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- 4 -LYON-LAENNECMaîtres <strong>de</strong> Conférences <strong><strong>de</strong>s</strong> Universités – Praticiens Hospitaliers (hors c<strong>la</strong>sse)HADJ AISSA AoumeurLE BARS DidierPhysiologieBiophysique et Mé<strong>de</strong>cine nucléaireMaîtres <strong>de</strong> Conférences <strong><strong>de</strong>s</strong> Universités – Praticiens Hospitaliers (1 ère c<strong>la</strong>sse)BONTEMPS LaurenceBRICCA GiampieroBRUN YvonneCHALABREYSSE LaraCUCHERAT MichelDELAUNAY-HOUZARD Cl.DUBOURG LaurenceJOUVET AnneLINA GérardLORNAGE-SANTAMARIA J.PERSAT FlorencePHARABOZ-JOLY M. OdileRITTER JacquesSTREICHENBERGER NathalieBiophysique et Mé<strong>de</strong>cine nucléairePharmacologie fondamentaleBactériologie-Virologie, Hygiène hospital.Anatomie et cytologie pathologiquesBiostatis., Inform. méd. et Tech. comm.Biophysique et Mé<strong>de</strong>cine nucléairePhysiologieAnatomie et cytologie pathologiquesBactériologie-Virologie, Hygiène hospital.Biologie, Mé<strong>de</strong>cine développ. et Reprod.Parasitologie et mycologieBiochimie et Biologie molécu<strong>la</strong>ireEpidémiologie, Economie <strong>de</strong> <strong>la</strong> SantéAnatomie et cytologie pathologiquesMaîtres <strong>de</strong> Conférences <strong><strong>de</strong>s</strong> Universités – Praticiens Hospitaliers (2 ème c<strong>la</strong>sse)ADER FlorenceCHARBOTEL BarbaraCIMAZ Ro<strong>la</strong>ndDORET MurielMEYRONET DavidTARDY-GUIDOLLET VéroniqueTRISTAN AnneMa<strong>la</strong>dies infectieusesMé<strong>de</strong>cine et santé au travailPédiatrieGynécologie-ObstétriqueAnatomie et cytologie pathologiquesBiochimie et Biologie molécu<strong>la</strong>ireBactériologie-Virologie23 enseignants MCU-PH / Rangs B Année universitaire 2008-2009


- 5 -COMPOSANTES DE L’U.C.B.L.Prési<strong>de</strong>nt Lionel COLLETUFR MathématiquesM. GoldmanUFR Sciences <strong>de</strong> <strong>la</strong> TerreP. HantzpergueUFR PhysiqueMme S. FleckUFR Chimie-BiochimieMme H. ParrotUFR BiologieH. PinonObservatoireB. Gui<strong>de</strong>rdoniUFR Informatique :S. AkkoucheUFR STAPS :C. CollignonUFR Génie électrique et <strong><strong>de</strong>s</strong>procédés : G. ClercUFR Mécanique H.BenhadidISTILJ. LietoUFR Mé<strong>de</strong>cineLyon Grange B<strong>la</strong>ncheX. MartinUFR Mé<strong>de</strong>cineLyon-NordJ. EtienneUFR Mé<strong>de</strong>cineLyon RTH LaennecP. CochatUFR Mé<strong>de</strong>cineLyon-SudF-N. GillyUFR OdontologieO. RobinInstitut <strong><strong>de</strong>s</strong> SciencesPharmaceutiques et BiologiquesF. LocherInstitut <strong><strong>de</strong>s</strong> Techniques <strong>de</strong>RéadaptationY. MatillonDépartement <strong>de</strong> BiologieHumaineP. FargeISFAJ-C. AugrosIUT AC. CouletIUT BR. LamartineComité <strong>de</strong> Coordination <strong><strong>de</strong>s</strong>Etu<strong><strong>de</strong>s</strong> Médicales(C.C.E.M.)F-N. Gilly


- 6 -SERMENT D’HIPPOCRATEAu moment où je vais exercer le métier pour lequel j'ai eu le privilège d'être formée,Je jure <strong>de</strong> gar<strong>de</strong>r intacte <strong>la</strong> science qui m'a été transmise, et <strong>de</strong> <strong>la</strong> perfectionnerautant que me le permettront mon temps et mes forces.Je jure <strong>de</strong> toujours avoir le courage <strong>de</strong> douter <strong>de</strong> moi-même et <strong>de</strong> ne jamais prendre,pour mes patients, le risque d'une erreur qui pourrait mettre leur santé en péril ; je ferai ensorte d'obtenir, par tous les moyens possibles, <strong>la</strong> confirmation d'un diagnostic dont je neserais pas absolument sûre.Je jure <strong>de</strong> ne jamais divulguer, hors le cas où <strong>la</strong> loi m'en fera un <strong>de</strong>voir, les secretsdont j'aurais pu avoir connaissance dans l'exercice <strong>de</strong> ma profession.Je jure <strong>de</strong> toujours me souvenir qu'un patient n'est pas seulement un caspathologique, mais aussi un être humain qui souffre. À celui qui entrera chez moi pourchercher simplement un réconfort, ce réconfort ne sera jamais refusé.Je n'oublierai pas que <strong>la</strong> prévention est <strong>la</strong> meilleure <strong><strong>de</strong>s</strong> mé<strong>de</strong>cines ; et si je n'yparticipe pas moi-même, je jure <strong>de</strong> ne jamais considérer l'action préventive avec négligenceou hostilité.Je prends acte <strong>de</strong> ce que <strong>la</strong> Mé<strong>de</strong>cine <strong>de</strong>vient <strong>de</strong> plus en plus sociale à <strong>la</strong> fois parcequ'elle a pour <strong><strong>de</strong>s</strong>tinataire <strong>la</strong> collectivité humaine toute entière et parce quelle peutdésormais être exercée sous <strong><strong>de</strong>s</strong> formes non individuelles. Si je ne pratique pas moi-mêmeces formes sociales et collectives <strong>de</strong> l'exercice <strong>de</strong> mon Art, je jure <strong>de</strong> ne pas entrer en luttecontre ceux qui les auront choisies.Qu'à <strong>la</strong> fin <strong>de</strong> ma vie, je puisse me dire que je n'ai jamais enfreint ce serment.(Version du Serment d’Hippocrate réactualisée, utilisée au Canada <strong>de</strong>puis 1982).


- 7 -COMPOSITION DU JURYPRESIDENT :ASSESSEURS :Monsieur le Professeur Pierre BRETONMonsieur le Professeur Gilles FREYERMonsieur le Professeur A<strong>la</strong>in MOREAUMadame le Docteur Marie FLORI


- 8 -REMERCIEMENTS


- 9 -A NOTRE PRESIDENT DU JURY :Monsieur le Professeur Pierre BRETONNous lui sommes très reconnaissants <strong>de</strong> l’honneur qu’il nous fait en acceptant <strong>de</strong> prési<strong>de</strong>rnotre Jury <strong>de</strong> Thèse.Nous le remercions <strong>de</strong> l’intérêt qu’il porte à notre travail et du soutien qu’il nous apporte.Nous lui adressons notre profon<strong>de</strong> gratitu<strong>de</strong> pour sa sollicitu<strong>de</strong> passée et actuelle.Nous espérons que <strong>la</strong> qualité <strong>de</strong> ce travail ne trahira pas <strong>la</strong> confiance qu’il nous a accordée.Qu’il soit assuré <strong>de</strong> notre profond respect.A MADAME ET MESSIEURS LES MEMBRES DE NOTRE JURY :Monsieur le Professeur Gilles FREYER :Nous lui sommes très reconnaissants <strong>de</strong> son enseignement et <strong>de</strong> son accompagnementpassés.Nous le remercions <strong>de</strong> sa bienveil<strong>la</strong>nce en ayant accepté <strong>de</strong> faire partie <strong>de</strong> notre jury.Qu’il soit assuré <strong>de</strong> notre gratitu<strong>de</strong>.Monsieur le Professeur A<strong>la</strong>in MOREAU :Nous sommes très sensibles à l’honneur qu’il nous fait en siégeant à notre jury.Qu’il soit assuré <strong>de</strong> notre profond respect.Madame le Docteur Marie FLORIMerci pour ton soutien passé et récent.Merci pour ta patience et tes conseils.Merci d’avoir accepté <strong>de</strong> diriger cette thèse et <strong>de</strong> m’avoir supportée tout au long <strong>de</strong> cette<strong>la</strong>borieuse aventure.Que ce travail soit à <strong>la</strong> hauteur <strong>de</strong> ta confiance.


- 10 -A TOUS LES MEDECINS QUE J’AI INTERROGES POUR CETTE ETUDEMerci <strong>de</strong> votre accueil, du temps et <strong>de</strong> <strong>la</strong> confiance que vous m’avez accordés.Ce travail est un peu le vôtre, je souhaite qu’il ne trahisse pas vos témoignages.AUX MEDECINS ET AUX PERSONNES QUI NOUS ONT AIDES POUR CETRAVAILA Madame le Docteur M. CHAPDANIELMerci pour vos soins, votre écoute, votre confiance.A Monsieur le Docteur A. BARDETA Madame E. LASSERREA Madame le Docteur N. BEZA Madame H. CORDIERAux documentalistes <strong>de</strong> <strong>la</strong> Bibliothèque Universitaire <strong>de</strong> <strong>la</strong> Faculté RockefellerAUX MEDECINS QUI M’ONT AIDEE ET SOUTENUEA Monsieur le Docteur J-M. GUYONVous aviez raison, j’ai réussi. Mais sans vous, je n’y serai jamais arrivée. Merci pour tout.A Monsieur le Docteur J. LAHLOUMerci pour votre écoute.A MES MAITRES DE STAGESA Monsieur le Docteur P. DEBATA Madame le Docteur C. PARISET et à Monsieur le Docteur J-F. BRANTUSA Madame le Docteur A-M. BERNELLIN-PALLEA Monsieur le Docteur E. BROSSET et ses associésA Monsieur le Docteur A. MALFOY et à Monsieur le Docteur M. SERRAILLEA Madame le Docteur B. COMTEA Monsieur le Docteur J. CHALETA Monsieur le Docteur J-P. LASSAIGNE et à Madame le Docteur C. PETREAux mé<strong>de</strong>cins ma<strong>la</strong><strong><strong>de</strong>s</strong>Aux mé<strong>de</strong>cins


- 11 -A Julien, mon époux, mon confi<strong>de</strong>ntMerci <strong>de</strong> croire en moi quand je ne crois plus en rien. Merci d’être soli<strong>de</strong> quand j’ai peur <strong>de</strong>tout. Merci <strong>de</strong> savoir tout ce que j’ignore.Merci d’être à mes côtés et <strong>de</strong> m’aimer comme je suis.Merci <strong>de</strong> partager avec moi cette passion, si compliquée à gérer dans notre quotidien, <strong>la</strong>mé<strong>de</strong>cine.Que mon amour soit digne <strong>de</strong> tes preuves d’amour.A Léo, notre filsMon cœur, mon amour.A mes parentsMerci <strong>de</strong> votre amour et <strong>de</strong> votre soutien quotidiens.Merci <strong>de</strong> m’avoir permis d’arriver jusqu’ici, malgré les difficultés <strong>de</strong> <strong>la</strong> vie.Merci d’être aussi fiers <strong>de</strong> moi.Que mon amour puisse vous apporter autant <strong>de</strong> bonheur que vous m’en avez donné.A mes beaux-parents et leurs parents, à Mireille et Yves et leurs enfantsMerci <strong>de</strong> votre affection et <strong>de</strong> votre ai<strong>de</strong> si précieuse.A C<strong>la</strong>ire et BernardMerci <strong>de</strong> m’avoir communiqué votre amour pour votre métier.Merci, Bernard, <strong>de</strong> m’avoir permis <strong>de</strong> partager ces moments magiques au bloc lors <strong>de</strong> tesgar<strong><strong>de</strong>s</strong>.Merci C<strong>la</strong>ire pour ton affection, ta confiance.Merci <strong>de</strong> m’avoir ouvert votre porte et d’avoir permis à notre re<strong>la</strong>tion <strong>de</strong> se créer.A MA FAMILLEA ceux que je ne vois pas assez souvent, à ceux que je ne verrai plus.


- 12 -A MES AMISA Camille, Brigitte, Delphine et FrançoiseMerci pour votre amitié soli<strong>de</strong> et fidèle <strong>de</strong>puis le collège.Merci pour votre soutien dans les moments difficiles.A Ma MarionMerci d’être là, ma sœur d’amitié, ma confi<strong>de</strong>nte.Ne change pas.A C<strong>la</strong>ire, Cyrille et AlexandreMerci pour votre amitié et votre soutien <strong>de</strong>puis notre inoubliable semestre à Bourg.Merci pour votre écoute, votre affection et votre patience.A Patou, Marion, Olive et MarinMerci pour les formidables moments passés ensemble, et pour ceux à venir.A SandraA notre douce amitié. Je ne suis pas loin.A Paul et FredA vous, avec qui j’ai si souvent refait le mon<strong>de</strong>…A Gaëlle, Helen et Mé<strong>la</strong>nieMerci pour votre soutien tout au long <strong>de</strong> nos étu<strong><strong>de</strong>s</strong> et au-<strong>de</strong>là.A JulieMerci pour ton sourire si communicatif.A LaurenceMerci d’avoir été là quand il fal<strong>la</strong>it, d’avoir été mon amie.A ElsaMerci pour ton amitié <strong>de</strong> toujours. A ma peintre préférée.A ChristineMerci pour nos fou-rires, merci d’être si forte. A notre amitié.A LizeMerci pour ta joie et ton sourire <strong>de</strong> lumière.A GérardA celui qui m’a poussée à faire ce beau métier.A VOS CONJOINTS ET VOS ENFANTS (à C<strong>la</strong>ra tout particulièrement).A mes co-internes : Anne-Sophie, Vanessa, Byeul-A, Jeanne et Sophie.


- 13 -LISTE DES ACRONYMESAINS : Anti- Inf<strong>la</strong>mmatoires Non StéroïdiensBMA : British Medical AssociationCARMF : Caisse Autonome <strong>de</strong> Retraite <strong><strong>de</strong>s</strong> Mé<strong>de</strong>cins <strong>de</strong> FranceEBM : Evi<strong>de</strong>nce Based MedicineECG : ElectrocardiogrammeFMC : Formation Médicale ContinueHAD : Hospitalisation A DomicileHAS : Haute Autorité <strong>de</strong> SantéHBPM : Héparine <strong>de</strong> Bas Poids Molécu<strong>la</strong>ireHTA : Hyper Tension ArtérielleINPES : Institut National <strong>de</strong> Prévention et d’Education pour <strong>la</strong> SantéIPP : inhibiteurs <strong>de</strong> <strong>la</strong> Pompe à ProtonsOMS : Organisation Mondiale <strong>de</strong> <strong>la</strong> SantéPAMC : Praticiens et Auxiliaires Médicaux ConventionnésPNAIMM : Programme d’Ai<strong>de</strong> Intégrale au Mé<strong>de</strong>cin Ma<strong>la</strong><strong>de</strong> (Barcelone)PNAMQ : Programme d’Ai<strong>de</strong> aux Mé<strong>de</strong>cins du QuébecSASPAS : Stages Ambu<strong>la</strong>toires en Soins Primaires en Autonomie SuperviséeSP : Stage chez le PraticienURML : Union Régionale <strong><strong>de</strong>s</strong> Mé<strong>de</strong>cins LibérauxVTT : Vélo Tout TerrainWONCA : World Organisation of National Colleges, Aca<strong>de</strong>mies and Aca<strong>de</strong>micAssociations of General Practitioners.


- 14 -TABLE DES MATIERESLISTE DES ENSEIGNANTSSERMENT D’HIPPOCRATECOMPOSITION DU JURYREMERCIEMENTSLISTE DES ACRONYMESTABLE DES MATIERESTABLE DES ILLUSTRATIONSINTRODUCTIONCHAPITRE I : LA SANTE DES MEDECINS ET LES MEDECINS MALADESPages26781314192022A. DEFINITIONS1. La santé2. Le mé<strong>de</strong>cin généraliste et le mé<strong>de</strong>cin libéral3. Le patient4. Le mé<strong>de</strong>cin traitant2323242425B. LE PARCOURS DE SOINS DES MEDECINS1. La santé <strong><strong>de</strong>s</strong> mé<strong>de</strong>cins et leur attitu<strong>de</strong> préventive2. Mé<strong>de</strong>cin traitant3. Auto-prescription4. Mé<strong>de</strong>cine du travail2525272828C. L’ARRET DE TRAVAIL CHEZ LES MEDECINS1. Les mé<strong>de</strong>cins s’arrêtent-ils <strong>de</strong> travailler ?1.1. Les congés ma<strong>la</strong>die1.2. Les Congés maternité292929302. Les organismes <strong>de</strong> prévoyance <strong><strong>de</strong>s</strong> mé<strong>de</strong>cins libéraux français2.1. L’Assurance Ma<strong>la</strong>die2.2. La CARMF2.3. Les assurances privées2.4. Les ai<strong><strong>de</strong>s</strong> confraternelles3131323233


- 15 -D. LA RELATION ENTRE LE MEDECIN PATIENT ET LESCONFRERES SOIGNANTS1. L’accès aux confrères2. La difficile re<strong>la</strong>tion thérapeutique : difficultés bi<strong>la</strong>térales333334CHAPITRE II : PARTICIPANTS ET METHODES37A. TYPE D’ETUDE38B. SELECTION DES MEDECINS INTERROGES1. Critères d’inclusion et d’exclusion2. Recherche <strong>de</strong> <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion cible3. Mé<strong>de</strong>cins généralistes Maîtres <strong>de</strong> Stage4. Recrutement <strong><strong>de</strong>s</strong> mé<strong>de</strong>cins généralistes volontaires pour participer àl’étu<strong>de</strong>5. Détermination du nombre <strong>de</strong> mé<strong>de</strong>cins à inclure6. Constitution <strong>de</strong> l’échantillon final38383940404141C. ENTRETIENS1. Entretiens semi-dirigés2. Gui<strong>de</strong> d’entretien3. Test du gui<strong>de</strong> d’entretien4. Réalisation <strong><strong>de</strong>s</strong> entretiens5. Retranscription et analyse <strong><strong>de</strong>s</strong> données424242434344CHAPITRE III : RESULTATS45A. ORGANISATION DES ENTRETIENS1. Réponses au courriel2. Déroulement <strong><strong>de</strong>s</strong> entretiens2.1. Lieu2.2. Durée4646484848


- 16 -B. POPULATION ETUDIEE1. Age2. Sexe3. Type d’exercice4. Lieu d’exercice5. Nombreuses activités secondaires actuelles494950505050C. ANALYSE ENTRETIEN PAR ENTRETIEN1. Docteur A2. Docteur B3. Docteur C4. Docteur D5. Docteur E6. Docteur F7. Docteur G8. Docteur H9. Docteur I10. Docteur J11. Docteur K12. Docteur L13. Docteur M14. Docteur N15. Docteur O50505253545555575859606162646566D. ANALYSE THEMATIQUE TRANSVERSALE1. Etat <strong>de</strong> santé et suivi médical1.1 Antécé<strong>de</strong>nts1.2 Problèmes <strong>de</strong> santé récents et traitements actuels1.3 Prise en charge globale <strong>de</strong> <strong>la</strong> santé1.4 Représentations <strong>de</strong> <strong>la</strong> prise en charge <strong>de</strong> leur santé1.5 Représentations en tant que patient2. Parcours <strong>de</strong> patient2.1 Dé<strong>la</strong>i <strong>de</strong> prise en charge <strong><strong>de</strong>s</strong> pathologies sélectionnées2.2 Accès à un réseau <strong>de</strong> professionnels connus2.3 Auto-prescription et auto-diagnostic6868686969717172727273


- 17 -2.4 Prise en charge atypique ?2.5 Suivi2.6 Arrêt <strong>de</strong> travail3. Vécu <strong>de</strong> <strong>la</strong> ma<strong>la</strong>die3.1 Réactions face à <strong>la</strong> pathologie3.2 Vécu du statut <strong>de</strong> ma<strong>la</strong><strong>de</strong>3.3 Annonce d’un diagnostic ou attente <strong>de</strong> résultats3.4 Re<strong>la</strong>tions avec le personnel soignant3.5 Vécu <strong>de</strong> l’arrêt <strong>de</strong> travail par le mé<strong>de</strong>cin3.6 Réactions <strong>de</strong> <strong>la</strong> patientèle4. Conséquences sur <strong>la</strong> pratique médicale4.1 Pour les mêmes pathologies4.2 Pour <strong>la</strong> pratique générale4.3 Assurances privées complémentaires4.4 Modification du rythme <strong>de</strong> travail4.5 Prise en charge d’autres mé<strong>de</strong>cins73747474747576767777787879808080CHAPITRE IV : DISCUSSION82A. LIMITES DE L’ETUDE1. Biais liés à <strong>la</strong> méthodologie1.1 Biais <strong>de</strong> sélection et <strong>de</strong> recrutement1.2 Petite taille <strong>de</strong> l’échantillon1.3 Pathologies recrutées et sélectionnées2. Critiques concernant <strong>la</strong> réalisation <strong><strong>de</strong>s</strong> entretiens3. Critiques concernant les informations recueillies3.1 Les honoraires3.2 Les assurances3.3 Questions mal formulées4. Limites <strong>de</strong> l’analyse <strong><strong>de</strong>s</strong> données8383838384858586878788B. LE MEDECIN FACE A LA MALADIE : LA SOLITUDE DU MEDECIN1. Comportement face à <strong>la</strong> ma<strong>la</strong>die :1.1 Se soigner soi-même1.2 Un accès privilégié aux confrères spécialistes, en aigu1.3 Les mé<strong>de</strong>cins ma<strong>la</strong><strong><strong>de</strong>s</strong> à l’hôpital8888888990


- 18 -1.4 Le tabou et l’isolement du mé<strong>de</strong>cin ma<strong>la</strong><strong>de</strong>2. Les freins à <strong>la</strong> consultation d’un mé<strong>de</strong>cin traitant3. Les difficultés à s’arrêter4. Les conséquences sur <strong>la</strong> pratique5. L’ambivalence <strong><strong>de</strong>s</strong> besoins <strong><strong>de</strong>s</strong> mé<strong>de</strong>cins ma<strong>la</strong><strong><strong>de</strong>s</strong>6. La nécessité d’interlocuteurs objectifs et à l’écoute919293949596C. LES SOLUTIONS A PROPOSER1. Le rôle <strong>de</strong> l’enquête2. Les conseils <strong><strong>de</strong>s</strong> différents auteurs3. Ce qui existe déjà4. Ce que propose l’Ordre <strong><strong>de</strong>s</strong> Mé<strong>de</strong>cins5. Ce qui pourrait être mis en p<strong>la</strong>ce97979899101102CONCLUSIONBIBLIOGRAPHIEANNEXESAnnexe 1 : Courriel <strong>de</strong> recrutementAnnexe 2 : Gui<strong>de</strong> d’entretienAnnexe 3 : Entretiens retranscritsRESUME104109113114115118223


- 19 -TABLE DES ILLUSTRATIONSTABLEAUX :Tableau 1 : Du courriel <strong>de</strong> recrutement aux entretiensTableau 2 : Nombre <strong>de</strong> mé<strong>de</strong>cins interviewés selon les types <strong>de</strong> pathologies retenuesFIGURES :Figure 1 : Pathologies inventoriéesFigure 2 : Lieu <strong><strong>de</strong>s</strong> entretiensFigure 3 : Durée <strong><strong>de</strong>s</strong> entretiens (en minutes) dans l’ordre chronologiqueFigure 4 : Répartition <strong><strong>de</strong>s</strong> mé<strong>de</strong>cins interrogés par catégorie d'âgeFigure 5 : Nombre d'antécé<strong>de</strong>nts <strong><strong>de</strong>s</strong> mé<strong>de</strong>cins interrogésFigure 6 : Déc<strong>la</strong>ration d’un Mé<strong>de</strong>cin Traitant


- 20 -INTRODUCTION


- 21 -INTRODUCTION« La marchan<strong>de</strong> d’éventails s’évente avec ses mains » disent les chinois, quand nousparlons <strong>de</strong> nos « cordonniers mal chaussés ». Mais que dire <strong><strong>de</strong>s</strong> mé<strong>de</strong>cins confrontés à <strong>la</strong>ma<strong>la</strong>die, sont-ils « mal soignés » ?Au travers <strong><strong>de</strong>s</strong> siècles, les mé<strong>de</strong>cins ont souvent eu une conduite proche <strong>de</strong>l’abnégation en soignant au mépris <strong>de</strong> leur vie ou en négligeant leur propre santé au cours<strong><strong>de</strong>s</strong> épidémies, sur <strong><strong>de</strong>s</strong> champs <strong>de</strong> bataille ou en mission dans d’autres continents. Loin <strong>de</strong>ces situations extrêmes, les mé<strong>de</strong>cins écoutent, dépistent, soignent et accompagnent leurspatients au quotidien. Nous avons souhaité étudier <strong>la</strong> manière dont ils vivent leur passage« <strong>de</strong> l’autre côté <strong>de</strong> <strong>la</strong> barrière » lorsqu’ils <strong>de</strong>viennent eux-mêmes patients.Les différents travaux <strong>de</strong> thèse réalisés en France sur ce sujet ont dressé un état <strong><strong>de</strong>s</strong>lieux <strong>de</strong> <strong>la</strong> santé <strong><strong>de</strong>s</strong> mé<strong>de</strong>cins et <strong>de</strong> leurs comportements <strong>de</strong> prévention vis-à-vis d’euxmêmes.Dans le contexte actuel où <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion médicale vieillit et où les jeunes mé<strong>de</strong>cinssont en nombre insuffisant pour les remp<strong>la</strong>cer, <strong>la</strong> santé <strong><strong>de</strong>s</strong> mé<strong>de</strong>cins est une préoccupationréelle. Sur le point <strong>de</strong> <strong>de</strong>venir mé<strong>de</strong>cin généraliste, nous nous sommes naturellementintéressés à ces mé<strong>de</strong>cins en particulier. Comment les mé<strong>de</strong>cins généralistes secomportent-ils face à <strong>la</strong> ma<strong>la</strong>die ? Que ressentent-ils lorsqu’ils endossent le rôle <strong>de</strong> patient ?Quelles conséquences sur leur pratique engendre l’expérience <strong>de</strong> <strong>la</strong> pathologie ?Pour répondre à ces questions, nous avons rencontré et interviewé 15 mé<strong>de</strong>cinsgénéralistes volontaires dans <strong>la</strong> région Rhône-Alpes. Au cours d’entretiens semi-dirigés,nous avons recueilli leurs expériences et leurs réflexions <strong>de</strong> mé<strong>de</strong>cins ayant été ma<strong>la</strong><strong><strong>de</strong>s</strong>.L’ensemble <strong>de</strong> leurs témoignages variés offre un récit très vivant, souvent émouvant etparfois drôle d’une partie <strong>de</strong> leur vie privée. Notre travail s’est enrichi grâce à ce qu’ils ontaccepté <strong>de</strong> nous confier.Dans une première partie, nous présenterons les thèmes abordés dans notre étu<strong>de</strong> à<strong>la</strong> lumière <strong>de</strong> <strong>la</strong> littérature internationale. Puis nous décrirons <strong>la</strong> manière dont nous avonsmené notre étu<strong>de</strong> et préciserons les résultats obtenus. Enfin, nous analyserons nos résultatsen les confrontant à <strong><strong>de</strong>s</strong> ouvrages <strong>de</strong> référence et nous recenserons les solutions à proposerpour améliorer <strong>la</strong> prise en charge <strong><strong>de</strong>s</strong> mé<strong>de</strong>cins ma<strong>la</strong><strong><strong>de</strong>s</strong>.


- 22 -CHAPITRE I


- 23 -CHAPITRE I : LA SANTE DES MEDECINSET LES MEDECINS MALADESA. DEFINITIONS1. La santéLa définition <strong>de</strong> <strong>la</strong> santé idéale est donnée dans le préambule <strong>de</strong> <strong>la</strong> Constitution <strong>de</strong>l’OMS (1) : « La santé est un état <strong>de</strong> complet bien être physique, mental et social et neconsiste pas seulement en une absence <strong>de</strong> ma<strong>la</strong>die ou d’infirmité ». Elle n’a pas étémodifiée <strong>de</strong>puis 1946.Elle se présente plutôt comme un objectif que certains jugeront utopique. On peutpréférer <strong>la</strong> définition <strong>de</strong> <strong>la</strong> santé <strong>de</strong> René Dubos (2) : « Etat physique et mental re<strong>la</strong>tivementexempt <strong>de</strong> gênes et <strong>de</strong> souffrances qui permet à l’individu <strong>de</strong> fonctionner aussi longtempsque possible dans le milieu où le hasard ou le choix l’ont p<strong>la</strong>cé ».Dans La Guérison par l’esprit, S. ZWEIG écrit : « La santé, pour l’homme est unechose naturelle, <strong>la</strong> ma<strong>la</strong>die une chose antinaturelle. Le corps en jouit aussi naturellementque le poumon jouit <strong>de</strong> l’air et l’œil <strong>de</strong> <strong>la</strong> lumière. La santé vit et croît silencieusement enl’homme en même temps que le sentiment général <strong>de</strong> <strong>la</strong> vie. La ma<strong>la</strong>die, au contraire,s’introduit subitement en lui comme une étrangère, se rue à l’improviste sur l’âme effrayée etagite en elle une foule <strong>de</strong> questions ».La santé est une notion re<strong>la</strong>tive qui n’est pas toujours le corol<strong>la</strong>ire <strong>de</strong> l’absence <strong>de</strong>ma<strong>la</strong>die. Des personnes porteuses d’affections diverses sont parfois jugées « en bonnesanté » lorsque leur ma<strong>la</strong>die est contrôlée par un traitement. A contrario, certaines ma<strong>la</strong>diespeuvent rester longtemps asymptomatiques. Des personnes peuvent ainsi se sentir enbonne santé et ne pas l’être réellement. On retrouve cette notion dans les propos <strong>de</strong> RenéLeriche (2) : « La santé est dans le silence <strong><strong>de</strong>s</strong> organes » et <strong>de</strong> Georges Duhamel (3) :« L’état <strong>de</strong> santé est reconnaissable à ceci que le sujet ne songe pas à son corps ».Dans notre étu<strong>de</strong>, le terme <strong>de</strong> santé est souvent utilisé en accord avec ces <strong>de</strong>rnièresdéfinitions. Parfois, il est mis en avant que pour profiter <strong>de</strong> sa bonne santé, il faut avoirconnu <strong>la</strong> ma<strong>la</strong>die , comme le disait Colin d’Harleville (4) : « La santé peut paraître à <strong>la</strong> longueun peu fa<strong>de</strong> ; il faut pour <strong>la</strong> sentir, avoir été ma<strong>la</strong><strong>de</strong> ».


- 24 -2. Le mé<strong>de</strong>cin généraliste et le mé<strong>de</strong>cin libéralLe mé<strong>de</strong>cin généraliste (ou mé<strong>de</strong>cin omnipraticien) est le spécialiste <strong>de</strong> <strong>la</strong> santéassurant le suivi, <strong>la</strong> prévention, les soins et le traitement <strong><strong>de</strong>s</strong> ma<strong>la</strong><strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>de</strong> sa collectivité, dansune vision à long terme <strong>de</strong> <strong>la</strong> santé et du bien-être <strong>de</strong> ceux qui le consultent. Sa surface <strong>de</strong>prise en charge est horizontale, là où les autres spécialités exercent plus dans <strong>la</strong> verticalitéd'un problème médical (2).Lors du congrès <strong>de</strong> <strong>la</strong> WONCA en 2002, les représentants européens <strong>de</strong> <strong>la</strong> spécialité<strong>de</strong> « mé<strong>de</strong>cine générale - mé<strong>de</strong>cine <strong>de</strong> famille » ont proposé cette définition <strong>de</strong> leurprofession: « Les mé<strong>de</strong>cins généralistes - mé<strong>de</strong>cins <strong>de</strong> famille sont les mé<strong>de</strong>cins traitants <strong>de</strong>chaque patient, chargés <strong>de</strong> dispenser <strong><strong>de</strong>s</strong> soins globaux et continus à tous ceux qui lesouhaitent indépendamment <strong>de</strong> leur âge, <strong>de</strong> leur sexe et <strong>de</strong> leur ma<strong>la</strong>die. Ils soignent lespersonnes dans leur contexte familial, communautaire, culturel et toujours dans le respect <strong>de</strong>leur autonomie. Ils acceptent d’avoir également une responsabilité professionnelle <strong>de</strong> santépublique envers leur communauté. Dans <strong>la</strong> négociation <strong><strong>de</strong>s</strong> modalités <strong>de</strong> prise en chargeavec leurs patients, ils intègrent les dimensions physique, psychologique, sociale, culturelleet existentielle, mettant à profit <strong>la</strong> connaissance et <strong>la</strong> confiance engendrées par <strong><strong>de</strong>s</strong> contactsrépétés. Leur activité professionnelle comprend <strong>la</strong> promotion <strong>de</strong> <strong>la</strong> santé, <strong>la</strong> prévention <strong><strong>de</strong>s</strong>ma<strong>la</strong>dies et <strong>la</strong> prestation <strong>de</strong> soins à visée curative et palliative. Ils agissent personnellementou font appel à d’autres professionnels selon les besoins et les ressources disponibles dans<strong>la</strong> communauté, en facilitant si nécessaire l’accès <strong><strong>de</strong>s</strong> patients à ces services ».Une profession libérale est une profession civile non sa<strong>la</strong>riée, exercée par <strong><strong>de</strong>s</strong>personnes ayant un diplôme reconnu dans leur métier, qui a pour objet un travail intellectuel.Ces travailleurs libéraux sont soumis au contrôle d’instances professionnelles et exercentdans le respect <strong><strong>de</strong>s</strong> règles déontologiques (6). Dans le cadre <strong>de</strong> <strong>la</strong> mé<strong>de</strong>cine libérale, lesmé<strong>de</strong>cins sont sous le contrôle <strong>de</strong> l’Ordre <strong><strong>de</strong>s</strong> Mé<strong>de</strong>cins et respectent le Co<strong>de</strong> <strong>de</strong>Déontologie Médicale.3. Le patientLes définitions données par les dictionnaires sont concises. Ainsi, un patient estavant tout « une personne qui consulte un mé<strong>de</strong>cin » (6) ou « une personne qui est l’objetd’un traitement, d’un examen médical; une personne qui subit ou va subir une opérationchirurgicale. Pour un mé<strong>de</strong>cin, ses patients sont ses clients, ses ma<strong>la</strong><strong><strong>de</strong>s</strong> » (3).Au sein <strong>de</strong> <strong>la</strong> re<strong>la</strong>tion patient-mé<strong>de</strong>cin, riche et complexe, on peut observer chez lepatient, en plus <strong>de</strong> sa « patience » inhérente à son statut, certaines réactions (7) :


- 25 -- L’observance : terme pharmacologique désignant une mesure objective du <strong>de</strong>gré <strong>de</strong>conformité <strong>de</strong> ce qui a été pris avec ce qui a été prescrit. On peut quantifier l’observance.Mais en <strong>de</strong>hors d’un contrôle policier, il est difficile <strong>de</strong> <strong>la</strong> connaître précisément. Elle dépend<strong>de</strong> <strong>la</strong> compliance.- La compliance : terme psychologique qui décrit <strong>la</strong> tolérance <strong>de</strong> l’individu à <strong>la</strong> contrainte. Par<strong><strong>de</strong>s</strong> mécanismes plus ou moins conscients, une certaine compliance induit une certaineobservance. Le mé<strong>de</strong>cin adapte son discours à <strong>la</strong> personnalité du patient pour obtenir <strong>la</strong>meilleure observance possible. Ce<strong>la</strong> n’est possible que grâce à l’adhésion du patient.- L’adhésion : terme psychologique qui décrit le <strong>de</strong>gré d’acceptation du traitement par lepatient. L’adhésion risque d’être altérée par <strong>la</strong> survenue d’effets indésirables. En prévenantle patient <strong>de</strong> ceux-ci, on peut espérer une observance optimale.4. Le mé<strong>de</strong>cin traitantLa réforme <strong>de</strong> l’Assurance Ma<strong>la</strong>die adoptée en août 2004 prévoyait notamment quetous les assurés <strong>de</strong> 16 ans et plus déc<strong>la</strong>rent un mé<strong>de</strong>cin traitant avant le 1er juillet 2005 (8).S’adressant aux assurés, l’Assurance Ma<strong>la</strong>die définit ainsi le mé<strong>de</strong>cin traitant comme« celui à qui l’on s’adresse en premier, celui qui vous soigne habituellement, qui vousconnaît bien et a une vision globale <strong>de</strong> votre santé. C’est le mé<strong>de</strong>cin que l’on choisit commeinterlocuteur privilégié. (…) Le mé<strong>de</strong>cin traitant soigne et suit le patient tout au long <strong>de</strong> sessoins et tient à jour son dossier médical. (…) Si nécessaire, il oriente son patient versd'autres soins, vers un mé<strong>de</strong>cin spécialiste ou un service hospitalier. Il recueille lesinformations et les résultats et coordonne le suivi médical. Pour tous les actes médicauxréalisés ou recommandés par le mé<strong>de</strong>cin traitant, le taux <strong>de</strong> remboursement reste i<strong>de</strong>ntique(70% ou 100 % selon les cas)».La plupart <strong>de</strong> nos voisins européens ont adopté un système <strong>de</strong> mé<strong>de</strong>cin traitant :Danemark, Fin<strong>la</strong>n<strong>de</strong>, Norvège, Suè<strong>de</strong>, Italie, Espagne, Royaume-Uni, Ir<strong>la</strong>n<strong>de</strong>, Suisse, Pays-Bas.B. LE PARCOURS DE SOINS DES MEDECINS1. La santé <strong><strong>de</strong>s</strong> mé<strong>de</strong>cins et leur attitu<strong>de</strong> préventiveLes mé<strong>de</strong>cins généralistes sont chargés du suivi <strong>de</strong> <strong>la</strong> santé <strong>de</strong> leurs patients et <strong>de</strong>l’application <strong><strong>de</strong>s</strong> mesures <strong>de</strong> prévention et <strong>de</strong> dépistage auprès <strong>de</strong> <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion. Mais quelleattitu<strong>de</strong> préventive ont-ils envers leur propre santé ? Depuis 1999, une dizaine <strong>de</strong> thèses enFrance se sont intéressées à cette question par le biais <strong>de</strong> questionnaires envoyés par voiepostale en grand nombre à <strong><strong>de</strong>s</strong> mé<strong>de</strong>cins (ayant reçu <strong>de</strong> 178 à 323 réponses). Ces travaux


- 26 -ont permis <strong>de</strong> recueillir <strong>de</strong> nombreuses données dont nous présentons ici une brèvesynthèse.Les mé<strong>de</strong>cins surveillent régulièrement leur tension artérielle : <strong>de</strong>ux tiers d’entre euxdéc<strong>la</strong>rent l’avoir mesurée dans l’année précé<strong>de</strong>nt l’enquête, 80% <strong>de</strong>puis moins <strong>de</strong> 2 ans (9,10, 11, 12, 13 et 14).En France, <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion médicale fume moins que <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion générale, mais lesmé<strong>de</strong>cins français sont les <strong>de</strong>rniers <strong>de</strong> <strong>la</strong> c<strong>la</strong>sse par rapport à leurs confrères européens (9).Le « 5 ème Baromètre Santé Mé<strong>de</strong>cins et Pharmaciens 2003» publié en avril 2005 par l’INPES(15) révèle que <strong>la</strong> prévalence <strong><strong>de</strong>s</strong> mé<strong>de</strong>cins fumeurs a nettement diminué en 10 ans passant<strong>de</strong> 37,9% en 1993 à 28,5% en 2003 (pour une prévalence <strong>de</strong> 32,7% en 2003 dans <strong>la</strong>popu<strong>la</strong>tion générale). La jeune génération semble montrer l’exemple. La tranche d’âge <strong>de</strong> 30à 59 ans fume effectivement moins que <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion générale dans différentes étu<strong><strong>de</strong>s</strong> (9,12, 16 et 17), et même 68% <strong><strong>de</strong>s</strong> moins <strong>de</strong> 40 ans déc<strong>la</strong>rent n’avoir jamais fumé (9). Mais <strong>la</strong>proportion <strong>de</strong> fumeurs augmente avec l’âge <strong><strong>de</strong>s</strong> mé<strong>de</strong>cins (17).Les mé<strong>de</strong>cins français ont une consommation d’alcool proche <strong>de</strong> celle <strong>de</strong> <strong>la</strong>popu<strong>la</strong>tion française, en général. Les étu<strong><strong>de</strong>s</strong> montrent cependant, une certaine conduite àrisque pour environ 10% <strong><strong>de</strong>s</strong> mé<strong>de</strong>cins c<strong>la</strong>ssés parmi les « buveurs excessifs » (9, 17).Les mé<strong>de</strong>cins souffrent <strong>de</strong> surpoids et d’obésité <strong>de</strong> manière équivalente à <strong>la</strong>popu<strong>la</strong>tion française mais plus que <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion <strong><strong>de</strong>s</strong> personnes diplômées <strong>de</strong>l’enseignement supérieur en France. Cependant, on note une tendance à être moins ensurpoids chez les jeunes mé<strong>de</strong>cins et chez les femmes mé<strong>de</strong>cins, alors que les hommesmé<strong>de</strong>cins ont plus <strong>de</strong> problèmes d’obésité par rapport aux Français en général, phénomènes’aggravant avec l’âge (16).Les mé<strong>de</strong>cins français ont globalement une couverture vaccinale (Diphtérie-Tétanos-Poliomyélite, Hépatite B et Tuberculose) à jour. Seule <strong>la</strong> vaccination anti-grippale nonobligatoire est réalisée <strong>de</strong> manière plus aléatoire (9, 11, 12, 13, 14, 15, 16 et 18).En ce qui concerne le dépistage <strong><strong>de</strong>s</strong> cancers, les femmes mé<strong>de</strong>cins sont plutôtassidues. Pour le dépistage du cancer du col <strong>de</strong> l’utérus : environ 80% d’entre elles ont faitréaliser un frottis cervico-vaginal dans les 3 <strong>de</strong>rnières années (9, 10, 11, 12 et 16). Onremarque cependant, un relâchement <strong>de</strong> l’application <strong><strong>de</strong>s</strong> recommandations <strong>de</strong> dépistagechez les femmes mé<strong>de</strong>cins <strong>de</strong> plus <strong>de</strong> 50 ans, qui sont alors moins bien suivies que <strong>la</strong>popu<strong>la</strong>tion féminine française (9 et 17).En ce qui concerne le dépistage du cancer du sein, les femmes mé<strong>de</strong>cins sont plus<strong>de</strong> 75% à être à jour pour <strong>la</strong> réalisation <strong>de</strong> leur mammographies (9, 10, 11, et 16), mais lesplus jeunes d’entre elles (moins <strong>de</strong> 40 ans) ont tendance à commencer très tôt <strong>la</strong> réalisation<strong>de</strong> ces examens (17). En effet, à 30 ans, elles sont 3 fois plus nombreuses à se fairepratiquer une mammographie que dans <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion générale (19).


- 27 -Pour le dépistage du cancer colo-rectal, les données sont très variables d’une étu<strong>de</strong>à l’autre. 15 à 30% <strong><strong>de</strong>s</strong> mé<strong>de</strong>cins interrogés déc<strong>la</strong>rent avoir pratiqué un test Hémocult II®dans les 2 <strong>de</strong>rnières années (9, 16 et 17). Dans <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion générale, ce test a été proposéà environ 1 personne sur 5 dans cette même pério<strong>de</strong>. Dans son étu<strong>de</strong>, Gil<strong>la</strong>rd L. (17) arecensé une proportion <strong>de</strong> mé<strong>de</strong>cins qui avait subi un examen par coloscopie, plusimportante que dans <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion générale.Les hommes mé<strong>de</strong>cins <strong>de</strong> plus <strong>de</strong> 50 ans sont plus <strong>de</strong> 70% à avoir déjà fait doserleur taux <strong>de</strong> PSA dans le cadre du dépistage du cancer <strong>de</strong> <strong>la</strong> prostate (9, 10, 11, 12, 16 et17).Les pathologies pour lesquelles les mé<strong>de</strong>cins sont traités au long cours sont parordre <strong>de</strong> fréquence : une HTA, une dyslipidémie, une autre pathologie cardio-vascu<strong>la</strong>ire etune pathologie rhumatologique. (16). Les pathologies les plus fréquentes citées dans l’étu<strong>de</strong><strong>de</strong> Leroy ML. (18) sont <strong><strong>de</strong>s</strong> lombalgies, <strong><strong>de</strong>s</strong> réactions allergiques cutanées, <strong><strong>de</strong>s</strong> infectionsORL récidivantes, <strong><strong>de</strong>s</strong> troubles gastriques et <strong><strong>de</strong>s</strong> pathologies cardio-vascu<strong>la</strong>ires. Lesmé<strong>de</strong>cins <strong>de</strong> cette étu<strong>de</strong> estiment à 46,5% que ces problèmes <strong>de</strong> santé sont en re<strong>la</strong>tionavec l’exercice <strong>de</strong> leur profession.En conclusion, il semble que <strong>de</strong> manière générale, les mé<strong>de</strong>cins interrogés aient unniveau satisfaisant <strong>de</strong> prévention <strong>de</strong> leur santé. Pourtant, même si plus <strong>de</strong> 75% <strong><strong>de</strong>s</strong>mé<strong>de</strong>cins interrogés sont satisfaits <strong>de</strong> leur état <strong>de</strong> santé et se considèrent même enmeilleure santé que leurs patients (12, 15, 17, 18 et 20), <strong>la</strong> majorité d’entre eux considèrentque <strong>la</strong> prise en charge <strong>de</strong> leur santé et a fortiori <strong>de</strong> <strong>la</strong> prévention <strong>de</strong> leur santé est moinsbonne que celle <strong>de</strong> leurs patients (9, 12, 16 et 18).2. Mé<strong>de</strong>cin traitantUne revue <strong>de</strong> <strong>la</strong> littérature étrangère concernant l’accès <strong><strong>de</strong>s</strong> mé<strong>de</strong>cins au système <strong><strong>de</strong>s</strong>oins a été publiée dans un article <strong>de</strong> juillet 2008 (21). Kay M. et al. y révèlent une gran<strong>de</strong>disparité entre les pays concernant <strong>la</strong> désignation d’un mé<strong>de</strong>cin traitant par les mé<strong>de</strong>cins.L’Angleterre arrive en tête avec un taux <strong>de</strong> déc<strong>la</strong>ration <strong>de</strong> plus <strong>de</strong> 90%. Ceci est l’une<strong><strong>de</strong>s</strong> conséquences <strong>de</strong> <strong>la</strong> publication en 1995 par <strong>la</strong> British Medical Association (BMA) d’unensemble <strong>de</strong> directives sur les responsabilités morales qu’avaient les mé<strong>de</strong>cins envers leursanté, celle <strong>de</strong> leur famille et d’autres mé<strong>de</strong>cins qu’ils ont comme patients (12 et 22). Lesrecommandations <strong>de</strong> <strong>la</strong> BMA préconisent que « tous les mé<strong>de</strong>cins <strong>de</strong>vraient être inscritschez un généraliste ». Forsythe M. et al. ont étudié, 4 ans plus tard, l’adhésion <strong><strong>de</strong>s</strong> mé<strong>de</strong>cinsaux directives <strong>de</strong> <strong>la</strong> BMA et les résultats sont peu encourageants (22). Si 98% <strong><strong>de</strong>s</strong>généralistes et 94% <strong><strong>de</strong>s</strong> spécialistes étaient inscrits chez un confrère, très peu d’entre euxdéc<strong>la</strong>raient être allés le consulter. En Israël, 67% <strong><strong>de</strong>s</strong> mé<strong>de</strong>cins généralistes n’auraient pas<strong>de</strong> mé<strong>de</strong>cin traitant. En Australie, environ <strong>la</strong> moitié <strong><strong>de</strong>s</strong> mé<strong>de</strong>cins avaient un mé<strong>de</strong>cin traitant


- 28 -en 2003. Une étu<strong>de</strong> cata<strong>la</strong>ne <strong>de</strong> 1992 auprès <strong>de</strong> mé<strong>de</strong>cins <strong>de</strong> Barcelone arrivait au mêmeconstat : 49,2% <strong><strong>de</strong>s</strong> mé<strong>de</strong>cins n’avaient ni mé<strong>de</strong>cin traitant ni dossier médical (23). EnSuisse, en 2007, seulement 21% <strong><strong>de</strong>s</strong> mé<strong>de</strong>cins avaient déc<strong>la</strong>ré un mé<strong>de</strong>cin traitant, et peuvont le voir (24).Qu’en est-il en France ? Avant <strong>la</strong> réforme <strong>de</strong> l’Assurance Ma<strong>la</strong>die en 2005 impliquant<strong>la</strong> mise en p<strong>la</strong>ce <strong>de</strong> <strong>la</strong> déc<strong>la</strong>ration d’un mé<strong>de</strong>cin traitant pour chaque assuré <strong>de</strong> plus <strong>de</strong>16 ans, toutes les étu<strong><strong>de</strong>s</strong> donnaient le même résultat : 90% <strong><strong>de</strong>s</strong> mé<strong>de</strong>cins généralistesn’avaient pas <strong>de</strong> mé<strong>de</strong>cin traitant (17, 19 et 25). Fin 2006, l’Assurance Ma<strong>la</strong>die annonçaitque plus <strong>de</strong> 80% <strong><strong>de</strong>s</strong> assurés avaient choisi leur mé<strong>de</strong>cin traitant. À peine 2/3 <strong><strong>de</strong>s</strong> mé<strong>de</strong>cinsavaient rempli leur formu<strong>la</strong>ire <strong>de</strong> déc<strong>la</strong>ration du mé<strong>de</strong>cin traitant. Dans 79% <strong><strong>de</strong>s</strong> cas, ilss’étaient désignés ou avaient choisi un associé (10). Pourtant, dans le travail <strong>de</strong> recherche<strong>de</strong> Corpel M. 54% <strong><strong>de</strong>s</strong> mé<strong>de</strong>cins interrogés ne pensent pas être un bon mé<strong>de</strong>cin pour euxmêmes(16)…3. Auto-prescriptionDe manière logique, les mé<strong>de</strong>cins n’ayant pas <strong>de</strong> mé<strong>de</strong>cin traitant ont <strong>la</strong>rgementrecours à l’auto-prescription. C’est le cas par exemple, <strong><strong>de</strong>s</strong> mé<strong>de</strong>cins généralistes suisses(24), <strong><strong>de</strong>s</strong> mé<strong>de</strong>cins fin<strong>la</strong>ndais (26) <strong>de</strong> manière fréquente, et <strong>de</strong> 75% <strong><strong>de</strong>s</strong> mé<strong>de</strong>cinsnorvégiens (27). Dans l’étu<strong>de</strong> <strong>de</strong> Hem et al. (28), parmi les mé<strong>de</strong>cins norvégiens ayant pris<strong><strong>de</strong>s</strong> médicaments au cours <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>de</strong>rnière année, 90 % déc<strong>la</strong>rent avoir utilisé l’autoprescription.En Suisse, l’étu<strong>de</strong> <strong>de</strong> Schnei<strong>de</strong>r et al. (24) en 2007 montrait que l’automédicationconcernait en premier lieu les antibiotiques, les antalgiques et AINS, <strong>la</strong>contraception orale et les psychotropes. Forsythe M. et al. (22) ont montré que 71% <strong><strong>de</strong>s</strong>généralistes interrogés s’auto-médiquent et ce, dans 10% <strong><strong>de</strong>s</strong> cas pour <strong><strong>de</strong>s</strong> c<strong>la</strong>ssesmédicamenteuses telles que les anxiolytiques, les opiacés et les anti-dépresseurs. Dans uneétu<strong>de</strong> ir<strong>la</strong>ndaise (29), les mé<strong>de</strong>cins utilisaient dans 99% <strong><strong>de</strong>s</strong> cas l’auto-médication ; il estintéressant <strong>de</strong> noter que 73% d’entre eux avouent avoir une expérience négative avec cettepratique (18).En France, le recours à l’auto-médication et à l’auto-prescription d’examenscomplémentaires est presque systématique, en particulier chez les généralistes (7, 25).Etant leur propre mé<strong>de</strong>cin, ils rétorquent que ce<strong>la</strong> « est logique, nous pouvons faire lediagnostic, donc <strong>la</strong> prescription » (7). Dans son étu<strong>de</strong>, Gil<strong>la</strong>rd L. indique que plus d’unmé<strong>de</strong>cin sur <strong>de</strong>ux s’auto-prescrit les examens <strong>de</strong> dépistage, les vaccinations et lestraitements réguliers (17).4. Mé<strong>de</strong>cine du travailEn France, <strong>la</strong> Mé<strong>de</strong>cine du Travail s’applique aux sa<strong>la</strong>riés <strong>de</strong> droit privé et <strong>de</strong> droitpublic ; elle est financée par les cotisations <strong><strong>de</strong>s</strong> employeurs. Pour les sa<strong>la</strong>riés <strong>de</strong> droit public,


- 29 -on distingue <strong>la</strong> fonction publique hospitalière, <strong>la</strong> fonction publique territoriale et <strong>la</strong> fonctionpublique d’état.Dans son ouvrage, Estryn-Béhar M. a réalisé une revue <strong>de</strong> <strong>la</strong> littérature concernantles risques professionnels et <strong>la</strong> santé <strong><strong>de</strong>s</strong> mé<strong>de</strong>cins (30). Elle déplore le manque <strong>de</strong> postes<strong>de</strong> Praticiens <strong><strong>de</strong>s</strong> Hôpitaux en Mé<strong>de</strong>cine du Travail (il en existait moins <strong>de</strong> dix en France en2002) : « Le statut inadapté <strong><strong>de</strong>s</strong> mé<strong>de</strong>cins du travail hospitaliers reflète l’intérêt insuffisantprêté, en France, à <strong>la</strong> prévention. En outre, une mé<strong>de</strong>cine du travail efficace ne peut existerque fondée sur l’intérêt qu’y portent ses bénéficiaires ». En effet, lorsqu’on interroge lesmé<strong>de</strong>cins attachés aux hôpitaux en Mé<strong>de</strong>cine du Travail, ils expriment leurs difficultés àmotiver leurs collègues hospitaliers à venir les rencontrer. Ceci est pourtant une obligationlégale ; <strong><strong>de</strong>s</strong> sanctions administratives pourraient être appliquées à ces mé<strong>de</strong>cins.Estryn-Béhar M. (30) insiste sur le fait que « les mé<strong>de</strong>cins n’ont aucune raison <strong>de</strong> nepas profiter, comme les autres, <strong><strong>de</strong>s</strong> bénéfices <strong>de</strong> <strong>la</strong> prévention primaire, secondaire ettertiaire ».Les mé<strong>de</strong>cins libéraux, par définition, ne sont pas sa<strong>la</strong>riés. Ils ne bénéficient donc, enFrance, d’aucun suivi par <strong>la</strong> Mé<strong>de</strong>cine du Travail. Cependant, en théorie, rien n’empêche unmé<strong>de</strong>cin libéral <strong>de</strong> cotiser auprès <strong>de</strong> <strong>la</strong> Mé<strong>de</strong>cine du Travail et <strong>de</strong> venir consulter un collèguepour le suivi <strong>de</strong> son exposition aux risques professionnels. Ce<strong>la</strong> n’est jamais fait en pratique.En Angleterre, il existe <strong><strong>de</strong>s</strong> services proposant un accueil et <strong><strong>de</strong>s</strong> soins aux mé<strong>de</strong>cins,proches <strong><strong>de</strong>s</strong> services <strong>de</strong> Mé<strong>de</strong>cine du Travail hospitaliers français. 95% <strong><strong>de</strong>s</strong> mé<strong>de</strong>cinsspécialistes hospitaliers en disposent contre seulement 10% <strong><strong>de</strong>s</strong> généralistes libéraux (22). Ilexiste une controverse entre les auteurs à propos <strong><strong>de</strong>s</strong> obstacles à l’accès à ces services.Pour certains, ils souffrent d’un manque <strong>de</strong> confi<strong>de</strong>ntialité et les mé<strong>de</strong>cins ne pourraientdonc pas s’y confier, pour d’autres, ils sont trop peu nombreux et dotés d’un budgetinsuffisant pour être efficaces (31).C. L’ARRET DE TRAVAIL CHEZ LES MEDECINS1. Les mé<strong>de</strong>cins s’arrêtent-ils <strong>de</strong> travailler ?1.1 Les congés ma<strong>la</strong>dieDans son article, « Les mé<strong>de</strong>cins ne peuvent pas se soigner eux-mêmes » (32),Scally G. se réfère à une vaste étu<strong>de</strong> menée à Londres auprès <strong>de</strong> mé<strong>de</strong>cins généralistes ethospitaliers (33). Il y est mentionné que les mé<strong>de</strong>cins, une fois ma<strong>la</strong><strong><strong>de</strong>s</strong>, prennent moins <strong>de</strong>congés ma<strong>la</strong>die que les autres professionnels, à niveau d’étu<strong><strong>de</strong>s</strong> comparable. Une étu<strong>de</strong>menée en Angleterre suite à cet article, révèle que moins <strong>de</strong> <strong>la</strong> moitié <strong><strong>de</strong>s</strong> mé<strong>de</strong>cins


- 30 -interrogés ont pris <strong><strong>de</strong>s</strong> congés ma<strong>la</strong>die au cours <strong><strong>de</strong>s</strong> 2 <strong>de</strong>rnières années. Ceux qui se sontarrêtés ont pris entre 1 à 5 jours <strong>de</strong> congés ma<strong>la</strong>die, ce qui est <strong>la</strong>rgement inférieur aunombre <strong>de</strong> jours d’arrêt <strong>de</strong> travail chez les autres travailleurs. Cette tendance est connue eta fait l’objet <strong>de</strong> nombreuses publications d’abord à l’étranger, puis plus récemment enFrance (10, 17, 18, 20, 25).Cette « culture du travail » est retrouvée dans plusieurs pays. Ainsi, en Fin<strong>la</strong>n<strong>de</strong>, lesmé<strong>de</strong>cins prennent moins <strong>de</strong> congés ma<strong>la</strong>die que <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion générale (26), les femmesmé<strong>de</strong>cins en prennent plus que les hommes et les jeunes mé<strong>de</strong>cins plus que leurs aînés. EnAngleterre, il semble exister un contrat moral entre les différents associés d’un cabinet <strong>de</strong>mé<strong>de</strong>cine générale, poussant les mé<strong>de</strong>cins à ne s’arrêter que dans <strong><strong>de</strong>s</strong> cas extrêmes (34).Un sens du <strong>de</strong>voir envers les patients et les collègues est évoqué par les mé<strong>de</strong>cinsinterrogés pour expliquer leur présence au travail malgré une ma<strong>la</strong>die ; ils atten<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> leurscollègues <strong>la</strong> même attitu<strong>de</strong>. Une étu<strong>de</strong> norvégienne menée auprès <strong>de</strong> 1476 mé<strong>de</strong>cinsmontre également que 80% <strong><strong>de</strong>s</strong> mé<strong>de</strong>cins travaillent malgré <strong>la</strong> ma<strong>la</strong>die (35). Ils admettentne pas avoir pris d’arrêt <strong>de</strong> travail pour un problème <strong>de</strong> santé qui aurait donné lieu à <strong>la</strong>prescription d’un arrêt ma<strong>la</strong>die pour un <strong>de</strong> leurs patients. 50% <strong><strong>de</strong>s</strong> mé<strong>de</strong>cins interrogésdisent même avoir travaillé alors qu’ils étaient atteints d’une ma<strong>la</strong>die infectieuse, ce que lesauteurs jugent potentiellement dangereux pour eux mais également pour les patients. Il est ànoter que dans cette étu<strong>de</strong>, les mé<strong>de</strong>cins hospitaliers ont un nombre <strong>de</strong> jours <strong>de</strong> congésma<strong>la</strong>die supérieur à celui <strong><strong>de</strong>s</strong> mé<strong>de</strong>cins libéraux.En France, les conduites <strong><strong>de</strong>s</strong> mé<strong>de</strong>cins en cas <strong>de</strong> ma<strong>la</strong>die sont jugées <strong>la</strong>rgementirrationnelles par le Dr Levasseur G. (25). Elle rappelle que pour les mé<strong>de</strong>cins bretons,l’absence d’arrêt <strong>de</strong> travail est <strong>la</strong> règle. Elle invoque <strong>la</strong> faible protection sociale du mé<strong>de</strong>cinen cas d’arrêt <strong>de</strong> travail <strong>de</strong> courte durée et les contraintes financières liées à l’entrepriselibérale pour expliquer ce comportement. Une étu<strong>de</strong> menée auprès <strong>de</strong> 200 généralistesfrançais a montré que les mé<strong>de</strong>cins généralistes, à l’instar <strong>de</strong> toutes les professionslibérales, répugnent à s’arrêter. 81% <strong><strong>de</strong>s</strong> mé<strong>de</strong>cins interrogés ne s’accor<strong>de</strong>nt pas d’arrêt <strong>de</strong>travail, alors qu’ils le prescriraient à un patient subissant le même état pathologique (7).1.2 Les Congés maternitéDans son ouvrage, Estryn-Béhar M. (30) consacre un chapitre aux difficultésspécifiques <strong><strong>de</strong>s</strong> femmes mé<strong>de</strong>cins. Elle cite <strong>de</strong> nombreuses étu<strong><strong>de</strong>s</strong> concernant les congésmaternité <strong>de</strong> ses consoeurs à l’étranger et en France.En Angleterre, les mé<strong>de</strong>cins hospitaliers déc<strong>la</strong>raient avoir été en arrêt <strong>de</strong> travail pourune durée médiane <strong>de</strong> 6 semaines en post-partum ; 72% n’avaient pris aucun arrêt avantl’accouchement (36). Les femmes mé<strong>de</strong>cins exerçant en hôpital universitaire bénéficient


- 31 -d’un congé maternité <strong>de</strong> 6 semaines en moyenne. Cependant, seulement 15% <strong>de</strong> cesinstitutions possè<strong>de</strong>nt un crèche pour les enfants <strong><strong>de</strong>s</strong> mé<strong>de</strong>cins. (37).Au Canada, les sa<strong>la</strong>riées ont toutes droit à un congé maternité payé <strong>de</strong> 20 semaines.Mais dans une étu<strong>de</strong> nationale portant sur 419 femmes chirurgiens, 74,7% d’entre ellesn’avaient pu bénéficier <strong>de</strong> cet arrêt dans leur établissement (38).En France, <strong>la</strong> légis<strong>la</strong>tion du travail s’applique aux mé<strong>de</strong>cins sa<strong>la</strong>riées, avec unminimum <strong>de</strong> 16 semaines <strong>de</strong> congés maternité payés. Mais pour les femmes en exercicelibéral, <strong>la</strong> situation est plus précaire. Les prestations en espèces ont été améliorées (cf ci<strong><strong>de</strong>s</strong>sous)mais on constate que <strong>la</strong> poursuite <strong>de</strong> l’activité professionnelle au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong> <strong>la</strong>36 ème semaine d’aménorrhée est fréquente. Un arrêt <strong>de</strong> travail au cours <strong>de</strong> <strong>la</strong> grossesse aété prescrit à 22% <strong><strong>de</strong>s</strong> femmes généralistes, contre 67% <strong><strong>de</strong>s</strong> femmes dans <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tiongénérale (39).2. Les organismes <strong>de</strong> prévoyance <strong><strong>de</strong>s</strong> mé<strong>de</strong>cins libéraux français2.1 L’Assurance Ma<strong>la</strong>dieLes travailleurs sa<strong>la</strong>riés relèvent du régime général d’Assurance Ma<strong>la</strong>die et sontaffiliés à <strong>la</strong> caisse d’Assurance Ma<strong>la</strong>die <strong>de</strong> leur lieu <strong>de</strong> domicile. À ce titre, ils bénéficient <strong><strong>de</strong>s</strong>prestations assurances ma<strong>la</strong>die, maternité, invalidité, décès et acci<strong>de</strong>nts du travail -ma<strong>la</strong>dies professionnelles, sous réserve <strong>de</strong> justifier d’un certain nombre d’heures <strong>de</strong> travailsa<strong>la</strong>rié, ou d’un certain montant <strong>de</strong> cotisations (40).Les mé<strong>de</strong>cins généralistes libéraux, en tant que praticiens conventionnés, relèvent durégime d’Assurance Ma<strong>la</strong>die <strong><strong>de</strong>s</strong> Praticiens et Auxiliaires Médicaux Conventionnés (ourégime PAMC). Ils sont affiliés à <strong>la</strong> Caisse d’Assurance Ma<strong>la</strong>die dont dépend leur lieud’exercice. À ce titre, ils bénéficient du remboursement <strong>de</strong> leurs soins médicaux, duversement d’in<strong>de</strong>mnités ou d’allocations en cas <strong>de</strong> congé maternité, paternité ou d’adoption,du capital décès. Ils n’ont pas droit à <strong><strong>de</strong>s</strong> in<strong>de</strong>mnités journalières en cas d’arrêt <strong>de</strong> travailpour ma<strong>la</strong>die, ni aux prestations <strong><strong>de</strong>s</strong> assurances invalidité et acci<strong>de</strong>nt du travail. Ils peuvent,s’ils le souhaitent, souscrire auprès <strong>de</strong> leur caisse d’Assurance Ma<strong>la</strong>die une assurancevolontaire complémentaire contre le risque acci<strong>de</strong>nts du travail - ma<strong>la</strong>dies professionnelles.En cas <strong>de</strong> congé maternité ou d’adoption, <strong>la</strong> femme mé<strong>de</strong>cin perçoit une allocationforfaitaire <strong>de</strong> repos maternel (d’un montant <strong>de</strong> 2 773 €) pour compenser <strong>la</strong> diminutiond’activité. Sous réserve <strong>de</strong> cessation d’activité professionnelle pendant une durée minimum<strong>de</strong> 8 semaines, elle peut percevoir, <strong>de</strong> plus, une in<strong>de</strong>mnité journalière forfaitaire (<strong>de</strong> 42,22 €).


- 32 -2.2 La CARMFL’affiliation à <strong>la</strong> Caisse Autonome <strong>de</strong> Retraite <strong><strong>de</strong>s</strong> Mé<strong>de</strong>cins <strong>de</strong> France (CARMF) estobligatoire pour tout mé<strong>de</strong>cin titu<strong>la</strong>ire du Diplôme <strong>de</strong> Docteur en Mé<strong>de</strong>cine, inscrit au Conseil<strong>de</strong> l’Ordre et exerçant une activité libérale. Le mé<strong>de</strong>cin doit cotiser à 3 régimes <strong>de</strong>retraites (le régime <strong>de</strong> base, le régime complémentaire vieillesse et le régime <strong><strong>de</strong>s</strong> AllocationsSupplémentaires <strong>de</strong> Vieillesse), à un régime <strong>de</strong> prévoyance (le régime Invalidité - Décès) età un régime d’Allocation <strong>de</strong> remp<strong>la</strong>cement <strong>de</strong> revenu si le mé<strong>de</strong>cin est conventionné.En cas <strong>de</strong> cessation d’activité pour cause <strong>de</strong> ma<strong>la</strong>die ou d’acci<strong>de</strong>nt, le régimed’incapacité temporaire <strong>de</strong> <strong>la</strong> CARMF, dans le cadre du régime <strong>de</strong> prévoyance assure unein<strong>de</strong>mnité journalière <strong>de</strong> 87,90 € par jour, à compter du 91ème jour d'arrêt <strong>de</strong> travail (41). Ladurée <strong><strong>de</strong>s</strong> versements peut se prolonger jusqu’à 36 mois consécutifs ou discontinus (en cas<strong>de</strong> rechute) pour les mé<strong>de</strong>cins <strong>de</strong> moins <strong>de</strong> 60 ans. Au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong> 36 mois d’arrêt ma<strong>la</strong>die etpour les mé<strong>de</strong>cins <strong>de</strong> plus <strong>de</strong> 60 ans, le versement <strong><strong>de</strong>s</strong> in<strong>de</strong>mnités suit d’autres modalitésque nous n’abor<strong>de</strong>rons pas ici.Dans ses messages aux cotisants, <strong>la</strong> CARMF rappelle qu’elle « n’est pas une caissed'assurance ma<strong>la</strong>die. (…) Une couverture complémentaire est indispensable ».2.3 Les assurances privéesIl existe <strong>de</strong> très nombreuses compagnies d’assurances privées, que nous ne citeronspas ici, proposant <strong><strong>de</strong>s</strong> contrats d’assurances complémentaires très divers.De manière quasi-systématique, les mé<strong>de</strong>cins possè<strong>de</strong>nt une assuranceResponsabilité Civile Professionnelle garantissant les conséquences pécuniairessusceptibles d’être encourues dans le cadre <strong>de</strong> leur profession.Il leur est fortement conseillé <strong>de</strong> souscrire un contrat <strong>de</strong> prévoyance et <strong>de</strong>complémentaire santé (mutuelle) pour couvrir les risques qui ne sont pas pris en charge parl’Assurance Ma<strong>la</strong>die et <strong>la</strong> CARMF. Il en existe <strong>de</strong> nombreux. La loi "Ma<strong>de</strong>lin" du 11 février1994 re<strong>la</strong>tive à l'initiative et à l'entreprise individuelle simplifie les formalités administratives.Elle offre <strong>la</strong> possibilité <strong>de</strong> déduire du bénéfice imposable les cotisations versées chaqueannée. Les différents contrats "loi Ma<strong>de</strong>lin" peuvent concerner <strong>la</strong> complémentaire santé, lesin<strong>de</strong>mnités journalières en cas d’arrêt <strong>de</strong> travail, les rentes en cas d’invalidité ou <strong>de</strong>dépendance, les rentes-éducation en cas <strong>de</strong> décès, les pensions pour le conjoint et lescompléments <strong>de</strong> retraite.La plupart <strong><strong>de</strong>s</strong> compagnies d’assurances <strong>de</strong>man<strong>de</strong>nt à leurs futurs adhérents <strong>de</strong>remplir un questionnaire concernant leur santé et parfois <strong>de</strong> subir un examen biologiqueet/ou clinique avant d’accepter <strong>de</strong> les assurer. Selon les compagnies, les assurés peuvent sevoir refuser <strong>la</strong> prise en charge d’un type <strong>de</strong> pathologies pour lequel ils ont déjà <strong><strong>de</strong>s</strong>


- 33 -antécé<strong>de</strong>nts médicaux (par exemple : un antécé<strong>de</strong>nt d’entorse cervicale au cours d’unacci<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> voiture peut être à l’origine d’un refus d’assurance pour l’ensemble du rachis <strong>de</strong>l’assuré).2.4 Les ai<strong><strong>de</strong>s</strong> confraternellesLes mé<strong>de</strong>cins peuvent bénéficier d’ai<strong><strong>de</strong>s</strong> supplémentaires dans un cadreconfraternel.Ainsi, ils peuvent souscrire un contrat d'entrai<strong>de</strong>, passé directement entre plusieursconfrères, appelé tontine. Les tontines sont souvent créées au sein <strong><strong>de</strong>s</strong> groupes <strong>de</strong>mé<strong>de</strong>cins d’un secteur <strong>de</strong> gar<strong>de</strong>. Chaque membre accepte, dans le cadre d’un contrat signé,<strong>de</strong> verser l’équivalent du montant d’une consultation (C = 22 €) par jour à un collègue enarrêt ma<strong>la</strong>die durant une certaine pério<strong>de</strong> (1 à 3 mois) pour compenser sa perte <strong>de</strong> revenus.Le contrat stipule les modalités au cas où différents mé<strong>de</strong>cins du groupe seraient ma<strong>la</strong><strong><strong>de</strong>s</strong>en même temps. Les tontines sont créées à l’initiative d’un groupe <strong>de</strong> confrères et sontassez rares.Dans le même esprit confraternel, l’Ordre <strong><strong>de</strong>s</strong> Mé<strong>de</strong>cins propose <strong><strong>de</strong>s</strong> ai<strong><strong>de</strong>s</strong> auxmé<strong>de</strong>cins en difficulté. Au niveau national, l’Ordre peut financer une partie <strong><strong>de</strong>s</strong> étu<strong><strong>de</strong>s</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong>enfants <strong><strong>de</strong>s</strong> mé<strong>de</strong>cins en difficulté ou décédés. Au niveau départemental, les conseillersordinaux départementaux peuvent avoir connaissance <strong>de</strong> difficultés médicales,psychologiques ou financières <strong>de</strong> confrères, par le biais <strong>de</strong> signalements le plus souvent.Lors <strong><strong>de</strong>s</strong> réunions mensuelles, ils exposent le cas <strong>de</strong> ces mé<strong>de</strong>cins et un soutien peut êtredécidé après enquête. Ces décisions ordinales départementales ne sont pas publiées <strong>de</strong>manière officielle.D. LA RELATION ENTRE LE MEDECIN PATIENT ET LES CONFRERESSOIGNANTS1. L’accès aux confrèresLorsque les mé<strong>de</strong>cins généralistes <strong>de</strong>man<strong>de</strong>nt un avis à un confrère, <strong>la</strong> plupart <strong><strong>de</strong>s</strong>étu<strong><strong>de</strong>s</strong> montrent qu’ ils se tournent majoritairement vers un spécialiste d’organes (7, 16, 17,18). Mais les mé<strong>de</strong>cins généralistes, comme nous l’avons vu plus haut, se soignent d’abordseuls. Dans l’étu<strong>de</strong> <strong>de</strong> Gil<strong>la</strong>rd L., on note que face à un événement médical préoccupant,1 mé<strong>de</strong>cin sur 4 n’a ni pris conseil auprès d’un collègue, ni fait réaliser d’examenscomplémentaires (17). Dans le cadre d’une ma<strong>la</strong>die chronique, un quart <strong><strong>de</strong>s</strong> mé<strong>de</strong>cinsgénéralistes s’adressent à un confrère généraliste (14). Mais les généralistes sont ceux qui


- 34 -<strong>la</strong>issent le moins souvent le choix du traitement à leur mé<strong>de</strong>cin traitant. Ils sont 27% à lefaire, contre 57% <strong><strong>de</strong>s</strong> spécialistes d’organes et 50% <strong><strong>de</strong>s</strong> chirurgiens (16).Dans un sondage mené auprès <strong>de</strong> 200 généralistes français, on note qu’ils sontcertes 72% à se tourner spontanément vers un confrère spécialiste lorsqu’ils doiventconsulter (7). Mais, avant tout, ils sont 84% à consulter d’abord un ami ou une connaissance(61% un ami spécialiste et 23% un ami généraliste). Dans une étu<strong>de</strong> norvégienne, RosvoldEO. note que malgré leur préférence a priori à se faire soigner par un mé<strong>de</strong>cin avec lequelils n’ont aucun lien, ils sont nombreux à faire appel à leur entourage médical proche en cas<strong>de</strong> problème <strong>de</strong> santé (27). Les mé<strong>de</strong>cins en général sont tentés <strong>de</strong> prendre un avis,souvent auprès d’un proche , <strong>de</strong> manière informelle.Au sein <strong>de</strong> ce qu’appellent les anglo-saxons <strong><strong>de</strong>s</strong> consultations <strong>de</strong> couloir : « corridorconsultation » ou « hallway consultation », il existe ainsi un risque élevé d’erreurdiagnostique, <strong>de</strong> mécontentement du mé<strong>de</strong>cin patient et <strong>de</strong> difficultés re<strong>la</strong>tionnelles entreconfrères (42). On trouve dans <strong>la</strong> littérature <strong>de</strong> nombreux exemples <strong>de</strong> ces consultationsinformelles entre 2 portes, sans examen clinique, qui peuvent se terminer <strong>de</strong> manièredramatique. Ainsi, Stou<strong>de</strong>mire A. rapporte l’histoire d’un mé<strong>de</strong>cin <strong>de</strong> 30 ans qui se p<strong>la</strong>ignait<strong>de</strong> douleurs épigastriques. Après en avoir parlé à un collègue dans le couloir, qui luiconseille <strong>de</strong> prendre un traitement par IPP, puis <strong>de</strong> voir un spécialiste si les symptômespersistent, le jeune mé<strong>de</strong>cin a <strong>de</strong>mandé son avis à un collègue gastro-entérologue, encoreau milieu d’un couloir. Ce <strong>de</strong>rnier lui donne <strong><strong>de</strong>s</strong> conseils thérapeutiques informels et luipropose <strong>de</strong> prendre ren<strong>de</strong>z-vous pour le voir dans son cabinet. 24 heures plus tard, lemé<strong>de</strong>cin mourrait d’une rupture d’anévrysme <strong>de</strong> l’aorte (42). Moins grave, mais tout autantcaractéristique, l’histoire rapportée par Capozzi JD. dans son article illustre <strong>la</strong> difficulté <strong><strong>de</strong>s</strong>mé<strong>de</strong>cins à prendre leur p<strong>la</strong>ce <strong>de</strong> patient (43). Un chirurgien orthopédique est sollicité par uncollègue mé<strong>de</strong>cin dans le couloir <strong>de</strong> l’hôpital pour un avis concernant une douleur <strong>de</strong> sonépaule. Le spécialiste lui propose <strong>de</strong> l’examiner. Le mé<strong>de</strong>cin préfère essayer <strong><strong>de</strong>s</strong> exercices<strong>de</strong> rééducation dans un premier temps. Quelques semaines plus tard, le mé<strong>de</strong>cin rencontrel’orthopédiste, furieux contre lui, car son problème n’était pas scapu<strong>la</strong>ire mais lié à unehernie discale.2. La difficile re<strong>la</strong>tion thérapeutique : difficultés bi<strong>la</strong>téralesLa re<strong>la</strong>tion thérapeutique entre un mé<strong>de</strong>cin <strong>de</strong>venant patient et son collègue <strong>de</strong>vantle soigner est un véritable défi pour les 2 protagonistes à en croire <strong>la</strong> littérature.Du point <strong>de</strong> vue du mé<strong>de</strong>cin patient : Les étu<strong><strong>de</strong>s</strong> montrent que les mé<strong>de</strong>cins sontpeu disposés à admettre <strong>la</strong> ma<strong>la</strong>die (44). Ils ont peur que <strong>la</strong> révé<strong>la</strong>tion <strong>de</strong> leurs problèmes <strong><strong>de</strong>s</strong>anté les ruine professionnellement ou financièrement. Ils ont besoin <strong>de</strong> conserver uneimage <strong>de</strong> succès, <strong>de</strong> force et <strong>de</strong> stabilité pour eux-mêmes, mais aussi pour leurs patients et


- 35 -le reste <strong>de</strong> <strong>la</strong> société (42). Les mé<strong>de</strong>cins semblent croire qu’ils sont immunisés contre lespathologies qu’ils traitent, sortes <strong>de</strong> « <strong>de</strong>mi-dieux ». Marzuk PM. les décrit comme leschampions du déni <strong>de</strong> leur ma<strong>la</strong>die (45). « Les mé<strong>de</strong>cins, semble-t-il, sont faits pour soignerles personnes ma<strong>la</strong><strong><strong>de</strong>s</strong>. Ils n’ont simplement pas le droit d’être ma<strong>la</strong><strong><strong>de</strong>s</strong> à leur tour », dit-il.Ils mettent à distance leurs symptômes et quand ils finissent par admettre leur état <strong>de</strong>ma<strong>la</strong><strong><strong>de</strong>s</strong>, ils peuvent ressentir un sentiment d’échec et se sentir même coupables d’êtrema<strong>la</strong><strong><strong>de</strong>s</strong> (45, 46).Ils ont donc du mal à accepter leur rôle <strong>de</strong> patient. Ils craignent <strong>de</strong> manière généraleun manque <strong>de</strong> confi<strong>de</strong>ntialité (42, 44, 45 et 46). Ils ont peur <strong>de</strong> déranger leurs confrères enprésentant <strong><strong>de</strong>s</strong> symptômes qu’ils <strong>de</strong>vraient être en mesure <strong>de</strong> gérer seuls (42). Ils n’abor<strong>de</strong>ntpas facilement les questions d’ordre privé et ne parlent pas <strong>de</strong> leur auto-médication <strong>de</strong>manière spontanée (46). Ceci peut retar<strong>de</strong>r un diagnostic et entraîner <strong><strong>de</strong>s</strong> complications <strong>de</strong><strong>la</strong> ma<strong>la</strong>die.Les mé<strong>de</strong>cins ne bénéficient pas <strong>de</strong> leurs connaissances médicales pour leur propreprise en charge. Leur savoir peut même être un frein à l’acceptation du diagnostic final ;certains parlent d’une perte <strong>de</strong> naïveté, qu’ils envient à leurs patients (47). Une étu<strong>de</strong>fin<strong>la</strong>ndaise démontre que le taux <strong>de</strong> mortalité <strong><strong>de</strong>s</strong> mé<strong>de</strong>cins pour différentes pathologiesn’est pas plus faible que celui <strong>de</strong> <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion générale. Leurs connaissances ne semblentpas leur apporter une protection supplémentaire (48).Lors d’une hospitalisation, ils risquent <strong>de</strong> souffrir du « VIP syndrome » qu’ils peuventcréer d’ailleurs eux-mêmes. Cette expression, souvent utilisée par les auteurs anglo-saxons,désigne un cercle vicieux engendré par : un accès aux soins par le mé<strong>de</strong>cin patient, dans<strong><strong>de</strong>s</strong> circonstances spéciales, sous <strong>la</strong> pression <strong>de</strong> confrères, donnant droit à un statut <strong>de</strong>ma<strong>la</strong><strong>de</strong> extra-ordinaire, avec certains privilèges. Le personnel soignant réagit alors <strong>de</strong>manière hostile à <strong>la</strong> présence <strong>de</strong> ce patient considéré comme une personne importante, àpart, et va se mettre en retrait vis-à-vis <strong>de</strong> ce ma<strong>la</strong><strong>de</strong>. Face à cet isolement, le mé<strong>de</strong>cinpatient peut alors réagir avec une esca<strong>la</strong><strong>de</strong> <strong>de</strong> <strong>de</strong>man<strong><strong>de</strong>s</strong>, qui accentuent l’hostilité <strong>de</strong>l’équipe. Ce « VIP syndrome » est le plus souvent associé à un échec thérapeutique ou àune mauvaise adhésion au traitement (42).Du point <strong>de</strong> vue du mé<strong>de</strong>cin soignant : Etre choisi comme mé<strong>de</strong>cin par un autremé<strong>de</strong>cin peut être gratifiant et en même temps oppressant. Le soignant va ressentir unensemble d’émotions contradictoires. Il risque d’être dérangé par <strong>la</strong> preuve vivante que lesmé<strong>de</strong>cins ne sont pas protégés <strong>de</strong> <strong>la</strong> ma<strong>la</strong>die, représentée par son confrère ma<strong>la</strong><strong>de</strong>. Lare<strong>la</strong>tion thérapeutique peut alors être altérée par ce contre-transfert négatif (46). Le mé<strong>de</strong>cinsoignant peut ressentir <strong>de</strong> <strong>la</strong> colère à l’idée d’avoir un surcroît <strong>de</strong> travail en <strong>de</strong>vant soigner uncollègue (qui, sous-entendu, pourrait se soigner seul). La notion <strong>de</strong> gratuité confraternelle au


- 36 -long cours ou un manque <strong>de</strong> c<strong>la</strong>rté vis-à-vis <strong><strong>de</strong>s</strong> honoraires à payer peut rendre <strong>la</strong> re<strong>la</strong>tionentre ces <strong>de</strong>ux mé<strong>de</strong>cins encore plus gênante (42).Les soignants ont peur d’être jugés par leurs confrères. Ils redoutent que leurscompétences et que leurs pratiques soient scrutées et jaugées (45). Ils craignent <strong>de</strong> ne pasêtre à <strong>la</strong> hauteur et <strong>de</strong> ne pas être dignes <strong>de</strong> <strong>la</strong> confiance <strong>de</strong> leurs confrères ma<strong>la</strong><strong><strong>de</strong>s</strong> (7).Le risque est <strong>de</strong> penser que le mé<strong>de</strong>cin ma<strong>la</strong><strong>de</strong> connaît tout <strong>de</strong> sa pathologie et <strong><strong>de</strong>s</strong>on traitement et <strong>de</strong> le considérer plus apte qu’un patient <strong>la</strong>mbda à affronter sa ma<strong>la</strong>die. « Lemieux semble <strong>de</strong> traiter ces mé<strong>de</strong>cins ma<strong>la</strong><strong><strong>de</strong>s</strong> comme <strong><strong>de</strong>s</strong> patients » (45).Dans cette revue <strong>de</strong> <strong>la</strong> littérature, nous n’avons trouvé que trois étu<strong><strong>de</strong>s</strong> qualitatives,étrangères, dont une seule réalisée sur <strong>la</strong> base d’entretiens. Il n’existe a priori pas d’étu<strong>de</strong>qualitative française sur l’attitu<strong>de</strong> et le vécu <strong>de</strong> mé<strong>de</strong>cins ayant été ma<strong>la</strong><strong><strong>de</strong>s</strong>.Nous avons choisi d’étudier ce sujet en al<strong>la</strong>nt rencontrer <strong><strong>de</strong>s</strong> mé<strong>de</strong>cins volontairespour parler <strong>de</strong> leurs problèmes <strong>de</strong> santé au cours d’entretiens semi- dirigés.


