans le mon<strong>de</strong> – auCanada, aux États-Unis, en Europeocci<strong>de</strong>ntale – <strong>de</strong>s efforts d’ajustement<strong>du</strong> rôle <strong>de</strong> l’école <strong>et</strong> <strong>du</strong> curriculum primaire<strong>et</strong> secondaire ont été entrepris <strong>et</strong>menés à terme. On pourrait encoresignifier que l’héritage <strong>du</strong> rapportParent aura bientôt quarante ans <strong>et</strong>celui <strong>du</strong> Livre orange, bientôt un quartLES ENJEUX ESSENTIELSD’UNE RÉFORME SCOLAIRE ANNONCÉEpar Clau<strong>de</strong> Corbo<strong>de</strong> siècle <strong>et</strong> que, dans un mon<strong>de</strong> entransformation accélérée, l’école nepeut <strong>de</strong>meurer immobile. Tout cela estconnu, su, compris. Mais cela donne-t-ille goût <strong>et</strong> la force d’entreprendre <strong>de</strong>schangements?N’étant pas un spécialiste <strong>de</strong> la pédagogieou <strong>du</strong> curriculum, je n’entreprendraipas <strong>de</strong> répondre à la questionqui précè<strong>de</strong> sur la base d’une analysecomparative détaillée <strong>de</strong>s vertus propresaux divers modèles, l’ancienéprouvé <strong>et</strong> le nouveau qui s’annoncecomme voie obligée. Il me paraît préférabled’abor<strong>de</strong>r la question sur unautre terrain.Je soum<strong>et</strong>s que la réforme en coursnous interpelle d’abord, non pas commeé<strong>du</strong>cateurs <strong>et</strong> pédagogues, mais plutôtcomme a<strong>du</strong>ltes ou parents en regard<strong>de</strong>s jeunes générations <strong>et</strong> aussi à titre<strong>de</strong> citoyennes <strong>et</strong> <strong>de</strong> citoyens. Il nousincombe <strong>de</strong> former ces jeunes générationssous l’inspiration d’une conscienceaussi aiguë que possible <strong>du</strong>mon<strong>de</strong> qui sera le leur <strong>et</strong> qui sera différent<strong>de</strong> celui dans lequel nous avonsnous-mêmes vécu. En outre, nous<strong>de</strong>vons former les jeunes en tirantinspiration d’un certain nombre d’aspirationscollectives qu’une immensemajorité d’entre nous partageons. Ilme semble que le nouveau curriculumoffre <strong>de</strong>s possibilités prom<strong>et</strong>teuses, caril s’articule autour d’enjeux essentiels<strong>de</strong> notre société.OBSERVATIONS PRÉLIMINAIRESCes convictions, je m’empresse <strong>de</strong>l’établir, me viennent non seulement,non principalement même, d’uneréflexion abstraite, mais pour beaucoup<strong>de</strong> ma propre expérience d’enseignementuniversitaire <strong>et</strong> <strong>de</strong> monobservation <strong>de</strong>s étudiants <strong>de</strong> baccalauréatqui me sont confiés <strong>de</strong>puis monr<strong>et</strong>our, au début <strong>de</strong> la cinquantaine,au métier <strong>de</strong> professeur, après unevingtaine d’années d’exil dans les tâches<strong>de</strong> gestion. Qu’ai-je donc appris enobservant mes étudiants qui m’amèneaux fortes convictions que j’ai expriméesconcernant les enjeux essentielsque vise la réforme <strong>du</strong> curriculumscolaire?Je trouve mes étudiants très attachants,sentiment indispensable me semble-t-il,à un travail pédagogique le moindrementefficace. Ces jeunes gens sontattachants par leur jeunesse même –<strong>de</strong> plus en plus ils sont nés au tournant<strong>de</strong>s années 80 – <strong>et</strong> par leur évi<strong>de</strong>ntappétit d’apprendre <strong>et</strong> <strong>de</strong> découvrir. Cequi me les rend aussi attachants, c’est<strong>de</strong> les savoir appelés à vivre dans unmon<strong>de</strong> dont je pense ne pas mésestimerles difficultés, les exigences, lespérils mêmes qu’il leur réservera.(comme l’ont démontré les événementssurvenus le 11 septembre 2001 auxÉtats-Unis). Ces jeunes gens vivrontleur vie a<strong>du</strong>lte, leur vie <strong>de</strong> citoyen, leurvie <strong>de</strong> travail, dans le XXI e siècle. Je melaisse parfois aller à évoquer le cadrechronologique <strong>de</strong> ces vies encorejeunes; ils se r<strong>et</strong>rouveront pour <strong>de</strong> bonsur le marché <strong>du</strong> travail vers 2003-2005 <strong>et</strong>, hormis une catastrophe indivi<strong>du</strong>elleou collective, ils mèneront unevie active jusque vers 2035 ou 2040.puis, si la longévité moyenne actuellese maintient, ils pourront se rendrejusqu’aux années 2060 ou même plustard encore.C<strong>et</strong>te perspective est à la fois préoccupante<strong>et</strong> enthousiasmante. Au vu <strong>de</strong>sprodigieux progrès scientifiques <strong>et</strong> technologiques<strong>du</strong> XX e siècle, le XXI e laisseentrevoir encore plus <strong>de</strong> merveilles –<strong>et</strong> aussi <strong>de</strong>s problèmes