- 37 -CHAPITRE II


- 38 -CHAPITRE II : PARTICIPANTS ET METHODESA. TYPE D’ETUDEIl s’agit d’une étu<strong>de</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong>criptive <strong>de</strong> type qualitatif. Elle consiste en <strong>la</strong> réalisationd’entretiens semi- dirigés auprès <strong>de</strong> mé<strong>de</strong>cins généralistes volontaires pour participer à cetteétu<strong>de</strong>.Les différents travaux <strong>de</strong> thèse déjà réalisés en France sur le sujet ont tous étéeffectués à l’ai<strong>de</strong> <strong>de</strong> questionnaires anonymes acheminés par voie postale. Cesquestionnaires s’adressaient à <strong><strong>de</strong>s</strong> mé<strong>de</strong>cins ma<strong>la</strong><strong><strong>de</strong>s</strong> ou non ma<strong>la</strong><strong><strong>de</strong>s</strong>, à l’ai<strong>de</strong> <strong>de</strong> questionsfermées ou à choix multiples le plus souvent. Pour parler d’un sujet aussi sensible que celui<strong>de</strong> <strong>la</strong> santé <strong>de</strong> mé<strong>de</strong>cins <strong>de</strong>venus eux-mêmes patients, nous avons choisi volontairement <strong>de</strong>les rencontrer et <strong>de</strong> réaliser <strong><strong>de</strong>s</strong> entretiens enregistrés.B. SELECTION DES MEDECINS INTERROGES1. Critères d’inclusion et d’exclusionPour participer à notre étu<strong>de</strong>, les mé<strong>de</strong>cins <strong>de</strong>vaient répondre aux critères d’inclusionsuivants :- être mé<strong>de</strong>cin généraliste en exercice, installé lors <strong>de</strong> <strong>la</strong> survenue <strong>de</strong> <strong>la</strong> pathologieretenue pour l’étu<strong>de</strong>, sans distinction d’âge ou <strong>de</strong> sexe ;- avoir souffert d’une ou <strong>de</strong> plusieurs pathologies organiques (toutes spécialitésconfondues), résolue(s) ou découverte(s) <strong>de</strong>puis plus <strong>de</strong> 3 mois.Nous avons exclu les mé<strong>de</strong>cins répondant aux critères d’exclusion suivants :- mé<strong>de</strong>cin souffrant d’une pathologie aiguë en cours ou d’une pathologie chroniquedécouverte <strong>de</strong>puis moins <strong>de</strong> 3 mois afin <strong>de</strong> pouvoir discuter du vécu <strong>de</strong> <strong>la</strong> ma<strong>la</strong>die avec unecertaine distance ;- mé<strong>de</strong>cin en arrêt <strong>de</strong> travail actuellement, pour les mêmes raisons que citéesprécé<strong>de</strong>mment ;- mé<strong>de</strong>cin ayant souffert d’une pathologie survenue avant son instal<strong>la</strong>tion ; en effet,notre étu<strong>de</strong> s’intéresse aux mé<strong>de</strong>cins généralistes installés, l’étu<strong>de</strong> du suivi <strong><strong>de</strong>s</strong> internes ou<strong><strong>de</strong>s</strong> mé<strong>de</strong>cins remp<strong>la</strong>çants correspondrait à un autre type <strong>de</strong> travail ;- mé<strong>de</strong>cin souffrant <strong>de</strong> pathologies psychiatriques : l’étu<strong>de</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong> pathologiespsychiatriques ou psychologiques (comme le burn- out <strong><strong>de</strong>s</strong> mé<strong>de</strong>cins qui a fait l’objet <strong>de</strong>nombreux travaux), est un sujet <strong>de</strong> recherche différent du nôtre et nécessite un gui<strong>de</strong>d’entretien différent <strong>de</strong> celui <strong>de</strong> notre étu<strong>de</strong> ;


- 39 -- mé<strong>de</strong>cins membres du jury, pour <strong><strong>de</strong>s</strong> raisons d’impartialité lors <strong>de</strong> l’évaluation <strong>de</strong>notre travail et pour ne pas ajouter <strong><strong>de</strong>s</strong> biais <strong>de</strong> sélection en interrogeant <strong><strong>de</strong>s</strong> mé<strong>de</strong>cinsconnaissant <strong>la</strong> problématique et l’hypothèse <strong>de</strong> départ <strong>de</strong> notre travail <strong>de</strong> recherche.2. Recherche <strong>de</strong> <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion ciblePour notre étu<strong>de</strong>, nous avions besoin <strong>de</strong> contacter le maximum <strong>de</strong> mé<strong>de</strong>cinsgénéralistes <strong>de</strong> manière simple et non intrusive afin <strong>de</strong> leur présenter brièvement l’objet <strong>de</strong>notre étu<strong>de</strong>, les y intéresser et les inviter à se porter volontaires pour nous parler <strong>de</strong> leurséventuels problèmes <strong>de</strong> santé.Pour ce<strong>la</strong>, nous voulions utiliser <strong>la</strong> voie électronique. Cette technique permetd’envoyer un maximum <strong>de</strong> courriels au même moment à une popu<strong>la</strong>tion définie, <strong>de</strong> contacter<strong><strong>de</strong>s</strong> professionnels déjà surchargés <strong>de</strong> travail sans trop les déranger (pas d’interruptiond’une consultation par le téléphone, pas d’enveloppe à ouvrir ni <strong>de</strong> document à renvoyer,…),<strong>de</strong> <strong>la</strong>isser l’interlocuteur libre <strong>de</strong> lire le message quand il le désire et <strong>de</strong> répondre <strong>de</strong> manièresimple et rapi<strong>de</strong> s’il le souhaite.Nous avons adressé un courrier à l’URML Rhône-Alpes et au Conseil départemental<strong>de</strong> l’Ordre <strong><strong>de</strong>s</strong> mé<strong>de</strong>cins du Rhône pour leur présenter notre projet <strong>de</strong> thèse.Nous avons été reçus par le Docteur Nicole BEZ, Prési<strong>de</strong>nte du Bureau du Conseil<strong><strong>de</strong>s</strong> Généralistes à l’URML Rhône-Alpes, qui s’est montrée très intéressée par notre sujet.Elle nous a proposé <strong>de</strong> publier un encart dans <strong>la</strong> « Newsletter » <strong>de</strong> l’URML et d’ajouter unparagraphe concernant notre étu<strong>de</strong> dans le bulletin du mois <strong>de</strong> juin 2008. Elle ne pouvaitmalheureusement pas inclure notre lettre <strong>de</strong> recrutement (Annexe 1) dans l’envoi du bulletindu mois <strong>de</strong> février 2008. Le dé<strong>la</strong>i <strong>de</strong> 4 mois étant trop important, nous n’avons pas pu choisirce moyen <strong>de</strong> communication avec les mé<strong>de</strong>cins généralistes du Rhône.Nous n’avons pas pu obtenir <strong>de</strong> liste exhaustive <strong><strong>de</strong>s</strong> adresses électroniques <strong>de</strong>l’ensemble <strong><strong>de</strong>s</strong> généralistes du Rhône ni par l’intermédiaire du Conseil départemental <strong>de</strong>l’Ordre <strong><strong>de</strong>s</strong> Mé<strong>de</strong>cins, ni par celui <strong>de</strong> l’URML, car cette liste n’existe pas. En effet, d’aprèsl’expérience <strong>de</strong> ces <strong>de</strong>ux organismes, l’email n’est pas encore un moyen <strong>de</strong> communicationutilisé massivement ou régulièrement par les mé<strong>de</strong>cins généralistes.Lors <strong>de</strong> nos discussions, notamment avec le Dr N.BEZ, plusieurs autres idées ont étéémises pour atteindre une popu<strong>la</strong>tion <strong>de</strong> mé<strong>de</strong>cins ma<strong>la</strong><strong><strong>de</strong>s</strong> susceptibles <strong>de</strong> répondre ànotre enquête. La première était <strong>de</strong> contacter <strong>de</strong> manière anonyme, par l’intermédiaire d’unresponsable <strong>de</strong> <strong>la</strong> CARMF, les mé<strong>de</strong>cins bénéficiant d’in<strong>de</strong>mnités journalières et <strong>de</strong> leursoumettre notre sujet d’étu<strong>de</strong>. Cette hypothèse a été exclue, car selon nos critèresd’exclusion, nous ne souhaitions pas interroger <strong><strong>de</strong>s</strong> mé<strong>de</strong>cins en cours <strong>de</strong> traitement. La<strong>de</strong>uxième idée consistait à contacter, par l’intermédiaire <strong><strong>de</strong>s</strong> responsables <strong><strong>de</strong>s</strong> secteurs <strong>de</strong>


- 40 -gar<strong><strong>de</strong>s</strong>, les mé<strong>de</strong>cins n’effectuant plus <strong>de</strong> gar<strong><strong>de</strong>s</strong> pour <strong><strong>de</strong>s</strong> raisons <strong>de</strong> santé. Pour lesmêmes raisons que précé<strong>de</strong>mment, nous n’avons pas choisi cette métho<strong>de</strong>.Nous avons finalement décidé <strong>de</strong> contacter le Secrétariat du Troisième Cycle <strong>de</strong>Mé<strong>de</strong>cine Générale <strong>de</strong> <strong>la</strong> Faculté <strong>de</strong> Lyon qui a pu mettre à notre disposition une « mailingliste » <strong>de</strong> mé<strong>de</strong>cins.3. Mé<strong>de</strong>cins généralistes Maîtres <strong>de</strong> StagePour recruter les Mé<strong>de</strong>cins généralistes volontaires, nous avons utilisé <strong>la</strong> liste <strong><strong>de</strong>s</strong>Mé<strong>de</strong>cins généralistes- Maîtres <strong>de</strong> Stage <strong>de</strong> <strong>la</strong> Faculté <strong>de</strong> Mé<strong>de</strong>cine <strong>de</strong> Lyon.Ces mé<strong>de</strong>cins accueillent <strong><strong>de</strong>s</strong> étudiants en troisième Cycle <strong>de</strong> Mé<strong>de</strong>cine Généraledans le cadre <strong>de</strong> stages en ambu<strong>la</strong>toire (Stages chez le Praticien : SP, ou StagesAmbu<strong>la</strong>toires en Soins Primaires en Autonomie Supervisée : SASPAS).Pour être Maître <strong>de</strong> Stage à <strong>la</strong> Faculté <strong>de</strong> Mé<strong>de</strong>cine <strong>de</strong> Lyon et accueillir <strong><strong>de</strong>s</strong>étudiants en SP ou en SASPAS, il faut répondre aux critères suivants :- être titu<strong>la</strong>ire d’un Doctorat en Mé<strong>de</strong>cine Générale,- exercer <strong>la</strong> Mé<strong>de</strong>cine Générale <strong>de</strong> manière libérale et être installé <strong>de</strong>puis au moinscinq ans,- exercer une activité allopathique majoritaire, sinon exclusive,- appartenir au Collège Lyonnais <strong><strong>de</strong>s</strong> Généralistes Enseignants (CLGE),- effectuer régulièrement <strong><strong>de</strong>s</strong> formations, y compris pédagogiques pourl’enseignement aux étudiants en stage.Le Secrétariat du Troisième Cycle <strong>de</strong> Mé<strong>de</strong>cine Générale <strong>de</strong> <strong>la</strong> Faculté <strong>de</strong> Lyon nousa procuré <strong>la</strong> liste d’adresses électroniques <strong>de</strong> ces mé<strong>de</strong>cins.La liste que nous avons obtenue mentionnait toutes les adresses email <strong><strong>de</strong>s</strong> Mé<strong>de</strong>cinsGénéralistes Maîtres <strong>de</strong> Stage. Ces mé<strong>de</strong>cins généralistes sont rattachés à <strong>la</strong> Faculté <strong>de</strong>Mé<strong>de</strong>cine <strong>de</strong> Lyon mais peuvent être installés sur l’ensemble <strong>de</strong> <strong>la</strong> Région Rhône-Alpes.4. Recrutement <strong><strong>de</strong>s</strong> mé<strong>de</strong>cins généralistes volontaires pour participer à l’étu<strong>de</strong>Nous avons contacté par courrier électronique l’ensemble <strong><strong>de</strong>s</strong> mé<strong>de</strong>cins figurant sur<strong>la</strong> liste précé<strong>de</strong>mment obtenue.Chaque mé<strong>de</strong>cin a reçu le même message envoyé le même jour. Ce courriel <strong>de</strong>recrutement (Annexe 1) décrivait succinctement le contexte, l’objectif <strong>de</strong> l’étu<strong>de</strong> et <strong>la</strong>démarche <strong>de</strong> recherche mise en oeuvre. Il sollicitait <strong>la</strong> participation <strong>de</strong> mé<strong>de</strong>cins volontairespour un entretien. Les mé<strong>de</strong>cins intéressés étaient invités à prendre contact avec nous parmail ou par téléphone, et à nous préciser <strong>de</strong> quel type <strong>de</strong> pathologie(s) ils avaient souffert.Nous avons c<strong>la</strong>ssé par ordre chronologique les réponses <strong><strong>de</strong>s</strong> mé<strong>de</strong>cins. Nous avonsremercié chacun <strong><strong>de</strong>s</strong> mé<strong>de</strong>cins ayant répondu. Ceux qui désiraient participer à l’étu<strong>de</strong> ont


- 41 -reçu un mail leur disant qu’ils seraient contactés dans les semaines à venir. Nous leur<strong>de</strong>mandions alors, <strong>de</strong> confirmer leur souhait <strong>de</strong> réaliser un entretien avec nous et <strong>de</strong>préciser, si besoin, <strong>de</strong> quel type <strong>de</strong> pathologie ils souffraient ou avaient souffert. Ceux quin’avaient jamais été ma<strong>la</strong><strong><strong>de</strong>s</strong> mais qui s’étaient manifestés recevaient un mail lesremerciant <strong>de</strong> s’être intéressés à notre travail.Nous avons reçu <strong><strong>de</strong>s</strong> réponses <strong>de</strong> mé<strong>de</strong>cins souhaitant participer à l’étu<strong>de</strong>, mais quine figuraient pas initialement sur notre liste (qui n’étaient donc pas Maîtres <strong>de</strong> Stage en cemoment). Ils avaient été contactés <strong>de</strong> manière indirecte par <strong><strong>de</strong>s</strong> confrères Maîtres <strong>de</strong> Stage,connaissant <strong><strong>de</strong>s</strong> mé<strong>de</strong>cins généralistes potentiellement concernés par le sujet <strong>de</strong> l’enquête.Nous avons choisi <strong>de</strong> conserver les candidatures <strong>de</strong> ces mé<strong>de</strong>cins généralistes. Eneffet, notre objectif étant <strong>de</strong> contacter <strong><strong>de</strong>s</strong> mé<strong>de</strong>cins désireux <strong>de</strong> parler <strong>de</strong> leur santé, nousavons jugé que ces mé<strong>de</strong>cins étaient aussi motivés sinon plus par le sujet d’enquête queleurs collègues.5. Détermination du nombre <strong>de</strong> mé<strong>de</strong>cins à inclureNotre étu<strong>de</strong> s’inscrit dans une démarche qualitative. Sur les conseils du ServiceCommun <strong>de</strong> Sciences Humaines <strong>de</strong> l’Université C<strong>la</strong>u<strong>de</strong> Bernard- Lyon I, nous avons fixé àquinze le nombre d’entretiens nécessaires à <strong>la</strong> réalisation <strong>de</strong> notre étu<strong>de</strong>, comme ce<strong>la</strong> se faithabituellement dans ce type <strong>de</strong> travail utilisant cette métho<strong>de</strong>.6. Constitution <strong>de</strong> l’échantillon finalNous avons recueilli les réponses à notre courriel <strong>de</strong>puis le jour <strong>de</strong> son envoi jusqu’à<strong>la</strong> <strong>de</strong>rnière candidature volontaire. Chacun <strong><strong>de</strong>s</strong> mé<strong>de</strong>cins volontaires pour un entretien nousa fourni <strong>la</strong> liste <strong><strong>de</strong>s</strong> pathologies dont il avait souffert et dont il acceptait <strong>de</strong> nous parler.Dans notre étu<strong>de</strong>, chaque entretien avec un mé<strong>de</strong>cin s’intéressait a priori au suivid’une pathologie en particulier .Après avoir recueilli <strong>la</strong> totalité <strong><strong>de</strong>s</strong> réponses et appliqué les critères d’inclusion etd’exclusion, nous avons c<strong>la</strong>ssé l’ensemble <strong><strong>de</strong>s</strong> pathologies selon leur spécialité.Nous avons choisi <strong>de</strong> retenir pour chaque groupe <strong>de</strong> pathologie un nombre <strong>de</strong>mé<strong>de</strong>cins en proportion <strong>de</strong> <strong>la</strong> représentativité du groupe.Pour ce<strong>la</strong>, nous avons déterminé pour chaque spécialité, le nombre <strong>de</strong> mé<strong>de</strong>cins àinterroger. Nous avons procédé à un tirage au sort. Lorsqu’un mé<strong>de</strong>cin était choisi pour nousparler d’un type <strong>de</strong> pathologie, sa candidature était exclue pour les autres pathologies, unmé<strong>de</strong>cin ne pouvant pas faire l’objet <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux entretiens centrés sur <strong>de</strong>ux pathologiesdifférentes.


- 42 -Nous avons ainsi choisi au hasard quinze mé<strong>de</strong>cins <strong>de</strong> <strong>la</strong> Région Rhône-Alpes,souffrant ou ayant souffert <strong>de</strong> pathologies différentes, volontaires pour nous parler <strong>de</strong> leursuivi médical en tant que patients.C. ENTRETIENS1. Entretiens semi- dirigésLe recueil <strong>de</strong> données auprès <strong><strong>de</strong>s</strong> mé<strong>de</strong>cins volontaires pour participer à l’étu<strong>de</strong> a étéeffectué à l’ai<strong>de</strong> d’entretiens semi- dirigés.Egalement appelé entretien semi- directif, un entretien semi- dirigé se caractérise parl’utilisation d’un gui<strong>de</strong> d’entretien. Ce gui<strong>de</strong> permet <strong>de</strong> définir à l’avance les différents thèmesà abor<strong>de</strong>r lors <strong>de</strong> <strong>la</strong> discussion ; il contient également <strong><strong>de</strong>s</strong> phrases <strong>de</strong> re<strong>la</strong>nce, <strong><strong>de</strong>s</strong> questionsformulées <strong>de</strong> différentes manières pour faciliter <strong>la</strong> discussion.2. Gui<strong>de</strong> d’entretienCe gui<strong>de</strong> d’entretien (Annexe 2) a été corrigé et validé par Madame EvelyneLASSERRE, anthropologue, qui travaille au Service Commun <strong>de</strong> Sciences Humaines <strong>de</strong>l’Université C<strong>la</strong>u<strong>de</strong> Bernard- Lyon I.Il comprend cinq gran<strong><strong>de</strong>s</strong> parties qui servent <strong>de</strong> trame pour l’entretien. Lors <strong><strong>de</strong>s</strong>entretiens, les thèmes sont abordés <strong>de</strong> manière spontanée par le mé<strong>de</strong>cin ou guidée par nosquestions, selon le cours <strong>de</strong> <strong>la</strong> discussion entre le mé<strong>de</strong>cin et l’enquêtrice. Le gui<strong>de</strong> nous apermis <strong>de</strong> vérifier, au cours <strong>de</strong> l’entretien, si toutes les questions que nous souhaitionsposées avaient été abordées.Il se compose <strong>de</strong> 6 parties :i. Première partie : Présentation <strong>de</strong> l’étu<strong>de</strong>Nous rappelons le contexte dans lequel s’inscrit notre travail et l’enquêtrice seprésente pour mettre en confiance le mé<strong>de</strong>cin interrogé et amorcer <strong>la</strong> discussion.ii. Deuxième partie : Le mé<strong>de</strong>cin, son état <strong>de</strong> santé et son suivi médicalNous abordons l’état <strong>de</strong> santé du mé<strong>de</strong>cin interrogé <strong>de</strong> manière générale en lui<strong>de</strong>mandant <strong>de</strong> nous parler <strong>de</strong> lui. Le mé<strong>de</strong>cin se présente à ce moment tout d’abord en tantque mé<strong>de</strong>cin (type d’exercice, durée d’instal<strong>la</strong>tion, …) puis en tant que patient.Chaque question figurant en gras est posée, pour recentrer le discours si le mé<strong>de</strong>cininterrogé n’a pas abordé le thème correspondant ( ce<strong>la</strong> s’applique à l’ensemble du gui<strong>de</strong>d’entretien).


- 43 -iii. Troisième partie : Histoire <strong>de</strong> <strong>la</strong> ma<strong>la</strong>dieNous présentons ici le parcours détaillé en tant que patient du mé<strong>de</strong>cin interrogé, lors<strong>de</strong> <strong>la</strong> survenue et <strong>de</strong> <strong>la</strong> prise en charge <strong>de</strong> <strong>la</strong> pathologie sélectionnée pour l’entretien. Puisnous abordons <strong>la</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong>cription médicale et objective <strong>de</strong> <strong>la</strong> prise en charge <strong>de</strong> <strong>la</strong> pathologieiv. Quatrième partie : Vécu <strong>de</strong> <strong>la</strong> ma<strong>la</strong>dieLe mé<strong>de</strong>cin interrogé est invité à parler <strong>de</strong> son ressenti psychologique, affectif etdonc subjectif en tant que ma<strong>la</strong><strong>de</strong>, face au mon<strong>de</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong> soignants. Ce thème peut bien sûravoir été abordé plus tôt. Nos différentes questions sont abordées soit par le mé<strong>de</strong>cin luimêmeau fil <strong>de</strong> son discours soit par l’enquêteur qui désire repréciser une réaction ou unsentiment.v. Cinquième partie : Conséquences sur <strong>la</strong> PratiqueNous étudions les répercussions <strong>de</strong> <strong>la</strong> ma<strong>la</strong>die ou du statut <strong>de</strong> ma<strong>la</strong><strong>de</strong> sur <strong>la</strong> pratiqueprofessionnelle du mé<strong>de</strong>cin. Cette question est posée d’une part, pour <strong>la</strong> prise en chargeparticulière <strong><strong>de</strong>s</strong> patients souffrant du type <strong>de</strong> pathologies dont le mé<strong>de</strong>cin interrogé a souffertet, d’autre part, pour sa pratique <strong>de</strong> manière globale .vi. ConclusionAvant <strong>de</strong> remercier le mé<strong>de</strong>cin qui a accepté <strong>de</strong> participer à notre étu<strong>de</strong>, noussouhaitons savoir ce qui l’a amené à répondre à notre enquête.Ce peut être le moment pour le mé<strong>de</strong>cin d’ajouter <strong><strong>de</strong>s</strong> remarques personnelles, oupour nous <strong>de</strong> revenir sur certains éléments <strong>de</strong> l’entretien.3. Test du gui<strong>de</strong> d’entretienAvant <strong>de</strong> commencer l’étu<strong>de</strong>, nous avons réalisé un « entretien-test» pour évaluer etaméliorer notre gui<strong>de</strong> d’entretien. Il s’agissait d’un mé<strong>de</strong>cin généraliste <strong>de</strong> notre entourage,ne faisant pas partie <strong>de</strong> <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion étudiée, ayant accepté <strong>de</strong> parler <strong>de</strong> ses problèmes <strong><strong>de</strong>s</strong>anté. Cet entretien ne fait pas partie <strong>de</strong> notre étu<strong>de</strong> mais a été enregistré et analysé. Ce<strong>la</strong>nous a permis <strong>de</strong> modifier <strong>la</strong> formu<strong>la</strong>tion <strong>de</strong> certaines questions ou l’ordre dans lequel nousallions les abor<strong>de</strong>r.4. Réalisation <strong><strong>de</strong>s</strong> entretiensLes entretiens ont été menés par nos soins auprès <strong>de</strong> chaque mé<strong>de</strong>cin après avoirconvenu ensemble, par mail ou par téléphone, d’un ren<strong>de</strong>z-vous.Nous avons rencontré les mé<strong>de</strong>cins, selon leur souhait, à leur cabinet, à <strong>la</strong> facultéRockefeller (lors d’un dép<strong>la</strong>cement prévu pour un enseignement par exemple) ou à leurdomicile.


- 44 -Les interviews ont tous été enregistrées à l’ai<strong>de</strong> d’un dictaphone digital <strong>de</strong> typeOlympus WS-200S. Avant chaque entretien, nous avons <strong>de</strong>mandé au mé<strong>de</strong>cin s’il acceptaitd’être enregistré. Nous n’avons eu aucun refus. Si le mé<strong>de</strong>cin le souhaitait, nous pouvionsbien sûr interrompre l’enregistrement à tout moment (ce<strong>la</strong> n’a été nécessaire que trèsrarement, notamment lors d’interruptions n’ayant aucun lien avec l’étu<strong>de</strong>).A chaque entretien enregistré correspondait donc un fichier numérique audionuméroté.5. Retranscription et analyse <strong><strong>de</strong>s</strong> donnéesChaque entretien, c’est-à-dire chaque fichier numérique, a été retranscrit mot à mot,respectant ainsi le style <strong>de</strong> <strong>la</strong>ngage parlé propre à chaque interlocuteur.Dans un souci <strong>de</strong> confi<strong>de</strong>ntialité et <strong>de</strong> respect <strong>de</strong> <strong>la</strong> vie privée, les entretiens ont étéanonymés et c<strong>la</strong>ssés par ordre alphabétique en suivant <strong>la</strong> chronologie <strong><strong>de</strong>s</strong> ren<strong>de</strong>z-vous.Ainsi, le premier enregistrement réalisé correspond à l’entretien du Docteur A exerçant dans<strong>la</strong> ville du nom <strong>de</strong> A, le <strong>de</strong>uxième entretien est celui du Docteur B exerçant à B, etc.…Les noms <strong>de</strong> personnes ont été masqués et remp<strong>la</strong>cés par <strong><strong>de</strong>s</strong> lettres majuscules :U, V, W, X, Y, Z selon le nombre <strong>de</strong> personnes citées. Ces mêmes lettres se retrouvent d’unentretien à un autre car <strong>la</strong> même technique a été employée pour chaque retranscription. Ceslettres n’ont évi<strong>de</strong>mment aucune correspondance entre elles d’un entretien à un autre : LeDocteur U dans l’entretien avec le Docteur C n’est pas le Docteur U <strong>de</strong> l’entretien avec leDocteur N, …Les noms <strong>de</strong> lieux (villes, hôpitaux, région) ont été également remp<strong>la</strong>cés par leslettres U, V, W, X, Y, Z. De même, il n’existe aucun lien entre les lieux masqués <strong>de</strong> <strong>de</strong>uxentretiens différents.Seuls parfois <strong>la</strong> ville <strong>de</strong> Lyon ou l’un <strong><strong>de</strong>s</strong> hôpitaux lyonnais n’ont pas été masquésquand leur citation ne risquait pas d’altérer l’anonymat du mé<strong>de</strong>cin interviewé. En effet, lesmé<strong>de</strong>cins interrogés vivent et exercent tous dans <strong>la</strong> région Rhône-Alpes. Le lien avec cetteville est récurrent.Dans le chapitre III, concernant les résultats, les données <strong><strong>de</strong>s</strong> enregistrements ontété analysées entretien par entretien puis <strong>de</strong> manière thématique transversale.Les propos <strong><strong>de</strong>s</strong> mé<strong>de</strong>cins ne suivent bien sûr pas toujours l’ordre <strong><strong>de</strong>s</strong> questions préétabliesdans le gui<strong>de</strong> d’entretien. Mais par souci <strong>de</strong> c<strong>la</strong>rté, nous avons repris le p<strong>la</strong>n <strong>de</strong>celui-ci.


- 45 -CHAPITRE III


- 46 -CHAPITRE III : RESULTATSA. ORGANISATION DES ENTRETIENS1. Réponses au courrielLe courriel <strong>de</strong> recrutement <strong>de</strong> mé<strong>de</strong>cins volontaires pour participer à l’étu<strong>de</strong>, a étéenvoyé aux 178 mé<strong>de</strong>cins généralistes Maîtres <strong>de</strong> Stage <strong>de</strong> <strong>la</strong> Faculté <strong>de</strong> Mé<strong>de</strong>cine <strong>de</strong>Lyon, le 21 janvier 2008. Nous avons recueilli leurs réponses par email ou par téléphone du21 janvier au 21 mai 2008.2 messages nous ont été ré-adressés par retour <strong>de</strong> courriel pour cause d’adresseemail inexistante ou fausse.Nous avons obtenu les réponses <strong>de</strong> 43 mé<strong>de</strong>cins différents, soit un taux <strong>de</strong> réponse<strong>de</strong> 24%.Parmi les mé<strong>de</strong>cins ayant répondu, 17 se déc<strong>la</strong>raient en bonne santé.26 mé<strong>de</strong>cins ayant été ma<strong>la</strong><strong><strong>de</strong>s</strong>, volontaires pour nous parler <strong>de</strong> leurs problèmes <strong><strong>de</strong>s</strong>anté, nous ont répondu. Parmi eux, 5 mé<strong>de</strong>cins ne figuraient pas sur notre liste initiale.Nous avons conservé leurs candidatures.Nous avons exclu 2 mé<strong>de</strong>cins : l’un déc<strong>la</strong>rant une pathologie psychiatrique, l’autreayant été ma<strong>la</strong><strong>de</strong> avant son instal<strong>la</strong>tion.Date Mé<strong>de</strong>cins concernés ContactLe 21/01/08Du 21/01/08au 21/05/08Le 21/05/08Du 22/05/08au 10/07/08178 mé<strong>de</strong>cins généralistes Maîtres <strong>de</strong> Stage<strong>de</strong> <strong>la</strong> Faculté <strong>de</strong> Mé<strong>de</strong>cine <strong>de</strong> Lyon (100 %)43 réponses (24 %)(dont 17 en bonne santé : hors étu<strong>de</strong>)24 mé<strong>de</strong>cins retenus avec 30 pathologies15 mé<strong>de</strong>cins sélectionnésEntretiens (entre 25 et 91 minutes)Courriel <strong>de</strong> recrutementCourriel, téléphoneTirage au sortAu cabinet (10)Au domicile (3)A <strong>la</strong> Faculté Rockefeller (2)Tableau 1 : Du courriel <strong>de</strong> recrutement aux entretiens


- 47 -Chaque mé<strong>de</strong>cin a mentionné les différentes pathologies dont il souhaitait parler. Autotal, 30 pathologies ont été inventoriées se répartissant ainsi :Néop<strong>la</strong>sique 1/30Endocrinienne 1/30Obstétricale 2/30Orthopédique outraumatique 8/30Rhumatologique4/30Infectieuse 4/30Cardio-vascu<strong>la</strong>ire5/30Chirurgicale 5/30Figure 1 : Pathologies inventoriéesNous avons conservé cette répartition <strong><strong>de</strong>s</strong> pathologies, pour obtenir par tirage ausort, un échantillon final <strong>de</strong> 15 mé<strong>de</strong>cins avec :Types <strong>de</strong> pathologies retenuesNombre <strong>de</strong> mé<strong>de</strong>cins interviewésPathologies orthopédiques ou traumatiques 4Pathologies cardio-vascu<strong>la</strong>ires 3Pathologies chirurgicales 2Pathologies infectieuses 2Pathologies rhumatologiques 2Pathologie obstétricale 1Pathologie néop<strong>la</strong>sique 1Tableau 2 : Nombre <strong>de</strong> mé<strong>de</strong>cins interviewés selon les types <strong>de</strong> pathologies retenues


- 48 -2. Déroulement <strong><strong>de</strong>s</strong> entretiensLes 15 entretiens ont été réalisés entre le 22 mai 2008 et le 10 juillet 2008.2.1. Lieu- 10 entretiens (2/3) se sont déroulés au cabinet du mé<strong>de</strong>cin interrogé avant ou aprèsune p<strong>la</strong>ge <strong>de</strong> consultations.- 3 mé<strong>de</strong>cins nous ont reçus à domicile.- 2 mé<strong>de</strong>cins ont choisi <strong>de</strong> nous rencontrer à <strong>la</strong> Faculté Rockefeller ; nous avionsréservé une salle permettant <strong>de</strong> conserver l’intimité nécessaire au bon déroulement <strong>de</strong>l’entretien.Faculté 2/15Domicile 3/15Cabinet 10/15Figure 2 : Lieu <strong><strong>de</strong>s</strong> entretiens2.2. DuréeL’entretien le plus court a duré 25 minutes, le plus long 91 minutes. Il est à noter quece <strong>de</strong>rnier s’est déroulé au domicile du mé<strong>de</strong>cin.La durée moyenne d’un entretien est <strong>de</strong> 48 minutes, ce qui est proche <strong><strong>de</strong>s</strong> troisquarts d’heures initialement prévus lors <strong>de</strong> <strong>la</strong> prise <strong>de</strong> ren<strong>de</strong>z-vous.


- 49 -1009080706050403020100A B C D E F G H I J K L M N Oentretiens au domicile entretiens à <strong>la</strong> faculté courbe <strong>de</strong> tendanceFigure 3 : Durée <strong><strong>de</strong>s</strong> entretiens (en minutes) dans l’ordre chronologiqueB. POPULATION ETUDIEE1. AgeLes 15 mé<strong>de</strong>cins interrogés ont un âge compris entre 43 et 63 ans.655 54332111040 à 45 ans 46 à 50 ans 51 à 55 ans 56 à 60 ans Plus <strong>de</strong> 60 ansFigure 4 : Répartition <strong><strong>de</strong>s</strong> mé<strong>de</strong>cins interrogés par catégorie d'âge


- 50 -L’âge moyen <strong><strong>de</strong>s</strong> mé<strong>de</strong>cins interrogés est <strong>de</strong> 54 ans.2. SexeLes hommes représentent 80% (12/15) <strong>de</strong> notre échantillon, les femmes 20% (3/15).3. Type d’exercice80% (12/15) <strong><strong>de</strong>s</strong> mé<strong>de</strong>cins interviewés exercent en association avec un ou plusieursconfrères, 20% (3/15) exercent seuls.4. Lieu d’exerciceLes mé<strong>de</strong>cins interrogés exercent en gran<strong>de</strong> majorité en milieu urbain (73%, soit11/15). 3 mé<strong>de</strong>cins travaillent en milieu semi rural, 1 en milieu rural.5. Nombreuses activités secondaires actuellesEn plus <strong>de</strong> leur exercice principal <strong>de</strong> mé<strong>de</strong>cine générale <strong>de</strong> type allopathique, lesmé<strong>de</strong>cins interrogés ont souvent une ou plusieurs autres activités secondaires. D’aprèsnotre méthodologie, ces mé<strong>de</strong>cins sont quasiment tous actuellement Maîtres <strong>de</strong> Stage(14/15). Pour 3 d’entre eux, leur activité d’enseignement se prolonge à <strong>la</strong> Faculté, endonnant <strong><strong>de</strong>s</strong> cours <strong>de</strong> Mé<strong>de</strong>cine Générale aux étudiants <strong>de</strong> 2 ème et/ou 3 ème cycles d’étu<strong><strong>de</strong>s</strong>médicales.Au cabinet, certains exercent actuellement 1 à 3 autres activités parmi les suivantes:homéopathie, ostéopathie, mé<strong>de</strong>cine du sport, échographie, podologie, mé<strong>de</strong>cineaéronautique, expertise judiciaire, gériatrie. En <strong>de</strong>hors du cabinet, l’un <strong><strong>de</strong>s</strong> mé<strong>de</strong>cins estattaché dans un hôpital au service d’Urgences et en Mé<strong>de</strong>cine interne et intervient en HAD(Hospitalisation A Domicile), <strong>de</strong>ux ont une activité syndicale, <strong>de</strong>ux sont impliqués dansl’organisation <strong>de</strong> FMC, l’un est mé<strong>de</strong>cin pompier, une autre est mé<strong>de</strong>cin légiste.C. ANALYSE ENTRETIEN PAR ENTRETIENLa retranscription intégrale <strong><strong>de</strong>s</strong> entretiens est présentée dans l’Annexe 3.1. Docteur ALe Dr A, un homme <strong>de</strong> 58 ans, est installé <strong>de</strong>puis 1980 et exerce en milieu semirural,en association. La pathologie sélectionnée pour l’étu<strong>de</strong> correspond à <strong>de</strong>ux acci<strong>de</strong>nts :une chute <strong>de</strong> vélo, à l’origine d’une p<strong>la</strong>ie faciale et d’un traumatisme crânien d’une part, etune chute d’un arbre à l’origine <strong>de</strong> 2 tassements vertébraux (D12 et L1) d’autre part.Le Dr A « patient » : La prise en charge <strong>de</strong> sa santé n’est pas régulière, « elle estnulle ! (…) J’ai fait un examen l’année <strong>de</strong>rnière parce que mon collègue en faisait un ! »,


- 51 -comme un jeu. Il est son propre mé<strong>de</strong>cin traitant, non déc<strong>la</strong>ré. Il se plie à ce qu’on lui<strong>de</strong>man<strong>de</strong> en phase aiguë : « Si je suis bien ma<strong>la</strong><strong>de</strong>, (je suis) soumis, (…) assez obéissant ».Mais il est aussi « un patient impatient, pas très discipliné », « Je ne sais pas rester àl’hôpital bien longtemps ». Lors <strong>de</strong> son 2 ème acci<strong>de</strong>nt, il a accepté d’être emmené auxurgences <strong>de</strong> <strong>la</strong> clinique pensant « être servi plus vite » qu’à l’hôpital, recherchant plus unservice qu’un soin. Il déc<strong>la</strong>re être « dans le refus <strong>de</strong> <strong>la</strong> ma<strong>la</strong>die. J’ai pas envie d’être ma<strong>la</strong><strong>de</strong>,d’être touché dans mon intégrité, ça me déstabilise ».Le Dr A « docteur et patient » : Dans l’urgence, il fait son propre diagnostic et« appelle à <strong>la</strong> rescousse, mais quand je vais mieux, je ne veux plus en entendre parler ». Ilre<strong>de</strong>vient mé<strong>de</strong>cin. Hospitalisé et douloureux, « J’appelle, je réc<strong>la</strong>me, j’ai envie <strong>de</strong>comman<strong>de</strong>r, parce que je suis mé<strong>de</strong>cin, je sais ce qu’on me met et j’aimerais bien qu’on memette ce que je <strong>de</strong>man<strong>de</strong>. (…) Ça perturbait le personnel ». Il n’a pas vu beaucoup <strong>de</strong>mé<strong>de</strong>cins pendant ses hospitalisations, mais surtout <strong><strong>de</strong>s</strong> infirmières, ce qui accentuait sonsouhait d’auto-médication. Après l’hospitalisation pour le 1 er acci<strong>de</strong>nt, il s’est autodiagnostiqué« une fracture <strong>de</strong> <strong>la</strong> 7 ème dorsale ». Il a <strong>de</strong>mandé lui-même par téléphone unavis orthopédique : « Vous auriez pu être paralysé (…) on va mettre une petiteimmobilisation dorsale », ce qui n’a pas été fait. Après son 2 ème acci<strong>de</strong>nt, Il n’a eu aucuneconsigne <strong>de</strong> suivi. Il avoue ne pas penser à sa propre santé, excepté lorsqu’un problème legêne dans son travail ou pour ses loisirs.Le vécu du Dr A : lors <strong>de</strong> ses premières hospitalisations, il avait eu « une vision <strong><strong>de</strong>s</strong>défauts <strong>de</strong> l’hôpital <strong>de</strong> l’extérieur, avec l’attente très longue (…), l’ennui (…) et <strong>la</strong> perted’autonomie ». Il pense que ses confrères ressentaient une « petite gêne» à le prendre encharge. Il a toujours été examiné par <strong><strong>de</strong>s</strong> mé<strong>de</strong>cins seniors. Il a eu l’impression « d’être unpeu <strong>la</strong>issé <strong>de</strong> côté, moins surveillé » (que le patient <strong>la</strong>mbda). « On (le personnel soignant)imagine qu’on peut plus (mieux) se débrouiller, puis faire appel quand on a besoin. Maisquelquefois, je pense, on a envie <strong>de</strong> se <strong>la</strong>isser faire, on a envie d’être un vrai patient ». Il n’apas parlé <strong>de</strong> ses acci<strong>de</strong>nts à ses patients. Mais eux disaient : « Vous êtes bien p<strong>la</strong>cé pourêtre soigné ».Les conséquences sur sa pratique : pour les pathologies du rachis, il donne plus <strong>de</strong>conseils, examine mieux ses patients, mais perçoit également « le vécu <strong>de</strong> certains patientscomme excessif, (…) certains recherchent <strong><strong>de</strong>s</strong> bénéfices personnels indirects ». Il dit passerplus <strong>de</strong> temps à expliquer les pathologies et leurs traitements, pour dédramatiser. Demanière générale, « le fait <strong>de</strong> passer <strong>de</strong> l’autre côté <strong>de</strong> <strong>la</strong> barrière, change <strong>la</strong> pratique».Les propositions du Dr A : « Peut-être qu’il faut inventer quelque chose pour lesmé<strong>de</strong>cins. (…) On n’a pas réellement un suivi comme les autres. Mais on ne parle pas <strong>de</strong> çaentre nous, (…) pas sérieusement ».


- 52 -2. Docteur BLe Dr B, un homme <strong>de</strong> 51 ans, installé <strong>de</strong>puis 1988, exerce <strong>la</strong> mé<strong>de</strong>cine générale enmilieu urbain avec 2 associés. Il est également mé<strong>de</strong>cin attaché dans un hôpital. Lapathologie sélectionnée pour l’étu<strong>de</strong> est une sciatique hyperalgique parésiante.Ma<strong>la</strong><strong>de</strong> avant d’avoir été mé<strong>de</strong>cin : Ses antécé<strong>de</strong>nts sont très nombreux. Il a« commencé (sa) carrière comme ma<strong>la</strong><strong>de</strong> », en faisant « mon stage <strong>de</strong> ma<strong>la</strong><strong>de</strong> avant <strong>de</strong>faire mon stage <strong>de</strong> docteur ! ». En tant que patient, il est « très scrupuleux, quand (il a ) <strong>la</strong>pétoche » mais avoue n’être «pas très observant . Je ne finis jamais une boîted’antibiotiques quand je l’ai commencée ». « Je ne suis pas spécialement revendicatif » maisil annonce c<strong>la</strong>irement sa profession aux confrères qui le soignent. Il se trouve moins biensuivi que ses patients, alors qu’il bénéficie d’un suivi en mé<strong>de</strong>cine du travail hospitalière. Ilsouligne que le métier <strong>de</strong> mé<strong>de</strong>cin expose à <strong>de</strong> nombreux risques, dont le risque infectieux.Il pense qu’avoir vécu cette situation paradoxale <strong>de</strong> mé<strong>de</strong>cin ma<strong>la</strong><strong>de</strong> a renforcé sa vocationprofessionnelle.Actuellement, il est son propre mé<strong>de</strong>cin traitant. Pour <strong>la</strong> prise en charge <strong>de</strong> sa santé,il dit : « ne pas savoir être généraliste (…), être nettement moins bon dans l’autodiagnostic.(…)On imagine le pire pour soi ou au contraire, on occulte ».Mé<strong>de</strong>cin avant tout, malgré <strong>la</strong> ma<strong>la</strong>die : Il est actuellement suivi pour un nodulethyroïdien bénin mais évolutif, qu’il a découvert lui-même (et suivi) lors d’essais <strong>de</strong> sonpropre échographe.Tout est centré sur son activité professionnelle. Le Dr B souffre <strong>de</strong> manièrerécurrente <strong>de</strong> lombo-sciatalgies. La pathologie sélectionnée est survenue dans un contexteprofessionnel <strong>de</strong> surmenage. Le Dr B n’a pas eu <strong>de</strong> scanner car il refusait a priori uneintervention chirurgicale. Il s’ « arrête rarissimement » <strong>de</strong> travailler. Il fait du sportrégulièrement pour prévenir les crises lombosciatiques qui le gênent pour travailler etorganise son suivi en fonction <strong>de</strong> sa symptomatologie. Père <strong>de</strong> famille nombreuse, ilsouligne l’importance <strong><strong>de</strong>s</strong> assurances complémentaires qu’il a souscrites dès ses premiersproblèmes <strong>de</strong> santé.Face à sa pathologie, ses patients l’ont vu souffrir mais auraient mal toléré, selon lui,son absence. « C’est un métier qui bouffe ! (…) Je bosse trop ».Il est le mé<strong>de</strong>cin traitant <strong>de</strong> nombreux mé<strong>de</strong>cins. Ce<strong>la</strong> ne lui paraît pas plus difficilequ’avec un patient ordinaire, mais différent : il intègre ses patients mé<strong>de</strong>cins dans leraisonnement médical <strong>de</strong> manière transactionnelle « comme j’aimerais peut-être qu’on lefasse avec moi ».


- 53 -Conséquences <strong>de</strong> ses pathologies dans sa pratique : Sur son lieu <strong>de</strong> travail, il amodifié l’ergonomie <strong>de</strong> son cabinet et <strong>de</strong> ceux <strong>de</strong> ses associés. Il en conclut qu’il n’est « pasun aussi mauvais ma<strong>la</strong><strong>de</strong> que ça ! ».Il dit, avec humour, à ses étudiants, que le fait d’avoir vécu ce que certains patientsvivent, lui a conféré une meilleure écoute et une meilleure perception <strong>de</strong> <strong>la</strong> souffrance <strong><strong>de</strong>s</strong>patients, parfois difficile à traduire.3. Docteur CLe Dr C, une femme <strong>de</strong> 43 ans, est installée en milieu urbain <strong>de</strong>puis 13 ans. Elletravaille à temps partiel en association et a un fort engagement syndical. Les antécé<strong>de</strong>nts duDr C sont essentiellement marqués par une cholécystite chronicisée (pathologiesélectionnée).Une prise en charge difficile : La prise en charge chirurgicale <strong>de</strong> <strong>la</strong> pathologiesélectionnée a été repoussée pendant 10 ans, par « manque <strong>de</strong> temps ». « Je recu<strong>la</strong>is. (…)J’avais toujours <strong><strong>de</strong>s</strong> impératifs professionnels ».Elle dit prendre en charge sa santé « très mal » : « Je fais ce que je dis qu’il ne fautpas faire. Je m’auto-médique et je n’ai pas <strong>de</strong> mé<strong>de</strong>cin traitant. (…) J’ai une confianceabsolue dans mes collègues mais ça m’est très compliqué d’aller parler <strong>de</strong> moi et <strong>de</strong> masanté à <strong><strong>de</strong>s</strong> collègues que je connais dans d’autres circonstances (syndicales) ». Lechirurgien qui l’a opérée, « Je l’avais justement choisi pour ça, parce que c’est un mé<strong>de</strong>cin,que je ne connaissais absolument pas ». Par rapport à ses patients, sa prise en charge est« nulle. (…) J’aurais un patient comme ça, je le mettrais <strong>de</strong>hors ! ».La prise en charge qu’elle souhaite : «Je pense être une patiente qui oublie qu’elleest mé<strong>de</strong>cin et qui <strong>de</strong>man<strong>de</strong> au corps médical <strong>de</strong> <strong>la</strong> traiter comme une patiente X ». Pourelle, « C’est important que les professionnels oublient qu’ils ont <strong><strong>de</strong>s</strong> professionnels en face ».Ma<strong>la</strong><strong>de</strong>, « Je me <strong>la</strong>isse porter. Donc, j’attends qu’on me dise .(…) Après mon accouchement,j’ai beaucoup apprécié qu’il y ait <strong><strong>de</strong>s</strong> personnes (…) qui me reparlent <strong>de</strong> l’al<strong>la</strong>itement commesi je ne savais rien. Je trouve ça très confortable. »Le Dr C, « ma<strong>la</strong><strong>de</strong> déçue » : Elle fait un constat très négatif <strong>de</strong> son vécu <strong>de</strong> patientehospitalisée. Elle était « déprimée » à cause du manque <strong>de</strong> confort et d’intimité. Elle étaitsidérée par l’intensité <strong>de</strong> <strong>la</strong> douleur post-chirurgicale qu’elle n’avait pas imaginée, et que lepersonnel soignant semb<strong>la</strong>it sous-évaluer : « Elle nous casse un peu les pieds », pensait-on,d’après elle. Elle a eu l’impression <strong>de</strong> les déranger : « On peut comprendre qu’il ne soit pascontent d’être dérangé parce qu’il y a une consoeur qui est douloureuse, mais enfin, ce n’estpas très confortable ». Dans les suites opératoires, elle a présenté une hépatite


- 54 -médicamenteuse ,« comme tout bon mé<strong>de</strong>cin, j’ai fait une complication ! ». Elle a géré seulece problème sans parvenir à être écoutée par son chirurgien.Les conséquences sur sa pratique : Depuis son opération, elle est d’autant plusattentive à expliquer et prévenir <strong>la</strong> douleur post-chirurgicale. Si elle <strong>de</strong>vait se faire opéreraujourd’hui, elle anticiperait « en <strong>de</strong>mandant s’il existe un protocole anti-douleur, notammentà appliquer en l’absence du chirurgien ! ».Ses propositions : « Je pense qu’il faut que les choses changent au niveau <strong>de</strong> <strong>la</strong> priseen charge <strong><strong>de</strong>s</strong> mé<strong>de</strong>cins généralistes. (…) Ce serait vraiment important qu’(ils) aient euxaussi un mé<strong>de</strong>cin traitant ». Sans mé<strong>de</strong>cine du travail, les mé<strong>de</strong>cins libéraux n’ont pas « <strong>de</strong>dépistage, <strong>de</strong> suivi ni d’examen clinique (…). Il faut se pencher sur cette question».4. Docteur DLe Dr D, un homme <strong>de</strong> 55 ans, est installé en milieu urbain <strong>de</strong>puis 1981 et exerceseul. La pathologie sélectionnée est une fracture du membre inférieur droit.« Aussi professionnel pour lui que pour ses patients » : « J’essaie <strong>de</strong> rester objectif(…) comme avec un patient, j’aurais fait <strong>la</strong> même chose. (…) J’ai une prise en chargemédicale tout à fait traditionnelle, normale, sans hypochondrie, sans négligence ». Il se« débrouille seul pour <strong>la</strong> pathologie bénigne » et se dit « obligé <strong>de</strong> se confier à un confrèrespécialiste » dès qu’il a « un symptôme anormal ».Une prise en charge efficace d’un ma<strong>la</strong><strong>de</strong> détendu et prévoyant : Après son acci<strong>de</strong>nt,hormis l’attente <strong><strong>de</strong>s</strong> pompiers dans le froid, « <strong>la</strong> prise en charge a été absolumentimmédiate… Ils savaient que j’étais mé<strong>de</strong>cin, peut-être ». Après un passage au déchoquage,« une fois plâtré et morphiné tout al<strong>la</strong>it bien. J’ai été hospitalisé à <strong>la</strong> clinique X où mon copainm’a opéré le len<strong>de</strong>main. (…) J’ai passé une nuit sublime. J’ai été opéré sous péridurale, j’airécupéré sans problème. (…) J’ai trouvé une remp<strong>la</strong>çante sans problème ».Il a été étonné <strong>de</strong> « ne ressentir aucun sentiment d’anxiété » et d’avoir été« parfaitement adhérent au système médical et administratif . (…) Je n’aurais jamais penséque ce<strong>la</strong> se passe aussi bien (…) J’étais vraiment le ma<strong>la</strong><strong>de</strong> qui se <strong>la</strong>issait aller. Pas du toutle mé<strong>de</strong>cin qui réfléchissait ou qui essayait <strong>de</strong> négocier ».« Heureusement que j’étais bien assuré. Un an avant, j’avais revu toutes mesassurances (…). Je n’ai pas eu un euro <strong>de</strong> perte <strong>de</strong> revenus ».Les conséquences dans sa pratique : il se sent plus compétent pour parler à sespatients <strong>de</strong> l’anesthésie et <strong>de</strong> <strong>la</strong> chirurgie orthopédique, les ayant vécus lui-même. Demanière générale, son expérience <strong>de</strong> ma<strong>la</strong><strong>de</strong> lui a apporté « plus d’humilité vis-à-vis <strong>de</strong> sespatients, plus <strong>de</strong> mo<strong><strong>de</strong>s</strong>tie, plus d’écoute ».


- 55 -5. Docteur ELe Dr E, un homme <strong>de</strong> 59 ans, est installé en milieu urbain et exerce en association<strong>de</strong>puis 1979. La pathologie sélectionnée est un infarctus spastique survenu il y a 10 ans.« Pas le ma<strong>la</strong><strong>de</strong> parfait, mais presque» ? : « Je suis suivi (…) j’ai un dossier à monnom dans mon ordinateur ». « Dans le domaine étroit cardiologique, je vais oser dire (je suis)pas le ma<strong>la</strong><strong>de</strong> parfait, mais presque (…) très observant (…) assez régulier (…) assezcompliant.(…) Je suis ma<strong>la</strong><strong>de</strong>, je suis ma<strong>la</strong><strong>de</strong>. "A vous <strong>de</strong> faire le boulot" ! ».Une gêne <strong>de</strong> <strong>la</strong> part <strong><strong>de</strong>s</strong> mé<strong>de</strong>cins hospitaliers : A son arrivée, « l’assistant du patronse sentait peut-être un peu gêné » <strong>de</strong> s’occuper d’un confrère. « J’ai ressenti une attente dupatron pour vite passer le bébé ». « Après l’infarctus, c’était (le chef du service <strong>de</strong>cardiologie) qui <strong>de</strong>vait me suivre, (…) mais j’ai pas eu un contact très suivi <strong>de</strong> ce côté-là.Après je suis allé embêter un copain en ville ».Le passage dans « un certain mon<strong>de</strong> » : A l’hôpital, « on découvre (…) une gêne sur<strong>la</strong> pu<strong>de</strong>ur ». La perte d’autonomie, avec le besoin d’ai<strong>de</strong> pour « <strong>la</strong> toilette ou aller à <strong>la</strong> selle,j’avoue que je ne sais pas comment font les ma<strong>la</strong><strong><strong>de</strong>s</strong>, (…) c’est <strong><strong>de</strong>s</strong> choses qui sontimpossibles et qui sont <strong><strong>de</strong>s</strong> mauvais souvenirs (…), qui gênent tout le mon<strong>de</strong> ».Le Dr E étant passé <strong>de</strong> l’autre côté <strong>de</strong> <strong>la</strong> barrière, ses patients semb<strong>la</strong>ient lenarguer : « J’ai un peu ressenti le fait que j’y étais, en fait. J’ai eu un ma<strong>la</strong><strong>de</strong> (hospitalisé enmême temps) qui est venu me rendre visite (…) l’air <strong>de</strong> dire : "Ben voilà, tu vois !" ». « Tout lemon<strong>de</strong> savait, (dans <strong>la</strong> commune), on m’a enterré <strong>de</strong>ux ou trois fois ».Un arrêt <strong>de</strong> travail trop long : Le Dr E a été pris en charge pour son infarctus <strong>de</strong>manière « technique », « systématique » selon le protocole <strong>de</strong> l’époque, qui ne correspondaitpas exactement à sa pathologie spastique. Il a été arrêté « trop longtemps (…) j’ai pasperdu mon temps mais presque (…). Je suis allé en rééducation, ce qui ne m’ a pas apportégrand chose ».6. Docteur FLe Dr F, une femme <strong>de</strong> 58 ans, est installée en milieu urbain et exerce en association<strong>de</strong>puis 30 ans. La pathologie sélectionnée concerne 3 accouchements pathologiques avecun lourd retentissement psychologique.Une patiente « soli<strong>de</strong> comme un roc » sans mé<strong>de</strong>cin traitant : « Je me considèresoli<strong>de</strong> comme un roc, (…) je suis increvable ! ». « Je n’ai pas <strong>de</strong> mé<strong>de</strong>cin traitant (…). Jetrouve que ce serait une bonne démarche, mais (…) c’est pas simple parce que les gens ontles mêmes horaires que nous ». « Je <strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong> conseils à mes collègues. (…) J’ai fait


- 56 -mon auto-diagnostic (…). Je me suis auto-appliquée ce que j’applique à mes patients. (…) Ilme semble que mon psychisme me le permet. Mais peut-être que je m’égare. Je ne voispeut-être pas <strong>la</strong> poutre. »Un patiente toujours mé<strong>de</strong>cin « qui surveille » : En consultation avec un confrère,« Je donne toujours le <strong>la</strong>, je dis « Faites comme si j’étais Tartempion ». Mais ça nem’empêche pas <strong>de</strong> poser <strong><strong>de</strong>s</strong> questions, parce que Tartempion, il pose <strong><strong>de</strong>s</strong> questions ». « Jesuis une bonne patiente, très compliante, mais jusqu’à un certain point. »« Je surveille, je veille au grain. Il m’est arrivé plein <strong>de</strong> trucs. (…) Quelquefois, on serend compte, quand on va chez les mé<strong>de</strong>cins, qu’effectivement, ils ne nous écoutent pas ».« Avoir été patiente, ça m’a été utile ».Une patiente très « reconnaissante » : « Moi, on m’a sauvé <strong>la</strong> vie, je suis ravie (…)qu’on ait pris les bonnes mesures, vite et bien, au bon moment. C’est merveilleux. En<strong><strong>de</strong>s</strong>cendant au bloc, je disais : "J’ai plus qu’à me <strong>la</strong>isser aller". (…) J’ai eu l’impression d’unerenaissance (…) une explosion <strong>de</strong> joie ».Des pathologies «toujours à part » : « Je suis exceptionnelle (…), j’ai entendu ça partous les mé<strong>de</strong>cins qui m’ont soignée : « C’est parce que vous êtes mé<strong>de</strong>cin ». C’est <strong>la</strong>première chose qu’ils me disent (…) Je ne suis jamais dans les trucs courants ». « J’ai faitun Basedow, sans goitre et sans exophtalmie, (…) une borréliose tertiaire (…). La biologisteau téléphone m’a dit : "Vous faites partie <strong><strong>de</strong>s</strong> 10% chez qui les anticorps persistent". (…) J’aifait une rupture utérine (…) C’est hyper rare ». Pour le <strong>de</strong>rnier accouchement, « Je <strong>de</strong>vaisavoir une péridurale (…), il paraît que ça ne rate jamais, mais moi ça a raté ».La frontière entre le statut <strong>de</strong> mé<strong>de</strong>cin et celui <strong>de</strong> patient : « Dans ma patientèle, j’aiénormément <strong>de</strong> femmes qui ont perdu un voire <strong>de</strong>ux enfants (…) Je me suis surpriseplusieurs fois en train <strong>de</strong> rassurer, consoler, marquer <strong>de</strong> l’empathie (…) comme si j’étaisdistante alors qu’en fait, ça m’est également arrivé (…). Ça veut dire que je n’ai pas perdumes capacités d’être mé<strong>de</strong>cin, ça m’a un peu rassurée ».« Quelquefois, <strong><strong>de</strong>s</strong> patients viennent vous voir parce qu’ils ne peuvent plus aller chezce mé<strong>de</strong>cin qui parle <strong>de</strong> lui, <strong>de</strong> sa pathologie (…). C’est vrai que le confrère qui souffre et quine se rend pas compte que ça interfère dans son fonctionnement, c’est pas très bon pour lespatients (…). C’est un truc qu’il ne faut pas faire ».« Il faut toujours arriver à élu<strong>de</strong>r les questions personnelles que les gens peuventnous poser (…) Si c’est un patient qui vous interroge sur votre pathologie, ça va pas ».


- 57 -7. Docteur GLe Dr G, un homme <strong>de</strong> 55 ans, exerce en milieu urbain, seul, <strong>de</strong>puis 29 ans. Lapathologie sélectionnée est un épiso<strong>de</strong> <strong>de</strong> flou visuel transitoire à l’origine d’un bi<strong>la</strong>ncardiologique.« Plus mé<strong>de</strong>cin traitant que patient » : Le Dr G est son propre mé<strong>de</strong>cin traitantdéc<strong>la</strong>ré comme tel. Il a peu d’antécé<strong>de</strong>nts et voit rarement un mé<strong>de</strong>cin : « 7 consultations en29 ans . (…) Les problèmes <strong>de</strong> santé que je peux avoir restent (…) parfaitement autogérables». Il est traité pour une hypertension artérielle : « Je fais <strong><strong>de</strong>s</strong> contrôles (…) selon lesrecommandations <strong>de</strong> l’HAS (…) je suis parfaitement les objectifs ». « Je fais un bi<strong>la</strong>nbiologique par an (…) qui est parfait ». Lors <strong>de</strong> l’épiso<strong>de</strong> <strong>de</strong> flou visuel, « J’ai pris mon pouls,j’ai vu qu’il n’était pas en arythmie (…) Je me suis senti plus mé<strong>de</strong>cin traitant que patient ».« Un peu <strong>de</strong> négligence » : « Je ne me plie pas à une surveil<strong>la</strong>nce comme je souhaiteque mes patients se plient (…) Je n’ai jamais fait contrôler anatomiquement ma prostate.(…) J’ai jamais fait <strong>de</strong> test Hémocult® alors que je le prône <strong>la</strong>rgement dans ma patientèle.(…) Je ne me fais pas examiner systématiquement ».Une auto- censure d’un suivi par un généraliste : «J’ai déjà pensé à avoir un mé<strong>de</strong>cintraitant autre (…). Ce qui me retient dans cette démarche (…), c’est <strong>la</strong> crainte <strong>de</strong> savoirqu’un confrère apprenne que vais chez un collègue, donc je lui ai pas accordé ma confiance.(…) Je sais à peu près chez qui j’irais et je n’ai pas envie <strong>de</strong> lui faire cette vacherie ! Parceque je pense que traiter un confrère <strong>de</strong> <strong>la</strong> même spécialité, ça doit être épouvantable ! ».« Je pense être assez compliant (…) Si je vais voir un confrère et qu’il me dise :"Ecoute, il faut faire ça", (…) je respecterai <strong>la</strong> décision <strong>de</strong> fin <strong>de</strong> consultation ».Deman<strong>de</strong>ur <strong>de</strong> p<strong>la</strong>teau technique chez le spécialiste : Après le flou visuel, « C’était10h du matin, à 12h30 j’étais chez le cardio. (…) Je lui ai expliqué mes symptômes en<strong>la</strong>ngage médical et j’ai fait ma <strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>de</strong> p<strong>la</strong>teau technique (…). Il a exécuté ce que je lui<strong>de</strong>mandais <strong>de</strong> faire (…), il a pas dépassé ».L’image du mé<strong>de</strong>cin à préserver à tout prix : « Je fais un bi<strong>la</strong>n biologique par an (…)dans <strong>la</strong> ville où est <strong>la</strong> rési<strong>de</strong>nce secondaire familiale, dans un souci <strong>de</strong> discrétion en medisant que si jamais il y a une anomalie quelque part, j’ai pas envie <strong>de</strong> risquer que ce soit suun peu partout ».Concernant l’épiso<strong>de</strong> <strong>de</strong> flou visuel, « Ce qui m’a le plus ennuyé, c’est d’avoir à enfaire part à mes patients. (…) Parce que ce sont <strong><strong>de</strong>s</strong> patients qui sont commerçants et voilà :"Le docteur a eu un ma<strong>la</strong>ise pendant qu’on y était", c’est vite dit ». « En aucun cas, unmé<strong>de</strong>cin ne doit paraître comme quelqu’un <strong>de</strong> possiblement ma<strong>la</strong><strong>de</strong> (…). C’est pas bon pour<strong>la</strong> patientèle. (…) Il n’est pas bon <strong>de</strong> se jeter en pâture ».


- 58 -8. Docteur HLe Dr H, un homme <strong>de</strong> 50 ans, est installé en milieu urbain <strong>de</strong>puis 1989 et exerce enassociation. La pathologie sélectionnée est une péricardite aiguë.Une absence <strong>de</strong> suivi mais une hygiène <strong>de</strong> vie : « J’ai pas <strong>de</strong> suivi réel (…), je meconsidère comme en bonne santé (…). J’ai fait une analyse <strong>de</strong> sang il y a une dizained’années, pour une assurance ». « C’est pas en faisant <strong><strong>de</strong>s</strong> bi<strong>la</strong>ns qu’on fait attention. Parcontre, c’est en essayant <strong>de</strong> prendre <strong><strong>de</strong>s</strong> mesures à <strong>la</strong> fois d’ordre diététique et d’hygiène <strong>de</strong>vie ». « Ah, si ! J’ai un mé<strong>de</strong>cin traitant que j’avais oublié, parce que c’est un copain ! ». « Sij’étais mon mé<strong>de</strong>cin traitant, j’aurais honte <strong>de</strong> ma prise en charge ».Un patient seul et inquiet face à ses symptômes : Après un bi<strong>la</strong>n biologique « qui étaitdramatiquement élevé en cholestérol (…), j’ai passé 3 semaines à me dire : « Je vais faireun infarctus ». « Il y a 3 ans, j’ai présenté une tendinite aiguë achiléenne pour <strong>la</strong>quelle j’aiconsulté un orthopédiste. Il y a eu une espèce <strong>de</strong> côté irrationnel où (…) je me suis mis àbro<strong>de</strong>r : "Si je ne peux plus marcher, si on me plâtre, comment je vais faire pourtravailler ?" ». Devant <strong>la</strong> douleur thoracique <strong>de</strong> <strong>la</strong> péricardite (encore nondiagnostiquée), «J’ai dit à une collègue : "On se dit au revoir, je vais peut-être mourir dans <strong>la</strong>nuit, c’est peut-être un infarctus" ».…mais confiant une fois pris en charge : « En pério<strong>de</strong> aiguë, je crois pas être unpatient pénible. (…) Moi, je me suis remis entre les mains <strong><strong>de</strong>s</strong> gens (…). J’ai cru que j’al<strong>la</strong>ismourir donc j’ai dit : "Allez-y, faites ! " (…) Je suis plutôt confiant ».Ses re<strong>la</strong>tions avec le personnel soignant : « Les soignants mé<strong>de</strong>cins ou futursmé<strong>de</strong>cins, quand ils ont vu que j’étais mé<strong>de</strong>cin, ils étaient un peu sidérés. Donc ça perturbait<strong>la</strong> re<strong>la</strong>tion, j’ai essayé <strong>de</strong> leur dire : "Faites abstraction du truc" (…). Ils osaient à peine metoucher ». Son propre mé<strong>de</strong>cin traitant : « Je pense qu’il y va plus avec <strong><strong>de</strong>s</strong> gants ».Ses difficultés à s’arrêter : Après <strong>la</strong> péricardite, « Ils m’ont obligé à prendre 15 jours<strong>de</strong> repos (…). Ça a été hyper-compliqué pour moi, dans ma tête, les 3 premiers jours (…).J’étais assez en colère (…) <strong>de</strong> ne pas pouvoir déci<strong>de</strong>r. (…) C’est <strong>la</strong> première fois que jem’arrête pour ma<strong>la</strong>die ». Lorsque « j’avais fait une péritonite aiguë (…), je venais travailler(…) et j’ai vu <strong><strong>de</strong>s</strong> patients qui étaient moins mal que moi (…). Je me suis fait traînerquasiment <strong>de</strong> force à <strong>la</strong> clinique pour aller voir un chirurgien ».L’impossible mé<strong>de</strong>cin ma<strong>la</strong><strong>de</strong> : «Comme j’ai été absent brutalement (…) mesassociés ont dit que j’étais ma<strong>la</strong><strong>de</strong> et hospitalisé ». Les patients « sont venus me trouver enme disant qu’ils étaient très inquiets, qu’ils ne vou<strong>la</strong>ient pas me perdre. (…) Il y en a quim’ont dit : "Mais on ne pensait pas qu’un docteur ça pouvait être ma<strong>la</strong><strong>de</strong>" (…). On esttoujours souriant et bien portant <strong>de</strong>vant les gens (…). Il y a aussi cette image qu’on donne etqu’on entretient ».


- 59 -9. Docteur ILe Dr I, une femme <strong>de</strong> 49 ans, est installée en milieu semi-rural en association <strong>de</strong>puis2 ans, après avoir exercé seule en milieu rural pendant 21 ans. La pathologie sélectionnéeest une fracture du fémur.« Je ne suis pas une obsédée <strong>de</strong> <strong>la</strong> santé » : Le Dr I a peu d’antécé<strong>de</strong>nts. Sa santé,« si je suis ma<strong>la</strong><strong>de</strong>, je <strong>la</strong> prendrai en charge (…), je pense que je gèrerai ». Elle n’a pas <strong>de</strong>mé<strong>de</strong>cin traitant. « Je ne suis pas une obsédée <strong>de</strong> <strong>la</strong> santé. (…) Je comparerais <strong>la</strong> prise encharge <strong>de</strong> ma santé avec <strong>la</strong> prise en charge <strong>de</strong> <strong>la</strong> santé <strong><strong>de</strong>s</strong> agricultrices (…) S’il y a unproblème, elles viennent. Si on leur dit <strong>de</strong> faire ça, elles le font. Je me retrouve pas mal dansle milieu agricole. Pas du tout dans le milieu angoissé ».Un mé<strong>de</strong>cin plus à l’écoute, notamment <strong>de</strong> <strong>la</strong> personne âgée : « J’ai vu l’hôpital dansl’autre sens. (…) Je trouve que c’est très intéressant ». A Y, il y avait « une petite mamie àcôté <strong>de</strong> moi, (…) au fauteuil (…) Les dames rentraient : "Tout va bien mamie ?" , alors qu’elleétait épuisée ça se voyait. (…) Les questions fermées : "Ça a l’air d’aller mieux aujourd’hui,vous avez moins mal", je les ai tellement découvertes avec le personnel (soignant). Si vousposez <strong>la</strong> question en sens inverse, vous avez une réponse différente : "Est-ce que vous avezmoins mal ?" C’est là qu’on comprend qu’il y a une manière d’abor<strong>de</strong>r <strong>la</strong> personne âgée. (…)Ça m’a peut-être un peu fait évoluer plus vite ».Concernant les réactions <strong>de</strong> ses patients : « J’ai repris (le travail) avec une béquille.Les vieux : "Ben alors, vous êtes pire que moi, maintenant, Docteur ! " (…) Quand j’al<strong>la</strong>is à <strong>la</strong>maison <strong>de</strong> retraite avec une canne, ils rigo<strong>la</strong>ient, les vieux ! ».Un arrêt <strong>de</strong> travail bien apprécié : « Ça me gêne pas d’être ma<strong>la</strong><strong>de</strong> (…). J’ai trouvéune remp<strong>la</strong>çante. Ça aurait pu être pire.(…) J’ai trouvé ça super, tout d’un coup. On fait plusrien. (…) J’ai eu une excuse pour pas travailler pendant <strong>de</strong>ux mois. »…mais « en libéral, il faut être en bonne santé » : « Le problème financier est quandmême présent. ( …) Pourquoi j’ai repris au bout <strong>de</strong> 2 mois ? Si j’avais pu prendre plus,j’aurais pris plus. (…) Nous, on a une tontine (…) Ça m’a permis le premier mois <strong>de</strong> ne pasêtre en déficit, (…) mais il aurait pas fallu que ça dure ». « Après le coup <strong>de</strong> <strong>la</strong> jambe, j’aihésité (à modifier les contrats d’assurance) parce que je touchais quand même pasénormément, mais si je changeais, ça me faisait cotiser <strong>de</strong>ux fois plus ». « Je pense qu’enmé<strong>de</strong>cine, en libéral, il faut croiser les doigts pour être en bonne santé. (…) On n’est pas trèsbien protégé. Les frais continuent. (…) Je pense que l’avantage, c’est que ça nous fait guérirplus vite ».


- 60 -10. Docteur JLe Dr J, un homme <strong>de</strong> 48 ans, est installé <strong>de</strong>puis 1989 en milieu semi-rural, et exerceen association. Les antécé<strong>de</strong>nts du Dr J sont essentiellement marqués par un cancer dutesticule survenu il y a 12 ans (pathologie sélectionnée).Une approche pragmatique <strong>de</strong> sa santé : Il n’a <strong>de</strong> mé<strong>de</strong>cin traitant déc<strong>la</strong>ré. « Ça neme pose pas <strong>de</strong> problème qu’il soit désigné ou pas (…). Le jour où j’aurai besoin d’unrecours médical, par contrainte administrative, je désignerai mon associé. (…) J’ai un petitpeu d’automédication (…), je paie mes médicaments ».« Je suis plutôt du style "Carpe Diem" (…) On attend qu’il y ait un problème pour sefaire du souci (…). J’essaie d’être pragmatique. (…) Au moment où j’ai été ma<strong>la</strong><strong>de</strong>, j’étaisassez réactif et j’ai bien fait <strong>de</strong> l’être. »Le comportement <strong><strong>de</strong>s</strong> mé<strong>de</strong>cins face à un confrère patient : « On a failli basculer uneou <strong>de</strong>ux fois dans : "Comme c’est un confrère, on va lui faire p<strong>la</strong>isir, on va le prendre entre<strong>de</strong>ux portes et on va pas faire comme si c’était un patient normal" (…) Si j’avais pas ététoubib, peut-être que les gens auraient pris le temps <strong>de</strong> se poser ». « L’échographiste,j’imagine que si j’avais pas été mé<strong>de</strong>cin (…), il aurait peut-être pas fait un coup d’échocomme ça, entre <strong>de</strong>ux, mais il aurait fait une consultation ».Le chirurgien, avant <strong>de</strong> connaître le diagnostic, avait choisi une voie d’abord scrotale,plutôt qu’abdominale : « Du style : pour que ce soit plus simple, pour aller plus vite. Commeça, il sera moins embêté, il aura moins mal, il pourra reprendre le boulot plus vite ». Mais« Sur <strong>la</strong> table, il a repris ses réflexes <strong>de</strong> toubib, il s’est dit : "Non, je ne veux pas courir lerisque" ».L’annonce du diagnostic a été vécue « comme très brutale, très intrusive (…) J’étaisen consultation (…) : "Je vous appelle pour vous dire que, donc, l’intervention qu’on vous afaite <strong>la</strong> semaine <strong>de</strong>rnière, c’était bien un cancer". Le mot n’avait jamais été prononcé. (…)C’est un <strong><strong>de</strong>s</strong> moments les plus difficiles <strong>de</strong> l’histoire ». Au cours du traitement, le chirurgienavait décrit <strong>de</strong> manière statistique les risques <strong>de</strong> rechute : « il y a 5% <strong>de</strong> risque sur le<strong>de</strong>uxième testicule ». A <strong>la</strong> fin du suivi , il « m’a dit : "Je veux plus vous voir" (…). Je pensequ’il avait à faire à un toubib (…) il a dû me faire confiance pour le suivi (…) sans le dire ».« Si on va au boulot, c’est que ça va bien » : Après <strong>la</strong> première intervention « C’étaitun vendredi » et donc avant <strong>de</strong> connaître le diagnostic, « Je suis allé bosser le lundi (…)j’étais pas frais (…). Ça avait une importance <strong>de</strong> recommencer à bosser (…). Si on va auboulot, c’est que ça va bien ».


- 61 -« J’ai repris le travail en me disant : "Je vais reprendre doucement, parce que je suiscrevé" (…) Ça a tenu une journée. (…) Le travail a plein <strong>de</strong> vertus <strong>de</strong> rééducation et <strong>de</strong>thérapeutique, donc, hardi petit ! (…) J’ai repris le boulot normalement, avec pas un poil surle caillou, c’est tout ! ».« La vérité est toujours moins sujette à fantasmes » : « Même si je ne suis pas ungrand monsieur, je suis quand même un mé<strong>de</strong>cin dans un petit bled, donc je suis en vue,(…). Et comme <strong>la</strong> vérité est toujours moins sujette à fantasmes que l’interprétation (…), j’aieu une stratégie <strong>de</strong> communication très basique : je suis allé le dire, (…) au bou<strong>la</strong>nger, auboucher, au marchand <strong>de</strong> journaux, en me disant : "Dans 10 minutes, tout le mon<strong>de</strong> est aucourant" (…) une ou <strong>de</strong>ux douzaines <strong>de</strong> personnes ont trouvé le courage <strong>de</strong> m’appeler pour,pas tellement pour me soutenir, pour venir à <strong>la</strong> pêche aux infos, faut être c<strong>la</strong>ir (…). Je nem’attendais pas à ce qu’il y ait un comité <strong>de</strong> soutien qui vienne sous ma fenêtre ».Une connivence entre les patients et leur mé<strong>de</strong>cin : « J’ai géré l’image du ma<strong>la</strong><strong>de</strong> quise soigne, en me disant : "Ça peut avoir un aspect positif <strong>de</strong> montrer qu’on peut s’en sortiravec un cancer". (…) C’est une sacrée chance, dans notre métier, d’avoir été ma<strong>la</strong><strong>de</strong> (…).Ça a changé ma façon d’abor<strong>de</strong>r (…) le diagnostic difficile, grave (…), l’accompagnement<strong><strong>de</strong>s</strong> accompagnants et du patient lui-même (…) et j’ai <strong><strong>de</strong>s</strong> patients (…) qui ont une espèce<strong>de</strong> connivence avec leur mé<strong>de</strong>cin : "J’ai <strong><strong>de</strong>s</strong> nausées, mais vous savez ce que c’est,docteur ! ". Concernant <strong>la</strong> ma<strong>la</strong>die grave, « Ça a changé le regard qu’en ont les patientsaussi (…). Ils en parlent plus facilement ».11. Docteur KLe Dr K, un homme <strong>de</strong> 58 ans, est installé en milieu urbain <strong>de</strong>puis 1977 et exerce enassociation. Ses antécé<strong>de</strong>nts sont marqués par un infarctus du myocar<strong>de</strong> à 31 ans et uncanal lombaire rétréci opéré (pathologie sélectionnée).Un mé<strong>de</strong>cin trop occupé qui néglige son suivi : Après l’infarctus, « Tout le mon<strong>de</strong> m’adit : "Il faut arrêter <strong>la</strong> mé<strong>de</strong>cine générale, c’est un métier trop stressant" (…). Je suis rentré à<strong>la</strong> SNCF comme mé<strong>de</strong>cin d’établissement à temps partiel (…), mais je n’ai pas pu merésoudre à arrêter <strong>la</strong> mé<strong>de</strong>cine générale ». Puis, il a repris ses étu<strong><strong>de</strong>s</strong>, est <strong>de</strong>venu mé<strong>de</strong>cinexpert dans divers domaines. « Mais donc, au final, je me suis retrouvé avec une activitéencore plus débordante qu’avant ».« J’ai déc<strong>la</strong>ré comme mé<strong>de</strong>cin traitant mon cardiologue (…) mais en réalité, je nevais pas le voir : je me fais mes renouvellements d’ordonnance. J’ai fait une prise <strong>de</strong> sang, ily a 2 ou 3 ans, (…) j’ai peut-être un peu négligé ».Victime <strong>de</strong> maltraitance médicale : Devant une protrusion discale L4-L5 à l’IRM, unrhumatologue « m’a dit : "Il faut faire <strong><strong>de</strong>s</strong> infiltrations <strong><strong>de</strong>s</strong> articu<strong>la</strong>ires postérieures" (…). À


- 62 -partir <strong>de</strong> là, on a l’impression que tout est parti <strong>de</strong> travers ». Une hospitalisation a été prévue,« Je me suis vu mal parti (…). Je n’arrivais plus à marcher sur plus <strong>de</strong> 100 m et là, il m’asurtout posé <strong><strong>de</strong>s</strong> questions : savoir si j’étais bien dans ma tête, si je m’entendais bien avecma femme (…). Je suis passé par toutes leurs marottes (…) et quand je leur disais : "J’ai maldans les jambes quand je marche", (il répondait) : "Oui, très bien(…) Déten<strong>de</strong>z-vous, vousêtes stressé ! ". Les p<strong>la</strong>intes du Dr K n’étaient pas entendues. « Quand j’ai été hospitalisépour le cœur ça a été pareil : (le réanimateur) avait (…) l’impression que c’était une crise <strong>de</strong>nerfs (…). On a commencé par me donner du Tranxène® . (…) C’était mal parti dès ledépart : (…) J’ai fait un infarctus sur <strong>la</strong> table <strong>de</strong> coronarographie. Il n’y avait plus <strong>de</strong> p<strong>la</strong>ce enréa, ils m’ont mis dans <strong>la</strong> chapelle. Et puis pour appeler, j’avais <strong>la</strong> sonnette du sacristain. (…)Le réanimateur, qui louchait d’ailleurs, me dit "On va poser une sous-c<strong>la</strong>vière" J’ai dit :"STOP ! On me fait une coronaro, je fais un infarctus ! Je ne veux pas une sous-c<strong>la</strong>vière etun pneumothorax ! " ».… mais un mé<strong>de</strong>cin qui reste « un ma<strong>la</strong><strong>de</strong> obéissant » : « J’ai pas eu <strong>de</strong> colère. (…)Au début, j’avais très confiance puisque c’est un centre qui avait une bonne réputation (…).On m’a montré à un psychiatre (…). Ça me paraissait un peu bizarre (…). Mon problèmelombaire n’avait pas l’air <strong>de</strong> les intéresser. (Cependant), j’ai pas essayé d’influer sur lefonctionnement <strong><strong>de</strong>s</strong> mé<strong>de</strong>cins (…), j’ai pas <strong>de</strong>mandé à partir plus tôt que prévu (…), je mesuis un peu <strong>la</strong>issé faire ».De <strong>la</strong> nécessité d’être i<strong>de</strong>ntifié pour être soigné : « Je pense qu’on ne m’a pas écoutédans 2 circonstances où les gens ne me connaissaient pas ». « En cardiologie, j’ai été vu parle mé<strong>de</strong>cin du service que je connaissais, les choses se sont redressées. Puis, quand j’aiappelé le neurochirurgien que je connaissais, il m’a convoqué tout <strong>de</strong> suite. (…) Les gens quime connaissent, ils savent que si j’appelle, c’est (…) urgent. Parce que je fais comme çapour mes ma<strong>la</strong><strong><strong>de</strong>s</strong> ».De <strong>la</strong> difficulté <strong>de</strong> soigner un confrère : « J’ai un mé<strong>de</strong>cin, qui est à <strong>la</strong> retraite, (…) iln’en fait qu’à sa tête sur le traitement (…). C’est un gars qui était un ami, ça compliquebeaucoup les choses, (il ne prend pas) ce qu’on lui prescrit. Ou à <strong><strong>de</strong>s</strong> doseshoméopathiques, enfin, à s’inventer <strong><strong>de</strong>s</strong> effets secondaires ».12. Docteur LLe Dr L, un homme <strong>de</strong> 60 ans, est installé en milieu urbain <strong>de</strong>puis 31 ans et exerceen association. La pathologie sélectionnée est une intrication <strong>de</strong> pathologies et <strong>de</strong>complications urologiques à l’origine <strong>de</strong> plusieurs interventions et d’un lourd retentissementpsychologique.


- 63 -Le poids et non l’ai<strong>de</strong> du savoir médical : Le Dr L est son propre mé<strong>de</strong>cin traitant.« Je pense qu’on est très mauvais mé<strong>de</strong>cin pour soi-même. Parce qu’on sait <strong><strong>de</strong>s</strong> choses,médicales, et puis on pense au plus grave ». En tant que patient, « Je me fais un stress paspossible (…). J’étais un mauvais patient, j’étais un mauvais mé<strong>de</strong>cin». Devant une hématurieau cours d’un week-end, « Je me voyais perdu, (…) j’étais bien seul (…) un sentiment <strong>de</strong>panique. (…) Il n’y avait pas une analyse sérieuse du mé<strong>de</strong>cin (…). Je me suis retrouvé chezl’urologue, l’après-midi du lundi ». « Le gars qui a pas <strong>de</strong> formation médicale, qui saigne dunez ou <strong>de</strong> l’urètre, c’est pareil pour lui . (…) Sauf que quand on est mé<strong>de</strong>cin, on sait quec’est jamais anodin, l’hématurie chez un homme. (Mon associé) m’a expliqué <strong><strong>de</strong>s</strong> trucs,statistiquement (…) pour moi, c’était pas 1 sur 1 million, c’était un pour un, c’était moi ! ».Un vécu <strong>de</strong> <strong>la</strong> ma<strong>la</strong>die difficile chez un mé<strong>de</strong>cin « cancérophobe » : « J’étais sûrd’avoir un cancer <strong>de</strong> vessie ou un cancer du rein. (…) Moi, je suis cancérophobe (…) J’ai euune pério<strong>de</strong> difficile dans ma tête. (L’urologue) me disait : "T’as rien, je suis sûr que c’estpas grave ce que tu as" (…) mais il m’avait dit : "Tu sais <strong><strong>de</strong>s</strong> fois, au fond <strong><strong>de</strong>s</strong> diverticules, ily a parfois <strong><strong>de</strong>s</strong> petits néos qu’on voit pas" ».Puis une gêne pelvienne est apparue : « J’ai eu <strong>de</strong>ux ans <strong>de</strong> douleurs. (…) Il mesentait tellement inquiet, il jouait un peu <strong>la</strong> dérision "Je vois <strong><strong>de</strong>s</strong> choses infiniment plusgraves ! (…) Tu m’emmer<strong><strong>de</strong>s</strong> avec tes conneries, tu as jamais rien, tu viens me voir pourrien ! "". Tout le mon<strong>de</strong> me disait que j’avais rien mais moi, j’avais mal (…). Je majoraiscertainement. (…) J’ai craqué, je suis allé voir un gastro en catastrophe (…). Je m’étais misdans l’idée que j’avais quelque chose <strong>de</strong> digestif. (…) L’urologue, (…) il a craqué lui aussi, ilm’a dit : "Ecoute, je peux rien pour toi (…) Tu penses toujours au pire, moi je ne sais pasquoi te dire, va voir un psychologue" ».Un mé<strong>de</strong>cin « déconnecté du réel » qui se sent « diminué » : Absent 3 semainessuite à un intervention urologique prévue <strong>de</strong>puis 1 mois, le Dr L n’avait pas organisé sonremp<strong>la</strong>cement. « J’étais déconnecté du réel (…) pas prêt à m’arrêter (…). Avec le recul, jedis que c’est une erreur, parce que j’aurais dû avoir le temps (…). Je (vou<strong>la</strong>is) pas qu’autruisache (…). J’avais pas envie qu’une remp<strong>la</strong>çante soit là parce que je suis ma<strong>la</strong><strong>de</strong> ». L’arrêt<strong>de</strong> travail était « narcissiquement mal vécu : "je suis là comme un con, je suis chez moi entrain <strong>de</strong> lire n’importe quoi. Je suis pas au boulot, je <strong>de</strong>vrais être au boulot ! (…) On vat’opérer, tu vas être feinté pendant un mois" ».« Je me sentais diminué. (…) Un mé<strong>de</strong>cin qui est ma<strong>la</strong><strong>de</strong>, il prend un coup <strong>de</strong>massue. (…) On se sent vulnérable, on se sent comme le commun <strong><strong>de</strong>s</strong> mortels ».La « terrible » attente <strong><strong>de</strong>s</strong> résultats : « On va te faire <strong><strong>de</strong>s</strong> examens (…). C’est là qu’onse rend compte qu’on est <strong>de</strong> l’autre côté <strong>de</strong> <strong>la</strong> barrière. (…) Je me souviens, j’étais dans lecabinet <strong>de</strong> l’urologue : "On va téléphoner, t’inquiète pas". Ça m’a semblé une éternité (…) jeme bouffais les bouts <strong><strong>de</strong>s</strong> doigts, j’étais très, très mal (…), vraiment terrible ».


- 66 -15. Docteur OLe Dr O, un homme <strong>de</strong> 51 ans, est installé seul en milieu urbain et exerce <strong>de</strong>puis20 ans. Ses antécé<strong>de</strong>nts sont marqués par 2 pathologies : une dépression et unepneumopathie (pathologie sélectionnée).La difficulté à choisir un mé<strong>de</strong>cin traitant : Le Dr O n’a pas <strong>de</strong> mé<strong>de</strong>cin traitant. « Çavaudrait <strong>la</strong> peine, peut-être, d’aller voir quelqu’un qui serait dans l’aptitu<strong>de</strong> à m’apporter <strong><strong>de</strong>s</strong>réponses, plutôt que d’aller faire une patouillerie personnelle. (Dans mon entourage), « j’ai<strong><strong>de</strong>s</strong> gens que je trouve tout à fait compétents. (… Il faudrait) trouver un confrère, avec lequelje suis dans l’inconnu. Je ne veux pas lui cacher que je suis mé<strong>de</strong>cin généraliste, il peutsavoir ce que je fais, mais après, c’est plus le problème. (…Il ) va m’imposer un examen,m’embêter, peu importe (…) Si ça n’al<strong>la</strong>it pas, je peux en choisir un autre ». Cette démarche« reste encore difficile, mais j’avance ; ( il est vrai qu’) on est <strong><strong>de</strong>s</strong> faux mé<strong>de</strong>cins quand onveut se soigner ».Un patient angoissé à l’idée d’être ma<strong>la</strong><strong>de</strong> ou <strong>de</strong> mourir : « Je pense plutôt être unpatient inquiet (…). Pendant longtemps, j’avais vraiment une gran<strong>de</strong> peur <strong>de</strong> mourir (…). Estceque c’est pas un cancer, quand même ? (…). Il y a le diagnostic, le pire, tout <strong>de</strong> suiteauquel on pense. »… mais très calme face à une pathologie concrète pour <strong>la</strong>quelle il est suivi par unconfrère : « Dans <strong>la</strong> nuit, j’ai eu une violente douleur thoracique, (…) bizarrement, j’ai euaucune peur, (…juste) une inquiétu<strong>de</strong> organisationnelle : "Demain, c’est sûr, je ne peux pasaller travailler (…). Il faut que j’appelle <strong>la</strong> remp<strong>la</strong>çante". Le len<strong>de</strong>main matin (…) j’ai appelé lepneumologue (…) et je l’ai vu rapi<strong>de</strong>ment dans <strong>la</strong> matinée (…). Il m’a ausculté, il m’aexaminé (…), à ce moment là j’étais patient (…). Il m’a donné une double antibiothérapie (…)1 heure après, j’étais (…) complètement sou<strong>la</strong>gé ». « C’est rassurant (d’entendre) : "Tu vasfaire ça et ça". (...) Bizarrement, on dit toujours : "Le patient, il faut qu’il ait son libre-arbitre".Moi, j’avais aucune envie d’être dans le libre-arbitre : "Tu me dis <strong>de</strong> faire ça et ça, tu merassures, je fais" (…) Je veux surtout pas être docteur (à ce moment-là) ».La peur et <strong>la</strong> solitu<strong>de</strong> face à l’attente <strong>de</strong> résultats médicaux : Devant un grain <strong>de</strong>beauté suspect, le Dr O a consulté une <strong>de</strong>rmatologue qui lui a dit : « Oui, c’est bien trop noir,il faut que je l’enlève ». Au bout d’une semaine n’ayant pas <strong>de</strong> résultat, il est autorisé par <strong>la</strong>spécialiste à appeler directement le <strong>la</strong>boratoire : « On a envoyé votre résultat pourconfirmation au centre <strong><strong>de</strong>s</strong> mé<strong>la</strong>nomes » (qui était fermé ce vendredi soir) pour entendre direle lundi matin que tout était normal. (…) Mais comme c’était pour le Dr O, le <strong>la</strong>bo avaittransmis aux autres pour être vraiment sûr. On voit bien qu’on est dans une casca<strong>de</strong>, et aumilieu, on n’est pas protégé du tout ».


- 67 -De même, en pneumologie, avant le diagnostic <strong>de</strong> pneumopathie, « J’ai eul’inquiétu<strong>de</strong> <strong>de</strong> trouver quelque chose <strong>de</strong> grave quand le manip radio a monté <strong>la</strong> radio (…).Pendant 5 secon<strong><strong>de</strong>s</strong>, je suis le patient, j’attends avec inquiétu<strong>de</strong> le pneumologue (…), maison a beau s’en défendre, on est quand même collé au négatoscope (…) dans le rôle dumé<strong>de</strong>cin ».La difficulté à suivre un confrère : « La difficulté, c’est <strong>de</strong> le voir comme un patient etpas comme un autre professionnel. S’il vient me dire : "J’ai une douleur là", est-ce que lui, iln’a pas déjà fait son diagnostic ? Mais il ne me le dit pas. (…) Il vient en tant que patient (…).Il faut respecter sa posture <strong>de</strong> patient (…). On partage le même <strong>la</strong>ngage médical, mais je nesuis pas sûr qu’il puisse l’entendre ». Quand on est trop proche du patient, le risque est <strong>de</strong>« minimiser les symptômes (…) pour ne pas l’affoler ».


- 68 -D. ANALYSE THEMATIQUE TRANSVERSALE1. Etat <strong>de</strong> santé et suivi médical1.1 Antécé<strong>de</strong>ntsLes mé<strong>de</strong>cins interrogés présentent <strong><strong>de</strong>s</strong> antécé<strong>de</strong>nts très variés, pour certains trèsnombreux. Ils ne seront pas détaillés ici.98765432101 à 2 3 à 5 6 à 10 > 10Figure 5 : Nombre d'antécé<strong>de</strong>nts <strong><strong>de</strong>s</strong> mé<strong>de</strong>cins interrogés3 mé<strong>de</strong>cins interrogés ont évoqué l’hypothèse que le fait d’être mé<strong>de</strong>cin expose à<strong><strong>de</strong>s</strong> pathologies ou <strong><strong>de</strong>s</strong> complications extraordinaires au sens propre du terme.« Comme tout bon mé<strong>de</strong>cin, j’ai fait une complication, puisque j’ai fait une hépatitesur HBPM » (Dr C).« Un Basedow sans goitre et sans exophtalmie (…), une borréliose tertiaire (…) unerupture utérine (…) Je suis exceptionnelle.(…) J’ai entendu ça par tous les mé<strong>de</strong>cins quim’ont soignée : " C’est parce que vous êtes mé<strong>de</strong>cin ". C’est <strong>la</strong> première chose qu’ils medisent » (Dr F).« J’ai fait un rétrécissement urétral. Ça arrive une fois sur 100 ou <strong>de</strong>ux fois sur 100.(Le chirurgien ) m’a dit : "T’as pas <strong>de</strong> pot, il faut que je te ré-opère" (… plus tard), j’ai fait unehydrocèle, c’est rare, mais ça arrive (…un autre chirurgien lui dit) : "Ça arrive rarement, maisbon, il faut que ça tombe sur les mé<strong>de</strong>cins ! " » (Dr L).


- 69 -1.2 Problèmes <strong>de</strong> santé récents et traitements actuelsAucun <strong><strong>de</strong>s</strong> mé<strong>de</strong>cins interrogés ne présente <strong>de</strong> problème <strong>de</strong> santé découvertrécemment. Au moment <strong>de</strong> l’étu<strong>de</strong>, ils n’avaient pas <strong>de</strong> bi<strong>la</strong>n <strong>de</strong> santé en cours.7 mé<strong>de</strong>cins sur 15 prennent actuellement un traitement au long cours : 4 mé<strong>de</strong>cinsont un traitement à visée cardiovascu<strong>la</strong>ire (Drs D, E, G et K), 1 mé<strong>de</strong>cin prend duLevothyrox® (Dr F), un mé<strong>de</strong>cin prend du Delursan® (Dr C) et le Dr N prend <strong><strong>de</strong>s</strong> AINS aulong cours, <strong>de</strong>puis environ 30 ans, en fonction <strong>de</strong> sa symptomatologie.1.3 Prise en charge globale <strong>de</strong> <strong>la</strong> santé-Les mé<strong>de</strong>cins interrogés ont-ils un mé<strong>de</strong>cin traitant ?5/157/158/152/151/15Pas <strong>de</strong> mé<strong>de</strong>cin traitant déc<strong>la</strong>réDéc<strong>la</strong>ré comme leur propre mé<strong>de</strong>cin traitantSpécialiste d'organe déc<strong>la</strong>ré comme mé<strong>de</strong>cin traitantAssocié déc<strong>la</strong>ré comme mé<strong>de</strong>cin traitantFigure 67 : Déc<strong>la</strong>ration d’un Mé<strong>de</strong>cin TraitantLes mé<strong>de</strong>cins n’ayant pas <strong>de</strong> mé<strong>de</strong>cin traitant déc<strong>la</strong>ré jouent ce rôle pour euxmêmes.Ainsi, 12 mé<strong>de</strong>cins interrogés sur 15 sont leur propre mé<strong>de</strong>cin traitant, déc<strong>la</strong>ré ounon auprès <strong>de</strong> l’Assurance ma<strong>la</strong>die.2 mé<strong>de</strong>cins sur 15 ont choisi un spécialiste (cardiologue et angiologue) commemé<strong>de</strong>cin traitant.1 mé<strong>de</strong>cin a choisi l’un <strong>de</strong> ses associés qui ne l’a jamais examiné.


- 70 -Au total, 13 mé<strong>de</strong>cins interrogés sur 15 ne sont jamais examinés <strong>de</strong> manièresystématique ou préventive.- Pourtant, « ce n’est pas l’envie qui (leur) en manque : (…) Ce serait une bonnedémarche » (Dr F). « Ça serait vraiment important que les mé<strong>de</strong>cins généralistes aient euxaussi un mé<strong>de</strong>cin traitant » (Dr C) ; ce serait mieux « que <strong>de</strong> faire une patouilleriepersonnelle » (Dr O).- Les freins à <strong>la</strong> consultation ou à <strong>la</strong> désignation d’un confrère en tant que mé<strong>de</strong>cintraitant :Certains n’en ressentent pas le besoin actuel : « Quand je serai à <strong>la</strong> retraite, jechoisirai un confrère comme mé<strong>de</strong>cin traitant » (Dr N). « Le jour où j’aurais besoin d’unrecours médical, par contrainte administrative, je désignerai (mon associé) » (Dr J). « Pour <strong>la</strong>petite pathologie bénigne qui fait 80% <strong>de</strong> notre activité, je ne consulte pas, je me débrouilletout seul » Dr DLes mé<strong>de</strong>cins évoquent <strong><strong>de</strong>s</strong> contraintes horaires : « Les gens ont les mêmes horairesque nous » (Dr F).Ils hésitent à choisir un confrère proche :« Je trouve compliqué d’aller parler <strong>de</strong> moi et<strong>de</strong> ma santé à <strong><strong>de</strong>s</strong> confrères que je connais dans d’autres circonstances» (Dr C). « Je medisais que c’était pas forcément le meilleur que d’aller voir quelqu’un avec qui je travaille toutle temps » (Dr O).Ils ont peur <strong>de</strong> déranger : « Mon mé<strong>de</strong>cin traitant, c’est moi (…). J’ai eu d’abord monassocié (…). Comme c’était pour faire mes ordonnances et que je le faisais moi-même,plutôt que <strong>de</strong> lui casser les pieds, je suis re<strong>de</strong>venu mon mé<strong>de</strong>cin traitant » (Dr E). Par<strong>la</strong>ntd’un confrère et ami, le Dr G dit : « Je n’ai pas envie <strong>de</strong> lui faire <strong>la</strong> vacherie <strong>de</strong> lui confier <strong>la</strong>prise en charge <strong>de</strong> ma santé ! ».Pour d’autres, il s’agit d’une difficulté à se confier : « Moi, en tout cas, en tant quemé<strong>de</strong>cin qui <strong>de</strong>vient patient, j’aurais du mal à me confier. En tout cas, ça ne m’est jamaisarrivé ! » (Dr M).- Le recours aux spécialistes : Les mé<strong>de</strong>cins interrogés face à un « symptômeanormal » vont tous directement voir un spécialiste.Les mé<strong>de</strong>cins généralistes « vont plutôt directement voir un spécialiste (…). Monexpérience personnelle, c’est que face à un problème aigu (…), je ne suis pas allé voir unconfrère généraliste » (Dr D). « J’ai eu <strong><strong>de</strong>s</strong> rectorragies, je suis allé voir directement legastro-entérologue » (Dr K) ; <strong>de</strong>vant une hématurie « Je suis allé voir immédiatementl’urologue » (Dr L).Chez un spécialiste, les mé<strong>de</strong>cins interrogés recherchent «une compétencespécifique, qui est plus technique » (Dr O). « Chez le spécialiste, (…) j’étais <strong>de</strong>man<strong>de</strong>ur <strong>de</strong>


- 71 -p<strong>la</strong>teau technique » (Dr G). Parfois, ils semblent rechercher une prestation <strong>de</strong> services plusqu’un soin : « Je suis allé à <strong>la</strong> clinique parce que je me suis dit : "Je serai servi plus vite" ».1.4 Représentations <strong>de</strong> <strong>la</strong> prise en charge <strong>de</strong> leur santéInterrogés sur l’image qu’ils ont <strong>de</strong> <strong>la</strong> prise en charge <strong>de</strong> leur santé <strong>de</strong> manièregénérale ou en comparant avec celle <strong>de</strong> leur patients, les mé<strong>de</strong>cins interrogés ont <strong><strong>de</strong>s</strong> avisdivergents. Ils sont majoritairement très critiques, vis-à-vis d’eux-mêmes.5 mé<strong>de</strong>cins pensent avoir une prise en charge assez proche <strong>de</strong> celle <strong>de</strong> leurspatients : « J’essaie d’être professionnel, aussi bien pour moi, que pour mes patients »(Dr D). « Je suis suivi, j’ai un dossier à mon nom dans mon ordinateur, (… ma prise encharge) est i<strong>de</strong>ntique à celle <strong>de</strong> mes patients » (Dr E).Mais 10 mé<strong>de</strong>cins sur 15 considèrent que leur prise en charge est moins bonne quecelle <strong>de</strong> leurs patients ou est inexistante. « Elle est nulle ! » (Drs A et C). « En préventif, jesuis assez nul. Je fais (<strong><strong>de</strong>s</strong> bi<strong>la</strong>ns) plutôt dans l’aigu » (Dr A). « J’aurais un patient commeça, je le mettrais <strong>de</strong>hors ! » (Dr C). Le Dr B dit « être nettement moins bon dans l’autodiagnostic». « Je ne me plie pas à une surveil<strong>la</strong>nce comme je souhaite que mes patients seplient » (Dr G). « J’ai pas <strong>de</strong> suivi réel (…). Si j’étais mon mé<strong>de</strong>cin traitant, j’aurais honte <strong>de</strong>ma prise en charge » (Dr H). « J’ai déc<strong>la</strong>ré comme mé<strong>de</strong>cin traitant mon cardiologue, maisen réalité, je ne vais pas le voir » (Dr K). « Je pense qu’on est très mauvais mé<strong>de</strong>cin poursoi-même » (Dr L). « On est <strong><strong>de</strong>s</strong> faux mé<strong>de</strong>cins quand on veut se soigner nous. On est <strong><strong>de</strong>s</strong>pas bons, <strong><strong>de</strong>s</strong> mauvais, il faut le dire ! » (Dr O).1.5 Représentations en tant que patientDe même, lorsque nous avons <strong>de</strong>mandé aux mé<strong>de</strong>cins <strong>de</strong> l’étu<strong>de</strong> quelle image ilsavaient d’eux-mêmes en tant que patient, nous avons obtenu 2 types <strong>de</strong> réponsescontradictoires pour un même mé<strong>de</strong>cin. Ils semblent être <strong><strong>de</strong>s</strong> "patients à double visage" :- « Un patient pas parfait mais presque » (Dr E) : « Si je suis bien ma<strong>la</strong><strong>de</strong> (…), je suissoumis (…) assez obéissant » (Dr A). « Je suis pas spécialement revendicatif (…), trèsscrupuleux quand j’ai <strong>la</strong> pétoche » (Dr B). « Je pense être une patiente qui oublie qu’elle estmé<strong>de</strong>cin » (Dr C). « Je me suis très bien comporté » (Dr D). « Je suis très reconnaissante »(Dr F). « En pério<strong>de</strong> aiguë, je crois pas être un patient pénible » (Dr H). « Au moment où j’aiété ma<strong>la</strong><strong>de</strong>, j’étais assez réactif » (Dr J). « J’ai pas essayé d’influer sur le fonctionnement<strong><strong>de</strong>s</strong> mé<strong>de</strong>cins » (Dr K). « J’ai été très, très patient (…) assez compliant » (Dr M). « Quand jesuis ma<strong>la</strong><strong>de</strong>, je fais très confiance, je suis très discipliné » (Dr N). « Je suis docile, faut faire,je fais » (Dr O). « Je suis une très bonne patiente, très compliante, mais jusqu’à un certainpoint (…). Je surveille, je veille au grain » (Dr F).


- 72 -- « Je ne pense pas être un bon patient » (Dr N) : « J’ai envie <strong>de</strong> comman<strong>de</strong>r » (DrA). « Je ne suis pas très observant (…) Je ne finis jamais un boîte d’antibiotiques quand jel’ai commencée» (Dr B). « Je fais ce que je dis qu’il ne faut pas faire » (Dr C). « En tant quepatient, je me fais un stress pas possible » (Dr L). « L’observance n’est pas très bonne »(Dr N). « J’étais un patient plutôt inquiet » (Dr O).2. Parcours <strong>de</strong> patient2.1 Dé<strong>la</strong>i <strong>de</strong> prise en charge <strong><strong>de</strong>s</strong> pathologies sélectionnéesPour 10 mé<strong>de</strong>cins sur 15, le dé<strong>la</strong>i <strong>de</strong> prise en charge a été très court. La prise encharge s’est faite soit en milieu hospitalier, souvent par le biais d’un service d’urgences, soitchez un spécialiste. Il s’agit, pour ces mé<strong>de</strong>cins, dans certains cas, d’une pathologietraumatique (chutes avec fracture : Drs A, D et I), ou dans d’autres cas, d’une pathologieurgente à prendre en charge (infarctus : Dr E, péricardite : Dr H, épiso<strong>de</strong> infectieux avecaltération <strong>de</strong> l’état général : Drs M et O, pathologie rhumatologique avec atteinteneurologique : Dr B complication d’un accouchement : Dr F, flou visuel : Dr G, hématuriemacroscopique : Dr L).Pour 2 mé<strong>de</strong>cins, <strong>la</strong> prise en charge nécessitait d’être rapi<strong>de</strong> (cancer du testicule :Dr J, atteinte neurologique sur canal lombaire rétréci : Dr K). Elle ne s’est pas faite enurgence, mais a nécessité <strong>la</strong> réactivité du patient lui-même (erreurs diagnostiques initiales).Le Dr N a été pris en charge rapi<strong>de</strong>ment (avant <strong>de</strong> partir en coopération), mais lediagnostic <strong>de</strong> spondy<strong>la</strong>rthrite ankylosante n’a été posé que plusieurs années plus tard. Ils’agit ici d’une pathologie chronique évoluant <strong>de</strong>puis plus <strong>de</strong> 30 ans.Un mé<strong>de</strong>cin a attendu le plus longtemps possible pour se faire opérer (Dr C).De manière plus générale, le dé<strong>la</strong>i <strong>de</strong> prise en charge (accès aux examenscomplémentaires ou aux spécialistes) est <strong>la</strong>rgement raccourci grâce au statut <strong>de</strong> confrèremé<strong>de</strong>cin généraliste : « J’ai pas eu le circuit habituel (…) On a une sorte <strong>de</strong> passe-droit » (DrO). « J’ai eu un peu <strong>de</strong> piston, parce que sinon, j’aurais été <strong>la</strong>mbda, j’aurais peut-être pasété transférée » (Dr I). « On va avoir un ren<strong>de</strong>z-vous à l’avance, qui sera souvent en plus<strong><strong>de</strong>s</strong> ren<strong>de</strong>z-vous, parce qu’ils nous rajoutent en début <strong>de</strong> consultation » (Dr M).2.2 Accès à un réseau <strong>de</strong> professionnels connusQue ce soit donc en premier recours, ou en <strong>de</strong>uxième recours (après un passagedans un service d’urgence ou hospitalier non choisi initialement), 13 mé<strong>de</strong>cins sur 15 ontcontacté <strong><strong>de</strong>s</strong> spécialistes qu’ils connaissaient et avec lesquels ils travail<strong>la</strong>ient pour traiter <strong>la</strong>pathologie sélectionnée.


- 73 -Les 2 mé<strong>de</strong>cins qui ont été soignés par <strong><strong>de</strong>s</strong> professionnels qu’ils ne connaissaientpas (volontairement pour le Dr C, après un avis spécialisé pour le Dr K), ont été déçus <strong>de</strong>leur prise en charge.2.3 Auto-prescription et auto-diagnosticTous les mé<strong>de</strong>cins interrogés pratiquent <strong>de</strong> manière générale l’auto-prescriptiond’examens complémentaires et l’auto-médication. Certains critiquent cette manière <strong>de</strong> sesoigner : « J’ai géré ça à <strong>la</strong> manière d’un mé<strong>de</strong>cin qui s’auto-gère (…). J’ai commencé parme traiter (…) "à <strong>la</strong> va comme je te pousse" (…), à boulotter <strong><strong>de</strong>s</strong> médicaments (…) et puis(…) je me suis quand même décidé à aller voir un confrère » (Dr M). « Je prenais tout etn’importe quoi pour calmer <strong>la</strong> douleur (…). J’ai été obligée <strong>de</strong> me mettre sous corticoï<strong><strong>de</strong>s</strong>(…), j’ai arrêté brutalement (…) et j’ai fait un syndrome <strong>de</strong> sevrage » (Dr C).Pour les pathologies sélectionnées qui ont été traitées en milieu hospitalier, lesprescriptions et les diagnostics ont été faits par les confrères hospitaliers. 10 mé<strong>de</strong>cinsinterrogés sur 15 renouvellent eux-mêmes leurs ordonnances, étant leur mé<strong>de</strong>cin traitant ounon.Dans un premier temps, <strong><strong>de</strong>s</strong> hypothèses diagnostiques, souvent justes, sont émisespar le mé<strong>de</strong>cin lui-même. Ces diagnostics, ne sont pas toujours suivis d’une prise en chargelogique par le patient mé<strong>de</strong>cin. Ainsi, le Dr A qui a fait son propre diagnostic <strong>de</strong> « fracture <strong>de</strong><strong>la</strong> 7 ème dorsale », prend bien un avis spécialisé auprès d’un orthopédiste par téléphone: « Onva mettre une petite immobilisation dorsale », mais n’applique pas son conseil thérapeutique.Ou bien, le Dr H qui suspecte, avec son épouse mé<strong>de</strong>cin également, <strong>de</strong> faire un infarctus dumyocar<strong>de</strong>, déci<strong>de</strong> <strong>de</strong> se rendre à l’hôpital par ses propres moyens. « Est-ce qu’on appelle le15 ? C’est ce que l’on aurait fait pour un patient, d’ailleurs. (… Il dit à sa femme) : " (Si je faisun arrêt cardiaque), prends ton portable, il sera toujours temps, pendant que tu memasseras, d’appeler le 15" ».2.4 Prise en charge atypique ?La majorité <strong><strong>de</strong>s</strong> mé<strong>de</strong>cins interrogés ont bénéficié d’une prise en charge c<strong>la</strong>ssiquepour les pathologies sélectionnées.2 situations nous semblent relever peut-être d’une prise en charge initiale un peuparticulière : pour le Dr J ( voie d’abord chirurgicale modifiée lors <strong>de</strong> l’intervention) et pour leDr K (atteinte médul<strong>la</strong>ire non reconnue et symptômes décrits par le patient mis sur le compted’une pathologie psychiatrique). L’une d’entre elles est peut-être liée à <strong>la</strong> profession dupatient : « Comme c’est un confrère, on va lui faire p<strong>la</strong>isir (…). On va pas lui faire comme sic’était un patient normal (… mais le chirurgien) sur <strong>la</strong> table (d’opération) a repris ses réflexes<strong>de</strong> toubib » (Dr J). Ces 2 mé<strong>de</strong>cins ont été par <strong>la</strong> suite soignés <strong>de</strong> manière c<strong>la</strong>ssique.


- 74 -2.5 SuiviDans notre étu<strong>de</strong>, les mé<strong>de</strong>cins interrogés ne bénéficient quasiment jamais <strong>de</strong> suiviou <strong>de</strong> consignes <strong>de</strong> suivi, données par un spécialiste. Après un problème <strong>de</strong> santé aigu, ilsne sont que très rarement revus par le mé<strong>de</strong>cin qui les a soignés.Ainsi, le Dr A à l’issue <strong>de</strong> son traitement orthopédique pour 2 tassements vertébraux,n’a pas revu le spécialiste et n’a reçu aucune consigne <strong>de</strong> suivi. Le Dr I a dû insister pourqu’on lui enlève <strong>la</strong> p<strong>la</strong>que métallique (traitement <strong>de</strong> sa fracture du grand trochanter) qui <strong>la</strong>faisait souffrir. Le Dr J s’est vu confier <strong>de</strong> manière implicite le suivi <strong>de</strong> son cancer : « Il avait àfaire à un toubib (…) Il a dû me faire confiance pour le suivi : "Je ne veux plus vous voir" ».Après une intervention chirurgicale du genou, le chirurgien a dit au Dr M : « C’est pas <strong>la</strong>peine que je te revois après, tu me donneras <strong>de</strong> tes nouvelles ». Après un avis auprès d’unspécialiste, le Dr M regrette que le fait d’être mé<strong>de</strong>cin ôte au patient le droit d’être l’objet d’uncourrier entre confrères : « J’ai pas eu <strong>de</strong> lettre (…) parce que quand même, dans une lettre,le mé<strong>de</strong>cin consultant, il se pose (…), il évacue <strong>la</strong> discussion, il met un diagnostic et il metune conduite à tenir (…). Ça, ça disparaît ».2.6 Arrêt <strong>de</strong> travailDans notre étu<strong>de</strong>, nous avons constaté que fréquemment, les mé<strong>de</strong>cins interrogés,« tombent » ma<strong>la</strong><strong><strong>de</strong>s</strong> au cours <strong>de</strong> leurs vacances ou lors d’un week-end prolongé. Pour sefaire opérer, ils choisissent également leurs congés ou un week-end (Docteurs A, C, E, F, I,K, L, N).2 mé<strong>de</strong>cins ne se sont quasiment jamais arrêtés <strong>de</strong> travailler à cause d’une ma<strong>la</strong>die :le Dr B et le Dr G (1 seul jour d’arrêt lors d’un grippe en 29 ans d’exercice).A l’exception du Dr E, les mé<strong>de</strong>cins disent que leur arrêt <strong>de</strong> travail a été trop court ouqu’ils ont repris leur travail trop tôt. « Si j’avais pu prendre plus, j’aurais pris plus ! » (Dr I).« J’étais vraiment très fatigué (si ça se reproduisait), je m’arrêterais même plus. Parce quec’est important, en fait » (Dr H). Le Dr C dit qu’elle s’est arrêtée « pas assez longtemps ».3. Vécu <strong>de</strong> <strong>la</strong> ma<strong>la</strong>die3.1 Réactions face à <strong>la</strong> pathologieBien qu’ils n’aient pas été interrogés <strong>de</strong> manière directe sur leurs représentations <strong>de</strong><strong>la</strong> ma<strong>la</strong>die, certains <strong><strong>de</strong>s</strong> mé<strong>de</strong>cins <strong>de</strong> notre étu<strong>de</strong> se sont exprimés sur le sujet.« Je suis un peu dans le refus <strong>de</strong> <strong>la</strong> ma<strong>la</strong>die. J’ai pas envie d’être ma<strong>la</strong><strong>de</strong>, êtretouché dans mon intégrité, ça me déstabilise (…). J’ai eu finalement 4 épiso<strong><strong>de</strong>s</strong> dans monexistence professionnelle que je n’avais pas <strong>de</strong>mandés » (Dr A). Face à <strong>la</strong> ma<strong>la</strong>die, « Onimagine le pire pour soi (…) ou au contraire, on occulte (…), on est dans le déni complet ouon aggrave tout » (Dr B). « Ça ne me gêne pas d’être ma<strong>la</strong><strong>de</strong> » (Dr I). « Sur le p<strong>la</strong>n


- 75 -psychologique, ça a été (…) difficile d’admettre qu’à 30 ans vous avez fait une nécrosemyocardique et que peut-être vous gar<strong>de</strong>rez <strong><strong>de</strong>s</strong> symptômes » (Dr K). « Quelqu’un a écrit :"entre le ma<strong>la</strong><strong>de</strong> et le bien portant, il y a un fossé infranchissable". Et une fois que vous êtespassé <strong>de</strong> l’autre côté, vous revenez plus <strong>de</strong> l’autre côté. Et ben moi je dis que si ! Quand onre<strong>de</strong>vient mé<strong>de</strong>cin, on repasse du côté <strong><strong>de</strong>s</strong> bien-portants et on reste pas du côté <strong><strong>de</strong>s</strong>ma<strong>la</strong><strong><strong>de</strong>s</strong> » (Dr N).3.2 Vécu du statut <strong>de</strong> ma<strong>la</strong><strong>de</strong>Pour <strong>la</strong> plupart <strong><strong>de</strong>s</strong> mé<strong>de</strong>cins (13/15), le passage <strong>de</strong> l’autre côté <strong>de</strong> <strong>la</strong> barrière s’esttraduit par une prise en charge hospitalière. « C’est un autre mon<strong>de</strong> qu’on découvre »(Dr M). Souvent, ils soulignent, a posteriori, l’intérêt <strong>de</strong> rentrer dans <strong>la</strong> peau d’un ma<strong>la</strong><strong>de</strong> etd’observer le mon<strong>de</strong> médical sous un nouvel angle. « C’est intéressant <strong>de</strong> voir les choses <strong>de</strong>l’extérieur : le système tel qu’il est, comment il fonctionne » (Dr A). Ils ont été marqués par :- une notion du temps différente entre patient et soignants : « L’impression du tempsqui est long, comme ça, qui passe à ne rien faire. (…) Tu attends les gens, tu attends lesrepas, tu te lèves tôt (…). Tu t’ennuies à l’hôpital (… par rapport aux mé<strong>de</strong>cins) qui passentau quatrième galop : "Je vous verrai <strong>de</strong>main". C’est long une journée » (Dr A). « J’ai trouvétrès étonnant <strong>de</strong> passer par là, (… <strong>de</strong> découvrir) cette alternance avec <strong><strong>de</strong>s</strong> moments où ons’occupe beaucoup <strong>de</strong> vous et <strong><strong>de</strong>s</strong> moments où on ne s’occupe plus <strong>de</strong> vous » (Dr M).- un manque <strong>de</strong> confort et <strong>de</strong> pu<strong>de</strong>ur et <strong>la</strong> perte d’autonomie : « Les WC sontcollectifs, les douches sont collectives (…). Je suis quelqu’un d’assez pudique (…). Jetraversais le couloir en petite chemise <strong>de</strong> nuit (…). J’étais déprimée ! » (Dr C). « Ondécouvre un certain mon<strong>de</strong>, une gêne sur <strong>la</strong> pu<strong>de</strong>ur. (…) J’avoue que je ne sais pascomment font les ma<strong>la</strong><strong><strong>de</strong>s</strong>, parce que je serai toujours incapable <strong>de</strong> faire sur une bassine.(…) C’est <strong><strong>de</strong>s</strong> choses qui sont impossibles et qui sont <strong><strong>de</strong>s</strong> mauvais souvenirs » (Dr E). « J’aiété très étonné <strong>de</strong> découvrir les p<strong>la</strong>fonds <strong><strong>de</strong>s</strong> hôpitaux. Je pense qu’il <strong>de</strong>vrait y avoir unesignalétique (…), <strong><strong>de</strong>s</strong> choses écrites au p<strong>la</strong>fond,du genre : " Vous êtes aux urgences" ou"Vous allez maintenant à <strong>la</strong> radio" » (Dr M).- La douleur et sa prise en charge : « J’ai eu tellement mal que je ne comprenaispas(…). C’était une sidération, pour moi (…) "Pourquoi ils ne me calment pas ? Pourquoi onme <strong>la</strong>isse comme ça ? "» (Dr C). « Transporté dans un véhicule <strong>de</strong> pompiers, le seul qui leurrestait, sur un brancard avec une jambe brisée. L’horreur ! J’étais content d’arriver à l’hôpital,où on m’a piqué à travers le pantalon, carrément, une injection <strong>de</strong> morphine d’entrée, parcequ’ils ont dû me voir arriver, j’étais livi<strong>de</strong> » (Dr D).- un statut à cacher : « En aucun cas, un mé<strong>de</strong>cin ne doit paraître comme quelqu’un<strong>de</strong> possiblement ma<strong>la</strong><strong>de</strong>, aux yeux <strong>de</strong> sa patientèle (…). Il ne faut pas se jeter en pâture »(Dr G). « Il y a nécessité d’une gran<strong>de</strong> discrétion » (Dr N).


- 76 -3.3 Annonce d’un diagnostic ou attente <strong>de</strong> résultatsFace à un symptôme anormal en cours <strong>de</strong> bi<strong>la</strong>n, les mé<strong>de</strong>cins interrogés disent queleur position et leurs connaissances professionnelles aggravent leur anxiété lorsqu’ilsatten<strong>de</strong>nt un résultat d’examen. 6 mé<strong>de</strong>cins sur 15 disent penser immédiatement au pire.« On n’est pas protégé du tout » (Dr O). « Ce qui est curieux (…), c’est le double regard : à<strong>la</strong> fois cette inquiétu<strong>de</strong> <strong>de</strong> patient (…) et le regard du mé<strong>de</strong>cin qui prend du recul » (Dr H).« On m ‘a trouvé un gros ovaire (…). Moi je me suis dit : "un cancer" » (Dr F). « Je me voyaisperdu, j’étais sûr d’avoir un cancer <strong>de</strong> vessie, un cancer du rein (…). L’attente <strong><strong>de</strong>s</strong> résultats,c’est terrible (…). Ça m’a semblé une éternité » (Dr L).Parfois, c’est le mé<strong>de</strong>cin patient qui interprète en direct ses examens : « J’ai fait unspasme (coronaire, sur <strong>la</strong> table d’examen). Mais je l’ai vu. Je regardais ma coronaro,pendant qu’on <strong>la</strong> faisait » (Dr E). « On a beau s’en défendre, on est quand même collé sur lenégatoscope, à se dire : "Est-ce c’est quand même pas un cancer surinfecté ? " » (Dr O).La position <strong>de</strong> mé<strong>de</strong>cin est loin d’être une protection face au choc <strong>de</strong> l’annonce dudiagnostic <strong>de</strong> cancer : « "Je vous appelle pour vous dire que, donc, l’intervention qu’on vousa faite <strong>la</strong> semaine <strong>de</strong>rnière, c’était bien un cancer". Le mot n’avait jamais été prononcé. (…)C’est un <strong><strong>de</strong>s</strong> moments les plus difficiles <strong>de</strong> l’histoire (…). J’ai vraiment vécu ça comme trèsbrutal et très intrusif » (Dr J).3.4 Re<strong>la</strong>tions avec le personnel soignantLes mé<strong>de</strong>cins interrogés décrivent leurs re<strong>la</strong>tions avec les soignants. Ilstrouvent parfois que:- les mé<strong>de</strong>cins sont peu disponibles à l’hôpital : « A <strong>la</strong> clinique, j’ai vu le chirurgien àl’entrée et à <strong>la</strong> sortie, (…) En CHU, je n’ai pas vu l’interne, j’ai vu l’assistant-chef <strong>de</strong> cliniqueet le patron (…) et après, j’ai vu personne pendant 8 jours. L’infirmière ! » (Dr A). « Onvoudrait avoir plus <strong>la</strong> disponibilité <strong>de</strong> les voir » (Dr M).- il existe une gêne <strong>de</strong> <strong>la</strong> part <strong><strong>de</strong>s</strong> infirmières ou <strong><strong>de</strong>s</strong> étudiants : « C’est un mé<strong>de</strong>cin,qu’est-ce que je vais lui dire ? » (Dr N). « J’ai été très étonné par le personnel infirmiernotamment et ai<strong>de</strong>-soignant, qui a fait preuve d’une empathie et d’une gentillesse à monégard qui m’a époustouflé. Mais l’étudiante hospitalière s’est complètement paralysée quan<strong>de</strong>lle a vu que c’était moi ». (Dr H)- ils dérangent : « Il y avait un peu un côté : "Elle nous casse un peu les pieds !" »(…Le chirurgien <strong>de</strong> gar<strong>de</strong> a dit) : « C’est un problème douloureux, ça ne me regar<strong>de</strong> pas »(Dr C).- il existe une gêne <strong>de</strong> <strong>la</strong> part <strong><strong>de</strong>s</strong> confrères qui les prennent en charge : 8 mé<strong>de</strong>cinssur 15 l’ont constaté : « J’ai ressenti une attente du patron pour vite passer le bébé » (Dr E).


- 77 -« Il a eu peur d’être soumis à mon esprit critique (…). Je ne l’ai pas senti à l’aise » (Dr G).« On est censés être égaux puisqu’on nous parle comme à un mé<strong>de</strong>cin, mais en mêmetemps, on a l’impression quelquefois, qu’on ne nous dit pas tout comme à n’importe quelpatient » (Dr M).3.5 Vécu <strong>de</strong> l’arrêt <strong>de</strong> travail par le mé<strong>de</strong>cinL’arrêt <strong>de</strong> travail, évènement rare en tant que travailleur libéral, n’est pas toujoursfacile à vivre par les mé<strong>de</strong>cins ma<strong>la</strong><strong><strong>de</strong>s</strong>.Pour beaucoup, être présent sur son lieu <strong>de</strong> travail signifie que l’on est en bonnesanté : « Si on va au boulot, c’est que ça va bien » (Dr J). Être en arrêt ma<strong>la</strong>die serait une« double punition » : « L’arrêt <strong>de</strong> travail était narcissiquement mal vécu. "Ben tu vois, je suispas au boulot, je suis là comme un con, je suis chez moi en train <strong>de</strong> lire n’importe quoi. Jesuis pas au boulot, je <strong>de</strong>vrais être au boulot !" » (Dr L).Mais <strong>la</strong> valeur thérapeutique <strong>de</strong> l’arrêt <strong>de</strong> travail est reconnue par les mé<strong>de</strong>cinsinterrogés : « J’étais très mécontent (…) d’être cloué à <strong>la</strong> maison, <strong>de</strong> ne pas pouvoir déci<strong>de</strong>rmoi-même <strong>de</strong> ce que je vou<strong>la</strong>is faire (…). J’aurais voulu reprendre le 3 ème jour (…) maisj’étais épuisé (…). Une fois que je l’ai eu admis, pour moi, ça n’a été que du bonheur » (DrH). « Les 2-3 premiers jours, <strong>la</strong> fatigue a été telle qu’il ne me venait pas à l’idée <strong>de</strong> penser aucabinet parce que je ne pouvais pas, j’étais mort, comme on dit » (Dr O).Les mé<strong>de</strong>cins interrogés soulignent l’importance du soutien autant organisationnel(continuité <strong><strong>de</strong>s</strong> soins au cabinet ) que psychologique que leur ont apporté leurs associés(Drs E, F, H et J).3.6 Réactions <strong>de</strong> <strong>la</strong> patientèleFace à leur mé<strong>de</strong>cin traitant ma<strong>la</strong><strong>de</strong>, les patients ont <strong><strong>de</strong>s</strong> réactions diverses. Lesmé<strong>de</strong>cins interrogés ont ressenti différentes émotions <strong>de</strong> leur part :- une absence d’empathie : « On m’a enterré 2 ou 3 fois (…). J’ai appris que j’étaismort » (Dr E). « Il y en a 1 ou 2 qui se sont mé<strong>la</strong>ngé les pinceaux : "Je viens voir lesuccesseur du Dr K", parce qu’il y en a qui m’avaient enterré (…). Il y a eu <strong><strong>de</strong>s</strong> patients quisont partis ailleurs » (Dr K). « Il n’y a pas d’empathie du tout ! » (Dr N). « Je ne m’attendaispas à ce qu’il y ait un comité <strong>de</strong> soutien qui vienne sous ma fenêtre. (…) J’ai succédé à untoubib (…) que les gens adoraient, ils al<strong>la</strong>ient mourir quand il est parti (…) 3 jours après sondépart, ils se rappe<strong>la</strong>ient déjà plus comment il s’appe<strong>la</strong>it. J’avais déjà bien ancré <strong>la</strong> notion <strong>de</strong><strong>la</strong> vanité <strong>de</strong> ces choses-là et <strong>de</strong> <strong>la</strong> précarité <strong>de</strong> <strong>la</strong> mémoire » (Dr J).- une certaine pression : Les patients « sont à <strong>la</strong> fois compréhensifs et à <strong>la</strong> fois trèsexigeants (…) "Docteur, vous êtes fatigué, vous <strong>de</strong>vriez vous reposer un peu". "Oui, c’est ça.Et quand vous me <strong>de</strong>man<strong>de</strong>z un ren<strong>de</strong>z-vous je vous vais répondre <strong>la</strong> même chose ? " (…)


- 78 -Parce que quand je pars 2 jours, ils me disent : "Dites donc, je suis venu, vous n’étiez paslà ! " (…) C’est un métier qui bouffe ! » (Dr B). « Il y en a un certain nombre qui m’ont dit surle ton <strong>de</strong> <strong>la</strong> p<strong>la</strong>isanterie : "Vous partez encore en vacances !" (…) "Non, c’est pour unproblème <strong>de</strong> santé" » (Dr C). « "Docteur, l’autre jour, j’étais pas bien content. Oui, parcequ’on me donne un ren<strong>de</strong>z-vous, puis on me dit qu’on annule, puis 3 jours après je rappelleet vous étiez encore pas là ! " » (Dr L).- une inquiétu<strong>de</strong> parfois agressive : « "Mais si le docteur est ma<strong>la</strong><strong>de</strong>, il va plus noussoigner !" Donc, je pense qu’ils pensent aussi à eux » (Dr M).- les patients trouvent l’inversion <strong><strong>de</strong>s</strong> rôles cocasse : « Ben voilà, tu voismaintenant ! » (Dr E). «: "Ben alors, vous êtes pire que moi, maintenant, Docteur !". (…)Quand j’al<strong>la</strong>is à <strong>la</strong> maison <strong>de</strong> retraite avec une canne, ils rigo<strong>la</strong>ient, les vieux ! »(Dr I). « Jepense qu’ils trouvent ça rigolo que les rôles soient inversés <strong>de</strong> temps en temps, certains ledisent » (Dr M).- certains vont se censurer : « Hou ! là, là ! Je viens encore vous embêter avec mesproblèmes, après ce qui vous est arrivé, j’ai un peu honte ! » (Dr J). « Je peux vous dire quepersonne ne m’a <strong>de</strong>mandé d’arrêt <strong>de</strong> travail quand ils m’ont vu dans l’état où j’étais, enfauteuil rou<strong>la</strong>nt ! » (Dr E).- certains montrent une vraie empathie : Les patients « me coucounaient » (Dr F).« Ils sont venus me trouver en me disant qu’ils étaient très inquiets, qu’ils ne vou<strong>la</strong>ient pasme perdre. Enfin ils m’ont dit <strong><strong>de</strong>s</strong> choses très gentilles comme ça » (Dr H). « J’ai eu <strong><strong>de</strong>s</strong>coups <strong>de</strong> téléphone personnels, j’ai reçu un abondant courrier, je me suis dit que mespatients m’aimaient, enfin, en tout cas un certain nombre » (Dr D).- le mé<strong>de</strong>cin est l’objet <strong>de</strong> <strong>la</strong> rumeur : « Tout le mon<strong>de</strong> savait » (Dr E), « Il y a <strong><strong>de</strong>s</strong>gens qui savent <strong><strong>de</strong>s</strong> choses <strong>de</strong> ma vie dont j’ignorais qu’ils le savaient. (…) On est <strong><strong>de</strong>s</strong>personnages semi-publics (…) Il y a <strong><strong>de</strong>s</strong> choses qui finissent par filtrer » (Dr F). « Même si jene suis pas un grand monsieur, je suis quand même un mé<strong>de</strong>cin dans un petit bled, donc jesuis en vue, quoique j’en pense, on va fantasmer. Et comme <strong>la</strong> vérité est toujours moinssujette à fantasmes que l’interprétation, autant le dire » (Dr J).4. Conséquences sur <strong>la</strong> pratique médicale4.1 Pour les mêmes pathologies8 mé<strong>de</strong>cins interrogés sur 15 disent être plus sensibilisés aux symptômes et à <strong>la</strong>prise en charge <strong><strong>de</strong>s</strong> ma<strong>la</strong>dies dont ils ont eux-mêmes souffert : « Je suis plus attentif, jepense, un petit peu, pour <strong>la</strong> traumatologie vertébrale » (Dr A). « Vis-à-vis <strong>de</strong> <strong>la</strong> douleur postchirurgicale,je suis un petit peu plus attentive » (Dr C) . « Je me suis senti plus compétent.(…) Je l’ai subie, alors je peux mieux en parler » (Dr D). « J’ai fait un maximum <strong>de</strong> diagnostic<strong>de</strong> péricardite en 6 mois ! Et en plus, sur les 5 diagnostics que j’ai faits, il y en a 4 qui ont été


- 79 -confirmés ! » (Dr H). « Je suis un peu plus pointu sur ce diagnostic-là (…). J’ai pas besoin<strong>de</strong> rechercher les marqueurs tumoraux quand j’ai besoin <strong>de</strong> les <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r » (Dr J). « (Jevais) plus loin dans <strong>la</strong> recherche du diagnostic » (Dr K). « Je le fais <strong>de</strong> manière quelquefoisun peu plus pertinente par rapport à ce que j’ai vécu » (Dr M). « Je suis plus attentif auxdouleurs rhumatismales » (Dr N).7 mé<strong>de</strong>cins sur 15 disent ne pas avoir modifié leur pratique.4.2 Pour <strong>la</strong> pratique généraleLe réel changement dans <strong>la</strong> pratique <strong><strong>de</strong>s</strong> mé<strong>de</strong>cins interrogés se retrouve dans leurapproche globale du ma<strong>la</strong><strong>de</strong>. Seuls 2 mé<strong>de</strong>cins ne l’ont pas constaté.- une meilleure perception <strong>de</strong> <strong>la</strong> douleur <strong><strong>de</strong>s</strong> patients : « Le fait d’avoir vécu ce qu’ils(…) vivent, vous permet <strong>de</strong> mieux comprendre ce qu’ils essaient <strong>de</strong> faire passer (…), dans lesens <strong>de</strong> <strong>la</strong> transcription, <strong>de</strong> <strong>la</strong> perception <strong>de</strong> ce qu’ils vou<strong>la</strong>ient vous dire, sur <strong>la</strong> douleur » (DrB). « (J’ai changé ma pratique) dans le sens où quand les gens disent qu’ils ont mal, on aplus tendance à les croire après. Parce que c’est vrai qu’il y a <strong><strong>de</strong>s</strong> fois, ils disent qu’ils ontmal ou qu’ils ont ça, et on trouve rien et on se dit : "Bon , peut-être qu’il se fait <strong><strong>de</strong>s</strong> idées". Etça, c’est un raisonnement que, quand vous êtes passé par là, vous abandonnez un peu, çac’est sûr » (Dr K) . « (La douleur) je suis très sensible à ça. (…). Il m’arrive d’évoquer avecles patients ce que j’ai vécu (…) dans ma chair » (Dr M).- une meilleure écoute et une meilleure compréhension : « On arrête pas <strong>de</strong> dire auxgens <strong>de</strong> prendre une <strong>de</strong>mi-heure par jour pour marcher. (…) Je pourrai le faire bien plus etplus facilement. Je ne le fais pas parce que ça me saoule, quoi ! Donc je comprends quandles gens me disent qu’ils ne le font pas, aussi » (Dr H). « De manière plus globale, (je suis)plus à l’écoute du patient dans sa <strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>de</strong> soin. "Depuis ce matin, je suis pas bien, j’aimal, je suis inquiet". Entendre cette inquiétu<strong>de</strong> » (Dr O).- une attitu<strong>de</strong> différente dans l’annonce d’un résultat : « (Il faut) en tirer profit etenseignement pour nous dans notre pratique. Comment on annonce quelque chose àquelqu’un, comment on reçoit quelqu’un (…). Puis qu’est-ce qu’ils ont envie d’entendre, maispas <strong>la</strong>isser traîner. Ils ont besoin d’être rassurés » (Dr O).- un peu plus <strong>de</strong> mo<strong><strong>de</strong>s</strong>tie, d’humilité et <strong>de</strong> compassion : « Allongé par terre,acci<strong>de</strong>nté sur le bord <strong>de</strong> <strong>la</strong> route, j’avais beau être mé<strong>de</strong>cin, (…) j’ai été obligé <strong>de</strong> subircomme tout le mon<strong>de</strong>. Belle leçon <strong>de</strong> mo<strong><strong>de</strong>s</strong>tie. (…Mon expérience personnelle m’a conduit)à avoir plus d’humilité, plus <strong>de</strong> mo<strong><strong>de</strong>s</strong>tie vis-à-vis <strong><strong>de</strong>s</strong> patients » (Dr D). « J’ai acquis unecertaine humilité, je pense (…). J’ai peut-être plus <strong>de</strong> compassion pour les trucs tout cons,qui (…) bouffent <strong>la</strong> vie » (Dr L).


- 80 -- mais peu <strong>de</strong> conséquences sur <strong>la</strong> prescription : « L’expérience qu’on retire <strong>de</strong> sapropre ma<strong>la</strong>die, on ne peut pas forcément <strong>la</strong> traduire dans <strong>la</strong> pratique, parce qu’elle necorrespond pas forcément aux recommandations » (Dr N).- leur tolérance face aux p<strong>la</strong>intes <strong><strong>de</strong>s</strong> patients : nous avons <strong>de</strong>mandé aux mé<strong>de</strong>cins<strong>de</strong> l’étu<strong>de</strong> s’ils étaient moins tolérants face à leurs patients vis-à-vis <strong>de</strong> symptômes moins"graves" que ceux dont ils avaient souffert. Tous les mé<strong>de</strong>cins ont répondu être plustolérants actuellement qu’au début <strong>de</strong> leur exercice.4.3 Assurances privées complémentairesLes mé<strong>de</strong>cins interrogés soulignent l’importance d’être bien assurés contre le risque<strong>de</strong> ma<strong>la</strong>die et <strong>de</strong> perte <strong>de</strong> revenus quand on exerce en libéral. « Heureusement que j’étaisbien assuré, j’avais pris <strong><strong>de</strong>s</strong> précautions » (Dr D). « J’avais une assurance privée, donc2 mois, (ça al<strong>la</strong>it), mais il aurait pas fallu que ça dure. (…) Je crois que <strong>la</strong> santé <strong><strong>de</strong>s</strong>mé<strong>de</strong>cins est quand même gérée par ce problème. (…) Après le coup <strong>de</strong> <strong>la</strong> jambe, j’ai hésité(à modifier les contrats d’assurance) parce que je touchais quand même pas énormément,mais si je changeais, ça me faisait cotiser <strong>de</strong>ux fois plus. (…). Quand vous recevez <strong>la</strong>facture, vous dites : « Allez, je croise les doigts, j’aurai plus rien ! ». On n’est pas bienprotégés » (Dr I). « Ça s’est bien passé (…) comme j’avais une bonne assurancepersonnelle, ça ne m’a pas posé <strong>de</strong> difficultés » (Dr K).Certains ont bénéficié d’une ai<strong>de</strong> financière <strong>de</strong> leurs confrères grâce à une tontineorganisée par les mé<strong>de</strong>cins du secteur <strong>de</strong> gar<strong>de</strong> (Dr I, Dr M). D’autres ont reçu unerétrocession d’honoraires <strong>de</strong> <strong>la</strong> part <strong>de</strong> leurs associés : « On a une solidarité <strong>de</strong> groupe »(Dr L). « Avec mon premier associé, on s’était dit qu’on ne prenait pas <strong>de</strong> remp<strong>la</strong>çant etqu’on se remp<strong>la</strong>çait mutuellement (…). C’était un accord gentil, correct entre nous » (Dr E).4.4 Modification du rythme <strong>de</strong> travailLes mé<strong>de</strong>cins interrogés, paradoxalement, disent majoritairement travailler plus<strong>de</strong>puis leur <strong>de</strong>rnier problème <strong>de</strong> santé. S’ils ont modifié leur rythme <strong>de</strong> travail au cours <strong>de</strong>leur carrière, ce<strong>la</strong> a été possible grâce à <strong>la</strong> présence d’un ou plusieurs associés. Ils n’ont pasdiminué leur activité après un arrêt ma<strong>la</strong>die pour cause <strong>de</strong> problème <strong>de</strong> santé, ou alors trèstransitoirement : « J’avais décidé <strong>de</strong> reprendre doucement (…) Ça a tenu une journée »(Dr J). Un mé<strong>de</strong>cin a « renforcé les gar<strong>de</strong>-fous qu’(il avait) déjà mis en p<strong>la</strong>ce » (Dr H).4.5 Prise en charge d’autres mé<strong>de</strong>cinsLes mé<strong>de</strong>cins interrogés sont très rarement les mé<strong>de</strong>cins traitants <strong>de</strong> leurs confrères.Ces <strong>de</strong>rniers vont « voir directement les spécialistes » (Dr D). Ils donnent <strong>de</strong> « manièreponctuelle » <strong><strong>de</strong>s</strong> « avis ou <strong><strong>de</strong>s</strong> conseils ». Ils trouvent ce<strong>la</strong> généralement « difficile ».


- 81 -4 mé<strong>de</strong>cins sur 15 prennent en charge <strong><strong>de</strong>s</strong> confrères. « Moi, je suis trèstransactionnel (…) Je les intègre dans le raisonnement, comme j’aimerais peut-être qu’on lefasse pour moi » (Dr B). « "Ecoute, je vais faire comme je fais pour tout le mon<strong>de</strong>", jeretourne <strong>la</strong> règle » (Dr F). « C’est délicat (par<strong>la</strong>nt d’un confrère ma<strong>la</strong><strong>de</strong>…) Mon associé m’adit : "Ben je préfère que ce soit toi qui le soignes, parce que moi, je ne cours pas après"(…). C’est compliqué <strong>de</strong> soigner un mé<strong>de</strong>cin… » (Dr L). « J’ai un mé<strong>de</strong>cin, qui est à <strong>la</strong>retraite, et je sais pas pourquoi il vient me voir (…) mais il n’en fait qu’à sa tête sur letraitement (… il s’invente) <strong><strong>de</strong>s</strong> effets secondaires. (…) C’est difficile parce que <strong>la</strong> consultationest très longue, il m’a à l’usure ! » (Dr K).


- 82 -CHAPITRE IV


- 83 -CHAPITRE IV : DISCUSSIONA. LIMITES DE L’ETUDE1. Biais liés à <strong>la</strong> méthodologieNotre étu<strong>de</strong> est qualitative et <strong><strong>de</strong>s</strong>criptive. Elle comporte <strong>de</strong> nombreux biais et malgrénos soins, elle reste sans doute très critiquable.1.1 Biais <strong>de</strong> sélection et <strong>de</strong> recrutementEn premier lieu, cette étu<strong>de</strong> comporte un biais <strong>de</strong> sélection. Comme nous l’avonsindiqué dans le chapitre II, nous avons établi notre échantillon <strong>de</strong> mé<strong>de</strong>cins à interroger àpartir <strong>de</strong> <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion <strong>de</strong> Mé<strong>de</strong>cins généralistes Maîtres <strong>de</strong> Stages pour les SP et SASPAS<strong>de</strong> <strong>la</strong> Faculté <strong>de</strong> Mé<strong>de</strong>cine <strong>de</strong> Lyon. Ces mé<strong>de</strong>cins, étant enseignants (EnseignantsCliniciens Ambu<strong>la</strong>toires) et recevant régulièrement chez eux <strong><strong>de</strong>s</strong> internes, se sententparticulièrement impliqués dans <strong>la</strong> réalisation <strong>de</strong> travaux <strong>de</strong> thèses et répon<strong>de</strong>nt facilementaux enquêtes. Notre taux <strong>de</strong> réponse en a peut-être été amélioré. Cependant, ils constituent,à nos yeux, une popu<strong>la</strong>tion représentative <strong>de</strong> l’ensemble <strong><strong>de</strong>s</strong> mé<strong>de</strong>cins généralistes.Par ailleurs, on peut reprocher à notre étu<strong>de</strong> <strong>de</strong> présenter un biais <strong>de</strong> recrutement.En effet, nous souhaitions rencontrer <strong><strong>de</strong>s</strong> mé<strong>de</strong>cins connaissant le sujet <strong>de</strong> notre travail etdésireux d’y participer. Recruter exclusivement <strong><strong>de</strong>s</strong> mé<strong>de</strong>cins volontaires implique que cespersonnes sont certainement a priori intéressées par notre sujet et qu’elles ont peut-être déjàréfléchi à notre problématique. Ce<strong>la</strong> s’oppose aux méthodologies utilisées dans différentstravaux <strong>de</strong> thèse sous <strong>la</strong> forme <strong>de</strong> questionnaires anonymes, envoyés en grand nombre, à<strong><strong>de</strong>s</strong> mé<strong>de</strong>cins ayant été, ou n’ayant jamais été le plus souvent, ma<strong>la</strong><strong><strong>de</strong>s</strong>. Mais comment<strong>de</strong>man<strong>de</strong>r à <strong><strong>de</strong>s</strong> mé<strong>de</strong>cins <strong>de</strong> nous parler, ouvertement et longuement, d’un sujet aussipersonnel et sensible que celui <strong>de</strong> leur santé sans qu’ils soient volontaires ?1.2 Petite taille <strong>de</strong> l’échantillonNotre échantillon final compte 15 mé<strong>de</strong>cins, comme ce<strong>la</strong> est souvent le cas dans lesétu<strong><strong>de</strong>s</strong> qualitatives. Cet effectif limité pourrait induire un biais si nous souhaitions obtenir <strong><strong>de</strong>s</strong>résultats à portée statistique et extrapoler nos données sur <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion médicale dans sonensemble. Mais ce<strong>la</strong> n’est pas notre objectif. Nous sommes conscients <strong>de</strong> l’aspect re<strong>la</strong>tif etlimité <strong>de</strong> <strong>la</strong> portée <strong>de</strong> notre travail . Nous avons souhaité établir un constat concernant levécu <strong><strong>de</strong>s</strong> mé<strong>de</strong>cins <strong>de</strong>venus ma<strong>la</strong><strong><strong>de</strong>s</strong>, pour poser certaines questions et éventuellementpermettre à d’autres travaux <strong>de</strong> poursuivre cette réflexion.


- 84 -1.3 Pathologies « recrutées » et sélectionnéesDes critiques peuvent nous être faites concernant l’échantillonnage <strong>de</strong> pathologiessélectionnées chez les mé<strong>de</strong>cins interrogés. Lors du recueil <strong><strong>de</strong>s</strong> réponses à notre courriel <strong>de</strong>recrutement, nous avons été surpris <strong>de</strong> collecter un grand nombre <strong>de</strong> données concernant<strong><strong>de</strong>s</strong> problèmes traumatologiques, orthopédiques et rhumatologiques. Elles correspon<strong>de</strong>nt à40% <strong><strong>de</strong>s</strong> pathologies citées et 40% <strong><strong>de</strong>s</strong> pathologies sélectionnées, puisque nous avonsconservé ces proportions lors <strong>de</strong> <strong>la</strong> constitution <strong>de</strong> notre échantillon final. Ce<strong>la</strong> n’était pas ceà quoi nous nous attendions, car dans <strong>la</strong> littérature, quand les auteurs font référence auxpathologies qui touchent les mé<strong>de</strong>cins, ils citent le plus souvent celles concernées par <strong>de</strong>longs arrêts ma<strong>la</strong>die. Ainsi, le Rapport <strong>de</strong> <strong>la</strong> Commission Nationale Permanente <strong>de</strong> l’Ordre<strong><strong>de</strong>s</strong> Mé<strong>de</strong>cins sur le thème du « Mé<strong>de</strong>cin ma<strong>la</strong><strong>de</strong> » publié en septembre 2008 (49), reprendces données <strong>de</strong> <strong>la</strong> CARMF, citant les statistiques concernant les bénéficiaires <strong><strong>de</strong>s</strong>in<strong>de</strong>mnités journalières (50). La pathologie traumatologique arrive en 3 ème position après lesaffections cancéreuses et psychiatriques et avant les affections cardio-vascu<strong>la</strong>ires. Bien sûr,notre popu<strong>la</strong>tion sélectionnée est très différente puisque nous avons choisi <strong>de</strong> rencontrer <strong><strong>de</strong>s</strong>mé<strong>de</strong>cins en activité, donc le plus souvent en bonne santé actuellement. Il semble donclogique <strong>de</strong> retrouver avant tout <strong><strong>de</strong>s</strong> pathologies consécutives à <strong><strong>de</strong>s</strong> « acci<strong>de</strong>nts <strong>de</strong> <strong>la</strong> vie » ouà <strong><strong>de</strong>s</strong> « acci<strong>de</strong>nts <strong>de</strong> travail », sans qu’ils soient déc<strong>la</strong>rés comme tels.A contrario, nous avons été étonnés <strong>de</strong> ne recevoir qu’une seule réponse concernantune pathologie cancéreuse. La popu<strong>la</strong>tion analysée ayant un âge compris entre 35 et 65ans, nous pensions que nous allions probablement recenser <strong><strong>de</strong>s</strong> cas <strong>de</strong> carcinomescutanés, <strong>de</strong> lésions (pré- ou) cancéreuses <strong>de</strong> l’intestin ou du col <strong>de</strong> l’utérus et peut-être <strong>de</strong>cancer du sein. Les hypothèses pour expliquer cette réponse unique (<strong>de</strong> cancer dutesticule), étaient doubles : soit cette popu<strong>la</strong>tion était in<strong>de</strong>mne <strong>de</strong> problèmes carcinologiques,car « pour être actif, il faut être en bonne santé », soit ce sujet restait un tabou et lesmé<strong>de</strong>cins ne souhaitaient pas en parler à une inconnue. Lors <strong>de</strong> nos recherchesbibliographiques, nous n’avons pas pu trouver exactement un taux précis <strong>de</strong> prévalencerécent du cancer en général en France sur une tranche d’âge <strong>de</strong> 35 à 65 ans. Cependantnous avons recueilli une donnée proche : l’inci<strong>de</strong>nce du cancer en France pour <strong>la</strong> tranched'âge <strong>de</strong> 40-64 ans (données ajustées sur l'âge pour <strong>la</strong> pério<strong>de</strong> 1998-2002). Elle est <strong>de</strong> 582pour 100 000 chez les hommes et <strong>de</strong> 516 pour 100 000 chez les femmes (51). En faisant <strong>la</strong>moyenne, on trouve 549 cas pour 100 000, ce qui ramené sur une popu<strong>la</strong>tion <strong>de</strong>178personnes, c’est-à-dire à celle du nombre <strong>de</strong> mé<strong>de</strong>cins contactés équivaut à 0,98 cas. Notreunique cas <strong>de</strong> cancérologie correspond donc aux données <strong>de</strong> <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion française.


- 85 -2. Critiques concernant <strong>la</strong> réalisation <strong><strong>de</strong>s</strong> entretiensRéaliser une enquête dite « <strong>de</strong> terrain » et conduire un entretien est un métier etrequiert une formation spécifique, <strong>de</strong> sociologue ou d’ethnologue. Nous ne prétendons pasavoir les compétences <strong>de</strong> ces professionnels et nos entretiens sont loin d’être parfaitementmenés. Nous avons été aidés pour leur préparation par Madame Evelyne Lasserre,anthropologue, qui travaille au Service Commun <strong>de</strong> Sciences Humaines <strong>de</strong> l’UniversitéC<strong>la</strong>u<strong>de</strong> Bernard- Lyon I et par un ouvrage <strong>de</strong> sociologie (52).Nous constatons une inégalité <strong><strong>de</strong>s</strong> entretiens. En effet, ils diffèrent par leur contenuplus ou moins riche et plus ou moins en rapport avec le sujet. Il ne nous était pas toujoursfacile d’interrompre le mé<strong>de</strong>cin interviewé ou <strong>de</strong> lui faire préciser <strong>de</strong> manière concisecertains points. Notre sujet d’enquête impliquait que les mé<strong>de</strong>cins soient en totale confiancepour parler d’un sujet intime et ce<strong>la</strong> n’était parfois possible qu ‘en fin d’entretien. De plus,l’inégalité <strong>de</strong> durée <strong><strong>de</strong>s</strong> entretiens est évi<strong>de</strong>nte. Plusieurs explications peuvent êtreavancées. Les entretiens menés à domicile sont souvent plus longs que <strong>la</strong> moyenne (cffigure 3 du Chapitre III). Les mé<strong>de</strong>cins étant dans un environnement familier pour parler d’unsujet personnel, ils étaient disposés à nous accor<strong>de</strong>r plus <strong>de</strong> temps (Dr A, M et N). La courbe<strong>de</strong> tendance <strong>de</strong> <strong>la</strong> durée <strong><strong>de</strong>s</strong> entretiens est nettement ascendante. Il semble que l’entretienavec le Dr M marque un tournant. Il s’est déroulé dans un contexte <strong>de</strong> malentenduconcernant <strong>la</strong> date du ren<strong>de</strong>z-vous. Peut-être à cause <strong>de</strong> cette situation, nous avons essayé<strong>de</strong> recentrer <strong>la</strong> discussion sur les questions du gui<strong>de</strong> d’entretien en suivant notre p<strong>la</strong>n, plutôtque <strong>de</strong> <strong>la</strong>isser libre cours au discours du mé<strong>de</strong>cin, qui était très motivé pour participer ànotre étu<strong>de</strong>. Celui-ci a été gêné au début <strong>de</strong> <strong>la</strong> rencontre et l’entretien a certainement étéprolongé pour rétablir un climat <strong>de</strong> confiance. Les 4 <strong>de</strong>rniers entretiens sont donc très longs,comme si nous n’osions plus interrompre les mé<strong>de</strong>cins interrogés. L’entretien le plus long estcelui d’un mé<strong>de</strong>cin en fin <strong>de</strong> carrière réalisé à son domicile (Dr N), qui souhaitait nous faitpart <strong>de</strong> son expérience et <strong>de</strong> sa vision <strong>de</strong> l’évolution <strong>de</strong> <strong>la</strong> Mé<strong>de</strong>cine durant ces 30 <strong>de</strong>rnièresannées.3. Critiques concernant les informations recueilliesAu terme <strong>de</strong> notre étu<strong>de</strong>, certaines <strong>la</strong>cunes <strong>de</strong> notre questionnaire, trame du gui<strong>de</strong>d’entretien (Annexe 2), nous sont apparues plus nettement. Les questions posées avaientété é<strong>la</strong>borées après une recherche bibliographique et une réflexion personnelle, et bien sûr,avant <strong>la</strong> réalisation <strong><strong>de</strong>s</strong> entretiens. C’est au fil <strong>de</strong> ces rencontres que certains éléments,auxquels nous n’avions pas pensé initialement, se sont révélés importants à prendre encompte.


- 86 -3.1 Les honorairesLa première <strong>la</strong>cune <strong>de</strong> notre étu<strong>de</strong> concerne le problème <strong><strong>de</strong>s</strong> honoraires entreconfrères. Le coût <strong><strong>de</strong>s</strong> consultations au cours <strong>de</strong> <strong>la</strong> prise en charge <strong>de</strong> <strong>la</strong> pathologiesélectionnée n’a pas été abordé et ce<strong>la</strong> est une erreur <strong>de</strong> notre part. Un seul mé<strong>de</strong>cin, le DrN, exprime <strong>de</strong> manière générale, sa perception du mercantilisme <strong>de</strong> certains confrères etmentionne <strong><strong>de</strong>s</strong> honoraires prohibitifs d’après lui. A posteriori, <strong>la</strong> question <strong><strong>de</strong>s</strong> honoraires duspar le mé<strong>de</strong>cin ma<strong>la</strong><strong>de</strong> au mé<strong>de</strong>cin soignant nous semble être un point crucial.Une certaine « courtoisie professionnelle » sous <strong>la</strong> forme <strong>de</strong> gratuité confraternellepeut interférer avec <strong>la</strong> re<strong>la</strong>tion thérapeutique entre confrères. Le mé<strong>de</strong>cin soignégratuitement peut se sentir re<strong>de</strong>vable vis- à- vis <strong>de</strong> son mé<strong>de</strong>cin traitant et ne se sentira paslibre d’en changer en cas d’insatisfaction. Le mé<strong>de</strong>cin ma<strong>la</strong><strong>de</strong> peut également se sentircoupable à l’idée <strong>de</strong> déranger un collègue, qui en plus ne sera pas rémunéré pour sontravail. Ceci retar<strong>de</strong>, une fois <strong>de</strong> plus sa prise en charge (42).Dans le rapport concernant « Le mé<strong>de</strong>cin ma<strong>la</strong><strong>de</strong> », les membres du Conseil <strong>de</strong>l’Ordre <strong><strong>de</strong>s</strong> Mé<strong>de</strong>cins (49) abor<strong>de</strong>nt ce sujet avec simplicité. Ils rappellent que dans <strong>la</strong>Serment d’Hippocrate, il est fait mention <strong>de</strong> <strong>la</strong> gratuité <strong>de</strong> l’enseignement <strong>de</strong> l’art médical auxenfants <strong><strong>de</strong>s</strong> maîtres souhaitant apprendre <strong>la</strong> mé<strong>de</strong>cine, et il est fait mention d’une solidaritécorporatiste, sans autre précision. Pour l’Ordre, « les honoraires entre un mé<strong>de</strong>cin ma<strong>la</strong><strong>de</strong> etun mé<strong>de</strong>cin soignant, déterminés avec tact et mesure, sont dus, à l’exception peut-être <strong>de</strong> <strong>la</strong>première prise <strong>de</strong> contact ». Ce<strong>la</strong> se justifie par diverses raisons. Tout d’abord, le paiement<strong>de</strong> <strong>la</strong> consultation confirme son caractère professionnel et technique. Sinon, on risqued’aboutir à <strong><strong>de</strong>s</strong> « consultations entre <strong>de</strong>ux portes », superficielles et dangereuses, commenous l’avons vu au chapitre I. Ensuite, le règlement <strong><strong>de</strong>s</strong> honoraires confirme au mé<strong>de</strong>cinma<strong>la</strong><strong>de</strong> son entrée dans une filière <strong>de</strong> soins à part entière. Enfin, le système <strong>de</strong> protectionsociale permet en France d’être remboursé en partie ou en totalité si l’on possè<strong>de</strong> unemutuelle. Le rapport conclue cette question en disant que « <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r <strong><strong>de</strong>s</strong> honoraires à unmé<strong>de</strong>cin ma<strong>la</strong><strong>de</strong> consultant n’est pas contraire aux principes hippocratiques » (49).Dans Le pavillon <strong><strong>de</strong>s</strong> cancéreux d’A. Soljénitsyne (53), <strong>de</strong>ux mé<strong>de</strong>cins soignant unecancérologue ma<strong>la</strong><strong>de</strong>, s’entretiennent à propos <strong>de</strong> <strong>la</strong> gratuité <strong><strong>de</strong>s</strong> honoraires : « Ce sont <strong><strong>de</strong>s</strong>soins non pas gratuits, mais dépersonnalisés. Et si cet argent était <strong>la</strong>issé au patient, il yregar<strong>de</strong>rait peut-être à <strong>de</strong>ux fois avant d’aller voir le docteur ; mais s’il en avait réellementbesoin, il irait plutôt <strong>de</strong>ux fois qu’une ».Les mé<strong>de</strong>cins <strong>de</strong> notre étu<strong>de</strong> ont souvent été pris en charge à l’hôpital. La question<strong><strong>de</strong>s</strong> honoraires entre mé<strong>de</strong>cins et ma<strong>la</strong><strong>de</strong>, même confrère, est alors moins importante, cargérée <strong>de</strong> manière administrative, comme pour tout autre patient. Cette question se posesurtout pour les consultations répétées, ou pour les suivis d’une ma<strong>la</strong>die chronique. L’usageveut qu’un mé<strong>de</strong>cin ou chirurgien ne <strong>de</strong>man<strong>de</strong> pas <strong>de</strong> dépassement d’honoraires à un


- 87 -confrère, s’il en pratique d’habitu<strong>de</strong>, mais lui <strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>de</strong> régler <strong>la</strong> part remboursée par <strong>la</strong>Sécurité Sociale (42). Nous n’avons pas recueilli d’informations à ce sujet au cours <strong>de</strong> notreétu<strong>de</strong>.3.2 Les assurancesLe thème <strong>de</strong> <strong>la</strong> protection financière <strong><strong>de</strong>s</strong> mé<strong>de</strong>cins par <strong><strong>de</strong>s</strong> organismes <strong>de</strong>prévoyance est abordé <strong>de</strong> manière inégale au fil <strong><strong>de</strong>s</strong> entretiens. Cette question était implicitelorsque nous abordions les arrêts <strong>de</strong> travail et les conditions dans lesquelles ils avaient puêtre mis en p<strong>la</strong>ce. Mais les mé<strong>de</strong>cins n’abordaient pas tous le sujet <strong>de</strong> leurs assurances.Nous avions choisi <strong>de</strong> les <strong>la</strong>isser libres <strong>de</strong> s’exprimer et nous ne les avons certainement pasassez questionnés à ce sujet. Cependant, c’est volontairement que nous n’avons pas vouluciter <strong>de</strong> compagnie privée d’assurance, pour ne pas faire <strong>de</strong> publicité, ni citer <strong>de</strong> nom <strong>de</strong>contrat <strong>de</strong> prévoyance, tant il en existe <strong>de</strong> différents et multiples. Certains mé<strong>de</strong>cinsinterrogés abor<strong>de</strong>nt quand même c<strong>la</strong>irement ce thème en soulignant l’importance d’être bienassuré (Dr B, D, I, K).Le rapport du Conseil <strong>de</strong> l’Ordre <strong>de</strong> septembre 2008, propose « une réévaluationrégulière tous les 5 ans du contrat <strong>de</strong> prévoyance du mé<strong>de</strong>cin, information qui pourrait êtrere<strong>la</strong>yée par les conseils départementaux au contact <strong><strong>de</strong>s</strong> prestataires <strong>de</strong> service assurantielssensibilisés à ces questions » (49).3.3 Questions mal formuléesDeux questions posées au mé<strong>de</strong>cins lors <strong><strong>de</strong>s</strong> entretiens ne nous ont pas apporté lesréponses envisagées. Tout d’abord, concernant le vécu <strong>de</strong> <strong>la</strong> pathologie sélectionnée, nous<strong>de</strong>mandions : « Pensez-vous que vous réagiriez différemment aujourd’hui ? ». Laplupart <strong><strong>de</strong>s</strong> mé<strong>de</strong>cins répon<strong>de</strong>nt oui, ou qu’ils ne savent pas. Seul le Dr C, énonce ce qu’elleferait différemment si elle <strong>de</strong>vait se faire ré- opérer. Cette question n’a pas permis d’abor<strong>de</strong>rune réflexion sur les <strong>la</strong>cunes <strong>de</strong> <strong>la</strong> prise en charge <strong><strong>de</strong>s</strong> mé<strong>de</strong>cins. Cette question aurait duêtre formulée différemment, par exemple : « Que pensez-vous qu’il serait important <strong>de</strong>changer dans votre prise en charge pour l’améliorer ? » .La <strong>de</strong>uxième question ne nous permettant pas ou peu d’analyse était posée ainsi :« Etes-vous <strong>de</strong>venu moins tolérant pour certaines p<strong>la</strong>intes <strong>de</strong> vos patients pour <strong><strong>de</strong>s</strong>pathologies « moins graves » que celle dont vous avez souffert ? » dans <strong>la</strong> partieconcernant les conséquences sur <strong>la</strong> pratique <strong><strong>de</strong>s</strong> mé<strong>de</strong>cins. Tous les mé<strong>de</strong>cins nous ontrépondu être <strong>de</strong> plus en plus tolérants face aux p<strong>la</strong>intes <strong><strong>de</strong>s</strong> patients, grâce à l’expérienceprofessionnelle qu’ils ont acquis et non à cause <strong>de</strong> <strong>la</strong> pathologie qu’ils ont connue. En <strong>de</strong>horsdu fait, qu’il est rassurant d’entendre les mé<strong>de</strong>cins généralistes dire qu’ils sont attentifs etempathiques envers leurs patients, et ce<strong>la</strong> plus ils avancent dans leur carrière, cette


- 88 -question ne nous a pas informé sur leur ressenti. Il s’agissait probablement d’une« mauvaise question », que les mé<strong>de</strong>cins pouvaient entendre comme : « Etes-vous un bonmé<strong>de</strong>cin pour vos patients ? ». Si ce<strong>la</strong> est le cas, ils répon<strong>de</strong>nt massivement oui.4. Limites <strong>de</strong> l’analyse <strong><strong>de</strong>s</strong> donnéesNous n’avons pas pu étudier l’ensemble <strong><strong>de</strong>s</strong> antécé<strong>de</strong>nts cités par les 15 mé<strong>de</strong>cins,ni l’ensemble <strong><strong>de</strong>s</strong> pathologies sélectionnées. Nous aurions pu chercher à savoir si <strong>la</strong> prise encharge <strong>de</strong> chaque mé<strong>de</strong>cin pour <strong>la</strong> pathologie sélectionnée était comparable à <strong><strong>de</strong>s</strong>protocoles appliqués aux patients en général et si elle suivait les recommandations envigueur. Mais ce<strong>la</strong> n’était pas vraiment l’objectif <strong>de</strong> notre travail ; il ne s’agit pas d’une étu<strong>de</strong>comparative. La sélection <strong><strong>de</strong>s</strong> mé<strong>de</strong>cins selon leurs pathologies suivant une méthodologieprécise (détaillée dans le chapitre II) et respectant <strong>la</strong> proportion <strong><strong>de</strong>s</strong> pathologies recrutées,nous a permis d’obtenir un échantillon hétérogène. Le respect d’un protocole impartial, ausein d’une étu<strong>de</strong> qualitative, était important à nos yeux, pour avoir une certaine crédibilitéauprès <strong><strong>de</strong>s</strong> mé<strong>de</strong>cins que nous souhaitions interroger. Les pathologies ainsi sélectionnées,ne nous apparaissent plus très importantes, a posteriori. Ces pathologies, étaient un prétextepour nous permettre d’abor<strong>de</strong>r <strong><strong>de</strong>s</strong> professionnels, pour qu’ils nous accor<strong>de</strong>nt leur confianceet qu’ils acceptent <strong>de</strong> nous parler d’une partie leur vie privée : leur santé. Nous pensons quele respect <strong>de</strong> ce protocole, a parfois également été un prétexte pour certains mé<strong>de</strong>cins, <strong>de</strong>prendre du temps pour parler d’eux.Notre analyse est loin d’être exhaustive. Dans <strong>la</strong> littérature, surtout étrangère (anglosaxonneet scandinave principalement), les thèmes concernant les mé<strong>de</strong>cins ma<strong>la</strong><strong><strong>de</strong>s</strong> sontnombreux. Dans notre discussion, nous avons choisi délibérément <strong>de</strong> ne pas tous les réétudier,quand bien même beaucoup apparaissent dans nos résultats. Nous souhaitions toutd’abord ne pas faire un p<strong>la</strong>giat <strong><strong>de</strong>s</strong> différents auteurs. Par ailleurs, nous avons fait le choixd’analyser les thèmes qui nous semb<strong>la</strong>ient les plus pertinents et bien sûr ceux qui étaientoriginaux par rapport à nos lectures énoncées dans le chapitre I.B. LE MEDECIN FACE A LA MALADIE : LA SOLITUDE DU MEDECIN1. Comportement face à <strong>la</strong> ma<strong>la</strong>die :1.1 Se soigner soi-mêmeDans notre étu<strong>de</strong>, comme dans <strong>la</strong> littérature, les mé<strong>de</strong>cins font le plus souvent leurpropre auto-diagnostic, puis utilisent <strong>la</strong>rgement l’auto-prescription et l’auto-médication. En<strong>de</strong>hors du traitement <strong><strong>de</strong>s</strong> symptômes bénins qui régressent rapi<strong>de</strong>ment et définitivement,


- 89 -cette conduite peut être très dangereuse. Tout d’abord, l’auto-diagnostic est loin d’être aussiévi<strong>de</strong>nt que les mé<strong>de</strong>cins interrogés ne le soutiennent. Ce n’est pas parce qu’ils ressententleurs symptômes qu’ils en sont les meilleurs interprètes. Hammel P, gastro-entérologue,l’exprime dans son livre Guérir et mieux soigner : « Je pressens que quelque chosed’inhabituel est en train <strong>de</strong> se produire.(…)C’est dur <strong>de</strong> raisonner sur soi (…) le mé<strong>de</strong>cinma<strong>la</strong><strong>de</strong> est perplexe. (…) Un comble : il s’agit d’un <strong>de</strong> mes domaines d’expertise ! C’estpeut-être pour ce<strong>la</strong> que je n’y ai pas pensé… » (54). Biencourt M. dans le rapport du Conseil<strong>de</strong> l’Ordre évoque le manque <strong>de</strong> recul <strong><strong>de</strong>s</strong> mé<strong>de</strong>cins ma<strong>la</strong><strong><strong>de</strong>s</strong> et les risques induits: « Cettecécité professionnelle pourra avoir une conséquence extrêmement sérieuse <strong>de</strong> par le faitqu’un mé<strong>de</strong>cin ma<strong>la</strong><strong>de</strong> gar<strong>de</strong> tout au long <strong>de</strong> sa ma<strong>la</strong>die, <strong>la</strong> liberté totale <strong>de</strong> prescription»(49). « Il semblerait donc que l’auto-prescription pour un mé<strong>de</strong>cin doit être au moins aminima encadrée » propose ainsi le rapport <strong>de</strong> l’Ordre <strong><strong>de</strong>s</strong> Mé<strong>de</strong>cins (49).Une étu<strong>de</strong> norvégienne montre que <strong>de</strong> nombreuses pathologies ont été mal traitéesdans un premier temps, par le biais <strong>de</strong> l’auto-prescription. Rosvold EO. propose que cettepratique soit encadrée par <strong><strong>de</strong>s</strong> textes <strong>de</strong> loi (55). De <strong>la</strong> même manière, à propos <strong>de</strong>psychotropes, un article britannique dit qu’ « aucun mé<strong>de</strong>cin ne <strong>de</strong>vrait pouvoir se rédigerseul une ordonnance pour une substance lui permettant <strong>de</strong> se sentir mieux, <strong>de</strong> dormir mieuxou <strong>de</strong> mieux travailler » (56) et <strong>de</strong>man<strong>de</strong> une légis<strong>la</strong>tion limitative, comme c’est déjà le casen Australie.Ce qui semble plus gênant que l’auto-prescription, dans le cadre <strong><strong>de</strong>s</strong> pathologiesorganiques <strong>de</strong> notre étu<strong>de</strong>, est <strong>la</strong> mauvaise observance qui peut en découler. De même quecertains <strong><strong>de</strong>s</strong> mé<strong>de</strong>cins interrogés l’avouent (Dr B par exemple), un hématologue le racontedans un article. Après avoir décidé <strong>de</strong> prendre <strong><strong>de</strong>s</strong> antibiotiques <strong>de</strong>vant un tableau fébrile <strong>de</strong>douleurs abdominales, il arrêta les antibiotiques « au bout <strong>de</strong> 3 jours <strong>de</strong> traitement, parceque 3 jours suffisent ! » dit-il ironiquement. Il finit par être hospitalisé 1 semaine pour unediverticulite abcédée. Il conclue que <strong>la</strong> maxime <strong>de</strong> l’un <strong>de</strong> ses professeurs était juste : « Unmé<strong>de</strong>cin qui se traite lui même, a un mauvais docteur » (57).La majorité <strong><strong>de</strong>s</strong> mé<strong>de</strong>cins <strong>de</strong> notre étu<strong>de</strong> juge que leur observance est moins bonneque celle <strong>de</strong> leurs patients. Mais que savent-ils du comportement <strong>de</strong> leurs patients chezeux? On peut se <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r pourquoi ils pensent parfois être <strong>de</strong> « moins bons ma<strong>la</strong><strong><strong>de</strong>s</strong> » queleurs patients. Est-ce que ces <strong>de</strong>rniers seraient plus compliants parce qu’ils ont un bonmé<strong>de</strong>cin, qui <strong>de</strong>vient un mauvais mé<strong>de</strong>cin quand il se soigne lui-même?1.2 Un accès privilégié aux confrères spécialistes, en aiguDans notre étu<strong>de</strong>, <strong>la</strong> plupart <strong><strong>de</strong>s</strong> mé<strong>de</strong>cins agissent face à une pathologie urgente ouaiguë mais restent négligents <strong>de</strong>vant <strong><strong>de</strong>s</strong> symptômes existant <strong>de</strong>puis longtemps en espérantqu’ils disparaîtront tous seuls (le cas du Dr C dans notre étu<strong>de</strong> est typique). De même, <strong>la</strong>


- 90 -cancérologue ma<strong>la</strong><strong>de</strong> du Pavillon <strong><strong>de</strong>s</strong> cancéreux, Lioudmi<strong>la</strong> Afanassievna, espère : « elle seraccrochait au fataliste "On verra bien" (…)et elle se disait : "Qui sait, ça passera peut-être?Après tout, c’est peut-être tout simplement nerveux? " » (53). Beaucoup banalisent lessignes et reculent <strong>la</strong> prise en charge. « Les hommes, surtout, se traitent quand <strong>la</strong> douleur oul’angoisse s’imposent. On passe <strong>de</strong> l’anodin qu’on néglige, au sérieux qui oblige » (7).Et face à un symptôme anormal, comme nous l’avons vu, les mé<strong>de</strong>cins généralistesse tournent vers un confrère spécialiste pour un second avis, en considérant qu’ils se sontdonné le premier. Ils bénéficient bien sûr d’une bonne connaissance du réseau médical quiles entoure et peuvent se diriger vers <strong><strong>de</strong>s</strong> professionnels reconnus. Les mé<strong>de</strong>cins interrogéset les auteurs dans <strong>la</strong> littérature se <strong>de</strong>man<strong>de</strong>nt s’il s’agit d’un avantage logique ou d’unpasse-droit dont ils <strong>de</strong>vraient se sentir coupables. « (J’ai le sentiment) d’avoir gagné untemps appréciable grâce à ma formation médicale qui m’a conduit à faire <strong><strong>de</strong>s</strong> examenspoussés et à mon <strong>la</strong>rge réseau professionnel » dit Hammel P. (54). Par<strong>la</strong>nt <strong>de</strong> saconsultation auprès d’une collègue cancérologue, il dit : « Je <strong>la</strong> rencontrerai dans 3 jours.Est-ce un dé<strong>la</strong>i rapi<strong>de</strong> parce que je suis mé<strong>de</strong>cin ? (…) je ne vois pas pourquoi je m’enp<strong>la</strong>indrais ; n’ai-je pas assez donné aux autres tout au long <strong>de</strong> ma carrière pour mériter cetappréciable avantage ? » (54). Salmon R. dans son témoignage dit qu ‘au sein <strong><strong>de</strong>s</strong> services<strong>de</strong> chirurgie, « on sait qui sont les "vrais" chirurgiens : ceux qui opèrent le personnelhospitalier et les membres <strong>de</strong> leur famille ». Suite à son acci<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> moto, il constate : « J’aibénéficié à l’évi<strong>de</strong>nce <strong>de</strong> "circuits courts"qui font partie <strong><strong>de</strong>s</strong> privilèges <strong>de</strong> collègue à collègueet m’ont conféré un avantage sélectif sur un patient <strong>la</strong>mbda. Je suis infiniment reconnaissantà ceux qui m’ont orienté (…) je suis également conscient <strong>de</strong> <strong>la</strong> chance que j’ai eue. (…)Ai-jeagi <strong>de</strong> façon moralement répréhensible ? Je ne le crois pas» (58).1.3 Les mé<strong>de</strong>cins ma<strong>la</strong><strong><strong>de</strong>s</strong> à l’hôpital« Les mé<strong>de</strong>cins ma<strong>la</strong><strong><strong>de</strong>s</strong> se prennent souvent très mal en charge en <strong>de</strong>hors d’unehospitalisation » (49). Dans notre étu<strong>de</strong>, 13 mé<strong>de</strong>cins interrogés sur 15 ont été un jourhospitalisés. Ils décrivent le mon<strong>de</strong> hospitalier vu à l’envers, leur vécu <strong>de</strong> l’impu<strong>de</strong>ur, <strong>de</strong> <strong>la</strong>perte d’autonomie, <strong>de</strong> <strong>la</strong> temporalité différente entre soignants et soignés et leur vécu <strong>de</strong> <strong>la</strong>douleur. Dans son récit, Hammel P. dit : « j’ai le désagréable sentiment <strong>de</strong> ne plus appartenirà <strong>la</strong> famille <strong><strong>de</strong>s</strong> blouses b<strong>la</strong>nches. Je découvre les lenteurs obligatoires du circuit <strong>de</strong> soins.Celle <strong><strong>de</strong>s</strong> perfusions qui n’en finissent pas. L’attente aux guichets… » (54). Salmon R.raconte : « j’al<strong>la</strong>is faire l’expérience <strong>de</strong> l’hôpital tel que le vivent chaque année <strong><strong>de</strong>s</strong> dizaines<strong>de</strong> milliers <strong>de</strong> personnes (…) j’étais bel et bien passé <strong>de</strong> l’autre côté du miroir(…) je n’étaisplus invincible, j’étais passé du statut <strong>de</strong> chirurgien habitué à déci<strong>de</strong>r (…) à celui du patientqui al<strong>la</strong>it <strong>de</strong>voir subir <strong><strong>de</strong>s</strong> choses très désagréables » (58).