éthiques, sociaux<strong>et</strong> politiques d’une gran<strong>de</strong> complexitéqui accompagneront fatalement lesdéveloppements scientifiques <strong>et</strong> technologiques.Je ne peux me refuser à lalancinante question <strong>de</strong> savoir si nosjeunes sont bien préparés à affronterce qui les attend.Si je poursuis mon observation <strong>de</strong> mesétudiants, d’autres caractéristiquesressortent. Ainsi, quand je donne moncours (obligatoire!) sur l’évolution <strong>de</strong>la pensée politique en Occi<strong>de</strong>nt, <strong>de</strong>l’Antiquité grecque à la Renaissance, jeles plonge dans un univers historiqueavec lequel, le plus souvent, ils sontfort peu familiers. Certains considèrentles jeunes comme « paléophobes » ouà tout le moins souverainement indifférentsau passé. Cela les démarque<strong>de</strong>s gens <strong>de</strong> ma génération qui, passéspar le cours classique, ont été contraints<strong>de</strong> fréquenter, pendant <strong>de</strong> longuesannées, un passé très ancien <strong>et</strong> dont illeur reste, à <strong>de</strong>s <strong>de</strong>grés variables <strong>de</strong>précision <strong>et</strong> d’abondance, <strong>de</strong>s référencesqui perm<strong>et</strong>tent quelque peu <strong>de</strong>relativiser le mon<strong>de</strong> actuel. Parailleurs, quand je donne un cours surle système politique <strong>de</strong>s États-Unis <strong>et</strong>que je leur suggère <strong>de</strong>s adresses <strong>de</strong>sites Intern<strong>et</strong> où ils peuvent apprendre<strong>de</strong>s choses utiles, je les sens impatientsd’y aller voir par eux-mêmes. Mais,souvent, ils me reviennent avec un sentiment<strong>de</strong> désarroi provoqué par levéritable Niagara d’informations <strong>et</strong> <strong>de</strong>données infiniment diverses qu’ils ontdéclenché en consultant ces sites. Ouencore, quand je traite <strong>de</strong> la conception<strong>de</strong> la démocratie chez les Grecs ou<strong>de</strong> la laborieuse émergence <strong>de</strong> la notion<strong>de</strong> droits naturels <strong>de</strong> la personne,je sens mes étudiants hésiter entrele scepticisme <strong>et</strong> le relativisme quisemblent naturellement les habiter <strong>et</strong>l’aspiration à <strong>de</strong>s certitu<strong>de</strong>s soli<strong>de</strong>s enmatière éthique ou politique.J’observe aussi, quand je lis les travauxou les examens <strong>de</strong> mes étudiants, queleur maîtrise <strong>de</strong> la langue écrite(comme, <strong>du</strong> reste, <strong>de</strong> la langue parlée),si elle n’est en général pas catastrophique,manque souvent <strong>de</strong> force<strong>et</strong> d’aisance. Par ailleurs, la connaissance<strong>de</strong> l’anglais <strong>de</strong> ces étudiants <strong>du</strong>premier cycle universitaire est parfoisbien limitée <strong>et</strong> la connaissance d’un<strong>et</strong>roisième langue est très rare; pourtant,dans le mon<strong>de</strong> où ils vivent <strong>et</strong> travaillent,<strong>de</strong> telles compétences seronttrès importantes.Quand j’analyse ces observations queme procure ma pratique <strong>de</strong> l’enseignementuniversitaire, un certain nombre<strong>de</strong> questions me viennent à l’esprit. Parexemple, l’enseignement que mes collègues<strong>et</strong> moi-même dispensons (<strong>et</strong>aussi celui qui l’a précédé, au primaire,secondaire <strong>et</strong> collégial) ai<strong>de</strong>-t-ilces étudiants à s’approprier, à connaître,à comprendre <strong>et</strong> à apprécierl’héritage culturel qui est le leur? C<strong>et</strong>enseignement leur fait-il acquérir <strong>de</strong>smétho<strong>de</strong>s d’analyse, d’appropriation <strong>et</strong><strong>de</strong> traitement <strong>de</strong> l’information, <strong>de</strong> synthèse,<strong>de</strong> communication efficaces? C<strong>et</strong>enseignement accroît-il leur maîtrise<strong>de</strong>s langages (langues naturelles,mathématiques <strong>et</strong> métho<strong>de</strong>s quantitatives,technologie <strong>de</strong> l’information <strong>et</strong><strong>de</strong> la communication)?Ces questions me préoccupent carelles me paraissent être au cœur <strong>de</strong>l’activité é<strong>du</strong>cative <strong>et</strong> aussi parce qu’ellesnous recon<strong>du</strong>isent directement auxenjeux essentiels <strong>de</strong> la réforme <strong>de</strong>l’é<strong>du</strong>cation.Je veux dire par là qu’il faut concevoir lamise en œuvre <strong>du</strong> nouveau curriculum<strong>du</strong> secondaire à la lumière <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux filsVIE 6 <strong>Vie</strong> pédagogique 121, novembre-décembre2001

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