- 91 -Dans le cadre du « VIP syndrome », l’hospitalisation peut-être très mal vécue par lemé<strong>de</strong>cin patient et par le personnel soignant qui va rejeter ce confrère mal venu. Cettedélicate situation peut retentir sur <strong>la</strong> qualité <strong><strong>de</strong>s</strong> traitements et <strong>de</strong> <strong>la</strong> prise en charge commenous l’avons vu dans le chapitre I. Le rapport sur le « mé<strong>de</strong>cin ma<strong>la</strong><strong>de</strong> » <strong>de</strong> l’Ordre <strong><strong>de</strong>s</strong>Mé<strong>de</strong>cins énonce qu’ « il est nécessaire que les mé<strong>de</strong>cins hospitaliers soient extrêmementvigi<strong>la</strong>nts sur le comportement du personnel hospitalier amené à prendre en charge unmé<strong>de</strong>cin ma<strong>la</strong><strong>de</strong> (…) il est nécessaire également durant <strong>la</strong> formation médicale que lesmé<strong>de</strong>cins soient bien informés (…) <strong><strong>de</strong>s</strong> difficultés <strong>de</strong> prise en charge globale <strong>de</strong> confrèresma<strong>la</strong><strong><strong>de</strong>s</strong> » (49).1.4 Le tabou et l’isolement du mé<strong>de</strong>cin ma<strong>la</strong><strong>de</strong>Comme nous l’avons dit, les mé<strong>de</strong>cins ont du mal à admettre leur ma<strong>la</strong>die et certainsprésentent un déni manifeste <strong>de</strong> leurs symptômes, comme si leur fonction les protégeait <strong><strong>de</strong>s</strong>pathologies (42, 44, 45, 46, 59). On retrouve cette donnée chez le spécialiste Salmon R. :«Normalement, je n’aurais pas dû être ma<strong>la</strong><strong>de</strong> puisque je suis chirurgien… » (58). Lesmé<strong>de</strong>cins cherchent à tout prix à préserver leur image <strong>de</strong> mé<strong>de</strong>cin dynamique, en pleineforme, à qui on peut faire confiance en tant que professionnel efficace. Il s’agit <strong>de</strong> ce queStou<strong>de</strong>mire A. appelle : « le complexe <strong>de</strong> l’homme <strong>de</strong> fer ». Le mé<strong>de</strong>cin ne peut révéler sesproblèmes <strong>de</strong> santé, même à ses collègues, sous peine d’affecter sa réputation (42).Comme l’image du mé<strong>de</strong>cin intouchable est un mythe, l’idée du mé<strong>de</strong>cin ma<strong>la</strong><strong>de</strong> semble êtreun tabou que les professionnels adoptent. Soljenitsyne A. illustre ce phénomène à nouveauavec le personnage <strong>de</strong> Lioudmi<strong>la</strong> Afanassievna : « Avec quelle familiarité ils <strong>de</strong>visaient,quand ils se rencontraient à <strong><strong>de</strong>s</strong> conférences scientifiques ! Mais voilà qu’elle était venue luiavouer sa ma<strong>la</strong>die comme on avoue un crime et, du coup, le rapport d’égalité qui existaitentre eux avait sauté (…) par son aveu, elle s’était exclue <strong>de</strong> <strong>la</strong> noble c<strong>la</strong>sse <strong><strong>de</strong>s</strong> mé<strong>de</strong>cinset s’était reléguée dans <strong>la</strong> c<strong>la</strong>sse inférieure et soumise <strong><strong>de</strong>s</strong> ma<strong>la</strong><strong><strong>de</strong>s</strong> » (53). Smith R.énonçait ce problème dans son éditorial du British Medical Journal en 1997 : « Après leurqualification, les mé<strong>de</strong>cins travaillent dur, (…) ils doivent prétendre avoir plus <strong>de</strong> pouvoirqu’ils n’en ont réellement. (…) Nous <strong>de</strong>vons quitter une culture qui encourage les mé<strong>de</strong>cinsà cacher leur détresse et leur difficultés » (60).Cette culture du secret enferme parfois les mé<strong>de</strong>cins dans un isolement difficile àrompre. « Je marche vers <strong>la</strong> consultation. (…) L’impression <strong>de</strong> solitu<strong>de</strong> est totale, alors quepourtant beaucoup <strong>de</strong> gens se pressent dans les couloirs » (54). Solitu<strong>de</strong> face à <strong>la</strong> ma<strong>la</strong>die,face à leurs collègues à qui les mé<strong>de</strong>cins ont du mal à se confier par peur <strong>de</strong> manque <strong>de</strong>confi<strong>de</strong>ntialité (21, 22, 42, 46, 59) et face aux patients. Les mé<strong>de</strong>cins <strong>de</strong> notre étu<strong>de</strong> ledisent c<strong>la</strong>irement (Dr E, Dr G, Dr J, Dr K, Dr N). « Un mé<strong>de</strong>cin se doit d’être invulnérable :nos patients supportent très mal que nous soyons acci<strong>de</strong>ntés ou ma<strong>la</strong><strong><strong>de</strong>s</strong> (…) à <strong>la</strong> rigueur ils


- 92 -tolèrent que nous partions en vacances ou que nous assistions à un congrès. (…) Enrevanche, si le mé<strong>de</strong>cin, qui est investi <strong>de</strong> <strong>la</strong> fonction intermédiaire entre <strong>la</strong> connaissancemédicale et <strong>la</strong> ma<strong>la</strong>die, tombe ma<strong>la</strong><strong>de</strong>, c’est qu’il n’a pas su se protéger ; il a en quelquesorte trahi ses patients. Son pouvoir est remis en question » (58). Dans notre étu<strong>de</strong>, lespatients <strong>de</strong> certains les ont même déc<strong>la</strong>rés « morts et enterrés » (Dr E et Dr K).La solitu<strong>de</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong> mé<strong>de</strong>cins s’observe également face à leur famille et leur proches. Lesmé<strong>de</strong>cins développent un secret obligé et une pu<strong>de</strong>ur excessive vis-à-vis <strong>de</strong> ceux qu’ils neveulent pas blesser ni même décevoir (49, 54 et 58).2. Les freins à <strong>la</strong> consultation d’un mé<strong>de</strong>cin traitantDans notre étu<strong>de</strong>, <strong>la</strong> plupart <strong><strong>de</strong>s</strong> mé<strong>de</strong>cins sont leur propre mé<strong>de</strong>cin traitant. Pour 13mé<strong>de</strong>cins sur 15, ce<strong>la</strong> a pour conséquence une absence totale d’examen clinique et <strong>de</strong> suivipar un généraliste « à cause d’une certaine indiscipline naturelle <strong><strong>de</strong>s</strong> mé<strong>de</strong>cins » (54).Pourtant, 10 mé<strong>de</strong>cins sur 15 jugent leur prise en charge médicale moins bonne que celle <strong>de</strong>leurs patients. Ce<strong>la</strong> semble indiquer qu’ils se considèrent comme <strong>de</strong> mauvais mé<strong>de</strong>cins poureux-mêmes. Nous avons cherché à savoir quels étaient les freins à <strong>la</strong> consultation d’unconfrère (21, 22, 42, 49, 54) ; beaucoup ont été mentionnés par les mé<strong>de</strong>cins <strong>de</strong> notreétu<strong>de</strong>.Le mé<strong>de</strong>cin patient est avant tout gêné <strong>de</strong> déranger un confrère avec ses problèmespersonnels. Il lui dép<strong>la</strong>ît d’exposer son propre auto-diagnostic et <strong>de</strong> discuter <strong>de</strong> ses autoprescriptionspar peur <strong>de</strong> s’être trompé et que son collègue ne juge ses compétencesmédicales. Il est embarrassé à l’idée <strong>de</strong> se confier et d’exposer ses faiblesses, surtout sielles sont d’ordre psychologique, car ce<strong>la</strong> équivaudrait à avouer une sorte <strong>de</strong> manque <strong>de</strong>contrôle <strong>de</strong> sa part. Il est gêné enfin à l’idée <strong>de</strong> s’imposer chez un confrère déjà bien occupéet pense que ses symptômes ne méritent pas <strong>de</strong> déranger un professionnel. Devant undiagnostic <strong>de</strong> lymphome, Hammel P. par<strong>la</strong>nt d’une consoeur, dit :« Ma première penséeréflexe, paradoxale en apparence (était) : "Au moins, je ne suis pas hypochondriaque et jene l’ai pas dérangée pour rien" » (54).Les mé<strong>de</strong>cins évoquent souvent le manque <strong>de</strong> temps pour s’occuper d’eux et pourchoisir le bon mé<strong>de</strong>cin traitant. Les mé<strong>de</strong>cins ang<strong>la</strong>is évoquent souvent le manque <strong>de</strong>disponibilité et le trop faible nombre <strong>de</strong> mé<strong>de</strong>cins auxquels s’adresser (21). Une fois choisi,ce mé<strong>de</strong>cin n’est pas toujours disponible et souvent, ne peut pas les recevoir aux horairesqui leur conviennent. Le frein financier cité dans les revues ang<strong>la</strong>ises, n’est pas un argumentpour les mé<strong>de</strong>cins français.Certains mé<strong>de</strong>cins manquent <strong>de</strong> confiance dans le système <strong>de</strong> soins (Dr N). Ilscraignent souvent un manque <strong>de</strong> confi<strong>de</strong>ntialité <strong>de</strong> <strong>la</strong> part <strong>de</strong> leurs confrères ou du fait <strong>de</strong>leur présence dans <strong><strong>de</strong>s</strong> locaux ouverts aux autres patients, qui pourraient les entendre ou


- 93 -les reconnaître. Les mé<strong>de</strong>cins généralistes doutent parfois <strong>de</strong> <strong>la</strong> capacité <strong>de</strong> <strong>la</strong> mé<strong>de</strong>cine àrépondre aux problèmes qu’ils n’ont pas su résoudre seuls. Ils pensent souvent , a priori,qu’ils ne seront pas reçus comme un patient normal et que le système médical ne peut pasrépondre à leurs problèmes spécifiques <strong>de</strong> mé<strong>de</strong>cins ma<strong>la</strong><strong><strong>de</strong>s</strong>. Ils s’auto-censurent enpensant qu’ils ne pourront <strong>de</strong> toute façon pas prendre <strong>de</strong> congé ma<strong>la</strong>die (ceci bien sûr en<strong>de</strong>hors d’une situation d’urgence vitale).Enfin, on retrouve l’idée que <strong>la</strong> culture médicale veut qu’un mé<strong>de</strong>cin soit en bonnesanté. Donc, les mé<strong>de</strong>cins n’ont pas besoin <strong>de</strong> faire appel aux confrères, avec peut-être « <strong>la</strong>crainte inconsciente et irrationnelle qu’à bien chercher on risque <strong>de</strong> leur trouver quelquechose » (54). Leur prise en charge par eux-mêmes leur convient et l’auto-prescription estune règle pratique et acceptable. Pourquoi changer ?3. Les difficultés à s’arrêterLes mé<strong>de</strong>cins <strong>de</strong> notre enquête, comme les mé<strong>de</strong>cins <strong><strong>de</strong>s</strong> différentes étu<strong><strong>de</strong>s</strong>prennent peu d’arrêts <strong>de</strong> travail quand ils sont ma<strong>la</strong><strong><strong>de</strong>s</strong>, moins qu’ils ne le <strong>de</strong>vraientapparemment. Les difficultés qu’ils rencontrent pour s’arrêter <strong>de</strong> travailler sont multiples.Tout d’abord, l’idée <strong>de</strong> ne pas aller travailler leur pose <strong><strong>de</strong>s</strong> difficultés d’ordrepsychologique. Ils se sentent coupables vis-à-vis <strong>de</strong> leurs patients et vis-à-vis <strong>de</strong> leursassociés à qui, ils <strong>la</strong>issent un surcroît <strong>de</strong> travail. Un sentiment d’inutilité survient rapi<strong>de</strong>ment.« Je suis sidéré <strong>de</strong> constater qu’en quelques heures l’idée <strong>de</strong> soigner mes patients seretrouve reléguée au second p<strong>la</strong>n. L’égoïsme, l’instinct <strong>de</strong> survie. (…) A cet instant, je mesens un peu coupable <strong>de</strong> les <strong>la</strong>isser en p<strong>la</strong>n, les collègues et les ma<strong>la</strong><strong><strong>de</strong>s</strong> ! Je <strong>de</strong>viensinutile » (54). Les rapporteurs du Conseil <strong>de</strong> l’Ordre constatent que plus l’arrêt <strong>de</strong> travail seprolongera, plus le mé<strong>de</strong>cin vivra mal le remp<strong>la</strong>cement, difficile à organiser sur <strong>de</strong> longuespério<strong><strong>de</strong>s</strong> (49).En effet, <strong>la</strong> durée <strong>de</strong> l’arrêt <strong>de</strong> travail est une difficulté supplémentaire. Dans notreétu<strong>de</strong>, nous avons constaté que les mé<strong>de</strong>cins s’arrangent pour se faire hospitaliser ouopérer lors <strong>de</strong> leurs congés ou en profitant d’un week-end prolongé. Par hasard peut-être, oupar professionnalisme inconscient, ils sont souvent confrontés à <strong>la</strong> pathologie durant leursvacances. Pour les pathologies traumatiques ce<strong>la</strong> se comprend aisément, par <strong>la</strong> pratique <strong>de</strong>certains loisirs. Mais pour les autres ma<strong>la</strong>dies, les explications ne sont pas évi<strong>de</strong>ntes. Latentation <strong>de</strong> reprendre le travail précocement peut mettre en question <strong>la</strong> convalescence voire<strong>la</strong> guérison du mé<strong>de</strong>cin. Parfois, le mé<strong>de</strong>cin souhaite une reprise à temps partiel, mais ce<strong>la</strong>risque également d’aggraver sa situation médicale et reste surtout difficile à organiser. « J’aibeau être du métier, je me suis cru plus fort et plus intelligent que les autres ; je n’ai pasrespecté les dé<strong>la</strong>is. J’ai eu tort : je constate aujourd’hui que j’ai eu grand peine à assurer


- 94 -mon travail. Mais <strong>la</strong> règle est simple : quand on reprend, on reprend complètement, et il nefaut pas venir se p<strong>la</strong>indre sinon on vous répond : " Il ne fal<strong>la</strong>it pas reprendre si vite" » (58).La difficulté majeure rencontrée par les mé<strong>de</strong>cins libéraux est d’ordre financier. Lescontrats d’assurances remboursent souvent <strong>de</strong> manière très incomplète le manque <strong>de</strong>revenus, si une réflexion préa<strong>la</strong>ble n’a pas eu lieu. Et quand bien même, il faut déployerbeaucoup d’énergie pour obtenir ses droits. « La réactivité et le temps passé au téléphonesont le seul moyen d’obtenir le règlement <strong><strong>de</strong>s</strong> in<strong>de</strong>mnités journalières et d’autres versementsen temps acceptable.(…) Le mé<strong>de</strong>cin ma<strong>la</strong><strong>de</strong> doit espérer gar<strong>de</strong>r toute sa tête pour gérerses dossiers <strong>de</strong> prévoyance et obtenir les règlements (…) il n’a guère accès aux ai<strong><strong>de</strong>s</strong>sociales pour l’ai<strong>de</strong>r à constituer ses dossiers » (49).Enfin, les mé<strong>de</strong>cins doivent faire face à <strong><strong>de</strong>s</strong> difficultés d’organisation <strong>de</strong> leur absence.Les mé<strong>de</strong>cins <strong>de</strong> notre étu<strong>de</strong> semblent avoir plus <strong>de</strong> chance que leurs collègues pourtrouver <strong><strong>de</strong>s</strong> remp<strong>la</strong>çants. Ce<strong>la</strong> s’explique par leur rôle d’enseignants cliniques ; ils ont un<strong>la</strong>rge réseau <strong>de</strong> remp<strong>la</strong>çants par le biais <strong>de</strong> leurs anciens internes en fin <strong>de</strong> cursus d’étu<strong><strong>de</strong>s</strong>.La difficulté <strong><strong>de</strong>s</strong> mé<strong>de</strong>cins généralistes à trouver <strong><strong>de</strong>s</strong> remp<strong>la</strong>çants augmente avec <strong>la</strong>diminution du nombre <strong>de</strong> jeunes mé<strong>de</strong>cins (ce phénomène fait suite aux réductions d’effectif<strong><strong>de</strong>s</strong> étudiants en mé<strong>de</strong>cine <strong>de</strong>puis 1971, lors <strong>de</strong> <strong>la</strong> mise en p<strong>la</strong>ce du numerus c<strong>la</strong>usus). Lesrapporteurs du Conseil <strong>de</strong> l’Ordre, proposent <strong>de</strong> créer une entrai<strong>de</strong> pour les confrèresma<strong>la</strong><strong><strong>de</strong>s</strong> à l’ai<strong>de</strong> d’un registre régulièrement actualisé où seraient inscrits tous les mé<strong>de</strong>cinspotentiellement remp<strong>la</strong>çants et les mé<strong>de</strong>cins <strong>de</strong>mandant à être remp<strong>la</strong>cés totalement oupartiellement (49).4. Les conséquences sur <strong>la</strong> pratiqueLes mé<strong>de</strong>cins, une fois revenus « dans le mon<strong>de</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong> bien-portants » tirent <strong><strong>de</strong>s</strong>leçons <strong>de</strong> leur expérience <strong>de</strong> ma<strong>la</strong><strong><strong>de</strong>s</strong>. Ils s’accor<strong>de</strong>nt à dire, dans notre étu<strong>de</strong> et dans <strong>la</strong>littérature, que d’avoir vécu <strong>la</strong> ma<strong>la</strong>die <strong>de</strong> l’intérieur a changé leur pratique et parfois leur apermis <strong>de</strong> mieux comprendre leurs patients. Les mé<strong>de</strong>cins que nous avons interrogés ontsurtout modifié leur approche globale <strong><strong>de</strong>s</strong> patients, plus qu’ils ne se sont spécifiquementaméliorés dans <strong>la</strong> prise en charge <strong><strong>de</strong>s</strong> pathologies qu’ils ont endurées.« C’était <strong>la</strong> première fois <strong>de</strong> ma vie qu’il me fal<strong>la</strong>it faire attention à mon corps. (…) Jen’avais aucune excuse pour ne pas le savoir puisque c’est ce que je dis à mes patients tousles jours. Une fois <strong>de</strong> plus, seule l’expérience vécue vous enseigne réellement quelquechose (…) j’en ai fait l’expérience dans mon corps. Les propos que je tiens désormais à mespatients possè<strong>de</strong>nt certainement plus <strong>de</strong> force, plus <strong>de</strong> <strong>de</strong>nsité que ceux que je leur tenaisavant mon acci<strong>de</strong>nt. (…) Je fais désormais preuve <strong>de</strong> plus <strong>de</strong> patience » (58).« L’homme est un apprenti, <strong>la</strong> douleur est son maître. Nul ne se connaît tant qu’il n’apas souffert » écrit A. <strong>de</strong> Musset dans La nuit d’octobre. Conscient <strong>de</strong> cet héritage, Hammel


- 95 -P. a entendu <strong>de</strong> l’un <strong>de</strong> ses patients : « Vous allez enfin comprendre ce que vivent vospatients ». Mais il réfute en partie cette théorie et d’ailleurs un autre ma<strong>la</strong><strong>de</strong> le lui dit ainsi :« Le corps médical ne peut pas nous ai<strong>de</strong>r s’il partage nos souffrances, car alors il <strong>de</strong>vientinefficace. Le recul est nécessaire au mé<strong>de</strong>cin pour survivre et pratiquer son art ». « Il estfaux <strong>de</strong> dire qu’un mé<strong>de</strong>cin qui n’a jamais été ma<strong>la</strong><strong>de</strong> est incapable <strong>de</strong> comprendre sespatients, et heureusement ! La mé<strong>de</strong>cine a besoin <strong>de</strong> soignants jeunes et en pleine forme. »(54).En effet, <strong>la</strong> ma<strong>la</strong>die n’est pas une épreuve envoyée au mé<strong>de</strong>cin pour s’améliorer.Cependant, nous avons remarqué que leur expérience <strong>de</strong> patient est souvent ramenée àleur statut <strong>de</strong> mé<strong>de</strong>cin dont ils ont du mal à se défaire.5. L’ambivalence <strong><strong>de</strong>s</strong> besoins <strong><strong>de</strong>s</strong> mé<strong>de</strong>cins ma<strong>la</strong><strong><strong>de</strong>s</strong>Quand les mé<strong>de</strong>cins se définissent comme patients, ou qu’ils expriment leurssouhaits <strong>de</strong> prise en charge, ils se présentent souvent comme <strong><strong>de</strong>s</strong> personnes « à doublevisage ». Nous avons étudié cette dualité, déjà apparente dans l’expression « mé<strong>de</strong>cinma<strong>la</strong><strong>de</strong> » où les rôles s’inversent, et qui peut prendre un aspect vraiment paradoxal quandon juxtapose leurs idées (47, 48, 61).La ma<strong>la</strong>die appartient au champ <strong>de</strong> compétences du mé<strong>de</strong>cin. Une fois <strong>de</strong>venupatient, il doit <strong>la</strong> combattre. Dans cette bataille, il veut parfois gar<strong>de</strong>r une p<strong>la</strong>ce <strong>de</strong> déci<strong>de</strong>ur,rester le maître <strong><strong>de</strong>s</strong> informations. « Je formule le vœu (…) que je reste maître <strong>de</strong> <strong>la</strong>délivrance <strong><strong>de</strong>s</strong> informations me concernant » (54). Pour continuer à protéger ses proches, ilreste mé<strong>de</strong>cin et leur donne <strong><strong>de</strong>s</strong> explications « comme si ce n’était pas moi » (58).Mais en même temps, le mé<strong>de</strong>cin revendique le droit à être guidé, rassuré. Il préfèreque <strong>la</strong> décision thérapeutique soit prise par un autre professionnel (62). Il souffre du poids <strong><strong>de</strong>s</strong>on savoir médical (47 , 48). Dans son livre Faire face au cancer, Freyer G. exprime cephénomène : « Cet effet anxiogène <strong>de</strong> l’information frappe même les professionnels <strong>de</strong> <strong>la</strong>santé. Les mé<strong>de</strong>cins eux-mêmes vivent <strong>de</strong> gran<strong><strong>de</strong>s</strong> inquiétu<strong><strong>de</strong>s</strong> lorsqu’ils sont ma<strong>la</strong><strong><strong>de</strong>s</strong> et, leplus souvent, les connaissances pourtant sérieuses dont ils disposent ne contribuent guère àles rassurer » (63). « Les symptômes, je vous les nomme tout <strong>de</strong> suite. Quant à ce que j’enpense, vous savez, j’essaie <strong>de</strong> ne pas trop penser ! C’est-à-dire que j’y pense trop. J’en suismême à ne plus pouvoir fermer l’œil <strong><strong>de</strong>s</strong> nuits entières et le plus simple serait pour moi <strong>de</strong> nepas savoir ! » (53). « Le Dr B. a en face d’elle un toubib qui nourrit son imaginaire et sesinquiétu<strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>de</strong> ses connaissances livresques. (…) j’envie un peu, à cet instant, <strong>la</strong> naïveté <strong>de</strong>certains patients moins conscients que d’autres <strong><strong>de</strong>s</strong> dangers <strong>de</strong> leur ma<strong>la</strong>die et <strong>de</strong> leurstraitements » (54).Le mé<strong>de</strong>cin est tenté <strong>de</strong> mettre à distance ses symptômes, et <strong>de</strong> continuer à travaillercomme si <strong>de</strong> rien n’était. Mais face à ses angoisses et à l’isolement qu’il a créé, il va osciller


- 96 -entre ce déni et <strong>la</strong> peur du pire (45). « Le mé<strong>de</strong>cin a finalement autant, voire plus <strong>de</strong> mal queles autres à se faire une idée juste <strong>de</strong> <strong>la</strong> situation : il imagine le pire et sa pu<strong>de</strong>ur l’empêched’en parler à son entourage. Il reste donc seul comme un crétin avec sa trouille et sessymptômes. Il n’est plus protégé par sa science ; il se découvre peut-être même plus fragileque les autres. La chance du non mé<strong>de</strong>cin est parfois d’être protégé par son ignorance »(58). Dans notre étu<strong>de</strong>, <strong>la</strong> peur du cancer est très présente ; les mé<strong>de</strong>cins y pensent souventlors <strong>de</strong> leur solitaire auto-diagnostic (le Dr L est un exemple frappant, il se définit lui-mêmecomme « un cancérophobe »).Quand on les interroge, les mé<strong>de</strong>cins sont soucieux du respect <strong>de</strong> <strong>la</strong> confi<strong>de</strong>ntialitéentre confrères. Des étu<strong><strong>de</strong>s</strong> ont montré qu’ils préféraient être soignés par un mé<strong>de</strong>cin aveclequel ils n’ont aucun lien (27). Mais pourtant, quand ils font appel à un confrère, ils lechoisissent au sein <strong>de</strong> leur réseau professionnel et souvent même au sein <strong>de</strong> leurs amis (7).Ils oscillent entre <strong>la</strong> détresse à l’idée d’être traité comme <strong>de</strong> simples patients - qu’ils ne sontpas- et le désir d’être reçus comme <strong><strong>de</strong>s</strong> patients comme les autres. « Les rôles <strong>de</strong> mé<strong>de</strong>cinet <strong>de</strong> ma<strong>la</strong><strong>de</strong> s’entremêlent » (54) et les confrères soignants peuvent être perdus. Entre le« VIP syndrome » que les mé<strong>de</strong>cins ma<strong>la</strong><strong><strong>de</strong>s</strong> peuvent présenter et leur souhaitd’omnipotence, leurs soignants sont désemparés. Ce<strong>la</strong> peut aboutir à <strong><strong>de</strong>s</strong> prises <strong>de</strong>décisions atypiques, ne respectant pas les protocoles habituels et engendrer <strong><strong>de</strong>s</strong> erreursdiagnostiques ou thérapeutiques, parce que le patient est mé<strong>de</strong>cin.Les mé<strong>de</strong>cins utilisent massivement l’auto-prescription et l’auto-médication. Mais ilssont déçus quand ils se retrouvent seuls, après une prise en charge « technique », et queleurs confrères leur confient en quelque sorte leur propre suivi : « je te <strong>la</strong>isse te débrouiller,tu sais ce qu’il faut faire ». Les mé<strong>de</strong>cins interrogés se disent « obéissants », « compliants »,« observants », « disciplinés » mais « jusqu’à un certain point », ils sont aussi <strong><strong>de</strong>s</strong> « patientsimpatients », « négligents » ! De quoi s’y perdre…6. La nécessité d’interlocuteurs objectifs et à l’écouteDans <strong>de</strong>ux articles concernant les critères <strong>de</strong> qualité requis pour <strong>la</strong> re<strong>la</strong>tion mé<strong>de</strong>cinma<strong>la</strong><strong>de</strong>,Moreau A. expose les souhaits <strong><strong>de</strong>s</strong> patients et <strong><strong>de</strong>s</strong> mé<strong>de</strong>cins au sein <strong>de</strong> cettere<strong>la</strong>tion (64, 65). Les patients atten<strong>de</strong>nt avant tout <strong>de</strong> leur mé<strong>de</strong>cin d’être « rassurés,conseillés et écoutés ». Les patients sont plus satisfaits lorsque leur généraliste utilise unstyle directif (65). Les mé<strong>de</strong>cins doivent être accessibles et disponibles mais pas <strong>de</strong> manièrepermanente. Les mé<strong>de</strong>cins atten<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> leurs patients du respect et notamment qu’ilscomprennent que les soignants ont besoin <strong>de</strong> repos et ont droit à une vie personnelle. Si l’onattend <strong><strong>de</strong>s</strong> mé<strong>de</strong>cins qu’ils représentent « une autorité médicale », ceux-ci trouventproblématique d’être associés au mythe <strong>de</strong> <strong>la</strong> toute-puissance médicale (64). Les mé<strong>de</strong>cinsma<strong>la</strong><strong><strong>de</strong>s</strong> s’inscrive au sein <strong>de</strong> cette délicate re<strong>la</strong>tion mé<strong>de</strong>cin-ma<strong>la</strong><strong>de</strong>.


- 97 -Comme le décrit Freyer G. dans son ouvrage, les <strong>de</strong>ux interlocuteurs doivent <strong>de</strong>venirpartenaires dans <strong>la</strong> re<strong>la</strong>tion thérapeutique. « Ouvrier, employé, avocat ou ministre, entre lesmains du mé<strong>de</strong>cin, on est rendu à <strong>la</strong> condition du corps souffrant. C’est, du côté duprofessionnel <strong>de</strong> santé, un pouvoir exorbitant par nature, qui ne doit sa légitimité qu’à uneindispensable contre-partie : le soin. C’est aussi une immense responsabilité qui exige <strong>de</strong>celui qui l’exerce tact, douceur, respect et sens <strong>de</strong> l’éthique. (…) On parle rarement <strong><strong>de</strong>s</strong>émotions ressenties par les soignants ; c’est du reste un sujet plus ou moins tabou.Dépositaires du savoir scientifique et <strong>de</strong> <strong>la</strong> toute-puissance technologique, le mé<strong>de</strong>cin,l’infirmière, … ne sont pas censés avoir d’états d’âme. Pour être soignant cependant, on n’enest pas moins homme (et femme).(…) La bonne attitu<strong>de</strong>, selon le mot <strong>de</strong> Suzanne Rameix,consiste à trouver "<strong>la</strong> ligne <strong>de</strong> crête", cette ligne <strong>de</strong> partage, <strong>de</strong> délimitation <strong>de</strong> <strong>la</strong> justemesure entre le paternalisme et l’autonomie » (63).Les mé<strong>de</strong>cins ma<strong>la</strong><strong><strong>de</strong>s</strong>, ont besoin d’interlocuteurs professionnels, gardant leurobjectivité pour les soigner, conscients <strong>de</strong> <strong>la</strong> spécificité <strong>de</strong> leurs patients et prêts à imposerleur statut <strong>de</strong> mé<strong>de</strong>cin pour qu’à leur tour, les mé<strong>de</strong>cins ma<strong>la</strong><strong><strong>de</strong>s</strong> puissent endosser leur rôle<strong>de</strong> patient. « Imaginer qu’un mé<strong>de</strong>cin est plus costaud dans <strong>la</strong> tête que <strong>la</strong> moyenne <strong><strong>de</strong>s</strong> genséquivaut à une funeste erreur d’appréciation. Il n’a pas un supplément d’âme, tombé <strong>de</strong> Dieusait où, qui l’immuniserait contre <strong>la</strong> peur <strong>de</strong> <strong>la</strong> souffrance et <strong>de</strong> <strong>la</strong> mort » (54). « Le plusimportant pour les docteurs ma<strong>la</strong><strong><strong>de</strong>s</strong>, est <strong>de</strong> comprendre au fil d’un long chemin, qu’unmé<strong>de</strong>cin sans patient n’est plus un mé<strong>de</strong>cin du tout » (59), il est un patient, à part entière.« Le médicament le plus utilisé en mé<strong>de</strong>cine générale est le mé<strong>de</strong>cin lui-même»répétait Michaël Balint. Pourquoi en priver les mé<strong>de</strong>cins ? Il nous semble en effet intéressantd’imaginer que chaque mé<strong>de</strong>cin puisse choisir un mé<strong>de</strong>cin traitant ne faisant pas partie <strong><strong>de</strong>s</strong>es proches, voire éloigné <strong>de</strong> son lieu d’exercice, qui l’examinerait régulièrement, aprèsl’avoir interrogé sur ses antécé<strong>de</strong>nts, sur ses bi<strong>la</strong>ns ou traitements auto-prescrits, sesdifficultés professionnelles ou personnelles, qui respecterait scrupuleusement <strong>la</strong>confi<strong>de</strong>ntialité et à qui le mé<strong>de</strong>cin se confierait en oubliant son statut professionnel. Unmé<strong>de</strong>cin qui ne craindrait pas <strong>de</strong> <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r certains examens par peur <strong>de</strong> déranger, quin’attendrait pas que <strong>la</strong> situation soit critique pour intervenir…C. LES SOLUTIONS A PROPOSER1. Le rôle <strong>de</strong> l’enquêteLe sujet du mé<strong>de</strong>cin ma<strong>la</strong><strong>de</strong> nous intéresse tout particulièrement et c’est avecbeaucoup d’attention que nous avons rencontré les mé<strong>de</strong>cins volontaires pour participer ànotre enquête. Mais les mé<strong>de</strong>cins interrogés, pourquoi ont-ils accepté <strong>de</strong> se confier au cours


- 98 -<strong>de</strong> nos entretiens ? Tous sont ou ont été enseignants et par solidarité et respect pour lesinternes ou leurs directeurs <strong>de</strong> thèse, ils ont l’habitu<strong>de</strong> <strong>de</strong> répondre aux étu<strong><strong>de</strong>s</strong>. Cependant,certains mé<strong>de</strong>cins sont allés plus loin. Les Docteurs F, J, L et N nous ont livré un récit parfoistrès émouvant et très personnel <strong>de</strong> moments douloureux <strong>de</strong> leur vie. Le Docteur C, parfoisgênée <strong>de</strong> son comportement vis-à-vis <strong>de</strong> sa santé, a tout <strong>de</strong> même accepté <strong>de</strong> nous parler<strong>de</strong> ce sujet. Elle pense « qu’il faut que les choses changent au niveau <strong>de</strong> <strong>la</strong> prise en charge<strong><strong>de</strong>s</strong> mé<strong>de</strong>cins généralistes ». Le Docteur H a apprécié ce moment : « Ça m’a permis <strong>de</strong> mequestionner à nouveau sur moi-même. (…) Je trouve ce<strong>la</strong> intéressant. Et <strong>de</strong> le faire par cebiais-là, ça permet <strong>de</strong> ne pas faire <strong>de</strong> l’égocentrisme complètement ». Le Docteur M va plusloin : « La difficulté à être patient quand on est mé<strong>de</strong>cin, c’est quelque chose auquel j’aisouvent réfléchi (…) c’est un sujet qui me touche(…) j’ai parlé <strong>de</strong> moi, une chose intime, çame fait p<strong>la</strong>isir d’en parler. (…) C’est pas dans un cadre thérapeutique, mais d’un seul coup,je m’occupe <strong>de</strong> moi, vous vous occupez pas <strong>de</strong> moi, mais moi, je m’occupe <strong>de</strong> moi ». Aucontraire, le Dr G a trouvé « qu’on est confronté à beaucoup <strong>de</strong> narcissisme dans (ce)travail ».Ce thème ne <strong>la</strong>isse pas les mé<strong>de</strong>cins indifférents (en <strong>de</strong>hors peut-être du Docteur Iqui s’estime en bonne santé). Intéressés, émus ou gênés, les mé<strong>de</strong>cins nous ont consacréune entrevue parfois longue, prenant sur leur temps libre. Pour beaucoup, ils par<strong>la</strong>ient d’euxpour <strong>la</strong> première fois aussi longtemps. Sans être indispensable, notre présence a peut-êtrepermis une écoute qu’ils s’accor<strong>de</strong>nt rarement.2. Les conseils <strong><strong>de</strong>s</strong> différents auteursDans <strong>la</strong> littérature, nous avons recensé les différents conseils que donnent lesauteurs pour améliorer <strong>la</strong> re<strong>la</strong>tion entre un mé<strong>de</strong>cin patient et son confrère soignant (20, 22,42, 46, 61, 66).Un mé<strong>de</strong>cin patient <strong>de</strong>vrait :- éviter d’assumer seul <strong>la</strong> responsabilité du diagnostic et du traitement pour sespropres problèmes <strong>de</strong> santé (en <strong>de</strong>hors <strong>de</strong> certaines pathologies communes etbénignes).- avoir un mé<strong>de</strong>cin généraliste <strong>de</strong> référence, avec lequel il se sente capable <strong>de</strong> parler<strong>de</strong> dépression, <strong>de</strong> stress, <strong>de</strong> consommation d’alcool ou d’autre addiction, d’automédicationmême d’usage incorrect.- ne pas consulter un spécialiste pour un symptôme sans en avoir préa<strong>la</strong>blementdiscuté avec son mé<strong>de</strong>cin <strong>de</strong> référence.- consulter un confrère sur ren<strong>de</strong>z-vous, dans un environnement approprié, c’est-à-direautant que possible au cabinet du mé<strong>de</strong>cin.


- 99 -- suivre méticuleusement les rituels et protocoles (mêmes administratifs) qui protègentle patient non mé<strong>de</strong>cin.- s’assurer qu’il est protégé contre les ma<strong>la</strong>dies transmissibles (hépatite B,tuberculose, …)-Un mé<strong>de</strong>cin soignant un confrère <strong>de</strong>vrait :- voir le patient dans <strong><strong>de</strong>s</strong> conditions optimales, avec un ren<strong>de</strong>z-vous en bonne et dueforme, en évitant les « consultations entre <strong>de</strong>ux portes ». Si on lui <strong>de</strong>man<strong>de</strong> unconseil <strong>de</strong> manière informelle, il <strong>de</strong>vra inciter le confrère à venir se faire examiner <strong>de</strong>manière c<strong>la</strong>ssique au cabinet.- définir c<strong>la</strong>irement les rôles <strong>de</strong> chacun, le déroulement <strong><strong>de</strong>s</strong> consultations et leshonoraires dès <strong>la</strong> première rencontre.- éviter que le patient n’ait <strong><strong>de</strong>s</strong> liens étroits avec lui (<strong>de</strong> parenté ou professionnels) etrefuser <strong>de</strong> suivre <strong><strong>de</strong>s</strong> patients <strong>de</strong> son entourage.- s’il est spécialiste, être sûr que le mé<strong>de</strong>cin patient a un mé<strong>de</strong>cin généraliste attitré enqui il a confiance et vérifier que le patient a déjà consulté son généraliste avant <strong>de</strong>venir le voir.- interroger le confrère sur ses antécé<strong>de</strong>nts, sans omettre les auto-médications et leséventuelles addictions. Réaliser un examen clinique aussi complet que l’exige <strong>la</strong>symptomatologie. Ce professionnel <strong>de</strong>vra prendre en charge le suivi <strong><strong>de</strong>s</strong> soins et <strong>la</strong>continuité <strong><strong>de</strong>s</strong> traitements.- <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r au patient quelles conclusions il a lui-même tiré <strong>de</strong> ses symptômes.- en adressant son patient mé<strong>de</strong>cin à un autre confrère, toujours écrire une lettrecomplète, pour éviter les consultations informelles.- recevoir une formation spécifique à <strong>la</strong> prise en charge <strong>de</strong> confrères mé<strong>de</strong>cins, ce quin’existe pas encore.3. Ce qui existe déjàCertains pays ont déjà créé <strong><strong>de</strong>s</strong> structures spécifiques adaptées à <strong>la</strong> prise en charge<strong><strong>de</strong>s</strong> mé<strong>de</strong>cins. Quelques initiatives se développent en France <strong>de</strong> manière ponctuelle.L’un <strong><strong>de</strong>s</strong> projets pionniers en Europe, et l’un <strong><strong>de</strong>s</strong> plus aboutis, est celui du PNAIMM(Programme d’Ai<strong>de</strong> Intégrale au Mé<strong>de</strong>cin Ma<strong>la</strong><strong>de</strong>), créé en Catalogne en 1998 par le Collège<strong><strong>de</strong>s</strong> Mé<strong>de</strong>cins <strong>de</strong> Barcelone. Il a pour vocation d’apporter assistance aux praticiens souffrant<strong>de</strong> problèmes psychiques ou présentant une addiction. Les mé<strong>de</strong>cins cata<strong>la</strong>ns peuvent yavoir accès par l’intermédiaire d’un numéro <strong>de</strong> téléphone. Après avoir pris contact avecl’unité <strong>de</strong> soins, le mé<strong>de</strong>cin va signer un « document d’acceptation d’entrée au programme »et va prendre un nom d’emprunt pour assurer une confi<strong>de</strong>ntialité maximale. Les mé<strong>de</strong>cins


- 100 -peuvent être pris en charge par le PNAIMM <strong>de</strong> leur propre initiative, suite aux conseils d’unconfrère ou pour 15% d’entre eux sur injonction ordinale. La notion <strong>de</strong> signalement <strong>de</strong>confrères en difficulté fait partie du Co<strong>de</strong> <strong>de</strong> déontologie <strong>de</strong>puis <strong>la</strong> création du PNAIMM. Ceprogramme a été mis en p<strong>la</strong>ce suite à une étu<strong>de</strong> réalisée auprès <strong><strong>de</strong>s</strong> mé<strong>de</strong>cins cata<strong>la</strong>ns.Plus <strong>de</strong> <strong>la</strong> moitié d’entre eux étaient favorables à ce projet. (7, 18, 23, 49).Au sein <strong>de</strong> chacune <strong><strong>de</strong>s</strong> provinces du Québec, il existe <strong>de</strong>puis 1990, un Programmed’Ai<strong>de</strong> aux Mé<strong>de</strong>cins du Québec (PNAMQ). Il a un rôle <strong>de</strong> prévention, d’i<strong>de</strong>ntification <strong><strong>de</strong>s</strong>problèmes, d’écoute, <strong>de</strong> recherche <strong>de</strong> solutions, <strong>de</strong> soutien tout au long <strong>de</strong> <strong>la</strong> démarche et<strong>de</strong> réinsertion sociale et professionnelle. Les mé<strong>de</strong>cins peuvent contacter un confrère duPNAMQ par téléphone (ligne gratuite avec possibilité <strong>de</strong> <strong>la</strong>isser un message 24h/24) ou lerencontrer, en toute confi<strong>de</strong>ntialité. Cet organisme est sans but lucratif et entièrementautonome (7, 49)Un programme australien est né dans <strong>la</strong> ville d’Adé<strong>la</strong>ï<strong>de</strong> intitulé « Dr DOC ». Desmé<strong>de</strong>cins généralistes et <strong><strong>de</strong>s</strong> spécialistes acceptent <strong>de</strong> se dép<strong>la</strong>cer auprès <strong><strong>de</strong>s</strong> mé<strong>de</strong>cins enmilieu rural et leur proposent un bi<strong>la</strong>n complet (18).Suite à une étu<strong>de</strong> britannique <strong>de</strong> 1992 montrant que les mé<strong>de</strong>cins ang<strong>la</strong>is avaientune mauvaise prise en charge médicale, <strong>la</strong> British Medical Association (BMA) avait édité en1995 un ensemble <strong>de</strong> directives sur les responsabilités morales qu’avaient les mé<strong>de</strong>cinsenvers leur santé, celle <strong>de</strong> leur famille et d’autres mé<strong>de</strong>cins qu’ils ont comme patients.Conjointement, sont nés en 1995, grâce à <strong>la</strong> BMA le National Counselling Service for SickDoctors (pour les mé<strong>de</strong>cins ma<strong>la</strong><strong><strong>de</strong>s</strong> et leurs soignants), le Sick Doctor’s Trust (pour lesaddictions aux psychotropes) et le Doctor’s Support Network (pour les pathologiespsychiatriques). Une étu<strong>de</strong> <strong>de</strong> 1999 révèle une faible adhésion <strong><strong>de</strong>s</strong> mé<strong>de</strong>cins aux directives<strong>de</strong> <strong>la</strong> BMA et peu <strong>de</strong> contacts avec le National Counselling Service for Sick Doctors (7, 12,22, 32, 67). Par ailleurs, <strong>la</strong> ligne téléphonique du Doctor’s Support Network risque <strong>de</strong>disparaître faute <strong>de</strong> moyens financiers(68).Inspiré du modèle ang<strong>la</strong>is, un programme d’ai<strong>de</strong> aux mé<strong>de</strong>cins a vu le jour au Pays<strong>de</strong> Galles en 1998. Chaque mé<strong>de</strong>cin a reçu une lettre avec les coordonnées d’intervenantsspécialisés dans <strong>la</strong> prise en charge <strong>de</strong> confrères. Les 3 premières consultations étaientgratuites. Un bi<strong>la</strong>n après 3 ans d’existence était plutôt positif ; les mé<strong>de</strong>cins étaient satisfaits<strong><strong>de</strong>s</strong> conseils qu’ils avaient reçus et ils étaient nombreux à avoir continué leur suivi avec ceservice, à leurs frais (18).En France, nous sommes en retard, par rapport aux autres pays, pour <strong>la</strong> créationd’offre <strong>de</strong> soins spécifiques aux mé<strong>de</strong>cins. Il existe <strong>de</strong>ux structures ponctuelles. L’une a vu lejour en 2005 en Ile <strong>de</strong> France : l’Association d’Ai<strong>de</strong> Professionnelle aux Mé<strong>de</strong>cins Libérauxpropose aux mé<strong>de</strong>cins atteints du syndrome d’épuisement professionnel ou « burn-out »,une permanence téléphonique (69). L’autre est en projet : une unité d’addictologie réservée


- 101 -aux professionnels <strong>de</strong> <strong>la</strong> santé <strong>de</strong>vrait ouvrir en 2010 à Besançon suite à une <strong>de</strong>man<strong>de</strong> duConseil national <strong>de</strong> l’Ordre <strong><strong>de</strong>s</strong> Mé<strong>de</strong>cins. Après <strong><strong>de</strong>s</strong> soucis <strong>de</strong> financement, le projet <strong>de</strong>vraitpouvoir aboutir (49).4. Ce que propose l’Ordre <strong><strong>de</strong>s</strong> Mé<strong>de</strong>cinsLe rapport <strong>de</strong> <strong>la</strong> Commission Nationale Permanente du Conseil national <strong>de</strong> l’Ordre<strong><strong>de</strong>s</strong> Mé<strong>de</strong>cins concernant « Le mé<strong>de</strong>cin ma<strong>la</strong><strong>de</strong> » n’est pas un travail <strong>de</strong> recherche issud’étu<strong><strong>de</strong>s</strong> statistiques à gran<strong>de</strong> échelle mais un recueil <strong>de</strong> travaux (non publiés) <strong><strong>de</strong>s</strong> différentsconseils départementaux. Il s’agit plutôt <strong>de</strong> recoupements d’impressions et d’avis d’expertsou <strong>de</strong> conseillers ordinaux qui s’intéressent à ce sujet. Cependant, ce travail, bien quecritiquable du point <strong>de</strong> vue méthodologique (propos du Dr Bertrand Leriche lui-même,rapporteur <strong>de</strong> ce travail, joint par nos soins), est le reflet d’une réelle préoccupation duConseil <strong>de</strong> l’Ordre <strong><strong>de</strong>s</strong> Mé<strong>de</strong>cins. Les rapporteurs ont souhaité faire plusieurs propositions,dont certaines nécessitent une réforme du Co<strong>de</strong> <strong>de</strong> déontologie et même <strong>de</strong> plusieursarticles du Co<strong>de</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> Santé Publique (49). Les rapporteurs proposent :- La mise en p<strong>la</strong>ce d’un service d’information ordinale en matière <strong>de</strong> prévoyance : ils’agirait <strong>de</strong> créer une banque <strong>de</strong> données <strong>de</strong> l’ensemble <strong><strong>de</strong>s</strong> contrats proposés parles différentes compagnies d’assurances, avec <strong><strong>de</strong>s</strong> grilles comparatives et uneréactualisation régulière. Le Conseil national <strong>de</strong> l’Ordre souhaiterait établir un contratdéontologique avec <strong><strong>de</strong>s</strong> organismes prestataires <strong>de</strong> services, qui s’engageraient àrevoir les contrats <strong>de</strong> prévoyance <strong><strong>de</strong>s</strong> praticiens tous les 5 ans.- La mise en p<strong>la</strong>ce au niveau <strong>de</strong> chaque Conseil départemental d’une commission <strong>de</strong>dépistage <strong><strong>de</strong>s</strong> mé<strong>de</strong>cins en difficulté. Les mé<strong>de</strong>cins pourraient signaler leursproblèmes <strong>de</strong> santé à <strong><strong>de</strong>s</strong> conseillers ordinaux. En parallèle, <strong>de</strong>vrait être créée unecellule <strong>de</strong> soutien composée <strong>de</strong> mé<strong>de</strong>cins extérieurs au Conseil, formés à l’écoute età <strong>la</strong> résolution <strong><strong>de</strong>s</strong> problèmes spécifiques aux mé<strong>de</strong>cins ma<strong>la</strong><strong><strong>de</strong>s</strong>.- Une forte incitation à <strong>la</strong> désignation d’un mé<strong>de</strong>cin traitant pour chaque mé<strong>de</strong>cin pourlimiter notamment les risques <strong>de</strong> l’auto-prescription.- L’instauration <strong>de</strong> visites médicales <strong>de</strong> prévention régulières et obligatoires <strong><strong>de</strong>s</strong>mé<strong>de</strong>cins installés, dans un double but <strong>de</strong> dépistage et <strong>de</strong> protection <strong><strong>de</strong>s</strong> patients.Cette mé<strong>de</strong>cine <strong>de</strong> prévention serait effectuée par <strong><strong>de</strong>s</strong> praticiens formésspécifiquement à cette mission, et qui <strong>de</strong> préférence, ne seraient pas conseillersordinaux <strong>de</strong> préférence. Le Conseil <strong>de</strong> l’Ordre souhaite également exiger une visite<strong><strong>de</strong>s</strong> étudiants en mé<strong>de</strong>cine pour leur délivrer une qualification. Pour les étudiants oules mé<strong>de</strong>cins installés, les rapporteurs évoquent <strong>la</strong> possibilité d’une modification <strong>de</strong> <strong>la</strong>légis<strong>la</strong>tion afin <strong>de</strong> proposer à un mé<strong>de</strong>cin déc<strong>la</strong>ré inapte pour certains typesd’exercice, une qualification pour un exercice partiel.


- 102 -Poussant plus avant leurs propositions, les rapporteurs ordinaux souhaiteraient :- La création d’un service social au niveau du Conseil National qui rassemblerait <strong><strong>de</strong>s</strong>professionnels du droit social, du rec<strong>la</strong>ssement professionnel et <strong>de</strong> <strong>la</strong> prévoyance,pour les mé<strong>de</strong>cins et leurs familles.- Favoriser une mutualisation <strong><strong>de</strong>s</strong> risques. L’Ordre pourrait être le partenaire mutualiste<strong>de</strong> groupes d’assurances ou <strong>de</strong> mutuelles professionnelles et protéger collectivementet individuellement le mé<strong>de</strong>cin.- Proposer un banque d’emplois potentiels associant le mon<strong>de</strong> <strong>de</strong> l’entreprise, lesinstitutions, les structures universitaires et <strong>de</strong> FMC pour les mé<strong>de</strong>cins en cours <strong>de</strong>reconversion professionnelle ou <strong>de</strong> réorientation, suite à l’ai<strong>de</strong> et aux proposition <strong>de</strong><strong>la</strong> cellule <strong>de</strong> soutien.Le Dr Bertrand Leriche est conscient du caractère idéaliste voire utopique <strong>de</strong>certaines <strong>de</strong> ces propositions, mais il pense que « pour mobiliser le corps médical vers uné<strong>la</strong>n <strong>de</strong> solidarité, il faut bousculer les idées reçues. Pour briser l’isolement du mé<strong>de</strong>cinma<strong>la</strong><strong>de</strong>, qui est un professionnel individualiste dans une société individualiste, il faut êtreidéaliste et proposer <strong><strong>de</strong>s</strong> idées al<strong>la</strong>nt vers un corporatisme intelligent » (70).5. Ce qui pourrait être mis en p<strong>la</strong>ceDe nombreux conseils et <strong>de</strong> multiples propositions ont été cités dans notre travail. Ilserait présomptueux <strong>de</strong> penser que nous avons <strong><strong>de</strong>s</strong> idées plus originales que les différentsauteurs. Nous souhaitons par contre, soumettre certaines suggestions.Il semblerait souhaitable d’introduire dès les 2 ème et 3 ème cycles d’étu<strong><strong>de</strong>s</strong> médicalesune information voire une formation concernant <strong>la</strong> spécificité <strong>de</strong> <strong>la</strong> prise en charge <strong><strong>de</strong>s</strong>mé<strong>de</strong>cins <strong>de</strong>venus patients. Cet enseignement existe déjà en Norvège (55). Ce<strong>la</strong> pourraitêtre prolongé par une formation <strong><strong>de</strong>s</strong> soignants amenés à traiter les mé<strong>de</strong>cins en milieuhospitalier ou ambu<strong>la</strong>toire.Il paraît raisonnable se ranger aux propositions <strong><strong>de</strong>s</strong> auteurs ang<strong>la</strong>is qui <strong>de</strong>man<strong>de</strong>nt àce que chaque mé<strong>de</strong>cin ait un mé<strong>de</strong>cin traitant attitré, sans lien professionnel direct (unassocié par exemple), ni lien <strong>de</strong> parenté ou d’amitié trop proche qui puisse altérerl’objectivité et <strong>la</strong> qualité <strong>de</strong> <strong>la</strong> re<strong>la</strong>tion mé<strong>de</strong>cin-ma<strong>la</strong><strong>de</strong>.La généralisation <strong>de</strong> numéros d’appel et <strong>de</strong> soutien gratuits semble une bonne idée,surtout pour les mé<strong>de</strong>cins en détresse psychologique. Ce<strong>la</strong> n’a pas été l’objet <strong>de</strong> notreétu<strong>de</strong>, mais nous sommes conscients que le syndrome d’épuisement professionnel, ou burnout,est très présent chez les mé<strong>de</strong>cins.La démarche <strong>la</strong> plus novatrice, en France, mais aussi <strong>la</strong> plus coûteuse, serait <strong>la</strong>création <strong>de</strong> centres <strong>de</strong> soins spécifiquement dédiés aux mé<strong>de</strong>cins. L’exemple très particulier


- 103 -du PNAIMM cata<strong>la</strong>n ne serait certainement pas plébiscité par les mé<strong>de</strong>cins français. Si l’idéedu changement <strong>de</strong> nom pour plus <strong>de</strong> confi<strong>de</strong>ntialité dans le cas <strong>de</strong> pathologies particulières(notamment addictives et psychiatriques) est intéressante, l’injonction thérapeutique aprèssignalement obligatoire par un confrère ou <strong><strong>de</strong>s</strong> mesures coercitives risquent d’êtremassivement refusées par <strong>la</strong> profession médicale française. Les mé<strong>de</strong>cins travail<strong>la</strong>nt dansces centres médicaux <strong>de</strong>vraient être volontaires et formés pour s’occuper <strong>de</strong> confrèresma<strong>la</strong><strong><strong>de</strong>s</strong>. Ces centres pourraient être régionaux ou départementaux afin d’améliorer <strong>la</strong>confi<strong>de</strong>ntialité tout en restant à <strong><strong>de</strong>s</strong> distances raisonnables du lieu d’exercice <strong><strong>de</strong>s</strong> mé<strong>de</strong>cins.Les professionnels pourraient peut-être se dép<strong>la</strong>cer pour rencontrer les mé<strong>de</strong>cins ma<strong>la</strong><strong><strong>de</strong>s</strong>.En 2007, le travail <strong>de</strong> thèse <strong>de</strong> Corpel M. montrait que 43% <strong><strong>de</strong>s</strong> mé<strong>de</strong>cins exerçantdans <strong>la</strong> Marne pensent qu’un service médical qui leur serait dédié pourrait être utile (16). Lamême année, Coquel G. fait le même constat auprès <strong><strong>de</strong>s</strong> mé<strong>de</strong>cins <strong>de</strong> Seine-Maritime : 56%<strong><strong>de</strong>s</strong> mé<strong>de</strong>cins <strong>de</strong> son étu<strong>de</strong> se montraient favorables à <strong>la</strong> mise en p<strong>la</strong>ce d’une mé<strong>de</strong>cinepréventive pour les mé<strong>de</strong>cins libéraux (10). Ce<strong>la</strong> signe sans doute une attente <strong>de</strong> <strong>la</strong> part <strong><strong>de</strong>s</strong>mé<strong>de</strong>cins libéraux pour une meilleure prise en charge <strong>de</strong> leur santé.


- 104 -CONCLUSION


- 105 -CONCLUSIONNous avons réalisé une étu<strong>de</strong> qualitative nous permettant <strong>de</strong> rencontrer 15 mé<strong>de</strong>cinsgénéralistes installés, qui avaient eu l’occasion <strong>de</strong> passer « <strong>de</strong> l’autre côté <strong>de</strong> <strong>la</strong> barrière » en<strong>de</strong>venant eux-mêmes patients.Notre travail, loin d’être exhaustif, a souhaité toucher un point sensible et peu étudié,dans notre pays, jusqu’à ces dix <strong>de</strong>rnières années. Les mé<strong>de</strong>cins interrogés ont ainsiaccepté <strong>de</strong> nous livrer leur expérience et leur vécu <strong>de</strong> ma<strong>la</strong><strong><strong>de</strong>s</strong>. Il nous semb<strong>la</strong>it important <strong><strong>de</strong>s</strong>e pencher sur les difficultés qu’engendre <strong>la</strong> ma<strong>la</strong>die chez ceux qui ont le <strong>de</strong>voir et le pouvoir<strong>de</strong> soigner les autres et sur les conséquences qu’elle peut avoir sur leur pratique.Notre étu<strong>de</strong> a confirmé notre hypothèse <strong>de</strong> départ qui était <strong>de</strong> penser que lesmé<strong>de</strong>cins généralistes étaient <strong><strong>de</strong>s</strong> patients à part. Nous avons pu faire certainesconstatations, qui malgré <strong>la</strong> petite taille <strong>de</strong> notre échantillon, sont cohérentes avec lesdonnées <strong>de</strong> <strong>la</strong> littérature française et étrangère concernant <strong>la</strong> santé <strong><strong>de</strong>s</strong> mé<strong>de</strong>cins.Face à <strong>la</strong> ma<strong>la</strong>die, ils oscillent entre le déni et <strong>la</strong> peur du pire. Et une fois leurspathologies oubliées, ils se déc<strong>la</strong>rent en bonne santé.Ils se soignent par auto-prescription et auto-médication, au coup par coup. Ils ne fontappel à un confrère que <strong>de</strong> manière ponctuelle, en urgence, face à une pathologie aiguë ouà un traumatisme. Il s’agit dans <strong>la</strong> quasi-totalité <strong><strong>de</strong>s</strong> cas <strong>de</strong> confrères spécialistes d’organes.Ils n’ont pas d’autre mé<strong>de</strong>cin traitant qu’eux-mêmes (12 mé<strong>de</strong>cins sur 15), et quandils en ont un, celui-ci ne les a quasiment jamais examinés. De même, ils soignent peu <strong>de</strong>mé<strong>de</strong>cins généralistes <strong>de</strong> manière régulière. S’ils s’estiment en bonne santé, <strong>la</strong> majoritéd’entre eux (10 mé<strong>de</strong>cins sur 15) considèrent que <strong>la</strong> prise en charge <strong>de</strong> leur santé est moinsbonne que celle <strong>de</strong> leur patients… S’ils n’ont pas choisi d’autre mé<strong>de</strong>cin traitant qu’euxmêmes,ils reconnaissent ainsi ne pas être les mieux p<strong>la</strong>cés pour tenir ce rôle.Ils atten<strong>de</strong>nt le <strong>de</strong>rnier moment pour se soigner et ne s’arrêtent <strong>de</strong> travaillerqu’exceptionnellement, souvent au cours <strong>de</strong> leurs congés. Ils ont <strong><strong>de</strong>s</strong> duréesd’hospitalisations courtes, voire écourtées, et reprennent leur activité très rapi<strong>de</strong>ment. Lacharge financière du cabinet, les difficultés pour se faire remp<strong>la</strong>cer, le sens du <strong>de</strong>voir envers


- 106 -les patients et leurs confrères, ainsi que parfois une difficulté psychologique à quitter leurstatut <strong>de</strong> mé<strong>de</strong>cin peuvent être <strong><strong>de</strong>s</strong> explications à ce phénomène souvent délétère pour leursanté.Voltaire disait : « Il n’y a rien <strong>de</strong> plus ridicule qu’un mé<strong>de</strong>cin qui ne meurt pas <strong>de</strong>vieillesse». L’image du mé<strong>de</strong>cin ma<strong>la</strong><strong>de</strong> reste un tabou. Les mé<strong>de</strong>cins interrogés n’abor<strong>de</strong>ntpas facilement ce sujet avec leurs patients et pensent qu’un mé<strong>de</strong>cin n’ a pas le droit d’êtrei<strong>de</strong>ntifié comme étant ma<strong>la</strong><strong>de</strong>.La re<strong>la</strong>tion thérapeutique entre un mé<strong>de</strong>cin ma<strong>la</strong><strong>de</strong> et un confrère soignant estdélicate. Le mé<strong>de</strong>cin ma<strong>la</strong><strong>de</strong> <strong>de</strong>man<strong>de</strong> à être traité comme « un ma<strong>la</strong><strong>de</strong> comme les autres »,mais ce<strong>la</strong> est loin d’être aussi simple. Un mé<strong>de</strong>cin ma<strong>la</strong><strong>de</strong> est par définition très ambivalentet va ainsi rendre, inconsciemment, <strong>la</strong> démarche <strong>de</strong> soins difficile. Les mé<strong>de</strong>cins interrogésillustrent bien cette dualité, retrouvée dans <strong>la</strong> littérature.Ils veulent être soignés comme le patient <strong>la</strong>mbda, qui est en réalité le patient idéalisé.Ils souhaitent qu’on les écoute, qu’on leur donne les mêmes explications qu’aux nonmé<strong>de</strong>cins,qu’on les protège (<strong>de</strong> leur savoir) lors <strong>de</strong> l’annonce d’un diagnostic ou d’unpronostic, qu’on les gui<strong>de</strong> dans leur suivi. Ils disent avoir une gran<strong>de</strong> confiance en leursconfrères et pensent souvent, a posteriori, que cette expérience <strong>de</strong> <strong>la</strong> ma<strong>la</strong>die leur a permisd’améliorer leur pratique.En revanche, possédant le même <strong>la</strong>ngage que leur mé<strong>de</strong>cin, ils ont souventcommencé <strong>la</strong> démarche diagnostique les concernant et refusent d’être trompés ou mis àl ‘écart par l’équipe soignante. Ils conservent souvent un rôle <strong>de</strong> déci<strong>de</strong>ur, parfois malgréeux. Hospitalisés, ils perçoivent <strong>de</strong> l’intérieur les défauts <strong>de</strong> notre système <strong>de</strong> soins.Les mé<strong>de</strong>cins soignants, le plus souvent <strong><strong>de</strong>s</strong> spécialistes d’organes, peuvent sesentir jugés ou agressés par <strong>la</strong> profession <strong>de</strong> leur patient. Ce<strong>la</strong> est difficile à objectiver. I<strong>la</strong>pparaît c<strong>la</strong>irement, qu’une fois <strong>la</strong> pathologie aiguë traitée, les mé<strong>de</strong>cins ma<strong>la</strong><strong><strong>de</strong>s</strong> se voientsouvent confier leur propre suivi.Sans ai<strong>de</strong> extérieure, les mé<strong>de</strong>cins ma<strong>la</strong><strong><strong>de</strong>s</strong> ne respectent pas le parcours <strong>de</strong> soins.De manière compréhensible et plutôt positive, leur réseau professionnel leur permet <strong>de</strong>réduire les dé<strong>la</strong>is d’accès aux confrères et aux examens. Mais <strong>de</strong> manière dangereuse, ilsévitent certains bi<strong>la</strong>ns, par manque <strong>de</strong> temps ou pour s’épargner un désagrément, etreconnaissent une observance <strong>de</strong> leurs traitements très aléatoire.


- 107 -Ces mé<strong>de</strong>cins qui soignent leurs patients au quotidien, acteurs <strong>de</strong> prévention auprèsd’eux, qui dépistent et diagnostiquent leurs ma<strong>la</strong>dies, qui organisent et négocient leurs suiviset leurs traitements, en tenant compte <strong>de</strong> leur contexte social, familial et psychologique,paraissent bien seuls quand <strong>la</strong> ma<strong>la</strong>die les touche eux-mêmes.Les mé<strong>de</strong>cins libéraux n’ont pas d’interlocuteur privilégié pour organiser leur suivimédical au long cours. Les étu<strong><strong>de</strong>s</strong> réalisées ces <strong>de</strong>rnières années et les mé<strong>de</strong>cins interrogésdans notre travail tirent <strong>la</strong> sonnette d’a<strong>la</strong>rme : Il est nécessaire d’inventer une offre <strong>de</strong> soinsspécifique pour les mé<strong>de</strong>cins. Le Conseil national <strong>de</strong> l’Ordre <strong><strong>de</strong>s</strong> mé<strong>de</strong>cins, par le biais d’unrapport récent sur « Le mé<strong>de</strong>cin ma<strong>la</strong><strong>de</strong> » propose plusieurs réformes et notamment <strong>la</strong>création d’une commission <strong>de</strong> dépistage du mé<strong>de</strong>cin en difficulté assortie d’une cellule <strong><strong>de</strong>s</strong>outien, l’instauration <strong>de</strong> visites médicales <strong>de</strong> prévention régulières et obligatoires pour lespraticiens et un service social central pour ai<strong>de</strong>r les mé<strong>de</strong>cins à se reconvertir après unepathologie lour<strong>de</strong>. Les rapporteurs <strong>de</strong> ce travail souhaitent développer une solidarité entreles mé<strong>de</strong>cins à l’ai<strong>de</strong> d’une mutualisation <strong><strong>de</strong>s</strong> risques.Les mé<strong>de</strong>cins sans être mis à l’écart du système <strong>de</strong> soins dont ils sont acteurs,aimeraient qu’on leur donne <strong>la</strong> possibilité d’être <strong><strong>de</strong>s</strong> patients comme les autres, en tenantcompte <strong>de</strong> leur spécificité. Pour ce faire, il paraît indispensable <strong>de</strong> choisir <strong><strong>de</strong>s</strong> mé<strong>de</strong>cinsvolontaires pour s’occuper <strong>de</strong> leurs pairs et <strong>de</strong> proposer une formation à cette re<strong>la</strong>tionparticulière dès le <strong>de</strong>uxième cycle d’étu<strong><strong>de</strong>s</strong> médicales.Nous n’avons pas pu, dans notre étu<strong>de</strong>, é<strong>la</strong>rgir cette enquête et interroger <strong><strong>de</strong>s</strong>mé<strong>de</strong>cins spécialistes d’organes qui s’occupent <strong>de</strong> leurs confrères. Ce travail nous sembleimportant à envisager pour connaître leur expérience et leur ressenti. Ceci pourrait fairel’objet d’un futur travail <strong>de</strong> thèse.


- 108 -


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- 113 -ANNEXES


- 114 -ANNEXE 1Courriel adressé à tous les Mé<strong>de</strong>cins Généralistes- Maîtres <strong>de</strong> Stage <strong>de</strong> LyonEnvoyé le 21/01/08Chères Consoeurs, Chers Confrères,Actuellement rési<strong>de</strong>nte en sixième semestre <strong>de</strong> Mé<strong>de</strong>cine Générale à <strong>la</strong> Faculté <strong>de</strong>Mé<strong>de</strong>cine <strong>de</strong> Lyon, je réalise dans le cadre d’un travail <strong>de</strong> recherche pour ma Thèse <strong>de</strong>Docteur en Mé<strong>de</strong>cine, une étu<strong>de</strong> concernant le suivi <strong><strong>de</strong>s</strong> mé<strong>de</strong>cins généralistes ayant eu unproblème <strong>de</strong> santé.Ces <strong>de</strong>rnières années, plusieurs thèses ont décrit l’état <strong>de</strong> santé <strong><strong>de</strong>s</strong> mé<strong>de</strong>cins généralisteset leur attitu<strong>de</strong> préventive vis-à-vis <strong>de</strong> leur propre santé. Mes recherches s’intéressent auxmé<strong>de</strong>cins généralistes qui ont été ma<strong>la</strong><strong><strong>de</strong>s</strong>. Le but <strong>de</strong> mon travail est d’étudier comment sontsoignés et suivis les mé<strong>de</strong>cins généralistes lorsqu’ils <strong>de</strong>viennent patients.Pour cette étu<strong>de</strong>, je recherche <strong><strong>de</strong>s</strong> mé<strong>de</strong>cins généralistes volontaires pour m’accor<strong>de</strong>r unentretien dans les semaines à venir.Cet entretien sera individuel, d’une durée d’environ trois quarts d’heure, restera strictementanonyme et ne sera suivi d’aucune autre démarche.Si vous êtes intéressés par mon étu<strong>de</strong> et que vous avez eu un problème <strong>de</strong> santé, vouspouvez me contacter dès maintenant par mail à cette adresse: <strong>de</strong>lphinegthese@hotmail.fr enme précisant vos coordonnées (votre mail peut suffire) pour définir d’un ren<strong>de</strong>z-vousultérieurement et le type <strong>de</strong> pathologie concernée.Cette thèse est dirigée par le Docteur Marie FLORI, mé<strong>de</strong>cin généraliste enseignante auDépartement <strong>de</strong> Mé<strong>de</strong>cine Générale <strong>de</strong> Lyon.Etant consciente que vos emplois du temps sont surchargés et que vous êtes sollicités pour<strong>de</strong> multiples étu<strong><strong>de</strong>s</strong>, je vous remercie tout particulièrement du temps que vous consacrerez àlire ce mail, éventuellement à y répondre et peut-être à participer à cette étu<strong>de</strong>.Veuillez recevoir, chères Consoeurs, chers Confrères, mes salutations les plus cordiales.Delphine GAY<strong>de</strong>lphinegthese@hotmail.fr


-- 115 -1) Présentation <strong>de</strong> l’étu<strong>de</strong>ANNEXE 2GUIDE D’ENTRETIEN SEMI-DIRIGEPrésentation <strong>de</strong> l’enquêteur :Actuellement en fin d’internat <strong>de</strong> mé<strong>de</strong>cine générale, je réalise une étu<strong>de</strong> sur le suivi <strong><strong>de</strong>s</strong>mé<strong>de</strong>cins généralistes lorsqu’ils sont <strong>de</strong>venus eux-mêmes patients et ma<strong>la</strong><strong><strong>de</strong>s</strong>.Présentation <strong>de</strong> l’enquête :Cette étu<strong>de</strong> s’inscrit dans le cadre d’un travail <strong>de</strong> recherche pour <strong>la</strong> réalisation <strong>de</strong> ma thèse<strong>de</strong> Docteur en Mé<strong>de</strong>cine. Je vous remercie d’avoir accepté <strong>de</strong> me recevoir aujourd’hui pourparler d’un sujet aussi personnel que celui <strong>de</strong> votre santé. Si vous n’avez pas <strong>de</strong> questions,nous allons passer à <strong>la</strong> suite <strong>de</strong> l’entretien.2) État <strong>de</strong> santé et suivi médical- Pouvez-vous me parler <strong>de</strong> vous, <strong>de</strong> votre exercice, puis <strong>de</strong> vous en tant que patient : vosantécé<strong>de</strong>nts, votre traitement actuel (c<strong>la</strong>sses médicamenteuses), si vous en avez un.- Avez-vous actuellement un problème <strong>de</strong> santé, ou un bi<strong>la</strong>n en cours ? (qui ne feraalors pas l’objet <strong>de</strong> questions car les mé<strong>de</strong>cins volontaires auront choisi une pathologiedatant <strong>de</strong> plus <strong>de</strong> 3 mois ou résolue dans leurs antécé<strong>de</strong>nts).- Comment prenez vous en charge votre santé ?- Avez-vous un mé<strong>de</strong>cin traitant ?Si oui : Depuis quand ? Comment l’avez-vous choisi ?Si non : Pourquoi ? Avez-vous déjà envisagé d’en choisir un ?- Quel patient pensez-vous être ? (J’aimerais savoir si vous avez une image <strong>de</strong> vousmêmeen tant que patient ? Par exemple, certains mé<strong>de</strong>cins me disent qu’ils ont tendance à« faire l’autruche » ou au contraire, qu’ils sont plutôt inquiets pour leur santé, un peu« hypochondriaques »).- Nous allons parler maintenant plus précisément <strong>de</strong> votre pathologie sélectionnée pourl’étu<strong>de</strong>, si vous êtes d’accord.3) Histoire <strong>de</strong> <strong>la</strong> ma<strong>la</strong>die- Pouvez-vous me parler <strong>de</strong> votre parcours <strong>de</strong> ma<strong>la</strong><strong>de</strong> ?- Pouvez-vous me parler <strong><strong>de</strong>s</strong> premiers symptômes <strong>de</strong> <strong>la</strong> ma<strong>la</strong>die qui vous ont alerté ?- Avez-vous posé au début un auto-diagnostic ?- À <strong>la</strong> découverte <strong>de</strong> ces symptômes, <strong>de</strong> cette ma<strong>la</strong>die, vous êtes vous auto-prescrit <strong><strong>de</strong>s</strong>examens biologiques, <strong><strong>de</strong>s</strong> examens d’imagerie, un traitement ?- Quel est le premier confrère que vous avez consulté (autre MG, mé<strong>de</strong>cin urgentistedans un SAU, spécialiste) ?- Dans quel dé<strong>la</strong>i, à quel sta<strong>de</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> ma<strong>la</strong>die avez-vous consulté pour <strong>la</strong> première fois ?


- 116 -- Avez-vous eu à consulter d’autres confrères par <strong>la</strong> suite ? Etaient-ils conseillés par leprécé<strong>de</strong>nt mé<strong>de</strong>cin consulté ? Ou les avez-vous choisis vous-même ? En avez-vousconsulté en plus <strong>de</strong> celui ou ceux qui vous étaient conseillés ?-- Par qui votre traitement a-t-il été prescrit, réalisé ?- Comment diriez-vous que vous avez suivi votre traitement (régulièrement, assezrégulièrement, irrégulièrement) ?- Vous êtes vous auto-prescrit <strong><strong>de</strong>s</strong> examens biologiques, <strong><strong>de</strong>s</strong> examens d’imagerie, untraitement au cours du traitement et / ou du suivi <strong>de</strong> <strong>la</strong> pathologie ?- Etes-vous toujours suivi pour cette pathologie ?Si oui : par qui ? Le confrère qui vous a pris en charge, un autre confrère, vousmême?- Avez-vous été obligé <strong>de</strong> vous arrêter <strong>de</strong> travailler ? Ce<strong>la</strong> a-t-il été facile ?4) Vécu <strong>de</strong> <strong>la</strong> ma<strong>la</strong>die- Qu’avez-vous ressenti en tant que patient ? Une perte d’autonomie, une impuissance,<strong>de</strong> l’impatience, <strong>de</strong> l’injustice, <strong>de</strong> <strong>la</strong> colère… ?-- Quel ma<strong>la</strong><strong>de</strong> étiez-vous ? (S’il existe d’autres antécé<strong>de</strong>nts, on peut revenir sur lesdifférentes pathologies pour étudier le vécu, l’attitu<strong>de</strong> en tant que patient pour les différentespathologies, en fonction <strong><strong>de</strong>s</strong> moments <strong>de</strong> l’existence, <strong>de</strong> l’expérience). Posiez-vousbeaucoup <strong>de</strong> questions ou au contraire étiez-vous plutôt passif, en faisant entièrementconfiance à vos mé<strong>de</strong>cins ? Aviez-vous fait <strong><strong>de</strong>s</strong> recherches concernant votre pathologie (aumoment du diagnostic, au cours <strong>de</strong> votre suivi) ?- Pensez-vous que vous réagiriez différemment aujourd’hui ?-- Qu’est-ce qui vous a marqué, particulièrement surpris ou déplu ?-- Pensez-vous que votre profession a rendu votre prise en charge particulière ?- Est-ce que vous avez ressenti <strong>de</strong> <strong>la</strong> part <strong>de</strong> vos mé<strong>de</strong>cins <strong>de</strong> <strong>la</strong> gêne, <strong>de</strong> <strong>la</strong> difficulté àvous prendre en charge ? Trouvez-vous qu’être mé<strong>de</strong>cin est un handicap ou un atout dans<strong>la</strong> re<strong>la</strong>tion mé<strong>de</strong>cin-ma<strong>la</strong><strong>de</strong> (quand le ma<strong>la</strong><strong>de</strong> est lui-même mé<strong>de</strong>cin ! ) ?- Quelle a été <strong>la</strong> réaction <strong>de</strong> votre entourage (famille, patients) ? Vous y attendiez-vous ?- Comment avez-vous annoncé votre ma<strong>la</strong>die à votre patientèle ?- Comment estimez-vous <strong>la</strong> prise en charge et le suivi <strong>de</strong> votre santé par rapport à ceux<strong>de</strong> vos patients (meilleure, i<strong>de</strong>ntique, moins bonne) ?


- 117 -5) Conséquences sur <strong>la</strong> pratiqueConcernant ce type <strong>de</strong> pathologies- Pensez-vous que cet évènement dans votre vie a changé votre pratique ?Si oui : comment ?- Etes-vous plus attentif aux symptômes en rapport avec cette pathologie ?- Avez-vous l’impression que vous vous intéressez plus aux patients qui souffrent <strong>de</strong> cettemême pathologie ?- Vous inquiétez-vous plus du vécu <strong>de</strong> vos patients touchés par ce type <strong>de</strong> pathologie ?- Faites-vous plus <strong>de</strong> prévention pour ce type <strong>de</strong> pathologies ?Concernant <strong>la</strong> pratique globale :- Pensez-vous que cet évènement dans votre vie a changé votre pratique ?Si oui : comment ?- Etes-vous plus sensible au vécu <strong>de</strong> vos patients ?- Au contraire, êtes-vous <strong>de</strong>venu moins tolérant pour certaines p<strong>la</strong>intes <strong>de</strong> vos patientspour <strong><strong>de</strong>s</strong> pathologies « moins graves » que celle dont vous avez souffert ?- Avez-vous changé votre rythme <strong>de</strong> travail, votre façon d’abor<strong>de</strong>r les autres, <strong>la</strong> ma<strong>la</strong>die, <strong>la</strong>mort, le stress lié au travail ?- Prenez-vous en charge d’autres mé<strong>de</strong>cins ? (mé<strong>de</strong>cins généralistes, spécialistes )Si oui : Trouvez-vous que ce soit difficile ? Plus ou moins qu’avant d’être ma<strong>la</strong><strong>de</strong> ?Si non : Est-ce un hasard ? Appréhen<strong>de</strong>z-vous ou refusez-vous <strong>de</strong> le faire ?6) ConclusionPourquoi avez-vous accepté <strong>de</strong> répondre à cette étu<strong>de</strong> ? Qu’est-ce qui vous a intéressédans cette étu<strong>de</strong> ?Si le mé<strong>de</strong>cin ne s’est pas présenté au cours <strong>de</strong> l’entretien, <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r à <strong>la</strong> fin :Pour terminer, j’aurais besoin <strong>de</strong> quelques précisions d’ordre général vousconcernant :- Quel âge avez-vous ?- Depuis combien <strong>de</strong> temps exercez-vous ? Depuis combien <strong>de</strong> temps êtes-vousinstallé ?- Quel est votre lieu d’exercice (urbain, semi rural, rural), votre type d’exercice (seul, enassociation) ?Je vous remercie beaucoup <strong>de</strong> m’avoir reçue pour cet entretien et <strong>de</strong> m’avoir accordé <strong>de</strong>votre temps pour cette étu<strong>de</strong>.


- 118 -ANNEXE 3ENTRETIENS RETRANSCRITS


- 119 -Entretien avec le Docteur A,réalisé à domicile le 22 mai 2008- Je suis à <strong>la</strong> fin <strong>de</strong> mon internat <strong>de</strong> mé<strong>de</strong>cine et jeréalise une étu<strong>de</strong> sur le suivi <strong><strong>de</strong>s</strong> généralistes quandils <strong>de</strong>viennent eux-mêmes patients et donc ma<strong>la</strong><strong><strong>de</strong>s</strong>.Cette étu<strong>de</strong> s’inscrit dans le travail <strong>de</strong> recherche queje fais pour <strong>la</strong> réalisation <strong>de</strong> ma thèse <strong>de</strong> docteur enmé<strong>de</strong>cine. Tout d’abord je vous remercie d’avoiraccepté <strong>de</strong> me rencontrer pour me parler d’un sujetqui est aussi personnel que celui <strong>de</strong> votre santé. Sivous n’avez pas <strong>de</strong> question par rapport à <strong>la</strong>réalisation <strong>de</strong> l’étu<strong>de</strong>, on va passer à <strong>la</strong> suite <strong>de</strong>l’entretien. J’aimerais bien que vous me parliez unpeu <strong>de</strong> vous en tant que mé<strong>de</strong>cin et après on parleraplutôt <strong>de</strong> votre côté « patient ».- En tant que mé<strong>de</strong>cin ?- Oui, pour me présenter rapi<strong>de</strong>ment votre typed’exercice.- D’accord. Je suis donc mé<strong>de</strong>cin généraliste dans unepetite commune, donc un exercice semi-rural dansune ville <strong>de</strong> 4 000 habitants environ avec uneretombée importante autour, en cabinet <strong>de</strong> groupe.J’exerce avec <strong>de</strong>ux autres personnes, <strong>de</strong>ux femmesqui travaillent avec moi. C’est une activité polyvalente: traumatologie, mé<strong>de</strong>cine, et un petit peud’homéopathie et d’ostéopathie accessoirement. Ona un travail aussi d’urgence, on admet toutes lespetites urgences locales, qui s’arrêtent chez nousavant d’aller éventuellement au Samu ou plus loin,sur le centre hospitalier <strong>de</strong> W. J’exerce <strong>de</strong>puis janvier1980, ce qui fait 29 ans bientôt.- C’est <strong>la</strong> date à <strong>la</strong>quelle vous vous êtes installé à A ?- Oui, le 7 janvier 80, exactement.- Est-ce que vous avez exercé auparavant en tant quegénéraliste, avant ?- Non. Auparavant, j’étais interne à l’hôpital <strong>de</strong> W, puisassistant pendant un an. Voilà. Autrement, j’ai fait <strong><strong>de</strong>s</strong>remp<strong>la</strong>cements, comme beaucoup <strong>de</strong> gens.- D’accord. Bon, alors, on va parler <strong>de</strong> vous plutôt entant que patient.- Oui.- Est-ce que vous pouvez me resituer un peurapi<strong>de</strong>ment, les différents problèmes <strong>de</strong> santé quevous avez pu rencontrer dans votre vie.- Alors, les problèmes <strong>de</strong> santé, j’en ai pas eu jusqu’àmon instal<strong>la</strong>tion. Le premier problème <strong>de</strong> santé s’esttrouvé <strong>de</strong>ux ans après mon instal<strong>la</strong>tion sous <strong>la</strong> formed’une péricardite aiguë idiopatique pour <strong>la</strong>quelle je neme suis pas soigné tout <strong>de</strong> suite, donc qui a évoluévers une tamponna<strong>de</strong>. Le diagnostic a été fait aubout <strong>de</strong> huit jours, grâce à moi-même, je pense.Donc, je suis allé à l’hôpital, ensuite à <strong>la</strong> radio. Donc,on m’a hospitalisé, 8-10 jours, je crois, si je mesouviens bien, et puis à l’époque, j’étais soigné<strong>de</strong>vant l’abondance <strong>de</strong> l’épanchement, on m’a missous corticoï<strong><strong>de</strong>s</strong>, autrement c’était <strong>la</strong> ponctionpéricardique. Les corticoï<strong><strong>de</strong>s</strong> ont été maintenuspendant au moins une année complète. J’ai eu unstop d’un an pendant mon activité, parce que j’aicontinué <strong>de</strong> travailler. Je me suis arrêté un mois et<strong>de</strong>mi, je crois, quelque chose comme ça.- D’accord.- Donc ça, c’était le premier ennui <strong>de</strong> santé assezimportant. Ça m’a bien handicapé. Et puis après, le<strong>de</strong>uxième ennui <strong>de</strong> santé, après, c’est <strong>de</strong> <strong>la</strong> traumato,enfin, plutôt <strong>de</strong> l’orthopédie et <strong>de</strong> <strong>la</strong> traumatologie. Le<strong>de</strong>uxième ennui <strong>de</strong> santé, c’était une névralgiesciatique, qui a été opérée à l’âge <strong>de</strong> 39 ans. A 39ans, j’ai été opéré : c’était l’époque où on faisait pasmal d’opérations. J’avais une grosse hernie. J’ai étéopéré à X. Une hernie discale du L5-S1, je sais plus<strong>de</strong> quel côté, qui a été opérée <strong>de</strong>vant <strong>la</strong> persistance<strong><strong>de</strong>s</strong> symptômes après 2 mois, 2 mois et <strong>de</strong>mi. J’aiété lombalgique pendant une bonne année. Voilà.Après, j’ai repris mes activités sportives normales,jusqu’à l’année 2004.- Donc là, on va venir justement à parler du sujet quinous réunit aujourd’hui.- Voilà : <strong>de</strong>ux acci<strong>de</strong>nts traumatiques, en 2004 et2005.- Voilà, parce que dans le cadre <strong>de</strong> l’étu<strong>de</strong>, on avaitchoisi <strong>de</strong> parler plutôt <strong>de</strong> ça.- Donc mes antécé<strong>de</strong>nts se résument surtout à <strong>la</strong>péricardite aiguë, hernie discale, et effectivement,si on remonte dans l’enfance, alors, ça, c’est vieux,une pleurésie tuberculeuse, tout <strong>de</strong> même.- D’accord. Actuellement, vous n’avez pas un bi<strong>la</strong>n<strong>de</strong> santé en cours, rien <strong>de</strong> particulier.- Non. J’ai fait un bi<strong>la</strong>n <strong>de</strong> sang, il y a à peu près uneannée, qui était strictement normal au niveaubiologique.- D’accord.- Mais j’ai pas <strong>de</strong> bi<strong>la</strong>n en cours.- D’accord. Est-ce que vous avez un traitementactuel, que vous suivez ?- Aucun.- D’accord. Comment est-ce que vous prenez encharge votre santé ? De manière régulière, je veuxdire.- Je <strong>la</strong> prends absolument pas régulièrement.- Est-ce que vous avez un mé<strong>de</strong>cin traitant ?- Pas du tout.- Est-ce que vous avez déjà envisagé d’en prendreun ? D’en choisir un ?- Non. À vrai dire, pas.- Vous êtes votre propre mé<strong>de</strong>cin traitant.- Je suis mon propre mé<strong>de</strong>cin traitant. Si, on peut seconcerter avec mon collègue, Dr W, mais ça restetrès limité.- Vous ne l’avez pas déc<strong>la</strong>ré en tant que mé<strong>de</strong>cintraitant. D’accord.- Non, je n’ai pas <strong>de</strong> mé<strong>de</strong>cin traitant attitré.- Quel patient pensez-vous être ?- Je pense être assez obéissant quand on me<strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>de</strong> faire quelque chose, mais je suis trèsimpatient. Je ne sais pas rester à l’hôpital bienlongtemps. Parce que je me suis sauvé, pour unepéricardite aiguë. Rapi<strong>de</strong>ment aussi pour leproblème discal. Enfin c’était jouable, donc je suispas très discipliné quand même.- Donc, un patient impatient.- Un patient impatient, pas très discipliné,certainement pas.- Donc, en phase aiguë, vous vous pliez à ce qu’onvous <strong>de</strong>man<strong>de</strong>.- Oui, parce que je suis bien ma<strong>la</strong><strong>de</strong>, et puis après,voilà, j’ai tendance à …- A retrouver votre liberté ?- Sauf si je suis bien ma<strong>la</strong><strong>de</strong>, voilà.- Donc maintenant, on va parler un peu plusprécisément <strong>de</strong> <strong>la</strong> pathologie qui fait qu’on seréunit, donc, on avait choisi <strong>de</strong> parler <strong>de</strong>pathologies plutôt traumatiques, en ce qui vousconcerne. Est-ce que vous pouvez me racontervotre parcours <strong>de</strong> ma<strong>la</strong><strong>de</strong> concernant ceproblème ?- Donc, ça a été assez… Comment dire ? Lepremier acci<strong>de</strong>nt c’était donc un acci<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> vélo,par conséquent juste après <strong>la</strong> chute, j’ai été pris encharge par les pompiers, qui m’ont ramené, avecun petit peu <strong>de</strong> retard, mais j’ai été pris en charge.Je suis arrivé aux Urgences où, là, dans l’état oùj’étais, j’étais soumis. Quoique, lors <strong>de</strong> l’ambu<strong>la</strong>nce<strong><strong>de</strong>s</strong> pompiers, j’ai quand même fait enlever <strong>la</strong>minerve qui me tenait le cou parce que j’étais trèsmal à l’aise en hyperextension. Eux, ils avaient <strong><strong>de</strong>s</strong>consignes <strong>de</strong> <strong>la</strong>isser une minerve quand il y a un


- 120 -traumatisme crânien. Donc les pompiers se sont faitsun petit peu enguir<strong>la</strong>n<strong>de</strong>r en arrivant.- Parce que <strong>la</strong> minerve n’était plus là ?- La minerve n’était plus là ! Et par conséquent, enarrivant, je me suis <strong>la</strong>issé faire. Je crois que j’étais unpeu dans les vaps. Il y a eu un interne qui est venu,peut-être un PH à côté, qui m’a dit « Ce n’est pas <strong>de</strong>notre ressort, on appelle le stomatologue ». Et donc,le stomato avait prévu <strong>de</strong> me recoudre au bloc.Auparavant, j’ai donc fait les examens standards : ona eu le scanner cérébral, scanner cervical, puis c’esttout. Et après, le bloc opératoire, à 21 heures. J’ai dûy rester <strong>de</strong>ux heures. Je suis retourné dans machambre vers minuit. Donc, je me suis <strong>la</strong>issé tout àfait prendre en charge. Dans les lieux, j’ai pas eu <strong><strong>de</strong>s</strong>ouci particulier, si ce n’est que j’ai très mal toléré <strong>la</strong>morphine. J’ai vomi abondamment sur l’anesthésiste,qui n’était pas très content. Il vou<strong>la</strong>it me remettre <strong>de</strong><strong>la</strong> morphine, je lui ai dit que ce n’était pas une trèsbonne idée, et effectivement, j’ai continué à vomirabondamment et puis voilà. Puis je me suis retrouvédans un lit. Et après, sutures, je sais plus, qui étaientabondantes : au niveau <strong><strong>de</strong>s</strong> yeux, <strong>de</strong> <strong>la</strong> lèvreinférieure… C’était une grosse p<strong>la</strong>ie <strong>de</strong> <strong>la</strong> face droite.Avec traumatisme crânien. J’ai dû perdreconnaissance un petit moment, je me suis passouvenu tout à fait <strong>de</strong> <strong>la</strong> réalité, du choc. Et puisultérieurement, je me suis rendu compte qu’il y avaitune fracture <strong>de</strong> <strong>la</strong> 7 ème dorsale.- Vous vous en êtes rendu compte ?- Je m’en suis rendu compte en fait un mois après.- Devant <strong><strong>de</strong>s</strong> douleurs ?- J’avais <strong><strong>de</strong>s</strong> douleurs, un point dorsal qui persistait, etpuis j’ai dû faire peut-être une hernie discale enparallèle, parce que j’avais une violente douleur, unedouleur inter costale vive qui m’a fait aller faire faireune radio, et a priori, j’avais rien avant, donc.- D’accord. Parce qu’il y a eu un scanner cervical, maispas un scanner plus bas.- Pas <strong>de</strong> scanner dorsal. Le diagnostic a été fait aposteriori.- Donc après, ça a duré pendant les vacances unequinzaine <strong>de</strong> jours. J’ai été décousu au bout d’unedizaine <strong>de</strong> jours, le tout a bien cicatrisé. La fracturedorsale n’a pas fait l’œuvre d’un traitement particulier.- Donc, il y avait une prise en charge par le stomato.Vous l’avez consulté à plusieurs reprises ?- J’ai repris, oui, il m’a consulté à <strong>la</strong> sortie, et je croisquinze jours plus tard, ou peut-être un peu plus tard,parce que j’étais parti en congé. Mettons troissemaines plus tard, j’ai dû revoir le stomatologue <strong>de</strong>W, qui a vérifié les p<strong>la</strong>ies, qui m’a dit que tout al<strong>la</strong>itbien, et puis voilà. Je n’ai pas eu <strong>de</strong> traumatisme<strong>de</strong>ntaire, que <strong><strong>de</strong>s</strong> traumatisme faciaux.- D’accord.- Donc c’était <strong><strong>de</strong>s</strong> p<strong>la</strong>ies : paupière, joue, lèvre, lèvreinférieure, au total je crois qu’il y a eu 70 points, jesais plus.- D’accord. Est-ce que vous avez dû consulter d’autresspécialistes par <strong>la</strong> suite ?- Par <strong>la</strong> suite ?- Par <strong>la</strong> suite, oui. Bon, vous dites que pour leproblème dorsal, par exemple, vous n’avez pas vu <strong>de</strong>rhumato.- Le radiologue. Le radiologue, c’est tout. Si, j’ai dûappeler l’orthopédiste à <strong>la</strong> Clinique <strong>de</strong> Y ?- C’est vous qui avez fait cette démarche, <strong>de</strong>vant lesradios?- Oui. Avec les douleurs que j’avais, je l’ai appelé, je luiai dit « Qu’est-ce qu’on fait ? ». « Non, il m’a dit, vousauriez pu être paralysé tout <strong>de</strong> suite, vous n’avez rieneu, c’est bon ». Ça s’est résumé à peu <strong>de</strong> choses :« Ou venez me voir on va mettre une petiteimmobilisation dorsale. ». Je l’ai pas fait. Puis, en fait,ça s’est passé sans problème.- A distance. Donc en <strong>de</strong>hors <strong><strong>de</strong>s</strong> soins locaux <strong><strong>de</strong>s</strong>p<strong>la</strong>ies, vous n’avez pas eu <strong>de</strong> traitement antalgiqueou <strong>de</strong> traitement anti-inf<strong>la</strong>mmatoire ?- Antalgique, oui. Oui, j’ai eu un traitementantalgique, traitement antibiotique, à l’hôpital, maispas après. J’ai dû rester 2 jours et <strong>de</strong>mi, 3 jours àl’hôpital en service <strong>de</strong> chirurgie.- Et vous êtes parti ?- J’ai dû rentrer le jeudi et ressortir le samedi,quelque chose comme ça.- C’est ce qui a été recommandé par les confrèresou c’est vous qui avez <strong>de</strong>mandé à sortir ?- Non, ils m’ont <strong>la</strong>issé sortir.- D’accord.- Ils m’ont <strong>la</strong>issé sortir. Les confrères chirurgien etanesthésiste m’ont <strong>la</strong>issé. Voilà. Je ne suis pasparti avant.- Et le traitement antalgique, c’était surtout lié à votretassement ?- Oui. Après, a posteriori, Je pense que le tassementdorsal était peu douloureux au départ, puisque jesuis parti en vacances. J’avais un point dorsal,mais qui n’était pas insupportable puisque je mesuis dit « Tiens j’ai dû me démonter quelquechose ». Puis en fait, j’ai eu très mal troissemaines, un mois après, lors <strong>de</strong> mouvements,mais je pense que c’était… l’explication qu’on m’adonnée c’était que <strong>la</strong> hernie discale qui a dû mefaire mal plutôt que <strong>la</strong> vertèbre elle-même.- D’accord.- C’était une douleur assez fulgurante, sinon je neserais pas aller consulter le radiologue, je seraisresté comme ça.- En <strong>de</strong>hors <strong>de</strong> cette radio, est-ce que vous vousétiez prescrit d’autres examens ou d’autrestraitements ? Est-ce que vous, vous avez étéamené à vous faire une prescription ? Letraitement antalgique, c’est vous qui vous l’êtesprescrit ?- Le traitement antalgique, je l’ai pris très peu <strong>de</strong>temps. J’ai dû prendre ça une semaine.- Même pour <strong>la</strong> dorsalgie ?- Oui. Une semaine, non vraiment peu <strong>de</strong> temps. Si,j’ai pris, je crois, à l’époque, une association <strong>de</strong>Tramadol et <strong>de</strong> Paracétamol. Qu’au <strong>de</strong>meurant jetrouvais trop forte parce que ça me tournait <strong>la</strong> tête,ça me shootait, donc j’ai pas consulté. J’ai dûprendre un traitement antalgique au moment où çafaisait très mal.- D’accord. Et vous avez été amené à vous arrêter.Vous parlez <strong>de</strong> vacances. Les vacances étaientprévues à ce moment-là ?- Voilà. En fait, je suis tombé le premier jour ou le<strong>de</strong>uxième jour <strong>de</strong> mes vacances.- D’accord.- Donc je me suis arrêté pendant mes vacances.- Que vous avez prolongées ?- Que j’ai pas prolongées. Non. J’ai repris au bout dutemps normal puisque j’ai cicatrisé assez vite.J’étais un peu, le centre était un peu visible. C’étaitpas très vi<strong>la</strong>in.- D’accord.- C’était pour cet acci<strong>de</strong>nt-là.- Donc, il y a en effet un <strong>de</strong>uxième épiso<strong>de</strong> l’annéed’après.- Le <strong>de</strong>uxième épiso<strong>de</strong>, c’est un an après. À peuprès à <strong>la</strong> même date, le premier jour, heu, le<strong>de</strong>uxième jour <strong>de</strong> mes vacances également : chuted’un arbre. Pas du tout du vélo. Chute d’un arbre,environ 4 mètres <strong>de</strong> haut, sur le <strong>de</strong>rrière, et à cemoment-là, il s’agissait <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux fracturesvertébrales. Si ma mémoire est bonne, c’était <strong>la</strong>12ème dorsale, <strong>la</strong> 1ère lombaire. Charnière dorsolombaire.Là c’est arrivé, une mésaventure qui estarrivée. Je suis tombé <strong>de</strong> haut et sur le moment, jen’ai pas pu me relever. Je suis resté dix minutes


- 121 -par terre, après je me suis relevé, j’ai rangé mêmemes outils.- Il n’y a pas eu <strong>de</strong> perte <strong>de</strong> connaissance ?- Non.- C’était lié à <strong>la</strong> douleur.- Une douleur intense. Très intense. Et qui est passéepuisque j’ai pu me relever, et puis ensuite je suis allém’allonger. Je <strong>de</strong>vais être très pâle puisque… Maiscomme j’étais vexé d’être tombé, j’ai voulum’allonger. J’ai pris <strong>de</strong> l’Efferalgan® qui n’a rien faitpuis finalement, je me suis rendu compte qu’il fal<strong>la</strong>italler voir quelqu’un. Voilà. Faire <strong><strong>de</strong>s</strong> radios. On estallé à <strong>la</strong> clinique du Y, <strong>la</strong> clinique orthopédique <strong>de</strong> W.- D’accord.- Ben, ce sont les radios qui ont fait le diagnosticfinalement. Donc <strong>de</strong>ux tassements. A ce moment-là,je suis resté à <strong>la</strong> clinique.- Donc à nouveau, le premier confrère que vous avezconsulté, c’était un urgentiste ?- Un urgentiste qui m’a dit « Voilà, les arbres sont pasbons, cette année ! ». Il m’a fait une échelled’évaluation visuelle.- Oui une EVA. Vous vous cotiez à combien ?- Parce que je suis arrivé sur mes <strong>de</strong>ux jambes, avec<strong>la</strong> voiture, puisque c’est ma femme qui m’avaitamené en voiture. J’ai eu très mal pendant le trajet.Je me suis dit que c’était pas normal. Et puisl’évaluation <strong>de</strong> <strong>la</strong> douleur était assez difficile à faire.Finalement je crois que j’ai coté 8 ou 9. Donc il s’estdit que ça <strong>de</strong>vait faire bien mal. Et puis donc, radios,hospitalisation, perfusion. Alors, ils m’ont fait <strong><strong>de</strong>s</strong>perfusions <strong>de</strong> Profénid® puis Dafalgan® je crois ouPerfalgan®, je ne sais plus ce qu’ils m’ont mis.Quelque chose comme ça. Comme <strong>la</strong> première fois,parce que c’était du Perfalgan® comme je nesupporte pas <strong>la</strong> morphine en fait. Dès qu’ils memettent <strong>de</strong> <strong>la</strong> morphine, je..- Vous vomissez !- Je vomis. Donc, j’ai signalé le fait. On n’a pas résisté.Ce qui m’a bien sou<strong>la</strong>gé. Je suis resté, là, par contre,trois-quatre jours. Oui, je dirais, mettons quatre joursenviron. Et puis, j’ai donc été plâtré.- Donc un traitement orthopédique?- Traitement orthopédique, voilà. Et puis je suis partiavec mon plâtre bien pour 45 jours. Je suis parti envacances avec le plâtre. Là, <strong><strong>de</strong>s</strong> antalgiques aussi, jecrois que c’était <strong>la</strong> même chose. J’ai dû prendre duProfénid®. Je prends beaucoup d’anti-inf<strong>la</strong>mmatoiresdans ces cas-là. Je supporte bien. Du Profénid® etpeut-être un peu <strong>de</strong> Tramadol, <strong>de</strong> l’Ixprim®, quelquechose comme ça. Et donc, je suis revenu voir lechirurgien, qui n’était pas le chirurgien spécialisédans <strong>la</strong> colonne, d’ailleurs, mais qui était <strong>de</strong>permanence.- Parce que c’était pendant les vacances ?- C’était pendant les vacances. Il n’y avait pas grandmon<strong>de</strong>. Oui, c’était au mois <strong>de</strong> juillet. Et ensuite, ilm’a dit d’aller faire l’orthèse. Chez L.- A Lyon ?- A Lyon. Seulement L. normalement venait à <strong>la</strong>clinique. Là, il ne pouvait pas venir à <strong>la</strong> clinique parceque c’était les vacances.- Donc il fal<strong>la</strong>it y aller.- J’ai dit « C’est pas un problème, je vais y aller ». Envoiture. J’y suis allé avec mon plâtre, en voiture. ÀLyon, une première fois. Ça s’est bien passé parcequ’ils ont fait par informatique avec leur appareil. Jene l’ai pas eu tout <strong>de</strong> suite, j’ai été obligé <strong>de</strong> revenirhuit jours après ou <strong>de</strong>ux jours après pour <strong>la</strong>confection, qu’ils le confectionnent entre temps. Puisalors là c’était très bien, parce qu’effectivement,j’étais beaucoup plus à l’aise. Donc l’orthèse, doncdorsolombaire, qui al<strong>la</strong>it jusqu’au sternum. Je l’aigardée encore 45 jours. Jusqu’en novembre à peuprès. Juillet, août, septembre, octobre, novembre :quatre mois. Quatre mois d’immobilisation.- Quatre mois au total ?- C’est ça, quatre mois au total. Avec l’orthèse,j’étais pas mal, plus confortable.- Et à l’issue <strong>de</strong> cette immobilisation, vous avez revul’orthopédiste à plusieurs reprises ?- Alors après, je ne l’ai pas revu.- Et, il vous avait conseillé <strong>de</strong> le revoir, ou pas ?- J’avais fait une radio intermédiaire après le plâtre<strong>de</strong> Böhler, qui montrait un tassement. Il m’a dit« Ça a l’air <strong>de</strong> bien se reprendre, voyez. » « Bontrès bien, ça se reprend. Les vertèbres sontpas reliées at integrum ». Et puis <strong>de</strong>puis, au stop<strong>de</strong> l’orthèse, je l’ai pas fait. Ni <strong>de</strong> radio, ni <strong>de</strong>consultation.- D’accord. On vous avait conseillé d’en faire ?- Non. On m’avait rien dit.- On ne vous avait pas parlé d’un suivi particulier ?- Non.- Et pas en termes <strong>de</strong> suivi rhumato, non plus ?- Non plus.- D’accord. On ne vous a jamais parlé d’autresexamens complémentaires ?- Non. Si, au départ, j’ai eu un scanner, tout <strong>de</strong>même. J’ai oublié <strong>de</strong> le dire. J’ai eu <strong>la</strong> radio et unscanner.- À <strong>la</strong> clinique.- Parce qu’ils se méfiaient d’unecompression médul<strong>la</strong>ire encore. C’est pareil,examen neurologique. Scanner. Ils ont dûexaminer si tout bougeait bien, Je leur ai dit « Çabouge bien, je sens bien mes jambes ». Mais àpartir <strong>de</strong> là, ça a été les antalgiques, finalementassez peu d’antalgiques, parce que je les prenaisun peu à <strong>la</strong> <strong>de</strong>man<strong>de</strong>. C’est plutôt l’inconfort duplâtre qu’autre chose. Je ne me souviens plusbien.- Vous n’avez pas eu <strong>de</strong> suivi après ?- Non. J’ai eu un arrêt plus prolongé, j’ai eu mesvacances : trois semaines et j’ai pris trois semainesd’arrêt. J’ai eu <strong><strong>de</strong>s</strong> remp<strong>la</strong>çants qui ont pris <strong>la</strong>suite.- Donc ça n’a pas été trop compliqué.- Donc, trois semaines d’arrêt, ça m’a permis <strong>de</strong>prendre six semaines au total. Donc, j’airecommencé à travailler avec mon orthèse.- Vous aviez déjà l’orthèse.- Voilà. J’ai travaillé ensuite avec l’orthèse.- D’accord. Et comment vous l’avez annoncé à votrepatientèle à ce moment-là ?- J’ai rien dit. J’ai rien dit. Mais <strong>la</strong> rumeur savait quej’étais tombé. Certains le savaient, d’autres l’ontpas su. Peut-être qu’ils se doutaient qu’il y avaitquelque chose : je me tenais bien droit, très rai<strong>de</strong>,mais j’ai rien dit du tout, en fait. Ceux qui lesavaient, le savaient. À chaque fois, <strong><strong>de</strong>s</strong>cription,raconter l’histoire : « Comment se fait-il que vousmontiez sur les arbres ? » Tout ça, enfin bref, lesquestions habituelles quoi. Les arbres, ce qu’ilfal<strong>la</strong>it faire et pas faire. « Mais enfin, vous êtes biensoigné, vous êtes bien p<strong>la</strong>cé pour être soigné »,etc. Voilà. Oui, dans l’ensemble les gens n’ont pastellement vécu mes problèmes.- J’aimerais bien qu’on parle <strong>de</strong> votre vécu en tantque patient. Qu’est-ce que vous avez ressenti entant que patient, quand vous avez été pris encharge, justement en milieu hospitalier ?- Oui.- Est-ce qu’il y a <strong><strong>de</strong>s</strong> choses qui vous ontparticulièrement marqué, déplu, surpris ? Le fait <strong>de</strong>passer <strong>de</strong> l’autre côté, je veux dire.- Passer <strong>de</strong> l’autre côté, donc, comme j’avais déjàun peu d’antériorité puisque j’étais passé avantmes traumatismes <strong>de</strong>ux fois à l’hôpital, à <strong>la</strong>clinique et à l’hôpital, donc j’avais déjà connu ça,


- 122 -donc là, j’étais moins surpris. Sur le moment, quandj’ai très mal, je suis assez obéissant, quoi. Je <strong>la</strong>issefaire. Je <strong>la</strong>isse faire. Par contre, dès que j’ai mal, j’aitendance à réc<strong>la</strong>mer, quoi. J’appelle, je réc<strong>la</strong>me. J’aienvie <strong>de</strong> comman<strong>de</strong>r. Alors le problème, j’ai envie <strong>de</strong>comman<strong>de</strong>r, parce que je suis mé<strong>de</strong>cin, je sais bience qu’on me met et j’aimerais bien qu’on me mette ceque je <strong>de</strong>man<strong>de</strong>. « Ah, nous avons <strong><strong>de</strong>s</strong> ordres »,voilà, c’est un peu <strong>la</strong> difficulté. Ce qu’on ressent, c’estqu’on observe beaucoup le… ce qui est autour <strong>de</strong> soiet qu’on a envie <strong>de</strong> prendre en main les choses.- Oui.- Quand on a très mal, ça va. On se <strong>la</strong>isse faire. Dèsque ça va un petit peu mieux, on a envie <strong>de</strong> prendreles choses en main. C’est un petit peu mon défaut,quoi.- Alors, vous me parlez <strong><strong>de</strong>s</strong> infirmiers, là, vous parlezplutôt <strong>de</strong> <strong>la</strong> profession paramédicale, là ? quand ilsdisent « On a <strong><strong>de</strong>s</strong> ordres » .- Oui, parce qu’on voit essentiellement les infirmiers.- Bien sûr.- Nos collègues, on les voit à l’entrée. À <strong>la</strong> sortie.Souvent en courant d’air…- Donc, ces infirmiers, vous avez l’impression qu’ilsréagissent plutôt en mettant ce paravent <strong>de</strong> <strong>la</strong>prescription <strong>de</strong>..- Oui. Oui.- C’est vrai que moi j’ai <strong><strong>de</strong>s</strong> questions par rapportjustement à <strong>la</strong> façon dont vous avez été pris encharge, par rapport aux personnes qui vous ont prisen charge. Donc c’est vrai que je pensais plutôt auxmé<strong>de</strong>cins. Est-ce quevotre position <strong>de</strong> mé<strong>de</strong>cin entant que telle a pu, vous avez l’impression que ça apu modifier leur prise en charge, leur façon <strong>de</strong> voussoigner ? Est-ce que vous avez ressenti une gêne, ouune difficulté <strong>de</strong> leur part ? Savoir qu’ils avaient unmé<strong>de</strong>cin en face d’eux.- La prise en charge a été normale, correcte, objective.Maintenant, <strong>la</strong> re<strong>la</strong>tion avec un confrère n’était peutêtrepas aussi naturelle, quoi. Il me semble. J’étaisavec un chirurgien plus jeune que moi. Peut-êtremoins à l’aise, je ne sais pas.- Oui, vous avez ressenti <strong>de</strong> <strong>la</strong> gêne <strong>de</strong> sa part ?- Une petite gêne, oui, mais c’est re<strong>la</strong>tif, après. Là,j’étais dans un système <strong>de</strong> clinique. Alors, parlons dupremier cas, j’étais à l’hôpital.- Oui.- Le premier cas à l’hôpital, je n’ai jamais vu d’interne.- D’accord.- Jamais. Je n’ai eu à faire qu’au chef <strong>de</strong> service,puisqu’il me connaissait par ailleurs. Le stomatologuene me connaissait pas, mais enfin, une fois qu’il m’avu. Et après, j’ai eu <strong>la</strong> visite <strong><strong>de</strong>s</strong> confrères <strong>de</strong> l’hôpital,comme ça, à titre amical. Donc, j’ai pas vu d’interne,j’ai eu à faire à <strong><strong>de</strong>s</strong> infirmières qui étaient bien. Oui,j’ai pas eu <strong>de</strong> re<strong>la</strong>tions difficiles avec elles, du tout.Mais…- Il y avait moins d’appréhension <strong>de</strong> leur part ?- A l’hôpital, il me semble que oui. Pas tellementd’appréhension, non.- C’était plus simple à l’hôpital qu’à <strong>la</strong> clinique ?- Peut-être. Mais je ne sais plus. C’est difficile à dire.- Si ce n’est, comme vous dites, que vous n’avez pasvu d’interne. Vous avez vu <strong><strong>de</strong>s</strong> seniors.- J’ai l’impression qu’on est plus… peut-être dans monvécu hospitalier, j’ai eu l’impression qu’on est plus<strong>la</strong>issé tranquille, <strong>de</strong> côté. Moins surveillé. Peut-êtremoins surveillé, j’en sais rien.- Moins surveillé ?- Peut-être. Moins attentif. Mais c’est peut-êtresubjectif, parce que c’est peut-être pareil pour lesautres.- Vous voulez dire : on imagine que vous allez pluspouvoir faire appel quand vous sentez qu’il y abesoin.- Oui, je pense. On imagine qu’on peut plus sedébrouiller puis faire appel quand il y en a besoin.Quelquefois, je pense, on a envie <strong>de</strong> se <strong>la</strong>isserfaire.- Oui, on a envie d’être un « vrai patient » ?- « Un vrai patient » oui. Je pense qu’il y a un peu cecôté-là. Bon, c’était <strong>de</strong> <strong>la</strong> traumatologie, c’est vrai.Puis les hospitalisations étaient courtes. Donc levécu est re<strong>la</strong>tivement bref, quoi. On ne peut pasdire que ce soit, je ne sais pas, un gros problème.Voilà. Mais par contre, j’ai commandé, à <strong>la</strong> fin, maperfusion. C’est moi qui disais « J’en n’ai plus, ilfaut me changer ma perf » ou « J’en n’ai pasassez, il faudrait m’en rajouter ».- Et ça, c’était compliqué ?- C’était pas compliqué, mais on voyait que çaperturbait un peu l’équipe soignante.- Oui, c’était pas habituel, quoi.- Pas habituel. Il faudrait que ce soit plus dicté par lemé<strong>de</strong>cin. Mais le mé<strong>de</strong>cin. La différence clinique/hôpital est le fait que le chirurgien à <strong>la</strong> cliniquen’est pas disponible. Tu peux ne pas le voir dutout.- D’accord.- Tu le vois à l’entrée et tu le vois à <strong>la</strong> sortie. Et <strong><strong>de</strong>s</strong>fois pas à <strong>la</strong> sortie. Là, je l’ai vu <strong>de</strong>ux fois : une foisà l’entrée, et une fois pour le plâtre parce qu’ilfal<strong>la</strong>it qu’il soit présent. Mais en <strong>de</strong>hors <strong>de</strong> ce<strong>la</strong>, ilssont occupés à temps plein par les interventionschirurgicales. Ils sont, je pense, un peu moinsprésents qu’à l’hôpital.- D’accord.- À l’hôpital, il y a le tour systématique qui se fait.- Oui, un tour un peu pédagogique.- Un peu plus pédagogique. Oui.- Et du point <strong>de</strong> vue <strong>de</strong> votre entourage, quelle a été<strong>la</strong> réaction <strong>de</strong> votre famille, <strong>de</strong> vos proches ? Parrapport à ces <strong>de</strong>ux acci<strong>de</strong>nts.- Les <strong>de</strong>ux acci<strong>de</strong>nts : le premier a été mal vécu,parce qu’ils n’étaient pas présents sur p<strong>la</strong>ce. Onleur a dit que j’étais touché à <strong>la</strong> tête alors ils ontimaginé plein <strong>de</strong> choses, et puis ma femme étaitrevenue rapi<strong>de</strong>ment <strong>de</strong> voyage pour voir ce qui sepassait. Et donc, je suis reparti avec elle, envacances. Mais <strong>la</strong> difficulté était l’éloignement.C’est qu’ils ne savaient pas du tout ce qui sepassait. Puis dans le <strong>de</strong>uxième cas, tout le mon<strong>de</strong>était présent, c’est elle qui m’a emmené, donc ellesavait bien ce qui se passait. Elle m’a forcé <strong>la</strong> mainpour m’emmener à <strong>la</strong> clinique. Puis effectivement,sur le moment, j’avais pas très envie d’aller à <strong>la</strong>clinique, bien que sachant pertinemment quej’avais quelque chose, mais ça je ne vou<strong>la</strong>is pasme l’avouer. Donc, effectivement.- Et pourquoi, <strong>la</strong> <strong>de</strong>uxième fois vous êtes allé à <strong>la</strong>clinique, alors que <strong>la</strong> première fois, vous avez étépris en charge à l’hôpital ?- Ben, <strong>la</strong> première fois, j’étais allé à l’hôpital parceque c’était les pompiers qui m’ont amené.- Oui, j’ai bien compris.- J’étais un peu dans les vaps, j’ai rien <strong>de</strong>mandé. Jesuis allé à l’hôpital. C’était pas plus mal parailleurs. J’ai été très bien pris en charge par unexcellent stomatologue. La <strong>de</strong>uxième fois, enclinique, parce que je me suis dit « Je serai serviplus vite ». Je suis allé directement à <strong>la</strong> clinique <strong>de</strong>Y.- D’accord. C’était pour <strong>la</strong> rapidité.- Oui, c’était plus pour <strong>la</strong> rapidité.- C’était pas parce vous aviez un mauvais souvenir<strong>de</strong> l’hôpital et que vous aviez…- Non. Oh, ben le service hospitalier <strong>de</strong> l’hôpital, j’enai pas un bon souvenir parce que c’était les vieuxservices.- En ortho ?


- 123 -- En ortho, où il y a entre parenthèses beaucoup <strong>de</strong>moustiques l’été. Je me suis fais bouffer par lesmoustiques. Ça, on ne sait pas quand on est àl’hôpital mais on est bouffé par les moustiques. Etpuis, il y a pas <strong>de</strong> toilettes dans <strong>la</strong> chambre. Il y a un<strong>la</strong>vabo et les douches sont au milieu du couloir. Voilà,pour situer.- Il y a aussi le confort qui rentrait en compte.- Par contre, à <strong>la</strong> clinique, le confort est normal, quoi.- J’aimerais bien qu’on parle un peu <strong><strong>de</strong>s</strong> conséquencesque ça a pu avoir sur votre pratique ; ces <strong>de</strong>uxévénements. Concernant ce type <strong>de</strong> pathologie, estceque vous avez l’impression que ça a changé votrepratique ? C’est-à-dire, est-ce que pour ce genred’événement, ce genre <strong>de</strong> symptôme, est-ce quevous êtes plus attentif chez les patients quiprésentent ces tableaux ?- Oui, je suis plus attentif, je pense, un petit peu pour <strong>la</strong>traumatologie vertébrale. Probablement, oui.Inconsciemment. Je ne sais pas si ça a changéradicalement ma pratique. Le fait d’avoir <strong><strong>de</strong>s</strong> choses,personnellement, fait qu’on vit les choses <strong>de</strong>l’intérieur, donc, on re<strong>la</strong>tivise aussi les problèmes. J’aitrouvé, au niveau vertébral, il y a <strong><strong>de</strong>s</strong> acci<strong>de</strong>nts quipeuvent survenir : <strong><strong>de</strong>s</strong> tassements <strong>de</strong> vertèbres ou<strong><strong>de</strong>s</strong> fractures <strong>de</strong> vertèbres. On s’aperçoit que leschoses s’amen<strong>de</strong>nt quand même. C’est pas <strong><strong>de</strong>s</strong>catastrophes nationales. Donc au contraire, le vécu<strong>de</strong> certains patients me paraissait excessif,paradoxalement. Par rapport à <strong><strong>de</strong>s</strong> pathologiespratiquement i<strong>de</strong>ntiques, ou même plus bénignes.- Est-ce que vous faites plus <strong>de</strong> prévention par rapportà ce genre <strong>de</strong> pathologie ?- Je donne beaucoup plus <strong>de</strong> conseils, que jen’applique pas, mais oui, je donne plus <strong>de</strong> conseils.- Et pour les gens qui ont eu <strong><strong>de</strong>s</strong> tassements ou <strong><strong>de</strong>s</strong>problèmes traumatiques, vous posez plus <strong>de</strong>questions par rapport à leur vécu, par rapport auxconséquences que ça peut avoir sur <strong>la</strong> viequotidienne, ces choses-là.- Oui. Oui. Par rapport aussi à leur profession. Ons’aperçoit aussi que certains manifestementrecherchent <strong><strong>de</strong>s</strong> bénéfices personnels mais qui nesont pas en re<strong>la</strong>tion aussi avec <strong>la</strong> pathologie.- D’accord.- Même si on peut avoir très mal pendant longtemps.- Oui. Donc, vous avez plutôt tendance à dire que çavous a permis <strong>de</strong> prendre du recul et <strong>de</strong> voir que c’estpas forcément aussi grave que ce que parfois lesgens disent.- Il y a une sinistrose absolument épouvantable pourcertains patients. Parce qu’il y en a certains que j’aivu paraître en invalidité complète et définitive, à unâge déjà plus avancé, par rapport à <strong>la</strong> tranche d’âgeoù j’étais, et puis… Alors qu’on peut tout à faitcontinuer à mener sa vie avec <strong><strong>de</strong>s</strong> choses comme ça.Inversement, quand les gens tombent, je ferais plusattention à leur pathologie sous-jacente, j’examine unpeu plus.- D’accord. Et <strong>de</strong> manière plus globale, est-ce quevous avez l’impression que vous avez changé votrepratique alors après ces <strong>de</strong>ux événements, maisaussi après votre histoire <strong>de</strong> patient, vos différenteshospitalisations ?- Oui, ça c’est sûr que le fait <strong>de</strong> passer <strong>de</strong> l’autre côté<strong>de</strong> <strong>la</strong> barrière change <strong>la</strong> pratique. C’est plutôt mapremière histoire médicale que les histoirestraumatiques. Les histoires traumatologiques n’ontpas vraiment changé mon système <strong>de</strong> pensée, parceque dans les histoires traumatologiques, on al’impression que c’est vraiment <strong>de</strong> sa faute, que c’est<strong><strong>de</strong>s</strong> bêtises, et que si ça nous est arrivé, ben, c’estcouillon mais c’est <strong>de</strong> notre faute, en fait.- Des acci<strong>de</strong>nts <strong>de</strong> <strong>la</strong> vie....- On s’auto f<strong>la</strong>gelle. Enfin, j’ai l’impression <strong>de</strong>m’engueuler tout le temps.- D’accord.- Alors que dans les histoires médicales, on n’estresponsable <strong>de</strong> rien et on vit les choses… puis onvit les choses <strong>de</strong> façon plus hospitalière. Oui, onvoit mieux l’autre côté <strong><strong>de</strong>s</strong> choses. Sûrement.Surtout qu’à l’époque, j’avais 32-33 ans. Une visionhospitalière. C’était intéressant <strong>de</strong> voir les choses<strong>de</strong> l’extérieur : le système tel qu’il est, comment ilfonctionne. Sur dix jours ou quinze jours, on a letemps <strong>de</strong> voir.- Au niveau institutionnel, vous voulez dire, aussi ?- Institutionnel, <strong>la</strong> façon d’agir, j’ai vu le périphériqueet le CHU, oui. Pareil, en CHU, je n’ai pas vul’interne, par exemple. J’ai vu l’assistant-chef <strong>de</strong>clinique et le patron.- D‘accord.- Et après, j’ai vu personne pendant 8 jours.L’infirmière ! C’est pour ça que je me suis sauvé,d’ailleurs, parce que ça me pesait <strong>de</strong> ne voirpersonne. Je me disais « Je serai mieux chezmoi » .- Et comme pour <strong>la</strong> traumato, est-ce que, justementpar rapport à ces histoires assez lour<strong><strong>de</strong>s</strong>, auniveau cardio-vascu<strong>la</strong>ire, enfin cardiaques, vousêtes <strong>de</strong>venu moins tolérant. Est-ce que ça vousarrive d’être moins tolérant par rapport à <strong><strong>de</strong>s</strong>p<strong>la</strong>intes et <strong><strong>de</strong>s</strong> symptômes que présentent lespatients, qui vous semblent moins graves que ceque vous avez pu connaître ? Ou au contraire, quevous avez pris du recul ?- Non, non, je pense que je suis assez tolérant.Même si je ne comprends pas personnellementl’aspect avancé <strong>de</strong> <strong>la</strong> douleur. Mais je considèreque chacun est différent. Non ça m’a pas vraimentchangé. Je pense que ça apporte peut-être unedimension supplémentaire d’être à l’hôpital, jepense, quelque part, d’avoir été ma<strong>la</strong><strong>de</strong>, quoi. Maisnon. Si, je vois certaines personnes qui cherchent<strong><strong>de</strong>s</strong> bénéfices indirects, ça on le sent bien, on levoit bien. On se rend bien compte <strong>de</strong> <strong>la</strong>chose. Mais autrement.- Et est-ce que vous allez dans leur sens ?- Ben pour les ma<strong>la</strong><strong><strong>de</strong>s</strong>, oui. S’ils sont réellement,s’ils ont une pathologie <strong>de</strong> péricardite, parexemple, ou traumatologique. Je vais bien dans cesens, et je leur explique les choses davantage.« Ça se guérit, ça se soigne », tout ça.- En termes d’explications ?- J’essaie <strong>de</strong> leur expliquer davantage.- Vous passez plus <strong>de</strong> temps.- Je fais moins <strong>de</strong> sinistrose, qu’ils ne se fassentpas <strong><strong>de</strong>s</strong> idées, quoi.- D’accord.- Ceci dit, une péricardite, à part <strong>la</strong> mienne, j’ai duen voir trois ou quatre dans mon vécuprofessionnel. Peut-être un peu plus, mais c’estpas quelque chose qu’on voit couramment, quandmême.- Est-ce que vous avez été amené à changer votrerythme <strong>de</strong> travail, suite aux pathologies ?- Alors là, du tout. Non. Ça n’a rien changé.- Vous n’avez pas diminué votre temps <strong>de</strong> présenceau cabinet ?- La présence n’a pas changé.- Et, à moyen ou à long terme, est-ce que, du coup,vous avez changé vos projets d’investissementdans le travail, <strong>de</strong> durée <strong>de</strong> travail à venir ?- Non, pas pour les <strong>de</strong>rniers épiso<strong><strong>de</strong>s</strong>. Pour lespremiers, oui, je me suis sérieusement posé <strong>la</strong>question <strong>de</strong> l’avenir. Ça m’avait déstabilisé,beaucoup. Une aventure médicale.- Au tout début <strong>de</strong> votre instal<strong>la</strong>tion ?- Au tout début <strong>de</strong> mon instal<strong>la</strong>tion. Quand on estjeune, qu’on se dit « C’est pas terrible, quoi ». Maisles autres, ou même, quand j’ai eu une herniediscale, effectivement, ça m’a beaucoup


- 124 -déstabilisé, dans mon intégrité corporelle. Là, je doisdire, un peu moins. J’ai été moins conscient duphénomène <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>de</strong>rniers acci<strong>de</strong>nts traumatiques, quipourtant étaient re<strong>la</strong>tivement sérieux. Je ne l’ai pasvécu pareil quoi, je pense.- D’accord. Est-ce que dans votre pratique, vousprenez en charge d’autres mé<strong>de</strong>cins ? Que ce soient<strong><strong>de</strong>s</strong> généralistes ou <strong><strong>de</strong>s</strong> spécialistes ?- Il m’est arrivé, mais c’est resté très bref. Il y avait unconfrère psychiatre, il y a 20 ans, qui venait <strong><strong>de</strong>s</strong>’installer, mais sur un angle, c’est resté très bref,donc ce n’était pas du suivi. Et puis actuellement, onpeut dire que je suis un peu le mé<strong>de</strong>cin référent <strong>de</strong>mon collègue, quoi. Mon confrère homme. Pas lesfilles. Voilà. Autrement je n’ai pas d’autres personnesà qui je prodigue <strong><strong>de</strong>s</strong> soins dans <strong>la</strong> mé<strong>de</strong>cine autantque je me souvienne.- Vous n’avez jamais été amené à le refuser. Vousn’avez jamais refusé … ?- Non, Je ne me suis jamais posé <strong>la</strong> question <strong>de</strong>refuser, en fait. J’arrive assez bien à me mettre en<strong>de</strong>hors du problème, c’est-à-dire à mettre le masquedu mé<strong>de</strong>cin comme ça, quelle que soit <strong>la</strong> personneen face <strong>de</strong> moi. Ça, je n’ai pas trop <strong>de</strong> difficulté parceque j’ai soigné souvent ma femme, ma propre famille.Donc, j’ai déjà l’habitu<strong>de</strong>, un peu, <strong>de</strong> faire ça. Mais,bon, je ne sais pas si c’est bien. Je ne sais pas sic’est bien !- La prise en charge <strong>de</strong> votre santé ou le suivi <strong>de</strong> votresanté, comment vous l’estimez par rapport à celle <strong>de</strong>vos patients ?- Elle est nulle. Tu vois, j’ai fait un examen l’année<strong>de</strong>rnière parce que mon collègue en avait fait un. Enrigo<strong>la</strong>nt il me dit « Ben, si ça se trouve, tu as ducholestérol, toi ! ». J’ai dit « Bon, ben qu’à ce<strong>la</strong> netienne, je vais en faire un ». Et puis, voilà, j’en ai faitun, j’ai fait un dosage <strong>de</strong> PSA parce que, on s’est dit,voilà. J’ai eu une coloscopie parce que j’ai dû faireune hémorragie hémorroïdaire, …mais au cas parcas.- Face à un événement aigu ?- Face à un événement aigu . Encore, pour lessaignements, je n’y suis pas allé tout <strong>de</strong> suite. Jepense que sous l’aspect préventif, je suis assez nul.Je fais plutôt dans l’aigu.- Et quand vous dites ça, je reviens à <strong>la</strong> question quej’ai pu poser au début <strong>de</strong> l’entretien, vous n’avezjamais envisagé d’avoir un mé<strong>de</strong>cin traitant quiprenne le temps ou <strong>la</strong> distance que vous ne prenezpas forcément ?- Je dois dire que non, non. Je n’en ai pas ressentiréellement le besoin. Il est vrai que quand j’étaisgamin, on n’avait pas <strong>de</strong> mé<strong>de</strong>cin traitant nonplus dans notre famille.- D’accord.- C’était une époque où ma mère nous emmenait chezle mé<strong>de</strong>cin pour un truc important. J’ai dû y aller <strong>de</strong>uxfois dans mon enfance. Un peu plus, mais quandj’étais petit, j’ai fait une tuberculose. J’ai étéhospitalisé pour ça, mais j’en ai aucun souvenir.- Vous étiez très jeune, alors ?- Oui, c’était à <strong>la</strong> naissance, à un mois.- D’accord.- Et puis l’autre fois, ça <strong>de</strong>vait être à <strong>la</strong> <strong>de</strong>man<strong>de</strong>, pourune histoire d’otite, une paracentèse. À l’époque, onfaisait <strong><strong>de</strong>s</strong> paracentèses. Une autre fois pour lesvégétations.- Et pour vos vaccins, vous faisiez comment ?- Alors, les vaccins, c’était une dame qui venait, je mesouviens, qui nous piquait. Ça <strong>de</strong>vait être uneinfirmière. A l’époque, infirmière, assistante sociale,c’était un peu pareil. Elle venait à domicile.- D’accord.- À domicile, pour faire les vaccins. C’était pas unmé<strong>de</strong>cin.- Et, ce que vous voulez dire, ça vient peut-être <strong>de</strong>votre éducation.- Probablement un peu <strong>de</strong> l’éducation.Probablement, ça doit jouer.- Mais, il n’y avait pas <strong>de</strong> mé<strong>de</strong>cin dans l’entouragefamilial ?- Pas <strong>de</strong> mé<strong>de</strong>cin dans l’entourage familial. Unmé<strong>de</strong>cin <strong>de</strong> quartier, mais qu’on al<strong>la</strong>it très peu voir.Si, j’ai bien dû le voir une fois, mais, aucunsouvenir.- Ce n’était pas régulier ?- Aucun souvenir qu’il y ait un mé<strong>de</strong>cin dans monidée.- D’accord.- En fait, d’image <strong>de</strong> mé<strong>de</strong>cin généraliste, j’en avaispoint. J’ai l’image d’une infirmière.- C’est pas l’image du mé<strong>de</strong>cin traitant que vousavez connu qui a pu vous donner l’envie <strong>de</strong> fairece métier.- Non, non ! Mais après, c’est vrai que j’ai pas eul’idée d’avoir un mé<strong>de</strong>cin traitant parce que c’estvrai que j’ai été assez en forme, on va dire, dansl’ensemble. Une santé assez, à un moment donnéavant d’avoir <strong>la</strong> péricardite, je disais « C’est quandmême quelque chose, je ne suis jamais ma<strong>la</strong><strong>de</strong> ! ».J’aurais mieux fait <strong>de</strong> rien dire. Oui, c’était ça : <strong>la</strong>sensation que je ne suis jamais ma<strong>la</strong><strong>de</strong>.- Oui, en <strong>de</strong>hors <strong><strong>de</strong>s</strong> acci<strong>de</strong>nts <strong>de</strong> <strong>la</strong> vie que vousm’avez racontés. Alors, avant <strong>de</strong> terminer, moi il ya une question que j’aimerais vousposer, j’aimerais bien savoir pourquoi vous avezaccepté <strong>de</strong> répondre à cette étu<strong>de</strong>.- Bon, d’abord pour te rendre service : tu fais uneétu<strong>de</strong>, tu fais une thèse là-<strong><strong>de</strong>s</strong>sus. Deuxièmement,le sujet ne me paraissait pas inintéressant : savoircomment on se soignait, ce qui, qu’est-ce qu’ilfal<strong>la</strong>it faire. Peut-être qu’il faut, je sais pas, peutêtrequ’il faut inventer quelque chose pour lesmé<strong>de</strong>cins, quoi.- Oui, Il y aurait quelque chose à inventer ?- Oui, peut-être, voilà.- C’est vrai que le mé<strong>de</strong>cin, je pense, faut voird’après ton étu<strong>de</strong>, mais je ne suis pas un casunique, je pense que le mé<strong>de</strong>cin se soigne souventpas, ou mal. Ou alors, il est dans l’inverse, un peuplus hypocondriaque, quoi. Donc, il se soigne trop,il fait n’importe quoi. Pour voir bien les autres, il mesemble qu’on n’est pas, qu’on n’a pas réellementun suivi comme les autres. Ceci dit, quid <strong>de</strong>l’étu<strong>de</strong>, j’en sais rien !- On verra.- Ce sera ça. Je suis <strong>la</strong> représentation d’un cas, lereste. On ne parle pas <strong>de</strong> ça, entre nous.- C’est un peu un tabou ?- Je sais pas. Si, on parle à un repas au restaurant :« J’ai eu ça, j’ai eu un machin ». On n’en parle passérieusement, je pense. Pas vraiment, quoi.- Vous faites partie d’un groupe <strong>de</strong> pairs ?- Non, non. Mes collègues en font partie, mais moi jen’en fais pas partie, non.- D’accord. Donc, c’est plutôt dans le cadre, vousvoulez dire, d’un repas, d’une rencontre informelle.- Ou autres. Des réunions, quoi. Au titre <strong>de</strong>l’enseignement.- De l’enseignement.- Il m’arrive <strong>de</strong> parler. Mais très peu, très peu : c’estun sujet qui est peu abordé.- Et qui est un peu gênant ? On ne veut pas trop êtremé<strong>de</strong>cin quand on n’est plus au cabinet ?- Je ne sais pas.- Vous croyez qu’il y a ça ?- Peut-être. Je ne me rends pas compte.- Est-ce que vous, ça vous gêne quand vous êtes en<strong>de</strong>hors du cabinet quand on parle <strong><strong>de</strong>s</strong> problèmesmédicaux, quand vous avez fermé <strong>la</strong> porte ?


- 125 -- Moi, on me parle surtout <strong><strong>de</strong>s</strong> problèmes médicaux<strong><strong>de</strong>s</strong> autres. Pratiquement, on ne me <strong>de</strong>man<strong>de</strong> jamaisce qui concerne ma santé.- Oui, oui, je comprends bien. Ce que je veux dire, siquelqu’un, justement…- Me par<strong>la</strong>it <strong><strong>de</strong>s</strong> problèmes <strong>de</strong> santé pour quelqu’und’autre…- Une fois que vous êtes sorti du cabinet, que vousn’êtes plus dans le cadre médical <strong>de</strong> consultation,est-ce que ça vous gêne, justement, qu’on continue àvous parler <strong>de</strong> ça ?- Plus maintenant. Au début, oui.- Au début, oui ?- Au début, oui. Plus maintenant parce que je me suisfait à l’idée que je serai mé<strong>de</strong>cin jusqu’au bout.Jusqu’à <strong>la</strong> fin <strong>de</strong> mes jours, on parlera <strong>de</strong> mé<strong>de</strong>cine.Et que, voilà ! C’est comme un plombier. On lui feratoujours réparer un robinet. On me posera toujours<strong><strong>de</strong>s</strong> questions sur <strong>la</strong> mé<strong>de</strong>cine…- Vous êtes mé<strong>de</strong>cin avant tout ?- Oui. Mé<strong>de</strong>cin avant tout. Et, c’est vrai que lesentiment global, si tu veux, par rapport à ça, c’estque je ne pense pas à ma propre santé. Du tout. Saufsi j’ai quelque chose d’aigu, qui me gêne. En fait, <strong>la</strong>chose aiguë me gêne dans mon travail. Alors, je suisobligé d’aller consulter. Ben, je suis obligé d’allerchez le <strong>de</strong>ntiste : je me suis pété <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>de</strong>nts. Sinon, jen’irai pas chez le <strong>de</strong>ntiste. Ça ne me dit rien d’allerchez le <strong>de</strong>ntiste.- Donc, c’est quand ça arrive à vous gêner dans votreactivité quotidienne, et surtout pour le travail...- C’est exactement ça.- D’accord.- Maintenant, mon activité <strong>de</strong> loisirs aussi. Parceque j’ai assimilé le loisir. Mais non, je pense pasvraiment à ma santé.- C’est intéressant, ça. D’accord.- Il faut que ce soit douloureux. Douloureux.- Oui, mais dans votre histoire, il y a souvent <strong>la</strong>douleur, effectivement, qui revient.- Oui. La péricardite m’a arrêté, parce que j’étais doncessoufflé, je ne pouvais plus monter un étage avec <strong>la</strong>tamponna<strong>de</strong>.- Oui. Donc il y avait une gêne fonctionnelleimportante.- J’ai eu d’abord <strong>la</strong> douleur. Je l’ai eue, <strong>la</strong> douleur.- La douleur.- Mais je ne me suis pas arrêté.- D’accord.- J’ai dit « C’est une douleur, j’ai <strong>la</strong> grippe ». Ce qui m’aarrêté, c’est que je ne pouvais plus marcher. J’ai étéobligé <strong>de</strong> me coucher.- Oui.- J’ai appelé quand même un confrère, qui m’aexaminé, qui n’a rien vu, forcément. Pas <strong>de</strong> chance !Mais, bon, c’était pas évi<strong>de</strong>nt non plus. Faut pas luien vouloir. J’avais fait <strong>la</strong> démarche d’appeler unconfrère, quand même. Ça m’est arrivé d’appeler unconfrère généraliste. Et puis si, j’ai appelé Dr W. Jel’ai bien appelé quand j’ai eu ma sciatique. Parce queje lui ai <strong>de</strong>mandé <strong>de</strong> me faire <strong><strong>de</strong>s</strong> piqûres. Il m’aappelé un acupuncteur en urgence, aussi. Alors je luiai dit « Je vais essayer, je veux bien toutessayer ». l’acupuncture a marché 5 minutes. Voilà,si, j’ai quand même, dans l’urgence, il me semble quej’appelle <strong><strong>de</strong>s</strong> gens à <strong>la</strong> rescousse. Je fais souventmon propre diagnostic, et j’appelle. Mais, voilà, aprèsc’est… Quand je vais mieux je veux plus en entendreparler.- C’est ça.- Vous re<strong>de</strong>venez mé<strong>de</strong>cin.- Oui. J’ai encore parfois <strong><strong>de</strong>s</strong> douleurs, dorsales, bon,je sais d’où ça vient. Qu’est-ce que tu veux y faire ?Faire une radio ? Faire quoi ? J’en ferai quoi ? Dansun cadre ? Voilà, c’est ça.- D’accord.- Non, je pense que le vécu <strong>de</strong> ma<strong>la</strong><strong>de</strong>, sûrement,ça m’a apporté quelque chose, quand même. Lavision qu’ont les gens <strong>de</strong> l’hôpital, les défauts <strong>de</strong>l’hôpital, l’hospitalisation, l’attente : tu attends lesgens, tu attends les repas, tu te lèves tôt, tu tecouches à une heure précoce. Toute cetteinfrastructure que tu ne vois pas quand tu esmé<strong>de</strong>cin.- Ou qu’on occulte.- L’ennui. Tu t’ennuies à l’hôpital.- Et <strong>la</strong> perte d’autonomie ?- La perte d’autonomie aussi. Mon premier acci<strong>de</strong>nt,le premier jour, je ne pouvais pas me <strong>la</strong>ver toutseul. J’ai dit « Ecoutez, je ne peux pas me toucherle visage ». Je me suis fait <strong>la</strong>ver. Oui, <strong>la</strong> perted’autonomie, ça, c’est sûr. Puis l’impression dutemps qui est long, comme ça, qui passe à rienfaire. On comprend que les gens puissent avoir<strong><strong>de</strong>s</strong> visions <strong>de</strong> l’hôpital très différentes du mé<strong>de</strong>cin.Nous, on passe au quatrième galop.- Oui.- On a plein <strong>de</strong> trucs à <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r, on va faire autrechose, on revient.- Le temps a une autre valeur.- « Je vous reverrai <strong>de</strong>main ». Oui.- Et c’est long une journée.- C’est long, une journée. C’est long. Donc, à cetitre-là, c’était plus informatif au point <strong>de</strong> vuemédical. La traumatologie, c’est rapi<strong>de</strong>, c’est aigu,Si, c’est gênant. J’ai quand même été obéissant <strong>de</strong>gar<strong>de</strong>r mon plâtre, parce que je me suis étonnémoi-même.- Vous vous êtes étonné vous-même.- J’ai pas scié mon plâtre. J’ai quand même eupeur. Quand même, je me suis dit « Fais pas <strong>de</strong>conneries, cette fois ! », puis je pense quel’entourage aussi m’a aidé à supporter parce qu’onm’a dit « Il faut que tu fasses ça, il faut arrêter <strong>de</strong>faire <strong><strong>de</strong>s</strong> bêtises » . Moi je suis plus un peu dans lerefus <strong>de</strong> <strong>la</strong> ma<strong>la</strong>die. J’ai pas envie d’être ma<strong>la</strong><strong>de</strong>,être touché dans mon intégrité, ça me déstabilise,mais bon, j’ai eu finalement quatre épiso<strong><strong>de</strong>s</strong> dansmon existence professionnelle que je n’avais pas<strong>de</strong>mandés, quoi. La hernie discale, c’est pareil,c’est traumatique, je faisais <strong>de</strong> <strong>la</strong> p<strong>la</strong>nche à voile àcette époque-là. J’arrêtais pas d’en porter, ellesétaient lour<strong><strong>de</strong>s</strong> à l’époque. Il fal<strong>la</strong>it les mettre sur letoit, les sangles, là, c’était compliqué. En fait,toutes ces histoires traumatiques, je me suisesquinté moi-même, quoi. Je n’étais pas obligé <strong>de</strong>faire tout ça. Voilà, en gros.- C’est comme ça que vous le justifiez.- Oui, j’aurais été quelqu’un <strong>de</strong> plus calme, plusintello, plus tranquille, il ne me serait peut-être rienarrivé. Ou un acci<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> voiture, remarque, on nesait pas.- D’accord. Bon, on arrive au terme <strong>de</strong> l’entretien,alors, je vous remercie beaucoup du temps quevous m’avez consacré, et puis d’avoir accepté <strong>de</strong>participer à cette étu<strong>de</strong>. Et puis, je vous tiendrai aucourant <strong><strong>de</strong>s</strong> conclusions <strong>de</strong> l’étu<strong>de</strong> !- Ça sera toujours intéressant.- Voilà, merci.


- 126 -Entretien avec le Docteur B,réalisé à son cabinet le 26 mai 2008- Comme vous le savez, actuellement je suis en find’Internat <strong>de</strong> Mé<strong>de</strong>cine Générale et je réalise uneétu<strong>de</strong> sur le suivi <strong><strong>de</strong>s</strong> mé<strong>de</strong>cins généralistes quandils <strong>de</strong>viennent eux-mêmes ma<strong>la</strong><strong><strong>de</strong>s</strong> et donc patients.Cette étu<strong>de</strong> s’inscrit dans un travail <strong>de</strong> recherchepour <strong>la</strong> réalisation <strong>de</strong> ma thèse <strong>de</strong> Docteur enmé<strong>de</strong>cine, et tout d’abord je vou<strong>la</strong>is vous remercierd’avoir accepté <strong>de</strong> me recevoir pour parler d’un sujetqui est quand même très personnel, qui est celui <strong>de</strong>votre santé.- Ça ne sortira pas, ni <strong>de</strong> cette petite boîte ni d’ici,comme on dit d’habitu<strong>de</strong>.- Ça restera strictement anonyme en tout cas ;l’enregistrement sera retranscrit, mais il resterastrictement anonyme. Donc, si vous n’avez pas <strong>de</strong>questions, on va passer à <strong>la</strong> suite <strong>de</strong> l’entretien.Voilà : tout d’abord, j’aimerais bien que vous meparliez <strong>de</strong> vous, en tant que mé<strong>de</strong>cin, pour meprésenter un peu rapi<strong>de</strong>ment votre type d’exercice,votre parcours, voilà.- 51 ans, installé en 88, d’abord tout seul, puis à 2, puisà 3, tous les 8 ans. Mé<strong>de</strong>cin attaché à U, enMé<strong>de</strong>cine Interne et aux Urgences, un peusyndicaliste sur les bords, <strong><strong>de</strong>s</strong> responsabilitéssyndicales et une grosse responsabilité dans <strong>la</strong>formation médicale continue. Voilà. ECA comme ondit maintenant : Enseignant Clinicien Associé ouassorti… Bref. On a <strong><strong>de</strong>s</strong> externes, nous, pas <strong><strong>de</strong>s</strong>internes.- D’accord.- Et Mé<strong>de</strong>cine Générale, Mé<strong>de</strong>cine Générale. Moi jefais <strong>de</strong> <strong>la</strong> Mé<strong>de</strong>cine du Sport et <strong>de</strong> l’échographie, pasen dilettante, mais en complément. L’activité <strong>de</strong> fond,c’est <strong>de</strong> <strong>la</strong> mé<strong>de</strong>cine générale tout venant, avec pasmal <strong>de</strong> maintien à domicile avec l’HAD. Dr U, quevous avez croisée, qui est mon associée numéro unchronologiquement par<strong>la</strong>nt, elle fait du palliatif à V.- D’accord.- Effectivement, on avait un peu le pied <strong>de</strong>dans, onl’avait déjà avant, c’est comme ça qu’elle y estrentrée. On l’avait avant. Par Soins et Santé, on avait<strong><strong>de</strong>s</strong> copains, qui pensent à nous chaque fois que <strong><strong>de</strong>s</strong>mé<strong>de</strong>cins disent « Eh bien, non, on peut pasassumer. Dis donc il y a dans mon quartier… Et tupeux pas prendre… ? » Voilà. Donc on fait <strong>de</strong> <strong>la</strong>mé<strong>de</strong>cine lour<strong>de</strong>.- D’accord. Et vous avez exercé avant <strong>de</strong> vous installeren cabinet ici ?- J’ai fait <strong><strong>de</strong>s</strong> remp<strong>la</strong>cements. Mais je suis un ancieninterne <strong>de</strong> U. J’ai fait 4 ans d’Internat, plus l’armée,où j’ai fait <strong>de</strong> <strong>la</strong> mé<strong>de</strong>cine en tant que gendarme, àW, là, sur le bord du périph, et on soignait les famillesparce qu’on n’était pas assez gradé pour soigner….On avait les visites médicales <strong><strong>de</strong>s</strong> troufions et onsoignait les familles, sauf <strong>la</strong> femme du Général, quiétait pour le Capitaine. Donc ça a fait 5 ans, dont uneannée <strong>de</strong> mé<strong>de</strong>cine générale vraie. Puis après j’ai fait<strong>de</strong>ux ou trois remp<strong>la</strong>cements, mais plus pendant lesvacances, parce qu’en fait je me suis installé à <strong>la</strong> fin<strong>de</strong> mon Internat. J’ai même rabioté un mois et <strong>de</strong>mi,parce que normalement je finissais fin septembre etje me suis installé le 1 erjuillet. J’ai cumulé mesvacances, tout…- Donc très rapi<strong>de</strong>ment. Maintenant j’aimerais bienqu’on parle <strong>de</strong> vous en tant que patient.- Ça va être beaucoup plus difficile (rires).- Vous m’en aviez parlé dans votre mail, mais est-ceque vous pourriez me redire…- Vous voulez mon parcours médical ?- Oui, ça on va en reparler, notamment par rapport à<strong>la</strong> pathologie pour <strong>la</strong>quelle on se rencontreaujourd’hui, oui, effectivement.- Donc mon bras cassé ? Je sais pas <strong>la</strong>quelle c’est.- C’est <strong>la</strong> pathologie rhumatologique , <strong>la</strong> sciatiqueparésiante qui a été choisie par un tirage au sort,en fait. Oui, est-ce que vous pourriez revenirrapi<strong>de</strong>ment sur vos antécé<strong>de</strong>nts, votre parcours <strong>de</strong>ma<strong>la</strong><strong>de</strong> effectivement.- Mon parcours <strong>de</strong> ma<strong>la</strong><strong>de</strong>… C’est un parcoursriche, parce que gamin, j’étais asthmatique. Moi,j’ai toujours vécu avec les docteurs. Asthme,re<strong>la</strong>tivement… Maintenant on dirait moyen àsévère, avec un traitement <strong>de</strong> fond, plus <strong><strong>de</strong>s</strong>traitements <strong>de</strong> crise, plus <strong><strong>de</strong>s</strong> cures, et puis un <strong>de</strong>ces asthmes qui manifestement a guéri àl’adolescence. Enfin guéri…- Manifestement ?- Oui, plus <strong>de</strong> crises sévères, voilà, plus rien, saufune bonne rhinite allergique aux pollens, commequoi ce n’est pas complètement guéri. Mais jeconsomme plus <strong>de</strong> Ventoline® ! Aprèseffectivement, j’ai fait, en <strong>de</strong>hors <strong>de</strong> divers boboset divers acci<strong>de</strong>nts <strong>de</strong> ski, une méningite cérébrospinale(à méningocoque) à 18 ans, avec quatrejours <strong>de</strong> coma, quand même, 36 heures <strong>de</strong>convulsions, bien, mais elle n’était pas fulminans,elle était juste bien cognée. Le Totapen® étaitencore efficace, ça a bien marché. On en meurt ouon reste con, <strong>la</strong> preuve, je suis là ! (sourire)…- Donc, ça, c’était à 18 ans ?- Voilà, à 18 ans. Après, pendant mon internat, pasgrand-chose, sauf qu’à partir effectivement <strong>de</strong> 24,25 ans, j’ai commencé à avoir <strong><strong>de</strong>s</strong> lombalgies.- D’accord.- Après, pendant l’internat, rien <strong>de</strong> tragique, sauf, enrentrant <strong>de</strong> Tunisie, une fois, une septicémie, unsoir <strong>de</strong> gar<strong>de</strong>. On rentre <strong>de</strong> Tunisie, on s’était payé8 jours <strong>de</strong> Club, j’avais, comme tous les touristeschopé <strong>la</strong> Tourista là-bas. Comme toujours quandvous rentrez, vous êtes <strong>de</strong> gar<strong>de</strong>, vous avez pasremarqué ? Vous rentrez <strong>de</strong> vacances, vous êtes<strong>de</strong> gar<strong>de</strong>, c’est normal… Voilà. Donc, ma gar<strong>de</strong> enrentrant. Fin <strong>de</strong> gar<strong>de</strong>, une espèce <strong>de</strong> grandfrisson… Pas bien, en fait. J’ai fait une chiasse àecho30 qui avait complètement consommé mesdéfenses. J’ai fait une septicémie à méningocoqueet une arthrite sceptique à méningo qui estsurvenue le surlen<strong>de</strong>main avec un genou violet,comme une patate. Et je suis toujours là, commequoi les antibiotiques marchaient toujours. Voilà.Après ça, j’ai fini mon internat, je me suis installé,<strong><strong>de</strong>s</strong> petites sciatiques par-ci par-là, et puis ça<strong>de</strong>vait faire <strong>de</strong>ux ou trois ans que j’étais installé, etje me suis tapé une sciatique, digne <strong>de</strong> ce nom,avec effectivement une paralysie, c’était quellegambette ? C’était <strong>la</strong> gauche, avec disparition <strong>de</strong>l’achilléen, parésie <strong><strong>de</strong>s</strong> releveurs. Bien, bien, bien !Je suis allé faire mes radios. Je me suis gavéd’anti-inf<strong>la</strong>mmatoires, j’ai mis une ceinture <strong>de</strong>maintien, je me suis fait manipuler <strong>de</strong>ux fois. C’estrentré dans l’ordre, celle-là.- On y reviendra un peu plus en détails tout àl’heure.- Sinon…- Vous parliez <strong>de</strong> problèmes <strong>de</strong> traumato, aussi ?Plusieurs fractures, je crois ?- Non, pas fracture, entorse : une entorse <strong>de</strong> genou.Mais c’est l’acci<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> ski dont je vous par<strong>la</strong>is. Etpuis une entorse <strong><strong>de</strong>s</strong> cervicales. Oui et unefracture, oui, une fracture <strong>de</strong> cheville. Unarrachement, pas une fracture. Une entorse avecarrachement au niveau <strong>de</strong> <strong>la</strong> cheville, et une…d’ailleurs, il s’est pas complètement remis, une


- 127 -fracture du sésamoï<strong>de</strong> du pouce. Pareil, une entorsegrave.- C’était lié à une pratique du sport ?- Le ski <strong>de</strong> fond. C’est le syndrome <strong>de</strong> <strong>la</strong> dragonne.- D’accord.- Et l’autre pouce, c’était une chute en moto. Unacci<strong>de</strong>nt du travail. Non reconnu. Lié au travail. Voilà.Des bricoles, quoi. Et un peu <strong>de</strong> cholestérol.J’étrenne ça (en montrant son yaourt). Du coup àmidi je vais bouffer du Danacol® plutôt que <strong>de</strong>bouffer du Crestor®, on va essayer comme ça.- C’est votre traitement actuel, le Danacol®, ou vousavez un autre… ?- J’essaye <strong>de</strong> modifier mon alimentation. C’est-à-direqu’au lieu <strong>de</strong> bouffer <strong><strong>de</strong>s</strong> trucs vraiment crados, trèsriches, voilà… Le pain d’épices, j’ai découvert que çaavait très très peu <strong>de</strong> gras. Les fruits secs, ça n’en apas du tout, et les aman<strong><strong>de</strong>s</strong> et les noix, c’est <strong>de</strong> <strong>la</strong>graisse non cuite, donc ça va.- D’accord. Et vous ne prenez pas d’autre traitement àcôté ?- Comme je n’ai aucun autre facteur <strong>de</strong> risque, pour lemoment, non.- Vous n’avez pas un bi<strong>la</strong>n en cours pour un problème<strong>de</strong> santé récent ?- Il est fini, je me suis fait ponctionner <strong>la</strong> thyroï<strong>de</strong>.- D’accord.- C’est intéressant. Il y a quelques années, enessayant un nouveau matériel d’écho, je me suistrouvé un nodule <strong>de</strong> <strong>la</strong> thyroï<strong>de</strong>, un nodule qui étaittrès liquidien. Il a été ponctionné, il n’y avaitrien. Mais en ré essayant, puisque je viens <strong>de</strong>changer <strong>de</strong> matériel d’écho. Comme quoi… C’est uneanecdote, mais c’est marrant : je ne savais pas quoiregar<strong>de</strong>r, j’ai regardé ma thyroï<strong>de</strong>. J’ai pris peur. Ilfaisait plus <strong>de</strong> 2 centimètres, il était plus liquidien dutout, il était bien hyper échogène. J’ai dit « Il faut queje fasse quelque chose, je suis allé me faireponctionner par <strong>la</strong> crème <strong><strong>de</strong>s</strong> ponctionneuses » C’esttoujours bénin…. Mais là, on va surveiller <strong>de</strong> plusprès, parce que…- Ça a changé <strong>de</strong> structure ?- Je ne suis plus dans les bons critères. Je pensais meretrouver avec une cicatrice, et puis non. Je suis ensurveil<strong>la</strong>nce.- Vous êtes en surveil<strong>la</strong>nce pour <strong>la</strong> thyroï<strong>de</strong>. D’accord.- Voilà.- Comment est-ce que vous prenez en charge votresanté ?- La mienne ?- Oui.- A mon avis comme tous les généralistes : je ne saispas être généraliste. J’ai une femme qui estgénéticienne alors c’est pas <strong>la</strong> peine que je lui pose<strong>de</strong> questions.- Est-ce que vous avez un mé<strong>de</strong>cin traitant ?- Non. Moi.- C’est vous-même, d’accord.- Je crois que je ne me suis même pas déc<strong>la</strong>ré. Il mesemble que <strong>la</strong> Sécu m’a enregistré comme tel, touteseule.- D’accord. Et vous avez jamais…- Parce que je me suis posé <strong>la</strong> question, je me suis pasrenvoyé… Or j’ai un mé<strong>de</strong>cin traitant et il semble bienque ce soit moi.- D’accord.- Vous n’avez pas renvoyé un formu<strong>la</strong>ire ?- Non.- D’accord.- Et est-ce que vous avez déjà envisagé <strong>de</strong> prendre unmé<strong>de</strong>cin traitant autre que vous-même ?- Alors à un moment. C’est pas tout à fait vrai parceque quand j’avais <strong><strong>de</strong>s</strong> soucis <strong>de</strong> troublesimmunitaires and co, c’était mon ancien chef <strong><strong>de</strong>s</strong>ervice <strong>de</strong> mé<strong>de</strong>cine interne, qui est Dr V. Vousêtes passée par U ?- Non.- Parce qu’il était gastro et interniste. Là il est plusque gastro, et c’était lui qui était mon mé<strong>de</strong>cintraitant, qui me surveil<strong>la</strong>it, voilà, qui me revoyaitune fois l’an, parce que on s’est quand même posé<strong><strong>de</strong>s</strong> questions. Deux méningococcies, sur le mêmebonhomme…- Effectivement, oui.- Il m’a trouvé un déficit en C1q, qui fait que j’aiattrapé un echo30 et que j’étais un peu sensible auméningo. Maintenant quand je le croise, je plongechez les antibiotiques.- Je suis toujours vivant. Parce que <strong>la</strong> troisième,c’est pas dit que je m’en tire aussi bien que les<strong>de</strong>ux premières. On va être réaliste.- C’est un microbe qui n’est pas très sympa.- Et on a un métier un peu exposé. Voilà.- C’est le problème.- L’avantage c’est qu’il existe ce type <strong>de</strong> prophy<strong>la</strong>xie.- Oui. Quel patient vous pensez être ?- Je m’attendais à ce genre <strong>de</strong> question… Je pense,je sais quasiment : pas évi<strong>de</strong>nt, pas très observant,parce que je ne finis jamais une boîted’antibiotiques quand je l’ai commencée.- D’accord.- Les anti-inf<strong>la</strong>mmatoires non plus. Quand ça vamieux, j’arrête. Le kiné, je vais au bout <strong><strong>de</strong>s</strong>séances. Quand je suis chez le toubib, je pensepas que je sois très chiant, euh, pas spécialementrevendicatif. Parce que ça m’arrive d’aller voir<strong><strong>de</strong>s</strong>…- Des spécialistes ?- Des spécialistes mais je pose carrément sur <strong>la</strong>table que je suis généraliste. Quand ils ne meconnaissent pas.- D’accord.- Je préfère que ce soit c<strong>la</strong>ir d’entrée. J’écoute cequ’on me dit, mais bon, dans l’observance, je suistoujours à <strong>la</strong> bourre. C’est comme le régime. Là,j’ai fini les visites avant, je suis passé par Atac, jeme suis dit « Allez,je vais me prendre <strong><strong>de</strong>s</strong> trucscorrects sinon, je vais encore me prendre unsandwich <strong>de</strong> m… ou une sa<strong>la</strong><strong>de</strong> bourrée <strong>de</strong>mayonnaise. »- D’accord. Comme on fait souvent, oui.- Voilà. Voilà, il faut peut-être que je m’en occupequand même. Là, j’ai encore <strong><strong>de</strong>s</strong> enfants. La<strong>de</strong>rnière est pas très gran<strong>de</strong>, elle a onze ans- C’est important <strong>de</strong> montrer l’exemple, vous voulezdire ?- Non. D’être sérieux. Je bosse trop.- En tant que père ?- Je fais encore du sport, je ne fume pas. D’accord.Mais il y a <strong><strong>de</strong>s</strong> jours où je commence à êtrefatigué. Ça veut dire que je bosse beaucoup trop.Lever le pied, c’est dur. Alors autant essayer <strong>de</strong>manger régulièrement. Agir sur les paramètres surlesquels on peut le plus facilement agir… Et ça, çaen est un re<strong>la</strong>tif.- Faire <strong><strong>de</strong>s</strong> compromis, oui.- Est-ce que j’ai répondu à <strong>la</strong> question sur lepatient ?- Oui, je crois. Tout à fait. Il y a certains éléments surlesquels on va revenir, notamment <strong>la</strong> re<strong>la</strong>tion avecles autres professionnels <strong>de</strong> <strong>la</strong> santé, mais on va yrevenir en par<strong>la</strong>nt <strong>de</strong> <strong>la</strong> pathologie pour <strong>la</strong>quelle onse rencontre aujourd’hui, si ça ne vous embêtepas. Donc voilà, on avait choisi <strong>de</strong> parler <strong>de</strong> cetépiso<strong>de</strong> <strong>de</strong> sciatique parésiante. Vous pouvez meredire un peu plus en détail votre parcours <strong>de</strong>ma<strong>la</strong><strong>de</strong> par rapport à cet épiso<strong>de</strong>. Quels ont été lespremiers symptômes ?- Alors <strong>la</strong> sciatique, <strong>la</strong> sciatique. Je me traîne ça<strong>de</strong>puis… Maintenant, j’ai appris à vivre avec.


- 128 -- D’accord. Vous en aviez déjà eu ?- J’en avais déjà eu. Celle-là elle avait démarré commeles autres, sauf qu’elle avait été rapi<strong>de</strong>ment plusdouloureuse. A cette occasion-là, j’avais posé mavalise, et je m’étais rendu compte qu’elle faisait 7,5kilos. Elle est toujours trimballée à un bras ou surl’épaule.- Du même côté ?- Du même côté, toujours celle-là. Quand on bosse aulit du ma<strong>la</strong><strong>de</strong>, ou même sur une table d’examen, elleest jamais à <strong>la</strong> bonne hauteur.- Et vous êtes toujours du même côté.- Toujours du même côté, et on se tourne toujours, onse vrille toujours. En plus à l’époque, je ne pouvaispas tourner autour <strong>de</strong> ma table.- D’accord.- Maintenant, dans les trois cabinets, on peut tournerautour <strong>de</strong> <strong>la</strong> table, et dans les trois cabinets il y a <strong><strong>de</strong>s</strong>tables électriques.- D’accord.- Donc je suis pas un aussi mauvais ma<strong>la</strong><strong>de</strong> que ça.- Donc vous avez modifié vos conditions <strong>de</strong> travail enfonction <strong>de</strong> ça.- Un jour Dr U a eu un problème <strong>de</strong> dos, on n’a pasdiscuté. Et puis un jour, effectivement, couché, quoi !Donc, je crois même que je me suis fait faire <strong>de</strong>uxinjectables dans les miches pour aller bosser.- Donc vous vous étiez fait le diagnostic tout seul ?- Oui, je suis allé le faire confirmer par Dr W qui estvertébro.- D’accord, donc vous avez consulté…- Une collègue <strong>de</strong> formation. On a fait <strong>la</strong> Mé<strong>de</strong>cine duSport ensemble, une copine.- D’accord. Donc rapi<strong>de</strong>ment vous êtes allé consulterun spécialiste.- Non, mais je consulte assez vite.- D’accord.- Je <strong>la</strong>isse traîner trois-quatre jours, pas beaucoup plusquand je vois que ça passe pas.- Avant <strong>de</strong> <strong>la</strong> voir, est-ce que vous vous étiez prescritun examen d’imagerie ?- Oui, une radio basique.- D’accord, c’est vous qui l’aviez…- Le scanner je l’ai pas fait parce que je m’étais dit…- Parce qu’elle l’avait <strong>de</strong>mandé ?- Non, non, non, on en avait discuté ensemble.- D’accord.- J’ai pas du tout envie <strong>de</strong> me faire opérer.- Donc je suis allé <strong>la</strong> voir, elle m’a fait un bon examenclinique. C’est là qu’on a vu. Moi j’avais vu que j’avaisvraiment du mal, je traînais un peu <strong>la</strong> patte…- Pour marcher ?- Pour marcher, ça al<strong>la</strong>it, mais j’avais <strong>la</strong> patte quitraînait quand même, les réflexes avaient disparu.Donc elle m’a manipulé, elle m’a dit <strong>de</strong> me calmer.J’ai arrêté les visites.- D’accord.- J’ai porté un corset, enfin une ceinture <strong>de</strong> maintienlombaire, costaud.- Pendant combien <strong>de</strong> temps ?- Au moins 15 jours. On a attaqué <strong>la</strong> kiné tout <strong>de</strong> suite.Et puis, là, j’avais été très scrupuleux. Quand j’ai <strong>la</strong>pétoche, je suis très scrupuleux. Puis quand ça vamieux, hop ! Le naturel reprend le <strong><strong>de</strong>s</strong>sus.- Vous reprenez votre liberté ?- Et voilà, on a fait 48 heurs d’injectables, enfin, j’avaisfait 48 heures d’injectables, ensuite j’avais dû bouffer<strong><strong>de</strong>s</strong> anti-inf<strong>la</strong>mmatoires pendant bien 15 jours.- Les injections, c’est vous qui vous les étiez faites ?- Non, je m’étais fait piquer par une infirmière. Jedéteste me piquer. Je ne pourrais pas êtretoxicomane, impossible ! Quand je donnais monsang, avant à l’époque, je donnais mon sang, avantmes histoires d’immuno bizarres, tout ça,- Le complément ?- Je donnais mon sang très régulièrement, je fermaisles yeux, j’attendais que ça passe, et quand je vaisfaire mon bi<strong>la</strong>n annuel, <strong>la</strong> surveil<strong>la</strong>nce, <strong>de</strong> monPSA et mon cholestérol, PSA… C’est parce quej’ai <strong><strong>de</strong>s</strong> ascendants, un peu sérieux, je…- Vous tournez <strong>la</strong> tête.- « Faites ce que vous voulez, mais moi… »- Est-ce que vous avez été amené à rencontrerd’autres spécialistes, d’autres confrères ?- Je vous ai pas dit, mais j’ai eu une opération uro.- D’accord.- Une bricole. Pareil, je lui ai dit « Tu m’endorscomplètement ». C’est le même urologue qui mesuit pour mes histoires, c’est pas celui qui a suivimon père puisque mon père n’était pas là. Mais,quand je lui ai dit. « Mon père est mort d’un néo <strong>de</strong>prostate, doublé d’un néo <strong>de</strong> vessie », donc il m’adit « Toi, tu viens me voir une fois par an ! ». J’ai lebonheur d’avoir un doigt dans le <strong>de</strong>rrière une foispar an. Fait par un urologue digne <strong>de</strong> ce nom, qui a<strong><strong>de</strong>s</strong> gran<strong><strong>de</strong>s</strong> mains… et qui fait ça comme unurologue. Un peu <strong>de</strong> douceur, s’il vous p<strong>la</strong>ît dansce mon<strong>de</strong> <strong>de</strong> brutes !- Voilà !- Et dans le cadre <strong>de</strong> <strong>la</strong> sciatique, est-ce que vousavez consulté d’autres spécialistes ?- Non, Dr W, c’est tout… qui est vertébro, mé<strong>de</strong>cindu sport. Et puis on n’a pas eu besoin <strong>de</strong>m’hospitaliser parce que, en fait, après <strong>de</strong>uxmanipu<strong>la</strong>tions… J’ai dû <strong>la</strong> voir <strong>de</strong>ux fois à quatrejours d’intervalle, puis une autre fois une dizaine <strong>de</strong>jours après. Mais justement, elle a réussi àdécoincer un peu cette racine. Elle étaitdécomprimée.- D’accord.- Vous n’avez pas été obligé <strong>de</strong> vous arrêter alors,lors <strong>de</strong> cet épiso<strong>de</strong> ?- Non, mais je m’arrête rarissimement. J’ai fait lesoreillons. Tiens, on n’en a pas parlé, j’ai fait lesoreillons pendant que… C’était un week-end <strong>de</strong>Pentecôte ou un week-end <strong>de</strong> Toussaint, un weekendlong… J’étais gris, avec un masque et jetravail<strong>la</strong>is au cabinet.- D’accord.- Moi pour m’arrêter, il faut vraiment que…- Donc, vous aviez arrêté les visites simplement.- Oui, <strong>la</strong> cheville c’est pareil. Quand je me suis pété<strong>la</strong> cheville, j’ai eu une orthèse en résine qu’onrentrait dans une chaussure, c’était les copains quifaisaient mes visites. C’était avant que je soisassocié.- D’accord.- J’avais appelé les copains, « Je peux vous passermes visites parce que moi je ne marche plus ?».En plus avant, le cabinet, il n’était pas là, il était rueX et j’habitais dans le même immeuble, donc j’étaispas embêté.- D’accord.- Au bout <strong>de</strong> mon appart. Je poussais <strong>la</strong> porte :« C’est moi le docteur ! »- C’est pour ça que vous aviez pensé que vous alliezcontinuer à travailler ? Il y avait <strong><strong>de</strong>s</strong> conditionsfavorables.- Eh bien s’il avait fallu que je prenne <strong>la</strong> bagnole…Enfin <strong>la</strong> bagnole, je pouvais à peu près conduire,mais pas bien, et puis monter les escaliers, maisça me faisait mal. Pendant 15 jours j’ai rien fait. Et<strong>la</strong> sciatique pareil, au début, pas question d’allercavaler. C’était les potes qui faisaient les visites.L’avantage, c’est que dans le quartier, en gros, j’aieu <strong>la</strong> trouille <strong>de</strong>ux ans quand je me suis installé il ya vingt ans, où c’était un peu tendu avec lesautres confrères, etc. Puis ensuite, il y a vraimentpas eu <strong>de</strong> soucis <strong>de</strong> compète, ni rien. Il y avait <strong>de</strong><strong>la</strong> p<strong>la</strong>ce pour tout le mon<strong>de</strong>.- Et vous vous connaissiez bien.


- 129 -- On s’est très vite connus les uns les autres et il yavait, quand moi j’étais interne, j’avais un externefinissant, qui s’est installé très vite dans le coin, donc,en plus, on se soutient. Avec les autres très vite ça aété pareil, on se soutient plus… Un coup <strong>de</strong> fil :« Ecoute, je peux plus faire <strong>de</strong> visites, tu peux faireles miennes ? », et temporiser tout ce qui esttemporisable. Et puis après, les vieux qui peuventpas… C’est vrai du coup, l’exercice est vachementplus cool. Il y a pas <strong>de</strong> visites à faire, vous êtes dansvotre bureau.- Surtout quand c’est un problème mécanique commeça.- Voilà. Et sinon, effectivement, on baisse un peu, onessaie <strong>de</strong> réduire un peu les journées.- Pour ce problème <strong>de</strong> sciatique, est-ce que vous avezété amené à faire, à vous prescrire <strong><strong>de</strong>s</strong> examenscomplémentaires ?- Oui. J’ai refait <strong><strong>de</strong>s</strong> radios régulièrement… Parce queça coince régulièrement. Quand j’oublie <strong>de</strong> faire…C’est pas que j’oublie, c’est que j’ai pas le temps.Normalement, je nage, même <strong>de</strong>puis cet épiso<strong>de</strong>-là,même avant déjà. Je nage une heure par semaine enclub, le soir. Depuis cet épiso<strong>de</strong> parésiant, j’essaie <strong>de</strong>faire mes 40-45 minutes <strong>de</strong> salle, un programme doset étirements tous les vendredis matin. Et quand jeme suis fait bouffer mon vendredi matin par troisurgences, machin, truc, <strong>de</strong>ux fois <strong>de</strong> suite, je me recoince.J’ai plus <strong>de</strong> problème <strong>de</strong> parésie, mais je metape <strong><strong>de</strong>s</strong> lombo-sciatiques encore bien si je ne faispas attention. Ce qui prouve bien qu’il ne faut pas lesarrêter.- Un signal d’a<strong>la</strong>rme, tout <strong>de</strong> suite.- Voilà, il faut bien s’étirer.- Et est-ce que vous êtes toujours suivi ? Pour cettepathologie, vous avez revu un rhumato ?- Je pense que je vais pas tar<strong>de</strong>r à revoir Dr W parceque ça coince un peu <strong>de</strong> partout. Mais j’ai pris uncoup sur <strong>la</strong> tête. Pour les cervicales, ça n’a pasarrangé- Comment vous avez fait ça ?- Comment j’ai fait ça ? On était en train d’arroser les50 ans d’un copain qui est un peu plus vieux que moi,dans sa grange. Les vieux, dont je faisais partie,mangeaient en bas. Les jeunes mangeaient sur <strong>la</strong>mezzanine, et il n’y avait pas <strong>de</strong> rambar<strong>de</strong> dansl’escalier. Et moi j’étais sous l’escalier. Sur le coup <strong>de</strong>3 heures <strong>de</strong> l’après-midi, il y en a un, complètementbourré, qui a raté <strong>la</strong> première marche. Bziiii…- Sur <strong>la</strong> colonne.- Sur <strong>la</strong> tête. Moi je l’ai pris vraiment sur <strong>la</strong> tête. Il aarraché une poignée <strong>de</strong> cheveux <strong>de</strong> ma voisine et il a« esquinté » mes <strong>de</strong>ux voisines. Et moi. A mon avis, ilm’a vraiment fusillé les cervicales.- Et là, ça pouvait pas rentrer dans le cadre d’unacci<strong>de</strong>nt du travail !- Non, mais effectivement là j’avais eu un scanner. Unscanner, j’avais porté un collier.- Ça c’est fini aux urgences ?- Non. Sur le coup j’étais sonné et j’ai dit « Non, ça va,j’ai rien ! ». Le len<strong>de</strong>main, j’ai plus raisonné pareil. Ilse trouve que <strong>la</strong> belle-sœur <strong>de</strong> celui-là, est unegran<strong>de</strong> copine <strong><strong>de</strong>s</strong> radiologues, elle m’a appelé lelen<strong>de</strong>main pour me <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r <strong><strong>de</strong>s</strong> nouvelles. J’ai dit« Ça va pas du tout ». Elle dit « Tu montes, je te faisun scanner à 2 heures ».- D’accord.- Alors, j’y suis allé tout <strong>de</strong> suite, et voilà quand jetourne le matin, ça fait « scratch.. »- Elles n’ont pas aimé, les cervicales !- Non. Voilà.- Lorsque vous étiez ma<strong>la</strong><strong>de</strong>, qu’est-ce que vousressentiez en tant que patient ? Le fait <strong>de</strong> passer <strong>de</strong>l’autre côté ?- C’est ce que je dis aux externes, que je disais déjà<strong>de</strong>puis très longtemps, c’est-à-dire, que moi j’aicommencé ma carrière comme ma<strong>la</strong><strong>de</strong>, avec <strong>la</strong>méningite. Enfin avec l’asthme d’abord, et avec <strong>la</strong>méningite après. Et avec l’asthme, j’ai quandmême eu recours aux pompiers <strong>de</strong>ux fois, <strong>la</strong>sensation <strong>de</strong> passer à côté <strong>de</strong> <strong>la</strong> porte. J’ai quandmême vécu <strong>de</strong>ux fois <strong>la</strong> douleur, <strong>la</strong> méningite c’estvraiment très douloureux, et <strong>la</strong> ponction lombairechez un mec qu’est pas coopérant, c’est-à-diremoi, c’est extrêmement douloureux aussi. Et doncje leur dis c’est un stage en tant que ma<strong>la</strong><strong>de</strong>, c’estvachement bien parce que ça vous fait voir lemon<strong>de</strong> <strong>de</strong> l’autre côté : perception <strong>de</strong> <strong>la</strong> douleur,perception <strong>de</strong> l’accueil, perception du bruit. On enrepar<strong>la</strong>it avec un copain qui s’est fait opéré d’unBenthall à 47 ans, là, il disait « Maintenant, je vaisfaire attention quand je suis en réa ». Parce qu’onpeut pas dormir en réa.- Il y a du bruit tout le temps.- Comme aux urgences, il y a du bruit tout le temps.Or, c’est <strong><strong>de</strong>s</strong> gros ma<strong>la</strong><strong><strong>de</strong>s</strong>, ils auraient besoin <strong>de</strong>dormir. Moi, cette notion-là, c’est une notion quej’ai <strong>de</strong>puis le début. Donc <strong>de</strong> dire que ça n’a faitque confirmer ce que je savais déjà.- Et vous m’avez dit « J’ai commencé ma carrière enétant ma<strong>la</strong><strong>de</strong> ». Donc vous avez l’impression qu’il yavait une continuité, comme ça ?- Je savais déjà que je vou<strong>la</strong>is être docteur.- Très jeune ?- C’est une idée qui vient en gros <strong>de</strong> 6 ou 7 ans. Etj’ai jamais changé.- D’accord.- Je savais que j’al<strong>la</strong>is être docteur, j’ai fait monstage <strong>de</strong> ma<strong>la</strong><strong>de</strong> avant <strong>de</strong> faire mon stage <strong>de</strong>docteur.- C’est intéressant ce que vous dites.- Ah mais, je le pense sérieusement alors que je lesouhaite à personne d’être aussi ma<strong>la</strong><strong>de</strong> que moi.Enfin, il y a bien pire, je re<strong>la</strong>tivise. Mais dansl’échelle <strong><strong>de</strong>s</strong> douleurs, et dans le <strong>de</strong>gréd’emmer<strong>de</strong>ments, il suffit d’un petit stage, il n’y apas besoin <strong>de</strong>..- Il y a une certaine variété en plus !- Oui, je pense que d’être <strong>de</strong> l’autre côté <strong>de</strong> <strong>la</strong>barrière, ça manque à plein <strong>de</strong> confrères, quand onvoit <strong>la</strong> manière dont… Ou alors ils se vengent ? Jene sais pas.- Quand vous avez été ma<strong>la</strong><strong>de</strong> après avoircommencé effectivement votre carrière <strong>de</strong>mé<strong>de</strong>cin, est-ce que vous avez ressenti <strong>de</strong> <strong>la</strong> part<strong><strong>de</strong>s</strong> praticiens qui se sont occupés <strong>de</strong> vous unegène ou une façon différente <strong>de</strong> vous appréhen<strong>de</strong>rparce que vous êtes aussi mé<strong>de</strong>cin ? Quand vousme dites « Quand je vais chez le spécialiste, je distout <strong>de</strong> suite que je suis généraliste » est-ce queparfois vous ressentez quelquefois que c’est unhandicap d’être un mé<strong>de</strong>cin ?- Alors avec celle qui m’a ponctionné, c’est vraiqu’en règle générale, j’ai le même réseau pour moique pour mes patients.- Donc ils vous connaissent.- Donc ils me connaissent. Et c’est apparemmenttoujours… Tiens ! J’en ai oublié, j’ai fait unepéricardite.- Huhum ?- J’étais en train <strong>de</strong> réfléchir à qui j’avais vu.Effectivement, c’est Dr X, un <strong><strong>de</strong>s</strong> chefs <strong>de</strong> U, quiavait été mon cardiologue à ce moment-là. Quandj’ai fait ma péricardite…. Je pensais que je faisaisun infarctus. On n’est pas très bon dans nosdiagnostics sur nous-mêmes. On sent bien qu’il sepasse quelque chose, qu’il faut qu’on bouge, maisdans l’autodiagnostic, on n’est quand même pasterriblement bon.- Ce qui est logique.- Parce qu’on est quand même faussé. Le seuldiagnostic que je n’ai pas raté, c’est celui <strong>de</strong>


- 130 -méningite. Parce qu’en fait j’ai dit à ma mère« Appelle le toubib, je fais une méningite ». Moi je nem’en souviens pas, mais tous ils le racontent. Ça doitêtre vrai. J’avais pas encore fait mé<strong>de</strong>cine. Depuisque j’ai fait mé<strong>de</strong>cine, je suis nettement moins bonsur moi. C’est-à-dire que là, j’étais sûr d’avoir uncancer <strong>de</strong> <strong>la</strong> thyroï<strong>de</strong>. Mais l’anapath a prouvé lecontraire. C’est bien. Je pensais faire un infarctus,c’était une péricardite. On n’en est pas très loin, mais,puis en plus j’étais jeune pour … Mais ça fait rien. Onest complètement déformé, on va…- On va tout <strong>de</strong> suite au plus grave ?- Je pense qu’on imagine le pire pour soi tropfacilement, ou au contraire, on fait du… C’estAlzheimer qui commence.- On occulte…- Oui occulter, comment on dit d’un cancéreux qui neveut pas le savoir ?- Le déni ?- Un déni. On est dans le déni complet. Ou alors onaggrave tout.- Une même personne peut passer <strong>de</strong>…- Peut faire les <strong>de</strong>ux, en fonction <strong>de</strong> <strong>la</strong> pathologie qu’i<strong>la</strong>.- Et du moment <strong>de</strong> <strong>la</strong> vie où ça se présente.- Et du moment <strong>de</strong> <strong>la</strong> vie où ça se passe. On voit çachez les ma<strong>la</strong><strong><strong>de</strong>s</strong>. A priori, il n’y a pas <strong>de</strong> raisonpour… Mais on est peut-être encore plus doué pourça.- Et pour <strong>la</strong> sciatique, vous pensez que vous réagiriezdifféremment maintenant si ça se présentait ?- Non, je ferais pareil.- Vous feriez pareil.- Une ceinture, un peu d’allègement, pas <strong>de</strong> visites,pas <strong>de</strong> bagnole.- Des manipu<strong>la</strong>tions ?- A pied, <strong><strong>de</strong>s</strong> manips. Non, je referais pareil. En plusc’est parce que ça a marché. Mais ça aurait pasmarché, j’en ai fait opéré plein, je sais chez qui je meferais opérer. Le côté charge <strong>de</strong> famille puis le côté…Un autre truc mais qui a peut-être rien à voir dansvotre esprit, mais qui dans le mien en a, je suis hyperbien assuré. Parce que j’ai cinq petits <strong>la</strong>rdons.Petits… le grand, il bosse. Il vole <strong>de</strong> ses propres ailescomme un grand. Mais du jour où j’ai commencé àavoir <strong><strong>de</strong>s</strong> enfants, j’ai pris une assurance-vie, unerente-éducation. On a réactualisé au fur et à mesure.Le fait d’avoir failli s’arrêter à 18 ans, ça m’a rendutrès pru<strong>de</strong>nt quant aux échéances, en espérant. Nidéfaitiste, ni pessimiste outre mesure, maisnettement réaliste quoi. On ne sait pas ce qui peutarriver : je roule en scooter en ville, je fais pas <strong><strong>de</strong>s</strong>ports hyper à risque, mais je fais quand même unpeu <strong>de</strong> montagne…- Quelle avait été <strong>la</strong> réaction <strong>de</strong> votre entourage quandvous avez fait cette sciatique parésiante ?- Qu’est-ce que vous enten<strong>de</strong>z par mon entourage ?- Votre famille et puis effectivement vos associés.Début 90, vous n’en n’aviez pas à l’époque.- Mes associés, j’en avais pas. Ma femme, ça l’a plutôtemmerdée parce que je ne pouvais plus m’occuper<strong><strong>de</strong>s</strong> gamins aussi bien qu’avant. Ma femme, ça lui vapas du tout quand je suis ma<strong>la</strong><strong>de</strong>. Ça l’énerve. C’estune affaire <strong>de</strong>… C’est comme ça.- Et par rapport à votre patientèle, est-ce que vous enaviez parlé ?- Non, ils sont adorables. Ils le voyaient bien.- Ils le voyaient.- Quand vous êtes obligé <strong>de</strong> vous lever comme ça(mime <strong>de</strong> se lever courbé, en se tenant le dos).Sympa. « J’ai une sciatique <strong>de</strong> mer<strong>de</strong> ! ». « Soignezvousdocteur ! ». Et quand au téléphone : « Ecoutez,je peux pas venir, je suis complètement… » Ah non !Ils sont à <strong>la</strong> fois compréhensifs et à <strong>la</strong> fois trèsexigeants. Donc, quand je suis fatigué, que je suisgris, ils sont les premiers à me dire. Quand j’ai eu lesoreillons et j’avais vraiment une sale gueule :« Docteur, faut faire quelque chose ! ». C’est lespremiers à dire « Vous êtes fatigué, vous <strong>de</strong>vriezvous reposer un peu. » Je dis « Oui, c’est ça. Etquand vous me <strong>de</strong>man<strong>de</strong>z un ren<strong>de</strong>z-vous je vaisvous répondre <strong>la</strong> même chose ? »- « Je peux pas, je me repose ! »- Voilà. Parce quand je pars <strong>de</strong>ux jours, ils medisent : « Dites donc, je suis venu, vous n’étiez paslà ! » Voilà. Non, c’est un métier qui bouffe. Surtoutque moi je le fais un peu à l’ancienne. La jeunegénération est beaucoup plus…- Plus à distance ?- Même pas plus <strong>de</strong> distance, ils se <strong>la</strong>issent moinsbouffer. Moi, je fous pas <strong><strong>de</strong>s</strong> gran<strong><strong>de</strong>s</strong> c<strong>la</strong>ques dansle dos <strong>de</strong> mes patients. C’est <strong><strong>de</strong>s</strong> patients, c’estpas <strong><strong>de</strong>s</strong> copains. C’est pas <strong>la</strong> distance, c’est le fait<strong>de</strong> ne pas se <strong>la</strong>isser bouffer par le travail.- C’était plus du travail dont je par<strong>la</strong>is, mettre letravail à distance.- Voilà. Je ne sais pas comment ils se démer<strong>de</strong>nt.Moi j’ai du mal.- Mais c’est dur <strong>de</strong> dire non.- Apprendre à dire non.- Vous pensez que cet événement, cette sciatiqueplus grave que les autres a changé votre pratique,notamment par rapport à ce type <strong>de</strong> pathologiequand vous avez les patients en face <strong>de</strong> vous quiont un problème rhumatologique?- Sûrement. C’est trop vieux pour que je mesouvienne du « virage » entre guillemets, maisquant aux conseils que je leur donne, oui, c’est sûr.- Aux conseils ?- Ça, c’est sûr. Parce que d’abord, je sais ce quec’est, je sais comment ça fait mal. Je connais <strong>la</strong>réponse, une <strong><strong>de</strong>s</strong> réponses, peut-être pas <strong>la</strong>réponse. J’ai pris du recul quand même aussi.Mais j’ai au moins une réponse efficace à leurproposer. C’est <strong>de</strong> se remuscler, <strong>de</strong> rééquilibrer,<strong>de</strong> bouger et d’essayer d’éviter tout ce qu’on peutéviter qui n’est pas bon. Donc d’aménager..- Donc, vous faites plus <strong>de</strong> prévention par rapport àce type <strong>de</strong> pathologie ?- Alors, au sens propre <strong>de</strong> prévention, non.- De prévention secondaire ?- De prévention <strong>de</strong> <strong>la</strong> récidive.- Voilà… quand <strong>la</strong> pathologie est là.- C’est vrai que je ne pense pas toujours à dire auxgens… On <strong>de</strong>vrait faire <strong>de</strong> <strong>la</strong> mé<strong>de</strong>cine préventivevraie.- Ça serait bien.- C’est ce qui prend le plus <strong>de</strong> temps. Ça voudraitdire qu’il faudrait qu’on se coltine le bonhomme<strong>de</strong>ux heures en face <strong>de</strong> nous, pour essayer <strong>de</strong> leurapprendre et « Vous travaillez comment ? Vousfaites quoi ? Qu’est ce que vous portez dans <strong>la</strong>journée ? » etc…- Une fois que les symptômes sont là, vous êtesquand même dans <strong>la</strong> prévention <strong>de</strong> <strong>la</strong> douleur ?- Après, une fois qu’on est <strong>de</strong>dans.- De <strong>la</strong> récidive.- On est dans <strong>la</strong> prévention <strong>de</strong> <strong>la</strong> récidive. Mais dans<strong>la</strong> prévention tout court, on a du mal à y être.- Et vous avez l’impression que vous êtes plusattentif à ce type <strong>de</strong> symptômes ? Les symptômesdont vous avec le plus pu souffrir ?- Mais j’ai toujours bien aimé <strong>la</strong> rhumato. Alors j’ensais rien.- D’accord.- Moi, j’ai une formation <strong>de</strong> mé<strong>de</strong>cin du sport aussi.C’est un peu intriqué.- Bien sûr.- C’est <strong><strong>de</strong>s</strong> domaines effectivement, tendons,articu<strong>la</strong>tions, muscles, que j’aime bien.- Qui vous intéressent.


- 131 -- Donc, je pense que j’étais déjà pas mauvais avantd’être coincé par ma sciatique à moi. Voilà. En plus jesuis passé externe en rhumato, interne en rhumato,voilà.- Et <strong>de</strong> manière plus globale, est-ce que ça a changévotre pratique ? Justement, vous me disiez que vousaviez modifié au niveau ergonomie, vous aviezchangé votre matériel <strong>de</strong> travail.- Au point <strong>de</strong> vue ergonomie du matériel, oui.- Ça n’a pas changé par contre vos horaires, voscharges <strong>de</strong> travail ?- Non, ça, c’est les associés qui ont changé.- Oui ?- C’est le fait <strong>de</strong> ça. Mais c’était aussi ça. Se rendrecompte que je ne pouvais pas bosser tout seul, toutle temps, que c’était pas possible.- Donc, c’est lié ?- Ça a sûrement participé, oui. Ça c’est sûr. Le fait <strong><strong>de</strong>s</strong>e dire qu’on ne peut pas se tuer à <strong>la</strong> tâche. Si on estplusieurs, on va pas se tuer à <strong>la</strong> tâche, il y auratoujours quelqu’un et intellectuellement par<strong>la</strong>nt, dansma fonction, dans mon fonctionnement, qui est unfonctionnement <strong>de</strong> service quand même.- Oui.- On est trois mé<strong>de</strong>cins conventionnés quand même.Le <strong>de</strong>rnier, il n’a pas eu le choix, mais moi, je l’avais.- Oui.- Dr U, elle est dans <strong>la</strong> même « éthique » que moi.C’est-à-dire du soin ouvert à tous.- Oui, parce que vous avez travaillé à l’hôpital ?- De qualité. Voilà. C’est le fait <strong>de</strong> leur donner unservice qui est <strong>de</strong> dire : « Atten<strong>de</strong>z, au pire, c’est pasmoi, mais on est informatisé. Le dossier, il est<strong>de</strong>dans, l’autre a accès au dossier, c’est forcémentbien écrit, il y a <strong>la</strong> <strong>de</strong>rnière ordonnance, il y a les<strong>de</strong>rniers examens. Vous êtes pas obligé <strong>de</strong> toutrépéter. Je suis pas là, mais le cabinet est ouvert ».Voilà. Et ça, c’est un confort intellectuel, et pasqu’intellectuel. Quand on s’en va, on sait qu’il y a lesautres, donc on n’est pas en souci par rapport à telstrucs. On peut partir l’esprit un peu plus léger, et onse fait moins engueuler en rentrant !- Oui. Je reviens sur ce que vous me disiez tout àl’heure : vous me disiez que vous aviez commencévotre carrière en faisant un stage <strong>de</strong> ma<strong>la</strong><strong>de</strong>, et quedu coup, forcément, ça avait modifié votre perceptiondu vécu <strong>de</strong> vos patients, et que vous y pensieztoujours, en tout cas… Est-ce que vous vous ren<strong>de</strong>zcompte parfois que vous êtes <strong>de</strong>venu plus sensible àce que les gens peuvent vous raconter, soit aucontraire, un peu moins tolérant face à <strong><strong>de</strong>s</strong> p<strong>la</strong>intesqui seraient moins graves que ce que vous avezéventuellement pu connaître ?- Non. J’utiliserai pas le mot ni sensible ni tolérant.- D’accord.- Je pense que ça, ça confère une meilleure écoute etune meilleure perception, mais pas, on peut diresensible, mais pas sensiblerie.- Tout à fait, c’est différent.- Voilà, c’est sûr que j’y prête plus attention. Après, jere<strong>la</strong>tivise quelquefois, en disant « Atten<strong>de</strong>z, vousavez une sciatique, on est d’accord, mais elle n’estpas paralysante, regar<strong>de</strong>z, vos réflexes sont touslà », voilà. Alors, dans certains cas, quand je sais queles gens n’ont pas un poste pénible, ça va pasm’empêcher <strong>de</strong> leur dire : « Ecoutez, c’est pas unarrêt qu’il vous faut, c’est <strong>de</strong> bouger ». Voilà. Donc,tolérant, si, si c’est une femme enceinte. Mais c’est lefait qu’elle est enceinte. Non, voilà, je pense pas queça ait changé au sens <strong>de</strong> <strong>la</strong> tolérance. Ça a sûrementchangé au sens <strong>de</strong> l’écoute et <strong>de</strong> <strong>la</strong> compréhension.Le fait d’avoir vécu ce qu’ils ont, eux, ils vivent, vouspermet <strong>de</strong> mieux comprendre ce qu’ils essaient <strong>de</strong>faire passer. Et puis ça ne passe pas toujours trèsbien.- Tout à fait. Le ressenti <strong>de</strong> <strong>la</strong> douleur.- Dans le sens <strong>de</strong> <strong>la</strong> transcription, dans le sens <strong>de</strong> <strong>la</strong>perception <strong>de</strong> ce qu’ils vou<strong>la</strong>ient vous dire, <strong>de</strong> <strong>la</strong>douleur, d’avoir vécu ce qu’est une douleurinvalidante, vraie, voilà, quoi.- Tout à fait.- Moi, ça m’a guéri <strong><strong>de</strong>s</strong> boîtes, <strong>la</strong> méningite. Lestrucs <strong>de</strong> mé<strong>de</strong>cine, j’ai jamais pu y aller ! Lestroboscope et les lumières comme ça, au bout<strong>de</strong> dix minutes, j’ai l’impression que j’ai <strong>la</strong> tronchequi a triplé <strong>de</strong> volume, et <strong>de</strong>hors. Ça fait partie <strong><strong>de</strong>s</strong>rares séquelles que j’ai <strong>de</strong> ce truc. Donc…- Vous avez modifié votre seuil, effectivement. Donc,je reste sur <strong>la</strong> pratique globale, mais, je change unpeu <strong>de</strong> sujet : est-ce que vous prenez en charge,vous-même, <strong><strong>de</strong>s</strong> mé<strong>de</strong>cins , <strong><strong>de</strong>s</strong> généralistes ou<strong><strong>de</strong>s</strong> spécialistes ?- Plein, plein, plein.- En tant que mé<strong>de</strong>cin traitant?- Oui, les profs, <strong><strong>de</strong>s</strong> mé<strong>de</strong>cins, <strong><strong>de</strong>s</strong> retraités, <strong><strong>de</strong>s</strong> pasretraités.- Vous trouvez que c’est difficile?- C’est différent. Mais c’est pas difficile.- D’accord.- On a tendance à être encore plus vigi<strong>la</strong>nt.- Oui.- Et moi je suis très transactionnel. C’est-à-dire queje pose tout sur <strong>la</strong> table et je discute.- « Qu’est-ce que vous en pensez ? »...- Oui.- Où ils en sont <strong>de</strong> leur raisonnement ?- Voilà. Je les intègre dans le raisonnement. Commej’aimerais peut-être qu’on fasse avec moi.- Peut-être ?- C’est-à-dire que je pose tout sur <strong>la</strong> table, et voilà,et on discute quand c’est « posable » tout d’uncoup. Parce que j’en ai eu où c’était effectivement<strong><strong>de</strong>s</strong> fins <strong>de</strong> vie. Donc, là, on n’a pas tout posé sur<strong>la</strong> table. Mais, pas loin non plus, quoi. On peut direque quand il y a un déni, qu’il y a une défensevraie, on les ménage. Mais je vais pasdirectement : « Vous savez que vous êtes en train<strong>de</strong> crever <strong>de</strong> votre cancer ? » Non, mais <strong>de</strong> dire :« Vous avez vu, ça va moins bien, peut-être que sivous avez <strong><strong>de</strong>s</strong> trucs à prévoir ».- Donc, c’est un raisonnement différent ? Ondialogue différemment ?- Non. J’essaie <strong>de</strong> dire. J’implique beaucoup mespatients. J’essaie d’impliquer mes patients, etquand il y a une décision à partager, j’essaie <strong>de</strong>leur faire partager. Mais effectivement, encore plusavec <strong><strong>de</strong>s</strong> confrères.- D’accord.- Et puis on n’est pas sur les mêmes pré requis,entre un patient et un confrère.- Oui, tout à fait, c’est pourquoi je dis qu’il y a unautre raisonnement. On sait que le raisonnementeffectivement a priori, a commencé chez le patienten face. Par rapport à vos patients, comment estceque vous estimez <strong>la</strong> prise en charge et le suivi<strong>de</strong> votre santé ? Comment vous le qualifieriez ?- Vous pouvez répéter <strong>la</strong> question ?- Comment vous estimez que votre santé est suiviepar rapport à celle <strong>de</strong> vos patients ?- La mienne ?- Oui, <strong>la</strong> vôtre.- Par rapport à celle <strong>de</strong> mes patients ? Moins bien.- Moins bien ? C’est-à-dire <strong>de</strong> façon moinsrégulière ?- Mais j’ai pas <strong>de</strong> suivi !- D’accord.- Faut que ça parle. Si ça parle, je m’en occupe. Siça parle pas… En <strong>de</strong>hors <strong>de</strong> l’histoire urologiqueoù je me fais <strong>la</strong> prise <strong>de</strong> sang tous les 18 mois.- Donc, là, vous êtes dans le cadre <strong>de</strong> <strong>la</strong> préventionet du dépistage.


- 132 -- Oui. Mais pour le reste, non. J’ai une mé<strong>de</strong>cine dutravail, effectivement, qui me rappelle en gros tousles <strong>de</strong>ux ans, donc j’ai un mini suivi <strong>de</strong> base.- D’accord.- Ça me permet d’être à jour <strong>de</strong> mes vaccins. C’estdéjà ça <strong>de</strong> pris, et <strong>de</strong> savoir que j’ai toujours <strong>la</strong> mêmetension.- D’accord, vous êtes rattaché à un cabinet <strong>de</strong>mé<strong>de</strong>cine du travail ?- Pas du tout, mais moi je fais toujours hospitalier, enpartie.- Oui, c’est vrai. Donc c’est dans ce cadre-là.- Dans ce cadre là, à U, on a une vraie mé<strong>de</strong>cine dutravail qui marche bien.- Oui, tout à fait. D’accord. Voilà, pour terminer,j’aimerais bien que vous me disiez pourquoi vousavez accepté <strong>de</strong> répondre à cette étu<strong>de</strong>.- Excellente question ! Je pense qu’on retombe sur lemême truc que ce que j’avais dit au début. Un,d’abord parce que c’est une thèse, que c’est vous quiveniez, il n’y avait pas <strong>de</strong> truc à faire. Donc, c’estencore plus simple que <strong>de</strong> remplir un questionnairequ’on nous envoie et qui est dans <strong>la</strong> pile qui est là, etqui reste. La démarche est plus simple ; lesquestionnaires : c’est pas qu’on veut pas mais c’estqu’on trouve pas le temps.- On oublie ?- On oublie, c’est pas par mauvaise volonté, c’estqu’on est débordé par les paperasses, les papiers.- Bien sûr.- Des trucs… Alors là, un entretien, un mec qui dit« Est-ce que je peux venir vous interviewer ? » Oui.Vous m’appelez, on bloque le moment. Il est bloqué,il est bloqué : on le fait. Alors que l’autre, on dit, on vale faire, on va le faire et… mer<strong>de</strong> ! Elle doit l’avoirrendue sa thèse !… Voilà.- Et pourtant, le questionnaire, il doit vous prendremoins <strong>de</strong> temps que l’entretien.- Oui, mais c’est pas programmé.- Du point <strong>de</strong> vue pratique.- Quand c’est calé, c’est calé. En fait, on arrive toujoursà trouver du temps. Le problème est <strong>de</strong> caler leséléments au bon endroit.- Et d’y penser.- Et d’y penser. Donc voilà. J’ai un petit rôled’enseignant, je me sentais un peu en obligation. Etc’est un sujet qui m’interpelle quelque part. Tout àfait, le mé<strong>de</strong>cin-ma<strong>la</strong><strong>de</strong>.- Et par votre histoire, je comprends bien.- Et moi je suis sûr que ça a renforcé quelque part mavocation. Parce que j’hésite pas à parler <strong>de</strong> vocation.J’ai jamais rien voulu faire d’autre et j’ai eu mamé<strong>de</strong>cine à l’arrache. Aux tripes parce que j’étais pashyper bril<strong>la</strong>nt au lycée.- On est bril<strong>la</strong>nt toujours à sa façon.- Non mais voilà, sco<strong>la</strong>irement par<strong>la</strong>nt. Non, non, je medévalorise pas, ça va ! J’ai pas besoin d’Anafranil® !Ni je pense pas avoir <strong><strong>de</strong>s</strong> grosses chevilles, ni… Jefais un métier qui me passionne, que j’aimebeaucoup. Voilà.- Mais votre vocation avait commencé tôt.- Oui. C’est comme ça, sinon c’est pas une vocation !- D’accord. Je vous remercie beaucoup <strong>de</strong> m’avoirreçue pour cet entretien et <strong>de</strong> m’avoir accordé <strong>de</strong>votre temps pour participer à cette étu<strong>de</strong>.Entretien avec le Docteur C,réalisé à <strong>la</strong> Faculté Rockefellerle 27 mai 2008- Actuellement, je suis en fin d’internat <strong>de</strong> mé<strong>de</strong>cinegénérale, et je réalise une étu<strong>de</strong> sur le suivi <strong><strong>de</strong>s</strong>mé<strong>de</strong>cins généralistes, lorsqu’ils <strong>de</strong>viennent euxmêmesma<strong>la</strong><strong><strong>de</strong>s</strong>, et donc patients. Voilà, c’est ceque je vous avais dit dans mes différents mails.L’étu<strong>de</strong> que je réalise s’inscrit dans un travail <strong>de</strong>recherche, donc, pour <strong>la</strong> réalisation <strong>de</strong> ma thèse.Je vous remercie <strong>de</strong> m’avoir accordé du tempspour répondre à mes questions et puis aussi pourparler d’un sujet qui est aussi personnel que celui<strong>de</strong> votre santé. Je ne sais pas si vous avez <strong><strong>de</strong>s</strong>questions… Sinon, on passe à <strong>la</strong> suite <strong>de</strong>l’entretien.- Non, je trouve que c’est bien qu’effectivement, il yait <strong><strong>de</strong>s</strong> gens qui se penchent sur <strong>la</strong> question <strong>de</strong> <strong>la</strong>santé <strong><strong>de</strong>s</strong> mé<strong>de</strong>cins généralistes installés et ça mesemble important.- D’accord. Est-ce que vous pourriez me parler unpetit peu <strong>de</strong> vous, en tant que mé<strong>de</strong>cin, dans unpremier temps pour me resituer un peu votreexercice ?- Alors, je suis mé<strong>de</strong>cin généraliste, installée engroupe, dans une petite ville <strong>de</strong> 50 000 habitants àpeu près. Je suis installée <strong>de</strong>puis 13 ans.J’exerce… au départ, j’exerçais un jour sur <strong>de</strong>ux,puisqu’on a repris un cabinet à <strong>de</strong>ux, et que, quandje travaille, ma collègue ne travaille pas etinversement, puisqu’on ne peut pas être <strong>de</strong>ux dansle même cabinet médical. Maintenant on aaugmenté un peu notre temps <strong>de</strong> travail. On aaménagé un local, donc je travaille un petit peuplus. Et puis je suis également maître <strong>de</strong> stage« Enseignant Clinique Ambu<strong>la</strong>toire », on ditmaintenant. Et j’ai aussi surtout un fortengagement au sein d’un syndicat médical.- D’accord.- Voilà.- Et, est-ce que vous aviez exercé avant <strong>de</strong> vousinstaller dans ce cabinet ?- J’avais… Alors, j’ai remp<strong>la</strong>cé <strong>de</strong>ux mois avant <strong>de</strong>m’installer, mais c’était en fait dans <strong>la</strong> foulée <strong>de</strong>mon instal<strong>la</strong>tion.- D’accord.- Donc, remp<strong>la</strong>cé vraiment, non. Peut-être unesemaine, mais je n’en suis pas sûre. C’était il y alongtemps.- D’accord. Vous vous êtes rapi<strong>de</strong>ment installée,pour après exercer. D’accord. On va parler <strong>de</strong> vousmaintenant plutôt en tant que patiente. Avant <strong>de</strong>parler <strong>de</strong> <strong>la</strong> pathologie, du problème qui fait qu’onse rencontre aujourd’hui. On avait choisi <strong>de</strong> parler,donc, <strong>de</strong> votre problème <strong>de</strong> prise en chargechirurgicale, un peu pris en décalé, vous m’aviezexpliqué. Est-ce que vous pourriez me retracerrapi<strong>de</strong>ment l’histoire <strong>de</strong> vos antécé<strong>de</strong>nts, s’il y en aeu avant ce problème ? De façon succincte.- Hormis <strong>de</strong>ux grossesses, j’al<strong>la</strong>is dire presquenormales, sauf <strong>la</strong> première où j’étais en sixièmeannée <strong>de</strong> mé<strong>de</strong>cine, et où j’ai fait une menaced’accouchement prématuré, une MAP, trèsrapi<strong>de</strong>ment. Donc j’ai été arrêtée longtemps.Hormis ça, il y a peut-être <strong><strong>de</strong>s</strong> choses qui vont merevenir en cours <strong>de</strong> route, mais j’ai un terrainatopique. J’ai été opérée <strong>de</strong> l’appendicite, il y alongtemps. Sinon, du point <strong>de</strong> vue pathologie pure,j’ai fait… C’est compliqué à dire, puis c’est trèspersonnel. Enfin, c’est pas personnel, c’est un peucompliqué. J’ai fait une bêtise, un jour, je sais pas


- 133 -si vous pouvez arrêter <strong>de</strong>ux secon<strong><strong>de</strong>s</strong> ? …(interruption brève <strong>de</strong> l’enregistrement)- On va dire, un problème infectieux lié à une p<strong>la</strong>ie.Voilà.- Voilà. Ça enregistre, là ?- Oui, j’ai remis…- D’accord. Donc, effectivement, j’avais fait unecomplication infectieuse suite à une p<strong>la</strong>ie. Voilà, c’esttout. Sinon, je suis sous contraceptifs.- Est-ce que vous prenez un autre traitementactuellement ?- Et ben, je me suis mise au Delursan® !- D’accord.- Parce que j’ai continué à faire <strong><strong>de</strong>s</strong> coliqueshépatiques après ma cholécystectomie.- D’accord.- Là, j’ai traîné un peu, en me disant que ça al<strong>la</strong>itpasser, puis on a <strong>la</strong> chance d’avoir un collègue dansnotre région qui était gastro-entérologue avant d’êtremé<strong>de</strong>cin généraliste. Je lui ai <strong>de</strong>mandé conseil, en luiexpliquant ce que j’avais. Il m’a dit, ma foi, d’attendre.J’ai suivi ses conseils. Mais je ne l’ai pas consulté, ilne m’a pas examinée.- C’était par téléphone ?- Non, c’était lors d’un trajet pour une réunionsyndicale.- D’accord. De façon un peu informelle, alors.- Tout à fait.- D’accord. Et en <strong>de</strong>hors du problème <strong>de</strong> santé, duproblème chirurgical dont on va reparler, est-ce quevous avez un bi<strong>la</strong>n en cours, actuellement, pour unproblème <strong>de</strong> santé qu’on serait en train <strong>de</strong>…?- Un bi<strong>la</strong>n en cours ?- Oui.- Non, j’ai été obligée <strong>de</strong> faire un bi<strong>la</strong>n pour <strong><strong>de</strong>s</strong> raisons<strong>de</strong> prêt, tout bêtement, donc j’ai fait un bi<strong>la</strong>n <strong>de</strong> santé,et voilà.- D’accord.- Une prise <strong>de</strong> sang et c’est tout.- Pas <strong>de</strong> problème très récent ?- Non, non, non. Pas <strong>de</strong> problème. Non.- De manière générale, comment est-ce que vousprenez en charge votre santé ?- Très mal. Très mal parce que je fais ce que je disqu’il ne faut pas faire. C’est-à-dire, je m’automédique, et j’ai pas <strong>de</strong> mé<strong>de</strong>cin traitant,malheureusement.- D’accord. C’était ma question.- J’ai… C’est pas que je ne le souhaite pas, c’est-à-direque c’est très compliqué pour moi parce que j’ai unengagement syndical au niveau régional, et auniveau national, et donc, je connais beaucoup <strong>de</strong>mé<strong>de</strong>cins généralistes et ça m’est … Je ne suis pastrès à l’aise. Pour moi, c’est pas très simple. J’aiconfiance dans mes collègues, une confianceabsolue dans mes collègues, mais ça m’estcompliqué d’aller parler <strong>de</strong> moi et <strong>de</strong> ma santé à <strong><strong>de</strong>s</strong>collègues que je vois dans d’autres circonstances.- Est-ce que vous l’aviez envisagé ?- Je l’ai envisagé, bien sûr. Je l’ai envisagé, mais il y aaussi une question <strong>de</strong> temps, tout bêtement. C’estvrai que je suis toujours à <strong>la</strong> recherche d’un momentpour m’occuper <strong>de</strong> moi. Voilà.- Oui. Comme beaucoup. Quelle patiente vous pensezêtre ?- Je pense être une patiente qui oublie, quand elle estpatiente, qui oublie qu’elle est mé<strong>de</strong>cin, et qui<strong>de</strong>man<strong>de</strong> au corps médical <strong>de</strong> <strong>la</strong> traiter comme unepatiente X. Notamment, je me souviens, pourl’accouchement, après l’accouchement, j’ai beaucoupapprécié qu’il y ait <strong><strong>de</strong>s</strong> personnes, qu’il y ait uneauxiliaire puéricultrice qui me reparle <strong>de</strong> l’al<strong>la</strong>itementcomme si je ne savais rien. Je trouve ça trèsconfortable et très agréable. Je préfère ça, plutôt quequelqu’un qui va me dire « Oui, ben tu sais » ou« Oui, vous savez » alors qu’on n’est pas dans ceschéma-là, on n’est pas dans le schéma duprofessionnel, on est dans un autre schéma. E tpour moi c’est important que les professionnels,justement, oublient qu’ils ont <strong><strong>de</strong>s</strong> professionnels enface et que… Voilà.- D’accord. Donc, on va maintenant parler un peuplus précisément <strong>de</strong> <strong>la</strong> pathologie. C’est pas unepathologie. Je ne sais pas exactement <strong>de</strong> quoi ils’agit : ce problème chirurgical. Est-ce que vouspourriez me raconter votre parcours <strong>de</strong> ma<strong>la</strong><strong>de</strong>,justement par rapport à cette histoire.- Si je vous le dis, vous allez hurler.- Non.- J’ai commencé à faire <strong><strong>de</strong>s</strong> crises <strong>de</strong> cholécystite etj’y repensais hier soir parce que je me disais « Ilfaut quand même que je sois assez précise dansce que je dis ». Il y a au moins huit ans.- D’accord.- Voire peut-être même dix, peut-être même plus.Donc, j’ai commencé à faire <strong><strong>de</strong>s</strong> crises <strong>de</strong>cholécystite, il y a très longtemps. À l’époque,j’avais un… J’avais fait une échographie, donc il yavait un calcul unique qui était assez gros, maispas monstrueux, voilà. J’ai plus les…- Et cette échographie, c’est vous qui vous l’étiezprescrite ?- Oui, oui. Parce que là, lors d’une… J’ai commencéà avoir <strong><strong>de</strong>s</strong> symptômes digestifs, et, comme tousles ma<strong>la</strong><strong><strong>de</strong>s</strong>, on se pose <strong><strong>de</strong>s</strong> questions. Moi je mesuis posé <strong><strong>de</strong>s</strong> questions, puis à un moment je mesuis dit « Si ça se trouve, c’est ça, quoi ».- D’accord.- Donc, je suis allée faire une échographie eteffectivement, c’était ça. Parce que…- Vous…- Excusez-moi, avant, moi j’ai souvent tendance àdire, comme beaucoup <strong>de</strong> collègues, « Oui, jesomatise, c’est bon, c’est rien ». On <strong>la</strong>isse <strong>de</strong> côté,on somatise et on avance. Puis quand même,c’était quand même gênant, donc je suis allée fairel’écho. Il y avait effectivement une lithiasevésicu<strong>la</strong>ire unique assez importante.- D’accord. Quelle a été votre démarche à cemoment-là ?- En bien, j’ai dit que peut être à un moment, ilfaudrait que je me fasse opérer.- Oui ?- Et puis, bizarrement ça a été, ça a évolué par <strong><strong>de</strong>s</strong>crises très fortes et puis après qui m’ont <strong>la</strong>isséetranquille pendant un certain <strong>la</strong>ps <strong>de</strong> temps,jusqu’à… Je sais exactement quand ça acommencé. C’était en 2004, fin 2004 où j’ai eu…Je le sais parce que c’est lors d’une formation,donc j’ai exactement <strong>la</strong> date, où là, ça a commencéà être extrêmement rapproché, les crises. Lescrises ont commencé à se rapprocher, et où il afallu que j’adapte un régime pour éviter d’avoir <strong><strong>de</strong>s</strong>crises et <strong>de</strong> continuer à avoir mon activité. Unrégime sans gras, jusqu’à ce que les crises<strong>de</strong>viennent quasi quotidiennes, et où à un moment,je sois obligée <strong>de</strong> me déci<strong>de</strong>r à me faire opérer.- D’accord. Donc, là, vous êtes allée consulter unconfrère ?- Je suis allée consulter un confrère. Alors, pas dansl’hôpital <strong>de</strong> <strong>la</strong> ville où j’exerce.- D’accord.- Parce que je trouve que c’est toujours compliqué,et je suis allée juste <strong>la</strong> ville à côté.- D’accord. Vous exercez à C ?- Oui. Et donc, je suis allée sur Z.- D’accord. Donc, le premier confrère, ça a été leradiologue, pour l’échographie, plusieurs annéesplus tard, le chirurgien.- Il y a quelque chose <strong>de</strong> biaisé que je ne vous aipas dit, c’est que je suis mariée avec un mé<strong>de</strong>cinurgentiste.


- 134 -- D’accord.- Donc, effectivement, quand j’al<strong>la</strong>is pas bien, on endiscutait. C’est vrai que…- Est-ce qu’il vous examinait ?- Non, il ne m’a jamais examinée, non, non. Ondiscutait <strong>de</strong>…- De <strong>la</strong> prise en charge.- Oui.- D’accord. Donc c’est à ce sta<strong>de</strong>, oui effectivement, ily a eu un dé<strong>la</strong>i <strong>de</strong> plus <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux ans ?- Oui.- Plus, même, d’après ce que vous me dites.- Oui.- Avant que vous vous décidiez à prendre cet avischirurgical. Il a décidé <strong>de</strong> vous opérer rapi<strong>de</strong>ment ?Comment ça s’est passé ?- Il m’a dit oui, qu’il fal<strong>la</strong>it le faire assez rapi<strong>de</strong>ment.J’avais encore <strong><strong>de</strong>s</strong> impératifs professionnels, maissurtout, mais surtout syndicaux, et donc, je recu<strong>la</strong>is,je recu<strong>la</strong>is, je recu<strong>la</strong>is. Puis à un moment, j’en ai parléau collègue du syndicat et il m’a dit « Il faut que tu yailles, il faut arrêter ».- Parce que <strong>la</strong> gêne était trop importante.- Je mangeais, je mangeais quasiment plus, en toutcas plus rien. La moindre molécule <strong>de</strong> gras entraînait<strong><strong>de</strong>s</strong> crises. Voilà, quoi !- Donc, ça <strong>de</strong>venait handicapant au quotidien.- Voilà. Tout à fait.- Surtout avec votre activité syndicale, j’imagine quevous étiez amenée à faire <strong><strong>de</strong>s</strong> repas.- Tout à fait.- Donc ce n’était pas simple.- Ça <strong>de</strong>venait très compliqué.- Donc, le traitement, ça a été <strong>la</strong> cholécystectomie.- Oui, tout à fait.- Ça a été réalisé…- En coelioscopie. Alors là aussi, extraordinaire, parceque, les gens ne le disent pas, mais <strong>la</strong> coelioscopieaprès, ça fait très mal ! (sourire) On ne le sait pas !Maintenant, je le dis à mes patients : « Après, c’estdésagréable ». Donc, voilà. Donc, les jours suivants,j’ai pas trouvé ça très agréable, comme expérience.On va dire ça comme ça. Je crois que ce qui m’a leplus interrogée, c’est que je suis partie extrêmementconfiante en me disant « Bon ben maintenant leshistoires <strong>de</strong> douleur, c’est éliminé, il n’y a plus <strong>de</strong>douleur en post-op ». Je suis partie vraimenttranquille en chirurgie. Et j’ai eu tellement mal que jene comprenais pas. Mais vraiment, quoi, c’était unesidération, pour moi, en me disant « Pourquoi j’aimal ? Pourquoi ils ne me calment pas ? Pourquoi onme <strong>la</strong>isse comme ça ? ». Puis c’est très compliqué,quand on est mé<strong>de</strong>cin et qu’on est patient, parcequ’on a un peu l’impression <strong>de</strong> déranger quand on ditqu’on a mal.- Vous arriviez à le dire, à vous p<strong>la</strong>indre <strong>de</strong> cesdouleurs ?- À un moment donné, j’avais tellement mal que je meposais <strong>la</strong> question, je me disais « Il a oublié une<strong>la</strong>me, quoi ». La moindre respiration, j’avais unedouleur fulgurante. C’était insupportable. Et non, non,en discutant précisément avec <strong><strong>de</strong>s</strong> gens qui avaientété opérés, c’est normal : ils ont tous eu ça. Sauf quemoi, ça m’interroge aussi en tant que mé<strong>de</strong>cin, en medisant « Quand même, <strong>la</strong> prise en charge <strong>de</strong> <strong>la</strong>douleur en post-opératoire, c’est quand même pasça, quoi ! ». Il y a quand même, on est quandmême…- Et vous n’avez pas eu d’évaluation <strong>de</strong> <strong>la</strong> douleurrapi<strong>de</strong>ment par les infirmières ?- Non. Non, je vous dis, il y avait un peu un côté…- « Cette patiente est mé<strong>de</strong>cin »…- « Elle nous fait un peu… Elle nous casse un peu lespieds ! »- Oui ?- J’avais un peu ce sentiment-là. Mais peut-êtrequ’on <strong>de</strong>vient parano quand on est ma<strong>la</strong><strong>de</strong> ? C’estpossible.- Et est-ce que vous n’aviez pas attendu aussi, pourvous p<strong>la</strong>indre, que <strong>la</strong> douleur <strong>de</strong>vienne vraimenttrès forte ?- Ah ben bien sûr !- Parce que vous dites, que c’était vraiment..- Oui, oui, je vous assure…- Difficile à supporter.- Je me disais « Il a oublié une <strong>la</strong>me, quoi ».- « Il y a quelque chose <strong>de</strong> pas normal ».- Oui.- Suite à cette… Après l’intervention, vous étiezrestée hospitalisée quelques jours ?- Quatre jours.- Quatre. Après, vous avez été suivie, revue parvotre chirurgien ?- Alors, j’ai été revue, donc, j’avais <strong><strong>de</strong>s</strong> HBPM etcomme tout bon mé<strong>de</strong>cin, j’ai fait une complicationpuisque que j’ai fait une hépatite sur HBPM. Làaussi, c’est pareil, je me disais « Mais c’est bizarre,à chaque fois qu’on m’injecte, je suis pas bien,après j’ai <strong><strong>de</strong>s</strong> nausées ». Donc, j’ai attendu,attendu, attendu. Jusqu’à ce que je me dise « Il y aun souci, quoi, qu’est-ce qui se passe ? ». Alorsj’ai fait un bi<strong>la</strong>n et effectivement mes transa étaientmontées.- Que vous vous êtes prescrit vous-même ?- Voilà.- Je précise, juste. Suite à cette chirurgie, est-ce quevous avez revu le chirurgien ?- Oui, en post-op.- En post-op. Une fois ?- Oui, une fois, je lui ai quand même dit que jen’avais pas été très satisfaite. Mais, c’estcompliqué, <strong>de</strong> dire à un confrère que… En plus,c’était le week-end, il n’était pas là, parce que moi,j’avais forcément bloqué sur un week-end.- Vous avez été opérée le vendredi ?- J’ai été opérée le vendredi. Donc le week-end, iln’était pas là. Donc, là aussi, c’est compliqué <strong>de</strong>dire, « Ben, voilà, j’ai été opérée, mais j’ai mal ».Donc <strong>la</strong> personne qui est venue, ça s’est pas bienpassé avec lui, parce que je lui aurai volontiersba<strong>la</strong>ncé ma perfusion à <strong>la</strong> tête !…(rires)- Quand on a mal.- Donc, voilà, il avait su que ça ne s’était pas bienpassé et que je n’avais pas été bien calmée, donc.- C’est un confrère qui était <strong>de</strong> gar<strong>de</strong>, dont vous meparlez ?- C’est ça. Oui, donc on peut comprendre qu’il nesoit pas content d’être dérangé parce qu’il y a uneconsoeur qui est douloureuse, mais enfin, c’estquand même pas très confortable, quoi.- Oui. C’est légitime, comme <strong>de</strong>man<strong>de</strong>. Et vous avezressenti, justement, <strong>de</strong> <strong>la</strong> part <strong>de</strong> ce mé<strong>de</strong>cin <strong>de</strong>gar<strong>de</strong>, ou <strong>de</strong> votre chirurgien, <strong>de</strong> <strong>la</strong> gêne à prendreen charge un autre mé<strong>de</strong>cin ? C’était votre position<strong>de</strong> mé<strong>de</strong>cin qui était un handicap pour <strong>la</strong> prise encharge ?- Alors, le chirurgien au départ non, moi je ne l’ai pasressenti comme ça. Il m’a juste <strong>de</strong>mandé si jevou<strong>la</strong>is coelio ou pas coelio, j’aurais su, j’aurais ditpas coelio.- Oui, parce que c’était à vous <strong>de</strong> choisir ?- Oui, quand même.- D’accord.- Le patient a le droit <strong>de</strong> choisir entre coelio ou pascoelio.- Oui, en fonction du contexte. Il vous a donné sonavis, lui ?- Oui, oui. Non là, ça me semb<strong>la</strong>it une attitu<strong>de</strong>normale, sauf que j’avais pas toutes les donnéesen main, au niveau douleur. Voilà, après, je l’airevu.


- 135 -- Est-ce que ça a été plus délicat peut-être quand vouslui avez exprimé, justement, votre…- Ça et puis le fait que j’ai… Moi, je pensais que jefaisais encore <strong><strong>de</strong>s</strong> crises <strong>de</strong> coliques hépatiquesdans les suites, et c’est rétrospectivement, que j’aipensé faire une hépatite médicamenteuse, parce quele bi<strong>la</strong>n s’était normalisé quand je l’ai vu. Et en fait,quand je sentais que ça n’al<strong>la</strong>it pas bien, j’ai vu quemes transa avaient monté. J’ai changé d’HBPM etaprès j’avais plus <strong>de</strong> symptômes et j’al<strong>la</strong>is mieux. Etje l’ai vu dans les suites, et évi<strong>de</strong>mment, mon bi<strong>la</strong>nhépatique s’était normalisé.- D’accord. Donc, vous l’avez vu à distance <strong>de</strong>l’hépatite.- Voilà.- D’accord. Et vos p<strong>la</strong>intes par rapport à <strong>la</strong> prise encharge <strong>de</strong> <strong>la</strong> douleur, est-ce que ça a été difficile pourlui <strong>de</strong> l’entendre, ou est-ce que vous avez senti unegêne ?- Je pense qu’il ne l’a même pas entendu.- Il ne l’a même pas entendu. Et <strong>la</strong> prise en charge <strong>de</strong><strong>la</strong> douleur par le confrère qui était <strong>de</strong> gar<strong>de</strong>, est-ceque le fait que ce soit une consoeur, c’était.. ?- Horrible !- Vous pensez que c’était, le fait que vous soyezmé<strong>de</strong>cin, a rajouté un obstacle ?- Il est arrivé en me disant « C’est un problèmedouloureux, ça ne me regar<strong>de</strong> pas, au revoir ! ».- D’accord. « Il faut appeler l’interne <strong>de</strong> mé<strong>de</strong>cine » ?- « Il faut appeler l’anesthésiste, ça ne me regar<strong>de</strong>pas ».- D’accord.- Bon, l’anesthésiste est venu, est resté aussi cinqminutes, je crois, et puis a dit « Il faut faire ça, ça,ça », et il est reparti. J’ai pas eu le sentiment d’êtreparticulièrement sou<strong>la</strong>gée après. Ce qu’on m’a fait,j’ai pas eu l’impression que j’étais mieux, voilà.- Et l’anesthésiste savait que vous étiez mé<strong>de</strong>cin ?- Oui, oui.- D’accord. Bon ! Donc, vous n’êtes plus suivie, vousavez eu le conseil par votre collègue gastroentérologue,mais vous n’avez pas <strong>de</strong> suivi propre ?- Non.- Pour les problèmes hépatiques ?- Non.- D’accord. Vous avez été obligée <strong>de</strong> vous arrêter,pour cette histoire chirurgicale ?- Oui. Pas assez longtemps.- D’accord. Ça a été compliqué <strong>de</strong> s’arrêter ?- C’est toujours compliqué, c’est ce que je vous disais,je recu<strong>la</strong>is, je recu<strong>la</strong>is en disant : « Là, c’est vraimentpas possible, j’ai trop <strong>de</strong> réunions, j’ai <strong><strong>de</strong>s</strong> chosesimportantes, j’ai <strong><strong>de</strong>s</strong> manifestations importantes, c’estvraiment pas possible ». Voilà, j’attendais, j’attendais,j’attendais. En plus <strong>de</strong> mon engagement syndical,j’avais aussi, en cours, un projet professionnel oùj’al<strong>la</strong>is faire <strong><strong>de</strong>s</strong> crédits, donc, faire <strong><strong>de</strong>s</strong> emprunts. Etdonc je me disais « Tant que je tiens et qu’il n’y a pas<strong>de</strong> choses qui sortent, ça va ». Mais, bon, à unmoment donné, il a fallu que j’y aille, voilà. J’ai pluspu tenir. J’ai tenu le plus possible.- Vous m’avez un peu répondu à cette question, maisj’aimerais qu’on y revienne, à ce moment-là, quandvous étiez hospitalisée, quelle ma<strong>la</strong><strong>de</strong> vous étiez ?- Déprimée !- Déprimée.- Déprimée, je vais vous dire pourquoi. À C, on a unpetit hôpital sympa, les chambres sont individuellesavec <strong><strong>de</strong>s</strong> cabinets <strong>de</strong> toilette individuels. Z, c’est uncouloir immense, c’est <strong><strong>de</strong>s</strong> chambres, on était <strong>de</strong>uxpar chambre, et il n’y a pas <strong>de</strong> toilettes individuelles, iln’y a pas <strong>de</strong> cabinets <strong>de</strong> toilette individuels, donc lesWC sont collectifs, les douches sont collectives.- Dans le couloir, donc.- Dans le couloir. Je suis quelqu’un d’assez pudique.Surtout dans ce genre <strong>de</strong> choses. Je veux diredéjà, hein ?- Et quand on a un drain, quand on a une perf.- Voilà, c’était super, je traversais le couloir en petitechemise <strong>de</strong> nuit. « Merci, Messieurs Dames ! ».Alors, j’étais déprimée.- C’était un moment vraiment difficile.- Oh, là là, j’étais déprimée…- En plus <strong>de</strong> <strong>la</strong> douleur.- Oui. J’étais déprimée. Oui.- D’accord. C’est très différent comme question : estceque vous aviez fait <strong><strong>de</strong>s</strong> recherches par rapport àvotre pathologie, notamment, pas tellement pour <strong>la</strong>cholécystectomie, j’imagine, mais pour après, lesdouleurs hépatiques que vous ressentiez ?- Pas du tout. Non, dans ces cas-là, je vous dis, jeme <strong>la</strong>isse porter. Donc, j’attends qu’on me dise.Donc, et c’est vrai que je n’ai même pas posé <strong>la</strong>question, parce que pour moi, après unecholécystectomie, il n’y avait pas <strong>de</strong> problème. J’aipas eu d’exemple <strong>de</strong> patients qui se soient p<strong>la</strong>ints<strong>de</strong> quelque chose après. Mais je pense que j’ai paseu <strong>de</strong> patient non plus, parce que je les boosteavant, et que dès qu’ils ont une crise, je les envoie,enfin, se… Je n’ai pas eu <strong>de</strong> patients qui ontattendu aussi longtemps que j’ai attendu. Elle étaitvraiment scléro-atrophique. Elle était limite <strong>de</strong>l’explosion, enfin, elle était vraiment pas belle, mavésicule.- Vous vouliez tenir jusqu’au bout.- Voilà. Enfin, l’explosion, j’exagère. C’est imagé,mais elle était pas belle, quoi.- Vous me parliez <strong>de</strong> vos patients. Comment vousleur avez annoncé ? Est-ce que vous leur avezannoncé votre problème <strong>de</strong> santé ?- Je leur ai dit que j’al<strong>la</strong>is être obligée <strong>de</strong> m’absenter.- D’accord.- Et comme je prends quand même <strong><strong>de</strong>s</strong> vacances,aux vacances sco<strong>la</strong>ires, parce que j’ai <strong><strong>de</strong>s</strong> enfantsen bas âge, il y en a un certain nombre qui m’on ditsur le ton <strong>de</strong> <strong>la</strong> p<strong>la</strong>isanterie « Vous partez encoreen vacances ! ». Alors je leur ai dit « Non, c’estpour un problème <strong>de</strong> santé ».- Est-ce que votre entourage a eu une réactionparticulière face à ce problème <strong>de</strong> santé ? Votrefamille, votre associée ?- Non, non.- Pas une réaction qui vous ait marquéeparticulièrement.- Non.- D’accord. Donc, justement, là j’aimerais qu’onparle <strong><strong>de</strong>s</strong> conséquences que ça a pu avoir survotre pratique. Vous étiez en train <strong>de</strong> commencer àen discuter. Justement, concernant ce type <strong>de</strong>pathologie, est-ce que cette histoire, votre histoirepersonnelle a changé votre pratique ? Vous étiezen train <strong>de</strong> me dire que oui.- Oui, parce que je… Et encore, maintenant je suisen train <strong>de</strong> me dire… Je suis en train <strong>de</strong> penser àune patiente que j’ai incitée à se faire opérer, mais,est-ce que je l’ai prévenue ? Elle était tellementdans un autre schéma. Elle avait <strong><strong>de</strong>s</strong> grosproblèmes personnels, est-ce que je lui ai parlé <strong>de</strong>ça ? J’aurais dû. Peut-être je ne l’ai pas fait. C’estpossible.- Est-ce que vous êtes plus attentive à ce type <strong><strong>de</strong>s</strong>ymptômes chez les gens quand ils s’enp<strong>la</strong>ignent ?- Ah ben, sur tout ce qui est coliques hépatiques,oui. Oui, bien sûr. Je l’étais déjà parce que, je vousdis, ça fait probablement plus <strong>de</strong> dix ans que je …- Que vous en souffriez ?- Oui. Donc, quand on a <strong><strong>de</strong>s</strong> symptômes simi<strong>la</strong>ires,on dit « Il se peut bien que ce soit ça, quandmême ».


- 136 -- Et, en termes <strong>de</strong> prévention, est-ce que vous faitesplus <strong>de</strong> prévention pour ce type <strong>de</strong> pathologie ?- Prévention ? Il n’y a pas beaucoup <strong>de</strong> prévention.Hormis...- Oui, au niveau du régime, <strong><strong>de</strong>s</strong> conseils ?- Oui. Alimentaires, effectivement. Leur dire d’éviter <strong>de</strong>manger gras pour éviter <strong><strong>de</strong>s</strong> crises <strong>de</strong> coliquesimportantes, voilà, mais bon.- Après, ça ne fait plus vraiment partie <strong>de</strong> <strong>la</strong>prévention, mais leur parler rapi<strong>de</strong>ment d’uneintervention qu’il va falloir envisager, ce genre <strong>de</strong>choses, ça vous le faites beaucoup plus.- Oui.- Est-ce que vous avez l’impression que vous vousintéressez plus aux patients qui souffrent <strong>de</strong> ça ?- Non.- Non ?- Non parce que c’est une pathologie qui est bénigne,quand même. C’est pas...- Mais qui peut être handicapante.- Oui, oui.- Et leur vécu, après <strong>la</strong> chirurgie, par exemple, est-ceque vous leur posez <strong>la</strong> question ?- Voilà, là, je suis plus attentive, effectivement, etnotamment, je pense à cette patiente qui s’est faitopérer mais pas du tout au même endroit que là oùj’étais, du coup. Mais c’est bizarre, parce que, maisj’étais sûre que moi ça avait été un couac local, jepeux pas envisager… Je suis complètement stupi<strong>de</strong>,je peux pas envisager qu’on ne prenne pas encharge <strong>la</strong> douleur !- Bien sûr.- Donc il doit y avoir un espèce <strong>de</strong> déni, chez moi, oùje me dis « Mais ils vont le prendre en charge, quoi !Ils vont forcément le prendre en charge ! » C’est pas<strong>la</strong> peine d’alerter les gens et <strong>de</strong> leur faire peur avant,parce qu’on va les calmer. Ah ben non, elle aussi !Non. Le fait <strong>de</strong> voir que c’était pas une problématiquelocale, ni liée au fait que je sois mé<strong>de</strong>cin machin, ducoup maintenant, si, oui, ça m’interroge plus et jepense que je vais plus le dire aux patients. Et après,c’est aussi pareil, le seuil douloureux, il est trèsvariable d’une personne à l’autre, mais…- Est-ce que vous avez été amenée à changer votreréseau. Est-ce que c’est un confrère vers lequel vousn’adressez plus trop vos patients ?- Ah ben j’adressais déjà personne, donc…- D’accord.- Je l’avais justement choisi pour ça, parce que c’estun mé<strong>de</strong>cin, que je ne connaissais absolument pas,donc, voilà, donc c’était plus par rapport à ça. Monchoix s’était fait là-<strong><strong>de</strong>s</strong>sus. J’avais <strong>de</strong>mandé à <strong><strong>de</strong>s</strong>collègues <strong>de</strong> Z en leur <strong>de</strong>mandant « Si tu te faisaisopérer, à l’hôpital, vers qui tu irais ? ». Donc ilsm’avaient conseillée.- D’accord.- Et <strong>de</strong> manière plus générale, en <strong>de</strong>hors <strong><strong>de</strong>s</strong>problèmes digestifs ou hépatiques, est-ce que vousavez l’impression que votre pratique a changé,<strong>de</strong>puis cet épiso<strong>de</strong>, qui a été bref, mais où, parfois, jedis « Vous êtes passée <strong>de</strong> l’autre côté <strong>de</strong> <strong>la</strong>barrière ». Vous êtes <strong>de</strong>venue patient, vous avezsouffert, vous l’avez bien décrit.- Je pense que c’est vis-à-vis <strong>de</strong> <strong>la</strong> douleur postchirurgicale,où je suis peut-être un petit peu plusattentive avec les patients qui sortent <strong>de</strong> chirurgie.- D’accord.- En leur <strong>de</strong>mandant si on les a bien pris en chargepour <strong>la</strong> douleur, mais pour tout type <strong>de</strong> chirurgie, c’estpareil. Par exemple à C, j’ai <strong><strong>de</strong>s</strong> patients qui se sontfait opérer du genou. On sait très bien que <strong>la</strong>chirurgie du genou est une chirurgie extrêmementdouloureuse, et, ils n’ont pas eu mal. Et pareil pourles hystérectomies sur C. Moi, mes patientes, ellesn’ont pas mal.- D’accord.- C’était…- C’est à adapter à chaque patient effectivement.- Oui, oui.- Vous avez changé votre façon <strong>de</strong> travailler, suite àça ?- De travailler ?- Oui, votre rythme <strong>de</strong> travail. Ça s’est plutôtamélioré ?- Ça s’est plutôt aggravé, je dirais !- Le rythme s’est aggravé. Vos douleurs se sontaméliorées, donc…- Oui. Mes douleurs se sont améliorées. J’ai fait, j’aicontinué à faire pendant quelques, enfin, j’aicontinué à faire, jusqu’à récemment <strong><strong>de</strong>s</strong> crises <strong>de</strong>coliques hépatiques quand même, et du coup,c’est pour ça que j’ai été amenée prendre duDelursan®.- D’accord. Donc, c’est ce que vous disiez, ça n’apas réglé complètement le problème.- Non, parce que je me disais, comme ça m’énervequand les patients me disent ça, mais je me disais« Oh, ça va passer, ça va passer ! » Et puis non.Effectivement, ça gêne au niveau social. Moi,c’était plus au niveau social, que ça me gênait,parce que <strong>la</strong> douleur, on fait avec. Enfin (rires) non,on n’est pas obligé…- Est-ce que vous pensez que vous réagiriezdifféremment si vous étiez hospitalisée, là,maintenant ?- Je pense que j’anticiperais, et je pense que je<strong>de</strong>man<strong>de</strong>rais effectivement, s’il y a un protocoleanti-douleur en post-op.- D’accord.- Notamment le week-end.- Et notamment le week-end !- Que les infirmières peuvent appliquer en l’absencedu mé<strong>de</strong>cin. D’accord.- C’est marrant, excusez-moi.- Dites-moi.- Oui, en avançant, il y avait aussi une autre chosequi m’est arrivée.- Dans vos antécé<strong>de</strong>nts ?- Au niveau antécé<strong>de</strong>nts, au cours <strong>de</strong> ma pratique,et qui, là, m’a vraiment fait changer <strong>de</strong> pratique, etoù je ne me suis pas arrêtée etc… C’est que j’aifait une névralgie cervico-brachiale majeure, où j’aiété obligée <strong>de</strong> me mettre sous corticoï<strong><strong>de</strong>s</strong>. Alors là,c’est ce que je disais, je prenais tout et n’importequoi pour arriver à calmer <strong>la</strong> douleur, et où j’aiarrêté brutalement et où j’ai fait un syndrome <strong><strong>de</strong>s</strong>evrage. Et là, ça a été du n’importe quoi dansl’après prise en charge. Mais par contre, au niveau<strong>de</strong> <strong>la</strong> prise en charge <strong>de</strong> tout ce qui estnévralgique, ça a changé mon regard.- D’accord.- Sur les patients qui ont ce genre <strong>de</strong> choses.- Et vous ne vous étiez pas arrêtée.- Non.- Est-ce que vous-même vous prenez en charged’autres mé<strong>de</strong>cins, que ce soit <strong><strong>de</strong>s</strong> généralistes ou<strong><strong>de</strong>s</strong> spécialistes ?- Non. Euh… J’ai une patiente qui est étudiante enmé<strong>de</strong>cine mais qui n’est pas mé<strong>de</strong>cin.- Que vous connaissiez avant qu’elle commence sesétu<strong><strong>de</strong>s</strong> ?- Non.- D’accord.- Ah, par contre, j’en ai une que je connais, qui esten étu<strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>de</strong> mé<strong>de</strong>cine. Il y en a <strong>de</strong>ux. Autrement<strong><strong>de</strong>s</strong> collègues ? Non, j’ai parfois <strong><strong>de</strong>s</strong> collègues quime <strong>de</strong>man<strong>de</strong>nt <strong><strong>de</strong>s</strong> conseils. Non.- D’accord.- Mais là aussi, c’est pareil, les gens me connaissentdans mon rôle syndical, et je pense que c’estcompliqué, pour eux.


- 137 -- Et pour vous, est-ce que ça l’est, si vous aviez <strong><strong>de</strong>s</strong>collègues qui… ?- Non, je suis extrêmement pénible sur le secretmédical. Et notamment, je soigne, par contre, le frèred’un confrère, et il a un peu tiqué parce que je ne luitransmets aucune information. Parce que je trouveque c’est normal : c’est le respect du patient. Moi jepense que ça ne me poserait pas <strong>de</strong> problème, maispeut-être qu’on ne pense pas à moi, non plus,comme mé<strong>de</strong>cin traitant, en tant que collègue. Peutêtreque c’est ça aussi.- D’accord. Effectivement, il n’y en a pas beaucoup quevous preniez en charge.- Non.- Donc, <strong>de</strong> manière générale, comment estimez-vous<strong>la</strong> prise en charge <strong>de</strong> votre santé, le suivi <strong>de</strong> votresanté par rapport à ce que vous faites avec vospatients ?- Je suis nulle dans ma prise en charge personnelle !(rires) Non, non, c’est nul. C’est nul. J’aurais unpatient comme ça, mais je le mets <strong>de</strong>hors !- A ce point-là ?- Non je lui dis… Ben parce que c’est n’importe quoi,c’est n’importe quoi !- En termes <strong>de</strong> prévention, <strong>de</strong> dépistage ?- En termes <strong>de</strong> prévention, <strong>de</strong> dépistage, <strong>de</strong> suivi,même d’examens cliniques, on n’est jamais examiné,enfin, c’est du n’importe quoi ! Je suis consciente, jesuis consciente que c’est… Mais je me trompe peutêtre,que c’est général dans notre profession. J’aivraiment ce sentiment-là, quoi.- D’accord. C’est peut-être pour ça qu’on se rencontreaujourd’hui ! Ben justement, avant <strong>de</strong> terminer,j’aimerais que vous me disiez pourquoi vous avezaccepté <strong>de</strong> répondre à cette étu<strong>de</strong>.- D’abord parce que je pense qu’il faut que les choseschangent au niveau <strong>de</strong> <strong>la</strong> prise en charge <strong><strong>de</strong>s</strong>mé<strong>de</strong>cins généralistes. C’est vrai que je le dis moimême« Faites ce que je dis mais ne faites pas ceque je fais ». Et je pense que ça serait vraimentimportant que les mé<strong>de</strong>cins généralistes aient euxaussi un mé<strong>de</strong>cin traitant. Et notamment dans <strong>la</strong>prévention. Alors, là, je suis plus dans <strong>la</strong> préventiondu burn-out, parce que on a beaucoup <strong>de</strong> collèguesqui sont en burn-out. Donc, plus dans cetteprévention-là, aussi.- Dans <strong>la</strong> prise en charge psychologique.- Je pense que c’est très très compliqué, parce quec’est vrai qu’on n’a pas parlé <strong><strong>de</strong>s</strong> pathologiespsychiatriques, mais on voit bien, qu’on a <strong><strong>de</strong>s</strong>collègues, <strong><strong>de</strong>s</strong> fois, qui ne vont pas bien. On voitbien qu’il y en a, on se <strong>de</strong>man<strong>de</strong> pourquoi ilsexercent d’ailleurs, certains, mais on voit bien qu’il y a<strong><strong>de</strong>s</strong> soucis <strong>de</strong> ce côté-là. On est une popu<strong>la</strong>tioncomme une autre, mais on n’est pas pris en charge,du tout.- Il n’y a pas <strong>de</strong> mé<strong>de</strong>cine du travail.- Non. Pas <strong>de</strong> mé<strong>de</strong>cine du travail pour les mé<strong>de</strong>cinslibéraux, pour les mé<strong>de</strong>cins généralistes. Alors, je nesais pas. C’est que pour les mé<strong>de</strong>cins généralistes,votre thèse, ou l’ensemble <strong><strong>de</strong>s</strong> mé<strong>de</strong>cins libéraux ?- Oui, ma thèse, elle ne touche que les généralistes,oui. J’ai dû choisir un échantillon.- Très bien.- Comme je serai moi-même généraliste, je me suisfocalisée sur les généralistes. Mais c’est vrai qu’il y a<strong><strong>de</strong>s</strong> étu<strong><strong>de</strong>s</strong> intéressantes qui ont pu être faites ou quiseraient à faire, chez les spécialistes. Tout à fait.Bon, et bien, je crois qu’on a abordé beaucoup <strong>de</strong>thèmes. Il y a juste une petite chose : au moment oùvous êtes présentée, j’aurais besoin pour l’étu<strong>de</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong>avoir quel âge vous avez ?- 43 ans.- D’accord. Merci.- Je suis mariée, j’ai <strong>de</strong>ux enfants…- C’est important, effectivement. Je ne suis pas sûred’avoir posé <strong>la</strong> question à tout le mon<strong>de</strong>. Voilà, jecrois qu’on a fait le tour <strong>de</strong> mon gui<strong>de</strong> d’entretien.- D’accord.- Je vous remercie beaucoup d’avoir accepté <strong>de</strong> merencontrer.- Merci à vous <strong>de</strong> vous pencher sur <strong>la</strong> problématique<strong>de</strong> <strong>la</strong> mé<strong>de</strong>cine générale, c’est une bonne chose.- On va essayer <strong>de</strong> voir si on peut en sortir <strong><strong>de</strong>s</strong>conclusions et pouvoir donner, je ne sais pas, <strong><strong>de</strong>s</strong>lignes directrices ?Entretien avec le Docteur D,réalisé à son cabinet le 3 juin 2008- Je suis en fin d’internat <strong>de</strong> mé<strong>de</strong>cine générale.Donc, je réalise une étu<strong>de</strong> sur le suivi <strong><strong>de</strong>s</strong>généralistes, lorsqu’ils <strong>de</strong>viennent eux-mêmesma<strong>la</strong><strong><strong>de</strong>s</strong> et donc patients. Voilà.- Au sens <strong>la</strong>rge, que ce soit ma<strong>la</strong>die ou acci<strong>de</strong>nt : jevous avais prévenue.- Tout à fait. En fait, quand on rentre dans le cadre<strong>de</strong> <strong>la</strong> prise en charge médicale.- D’accord.- L’étu<strong>de</strong> s’inscrit dans le cadre <strong>de</strong> mon travail <strong>de</strong>recherche pour <strong>la</strong> réalisation <strong>de</strong> ma thèse <strong>de</strong>docteur en mé<strong>de</strong>cine. Je vous remercie, dans unpremier temps, <strong>de</strong> me recevoir pour me parler d’unsujet aussi personnel que celui <strong>de</strong> votre santé. Jene sais pas si vous avez <strong><strong>de</strong>s</strong> questions, sinon, onpasse à <strong>la</strong> suite <strong>de</strong> l’entretien… D’accord. Est-ceque vous pourriez me parler <strong>de</strong> vous, d’abord entant que mé<strong>de</strong>cin, pour me situer un peu votre typed’exercice, <strong>de</strong>puis quand vous êtes installé…- Alors, installé <strong>de</strong>puis 1981.- D’accord.- Tout seul. Généraliste secteur 2. Maître <strong>de</strong> stage<strong>de</strong>puis dix ans.- D’accord.- Fac <strong>de</strong> Lyon Nord. Voilà.- Est-ce que vous aviez exercé avant <strong>de</strong> vousinstaller ?- SOS Mé<strong>de</strong>cins.- D’accord. Donc toujours dans un contexte plutôturbain ?- Uniquement urbain. J’ai fait <strong><strong>de</strong>s</strong> remp<strong>la</strong>cements enmontagne, mais <strong><strong>de</strong>s</strong> remp<strong>la</strong>cements.- Avant <strong>de</strong> vous installer ?- Avant <strong>de</strong> m’installer.- D’accord. Donc maintenant on va parler <strong>de</strong> vousen tant que patient, si vous voulez bien. Est-ce quevous pourriez me dire <strong>de</strong> façon succincte, quelsont été vos antécé<strong>de</strong>nts, s’il y a eu <strong><strong>de</strong>s</strong> problèmes<strong>de</strong> santé qui ont jalonné votre vie ?- Antécé<strong>de</strong>nts médicaux, si je me rappelle, à ce quem’a dit ma mère, une coqueluche quand j’étaisnourrisson. Voilà pour le passé. Sur le p<strong>la</strong>nmédical, hernie hiatale, reflux gastro oesophagien,et sur le p<strong>la</strong>n chirurgical, trois interventionschirurgicales : ostéosynthèse, jambe droite, 2003,<strong>de</strong>ux hernies discales L4-L5 et L5-S1, 2003 etab<strong>la</strong>tion du matériel, décembre 2003.- D’accord. Donc cette année a été forte enémotions.- Quatre mois d’arrêt <strong>de</strong> travail en 2003.- Est-ce qu’actuellement vous avez un problème <strong><strong>de</strong>s</strong>anté ou un bi<strong>la</strong>n <strong>de</strong> santé en cours ?- Hypertension. On m’a découvert en 2005 <strong>de</strong>l’hypertension.- En 2005 ? D’accord, pour <strong>la</strong>quelle vous avez untraitement.


- 138 -- Je vois un cardio. Le cardiologue s’est occupé <strong>de</strong> moiet… Alors, comment quand j’ai découvert cettehypertension ? Maux <strong>de</strong> tête.- Elle était symptomatique…- Céphalées, j’ai pris ma tension, ensuite : 15, 16, 17.Donc j’ai vu le cardiologue.- Oui.- Qui m’a quand même trouvé une HVG, hypertrophiedu ventricu<strong>la</strong>ire gauche concentrique. Alors, ça c’étaiten 2005. Donc <strong>de</strong>puis, je suis sous ARA2. LeTareg®, pour ne pas le nommer. Donc, je prends 1Tareg®80 tous les jours soigneusement <strong>de</strong>puis troisans. Et je n’ai plus d’HVG. Contrôle échographiqueun an après et je n’ai plus d’HVG. Je peux pas vousen dire plus.- D’accord. Donc, actuellement, vous avez un suivirégulier par le cardiologue ?- Pas du tout, ça fait <strong>de</strong>ux ans que je l’ai pas vu. Maisje fais mon auto surveil<strong>la</strong>nce bien correctement. Et jesuis en <strong><strong>de</strong>s</strong>sous <strong>de</strong> 14.- D’accord.- Et je prends soigneusement mon Tareg®.- Bon, j’al<strong>la</strong>is vous poser une question et vouscommencez déjà à m’y répondre ! J’al<strong>la</strong>is vous<strong>de</strong>man<strong>de</strong>r comment vous preniez en charge votresanté. Et en corol<strong>la</strong>ire, ma question est « Est-ce quevous avez un mé<strong>de</strong>cin traitant ? »- Je n’ai pas fait <strong>de</strong> déc<strong>la</strong>ration <strong>de</strong> mé<strong>de</strong>cin traitant.- D’accord. Est-ce que vous avez songé à choisir unconfrère ?- Absolument. Il paraît qu’on peut être soi-même sonpropre mé<strong>de</strong>cin traitant.- Tout à fait.- Donc, c’est ce que je vais faire. Du coup, sachant quevous êtes passée, je vais envoyer cette semaine monformu<strong>la</strong>ire à moi-même. Enfin à ma caisse <strong>de</strong> Sécu.- D’accord. Donc, vous l’envisagez, et vous vous êteschoisi. D’accord. Quel patient vous pensez être ?- Hou ! Ça veut dire quoi, ça ?- Il y a certains mé<strong>de</strong>cins…- Négligent, c’est ça que vous voulez dire, négligent ?- C’est vous qui allez me le dire. Il y a certainsmé<strong>de</strong>cins qui me disent qu’ils ont plutôt tendance « àfaire l’autruche », effectivement. Ce sont <strong><strong>de</strong>s</strong>expressions qu’ils utilisent, ou au contraire, <strong><strong>de</strong>s</strong>mé<strong>de</strong>cins qui ont une tendance « plutôthypocondriaque ».- Voilà. Je suis ni hyper anxieux, ni hypocondriaque, ninégligent. Je suis ouvert entre les <strong>de</strong>ux si vousvoulez.- D’accord.- Puisque en 2005, j’ai bien consulté puisque j’avais<strong><strong>de</strong>s</strong> choses que j’estimais anormales : sensationsvertigineuses et maux <strong>de</strong> tête. Donc, hop ! j’aiconsulté.- Vous n’avez pas attendu.- Non. Je ne vais pas consulter pour une bronchite. Il ya quinze jours, j’ai eu une bronchite, je n’ai pasconsulté, une rhino-pharyngite non plus, voilà. Pour <strong>la</strong>petite pathologie bénigne, qui fait 80 % <strong>de</strong> notreactivité, je ne consulte pas, je me débrouille tout seul.- Vous faites <strong>de</strong> l’auto prescription.- Par contre, dès que j’ai un symptôme anormal, là, jesuis obligé <strong>de</strong> confier à un confrère, Voilà.- D’accord. Vous avez une prise en charge médicale…- J’ai une prise en charge médicale tout à faittraditionnelle, normale, sans hypocondrie, sansnégligence, voilà.- D’accord. Donc maintenant on va parler plusprécisément <strong>de</strong> <strong>la</strong> pathologie qui fait qu’on serencontre aujourd’hui, si ça ne vous embête pas. Parle terme pathologie, j’englobe effectivement <strong><strong>de</strong>s</strong>choses plus générales. Vous m’aviez parlé <strong>de</strong>problèmes médicaux suite à un acci<strong>de</strong>nt ?- Donc, j’avais jamais eu <strong>de</strong> problème ou quoi quece soit avant, et c’est en 2003 que tout acommencé, suite à un acci<strong>de</strong>nt. Tout simplementen sortant <strong>de</strong> mon cabinet, un soir à 20 heures,janvier 2003, j’ai glissé sur une p<strong>la</strong>que <strong>de</strong> verg<strong>la</strong>s.- D’accord.- Et je me suis fracturé <strong>la</strong> jambe. Plus exactement, jeme suis brisé <strong>la</strong> jambe. Fracture tibia-péroné,spiroï<strong>de</strong> quasi ouverte en tombant <strong>de</strong> ma hauteur,s’il vous p<strong>la</strong>it.- Vous étiez seul ? Il n’y avait pas un véhicule quivous avait heurté.- Pas du tout. J’étais heureusement avec monépouse. Moins 4 <strong>de</strong>grés. J’ai attendu bien une<strong>de</strong>mi-heure par terre les pompiers, que lespompiers arrivent pour venir me chercher. J’étaisincapable, évi<strong>de</strong>mment, <strong>de</strong> bouger. Je me suisretrouvé à <strong>la</strong> clinique, heureusement. Hôpital W,d’abord. Le contexte était : embouteil<strong>la</strong>ges partout,bref, pas <strong>de</strong> téléphone portable, rien.- A cause <strong><strong>de</strong>s</strong> intempéries.- A cause <strong><strong>de</strong>s</strong> intempéries monstrueuses. Et puishôpital W. Et puis j’ai réussi à joindre mon copainchirurgien qui est à <strong>la</strong> Clinique X et j’ai été opéré lelen<strong>de</strong>main à 9h. Morphine, que j’avais jamais prisavant, morphine, perfusions, pour poser lecontexte. Il faut savoir que pour <strong>la</strong> première fois <strong>de</strong>ma vie, je passais <strong>de</strong> l’autre côté <strong>de</strong> <strong>la</strong> barrière.- C’est justement ça qui m’intéresse.- Voilà. Donc, je me suis retrouvé allongé par terre,pris en charge par les pompiers, acci<strong>de</strong>nté sur lebord <strong>de</strong> <strong>la</strong> route. J’avais beau être mé<strong>de</strong>cin avecma femme à côté, j’ai été obligé <strong>de</strong> subir commetout le mon<strong>de</strong>. Belle leçon <strong>de</strong> mo<strong><strong>de</strong>s</strong>tie, si vousvoulez. Transporté dans un véhicule <strong>de</strong> pompiers,le seul qui leur restait, sur un brancard avec unejambe brisée. L’horreur ! J’étais content d’arriver àl’hôpital W, où on m’a piqué à travers le pantalon,carrément. Une injection <strong>de</strong> morphine, d’entrée,parce qu’ils m’ont vu arriver, je <strong>de</strong>vais être livi<strong>de</strong>,couvert <strong>de</strong> sueur, donc tchac ! Ils m’ont quandmême mis au déchoquage, pendant une <strong>de</strong>miheure,parce que j’étais en hypothermie, quandmême, une <strong>de</strong>mi-heure à moins 4 <strong>de</strong>grés, parterre !- Vous me disiez que <strong>la</strong> fracture était quasi ouverte.Il y avait une p<strong>la</strong>ie ?- Voilà.- Vous aviez perdu du sang ? Pas extériorisé ?- Pas extériorisé. J’étais quand même enhypotension, j’avais autour <strong>de</strong> 8 ½, 9. Quandmême hypothermie. Une fois que j’étais sousmorphine, j’ai récupéré du poil <strong>de</strong> <strong>la</strong> bête, tout ça,perfusé, après radiographié et puis ils m’ont plâtréà l’hôpital W. Et pour me plâtrer, ils m’ontanesthésié au gaz, s’il vous p<strong>la</strong>it !- Avec <strong>de</strong> l’Entonox® ?- Avec, je ne sais plus comment il s’appelle, le grosballon, là. Ça, c’est extrêmement désagréable.- D’accord.- Nauséeux, vertigineux.- Vous l’avez très mal supporté.- Très mal supporté. Une fois plâtré et morphiné,tout al<strong>la</strong>it bien. J’ai été hospitalisé à <strong>la</strong> clinique X,où mon copain m’a pris en charge. Il m’aremorphiné un peu plus. J’ai passé une nuitsublime. Ma femme m’a dit que j’étais un peueuphorique sous l’effet <strong>de</strong> <strong>la</strong> morphine, et puis lelen<strong>de</strong>main matin, j’ai été opéré sous péridurale.J’ai récupéré sans problème. J’ai été hospitalisétrois jours, rentré chez moi, béquilles. J’ai trouvéune remp<strong>la</strong>çante, sans problème, tout <strong>de</strong> suite,une <strong>de</strong> mes anciennes stagiaires.- Vous me disiez que vous avez été arrêté quatremois, c’est ça ?


- 139 -- Alors, j’ai été arrêté <strong>de</strong>ux mois d’entrée, puisquej’étais béquilles, plâtré, à <strong>la</strong> maison. Et comme maremp<strong>la</strong>çante prenait son mercredi, comme on était enplein hiver, j’avais une grosse activité, je suis venutravailler en fauteuil rou<strong>la</strong>nt le mercredi.- Parce que vous faites beaucoup <strong>de</strong> pédiatrie.- Je fais beaucoup <strong>de</strong> pédiatrie. Donc le mercredi, troissemaines après mon intervention, je suis venu enfauteuil rou<strong>la</strong>nt au cabinet bosser le mercredi.- Parce qu’il n’était pas possible <strong>de</strong> trouver quelqu’und’autre ?- Voilà. Je peux vous dire que personne m’a <strong>de</strong>mandéd’arrêt <strong>de</strong> travail quand ils m’ont vu dans l’état oùj’étais, en fauteuil rou<strong>la</strong>nt. Déjà ! J’ai repris montravail, donc… janvier… février… le 1 er mars. J’aitravaillé tout le mois <strong>de</strong> mars, un peu en fauteuilrou<strong>la</strong>nt, un peu béquillé, je me suis débrouillé.Ensuite j’ai repris tout à fait normalement le 1 er avril.Et là, très violentes douleurs lombaires, avec, je m’ensuis rendu compte, <strong>de</strong> violentes douleurs lombaires,d’intensité croissante. Avec un périmètre <strong>de</strong> marcheque je fixerais à 50 mètres, 100 mètres. Douleursinsupportables, obligé <strong>de</strong> m’asseoir sur les capots<strong><strong>de</strong>s</strong> voitures, etc. Donc j’ai tout <strong>de</strong> suite compris quej’avais une pathologie lombaire, donc je me suis tout<strong>de</strong> suite auto… avec douleur sciatique, évi<strong>de</strong>mment.Donc, j’ai téléphoné à mon copain radiologue, tout <strong><strong>de</strong>s</strong>uite : scanner lombaire. Volumineuse hernie discale.J’ai vu le neurochirurgien le 15 avril, docteur W à <strong>la</strong>Clinique Y. Il m’a dit « Il n’y a pas <strong>de</strong> souci »,j’avais un Lassègue à 30 <strong>de</strong>grés même pas, douleursjour et nuit, et là, IRM. IRM <strong>la</strong> semaine qui suivait. Ilm’a dit « Faut y aller ! ». Donc chirurgie. J’étais…J’avais le mariage <strong>de</strong> mon fils à Paris, donc j’ai quandmême pris le TGV, ceinture lombaire. J’avais fait toutun dossier pour l’hôpital américain <strong>de</strong> Neuilly, au casoù j’aie une sciatique paralysante.- Avant l’intervention ?- Oui. Donc, il est sympa, il est venu m’opérer le 2 mai.Il est rentré <strong>de</strong> week-end pour m’opérer le 2 mai.Parce que je commençais à avoir <strong><strong>de</strong>s</strong> troublesneurologiques. Il m’a opéré le 2 mai. Donc j’ai étéhospitalisé trois jours, pas plus. L’effet a étéabsolument spectacu<strong>la</strong>ire, puisque je suis rentré chezmoi en voiture. J’ai conduit tout seul. Voilà. Ensuite jesuis allé à Z. J’ai eu une rééducation ambu<strong>la</strong>toirepuisque j’y al<strong>la</strong>is <strong>de</strong>ux jours par semaine, et là, j’étaisen arrêt <strong>de</strong> travail complet.- D’accord.- Ma remp<strong>la</strong>çante est à nouveau venue jusque… toutle mois d’avril, tout le mois <strong>de</strong> mai, et j’ai repriscomplètement le 2 juin 2003.- Donc ça fait…- J’ai terminé ma rééducation, j’y al<strong>la</strong>is tout seul envélo. Là, ils m’ont dit « On vous a assez vu, vousallez au travail ! » . Alors autrement dit, nous libéraux,si vous voulez, on n’est pas <strong><strong>de</strong>s</strong> fonctionnaires, fautque ça tourne ! Je suis même venu travailler enfauteuil rou<strong>la</strong>nt, voilà.- C’est le problème <strong>de</strong> l’arrêt ma<strong>la</strong>die.- J’ai eu une belle leçon <strong>de</strong> mo<strong><strong>de</strong>s</strong>tie en 2003, parceque j’avais jamais été ma<strong>la</strong><strong>de</strong>, j’avais jamais étéopéré, et là, j’ai dis « Tiens, heureusement que j’étaisbien assuré ». J’avais pris <strong><strong>de</strong>s</strong> précautions. En 2002,j’avais revu toutes mes… avec mon ami le Dr X, quiest mé<strong>de</strong>cin généraliste à côté. Il m’avait examiné, onavait refait tout un protocole <strong>de</strong> prise en charged’assurance, d’in<strong>de</strong>mnités journalières, <strong>de</strong>complément, etc…- D’assurances <strong>de</strong> perte <strong>de</strong> revenus…- Bien m’en a pris. J’ai été parfaitement pris encharge : caisse <strong>de</strong> retraite, mutuelle, etc. Je n’ai paseu un euro <strong>de</strong> perte <strong>de</strong> revenus.- D’accord. Parce qu’avant, ça n’aurait pas été le cas,vous n’étiez pas aussi bien assuré, Si ?- Si, si ! Mais j’avais tout revu en 2002. En 2002, jeme suis dit, je vais bientôt avoir 50 ans. Hop, onrevoit tout ça ! Autrement dit, j’ai été assezprécautionneux, si vous voulez.- Vous avez fait <strong>de</strong> <strong>la</strong> prévention, <strong>de</strong> ce côté-là.D’accord. Est-ce que je peux revenir sur le début<strong>de</strong> cette histoire. Donc, vous me disiez, vousarrivez à l’hôpital W, on vous plâtre, puis aprèsvous êtes parti à <strong>la</strong> clinique. Comment ça s’estpassé, justement, cette transition ? Est-ce qu’ilsont décidé…- Le plus pénible, c’était <strong>la</strong> prise en charge. Parceque j’étais par terre.- Bien sûr.- D’avoir attendu les pompiers. Une <strong>de</strong>mi heure, çame paraît…- La douleur, le froid…- Monstrueux ! Une fois que j’étais sur p<strong>la</strong>ce, il n’y apas <strong>de</strong> problème. C’était <strong>la</strong> cour <strong><strong>de</strong>s</strong> miracles,comme d’habitu<strong>de</strong>.- Les urgences ?- L’hôpital W. Et là, ils m’ont très bien pris en chargepuisqu’ils m’ont sauté <strong><strong>de</strong>s</strong>sus tout <strong>de</strong> suite, ilsm’ont sou<strong>la</strong>gé immédiatement.- Le sou<strong>la</strong>gement <strong>de</strong> <strong>la</strong> douleur, oui.- Pour le sou<strong>la</strong>gement <strong>de</strong> <strong>la</strong> douleur, j’ai été pris encharge immédiatement.- Donc, ça c’est très important.- Quand je suis arrivé, ils se sont précipités sur moiavec <strong>la</strong> morphine.- D’accord.- Ils savaient que j’étais mé<strong>de</strong>cin, peut-être, je nesais pas, en tout cas.- Vous ne savez pas.- Je ne sais pas, mais <strong>la</strong> prise en charge a étéabsolument immédiate.- Et donc ils vous ont plâtré parce que <strong>la</strong> décision <strong>de</strong>vous muter à <strong>la</strong> clinique, ils vous ont <strong>de</strong>mandévotre avis ? Comment ça s’est passé ?- Et on sait très bien que le plâtre, dans une fracture,même dép<strong>la</strong>cée, le plâtre, au moins provisoire estun sou<strong>la</strong>gement médical, parce que…- Mais je veux dire par rapport à votre prise encharge re<strong>la</strong>tivement rapi<strong>de</strong>, sur l’hôpital W, jevoudrais savoir justement comment ça s’est passé,cette prise <strong>de</strong> décision <strong>de</strong> partir à <strong>la</strong> clinique.- La prise <strong>de</strong> décision a été en commun avec lesurgentistes.- Voilà. Vous avez pu passer un coup <strong>de</strong> fil ?- L’urgentiste s’en est occupé, pas moi. Il s’en estoccupé. Voilà, on a pris <strong>la</strong> décision tous les <strong>de</strong>uxen commun.- D’accord. En commun. Parce que c’est importantcette étape.- Il faut savoir que j’étais expérimenté dans ledomaine <strong>de</strong> l’orthopédie puisque pendant, <strong>de</strong> 79 à83, j’ai fait toutes les gar<strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>de</strong> mon beau-père quiétait mé<strong>de</strong>cin <strong>de</strong> montagne à V. Doncl’orthopédie…- La traumato,- La traumato, très expérimenté.- D’accord.- Je le suis plus maintenant parce que j’en fais plus,mais…- Mais vous avez votre réseau <strong>de</strong> confrères aveclesquels vous travaillez.- J’ai mon réseau <strong>de</strong> confrères, je connaissais trèsbien <strong>la</strong> traumatologie, acci<strong>de</strong>nts <strong>de</strong> sports d’hiver.Voilà.- D’accord. Est-ce que vous êtes toujours suivi pources problèmes ?- Plus du tout.- Plus du tout. D’accord.- J’ai tout récupéré, j’ai aucune séquelleorthopédique.- D’accord.


- 140 -- Je fais beaucoup <strong>de</strong> vélo, je fais beaucoup <strong>de</strong>marche à pied, pas <strong>de</strong> course à pied. Par contre, j’aieu un petit peu peur et <strong>de</strong>puis je ne fais presque plus<strong>de</strong> ski.- D’accord.- Je fais presque plus <strong>de</strong> ski, je fais <strong><strong>de</strong>s</strong> randonnées enraquettes, à pied, à vélo.- D’accord. Alors, donc, vous avez anticipé toutes mesquestions, au niveau <strong>de</strong> votre histoire, <strong>de</strong> votreparcours <strong>de</strong> ma<strong>la</strong><strong>de</strong>. Maintenant, on va s’intéresserplutôt à votre vécu, à votre ressenti. Qu’est-ce quevous avez ressenti, justement, en tant que patient ?Vous me disiez que vous aviez trouvé le temps trèslong.- Alors, je suis plutôt un individu anxieux, mais face à<strong>la</strong> pathologie, très curieusement, excepté <strong>la</strong> première<strong>de</strong>mi-heure <strong>de</strong> prise en charge, je n’ai ressenti aucunsentiment d’anxiété.- D’accord.- J’étais parfaitement adhérent à tout le système.- Vous aviez confiance.- Médicaux et administratifs. Ma femme me l’a signaléaussi, je n’ai ressenti aucune anxiété pendant toute <strong>la</strong>prise en charge. J’ai dit « Il faut y aller ! ». J’avais pasd’anxiété anticipatoire. Une fois dans le système, pfff,c’est parti ! J’ai pas du tout ressenti d’anxiété.Curieusement.- Vous aviez plutôt confiance dans les gens qui vousprenaient en charge,- Voilà.- La douleur a été sou<strong>la</strong>gée, donc, ça, j’imagine quec’était important.- Et dans <strong>la</strong> suite <strong><strong>de</strong>s</strong> événements, <strong>de</strong>puis cetévénement <strong>de</strong> 2003, d’avoir connu l’anesthésiegénérale, l’anesthésie péridurale, d’avoir <strong>la</strong> perfusion,<strong>la</strong> morphine, <strong>la</strong> cortisone, d’avoir tout subi, tout ça,paradoxalement, je suis beaucoup moins anxieuxmaintenant.- D’accord, par rapport à une prise en chargechirurgicale. D’accord. Est-ce que vous pensez…- J’aurais jamais pensé que ça se passe aussi bien, sivous voulez.- D’accord. Est-ce que vous pensez qu’aujourd’hui,vous réagiriez différemment ?- Non.- Est-ce que, justement vous disiez que vous ne saviezpas si les urgentistes à l’hôpital W, connaissaientvotre profession, est-ce que à un moment…- Ah, si, si, ils savaient, ils connaissaient maprofession. Peut-être que les pompiers les avaientavertis au téléphone ou par radio, voilà.- C’est ça, les premières secon<strong><strong>de</strong>s</strong>, <strong>la</strong> question pouvaitse poser. D’accord. Est-ce que vous avez eul’impression que justement, votre profession a renduvotre prise en charge particulière ?- Probablement. Je dis bien : probablement.- D’accord. Est-ce que vous avez ressenti <strong>de</strong> <strong>la</strong> gêneou est-ce que ça a pu être un handicap pour vosconfrères ?- Non, non.- Pour les chirurgiens, pas du tout.- Pas du tout. Je me suis vraiment, une fois pris encharge sur p<strong>la</strong>ce, passée <strong>la</strong> pério<strong>de</strong> d’urgence,disons les <strong>de</strong>ux premières heures, j’étais vraiment lepatient qui se <strong>la</strong>issait aller. Pas du tout le mé<strong>de</strong>cin quiréfléchissait, qui essayait <strong>de</strong> négocier quoi que cesoit. Non ! J’étais, pouf ! c’est ce qui m’a étonné.- Oui, vous ne pensiez pas réagir comme ça ?- Eh bien, <strong>de</strong>vant le fait accompli, si vous voulez, je mesuis très bien comporté. J’ignorais comment j’al<strong>la</strong>isme comporter. Maintenant, je sais.- Maintenant, vous savez. Et votre entourage, quelle aété sa réaction ?- Ah, mon entourage était parfait. Ma femme était là,très présente, ma fille s’est défoncée toute <strong>la</strong> nuitpour trouver <strong>la</strong> remp<strong>la</strong>çante. Parfaitement entouré.- Bien entouré, d’accord. Alors, c’est une questionqui va vous sembler un peu bizarre, comment vousavez été amené à annoncer votre « ma<strong>la</strong>die » àvotre patientèle ? Est-ce c’est votre remp<strong>la</strong>çantequi avait dû en parler ?- Absolument. Bien sûr.- Les gens vous ont posé <strong><strong>de</strong>s</strong> questions par rapportà ça ?- Oui. Les gens posaient <strong><strong>de</strong>s</strong> questions « Qu’est-cequi est arrivé ? ». J’ai eu <strong><strong>de</strong>s</strong> coups <strong>de</strong> téléphonepersonnels, j’ai reçu un abondant courrier, je mesuis dis que mes patients m’aimaient, enfin, en toutcas, un certain nombre. J’ai reçu <strong><strong>de</strong>s</strong> courriers« Quand est-ce que vous rentrez ? » c’était trèssympathique.- C’est assez réconfortant.- Très important.- J’aimerais bien que l’on parle <strong><strong>de</strong>s</strong> conséquencesque ça a pu avoir sur votre pratique.- Un peu plus d’humilité.- Oui.- Un peu plus <strong>de</strong> mo<strong><strong>de</strong>s</strong>tie. Peut-être plus humblevis-à-vis <strong><strong>de</strong>s</strong> patients. Plus d’écoute, peut-être.- D’accord. Et plus spécifiquement pour ce type <strong>de</strong>pathologie, est-ce que vous avez tendance àdonner plus <strong>de</strong> conseils, à faire plus <strong>de</strong>prévention ?- Je me suis senti plus compétent pour les gens queje fais opérer. Voilà. Notamment sur le p<strong>la</strong>northopédique, les gens qui vont avoir <strong><strong>de</strong>s</strong>prothèses, maintenant je dis « Bon, moi j’ai subiça, je sais ce que c’est une anesthésie générale, jesais ce que c’est que <strong>la</strong> chirurgie orthopédique, jel’ai subie, donc je peux vous en parler ». Là où jesuis plus compétent, c’est <strong>la</strong> chirurgie <strong>de</strong> l’herniediscale. Alors, là, je me sens parfaitement à l’aise.- D’accord. Est-ce que vous vous sentez plus attentifaux symptômes justement, qui peuvent être liés à<strong>la</strong> pathologie lombaire ou au vécu <strong><strong>de</strong>s</strong> patientsaprès un traumatisme, un acci<strong>de</strong>nt ?- Peut-être. Peut-être. Même sûrement.- Vous posez peut-être plus <strong>de</strong> questions par rapportà leur ressenti ?- Je suis plus vigi<strong>la</strong>nt et peut-être meilleur eninterrogatoire.- D’accord.- L’examen clinique inchangé. Je fais toujours pareil.- Est-ce que vous avez changé votre rythme <strong>de</strong>travail ?- Pas du tout : je travaille plus qu’avant.- D’accord. Par contre, votre façon d’abor<strong>de</strong>r lespatients, vous me disiez que oui, est-ce que votrerapport, en général à <strong>la</strong> ma<strong>la</strong>die, voire à <strong>la</strong> mort, apu être modifié ? Là vous n’étiez pas dans uncontexte d’urgence vitale mais…- Non. Par rapport à <strong>la</strong> mort, non. Par rapport à <strong>la</strong>vie, oui. Je me suis dis « Avec ce que j’ai subi, jem’en suis drôlement bien tiré et j’ai pas à mep<strong>la</strong>indre <strong>de</strong> quoi que ce soit ! ». Donc, si vousvoulez, les rares fois, les très rares fois où je medis « Mince, ras le bol <strong>de</strong> tant d’activité ! ». Qu’estce que j’ai <strong>de</strong> a chance d’être tout seul dans moncabinet ! J’ai un fils qui est ingénieur, qui subit <strong>la</strong>hiérarchie etc. « T’es content, t’as peut-être <strong><strong>de</strong>s</strong>problèmes d’URSSAF, t’as peut-être…, mais tep<strong>la</strong>ins pas ! »- Par rapport à votre situation libérale ? Mais votrechoix <strong>de</strong> ne pas avoir d’associé, ou d’être encabinet seul, c’est, ça s’est imposé, ?- Ça s’est imposé, j’ai un caractère qui fait que jesuis pas sûr <strong>de</strong> supporter. J’ai un très boncamara<strong>de</strong>, Monsieur X qui est juste à côté, avecqui on fait une quasi société. Il s’absente lemercredi, je suis là, je m’absente le jeudi, il est là.- D’accord.


- 141 -- On se passe nos cabinets mutuellement, on travailleensemble, mais chacun chez soi.- D’accord. Vous n’avez pas les mêmes locaux.- On n’a pas les mêmes locaux, mais on travailleensemble. C’est presque une quasi association enquelque sorte. On a tous les <strong>de</strong>ux <strong><strong>de</strong>s</strong> caractèresbien trempés, c’est très bien comme ça. Alors, j’ai<strong><strong>de</strong>s</strong> stagiaires six mois par an parce que au début jele faisais toute l’année, puis je trouvais que c’était unpeu lourd. Maintenant je le fais six mois par an.- D’accord.- Je suis tenté par le tutorat. C’est intéressant pourpouvoir me libérer un peu le jeudi complètement parexemple, ou le samedi, voilà.- D’accord.- C’est l’objectif futur. Mais l’association, non, j’aimebien être tranquille tout seul. L’expérience <strong>de</strong>camara<strong><strong>de</strong>s</strong>, c’est très bien comme ça.- D’accord.- Il y a eu beaucoup <strong>de</strong> déboires chez les gens qui sesont associés ailleurs. Bien content d’être tout seul !- C’est pas toujours simple, les associations. Pour enrevenir à votre pratique, est-ce que vous suivez vousmême<strong><strong>de</strong>s</strong> mé<strong>de</strong>cins ? Des confrères généralistes ouspécialistes ?- Très épisodiquement.- D’accord.- Un suivi, non. Des avis <strong>de</strong> temps en temps, mais,non. Suivi, non.- Il n’y a pas dans votre patientèle quelqu’un qui estmé<strong>de</strong>cin, qui vous a choisi comme mé<strong>de</strong>cin traitant.- Non- D’accord. Vous pensez que c’est un hasard, ou queles gens appréhen<strong>de</strong>nt à aller voir un confrère, ouque vous n’avez pas forcément envie <strong>de</strong> soigner <strong><strong>de</strong>s</strong>généralistes ?- Non, ça ne me gênerait pas du tout <strong>de</strong> suivre <strong><strong>de</strong>s</strong>confrères. C’est le hasard et puis les autres mé<strong>de</strong>cinsqui réagissent qui ne viendraient pas voir ungénéraliste. Je ne pense pas. Ils vont plutôtdirectement voir un spécialiste.- D’accord.- Mon expérience personnelle, c’est que si moi j’avaisun petit problème, je suis allé voir mon copaincardiologue, je ne suis pas allé voir un confrèregénéraliste.- Je comprends bien.- Sauf urgence, coliques néphrétiques, j’appelle unconfrère, SOS Mé<strong>de</strong>cins, par exemple. Je vousdonne un exemple.- Quand vous …- En urgence, un confrère généraliste, oui. Mais en<strong>de</strong>hors <strong>de</strong> l’urgence, non. Je vais voir un confrèrespécialiste.- Oui. Puisque vous êtes votre propre mé<strong>de</strong>cin traitant.D’accord. Par rapport au suivi <strong>de</strong> vos patients,comment est-ce que vous estimez <strong>la</strong> prise en charge<strong>de</strong> votre santé ? Si vous <strong>de</strong>viez faire unecomparaison ?- Difficile <strong>de</strong> vous répondre. Enfin, j’essaie d’être,j’essaie d’être professionnel aussi bien pour moi quepour les patients.- De rester objectif ?- De rester objectif. Cette expérience m’a servi, pourrester objectif.- D’accord.- Par exemple, dans dix jours, j’ai <strong><strong>de</strong>s</strong> naevi quibougent, alors j’ai pris ren<strong>de</strong>z-vous avec <strong>la</strong> <strong>de</strong>rmato.Avec <strong>la</strong> <strong>de</strong>rmato pour vérifier.- D’accord.- Comme avec un patient, j’aurais fait <strong>la</strong> même chose.- Comme aurait fait un mé<strong>de</strong>cin généraliste enversvous. D’accord.- Pareil.- D’accord. Alors, avant <strong>de</strong> terminer, j’aimerais quevous me disiez pourquoi vous avez accepté <strong>de</strong>répondre à mon étu<strong>de</strong>.- Ben parce que je suis maître <strong>de</strong> stage. Et que jesuis plutôt ravi d’ai<strong>de</strong>r une future consoeur ou unfutur confrère, dans <strong>la</strong> mesure <strong>de</strong> mes possibilités.C’est si simple.- C’est gentil. Merci !- J’ai déjà participé à une thèse pour <strong>de</strong>ux <strong>de</strong> messtagiaires.- Oui.- Voilà <strong>la</strong> réponse.- D’accord. Que vous connaissiez déjà un peu pluspersonnellement. D’accord. Juste, j’étais en train<strong>de</strong> réfléchir aux questions que je <strong>de</strong>vais vousposer, qu’on n’a éventuellement pas abordées,juste pour l’étu<strong>de</strong>, est-ce que vous pourriez me direquel âge vous avez ?- Je suis <strong>de</strong> 53, donc j’aurai 55 ans en juillet.- D’accord. Je vous remercie beaucoup <strong>de</strong> m’avoirreçue, et surtout d’avoir participé à cette étu<strong>de</strong>,parce que ça va me permettre…- Vous me direz. Ça va être intéressant.- Oui, je vous tiendrai au courant.- Puis, c’est un sujet original. C’est une troisièmeraison qui fait… C’est pour vous donner un coup<strong>de</strong> main.- Oui, effectivement. Je vous remercie.Entretien avec le Docteur E,réalisé à son cabinet le 4 juin 2008- Comme je vous l’avais dit, actuellement, je suis enfin d’internat <strong>de</strong> mé<strong>de</strong>cine générale et je réaliseune étu<strong>de</strong> sur le suivi <strong><strong>de</strong>s</strong> mé<strong>de</strong>cins généralistesqui <strong>de</strong>viennent ou qui sont <strong>de</strong>venus, un jour,ma<strong>la</strong><strong>de</strong> et donc patients eux-mêmes. Voilà. Cetteétu<strong>de</strong> s’inscrit dans le cadre d’un travail <strong>de</strong>recherche pour <strong>la</strong> réalisation <strong>de</strong> ma thèse enmé<strong>de</strong>cine. Je vou<strong>la</strong>is, dans un premier temps vousremercier <strong>de</strong> me recevoir, pour me parler d’un sujetqui est aussi personnel que celui <strong>de</strong> votre santé.Voilà. Si vous n’avez pas <strong>de</strong> questionsparticulières…- Non, non, non.- On va poursuivre l’entretien.- Oui.- Est-ce que vous pourriez me parler <strong>de</strong> vous, dansun premier temps, en tant que mé<strong>de</strong>cin, pour meprésenter brièvement votre exercice ?- Bien, mon exercice : je suis installé <strong>de</strong>puis 79. Jeme suis associé avec un <strong>de</strong> mes copains <strong>de</strong> fac,d’armes, plus exactement, qui lui, est restéjusqu’en 87. En 87, ce garçon a intégré <strong>la</strong> SécuritéSociale (sonnerie <strong>de</strong> téléphone), et j’ai eu un autreassocié, jusqu’en 2000. En 2000 celui-ci est parti,donc je suis <strong>de</strong>puis 2001 associé avec une jeunefemme. Au point <strong>de</strong> vue local, eh bien, j’ai changé<strong>de</strong> local, enfin, j’ai déménagé en 99 ou 98, doncdans <strong><strong>de</strong>s</strong> locaux neufs, disons plus pratiques pournous. Ben, exercice à E…. Il y a donc à peu près 5000 habitants <strong>de</strong>puis tout le temps, <strong>de</strong>puis que j’ysuis. C’est une ville à <strong>la</strong> fois, qui sert <strong>de</strong> dortoirpour Lyon, et il y a quand même pas mald’industries locales et <strong>de</strong> commerces, et <strong>de</strong> postes<strong>de</strong> travail ici. En fait, c’est en plein développementactuel, parce que toutes les hauteurs sont en train<strong>de</strong> se remplir <strong>de</strong> maisons, en fait. Donc monactivité, elle est moyenne-plus, disons, je crois. Etelle continue <strong>de</strong> se développer. Ma nouvelleassociation avait fait redémarrer beaucoup le


- 142 -cabinet. On a pris <strong><strong>de</strong>s</strong> patients et ensuite on continue<strong>de</strong> travailler <strong>de</strong> plus en plus.- D’accord. Vous avez toujours exercé sur E ?- Oui.- Oui. D’accord. Est-ce que vous aviez exercé avant <strong>de</strong>vous installer en cabinet ?- Non. Non. J’ai fait <strong><strong>de</strong>s</strong> remp<strong>la</strong>cements pendant troisou quatre ans, en fait. Assez importants parce quej’étais dans un grand groupe à W. Et ensuite,l’opportunité s’est présentée avec ce copain. Voilà.- D’accord. D’accord. Donc, alors maintenant on vaparler <strong>de</strong> vous plutôt en tant que patient. Dans unpremier temps, est-ce que vous pourriez me dire, <strong>de</strong>manière rapi<strong>de</strong>, si vous avez eu d’autres antécé<strong>de</strong>ntsque le problème qui fait qu’on se rencontreaujourd’hui ?- Non. En fait, mon premier antécé<strong>de</strong>nt, ça a été un anavant l’infarctus, donc. Ça a été une pneumopathie,en fait, sévère, qui est bien tombée parce qu’elle esttombée au 1 er jour <strong>de</strong> mes vacances, bon. Comme çaavait une sale gueule, ça s’est terminé par scanner,et puis fibroscopie parce que je m’étais arrêté <strong>de</strong>fumer dix ans avant. Puis en fait, il n’y avait rien <strong>de</strong>méchant <strong><strong>de</strong>s</strong>sous, Voilà, en fait.- Et vous aviez...- C’était mon seul antécé<strong>de</strong>nt.- D’accord. Et actuellement, est-ce que vous avez unbi<strong>la</strong>n <strong>de</strong> santé en cours ?- Ben, il vient d’être fait. Pour tout dire, en fait. Pas àcause <strong>de</strong> vous (sourire), mais qui s’intégrait dans lesuivi, plus ou moins.- D’accord. Vous avez un traitement actuel ?- Oui, bien sûr.- Oui. On va en parler, je pense, au fur et à mesure.Comment est-ce que vous prenez en charge, <strong>de</strong>manière globale, votre santé ?- Que voulez-vous dire par cette question ?- Alors, tout d’abord, est-ce que vous avez un mé<strong>de</strong>cintraitant ?- Mon mé<strong>de</strong>cin traitant, c’est moi.- D’accord.- Comment je <strong>la</strong> prends ? Bon, je suis suivi. C’est ceque je regardais d’ailleurs ce matin. J’ai un dossier àmon nom dans mon ordinateur, en fait. J’ai reregardéun petit peu pour me rendre comptequ’effectivement, quand je suis sorti, après l’infarctus,c’était l’hospitalier qui était censé me suivre. Mais,bon, toujours pareil, difficile à abor<strong>de</strong>r, etc. Ce qui faitqu’au début, ça a été beaucoup moins c<strong>la</strong>ir, et moinsbien fait que, peut-être, maintenant. Parce que, enfait, je suis reparti chez un confrère cardiologue <strong>de</strong>ville, qui, du coup, me…- Fait les choses <strong>de</strong> façon plus organisée ?- Se sent effectivement investi <strong>de</strong> ce<strong>la</strong>, en fait. Iln’hésite pas à me dire « Quand est-ce que tu viensme voir ? ». Voilà.- Est-ce que vous aviez envisagé <strong>de</strong> prendre unconfrère, comme mé<strong>de</strong>cin traitant ?- Il s’est trouvé, sans le faire exprès, que j’ai eud’abord mon associé. On a inventé le mé<strong>de</strong>cintraitant à ce moment-là. Bon, comme c’était pour fairemes ordonnances et que pendant un moment, je lefaisais moi-même, finalement plutôt que <strong>de</strong> lui casserles pieds, ben, du coup, c’est moi qui suis re<strong>de</strong>venumon mé<strong>de</strong>cin traitant comme ça. Quand il y a eu lespapiers, je les ai signés sans me poser <strong>de</strong> questions.- Donc, vous vous êtes déc<strong>la</strong>ré votre propre mé<strong>de</strong>cintraitant ?- Je me suis déc<strong>la</strong>ré.- La déc<strong>la</strong>ration a été faite. D’accord. Quel patient vouspensez être, d’une manière générale ?- A point <strong>de</strong> vue thérapeutique, très observant. Ça,c’est déjà une bonne chose.- Oui.- Pour le reste, comment dire ? Dans le domaine étroitcardiologique, je vais oser dire, pas le ma<strong>la</strong><strong>de</strong> parfait,mais presque. Parce que je suis quelqu’un d’assezrégulier. Je regardais mes prises <strong>de</strong> sang. Elles nesont peut-être pas à un an, mais elles sont à un anet <strong>de</strong>mi, un truc comme ça, donc voilà. Testsd’effort ou autres, c’est mon mé<strong>de</strong>cin, moncardiologue traitant qui me le dit quand il veut m’enfaire, etc, en fait, <strong>de</strong> toutes façons. Lui, je le vois,ça, c’est pas noté là-<strong><strong>de</strong>s</strong>sus, mais effectivement,c’est par rapport à ma prise <strong>de</strong> sang que je peuxm’en rendre compte. Ben, là, du coup, je l’ai vu il ya peu <strong>de</strong> temps, et je l’avais vu, ça <strong>de</strong>vait être enfévrier <strong>de</strong> l’année d’avant, en fait. Donc, un an etquatre, cinq mois. Donc, ça me paraît quand mêmepas mal. Bon, prendre sa tension, ça je <strong>la</strong> prends<strong>de</strong> temps en temps, j’écoute mes p<strong>la</strong>intes, maisenfin, pas <strong>de</strong> problème particulier.- D’accord. Bon, alors on va parler maintenant,justement, <strong>de</strong> <strong>la</strong> pathologie qui fait qu’on serencontre. Donc, on avait choisi, puis vous m’aviezproposé qu’on parle effectivement <strong>de</strong> ce problèmecardiaque. Est-ce que vous pouvez me racontervotre parcours <strong>de</strong> ma<strong>la</strong><strong>de</strong> ?- Comment ça s’est passé ?- Voilà, face à cette pathologie.- Oh ! Ben, ça a été assez baroque, par certainscôtés, parce qu’effectivement c’était en… Dansune, disons dans une course <strong>de</strong> VTT. Donc, àl’époque, j’avais 48 ans, et j’ai pas d’antécé<strong>de</strong>ntsfamiliaux ou autres, dans ce domaine-là, en toutcas . Et arrivé au ravitaillement <strong>de</strong> <strong>la</strong> course…Parce que c’était chronométré, mais enfin, je ne lefaisais pas dans un but <strong>de</strong> concours, mais c’étaitquand même assez difficile. Je faisais déjà pas mal<strong>de</strong> vélo, à l’époque. Et puis, arrivé auravitaillement, je me suis senti pas bien, en fait, etpuis, j’ai fini le truc. J’ai fini <strong>de</strong> monter, j’étais pasbien, je suis re<strong><strong>de</strong>s</strong>cendu, je suis allé jusqu’àl’arrivée, en fait. A l’arrivée, j’ai attendu les copainsqui étaient <strong>de</strong>rrière, et puis là, j’étais pas en gran<strong>de</strong>forme. Pas en gran<strong>de</strong> forme. J’avais pas <strong>de</strong>douleur particulière. J’avais un mal être, en fait.- D’accord.- Et puis, du coup, je suis rentré chez moi, j’aiprévenu ma femme en lui disant que j’étais pasbien, c’est tout. Parce que j’avais invité les amis àvenir manger à <strong>la</strong> maison, d’ailleurs. Et puis, quantje suis arrivé, elle m’a dit que j’étais bienb<strong>la</strong>nchounet, quand même. Puis je me suiscouché. Et au bout <strong>de</strong>… Disons que ça me titil<strong>la</strong>itun petit peu, et au bout d’un quart d’heure, dixminutes <strong>de</strong> repos, je suis allé, enfin, j’ai envoyémon fils chercher mon électro, puis j’ai fait untracé, qui m’a montré que j’avais un infarctus.- Vous aviez une gêne qui vous faisait penser àplutôt quelque chose <strong>de</strong> cardiaque ?- J’avais un mal être. Un mal être comme ça, c’étaitpas une hypo, c’était pas effectivement ce que j’aipu faire en vélo, en fait. Mais effectivement, sansdouleur. Je sais qu’à un moment, j’ai eueffectivement un sentiment <strong>de</strong> mort ou un truccomme ça, et donc après, j’ai appelé le SAMU. Jeleur ai dit qu’ils viennent me chercher parce quej’avais un infarctus.- Donc, c’est vous qui avez fait votre diagnostic.- J’ai fait le diagnostic, en l’occurrence.- D’accord. Donc, le premier constat…- C’était un infarctus spastique.- Infarctus spastique. D’accord. Donc, le premierconfrère que vous avez rencontré, c’était donc lemé<strong>de</strong>cin du SAMU ?- Oui.- Oui. Il m’a juste… il m’a pas fait un… Ça datequand même <strong>de</strong> 97, oui 97. Effectivement, àl’époque, il m’a ramené sur X, pour faire unethrombolyse que là-bas, en fait… On m’athrombolisé, puis voilà, à l’époque, je dis à


- 143 -l’époque, il y a dix ans, on ne se pressait pas trop.Effectivement, j’ai eu ma coronaro dans <strong>la</strong> semained’après, en fait.- D’accord.- On a retrouvé un facteur spastique. Puis voilà. Donc,<strong>de</strong>puis, le traitement.- Donc, voilà, il n’y avait pas <strong>de</strong> di<strong>la</strong>tation à envisager ?- Non, non, non. Il y avait un spasme. Quand on a fait<strong>la</strong> coronaro, j’ai regardé le compte rendu, là,effectivement, qui est parti tout <strong>de</strong> suite sousCorvasal® en fait. Donc, pas une récidive, maisenfin, sans doute dû à <strong>la</strong> coronaro.- Ils ont pu le constater pendant l’examen ?- Ils ont pu. Mais je l’ai vu, bien. Je regardais bien macoronaro, pendant qu’on <strong>la</strong> faisait.- D’accord. Aux urgences, il y avait les mé<strong>de</strong>cinsurgentistes, qui ont pris le re<strong>la</strong>is du SAMU. Est-ceque aux urgences, vous aviez déjà eu un avis cardio,ou vous avez été hospitalisé en cardiologie ?- Ils m’ont p<strong>la</strong>cé dans le service <strong>de</strong> soinscardiologiques, en fait, rapi<strong>de</strong>ment.- D’accord, rapi<strong>de</strong>ment. Le cardiologue que vous avezrencontré, est-ce que c’est quelqu’un qui vous asuivi a posteriori ? Vous me disiez que …- A posteriori, non. J’ai vu le chef <strong>de</strong> service à unmoment. Puis, bon, effectivement, après, <strong>de</strong>rrière,c’est là où j’ai eu au début… Enfin, bon, on s’estrecontacté bien évi<strong>de</strong>mment, mais j’ai pas eu uncontact très suivi <strong>de</strong> ce côté-là, effectivement. Bon,puis après, je suis allé embêter un copain en ville, enfait.- D’accord, donc vous avez fait appel à un confrèrespécialiste ? Combien <strong>de</strong> temps après ?- Oh, en l’occurrence, peut-être un an, parce qu’onavait mis en p<strong>la</strong>ce… Enfin, j’ai mis mes premierstraitements en p<strong>la</strong>ce.- D’accord.- En p<strong>la</strong>ce, ils étaient en p<strong>la</strong>ce, pas tout à fait à <strong>la</strong>sortie, puisque là, à l’époque, je retourne parler àl’époque, parce qu’on faisait un dosage ducholestérol six mois après, quasiment, pour voir s’il yavait une indication <strong>de</strong> statine, ou pas. Et là,effectivement, mon LDL <strong>de</strong>vait être à 1,90, donc étaitacceptable, sans risque mais du coup, justifiait untraitement à ce moment-là.- D’accord, et donc, votre traitement a été prescrit dansun premier temps par vous-même ? Vous me disiez ?- Non je suis sorti <strong>de</strong> l’hôpital..- Avec une ordonnance ?- J’avais pas <strong>de</strong> beta puisque je ne suis pas uneindication <strong>de</strong> beta-bloquants mais j’avais déjà <strong>de</strong>l’Isoptine®, j’avais déjà du Kardégic ®. Ensuite, letraitement a été modifié en ville, puisqu’on a rajoutédu Coversyl® selon les étu<strong><strong>de</strong>s</strong>. Et puis donc, lesstatines, je les ai pris au bout <strong>de</strong> six mois.- Après ce bi<strong>la</strong>n sanguin dont vous parliez ?- Oui.- D’accord. D’accord. Les bi<strong>la</strong>ns biologiques réguliersque vous avez, c’est vous qui les prescrivez ou c’estvotre confrère cardiologue ?- C’est moi qui me les prescrits, par simplicité,effectivement, oui.- Quand vous savez que vous allez le voir, vousanticipez en faisant une prescription ?- Oui. On se joint avant, en général.- Vous l’appelez pour savoir s’il veut quelque chose <strong>de</strong>particulier ?- De particulier, dans ce domaine-là.- Il vous le dit. Une épreuve d’effort, ou quelque chosecomme ça, il vous le dit lors <strong>de</strong> <strong>la</strong> consultation ?- Le test d’effort, s’il juge utile d’en faire. J’en ai faitquoi ? J’en ai fait <strong>de</strong>ux <strong>de</strong>puis, parce que, <strong>de</strong> toutesfaçons, à première vue pour lui (sonneries <strong>de</strong>téléphone), il me disait que c’était pas tout à fait <strong>la</strong>bonne métho<strong>de</strong>. Oui, le test d’effort, c’est pasobligatoirement sur un spastique, à première vue,j’ai pas bien <strong>de</strong> raisons <strong>de</strong> décaler et <strong>de</strong> faire <strong><strong>de</strong>s</strong>choses particulières, en fait, <strong>de</strong> toutes façons. Non,en fait, il ne m’a pas fait d’écho-cardio cette année,mais d’habitu<strong>de</strong> il m’en fait une à peu près chaqueannée. Voilà.- D’accord. Est-ce que vous aviez été obligé <strong>de</strong> vousarrêter ?- Oui. Trop longtemps. Je me suis arrêté un mois et<strong>de</strong>mi, en fait.- D’accord.- Je le ferais plus, maintenant.- Vous ne le feriez plus ? Vous feriez différemment ?- Oui. Sûrement. La gestion a quand même changéau niveau <strong><strong>de</strong>s</strong> SCA.- Au niveau du protocole, déjà, oui, effectivement.- On n’est plus du tout dans <strong>la</strong> même lignée. Et avecraison, parce que c’est vrai, en fait. J’attendaismon… J’étais en rééducation. Je suis allé à Z enrééducation, ce qui ne m’a pas apporté grandchose, parce que, encore une fois, un spastique…Je continue <strong>de</strong> faire, en général, environ 2000kilomètres <strong>de</strong> vélo, par an.- D’accord.- J’avoue que j’ai pas perdu mon temps à Z, maispresque. J’ai bien fait, mais du coup, j’attendaisplus ou moins mon <strong>de</strong>uxième test d’effort. Al’époque on faisait un <strong>de</strong>uxième test d’effort ensortant. Et voilà, quoi, en fait. Donc, je me suisarrêté un mois et <strong>de</strong>mi, en fait.- C’était le service où vous étiez hospitalisé, quiavait indiqué, qui avait posé l’indication <strong>de</strong> <strong>la</strong>rééducation ?- Oui. A l’époque, ça se faisait en systématique.- Dans ce contexte-là.- Comme il n’y avait pas <strong>de</strong> p<strong>la</strong>ce à X, je suis allé àZ. Donc, avec un déca<strong>la</strong>ge, car il a fallu attendrequ’il y ait <strong>de</strong> <strong>la</strong> p<strong>la</strong>ce. Enfin, bref.- D’accord. Donc, ça a prolongé votre arrêt.- Finalement, oui.- Et ça a été compliqué <strong>de</strong> vous arrêter ? Vous aveztrouvé quelqu’un pour vous remp<strong>la</strong>cer ?- Compliqué. A l’époque, on avait comme… Oui, unpetit peu, parce que j’avais par contrat avec monpremier associé, on s’était dit qu’on ne prenait pas<strong>de</strong> remp<strong>la</strong>çant et qu’on se remp<strong>la</strong>çaitmutuellement. Donc, avec le <strong>de</strong>uxième, on avaitrenouvelé ça, c’est-à-dire qu’effectivement, quandon partait en vacances, l’autre assumait <strong>la</strong>permanence <strong><strong>de</strong>s</strong> soins. Alors là, mon associé, à cemoment-là, a dit « Oui, maintenant, tu es ma<strong>la</strong><strong>de</strong> ».Il m’a fait une rétrocession d’honoraires d’unepartie d’honoraires, en fait, en considérant quej’étais ma<strong>la</strong><strong>de</strong>, que c’était un peu différent, en fait.- D’accord. Donc, c’est votre associé qui…- Voilà. Un accord gentil, correct entre nous.- D’accord. J’aimerais bien qu’on parle un petit peu<strong>de</strong> votre vécu <strong>de</strong> <strong>la</strong> ma<strong>la</strong>die. Je voudrais savoir ceque vous avez ressenti, en tant que patient ? Lefait <strong>de</strong> passer <strong>la</strong> barrière, <strong>de</strong> l’autre côté. Commentça s’est passé ? La prise en charge en aigu, ouaprès, l’hospitalier ?- En tant que patient sur l’infarctus, c’est dutechnique, c’est <strong><strong>de</strong>s</strong> choses comme ça, c’est pasgênant, en fait. Peut-être que ça m’a… Toujourspareil, plus dans les détails d’intendance, j’oseraisdire, qu’on découvre un certain mon<strong>de</strong>. Une gênesur <strong>la</strong> pu<strong>de</strong>ur, <strong><strong>de</strong>s</strong> choses dans ce genre-là.- La perte d’autonomie pour se <strong>la</strong>ver…- Oui. La toilette, ou aller à <strong>la</strong> selle, tout bêtement.J’avoue que je ne sais pas comment font lesma<strong>la</strong><strong><strong>de</strong>s</strong>, parce que je serai toujours incapable <strong>de</strong>faire sur une bassine, et…- C’est vrai que c’est très difficile. Mais c’estjustement le terme <strong>de</strong> ma question.


- 144 -- C’est <strong><strong>de</strong>s</strong> choses qui sont impossibles et qui sont <strong><strong>de</strong>s</strong>mauvais souvenirs, en fait. Ça, c’est c<strong>la</strong>ir. Qui gênenttout le mon<strong>de</strong>, en fait. Parce que je me souviens duchef <strong>de</strong> service qui arrivait quand j’étais en train, soitd’aller à <strong>la</strong> selle, sur un pot, sur ces machins.- Les chaises gar<strong>de</strong>-robe ?- Une chaise, c’est pas très agréable. Lui était aussigêné que moi, parce qu’en fait, voilà, hein, <strong>de</strong> toutesfaçons.- Oui, c’est une chose à <strong>la</strong>quelle on veut pas troppenser quand on est mé<strong>de</strong>cin.- Oui, on le voit pas bien, cet aspect. C’est un aspect.Pourtant j’ai une femme infirmière, mais c’est plusl’aspect…- Paramédical ?- Paramédical que médical pur, en fait. Non, sur lemédical, je n’ai pas <strong>de</strong> choses bien particulières(sonneries <strong>de</strong> téléphone), je crois être un ma<strong>la</strong><strong>de</strong>assez compliant, en fait, je veux pas être à couper lescheveux en quatre, à jouer à l’intello, etc. Je suisma<strong>la</strong><strong>de</strong>, je suis ma<strong>la</strong><strong>de</strong>. A vous <strong>de</strong> faire le boulot, enfait.- Oui.- En quelque sorte.- Vous n’avez pas fait <strong><strong>de</strong>s</strong> recherches pour savoir s’il yavait un nouveau protocole, s’il y avait quelque chose<strong>de</strong> particulier ?- Non.- Vous avez fait confiance à <strong>la</strong> prise en charge.- Oui, alors là. Non, puis je trouve que ça n’apporterien. En tant que généraliste, justement, c’est legenre <strong>de</strong> question. A <strong>la</strong> limite, soit on fait confiance,soit on ne fait pas confiance. Celui qui ne fait pasconfiance, qu’il aille se faire soigner ailleurs. Ben là,en l’occurrence, en toute honnêteté, je ne me suispas posé <strong>de</strong> questions. A l’époque, c’est vrai qu’onne se posait pas <strong>de</strong> questions. Maintenant, ça achangé, encore une fois. Je serais hospitalisé à Lyon,maintenant, au lieu d’être à X, tout a évolué. Mais àl’époque, en toute honnêteté, je ne me suis pas posétrop <strong>de</strong> questions <strong>de</strong> ce côté-là. Oh, j’ai un certain…pas fatalisme. C’est vrai qu’à un moment, j’ai eueffectivement une sensation <strong>de</strong> mort imminente,mais…- En cours d’hospitalisation ?- Non avant.- Avant.- Quand j’étais encore à Y, sur les lieux <strong>de</strong> <strong>la</strong> course.- D’accord.- Mais ensuite, après, ce qui <strong>de</strong>vait arriver arrivait, enfait. Non, à part ça, au point <strong>de</strong> vue soins, il y a <strong>de</strong>uxou trois soins que je n’ai pas trop « appréciés »,…- C’est-à-dire ?- Ben, il se trouve qu’effectivement, à l’époque, onfaisait <strong>de</strong> <strong>la</strong> Calciparine® alors que, honnêtement jene crois pas être douillet, et qu’effectivement, commej’avais eu ma fibroscopie l’année d’avant, lepneumologue m’avait prévenu que c’était un gestehorrible, bon, j’avoue qu’il avait voulu me médiquer.J’avais pas pris grand chose, parce que je n’ai jamaispris <strong>de</strong> sédatif, j’avais trouvé ça, bon, faisable, en fait.Là, au point <strong>de</strong> vue douleur, <strong>la</strong> Calciparine® est unsouvenir assez terrible, effectivement. Il m’a fallu <strong><strong>de</strong>s</strong>doses, il fal<strong>la</strong>it me piquer trois fois par jour, en fait, etaprès <strong>la</strong> pompe à Héparine, et effectivement,l’infirmière qui arrivait après, à minuit, j’avoue quej’étais pas heureux. Parce que je ramassais, c’esttout. C’est tout ce qu’il y avait <strong>de</strong> bien notable.- Puis l’aspect <strong>de</strong> <strong>la</strong> perte d’autonomie, dont vousparliez, c’était ça qui vous a marqué.- C’était le plus pénible, ça. Vraiment, c’est pasévi<strong>de</strong>nt.- Bien sûr. Est-ce que vous aviez une impression quevotre situation professionnelle, le fait d’être mé<strong>de</strong>cin,a pu rendre votre prise en charge un peuparticulière ? Que ce soit dans un sens ou dansl’autre. Est-ce qu’elle a pu gêner…- Oui, je pense. Parce que le premier, l’auxiliaire duservice, enfin le patron n’était pas là. En plus, j’aifait ça un 1 er mai. Il y avait le pont qui suivait, etc. Ily a eu un petit peu… J’ai ressenti une attente dupatron pour vite passer le bébé, en fait. Ça a peutêtreun peu retardé, sur le moment <strong>la</strong>coronarographie, à ce moment-là. Mais,effectivement, comme <strong>la</strong> coronaro n’était pasvécue <strong>de</strong> <strong>la</strong> même façon que maintenant, on peutle dire a posteriori. Maintenant, ça serait coronarodans les heures qui suivent, puis voilà. C’est vraique j’ai eu un peu l’impression que l’assistant étaitun petit peu, se sentait peut-être un petit peu gêné,quoi.- De prendre en charge un confrère.- Il aurait préféré que le chef <strong>de</strong> service soit là.- Oui. D’accord. Au niveau <strong>de</strong> votre entourage, estcequ’il y a eu une réaction à <strong>la</strong>quelle vous ne vousattendiez pas, est-ce qu’il y a eu…- Non. Pas en particulier.- C’était…- Au point <strong>de</strong> vue <strong><strong>de</strong>s</strong> ma<strong>la</strong><strong><strong>de</strong>s</strong>, oui.- Et du point <strong>de</strong> vue <strong>de</strong> votre patientèle, justement,comment est-ce que vous avez été amené àannoncer <strong>la</strong> nouvelle ?- Oh, j’ai été amené… E, encore une fois, est petit.Tout le mon<strong>de</strong> le savait. Je suis en plus mé<strong>de</strong>cinpompier, alors, <strong>de</strong> toute façon, les pompiers, je lesavais appelés, ils sont venus, parce qu’ils le fontsystématiquement. (sonneries <strong>de</strong> téléphone) Ilsaccompagnent le SAMU. A l’époque, en tout cas,donc tout E était au courant. E m’a enterré <strong>de</strong>ux outrois fois, parce que j’ai dû mourir là-bas, j’ai apprisaprès que j’étais mort, comme j’avais ététransporté à <strong>la</strong> P. pour faire ma coronaro, « Hou ! Ilest parti sur Lyon, donc il est mort ! ». Enfin bref,<strong><strong>de</strong>s</strong> choses comme ça. Et puis après,effectivement, j’ai un peu ressenti le fait que oui,moi aussi, j’y étais, en fait. J’ai eu un ma<strong>la</strong><strong>de</strong> quiest venu me rendre visite parce qu’il a eu uninfarctus. Il était à l’hôpital à ce moment-là. Il estvenu me voir à l’hôpital, l’air <strong>de</strong> dire « Ben voilà, tuvois ! ». Puis après, il y en a <strong>de</strong>ux ou trois, qui, ducoup « Hou là là ! Ben, il faisait du vélo,maintenant j’ose plus faire du sport ! ». Enfin, bref.Ça, c’était un peu primaire baroque.- D’accord. Concernant justement votre pratique,est-ce que cet événement a changé votre façond’exercer ? Du point <strong>de</strong> vue, plus spécifiquement<strong>de</strong> l’aspect cardio-vascu<strong>la</strong>ire, est-ce que vous êtesplus attentif à certains symptômes ?- Non, je ne crois pas.- Est-ce que vous faites plus <strong>de</strong> prévention auprès<strong><strong>de</strong>s</strong> patients ?- Je ne crois pas, non. Parce que… Non. J’avaisarrêté <strong>de</strong> fumer, encore une fois, onze ans avant.On a dit, donc, <strong>de</strong> toute façon, le tabac, j’étais biendéjà c<strong>la</strong>ir <strong>de</strong> ce côté. Je fais peut-être <strong>de</strong> plus enplus une chasse, mais parce qu’en tant quemé<strong>de</strong>cin, ça se comprend. Encore plusmaintenant, en fait. Sur le reste, sur les bi<strong>la</strong>nslipidiques, je crois que je suis c<strong>la</strong>ir, <strong>de</strong> toute façon.Non, je ne crois pas que l’événement a pum’amener à d’autres mesures, je ne crois pas.- Et <strong><strong>de</strong>s</strong> patients qui ont un antécé<strong>de</strong>nt d’infarctus ?- De temps en temps, je cite mon cas, il m’arrived’être un peu provoc quand les gens m’énerventun peu , en disant, « Ben, vous voyez, c’est ce quej’avais comme taux <strong>de</strong> cholestérol, au moment oùj’ai fait mon acci<strong>de</strong>nt ! ». C’est pas une bonnechose, d’ailleurs. Je le fais quand je suis un peuénervé. Parce que, encore une fois, si on se fieaux références, à 48 ans, fumeur, c’était unantécé<strong>de</strong>nt ancien, donc, j’avais pas <strong>de</strong> surpoids,


- 145 -bref, j’avais rien du tout, 1,90 <strong>de</strong> LDL. Ben voilà, çareste un peu normal, en fait. Donc, je n’ai pas grandchoseà en dire, en fait. Donc, non, je ne crois pasque je peux en tirer <strong><strong>de</strong>s</strong> choses bien particulières.- Des gens qui ont un antécé<strong>de</strong>nt d’infarctus, est-ceque vous êtes plus attentif à leur vécu, à leurressenti à ce qui a pu se passer lors <strong>de</strong>l’hospitalisation, <strong>de</strong> <strong>la</strong> prise en charge ou pastellement plus qu’avant ?- Non. Parce que les <strong>de</strong>rniers infarctus que j’ai, ils sontrestés trois jours, etc.- A l’hôpital, vous voulez dire ?- Oui.- La prise en charge a été brève. Rapi<strong>de</strong>.- La pris en charge a été rapi<strong>de</strong>. Trop rapi<strong>de</strong>, sûrementpour que justement ils se ren<strong>de</strong>nt compte qu’ils ontfailli y <strong>la</strong>isser leur peau . Oui, si, on peut quand mêmele dire. Donc, il faut un peu les mobiliser pour qu’ilsse ren<strong>de</strong>nt compte <strong><strong>de</strong>s</strong> choses, en fait. Mais c’esttout. Non, je vais pas changer trop mon…- De manière plus générale…- C’est peut-être eux qui, si j’ai <strong><strong>de</strong>s</strong> ma<strong>la</strong><strong><strong>de</strong>s</strong> qui mefont ce genre <strong>de</strong> pathologie, qui se souviennent qu’ilsavaient su que j’en avais fait…- Et ils vous en parlent ?- Oui. Un peu.- De manière plus générale, est-ce que vous avezmodifié votre façon <strong>de</strong> travailler, en terme <strong>de</strong> rythme<strong>de</strong> travail ?- Non, à l’époque, non. Je n’ai pas du tout modifié.C’est vrai que c’est l’époque qui était peu… J’avais,après ce que je vous ai dit tout à l’heure,effectivement, j’avais un associé qui était.. qui n’étaitpas bien fait pour <strong>la</strong> mé<strong>de</strong>cine générale, en fait, et quipetit à petit, avait fait périclité son activité. Et c’étaitdifficile, c’était douloureux pour le cabinet, en fait.Après il y a eu le déménagement, et encore une fois,<strong>de</strong>puis, moi, j’ai ré-augmenté énormément. Il estparti. Bon, j’ai rebaissé un peu avec l’arrivée… C’estplus l’arrivée <strong>de</strong> ma nouvelle associée, en fait.Nouvelle, ça fait <strong>de</strong>puis 2001. Donc, j’en ai profitépour changer certaines choses, que j’avais envie <strong>de</strong>changer. C’est-à-dire effectivement que j’ai pris unjour dans <strong>la</strong> semaine, elle en prenait un aussi, doncvoilà, c’était une autre organisation du travail. Plusautre chose, parce que je vivais autre chose avecelle, en fait. Une association plus heureuse et plusagréable et donc, on doit pouvoir se reposer surl’autre, etc.- Mais pas parce que <strong>la</strong> pathologie vous l’imposait.- Mais pas à cause <strong>de</strong> <strong>la</strong> pathologie. C’est l’associationque j’avais.- D’accord. Est-ce que ça a pu changer votre rapport à<strong>la</strong> ma<strong>la</strong>die, à <strong>la</strong> vie, à <strong>la</strong> mort ?- Je crois pas. Je crois pas. Je crois quand même quece sont <strong><strong>de</strong>s</strong> questions que… Peut-être que le choixd’être mé<strong>de</strong>cin est un choix déjà d’une certaineangoisse <strong>de</strong> <strong>la</strong> mort ou d’autre chose, qu’on l’avoueou qu’on l’avoue pas. Moi ça m’a jamais gêné, sansdoute, <strong>de</strong> l’avouer. Pas <strong>de</strong> trouver le côtépathologique du choix, mais enfin, <strong>de</strong> me dire « Si tul’as fait, c’est peut-être bien parce que ça t’interpel<strong>la</strong>it,quand même ». Donc, <strong>de</strong>rrière, ce sont <strong><strong>de</strong>s</strong> questionsexistentielles. Effectivement, peut-être, le fait <strong>de</strong>l’avoir côtoyée, parce que c’était pas du cinéma,effectivement. Le fait <strong>de</strong> me dire « Il ne faut pas quetu meures là », il y avait quelque chose <strong>de</strong> plus, là.Mais <strong>de</strong>rrière, je ne crois pas que ça m’ait tellementchangé.- D’accord. Est-ce que, un peu a contrario, mais pourrevenir sur ce qu’on disait tout à l’heure, est-ce qu’i<strong>la</strong> certains patients qui vont se p<strong>la</strong>indre <strong>de</strong> symptômespeu graves, ce que parfois on appelle « <strong>la</strong>bobologie », est-ce que parfois ça peut vous amenerà vous énerver, à être moins tolérant par rapport à cegenre <strong>de</strong> symptômes, quand vous vous dites quevous avez eu une pathologie plus grave ?- Non, non. Du tout.- Ça n’interagit pas du tout.- Non, je crois qu’on est toujours là pour amenerquelque chose aux gens. « Bobologie », alors là,c’est un terme…- Ça veut tout et rien dire.- Je refuse complètement, parce que c’est tropréducteur pour notre activité.- C’est un terme qui est galvaudé.- C’est ce que je dis, parce que ça rime à rien, enfait. C’est <strong><strong>de</strong>s</strong> gens qui n’ont rien compris au film,ou les grands spécialistes qui vont penser à ce<strong>la</strong>,mais pas nous, en fait. Et moi <strong>de</strong> toutes façons,amener un petit service ou un grand service, à <strong>la</strong>limite, quand quelqu’un part en étant rassuré, bentant mieux.- C’est le principal.- Voilà. Mais, s’il faut lui faire un électro ou pas, c’estun autre débat, <strong>de</strong> toute façon. Non, je ne crois pasque <strong>de</strong> ce côté-là, ça ne m’a pas rendu plusméchant ou autre pour le reste.- D’accord. Est-ce que vous prenez en charged’autres mé<strong>de</strong>cins, spécialistes ou généralistes, entant que mé<strong>de</strong>cin traitant ?- Non.- Vous n’avez personne qui vous ait déc<strong>la</strong>ré commemé<strong>de</strong>cin traitant ?- Non.- Qui soit mé<strong>de</strong>cin ?- Non.- D’accord. Alors, je vais vous poser une question à<strong>la</strong>quelle, souvent, les personnes que j’aiinterrogées ont du mal à répondre. De manièregénérale, par rapport à <strong>la</strong> prise en charge <strong>de</strong> <strong>la</strong>santé <strong>de</strong> vos patients, et le suivi <strong>de</strong> vos patients,comment est-ce que vous estimez <strong>la</strong> prise encharge <strong>de</strong> votre santé ?- Eh ben, je vais dire i<strong>de</strong>ntique, parce que chacun vachercher ce qu’il veut, dans <strong>la</strong> mé<strong>de</strong>cine. Et que cesoit un ma<strong>la</strong><strong>de</strong>, un patient <strong>la</strong>mbda, ou un mé<strong>de</strong>cin<strong>la</strong>mbda, il va aller chercher dans <strong>la</strong> mé<strong>de</strong>cine cequ’il veut y trouver. Donc, il n’y aura pas <strong>de</strong>différence fondamentale <strong>de</strong> ce côté-là. Ensuite,<strong>de</strong>rrière, ça ne m’a ni rendu hystérique, nipusil<strong>la</strong>nime, etc, donc, je répète, chacun pardéfinition va chercher ce qu’il veut dans <strong>la</strong>mé<strong>de</strong>cine. Vous en aurez un qui va chercher d’êtrerassuré trois fois, l’autre qui va etc. Donc, non,c’est pas une notion qui, enfin… Vous voyez ceque je veux… Je ne sais pas si je suis c<strong>la</strong>ir <strong>de</strong> cecôté-là. Je m’en tire peut-être, vous allez dire, parune pirouette, mais non. Chacun trouve ce qu’ilveut. Mais vous, vous allez aller chercher chez unmé<strong>de</strong>cin telle réassurance, à tel niveau, et puisc’est tout. Donc, le mé<strong>de</strong>cin, il va trouver saréassurance au niveau qu’il souhaite lui-même. Enfait, toujours.- Vous avez le même fonctionnement.- Je crois, je crois.- D’accord. Avant <strong>de</strong> terminer cet entretien, jevou<strong>la</strong>is savoir pourquoi vous avez accepté <strong>de</strong>répondre à mon étu<strong>de</strong>.- Ben tout bêtement, parce qu’effectivement j’ai <strong><strong>de</strong>s</strong>internes. Je me frotte un petit peu au mon<strong>de</strong> <strong>de</strong>votre génération. Ça m’intéresse toujours. Et puis,c’est peut-être pour ça que je suis <strong>de</strong>venumé<strong>de</strong>cin. Effectivement, je crois que j’ai unecuriosité, et donc en même temps, pourquoi ne pass’en servir, vis-à-vis <strong>de</strong> moi. En l’occurrence, lesujet m’intéressait <strong>de</strong> ce côté-là, en fait. Je croisque le jour où je ne serai plus curieux, jeraccrocherai. Je décroche ma p<strong>la</strong>que. Voilà.- C’est un petit peu le nerf <strong>de</strong> notre métier.


- 146 -- Oui, oui. Je crois que c’est ça. Moi je suis un peuouvert à toutes les expériences, au maximum.- D’accord. Juste pour les besoins <strong>de</strong> l’étu<strong>de</strong>, j’auraisbesoin <strong>de</strong> vous poser une question. Je ne suis passûre d’avoir eu <strong>la</strong> réponse très précise, j’aurais justebesoin <strong>de</strong> savoir votre âge.- (Rire) Je suis né le 26 août 49.- D’accord. Merci beaucoup.Entretien avec le Docteur F,réalisé à son cabinet le 6 juin 2008- Actuellement, je suis en fin d’internat <strong>de</strong> mé<strong>de</strong>cinegénérale et je réalise une étu<strong>de</strong> sur le suivi <strong><strong>de</strong>s</strong>mé<strong>de</strong>cins généralistes qui <strong>de</strong>viennent ou qui sont<strong>de</strong>venus, un jour, ma<strong>la</strong><strong><strong>de</strong>s</strong> et donc patients euxmêmes.Voilà. Cette étu<strong>de</strong> s’inscrit dans le cadre dutravail <strong>de</strong> recherche pour <strong>la</strong> réalisation <strong>de</strong> ma thèse<strong>de</strong> docteur en mé<strong>de</strong>cine. Je vou<strong>la</strong>is, dans un premiertemps vous remercier <strong>de</strong> me recevoir, pour me parlerd’un sujet qui est aussi personnel que celui <strong>de</strong> votresanté. Si vous n’avez pas d’autres questions, on vapasser à <strong>la</strong> suite <strong>de</strong> l’entretien.- Oui.- J’aimerais, si c’est possible, dans un premier temps,que vous me parliez <strong>de</strong> vous, en tant que mé<strong>de</strong>cin,pour me présenter votre activité.- C’est tellement vaste.- Votre type d’exercice, quand est-ce que vous vousêtes installée, est-ce que vous n’avez fait que <strong>de</strong> <strong>la</strong>mé<strong>de</strong>cine générale ? Voilà, votre exercice, si vouspouvez m’en parler rapi<strong>de</strong>ment.- D’accord. Je fais <strong>de</strong> <strong>la</strong> mé<strong>de</strong>cine générale. Je viensd’un milieu extrêmement mo<strong><strong>de</strong>s</strong>te. Normalement,j’aurais jamais dû être mé<strong>de</strong>cin. J’y suis arrivée,assez durement, mais j’y suis arrivée, et comme jen’avais pas beaucoup d’argent, j’avais jamais imaginéque je ferais mé<strong>de</strong>cin généraliste, parce que dans matête, ça <strong>de</strong>mandait <strong><strong>de</strong>s</strong> sous, <strong><strong>de</strong>s</strong> ai<strong><strong>de</strong>s</strong>. J’en avaispas, donc, dans mon optique, je <strong>de</strong>vais être mé<strong>de</strong>cinhospitalier. J’ai préparé l’internat et je l’ai échoué unepremière fois, et puis <strong>la</strong> <strong>de</strong>uxième fois où je meprésentais, j’étais enceinte, justement. Donc, j’aiéchoué <strong>la</strong> <strong>de</strong>uxième fois plus parce que magrossesse, je pense que c’est incompatible, l’internat,avec <strong>la</strong> grossesse. J’étais interne dans un hôpitalpériphérique ; j’avais réussi le périphérique, et j’ai euune excellente formation. Je me suis installée. J’avaisl’intention, à ce moment-là… J’avais toujours monproblème d’argent. Quand même, je me suis dit : « Jevais chercher un centre qui recrute <strong><strong>de</strong>s</strong> mé<strong>de</strong>cinsgénéralistes, un centre municipal ou autre, un centre<strong>de</strong> santé, pour être sa<strong>la</strong>riée, mé<strong>de</strong>cin sa<strong>la</strong>rié ».- Oui.- Je ne me voyais pas faire autre chose, à cetteépoque-là, et j’ai fait une thèse, moi, sur un sujetd’histoire <strong>de</strong> <strong>la</strong> mé<strong>de</strong>cine à Lyon. Et on m’a proposéune p<strong>la</strong>ce mais qui n’était pas libre immédiatement,quand j’ai fini mes étu<strong><strong>de</strong>s</strong>.- D’accord.- Donc je me suis dit « Ben tant pis ! ». J’ai pas fait <strong><strong>de</strong>s</strong>remp<strong>la</strong>cements en mé<strong>de</strong>cine générale, j’avais besoind’une p<strong>la</strong>ce stable. Et mon associé, Monsieur S, quiétait aussi un ami, puisqu’on était internesensembles, on se connaît bien, <strong>de</strong>puis 30 ans qu’onest ensemble. Il était associé à ce moment-là avec<strong>de</strong>ux autres mé<strong>de</strong>cins. Il y en a un qui partait parcequ’il ne se p<strong>la</strong>isait pas ici, et ils m’ont proposé <strong>la</strong>p<strong>la</strong>ce parce qu’ils avaient envie d’être avec unefemme.- D’accord.- Voilà. Et puis j’ai dit oui. Je suis là <strong>de</strong>puis 30 ans.- D’accord. Donc finalement, tout <strong>de</strong> suite <strong>la</strong>mé<strong>de</strong>cine libérale.- Oui. Voilà, mais avec <strong><strong>de</strong>s</strong> conditions particulières,tout <strong>de</strong> même, je pense que nous sommes uneexception : pendant 18 ans, nous avons fonctionnéen partageant tout. C’est-à-dire on partageait entrois le temps <strong>de</strong> travail, <strong>la</strong> patientèle, l’argent.- D’accord.- L’organisation, donc, c’était assez particulier,assez spécifique, mais c’était passionnant. Ons’est bien marré. Il y avait <strong><strong>de</strong>s</strong> moments, <strong><strong>de</strong>s</strong>moments durs, comme ça, mais bon, on faisait unebonne équipe. On avait vraiment une bellesolidarité, une belle amitié qui étaient un réconfortet un soutien importants. Ça a énormémentcompté pour moi.- Vous étiez très soudés.- Justement, pendant mes maternités, ils étaient làpour s’occuper <strong><strong>de</strong>s</strong> patients. Quand il y a eu besoin<strong>de</strong> plus faire les gar<strong><strong>de</strong>s</strong>, parce que j’étais en fin <strong>de</strong>grossesse, ils ont fait les gar<strong><strong>de</strong>s</strong> à ma p<strong>la</strong>ce. Ça neposait aucun problème. Surtout qu’à l’époque, lesfemmes mé<strong>de</strong>cins ne recevaient aucune rétributionce qui n’est plus le cas aujourd’hui.- Oui, ce qui a changé. Et au bout <strong>de</strong> ces 18 ans,vous avez modifié votre façon <strong>de</strong> fonctionner dansle cabinet ?- Non. L’un <strong>de</strong> nous est mort. Le Docteur T, qui étaitun associé, est décédé et ça a un peu tout changé.- Ça a bouleversé le…- Oui, on a pris un associé, le Docteur U qui est plusjeune que nous, qui est charmant, mais qui n’avaitpas envie <strong>de</strong> faire ce système. On ne pouvait pasl’obliger, c’était historique pour nous, c’étaitquelque chose qui n’avait plus lieu d’être. On achangé un peu le fonctionnement.- D’accord.- Mais <strong>la</strong> mé<strong>de</strong>cine générale, c’est ma passion,donc, pas <strong>de</strong> regret. Puisque, si j’avais réussi leCHU, j’aurais fait <strong>de</strong> <strong>la</strong> mé<strong>de</strong>cine interne et en fait,je trouve que <strong>la</strong> mé<strong>de</strong>cine générale, c’est encoremieux : on voit les enfants, <strong>de</strong> <strong>la</strong> pédiatrie, on vaau domicile <strong><strong>de</strong>s</strong> patients, on fait <strong>de</strong> <strong>la</strong> gériatrie, eton fait les visites à domicile, ce qui, à mon avis, estune spécificité qu’il ne faudrait pas perdre, et quiest en train <strong>de</strong> se perdre. Et moi, je pense quec’est regrettable.- D’accord. Donc effectivement, vous connaissezbien les patients. On va parler <strong>de</strong> vous peut-êtreplus en tant que patiente. Est-ce que vous pourriezbrièvement me redire quels ont été vosantécé<strong>de</strong>nts, au cours <strong>de</strong> votre vie, puis après onreviendra <strong>de</strong> façon plus approfondie surle problème obstétrical.- Eh bien moi, je me considère comme soli<strong>de</strong>comme un roc, j’ai une santé <strong>de</strong> cheval, et doncjusqu’à l’âge <strong>de</strong> 27 ans, je n’avais jamais eu besoin<strong>de</strong> mé<strong>de</strong>cin. Jamais ! Je suis increvable ! Je ne<strong>de</strong>vrais pas dire je suis, j’étais increvable, parceque maintenant, il y a l’âge quand même. Jepouvais enchaîner <strong>de</strong>ux nuits <strong>de</strong> gar<strong>de</strong> sans êtrefatiguée. Non, c’est vrai, je ne dis pas ça pour mevanter. J’ai une chance. Je me souviens, quand onétait ensemble à l’internat, on se levait <strong>la</strong> nuit pouraller faire <strong>de</strong> <strong>la</strong> chirurgie en salle d’urgence. Moi jerecouchais, je me rendormais, les autres ne serendormaient pas. Et du coup, j’avais une aptitu<strong>de</strong>…- A récupérer rapi<strong>de</strong>ment.- A récupérer. A pas trop m’angoisser. Puis,effectivement, mes ennuis ont recommencé avecl’obstétrique. Avec mes grossesses. C’était ledémarrage.- D’accord.- Avant, RAS, j’avais rien !- D’accord. Et vous avez eu plusieurs grossesses ?


- 147 -- J’ai eu trois grossesses, et trois enfants.- D’accord.- Ce qui est supérieur à <strong>la</strong> moyenne. Dans ma famille,je suis celle qui a fait le plus d’enfants, si je compareavec mes belles-sœurs, mes sœurs, bizarrement.- Malgré votre travail très prenant. Oui. C’est l’une <strong>de</strong>ces grossesses, qui a eu <strong><strong>de</strong>s</strong> complications ?- Non, j’ai eu <strong><strong>de</strong>s</strong> problèmes pour les trois.- D’accord. Alors on parlera <strong><strong>de</strong>s</strong> trois tout à l’heure.D’accord.- Les grossesses elles-mêmes, se sont déroulées trèsbien. Je suis une bonne gestante, c’est lesaccouchements… qui ont été catastrophiques.- Dans votre mail, vous me parliez d’un problèmeendocrinien ?- Oui, mais vous m’aviez dit que vous ne vouliez quel’obstétrique.- Oui, mais dans un premier temps, on revient surl’ensemble <strong><strong>de</strong>s</strong> antécé<strong>de</strong>nts, puis on reviendra <strong>de</strong>façon plus approfondie sur <strong>la</strong> pathologie obstétricale,s’il vous le voulez bien.- Le problème endocrinien, c’est à cinquante ans, unehyperthyroïdie avec un Basedow. Donc, c’estbeaucoup plus tard.- Hum, Hum. Et vous avez eu aussi un problèmeinfectieux, vous me disiez ?- Une ma<strong>la</strong>die <strong>de</strong> Lyme, en 2006… Enfin, un érythèmechronique migrant avec <strong><strong>de</strong>s</strong> complicationsneurologiques. Une borréliose tertiaire, malgré quej’aie… Je suis exceptionnelle, <strong>de</strong> toute façon. J’aientendu ça par tous les mé<strong>de</strong>cins qui m’ont soignée :« C’est parce que vous êtes mé<strong>de</strong>cin ». C’est <strong>la</strong>première chose qu’ils me disent. Parce que je ne suisjamais dans les trucs courants.- Dans les normes.- Jamais. Non, je n’ai jamais été dans les trucscourants, et ça, je l’ai entendu tout le temps « Ah,mais c’est parce que vous êtes mé<strong>de</strong>cin ». Voilàl’explication qu’on me donne.- D’accord.- Pourquoi ci, pourquoi ça ? Parce que pour mama<strong>la</strong>die <strong>de</strong> Lyme, aussi, c’est quand même assezbizarre comme truc, mon Basedow. C’est pareil donc,j’ai fait un Basedow, sans goitre et sans exophtalmie.L’exophtalmie légère que j’ai aujourd’hui, elleest séquel<strong>la</strong>ire <strong>de</strong> l’io<strong>de</strong> radioactif. Mais je ne l’avaispas au départ et j’ai fait mon diagnostic moi-même. Etpour <strong>la</strong> ma<strong>la</strong>die <strong>de</strong> Lyme, aussi.- D’accord.- Auto-diagnostic.- Actuellement, est-ce que vous prenez un traitement ?- Oui.- Oui ?- Je prends du Levothyrox® puisqu’après le Basedow,on <strong>de</strong>vient hypo. Je ne suis pas complètement hypo.Là aussi, c’est exceptionnel. Je <strong>de</strong>vrais être à 125mais je suis à 75µg.- Oui. D’accord. Et pas d’autre traitement ?- Non. A <strong>la</strong> ménopause, j’ai pris un traitementhormonal.- D’accord. Est-ce que vous avez un bi<strong>la</strong>n <strong>de</strong> santé encours, sinon, en <strong>de</strong>hors <strong><strong>de</strong>s</strong> problèmes que vousm’avez cités ?- Un bi<strong>la</strong>n <strong>de</strong> santé ?- Je veux dire un problème qui serait apparu trèsrécemment, notamment <strong>de</strong>puis qu’on a pucommuniquer par mail ? Non ?- Non.- D’accord.- Heureusement, ça se tient calme. Non… Espéronsque ça dure !- D’accord. Comment est-ce que vous prenez encharge votre santé ? Est-ce que vous avez unmé<strong>de</strong>cin traitant ?- Alors, j’ai pas <strong>de</strong> mé<strong>de</strong>cin traitant. C’est pas quel’envie m’en manque, parce que c’est vrai, jetrouve que ça serait une bonne démarche, mais,heu… c’est pas simple en fait. C’est pas simpleparce que ces gens ont les mêmes horaires quenous.- Oui.- Alors par contre, sans avoir <strong>de</strong> mé<strong>de</strong>cin traitant,assez souvent, je <strong>de</strong>man<strong>de</strong>, moi, <strong><strong>de</strong>s</strong> conseils àmes collègues. Par exemple, quand j’ai suspectémon hyperthyroïdie, je leur ai dit « Voilà lessymptômes que j’ai, qu’est-ce que t’en penses ? ».On en a parlé tous les trois, ça m’a tenu lieu <strong>de</strong>mé<strong>de</strong>cin traitant. Quand j’ai eu mon érythèmechronique migrant, pareil, et moi, je suspectais quec’était ça, je l’ai montré à mes collègues. Ils m’ontdit « Non, non, c’est pas ça ». Et puis, bon, j’aisuivi mon idée. Après, j’ai <strong>de</strong>mandé au <strong>de</strong>rmato ducoin. J’ai dit « Qu’est-ce que t’en penses ? ». Il m’adit « Ben oui, t’as raison ». Voilà, donc…- D’accord, vous en discutez ensemble. Est-ce queparfois ils vous prescrivent… par exemple pour leproblème thyroïdien, est-ce que c’est eux qui vousavaient prescrit un bi<strong>la</strong>n thyroïdien, ou c’est vousqui, à ce moment-là vous êtes prescrit ?- Non, je suis allé voir le biologiste, puis voilà.- D’accord. C’est vous qui faites les ordonnances.- Oui, c’est vrai que, bon, pour le moment, je faiscomme ça, mais il faudra sans doute changer.- Vous aviez pensé choisir l’un <strong>de</strong> vos confrères, àun moment, vous y aviez réfléchi ou pasprécisément ?- J’y ai réfléchi mais je me suis dit que si c’était un<strong>de</strong> mes associés, il pouvait se sentir gêné.Effectivement, je pense que si j’avais réellement euune ma<strong>la</strong>die qui nécessite un regard très fréquent,je pense que je ferais <strong>la</strong> démarche ; maisfinalement…- Vous n’en n’avez pas ressenti le besoin.- Non. J’ai un suivi par une amie gynéco, que jeconnais <strong>de</strong>puis longtemps, <strong>de</strong>puis <strong><strong>de</strong>s</strong> années.C’est elle qui m’a toujours suivie, donc, pour <strong>la</strong>gynéco, c’est chez elle que je vais. Parce qu’on seconnaît bien, on est <strong>de</strong> bonnes amies.- Oui.- Donc, je ne vois pas <strong>de</strong> raison <strong>de</strong> changer. Encoreque, c’est vrai, j’aurais pu être suivie par ungénéraliste, mais nous, on s’est connues pendantnos étu<strong><strong>de</strong>s</strong> et voilà. C’est elle qui m’a accouchéeaussi.- D’accord. Il y a un lien particulier.- Il y a un lien particulier. Non, c’est pas du tout pardéfiance envers les collègues, si c’est ce que vouspensez, non, non, c’est pas ça.- J’essaie <strong>de</strong> savoir pourquoi est-ce que lesmé<strong>de</strong>cins choisissent ou ne choisissent pas unmé<strong>de</strong>cin traitant.- Oui.- C’est une question que je pose.- Voilà, il y a quand même <strong>la</strong> proximité <strong><strong>de</strong>s</strong> autres.Je pense, à chaque fois, je leur ai <strong>de</strong>mandé, quandmême « Qu’est-ce que t’en penses ? Qu’est-ceque tu rajouterais dans le bi<strong>la</strong>n ? » Ou, quand j’aimontré mon machin, là, sur <strong>la</strong> cuisse, j’ai montré àchacun, oui.- D’accord.- Puis quand j’avais <strong>la</strong> suspicion <strong>de</strong> <strong>la</strong> borréliose, ilsont été au courant, ils savaient ce que j’avais, quoi.- D’accord. Donc, c’était une discussion encol<strong>la</strong>boration.- Voilà. Alors, peut-être que je ne <strong>de</strong>vrais pas faireça, parce que c’est vrai, on ne peut peut-être pasrencontrer <strong>la</strong> personne <strong>de</strong> <strong>la</strong> même façon.- Hum.- Mais non, je ne me sentais pas non plus dans unegran<strong>de</strong> souffrance au point <strong>de</strong>… Voilà, je savais


- 148 -que j’avais quelque chose, qu’il fal<strong>la</strong>it trouver ce quec’était. Point. Je me suis auto appliquée ce quej’applique à mes patients, voilà.- D’accord.- Il me semble que mon psychisme me le permet. Maispeut-être que je m’égare ? Je ne vois peut-être pas <strong>la</strong>poutre.- Et justement, <strong>de</strong> manière générale, quelle patientevous pensez être ?- Ah, ben je suis une bonne patiente, très compliante.- Très compliante, d’accord.- Sauf une fois et je l’ai payé très cher. Alors, je suiscompliante, mais jusqu’à un certain point. C’est-à-direque je surveille, je veille au grain. Et il m’est arrivéplein <strong>de</strong> trucs. J’ai eu <strong><strong>de</strong>s</strong> épistaxis sous héparine.J’ai eu, on m’a brûlée avec un bistouri électrique, onm’a raté une rachianesthésie. Je leur disais« Ecoutez, je sens tout ». Heureusement, mais ils neme croyaient pas. Il vous arrive <strong><strong>de</strong>s</strong> trucs paspossible, hein. Alors on se dit « Ben les patients quine disent rien… » moi je suis assez docile mais je dis« Atten<strong>de</strong>z, il y a ça qui va pas ».- Et quand vous dites « Ils ne me croyaient pas », estceque vous pensez que votre situation <strong>de</strong> mé<strong>de</strong>cin,à ce moment-là, ça jouait ?- Non.- Non ?- Non, non, non. Je pense que...- Non, ils pensaient avoir fait leur geste correctement.- Oui, voilà.- Ils ne se posaient pas <strong>de</strong> questions.- C’est vrai qu’il faut veiller au grain, toujours.Quelquefois on se rend compte, quand on va chezles mé<strong>de</strong>cins, qu’effectivement, ils ne nous écoutentpas.- Ils suivent leur raisonnement.- Donc voilà, d’avoir été patient, ça m’a été utile. Trèsutile.- Alors, ça, on va en reparler. Maintenant, on vareparler un peu plus précisément <strong>de</strong> <strong>la</strong> pathologieobstétricale, pour <strong>la</strong>quelle on se rencontreaujourd’hui. Est-ce que vous pourriez me racontervotre parcours <strong>de</strong> ma<strong>la</strong><strong>de</strong>, justement, dans le cadre<strong>de</strong> l’obstétrique ? Alors, il va y avoir trois épiso<strong><strong>de</strong>s</strong>différents, d’après ce que j’ai compris ?- Oui.- Est-ce que vous pouvez me raconter comment ças’est passé ?- Oui, donc, ma première grossesse, une grossessesans problème, sauf que c’était une grossesseprolongée.- Oui.- Donc, j’avais dépassé mon terme <strong>de</strong> 15 jours, alorson a dit « Il faut provoquer l’accouchement ». Donc,on a percé <strong>la</strong> poche <strong><strong>de</strong>s</strong> eaux, fait je ne sais plusquoi, et donc là, ça a été un peu anarchique auniveau <strong><strong>de</strong>s</strong> contractions, le bébé a fait unebradycardie foetale, donc césarienne en urgence.- Ça, c’était en quelle année. ?- 1977. J’avais 27 ans.- D’accord.- Le bébé n’a pas eu <strong>de</strong> problème après <strong>la</strong> naissance ?- Le bébé n’a pas eu <strong>de</strong> problème à cause <strong>de</strong> ça, maisil est malheureusement décédé à l’âge <strong>de</strong> 14 mois.- D’accord.- Donc j’ai perdu mon premier enfant, un petit garçon,dans un acci<strong>de</strong>nt domestique.- D’accord.- Qui ne s’est pas produit chez moi, chez <strong>la</strong> nourrice.- D’accord.- Ça, ça a été le drame <strong>de</strong> ma vie.- Bien sûr.- Chose dont je peux parler aujourd’hui. Mais, pendant<strong><strong>de</strong>s</strong> années, je ne pouvais pas en parler sans pleurer.- Bien sûr.- C’est une vieille histoire.- Mais qui marque à jamais. C’est sûr.- Voilà.- Mais qui n’était pas liée à l’histoire <strong>de</strong>l’accouchement.- Effectivement, ça n’avait aucune re<strong>la</strong>tion. Maisdéjà, il y a quand même eu un truc à <strong>la</strong> naissance,puisqu’à l’accouchement il a fait une bradycardie.Je me suis posé <strong>la</strong> question. A ce moment-là, j’aieu quand même très peur, parce que j’ai eu peurdéjà <strong>de</strong> le perdre à <strong>la</strong> naissance. Et puis après,c’était un enfant magnifique, voilà. Et il y a eu unproblème.- Et il s’est passé un drame.- Voilà, il y a eu un drame.- D’accord.- Il est mort d’une brûlure grave qui est survenuechez <strong>la</strong> nourrice, <strong><strong>de</strong>s</strong> suites d’une brûlure grave.- D’accord. Et vous avez démarré une <strong>de</strong>uxièmegrossesse plusieurs années après ?- Non. Alors, là, ce qui s’est passé, j’ai, j’ai arrêté <strong>la</strong>pilule immédiatement quand il est mort.- Après le décès <strong>de</strong> votre bébé. D’accord.- J’ai fini ma p<strong>la</strong>quette et j’ai pas repris ma pilule. Etpuis je me suis dit « Inch Al<strong>la</strong>h, on verra bien ! ».- Il y avait ce désir d’enfant.- Ben si vous voulez, quand il vous arrive ça, vouspensez d’abord que vous allez <strong>de</strong>venir fou, quevous n’allez jamais vous en remettre. Et puis jepense qu’on s’en est remis, parce qu’on est quandmême pas seul, il y avait mon conjoint. Et puis ona été finalement assez soli<strong><strong>de</strong>s</strong>. Moi, je suis parfoistrès stupéfaite <strong>de</strong> voir que c’est une chose quiarrive à énormément <strong>de</strong> femmes. Dans mapatientèle, j’ai énormément <strong>de</strong> femmes qui ontperdu un, voire <strong>de</strong>ux enfants dans <strong><strong>de</strong>s</strong>circonstances aussi dramatiques, sinon plusdramatiques que <strong>la</strong> mienne et quelquefois je medis, mais j’ai une espèce <strong>de</strong> recul et je me dis« Mais moi aussi, ça m’est arrivé ». Et je me suissurprise plusieurs fois en train <strong>de</strong> rassurer,consoler, marquer <strong>de</strong> l’empathie pour cespersonnes, comme si j’étais distante alors qu’enfait, ça m’est également arrivé. C’est très curieuxcomme sensation. Mais voilà, ça veut dire que jen’ai pas perdu mes capacités d’être mé<strong>de</strong>cin.Donc, ça m’a un peu rassurée. Et puis peut-êtreque j’ai été bâtie assez soli<strong>de</strong> pour résister à ça.Voilà. C’est une chose qui a dû exister à <strong><strong>de</strong>s</strong>millions et <strong><strong>de</strong>s</strong> millions <strong>de</strong> femmes <strong>de</strong>puis que lesfemmes sont sur terre. Aujourd’hui, il y a encoreénormément <strong>de</strong> femmes, dans d’autres pays, quiper<strong>de</strong>nt leurs enfants, soit pendant les grossesses,soit en bas âge, soit…- C’est vrai que lors du drame, c’est très personnel.C’est difficile <strong>de</strong> penser à ce qui se passe autour.- Oui, sauf que, comme je dis souvent, c’est un sujettabou, puisque cette chose n’a même pas <strong>de</strong> nom.Quand on perd son enfant, on ne peut pas dire« Je suis orphelin » comme quand on a perdu sonpère ou sa mère. Ni « Je suis veuf ou veuve »,comme quand on a perdu son conjoint. Donc, çan’a pas <strong>de</strong> nom, dans notre vocabu<strong>la</strong>ire.- C’est vrai.- C’est étrange, ça a certainement une raison que jene connais pas, mais voilà, ça porte à réflexion.- Il n’y a pas <strong>de</strong> qualificatif, c’est vrai. Vos <strong>de</strong>uxautres grossesses ont posé <strong><strong>de</strong>s</strong> problèmessimi<strong>la</strong>ires ?- Quand j’ai arrêté <strong>la</strong> pilule, je sais plus ce qu’il yavait eu, oui, j’ai consulté, donc pour mon examengynécologique habituel et on m’a trouvé un grosovaire. Et on m’a fait une échographie. A l’époque,les échographies n’étaient pas aussi performantesqu’aujourd’hui, c’était en 79, 80, pardon. Doncc’était un an après le décès <strong>de</strong> V. Et bien, on m’atrouvé ce truc et quand on m’a fait l’échographie,


- 149 -ça semb<strong>la</strong>it pas bon. Il y avait <strong><strong>de</strong>s</strong> images échogènesà l’intérieur. Donc, moi je me suis dit « C’est uncancer » et effectivement les mé<strong>de</strong>cins pensaient quec’était probablement une saloperie comme ça. Enmême temps, j’avais <strong><strong>de</strong>s</strong> drames familiaux, avec monpère qui était ma<strong>la</strong><strong>de</strong> d’un cancer du poumon et quiest mort cette année-là. Ma sœur, qui a fait unehépatite à cyto-mégalo virus que j’al<strong>la</strong>is voir sansarrêt à l’hôpital, parce qu’elle avait un ictère avec 40<strong>de</strong> fièvre. Elle a maigri <strong>de</strong> 10 kilos. Ça a duré plusd’un mois. Assez rai<strong>de</strong>. Ça, c’est <strong><strong>de</strong>s</strong> détails annexeset ça compte aussi.- Oui, bien sûr.- Enfin, détails, je ne <strong>de</strong>vrais pas utiliser ce terme. Et,bon, c’était ma vie. C’était le bazar permanent.J’avais pas <strong>la</strong> pêche, jamais, jamais. Et donc… je mesuis dit « Bon, ben là, j’arrête ma pilule ». C’est là queje me suis dit « J’arrête ma pilule et puis on verrabien ». Et je l’ai dit à personne. Mais je me suis faitengueuler après, parce que là…. De toute façon, onme l’avait pas dit. J’ai dit à ma copine : « Tu m’avaispas dit qu’il fal<strong>la</strong>it pas que je l’arrête ». Elle a souri.Donc, j’étais enceinte, en fait. On m’a opérée <strong>de</strong> cekyste à l’ovaire, qui dieu merci n’était qu’un kyste et je<strong>de</strong>vais être enceinte : elle m’a dit « J’ai vu un groscorps jaune , eh ben tu sais, ça doit être unegrossesse ». Et c’était une grossesse. C’était pas trèsmalin <strong>de</strong> ma part. Parce que c’est vrai, c’est pas trèsmalin <strong>de</strong> se faire opérer quand on a un embryon quidémarre. Mais je l’ai fait, sans… enfin, je ne sais pasce qui se passait dans ma tête. Je l’ai fait. C’était uneconnerie, mais bon, ça m’a fait quand même unebelle petite fille, W, qui est née donc le 15 décembre80, qui est une ravissante fille. Mais pour W, c’estvrai, j’ai failli mourir, puisque là, j’ai fait une ruptureutérine. Si vous en trouvez une autre, vous me ledirez, parce que je connais personne qui ait fait unerupture utérine après moi. Vous en avez vu ?- Non, jusqu’à présent.- Jamais aucune <strong>de</strong> mes patientes n’a fait une ruptureutérine. Et je ne connais personne qui ait fait unerupture utérine. C’est hyper rare. Ben moi, je l’ai fait.Et donc là, ils m’ont ramenée, ils m’ont tirée par lescheveux, quand même. Moi, je, je… Ben, si vousvoulez, comme j’avais perdu cet enfant, ce garçon, cepetit V, heu, j’ai voulu absolument accoucher par voiebasse <strong>de</strong> W. Donc mon accouchement s’est passésans problème, cette fois-là, mais il fal<strong>la</strong>it faire unerévision utérine. Et on m’a fait <strong>la</strong> révision utérine, etlà, j’ai commencé à me sentir mal. Et effectivementj’ai vu le visage <strong>de</strong> ma copine, parce que j’ai pasvoulu l’anesthésie, pour <strong>la</strong> révision utérine, j’avais pasenvie d’anesthésie. Donc, j’ai supporté. Mais elle m’adit « Ben ». J’ai vu sa tête, je me suis dit « Il y aquelque chose ». Quand j’ai commencé à me sentirmal, j’ai fait une baisse <strong>de</strong> tension fulgurante, j’avaisune brèche comme ça, et donc, elle a vite sauté dansson bloc opératoire. Je ne sais pas ce que… j’ai dûtomber dans les pommes.- C’était lié à l’utérus cicatriciel suite à <strong>la</strong> césarienne ?- Oui.- D’accord.- Voilà.- C’était un accouchement périlleux.- Mais l’accouchement lui-même… Ben moi, je suispartie au bloc opératoire. Je savais qu’il fal<strong>la</strong>itm’opérer, <strong>de</strong> toute façon, je connaissais, puisquej’étais interne en obstétrique. Je connaissais bien lesujet. Et donc je me suis dit « Bon, ben ça fait rien, jevais mourir, il vaut mieux que ce soit moi que <strong>la</strong>petite ».- D’accord.- J’étais dans une sérénité extraordinaire. Ça me faisaitpas <strong>de</strong> souci.- Vous aviez pris <strong>de</strong> <strong>la</strong> distance par rapport...- Ben, je ne sais pas, je pense que c’est lié à <strong>la</strong>baisse <strong>de</strong> tension. Cet espèce <strong>de</strong> ralenti,d’apaisement. Je sais pas. J’étais pas du toutangoissée. Je suis partie en disant « Ben je vaismourir, mais c’est pas grave, <strong>la</strong> petite est vivante ».Pour moi, il n’y avait que ça qui comptait. Et puis ilsm’ont quand même tiré d’affaire.- Hum.- Donc ça c’était merveilleux. Parce que j’ai eul’impression d’une renaissance. Et j’ai, quand j’yrepense, c’est un moment extraordinaire <strong>de</strong> ma vieaussi.- Les retrouvailles avec votre fille ?- Non. Non, non, <strong>de</strong> renaître.- De vous réveiller ?- De me dire « Mais je suis en vie ! Je suis là, je suisen vie ! ». Une explosion <strong>de</strong> joie…- De vous dire qu’on y tient, à <strong>la</strong> vie.- Eh bien oui, oui, c’est vrai.- Quand on <strong>la</strong> retrouve.- Avec le contraste. Je suis partie en disant « C’estfini, c’est pas grave ». C’est pas grave, enfin jeveux dire sans regret. Et puis <strong>de</strong> retrouver… Bon, ily avait <strong>la</strong> douleur, aussi. C’est <strong>la</strong> douleur qui vousréveille.- Oui.- Mais il y a <strong>la</strong> douleur mais il y a <strong>la</strong> joie <strong>de</strong> dire « Jesuis vivante ». Donc voilà.- Oui, si <strong>la</strong> douleur est là, c’est qu’on est là, quoi.- Et ça, c’est quand même pas rien.- Donc, votre renaissance et <strong>la</strong> naissance <strong>de</strong> votrefille en même temps.- Oui. Oui, oui.- Un épiso<strong>de</strong> vraiment très marquant.- Et puis donc, moi je suis une battante, et si vousvoulez, moi je me lève tout <strong>de</strong> suite, j’al<strong>la</strong>ite monenfant, même avec les tuyaux, c’est pas unproblème. C’est… je suis comme ça. Je ne me<strong>la</strong>isse pas aller. Je ne m’autorise pas à me <strong>la</strong>isseraller. C’est peut-être un défaut d’ailleurs. Il fautaller <strong>de</strong> l’avant. Il faut essayer <strong>de</strong> ne pass’épancher sur soi. C’est une chance, d’êtrecomme ça, je le reconnais.- Oui, <strong>de</strong> se battre, oui.- Je reconnais que c’est une gran<strong>de</strong> chance.- Et donc, l’al<strong>la</strong>itement, ça s’est bien passé ?- Oui. Pas <strong>de</strong> problème.- Mais avec tout ça, il y a quand même eu unetroisième grossesse ?- Alors, mon conjoint, lui, il vou<strong>la</strong>it plus, hein. Il a eutrès peur <strong>de</strong> me perdre.- Il a eu peur, bien sûr.- Et moi, c’est vrai que quelque part, j’ai sous-estiméson vécu. Parce que, je ne vou<strong>la</strong>is tout <strong>de</strong> mêmepas lui faire un enfant dans le dos. Je suis pascomme ça ! Mais je le talonnais, « Ecoute,j’aimerais bien en avoir un autre ». De toute façon,on n’avait qu’un enfant. Moi, j’avais toujours rêvéd’avoir trois enfants. Et puis après, donc, je prenais<strong>de</strong> l’âge, puisque quand X est née, j’avais 30 anspresque 31 ans.- Hum.- Le premier, j’avais 27 ans. Et les premièresannées, <strong>de</strong> toutes façons… Après, mon père estmort, est tombé ma<strong>la</strong><strong>de</strong> pendant ma grossesse, à1 mois1/2 j’avais le kyste, après il est décédé. Il esttombé <strong>de</strong> plus en plus ma<strong>la</strong><strong>de</strong>, il est mort en 82. Ily a eu plein <strong>de</strong> gens qui ont été ma<strong>la</strong><strong><strong>de</strong>s</strong> dans <strong>la</strong>famille, donc j’avais pas <strong>la</strong> tête à faire un enfant,puis c’était bien compliqué. Puis j’ai eu <strong><strong>de</strong>s</strong>problèmes avec les nourrices. Puisque le premierétait mort chez une nourrice, d’un acci<strong>de</strong>nt surtout,chez une nourrice, donc, c’était compliqué, quandmême.- Hum.


- 150 -- Donc, les premières années. Après, j’avais envie d’unautre enfant, et on m’avait fait une hystérographiepour vérifier qu’il n’y ait pas <strong>de</strong> problème. On m’a dit« Oui, si tu y tiens, mais il y aura une césarienneprophy<strong>la</strong>ctique systématique à 36 semaines ». Etc’est vrai que moi, mes gestations se sont toujourstrès très bien passées. J’ai pas <strong>de</strong> problèmeobstétricaux au sens… Voilà. C’est plutôt <strong><strong>de</strong>s</strong>problèmes d’accouchement.- Oui. Donc, là, l’accouchement était organisé…- Donc, à 36 ans, je me suis dit que j’approchais quandmême <strong>de</strong> <strong>la</strong> quarantaine, et puis j’avais pas envie<strong>de</strong>… Voilà, d’attendre plus. Dès que mon conjoint adit oui, ben je ne me le suis pas fait dire <strong>de</strong>ux fois.J’ai arrêté ma contraception et puis voilà, on a fait X.Et donc, pour X, ce qui s’est passé, c’est que je<strong>de</strong>vais avoir une… Je <strong>de</strong>vais avoir une péridurale, ehben, ils me l’ont ratée. Il paraît que ça ne rate jamais,mais moi, ça a raté, donc, pas moyen. Et là, j’ai faitune hypotension, à nouveau, comme il a un peuinsisté. Du coup, j’ai eu une anesthésie générale. Ilsm’ont massacré les cor<strong><strong>de</strong>s</strong> vocales. Moi, j’aimaisbeaucoup chanter. Je ne vais plus chanter.- Depuis.- Là, c’était en 1986. Je chante, mais bon, j’ai <strong><strong>de</strong>s</strong> trucsque je ne peux plus faire.- Hum.- Enfin, bon, c’est pas gravissime. Voilà. Non, là, c’étaitmoins pire, quand même. Sauf qu’elle est née un peuavant. Mais c’était un bébé qui al<strong>la</strong>it très bien.- Oui, mais elle est née au moment où <strong>la</strong> césarienneavait été programmée ? D’accord, il n’y a pas eu <strong>de</strong>problème <strong>de</strong> ce côté-là. D’accord. J’aimerais qu’onrevienne un petit peu sur votre suivi, au cours <strong>de</strong> cestrois épiso<strong><strong>de</strong>s</strong>. Donc votre amie qui est gynécologueobstétriciennevous a suivi au cours <strong>de</strong> ces troisgrossesses ?- Alors, est-ce qu’elle m’a suivie pour les troisgrossesses ? Non, pour <strong>la</strong> première, c’était pas elle.- D’accord. Et vous aviez été suivie par un obstétriciendès le début ?- Oui, parce qu’à l’époque, elle, elle n’était pas encoreinstallée.- D’accord.- Mais j’étais allée chez un obstétricien qu’elleremp<strong>la</strong>çait <strong>de</strong> temps en temps en tant qu’interne,mais elle, elle n’avait pas son…- D’accord.- Et d’ailleurs, c’est pas elle qui m’avait fait <strong>la</strong> premièrecésarienne.- D’accord. Donc, <strong>la</strong> première grossesse…- On a eu l’air <strong>de</strong> dire qu’elle avait été mal faite. J’ensais rien.- La première césarienne ?- C’est ce qu’on a eu l’air <strong>de</strong> me dire.- D’accord. Donc, ça avait été fait en urgence, au coursd’une nuit, ou pas forcément ?- Dans <strong>la</strong> journée.- Dans <strong>la</strong> journée, d’accord. Et donc, le mé<strong>de</strong>cin quis’était occupé <strong>de</strong> vous, c’était un <strong><strong>de</strong>s</strong> mé<strong>de</strong>cins <strong>de</strong>l’hôpital ? Il a été amené, après, à vous suivre ?- Le mé<strong>de</strong>cin, après ?- Le chirurgien qui a fait <strong>la</strong> césarienne ?- Non.- Vous ne l’avez jamais revu ?- Non, il m’avait suivi pour cette première grossesse.- D’accord.- Et après, je ne l’ai plus revu.- D’accord. Donc après, c’est votre amie…- Puisque après, oui, elle s’est installée, et voilà, c’estelle qui m’a suivie.- D’accord. Je reviens juste sur <strong>la</strong> césarienne. Lechirurgien qui vous a fait <strong>la</strong> césarienne, c’était <strong>la</strong>personne qui vous avait suivie au cours <strong>de</strong> <strong>la</strong>grossesse ?- Oui.- D’accord.- Ça n’a pas été quelqu’un qui est arrivé en gar<strong>de</strong>,en urgence, que vous ne connaissiez pas ?- Non, je le connaissais.- D’accord. Et donc, pour le problème du kyste, et leproblème <strong>de</strong> <strong>la</strong> rupture utérine, qui estcomplètement différente, mais, est-ce que c’estaussi cette obstétricienne qui vous a suivie ?- Oui, oui, elle m’a sauvé <strong>la</strong> vie. C’est sûr, elle m’asauvé <strong>la</strong> vie.- Et donc, elle continue à vous suivre actuellement ?- Oui. Tout à fait, oui, oui. C’est vrai qu’on peut sedire peut-être que si elle n’avait pas été là, j’yserais restée, parce qu’elle connaissait monhistoire, <strong>de</strong> mon enfant perdu.- Bien sûr.- Donc je pense qu’elle était plus attentive, et voilà.- Une implication différente.- Oui, oui. Elle était sur p<strong>la</strong>ce.- Oui, elle était au courant que vous étiez là et elleétait disponible pour vous.- Pour <strong>la</strong> révision utérine, donc, elle m’a sauvé <strong>la</strong>vie. Parce qu’elle s’est bougée.- D’accord. Donc, dans ce contexte-là, obstétrical,pour les trois épiso<strong><strong>de</strong>s</strong>, en fait, vous, vous n’avezjamais été amenée à vous auto prescrire un bi<strong>la</strong>nsanguin ou un examen échographique ?- Non.- Ça faisait partie du suivi obstétrical régulier. C’étaiteux qui le géraient.- Tout à fait.- Donc, vous aviez été obligée <strong>de</strong> vous arrêter, lors<strong>de</strong> ces grossesses, vous me disiez, dans votremail, <strong>de</strong>ux mois ? C’est ça, ou c’était plus long ?- Alors, non, c’est-à-dire que le premieraccouchement, j’étais pas mé<strong>de</strong>cin généraliste,j’étais interne.- D’accord.- D’ailleurs interne en obstétrique et j’ai pasaccouché dans mon service. Bon, c’est peut-êtrepour ça que j’ai été punie. Le patron n’était pascontent. Mais, bon. J’avais trouvé quand même<strong><strong>de</strong>s</strong> moyens <strong>de</strong> lui expliquer pourquoi : c’était loin,j’habitais pas sur p<strong>la</strong>ce. Oui, et qu’est-ce qu’on<strong>de</strong>mandait ?- Vos arrêts <strong>de</strong> travail, est-ce que ça avait étécompliqué à organiser ?- Donc, là non, j’étais sa<strong>la</strong>riée interne et ça a été <strong>la</strong>meilleure <strong>de</strong> mes grossesses <strong>de</strong> ce point <strong>de</strong> vuelà,j’avais le congé légal.- Vous aviez un statut légal.- J’avais un statut <strong>de</strong> sa<strong>la</strong>riée. C’était super. En plus,j’ai pu bien m’occuper <strong>de</strong> mon bébé, voilà.- Le congé maternité après.- Oui.- Et pour les <strong>de</strong>ux autres, par contre, vous étiezinstallée.- J’étais en libéral. Voilà, pour <strong>la</strong> première, si vousvoulez, je venais <strong>de</strong> m’installer, en plus. Cetespèce <strong>de</strong> kyste, là. Je me suis installée en janvier80. On a trouvé le kyste en février, et W est née endécembre 80. C’était <strong>la</strong> première annéed’instal<strong>la</strong>tion. C’était un peu fou. Mais en mêmetemps, je me disais « Autant le faire maintenant,pendant qu’il n’y a pas encore trop <strong>de</strong> patients,etc ». Et puis voilà, et je pense que c’était peut-êtrepas un mauvais choix, un mauvais calcul. Là, jeme suis arrêtée le moins possible, dans <strong>la</strong> mesureoù, finalement ma grossesse se passait très trèsbien, pour pouvoir préserver l’arrêt pour le…- En post-natal.- En post-natal, oui, puisque je souhaitais al<strong>la</strong>iter,c’est plus commo<strong>de</strong>.- Et donc, ce sont vos confrères qui avaient pris lere<strong>la</strong>is à ce moment-là ?- Oui.


- 151 -- D’accord. Vous n’aviez pas eu <strong>de</strong> souci pour trouverun remp<strong>la</strong>çant ?- J’ai eu une remp<strong>la</strong>çante, quand même.- Une remp<strong>la</strong>çante, d’accord. Et ça n’avait pas étécompliqué ?- Non, non.- Et pour votre troisième enfant, vous aviez pu, aussi,trouver quelqu’un pour remp<strong>la</strong>cer ?- La même chose. Mais là, je me suis arrêtée 15 joursavant.- Oui.- Et puis effectivement <strong>la</strong> grossesse… l’accouchementétait prévu plus tôt.- Et là, j’ai eu un faux arrêt <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux mois puisqu’il yavait les congés en même temps.- D’accord. Les vacances qui se sont intégrées.- Parce qu’elle est née en juillet.- D’accord.- Tandis que l’autre est né en décembre, j’ai dû faire unpeu plus d’arrêt, ou un peu moins.- D’accord, ça s’est combiné autrement. En tant quepatiente, quel a été votre ressenti ? Le fait <strong>de</strong> ne plusêtre mé<strong>de</strong>cin, mais d’être prise en charge. Là, c’étaitune prise en charge hospitalière avec <strong>la</strong> perted’autonomie, avec <strong>la</strong> prise en charge <strong>de</strong> <strong>la</strong> douleur.Comment ça s’est passé ? Est-ce que vous en aviez…- Oui, ben justement, moi on m’a sauvé <strong>la</strong> vie, je suisravie qu’on m’ait sauvé <strong>la</strong> vie. Qu’on ait pris lesmesures, les bonnes mesures, vite et bien, au bonmoment, comme il le fal<strong>la</strong>it, en faisant tout très bien.C’est merveilleux. Parce que là, vous savez <strong>de</strong> toutefaçon, quand je <strong><strong>de</strong>s</strong>cendais au bloc opératoire en leurdisant que j’al<strong>la</strong>is mourir, je disais « De toute façon,j’ai plus qu’à me <strong>la</strong>isser aller ». Je ne pouvais rienfaire.- D’accord. Donc vous étiez une ma<strong>la</strong><strong>de</strong> confiante.- Vous êtes entre les mains d’autrui. De toute façon, çapasse ou ça casse.- On est un peu obligé.- On n’a pas le choix.- Oui. Tout à fait.- Vous pensiez que vous réagiriez différemment faceaux différentes situations que vous m’avez exposées,actuellement, aujourd’hui, si ça vous arrivait ?- Non.- Non, vous auriez <strong>la</strong> même attitu<strong>de</strong>. Est-ce que, aucours <strong>de</strong> votre prise en charge, votre profession,votre situation <strong>de</strong> mé<strong>de</strong>cin a pu rendre votre prise encharge particulière ? Est-ce que vous avez remarqué,<strong>de</strong> <strong>la</strong> part <strong>de</strong> vos confrères, <strong>de</strong> <strong>la</strong> part <strong><strong>de</strong>s</strong> équipespara médicales, une attitu<strong>de</strong> différente ou une gêne ?Est-ce que ça a pu être un handicap, le fait que voussoyez mé<strong>de</strong>cin ?- Alors, c’est difficile à savoir. Parce que je pense quec’est pas <strong>la</strong> même chose. Mais moi, en général, jedonne tout <strong>de</strong> suite le <strong>la</strong>, je dis « Ecoutez, vous faitescomme si j’étais Tartempion », voilà. Mais ça nem’empêche pas <strong>de</strong> poser <strong><strong>de</strong>s</strong> questions, parce queTartempion, il pose <strong><strong>de</strong>s</strong> questions. Voilà. Je suispeut-être un petit peu plus… C’est plus facile, hein.C’est plus facile pour se faire comprendre, c’est plusfacile pour expliquer les choses, par exemple, pourma thyroï<strong>de</strong>, j’emmène mes antécé<strong>de</strong>nts, ils sont toutcuits, tout bien préparés. Comme ça, ça évite <strong>de</strong>passer une heure à ça. Voilà, ça gagne du tempspour le mé<strong>de</strong>cin. Moi, je leur dis « Vous faites commesi…, essayez d’oublier que je suis mé<strong>de</strong>cin et vousfaites comme si j’étais le patient <strong>la</strong>mbda ». Je penseque ça met à l’aise le mé<strong>de</strong>cin en face <strong>de</strong> soi.- D’accord. Vous n’avez jamais ressenti <strong>de</strong> <strong>la</strong> gêne.- Non. Pas dans ces occasions-là.- D’accord. Pour votre entourage, est-ce qu’il y a eu<strong><strong>de</strong>s</strong> réactions auxquelles vous ne vous attendiez pas,face à ces problèmes obstétricaux, ou est-ce qu’il y aeu <strong><strong>de</strong>s</strong> réactions particulières, un ressentiparticulier ?- Mon entourage, vous voulez dire par rapport àquoi ? Mon conjoint, non, lui il a été terrorisé, maisbon, je pense qu’il s’en est remis. Après, il y a eu<strong><strong>de</strong>s</strong> problèmes personnels mais je pense que çan’a rien à voir ici, <strong>de</strong> re<strong>la</strong>tion avec ma mère, maisc’est pas lié à l’obstétrique. Ou peut-être, peut-être.Parce que ma mère a fait six enfants sansproblèmes.- Oui, quand on <strong>de</strong>vient mère, il y a quelque chosequi se passe.- Oui, si vous voulez, ce qu’on ressent, c’est cefameux truc qu’on entend dire partout : « Tuaccoucheras dans <strong>la</strong> douleur et tu perdras tonenfant ». Ben, moi, ça m’est arrivé, quoi. Bon. Maiscomme je suis fâchée avec l’Eglise <strong>de</strong>puis uncertain temps, avec l’église catholique, ça ne megêne pas <strong>de</strong> le dire.- Est-ce que vous avez dû annoncer <strong>la</strong> raison <strong>de</strong>votre absence à votre patientèle ? Ça semb<strong>la</strong>itlogique, j’imagine, vu qu’ils vous ont vue en fin <strong>de</strong>grossesse.- Pas <strong>de</strong> problème, on ne peut pas le cacher.- Ça n’a pas été quelque chose <strong>de</strong> très compliqué.- Oh, ben les gens sont ravis. Je me souviens, ilsme coucounaient « Docteur par ci, docteur parlà ». J’avais un bon gros ventre. Et puis les gens<strong>de</strong>man<strong>de</strong>nt <strong><strong>de</strong>s</strong> nouvelles <strong>de</strong> l’enfant. Alors,heureusement que pour le premier j’étais àl’hôpital. Parce que ça, ça aurait peut-être été dur.Mais je me suis rendue compte, à ce moment là,d’ailleurs, un truc, que les choses, elles se savent.Les gens à qui j’en ai jamais parlé, hein, mais ils lesavaient. Parce que vous savez, mon histoire, ellea fait le tour <strong>de</strong> l’hôpital à l’époque, parce que c’estvrai que… Et puis, il y a <strong><strong>de</strong>s</strong> gens qui seconnaissent. Même, hein… Et les bruits finissentpar … Et il y a <strong><strong>de</strong>s</strong> gens qui savent <strong><strong>de</strong>s</strong> choses <strong>de</strong>ma vie dont j’ignorais qu’ils le savaient.- C’est tout ce réseau qu’on ne maîtrise plus.- Oui. On est <strong><strong>de</strong>s</strong> personnages semi-publics, donc,<strong>de</strong> toute façon, caché ou pas caché, je pense qu’ily a <strong><strong>de</strong>s</strong> choses qui finissent par filtrer, même ànotre insu.- Ça, c’est pas toujours facile <strong>de</strong> vivre avec.- Ma foi, c’est à prendre ou à <strong>la</strong>isser.- Oui, voilà. Ça fait partie <strong>de</strong> <strong>la</strong> profession.- Il faut faire avec. J’en avais pas complètement <strong>la</strong>notion, au début. Je m’en suis rendue compte au fildu temps.- De votre exercice, oui.- Qu’il y avait <strong><strong>de</strong>s</strong> personnes qui connaissaientparfaitement mon histoire alors que je ne leur enavais jamais parlé. Je ne pensais pas qu’elles <strong>la</strong>connaissaient. Ça passe par <strong><strong>de</strong>s</strong> connaissances,tout simplement. De même qu’il y a un voisin d’iciqui m’a dit « Tiens, j’ai rencontré votre fille ». J’aidit « Mais comment vous connaissez ma fille ? » etil m’a dit « Comme votre fille travaille à V, elle m’adit, je suis <strong>la</strong> fille du Docteur F ». Voilà. Si vousvoulez, moi, ce monsieur, il aurait pu ne pas me ledire, voilà, donc.- Je voudrais qu’on parle un petit peu <strong><strong>de</strong>s</strong>conséquences que ces trois épiso<strong><strong>de</strong>s</strong> ont pu avoirsur votre pratique. Vous abordiez un peu le sujet,tout à l’heure, notamment par rapport aux mèresqui ont pu perdre leur enfant. Est-ce que parrapport à votre prise en charge <strong><strong>de</strong>s</strong> grossesses, engénéral, vous êtes plus attentive à certainssymptômes, à certaines choses, qui vont faire quevous allez être plus dans <strong>la</strong> prévention, plus quedans d’autres spécialités ou d’autres pathologies ?Est-ce que votre histoire personnelle a pu modifiervotre pratique ?


- 152 -- Ah, sûrement, oui. C’est vrai que moi, j’avais unebonne pratique obstétricale, j’ai fait <strong><strong>de</strong>s</strong> consultationsprénatales pendant un an, donc je voyais entre dix,entre quinze et vingt femmes enceintes tous les jours,à l’hôpital. Je participais aux accouchements, jefaisais les révisions utérines, je faisais lesépisiotomies, je m’occupais <strong>de</strong> bébés, donc, j’avaisune expérience. Donc, je ne pense pas que ça aitchangé grand chose. Parce que même à l’hôpital, j’aivu aussi <strong><strong>de</strong>s</strong> catastrophes.- Bien sûr.- Donc, voilà.- Est-ce que ça a pu changer votre rapport à <strong>la</strong> vie, à <strong>la</strong>mort, votre façon d’abor<strong>de</strong>r les choses avec vospatients ?- Oh, oui. Ce que ça a changé, en moi, c’estqu’effectivement je suis passée <strong>de</strong> l’autre côté <strong>de</strong> <strong>la</strong>barrière et j’ai perdu un petit peu <strong>de</strong> mon assurance.J’avais une assurance diabolique peut-être, je ne saispas, Je suis quelqu’un d’assez sensible. J’ai toujoursété très attentive aux autres, mais, vous savez,quand on est jeune, on se croit invincible. Onn’imagine pas que <strong>la</strong> mort puisse nous arriver, ou <strong>la</strong>ma<strong>la</strong>die. Moi, <strong>la</strong> ma<strong>la</strong>die, je ne <strong>la</strong> connaissais pas. Etje pense que c’est quand même une bonneexpérience. Bon, je ne vais pas dire que je souhaite àtous les jeunes mé<strong>de</strong>cins d’avoir <strong><strong>de</strong>s</strong> trucs pareils,mais si, c’est une expérience importante,intéressante, parce que ça permet <strong>de</strong> prendre le point<strong>de</strong> vue du patient et effectivement, d’être très attentifà ce que va dire le patient, à ce qu’il peut ressentir.Mais, est-ce que ça, je pense que ça a accentuéquelque chose que j’avais déjà. Le souci <strong>de</strong> l’autre.Le souci <strong>de</strong> l’autre.- Cette écoute, le besoin <strong>de</strong> comprendre. Est-ce quevous-même, vous prenez en charge <strong><strong>de</strong>s</strong> confrères,spécialistes ou généralistes, en tant que mé<strong>de</strong>cintraitant ?- Alors, j’ai <strong><strong>de</strong>s</strong> mé<strong>de</strong>cins dans ma patientèle.- D’accord.- J’ai <strong><strong>de</strong>s</strong> mé<strong>de</strong>cins, <strong><strong>de</strong>s</strong> kinés, <strong><strong>de</strong>s</strong> infirmières.- Vous trouvez que c’est difficile <strong>de</strong> prendre en chargeun mé<strong>de</strong>cin ?- On n’en a pas beaucoup. Mais non, passpécialement, finalement.- D’accord. Et votre expérience en tant que patiente,est-ce que ça a pu modifier votre prise en charge, leregard <strong>de</strong> vos mé<strong>de</strong>cins sur vous en tant quepatiente ? Est-ce que ça a pu modifier votre regardsur vos patients généralistes ?- Alors, si vous voulez, je fais un petit peu comme ceque je <strong>de</strong>man<strong>de</strong>, moi, c’est-à-dire que je leur dit« Ben écoute, je vais faire comme je fais pour tout lemon<strong>de</strong> ». Voilà. Je retourne <strong>la</strong> règle que je vous aidite, parce que c’est vrai, quand je consulte unnouveau mé<strong>de</strong>cin spécialiste, puisque j’ai étéamenée à voir plusieurs spécialistes, je dis (soit je letutoie, soit je le vouvoie) « Vous faites comme sij’étais X ou Y ».- Alors, vous faites pareil avec vos patients.- Oui, voilà. Par contre, c’est vrai que malgré que jesois mé<strong>de</strong>cin, il y a <strong><strong>de</strong>s</strong> mé<strong>de</strong>cins qui m’ont maltraitée, comme si j’étais le patient Lambda,effectivement, ça ne m’a pas rapporté. D’autrespeuvent être plus prévenants.- Ils changent leur attitu<strong>de</strong> ?- Mais d’autres peuvent au contraire être vraimentodieux. J’ai eu <strong><strong>de</strong>s</strong> contacts odieux avec certainsspécialistes en particulier.- Eux, ils avaient peut-être une gêne par rapport àvotre situation ?- Il y a <strong><strong>de</strong>s</strong> gens qui sont comme ça avec tout lemon<strong>de</strong>.- Il y a ça aussi, peut-être. D’accord.- Mais je pense que ça ne change pas vraiment <strong>la</strong>nature <strong><strong>de</strong>s</strong> gens. Quelqu’un qui est attentif auxautres, il va rester attentif si c’est un mé<strong>de</strong>cin.Quelqu’un qui traite le patient comme un numéro,ou un robot, il va faire pareil. Moi je pense quec’est plus dans <strong>la</strong> tête <strong>de</strong> celui qui exerce que dans<strong>la</strong> réaction par rapport à <strong>la</strong> personne qu’il a en face<strong>de</strong> lui.- Si vous <strong>de</strong>viez comparer votre prise en charge, <strong>la</strong>prise en charge <strong>de</strong> votre santé, le suivi <strong>de</strong> votresanté, par rapport à celui <strong>de</strong> vos patients, qu’est ceque vous diriez ?- Ben, il me semble que je fais à peu près pareil. Jem’efforce <strong>de</strong> faire pareil. De toute façon, bien avantqu’il m’arrive toutes ces histoires, moi je me suistoujours donné comme idée que quand j’ai unpatient, je dois faire comme si c’était quelqu’un <strong>de</strong>ma famille, comme ça, c’est simple. Pour moi, c’estune règle simple : si c’était mon frère, si c’était masœur, si c’était mon père, qu’est-ce que je ferais ?Et ça vous ai<strong>de</strong> à résoudre beaucoup <strong>de</strong>problèmes.- Il y a <strong><strong>de</strong>s</strong> gens qui disent « Surtout ne pas prendreen charge ma famille ! » et a contrario, vous avez<strong><strong>de</strong>s</strong> gens qui ne veulent pas penser comme ça.- Alors, moi, je ne prends pas en charge ma famille,mais je peux vous dire que dans ma famille, j’airécupéré <strong><strong>de</strong>s</strong> trucs, et encore récemment, etencore récemment.- C’est pas une question d’époque.- Ma sœur a été opérée hier d’une sigmoïdite, on luia enlevé 40 centimètres d’intestin. Elle m’atéléphoné au cours du mois <strong>de</strong> mai en me disant« Je viens d’aller voir le mé<strong>de</strong>cin, j’ai mal auventre, il m’a dit que j’avais une gastro-entéritesèche ». Je lui ai dit « Qu’est ce que c’est quecette connerie ? Ça n’existe pas ! » Elle n’a jamaismal au ventre, ma sœur, elle n’est jamaisconstipée, et voilà. Je lui ai dit « Tu as unproblème, il faut chercher ce que tu as ». Je lui aifait décrire sa douleur. Elle avait eu horriblementmal. Je lui ai dit « Ben écoute, il faut faire un bi<strong>la</strong>n,une coloscopie, machin ». Puis après elle m’arappelée en disant « J’ai horriblement mal ». Je l’aienvoyée à l’hôpital. Après, ça al<strong>la</strong>it mieux, je nesais pas quoi, son bi<strong>la</strong>n était négatif. Elle n’a paseu <strong>de</strong> scanner. Elle avait eu une échographie, unbi<strong>la</strong>n. Après, je lui ai dit « Ben écoute, si tu refaisune crise, il faut voir un gastro-entérologue,<strong>de</strong>man<strong>de</strong> à ton mé<strong>de</strong>cin ». J’ai pas cassé dusucre, je lui ai dit « Retourne le voir, tu lui disquand même que tu en as discuté avec moi et queje ne suis pas d’accord avec <strong>la</strong> gastro-entéritesèche ». Elle avait une sigmoïdite. Elle a fait une<strong>de</strong>uxième crise, elle m’a appelée parce qu’il n’étaitpas là. Je lui ai dit « Tu fais une sigmoïdite ». Elleavait <strong>de</strong> <strong>la</strong> fièvre, cette fois. Effectivement, bingo !Elle a été opérée hier. Et pourtant, elle a vu legastro entérologue. Je lui ai dit « Ecoute, tu lui disbien que tu as eu <strong>de</strong> <strong>la</strong> fièvre et <strong><strong>de</strong>s</strong> douleurs augastro entérologue ». Au moment où elle l’a vue,elle avait pris mal. Elle a dit « On fait d’abord unegastro une fibroscopie » elle a pas fait <strong>de</strong> scanner.J’ai dit « Mais pourquoi elle t’a pas fait faire unscanner ? Le diagnostic d’une sigmoïdite, ça se faitavec un scanner ». Elle me dit « Ben je sais pas,j’avais pas mal », bien sûr on est pas dans lemilieu médical. Donc il faut rattraper les choses,même <strong>de</strong> spécialiste.- C’est-à-dire qu’on a toujours les antennes et onreste avec une certaine acuité.- C’est tout le temps. Je suis partie en voyage ceweek-end, il y a une femme qui m’est tombée<strong><strong>de</strong>s</strong>sus. Elle m’est tombée sur le tibia, elle esttombée sur moi, en ratant une marche, donc je l’aiempêchée finalement <strong>de</strong> se fracasser le crâneparce qu’elle aurait pu se faire très mal. C’est unefemme qui avait une prothèse <strong>de</strong> genou et <strong>de</strong>ux


- 153 -prothèses <strong>de</strong> hanche, une personne âgée et je lui aiexaminé son poignet. Bon, elle al<strong>la</strong>it… Voilà, il vousarrive toujours <strong><strong>de</strong>s</strong> choses comme ça. J’ai toujoursune ordonnance avec moi, ma valise dans mon coffre<strong>de</strong> voiture.- Vous êtes mé<strong>de</strong>cin..- Tout le temps.- En premier lieu. D’accord.- Je fais <strong>de</strong> <strong>la</strong> danse. En cours <strong>de</strong> danse, il y a un garsqui a fait un ma<strong>la</strong>ise, je l’ai ausculté, j’ai entendu quec’était un RA, je lui ai dit « Ben écoute, ma<strong>la</strong>ised’effort, menace <strong>de</strong> mort ». J’ai appelé le SAMU.Vous pouvez pas… Je pense que ça décolle pas.Mais moi, je l’accepte. C’est pas… voilà. C’est mavie, <strong>de</strong> toute façon. Je ne sais pas si c’est pareil pourles autres mé<strong>de</strong>cins, mais moi, j’ai l’impression queça me colle à <strong>la</strong> peau.- Ben, je pense que chacun a une expérience trèsdifférente.- Oui. Absolument. Bon, ben je suis partie avec cetteidée. Quand j’étais <strong>de</strong> gar<strong>de</strong>, <strong>de</strong> toute façon, j’étaistoujours bonne pour qu’il se passe <strong><strong>de</strong>s</strong>catastrophes…- On attendait que ça soit vous <strong>de</strong> gar<strong>de</strong> pour que çaarrive.- Oui, mais c’est marrant. En fait, j’ai le mauvais œil.- Comme lorsque les spécialistes vous disent que c’estparce que vous êtes mé<strong>de</strong>cin.- Oui.- C’est intéressant comme remarque…- Parce que par exemple ma thyroï<strong>de</strong>, bon, ben, vousavez déjà dû voir <strong><strong>de</strong>s</strong> ma<strong>la</strong>dies <strong>de</strong> Basedow, ben, enmoyenne, on leur fait une dose d’io<strong>de</strong> et c’estterminé. Moi, on m’a fait quatre fois <strong>la</strong> dose normale.- Vous êtes très résistante, on va dire.- Alors, je ne sais pas si c’est parce que je suismé<strong>de</strong>cin, en tout cas, c’est toujours exceptionnel.- C’est toujours à part.- C’est toujours à part. Alors ça, je sais pas si c’est untruc que vous allez retrouver. Est-ce que lesmé<strong>de</strong>cins ont <strong><strong>de</strong>s</strong> pathologies à part ? Et moi, c’estvrai, c’est tout à part, <strong>la</strong> grossesse prolongée, <strong>la</strong>rupture utérine…- Oui. Mais c’est vrai que c’est quelque chose quirevient.- Pour <strong>la</strong> borréliose, j’ai eu <strong>la</strong> biologiste au téléphone,elle m’a dit « Mais vous faites partie <strong><strong>de</strong>s</strong> 10 % chezqui les anticorps persistent alors que chez <strong>la</strong> plupart<strong><strong>de</strong>s</strong> gens, ils s’en vont ». Encore une particu<strong>la</strong>rité.- D’accord. Bon…- Puis je ne vous parle pas <strong>de</strong> mes enfants.- Vous leur avez transmis cette spécificité. Bon, avant<strong>de</strong> terminer et <strong>de</strong> vous remercier <strong>de</strong> m’avoir reçue, jevou<strong>la</strong>is juste vous <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r pourquoi est-ce quevous avez accepté <strong>de</strong> répondre à mon étu<strong>de</strong>. Qu’estcequi vous a intéressée dans cette étu<strong>de</strong> ?- Ben, je me suis dit « Tiens, ça peut être intéressant ».Justement, quelqu’un qui s’y intéresse, çam’intéressait <strong>de</strong> savoir. Pourquoi vous faites ça ?Vous avez aussi une histoire personnelledouloureuse ?- Oui, oui, alors, je vais éteindre.-- Interruption <strong>de</strong> l’entretien quelques minutes- Ça n’a pas changé mon point <strong>de</strong> vue, ça ne m’a pasaigrie contre les gens. Et ça, je pense que c’est unechance, parce que moi, j’ai vu d’autres mé<strong>de</strong>cins…Ici à F, nous avons perdu dix mé<strong>de</strong>cins en 10 ans, <strong>de</strong>mort violente. Alors, il y a eu <strong><strong>de</strong>s</strong> suici<strong><strong>de</strong>s</strong>, il y a eu<strong><strong>de</strong>s</strong> morts violentes, et <strong><strong>de</strong>s</strong> acci<strong>de</strong>nts, <strong><strong>de</strong>s</strong> infarctus,enfin, voilà. Et il y a <strong><strong>de</strong>s</strong> patients quelquefois qui vousracontent qu’ils viennent vous voir parce qu’ils nepeuvent plus aller chez ce mé<strong>de</strong>cin parce qu’il parle<strong>de</strong> lui, <strong>de</strong> sa pathologie, ou bien qu’il leur dit « C’estpas grave, moi aussi, j’ai mal au dos ». Et ça, c’est untruc qu’il ne faut pas faire. Je me suis renduecompte que c’était un truc qu’il ne faut pas faire.Parce que j’ai eu plusieurs fois <strong><strong>de</strong>s</strong> patients quisont venus comme ça. Et j’ai dit « Ben non,effectivement. Pardonnez lui parce que peut-être,c’est qu’il est vraiment pas bien s’il en arrive là ».Moi je ne suis jamais méchante avec les confrèresqui souffrent. Mais c’est vrai que le confrère quisouffre et qui ne se rend pas compte que çainterfère dans son fonctionnement, c’est pas trèsbon pour les patients.- Ça <strong>de</strong>vient dangereux pour <strong>la</strong> pratique.- Je sais pas si c’est dangereux, mais en tout cas,c’est pas bon. Dangereux, peut-être pas…- Moins objectif.- Voilà. Et les patients le ressentent.- Bien sûr.- Donc, c’est vrai qu’il faut toujours arriver à élu<strong>de</strong>rles questions personnelles que les gens peuventnous poser.- Et pour se protéger et pour les protéger.- Voilà. Sans franchement, non plus, les remballer,mais gentiment trouver <strong><strong>de</strong>s</strong> voies <strong>de</strong> secours, voilà.Pour ne pas rentrer dans les détails, parce quesinon, ça va pas quoi ! Si c’est le patient qui vousinterroge sur <strong>la</strong> pathologie… Alors, en mêmetemps, moi j’ai <strong>la</strong> chance, j’ai jamais mal nulle part,j’ai jamais mal au dos. Donc, c’est vrai que je vaisparler bien puis que je dirais autrement si j’avaisça. Parce que j’ai un souvenir d’un mé<strong>de</strong>cin quimalheureusement est disparu, mais qui avait toutle temps <strong><strong>de</strong>s</strong> lumbagos, etc… Le pauvre, il enbavait et ça, vous pouvez pas le cacher non plus,un lumbago. Une grossesse on ne peut pas <strong>la</strong>cacher, mais c’est pas une ma<strong>la</strong>die. Mais unlumbago, c’est une souffrance. Et je pense quepeut-être ça changerait ma vision, je ne sais pas.Parce que il faut bien bosser aussi, parce que…- En gardant son propre rôle.- Le pire, ça doit quand même être les dépressions.- Oui.- Quand un mé<strong>de</strong>cin est déprimé, pour s’intéresseraux autres, ça ne doit pas être évi<strong>de</strong>nt.- Moi j’ai choisi délibérément <strong>de</strong> ne m’intéresserqu’aux pathologies organiques dans l’étu<strong>de</strong>. Parceque effectivement tout ce qui est du registrepsychologique et psychiatrique ça implique unautres questionnaire, un autre type d’analyse.C’est un autre sujet, en fait.- C’est vrai, mais en même temps, c’est un sujet. Ama connaissance, il y a énormément <strong>de</strong> mé<strong>de</strong>cinsqui souffrent <strong>de</strong> dépression, d’alcoolisme, <strong>de</strong> burnout.Ça doit pas arriver par hasard.- Non, non, c’est sûr que c’est une profession quiexpose à ces risques.- C’est vrai, comme tous les soignants. Notammentquand on est isolé. Je pense qu’être en groupe,c’est quand même une chance. Pour moi c’étaitvraiment une chance, dans un groupe qui étaitsoli<strong>de</strong>, qui s’entendait bien, où il y avait <strong>de</strong>l’humour, où il y avait <strong><strong>de</strong>s</strong> tas <strong>de</strong> choses positives,<strong>de</strong> l’ai<strong>de</strong>, <strong>de</strong> l’entre ai<strong>de</strong>, du soutien.- C’est une protection…- L’échange verbal, voilà.- Oui, c’est essentiel dans <strong>la</strong> profession.- Moi ça m’a bien aidée, ça m’a bien aidée.- Bon, et bien je vous remercie beaucoup.


- 154 -Entretien avec le Docteur G,réalisé à son cabinet le 12 juin 2008- Actuellement, je suis en fin d’internat <strong>de</strong> mé<strong>de</strong>cinegénérale, et, comme je vous le disais, je réalise uneétu<strong>de</strong> sur le suivi <strong><strong>de</strong>s</strong> mé<strong>de</strong>cins généralistes qui<strong>de</strong>viennent, ou qui sont <strong>de</strong>venus ma<strong>la</strong><strong><strong>de</strong>s</strong> et donc, àce moment-là, qui sont <strong>de</strong>venus patients. Voilà. Cetteétu<strong>de</strong> s’inscrit dans un travail <strong>de</strong> recherche pour <strong>la</strong>réalisation <strong>de</strong> ma thèse <strong>de</strong> docteur en mé<strong>de</strong>cine.Dans un premier temps, je vous remercie beaucoup<strong>de</strong> me recevoir pour me parler d’un sujet aussipersonnel que celui <strong>de</strong> votre santé. Voilà. Parce quec’est pas facile d’être volontaire pour parler <strong>de</strong> ça.Alors, je ne sais pas si vous avez <strong><strong>de</strong>s</strong> questionsd’ordre général, par rapport à l’entretien…- Non.- Ou si on continue.- Non, on continue, on y va.- Ce que j’aimerais, dans un premier temps, c’est quevous me parliez <strong>de</strong> vous en tant que mé<strong>de</strong>cin,rapi<strong>de</strong>ment, pour que vous me resituiez votreexercice, votre façon <strong>de</strong> travailler.- Donc, 29 e année d’instal<strong>la</strong>tion <strong>de</strong> mé<strong>de</strong>cine libéraleexclusivement. Mé<strong>de</strong>cine générale sans mo<strong>de</strong>d’exercice particulier, avec une diversification <strong>de</strong>l’activité au travers d’un peu d’enseignement, <strong>de</strong>maîtrise <strong>de</strong> stages, donc ayant fait une habilitationauprès <strong>de</strong> <strong>la</strong> Haute Autorité <strong>de</strong> Santé dans le cadre<strong>de</strong> <strong>la</strong> mise en p<strong>la</strong>ce <strong>de</strong> l’OPP, qui actuellement esttrès bredouil<strong>la</strong>nte pour <strong><strong>de</strong>s</strong> raisons financières oupeut-être politiques, on sait pas. Voilà. Assurant lesgar<strong><strong>de</strong>s</strong> : gar<strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>de</strong> régu<strong>la</strong>tion au centre 15, voilà.Voilà.- D’accord.- Trois familles, donc ; j’assure <strong>la</strong> cinquième génération<strong>de</strong> suivi. Voilà. À 55 ans.- D’accord. Avant <strong>de</strong> vous installer en libéral, est-ceque vous aviez exercé <strong>la</strong> mé<strong>de</strong>cine, d’une autrefaçon ?- Eh bien, au travers <strong><strong>de</strong>s</strong> stages hospitaliers, et, onétait livrés à nous, on a fait notre formation médicalesur le dos <strong><strong>de</strong>s</strong> patients.- D’accord. Et il n’y a pas eu d’autres types…- Des remp<strong>la</strong>cements.- Des remp<strong>la</strong>cements transitoires ?- Deux remp<strong>la</strong>cements d’une durée totale d’un mois et<strong>de</strong>mi.- D’accord. Donc ça a été assez bref.- Oui, oui. Instal<strong>la</strong>tion à 26 ans.- D’accord. Maintenant, j’aimerais qu’on parle <strong>de</strong> vousen tant que patient. Est-ce que vous pourriezbrièvement me raconter… me donner les différentsantécé<strong>de</strong>nts qui ont pu jalonner votre vie <strong>de</strong> patient ?- Oui. Donc, rien à signaler jusqu’en l’an 2000, si cen’est une crise appendicu<strong>la</strong>ire en 1994, qui a étéspontanément résolutive. Donc, peut-être erreur <strong>de</strong>diagnostic. J’avais pris ren<strong>de</strong>z-vous avec lechirurgien. Je suis rentré à <strong>la</strong> clinique en disant « Jen’ai plus mal <strong>de</strong>puis hier soir ». Et du coup, j’ai eu<strong><strong>de</strong>s</strong> examens purement biologiques à l’époque…Heu… C’était pas en 94, c’était en 84. Et donc, jesuis ressorti et <strong>de</strong>puis, il n’y a rien eu. Autrement, toutva bien jusqu’en décembre 2000. Tout ne va pas mal,quand même, <strong>de</strong>puis. En décembre 2000, àl’occasion du réveillon du jour <strong>de</strong> l’an, il y avait lesenfants qui étaient là avec <strong><strong>de</strong>s</strong> amis <strong><strong>de</strong>s</strong> enfants ; ona rempli <strong>la</strong> maison pendant trois jours, et, entre lerepas du midi et le repas du soir, je me suis mis unpeu <strong>de</strong>vant <strong>la</strong> télévision en attendant que <strong>la</strong> mise enp<strong>la</strong>ce se refasse et j’ai ressenti un peu quelquescéphalées. J’avais un tensiomètre, j’ai pris matension qui était à 16/10. Bon. J’ai temporisé, commeon le conseille. Et comme on le conseille <strong>de</strong> plusen plus, j’ai repris. J’étais à 15/9,5. Ce jour-là, j’aipris un traitement. J’ai pris ce que j’avais dans mapharmacie, sans a priori. Donc, j’ai commencé parprendre un IEC, ce qui était du Coversyl® puisquej’en avais dans ma pharmacie. Là-<strong><strong>de</strong>s</strong>sus, j’aitoussoté un petit peu et je me suis mis au Co-Olmetec®. Donc, là-<strong><strong>de</strong>s</strong>sus, je fais <strong><strong>de</strong>s</strong> contrôlestensionnels très épisodiques : <strong><strong>de</strong>s</strong> autocontrôlesselon les recommandations <strong>de</strong> <strong>la</strong> HAS. Troiscontrôles matin et soir trois jours <strong>de</strong> suite, on fait <strong>la</strong>moyenne. Et je suis parfaitement les objectifs,voire un petit peu bas. Bon. Constatant cettehypertension artérielle, à l’époque, bien qu’ayantun bi<strong>la</strong>n biologique strictement normal,spontanément, je me suis dit « Je vais prendre unprotecteur vascu<strong>la</strong>ire en plus ». Et <strong>de</strong>puis je prendsune Statine 20, mg, <strong>de</strong> façon nettement moinsfidèle que ce que je <strong>de</strong>man<strong>de</strong> à mes patients <strong>de</strong>faire, c’est-à-dire qu’il m’arrive régulièrement <strong>de</strong>l’oublier. Et je fais un bi<strong>la</strong>n biologique par an, queje vais faire dans ma ville où est <strong>la</strong> rési<strong>de</strong>ncesecondaire familiale, c’est-à-dire à V, dans unsouci <strong>de</strong> discrétion en me disant que si jamais il y aune anomalie quelque part, j’ai pas envie <strong>de</strong>risquer, par <strong><strong>de</strong>s</strong> vio<strong>la</strong>tions <strong>de</strong> secret professionnel,que ce soit un peu su partout, hein ? Quoique jen’aie aucune crainte au niveau du VIH ou duVDRL, c’est pas le problème, mais... Et d’ailleurs,je peux te fournir mon <strong>de</strong>rnier bi<strong>la</strong>n biologique. Etj’ai amené mon dossier médical qui est magnifiqueavec un HDL cholestérol, donc un protecteur trèstrès haut, un LDL proche <strong>de</strong> 1 gramme ettriglycéri<strong><strong>de</strong>s</strong> normaux à 0,6. Un bi<strong>la</strong>n hépatiquestrictement normal avec <strong><strong>de</strong>s</strong> GGT à 15, bien que jesois un dégustateur <strong>de</strong> whisky, quand même. DesGGT très très normales. Donc, un bi<strong>la</strong>n biologiqueparfait. Donc, kaliémie, un PSA quand même. Jen’ai jamais fait contrôler anatomiquement maprostate. Heu. Voilà du point <strong>de</strong> vue <strong>de</strong> <strong>la</strong> thérapie.Dans les antécé<strong>de</strong>nts, j’ai <strong><strong>de</strong>s</strong> troubles dusommeil. Je suis quelqu’un qui a un sommeil trèstrès très difficile, très léger avec <strong><strong>de</strong>s</strong> réveilsnocturnes fréquents, <strong><strong>de</strong>s</strong> endormissementsdifficiles, réveils nocturnes fréquents. Bien ça m’estarrivé <strong>de</strong> prendre… et ça m’arrive toujours, <strong>de</strong>prendre, <strong>de</strong> temps en temps, quand j’ai envie,quand je sens que <strong>la</strong> journée a été dure et que jene suis pas dans <strong><strong>de</strong>s</strong> conditions <strong>de</strong> bon sommeilprobable, il m’arrive <strong>de</strong> prendre, soit un peu<strong>de</strong> benzo sous <strong>la</strong> forme d’Alprazo<strong>la</strong>m 0,5, qu’à cemoment-là, je prends vers 20 heures-20 heures 30.- Hum, hum.- Et puis autrement, il m’arrive, quand je ne l’ai paspris et <strong>de</strong> ne pas m’endormir bien du tout, ilm’arrive, mais très épisodiquement, <strong>de</strong> prendre unZolpi<strong>de</strong>m. Bon. C’est très épisodique : je doispasser une boîte <strong>de</strong> Zolpi<strong>de</strong>m par an. De 28, uneboîte <strong>de</strong> 28. Heu, quant à l’Alprazo<strong>la</strong>m, heu, çam’arrive quand même <strong>de</strong> façon… <strong>de</strong>ux à trois foispar semaine.- Hum, hum.- Donc, voilà. Bon, par exemple, l’autre jour, du fait<strong>de</strong> mes fonctions d’enseignant, j’ai eu <strong><strong>de</strong>s</strong> séancestrès très répétées, je suis allé cinq fois en quatresemaines à Lyon, avec donc <strong><strong>de</strong>s</strong> ren<strong>de</strong>z-vousconcentrés donc <strong><strong>de</strong>s</strong> journées <strong>de</strong> travail très dures.Enfin…- Bien remplies.- Des journées <strong>de</strong> travail un peu chargées. On vapas se p<strong>la</strong>indre. Mais il s’agissait pas <strong>de</strong> traîner, <strong><strong>de</strong>s</strong>’endormir à une heure du matin, pour se lever à 5heures. Donc, j’ai pris, effectivement, les veilles <strong>de</strong>départ, j’ai pris un Zolpi<strong>de</strong>m pour être sûr <strong>de</strong> biendormir. Voilà. Autrement, dans les antécé<strong>de</strong>nts,


- 155 -ben il y a <strong><strong>de</strong>s</strong> antécé<strong>de</strong>nts qui sont <strong><strong>de</strong>s</strong>… qui restent<strong><strong>de</strong>s</strong> pathologies actuelles, avec un lumbago que jeme suis fait au golf. J’avais trouvé cette activitésportive puisque je ne fais plus <strong>de</strong> vélo. J’avais fait ducyclotourisme. Je n’en fais plus parce que, faute <strong>de</strong>copains, faute <strong>de</strong> volonté, hein, disons-le. Et puismaintenant, baisse <strong>de</strong> forme qui me permettrait pas,à mon avis, <strong>de</strong> reprendre le cyclotourisme commej’aimais le faire. Donc, j’avais voulu me mettre au golf,en disant « Ça sera un moyen <strong>de</strong> sortir un peu,d’avoir une distraction, d’avoir une motivation lesweek-ends, autre que <strong>de</strong> lire « Prescrire », quandmême ! ». Et au golf, j’ai fait un stage <strong>de</strong> formation,d’initiation. Et les balles partaient très très bien, j’étaistrès content, et <strong>la</strong> première balle du <strong>de</strong>uxième matin,elle est bien partie, elle était très très belle avec unegran<strong>de</strong> admiration <strong>de</strong> tout le groupe, mais c’est <strong>la</strong>seule que j’ai faite, parce que je me suis pété ledos…- Vous êtes resté bloqué ?- Voilà. Et là, mais franchement, une douleur hypervive, à <strong>la</strong> limite <strong>de</strong> tomber. J’ai cru que je tombais àgenoux, tellement un coup <strong>de</strong> fouet. Donc j’ai fait <strong><strong>de</strong>s</strong>radios, bon, qui ne montrent rien du tout. Dans lesautres antécé<strong>de</strong>nts, autres pathologies du golf, parceque finalement je ne suis pas si bon que ça au golf, jeme suis fait une capsulite droite, que j’ai fait infiltrer<strong>de</strong>ux fois à brève échéance par un confrère <strong>de</strong> G,mé<strong>de</strong>cin généraliste, avec lesquelles infiltrations jen’ai pas eu <strong>de</strong> résultat. Et puis là-<strong><strong>de</strong>s</strong>sus, c’est il y atrois ans, je me suis mis à boiter, avec une douleurau niveau <strong>de</strong> l’insertion <strong>de</strong> <strong>la</strong> racine interne duménisque. Je me suis mis… <strong>la</strong> gonalgie est apparue,jusqu’à me faire boiter. Et moi qui aimais bien courirpour aller à <strong>la</strong> boîte aux lettres en face, j’étais obligéd’aller chercher le passage pour piétons et <strong>de</strong> bienattendre que le feu soit vert pour traverser, parce quej’avais pas envie qu’on me voit boiter, uniquementdans un souci d’élégance, d’honneur… d’orgueil, ondira ! Et là-<strong><strong>de</strong>s</strong>sus, l’épaule étant là, le genou étant là,je suis allé voir mon copain Dr V à W, en lui disant« Tu m’inflitres ». Il m’a fait ça : les <strong>de</strong>ux infiltrationsle même jour, j’ai jamais ré- entendu parler d’épauledroite ni du genou gauche, mais maintenant, jedéveloppe une capsulite gauche. Donc, je viens <strong>de</strong>rentamer, <strong>de</strong> faire une première infiltration il y a <strong>de</strong>uxsemaines chez le même confrère <strong>de</strong> G. Le résultatn’est pas là non plus. Voilà.- Vous avez continué à jouer au golf ?- Non. Non, non.- La capsulite est apparue sur autre chose que…- Comme ça. La lombalgie étant là, <strong>la</strong> lombalgie est làpratiquement continuelle et appe<strong>la</strong>nt <strong>la</strong>consommation <strong>de</strong> paracétamol <strong>de</strong> temps en temps,heu, voilà. Autrement, ben, port <strong>de</strong> lunettes, et puis,au niveau sensoriel, une hypo-acousie, traumatismesonore du jeune âge. Quand j’étais jeune, jetravail<strong>la</strong>is dans l’entreprise familiale qui était uneentreprise <strong>de</strong> bâtiment, spécialisée dans <strong>la</strong> zinguerie.À cette époque, on faisait <strong><strong>de</strong>s</strong> instal<strong>la</strong>tions enzinguerie qu’on rivetait, c’est-à-dire qu’on tapait sur lezinc avec un plot : on tapait sur un plot pour écraserles rivets qui en s’é<strong>la</strong>rgissant soudaient les p<strong>la</strong>ques<strong>de</strong> zinc.- Hum, hum.- Et quand on a 9 ans et puis qu’on tient le plot, et qu’ily en a un autre qui tape avec une masse, ben, ça faitmal aux cellules <strong>de</strong> l’oreille interne et je suis en traind’en payer les conséquences. Et donc je me suis faitappareiller avant que ça soit trop…- D’accord.- Je ne suis pas du tout gêné dans mon activité,surtout pas l’auscultation qui se situe dans lesbonnes fréquences pour moi.- Hum, hum.- Je ne suis pas du tout gêné dans mon activité <strong>de</strong>consultation, mais je suis gêné en réunion.- Quand il y a un brouhaha, un bruit <strong>de</strong> fond.- Voilà. Mais au niveau <strong>de</strong> <strong>la</strong> fonction d’enseignant,j’ai pas voulu trop attendre et je me suis faitappareiller. Donc, voilà, je crois ne pas oubliergrand chose, sinon un événement très trèsponctuel. C’était un vendredi matin, j’étais fatigué.On avait beaucoup travaillé. Et un vendredi matin,j’étais avec l’interne qui était assise à ma droite. Jeme rappelle très bien du monsieur et <strong>de</strong> <strong>la</strong> damequi étaient en face <strong>de</strong> moi, que je connais <strong>de</strong>puismon instal<strong>la</strong>tion, et au moment <strong>de</strong> passer <strong>la</strong> cartevitale, d’un seul coup, j’étais en train <strong>de</strong> remplirl’ordonnance et <strong>de</strong> passer <strong>la</strong> carte vitale en mêmetemps, d’un seul coup, j’ai eu un flou visuel. Maissuffisamment long pour que j’ai dû en parler. Endisant « Ecoutez, vous m’excusez, mais je ne peuxpas écrire, je ne vois plus rien ». Donc, là, quandmême, je me suis posé <strong><strong>de</strong>s</strong> questions, le bi<strong>la</strong>nbiologique est bon, mais enfin… Bon. Et du coup,je suis allé voir un cardiologue pour me faire faireun bi<strong>la</strong>n : doppler carotidien, électro, écho cardio,qui étaient parfaits. Voilà. Mais ça a été sanslen<strong>de</strong>main. Ça, ça remonte à… Je sais plus, çaremonte à six mois, peut-être plus.- C’est assez récent.- C’est très récent. C’est entre six mois et un an.C’est à peu près au moment où tu m’as téléphoné,<strong>la</strong> première fois, pour me <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r si je vou<strong>la</strong>isbien participer à ton travail. (Le mé<strong>de</strong>cin avait enfait reçu un mail commun selon <strong>la</strong> méthodologieadoptée). Donc, voilà, c’était à ce moment-là.- En janvier.- Ça permet <strong>de</strong> le situer. C’était le 18 mars 2008.Non, c’est pas ça ! Ça, c’était un autre examen quej’avais fait à titre systématique. Voilà. Donc, tu saistout.- D’accord. Effectivement, j’ai eu une réponse trèsexhaustive.- Je te cache rien. Je te cache rien ! Je suis en tantque patient, je suis parfois gêné par mon excèspondéral. Par l’excès pondéral dont je suisparfaitement responsable. Je suis quelqu’un <strong>de</strong>très gourmand, qui aime <strong>la</strong> convivialité, qui a <strong><strong>de</strong>s</strong>amis gourmands comme moi. Je suis sé<strong>de</strong>ntaire,c’est c<strong>la</strong>ir. Et récemment, j’ai pris un petit peu plus<strong>de</strong> poids parce que j’ai un fils qui était acci<strong>de</strong>nté.Nous l’avons reçu à <strong>la</strong> maison pendant trois mois,en tant que célibataire. Il avait une fracture ouverte<strong>de</strong> jambe droite, donc post-traumatique, bien sûr.Et on l’a reçu trois mois à <strong>la</strong> maison, ce qui fait queon a eu <strong><strong>de</strong>s</strong> repas un peu plus é<strong>la</strong>borés <strong>de</strong>ux foispar jour.- Hum, hum.- Alors qu’en <strong>de</strong>hors <strong>de</strong> ça, à midi, je mange trèstrès peu, très très très peu, et que le soir, quand onétait avec mon épouse, on s’était imposé une ligne<strong>de</strong> conduite où on s’offre <strong><strong>de</strong>s</strong> choses bonnes, maison arrivait à gar<strong>de</strong>r une certaine ligne. Mon épousea su <strong>la</strong> gar<strong>de</strong>r, mais avec le maintien à domicile, sije puis dire, <strong>de</strong> mon fils, les soirées ont traîné, avec<strong><strong>de</strong>s</strong> p<strong>la</strong>teaux <strong>de</strong> fromage, <strong><strong>de</strong>s</strong> dégustations, et là<strong><strong>de</strong>s</strong>sus,j’ai eu une inf<strong>la</strong>tion pondérale <strong>de</strong> 6 à 7%.- Hum, hum.- Voilà, et dont j’arrive pas à me redéfaire. Et je nefais pas grand-chose, parce que, voilà ! Le bi<strong>la</strong>nbiologique parfait ne m’incite pas énormément…- Et puis votre rythme <strong>de</strong> travail ne vous permetpeut-être pas d’avoir une activité sportive.- Et j’avoue, j’avoue qu’il m’arrive… ça c’est peutêtrepas passionnant pour ta thèse, mais ilm’arrive, je suis tellement gourmand et j’aimetellement <strong>la</strong> convivialité, qu’en plein milieu <strong>de</strong> maconsultation, à 3 heures ou 4 heures <strong>de</strong> l’aprèsmidi,en examinant quelqu’un, <strong>de</strong> me ravir à l’idée


- 156 -que le soir on va manger ceci, ce<strong>la</strong> avec Untel. Çaégaye ma consultation.- Mais c’est humain !- Mais chez moi, je pense que ça prend uneimportance démesurée. Enfin démesurée… unegrosse importance. Une grosse importance. Voilà,écoute, je crois pas te… Bon, <strong>la</strong> pathologie du burnout,dont il est souvent question chez les mé<strong>de</strong>cins,pour ce qui est du burn-out, je ne pense même pasque… Des fois je me dis « C’est beaucoup, quandmême, c’est beaucoup ». C’est plus mon entourageque moi, qui le dit.- Votre charge <strong>de</strong> travail ?- Par exemple, <strong>de</strong>puis un mois et <strong>de</strong>mi, c’est vraimentbeaucoup, quand même. Les cinq cours rapprochéssur quatre semaines, avec une gar<strong>de</strong> <strong>de</strong> régu<strong>la</strong>tiontout le week-end, au milieu, une gar<strong>de</strong> <strong>de</strong> régu<strong>la</strong>tion<strong>de</strong> nuit. Dans le même courant, <strong>la</strong> préparation <strong><strong>de</strong>s</strong>cours que je fais le soir. Les remises à jour, on repartpas <strong>de</strong> zéro toutes les fois, mais <strong><strong>de</strong>s</strong> remises à jour,<strong><strong>de</strong>s</strong> relectures, après <strong>la</strong> journée <strong>de</strong> travail… Moi, çame dérange qu’à moitié. Et puis se lever le matin à 5heures, rentrer le soir à 8 heures, puisque maintenantil faut 2 heures pour aller à W, et 2 heures pourrevenir aux heures où ça se fait, c’est mon entouragequi me dit « T’es fou ! ». Mes confrères. Un <strong>de</strong> mesconfrères <strong>de</strong> X, il me dit « Je suis admiratif, t’esfou ! Je suis admiratif <strong>de</strong> voir tout ce que tu fais ! ».J’ai un autre confrère <strong>de</strong> G qui en fait <strong>la</strong>rgementautant que moi. Et j’avoue que je me dis « Oui, c’estvrai, c’est beaucoup ». Heu, ça fait beaucoup, maisça ne me dérange pas. Voilà.- Vous y prenez p<strong>la</strong>isir, donc.- Oui, j’y prends encore du p<strong>la</strong>isir. Par contre, <strong><strong>de</strong>s</strong> foisje me dis « Il faudrait pas que ça te quitte d’un coup». Parce que…- C’est une inquiétu<strong>de</strong> ?- C’est un souci que j’ai. J’ai peur que ça me quitte partrop-plein.- Dépasser un certain seuil.- De me dire… et <strong>de</strong> basculer d’un seul coup, en disant« Ah non ! Cette fois-ci, il y en a marre, j’en peuxplus, je peux plus me voir là ! ». Pour en avoir tropfait. Bon, voilà.- Bon, d’accord.- Je prétends que d’autres mé<strong>de</strong>cins travaillent<strong>la</strong>rgement autant que moi, et que…- Oui, ou <strong>de</strong> façon différente. D’accord. Je vais revenirsur certains éléments pour pouvoir suivre un peu plusmon gui<strong>de</strong>, donc, vos antécé<strong>de</strong>nts, vous avez étéeffectivement très exhaustif. Pour ce qui est <strong>de</strong> votretraitement actuel, donc, il y a le Co-Olmetec®, <strong>la</strong>statine ?- La Pravastatine20, c’est tout.- Ah ! J’oubliais quand même une malposition cardiotubérositaire. Alors-là, documentée par un gastroentérologue<strong>de</strong> G, une fois, il y a une dizained’années. Donc, reflux, voilà.- D’accord. Et qui…- Avec Helicobacter pylori positif.- D’accord.- Il y a quelques années. Traité et éradiqué. Voilà. Bon.- Et le reflux vous impose une thérapeutique ?- De temps en temps. Un IPP. Je prends <strong>de</strong>l’Oméprazole 20 à <strong>la</strong> <strong>de</strong>man<strong>de</strong>.- D’accord.- Quand il y a eu <strong><strong>de</strong>s</strong> soirées un peu festives. Dans les<strong>de</strong>ux-trois jours qui suivent, je fais…- Ça va avec.- Voilà.- D’accord. Il y a une <strong>de</strong> mes questions, dans l’étu<strong>de</strong>,qui a une p<strong>la</strong>ce importante, c’est notammentcomment vous prenez en charge votre santé. Donc,vous m’avez répondu, <strong>de</strong> façon implicite.- Oui.- Vous êtes votre propre mé<strong>de</strong>cin traitant ?- Oui.- D’accord.- Je l’ai déc<strong>la</strong>ré comme tel.- Et vous vous êtes déc<strong>la</strong>ré comme tel. D’accord.Donc, effectivement, les bi<strong>la</strong>ns dont vous m’avezparlé, les re<strong>la</strong>tions avec vos confrères spécialistes,c’est vous qui les instaurez ?- Oui.- C’est vous qui faites les prescriptions ?- Mais j’ai déjà pensé à avoir un mé<strong>de</strong>cin traitantautre.- C’est ma question.- Voilà, j’ai déjà pensé à avoir un mé<strong>de</strong>cin traitantautre. Ce qui me retient, dans cette démarche,bien qu’elle soit confi<strong>de</strong>ntielle, c’est <strong>de</strong> crainte <strong><strong>de</strong>s</strong>avoir qu’un confrère apprenne que je vais chez uncollègue, donc je lui ai pas accordé ma confiance,à lui, plutôt qu’à un autre.- C’est le choix qui serait difficile ?- C’est… Je pense que si je <strong>de</strong>vais choisir unmé<strong>de</strong>cin traitant, je sais à peu près chez qui j’irais,et je n’ai pas envie <strong>de</strong> lui faire cette vacherie !(sourire) Parce que je pense que <strong>de</strong> traiter unconfrère <strong>de</strong> <strong>la</strong> même spécialité, ça doit êtreépouvantable. Moi, je traite <strong><strong>de</strong>s</strong> anciens mé<strong>de</strong>cinsgénéralistes retraités, c’est différent.- De mé<strong>de</strong>cins généralistes en exercice ou <strong><strong>de</strong>s</strong>spécialistes en exercice, vous n’en avez pas dansvotre patientèle ?- J’ai eu l’occasion <strong>de</strong> traiter <strong><strong>de</strong>s</strong> spécialistes enexercice.- En tant que mé<strong>de</strong>cin traitant ?- En tant que mé<strong>de</strong>cin traitant, bien sûr. Et j’ai eul’occasion <strong>de</strong> traiter pas mal <strong>de</strong> conjointes <strong>de</strong>mé<strong>de</strong>cins confrères.- Des familles ?- Des familles, alors là, <strong>de</strong> confrères spécialistes,voilà. Pour <strong><strong>de</strong>s</strong> pathologies lour<strong><strong>de</strong>s</strong>, même.- Et le suivi <strong>de</strong> ces confrères, en lui-même, c’étaitdifficile ?- Mais c’est pas <strong><strong>de</strong>s</strong> suivis, c’est <strong><strong>de</strong>s</strong> consultationstrès ponctuelles.- C’est très ponctuel.- Voilà.- Vous étiez quand même leur mé<strong>de</strong>cin traitant ?- Non déc<strong>la</strong>ré.- D’accord.- Non déc<strong>la</strong>ré. Mais ce sont <strong><strong>de</strong>s</strong> confrères qui metéléphonent <strong>de</strong> temps en temps pour me dire« Voilà, j’ai ça, qu’est-ce que t’en penses ? ».- Pour un conseil.- Voilà.- D’accord. Sinon, c’est <strong><strong>de</strong>s</strong> généralistes qui sont à<strong>la</strong> retraite, vous dites ?- Oui.- Ils font cette démarche plutôt quand ils ont arrêtéleur exercice ?- Oui.- Ils viennent vers vous.- Oui.- D’accord.- Et d’ailleurs eux-mêmes gar<strong>de</strong>nt leur rôle <strong>de</strong>prescripteur. Je pense à un mé<strong>de</strong>cin généraliste enparticulier, qui a une pathologie assez lour<strong>de</strong> etque je suis en ce moment et qui s’est déc<strong>la</strong>ré luimêmeêtre son mé<strong>de</strong>cin traitant .- Qui se fait lui-même ses ordonnances.- Mais que je vois. Il fait beaucoup d’ordonnanceslui-même et que je vois <strong>de</strong> temps en temps parcequ’il est suivi par plusieurs spécialistes du faitd’une pathologie très très très particulière. Unema<strong>la</strong>die <strong>de</strong> système, qui donc appelle <strong><strong>de</strong>s</strong>spécialistes d’intervention… il y a <strong>de</strong> multiplesintervenants et <strong>de</strong> temps en temps il vient me voirpour que je lui <strong>de</strong>man<strong>de</strong>…- Pour faire <strong>la</strong> synthèse ?


- 157 -- Pour que je lui fasse <strong>la</strong> synthèse. Pour que je lui dise,moi qu’est-ce que je pense <strong>de</strong> telle et telle démarche<strong>de</strong> telle thérapie. Ce qui n’est pas facile !- J’imagine.- Voilà.- D’accord.- De manière générale, comment est-ce que vousdéfiniriez en tant que patient ? Quel patient vouspensez être ?- Cette question, pff… Quel patient je pense être ?Alors il faut que j’imagine que moi-même je sois assisà ta p<strong>la</strong>ce. Qu’est-ce que je penserais <strong>de</strong> moi ? Ehbien, je dirais qu’en faisant un peu plus <strong>de</strong> régimealimentaire, je pourrais vraisemb<strong>la</strong>blementéconomiser certains traitements. Heu… je penseraiscertainement <strong>de</strong> moi que je suis quelqu’un quitravaille beaucoup et que ce<strong>la</strong> peut, peut-être, nuireun jour à <strong>la</strong> santé.- Et par rapport à <strong>la</strong> prise en charge <strong>de</strong> votre santé ?Est-ce que trouveriez une définition, plutôt une façon<strong>de</strong> vous définir ? C’est-à-dire est-ce que vous êtes unpatient… j’ai un peu <strong>la</strong> réponse, mais je voudrais <strong>la</strong>vôtre, très compliant, très rigoureux, qui suit lesrecommandations à <strong>la</strong> lettre, ou un patient qui vaattendre qu’il y ait un problème pour, à ce moment-làs’intéresser à sa santé, ou quelqu’un qui -je citedifférents exemples- un peu hypocondriaque qui vaavoir tendance à chercher dès qu’il y a un symptôme« Est-ce qu’il y a une pathologie <strong>de</strong>rrière », ou aucontraire, quelqu’un qui « fait l’autruche »… ? C’estça quand je vous <strong>de</strong>man<strong>de</strong> quel patient vous pensezêtre, c’est aussi quelle image vous avez <strong>de</strong> vous, entant que patient, d’une façon générale ?- Très difficile.- C’est compliqué comme question.- Très difficile <strong>de</strong> répondre.- Ou tout à <strong>la</strong> fois, à différents moments ? C’estpossible aussi. Ou pas du tout.- Pfff… Faire l’autruche, non. Dans ma démarche, encontrô<strong>la</strong>nt <strong>de</strong> temps en temps ma santé, heu, matension, <strong>de</strong> <strong>la</strong> biologie une fois par an, j’ai même faitfaire <strong>de</strong>ux examens cardio très espacés. Un àl’occasion d’un souci.- Donc, ça, on va y revenir.- Je serais peut-être un petit peu entre le A et le B :assez compliant, assez compliant. Non pashypocondriaque, alors non. L’autruche, non. Non.- C’était pas du tout un jugement, c’était <strong><strong>de</strong>s</strong> éléments<strong>de</strong> réponse.- J’ai bien compris, j’ai bien compris. Non, je penseraisêtre assez compliant.- Oui.- Si je vais voir un confrère et qu’il me dise « Ecoute, ilfaut faire ça, ça et ça », j’adhèrerais totalement.- D’après ce que vous m’avez décrit, c’esteffectivement ce qui ressort.- Je discuterais volontiers selon le schéma <strong>de</strong> l’EBM(Evi<strong>de</strong>nce Based Medicine), j’exprimeraiscertainement mes préférences-patient, je lesexprimerais certainement, mais <strong>la</strong> synthèse, jerespecterais <strong>la</strong> synthèse, <strong>la</strong> décision <strong>de</strong> fin <strong>de</strong>consultation.- Voilà. Du confrère que vous êtes allé consulter.- Voilà. Je discuterais en direct, mais je respecterais <strong>la</strong>décision prise. Voilà.- Maintenant que vous dites ça, j’avais envie <strong>de</strong> revenirsur quelque chose d’intéressant que vous me disieztout à l’heure. Donc, vous êtes votre propre mé<strong>de</strong>cintraitant, mais pour certains gestes techniques queforcément vous ne pouviez pas faire vous-même survous, vous êtes allé consulter un confrèregénéraliste.- Oui.- Donc, qui a un rôle, même si c’est pas votre mé<strong>de</strong>cintraitant, qui a un rôle, quand même re<strong>la</strong>tivementimportant dans votre prise en charge. Quelqu’un quivous connaît. Vous n’avez pas choisi cettepersonne par hasard.- C’est un ami. C’est un ami, donc, entre autres, àqui je ne veux pas faire <strong>la</strong> vacherie <strong>de</strong> confier masanté.- Mais qui peut connaître les problèmes que vouspouvez rencontrer.- Jusqu’à maintenant, oui. Les « problèmes » <strong><strong>de</strong>s</strong>anté que je peux avoir restent minimes maisparfaitement auto gérables. Sauf, comme tu dis, autravers <strong>de</strong> certains gestes techniques que je nepeux pas faire moi-même. Et là, j’avoue que ma<strong>de</strong>man<strong>de</strong> chez ce confrère, chez cet ami, est trèstrès très ponctuelle, en lui disant « Ecoute, il fautque je passe te voir pour faire une infiltration pourceci ». Je tombe <strong>la</strong> chemise, il n’y a pas <strong>de</strong> prise<strong>de</strong> tension, il m’a jamais palpé l’abdomen, il m’ajamais écouté, voilà.- C’était pour suppléer le geste que vous ne pouviezpas faire.- Voilà. Tout à fait.- Il <strong>de</strong>venait votre bras.- Voilà.- Je comprends. D’accord.- Maintenant, on va parler un peu plus précisément<strong>de</strong> <strong>la</strong> pathologie qu’on avait sélectionnée pourl’étu<strong>de</strong>. Donc, si j’ai bien compris, on va parler <strong>de</strong>l’hypertension. Parce que vous m’aviez parlé <strong>de</strong>quelque chose <strong>de</strong> suspect <strong>de</strong> cardio-vascu<strong>la</strong>ire.Est-ce que c’est ça, ou est-ce que c’est le flouvisuel dont vous vouliez qu’on parle ? Lors <strong><strong>de</strong>s</strong>différents mails… ?- Oui. C’était par rapport.. c’était le.. Quand tu m’asenvoyé… La première sollicitation que tu m’aspassée, c’est <strong>la</strong> chose à <strong>la</strong>quelle j’ai pensé. J’ai ditoui.- C’était cet épiso<strong>de</strong> <strong>de</strong> flou visuel ?- C’était cet épiso<strong>de</strong> <strong>de</strong> flou.- D’accord.- Tu m’as appelé, c’était quelques jours après.- On n’avait pas mis <strong>de</strong> terme précis <strong><strong>de</strong>s</strong>sus, c’estpour ça que je pose <strong>la</strong> question.- C’était quelques jours après, donc voilà, tu m’as<strong>de</strong>mandé <strong>de</strong> re<strong>la</strong>ter les antécé<strong>de</strong>nts…- D’accord, on va parler <strong>de</strong> ça.- Alors, pour cet épiso<strong>de</strong> <strong>de</strong> flou visuel, alors là,j’avoue que je me suis dit « Si tu prends uneexcellente céphalée <strong>de</strong>rrière, tu auras fait tondiagnostic ». J’avais <strong><strong>de</strong>s</strong> tryptans ici, j’étais pas ensouci.- Vous aviez déjà fait <strong><strong>de</strong>s</strong> migraines ?- Et non. Seulement, pas <strong>de</strong> pot, j’ai pas eu mal à <strong>la</strong>tête ! Cet épiso<strong>de</strong> <strong>de</strong> flou, j’ai eu du mal à lequantifier en durée. Tout ce que je peux dire, c’estque ça a été suffisamment long pour que je doiveen parler. Parce que je ne pouvais pas poursuivre<strong>la</strong> consultation en le cachant.- D’accord.- Pour <strong>la</strong> simple et bonne raison que je ne pouvaisplus écrire, parce que je ne voyais plus. Et donc,mais il n’y avait pas d’association avec un mal-être.J’ai eu le réflexe <strong>de</strong> prendre mon pouls à cemoment-là pour voir s’il était… C’est très discret,j’avais les mains croisées avant d’en parler, j’aipoursuivi, j’ai discuté, j’ai arrêté d’écrire, j’ai discutéun petit peu avec les patients qui partaient envacances au Sénégal, où j’ai un ami, qui a unemaison là-bas. On était en train <strong>de</strong> parler <strong>de</strong> ça, çam’a bien arrangé. J’ai pris mon pouls. J’ai vu qu’iln’était pas en arythmie, qu’il n’était pas tachycar<strong>de</strong>,qu’il n’était pas non plus excessivementbradycar<strong>de</strong>, qui était excessivement normal, doncj’ai dit : « Il ne se passe rien <strong>de</strong> particulier à ceniveau-là ». Et puis, je saurais même mal dire…C’était pas une amaurose, c’était bi<strong>la</strong>téral.- C’était total ?


- 158 -- C’était flou : l’écran <strong>de</strong> télé qui se brouille.- D’accord.- D’un seul coup.- Donc les contrastes persistaient, les mouvements…- Oui.- Vous arriviez à voir les silhouettes <strong><strong>de</strong>s</strong> gens en face<strong>de</strong> vous.- Oui, bien sûr, bien sûr, bien sûr.- Pas l’écran noir.- Mais je ne pouvais plus écrire. Je ne voyais plus dutout, je ne voyais plus le détail.- La vision centrale était vraiment gênée.- Complètement. Complètement.- Et ça, c’est revenu ?- Et ça, c’est revenu, écoute au total…- Quand même assez bref ?- Ah, très très bref. Au maximum une minute et <strong>de</strong>mie.- D’accord.- Maximum <strong>de</strong>ux minutes. Pour que je sois obligé d’enparler, je ne sais pas, je peux pas te dire.- D’accord. Donc, là, vous réfléchissiez à tous lesdiagnostics.- J’étais fatigué, j’étais très fatigué puisque j’étais avecl’interne. Le patient d’après, je lui ai dit « Ecoute, tuvas l’examiner ». Elle avait <strong>de</strong> <strong>la</strong> bouteille, c’était unbon coup <strong>de</strong> main. Je lui ai expliqué. J’airaccompagné les patients. Les patients m’ont dit« Asseyez-vous, reposez-vous », bon. Et puis, je lesai rassurés. Et j’ai dit à l’interne « Tu vas l’examiner »et j’ai téléphoné d’emblée au cardio.- D’accord.- Je lui ai dit « Il faudrait que tu me reçoives, voilà cequi vient <strong>de</strong> m’arriver ». Il m’a dit « Ben, tu passestout à l’heure, à quelle heure ça te va ? ». C’était 10heures le matin, à midi et <strong>de</strong>mie, j’étais chez lecardio. Quand même.- D’accord.- Quand même.- Donc, quels examens ont été faits à ce moment là ?- Electro, prise <strong>de</strong> tension qui était à 12,5/7. Doncélectro normal, écho cardiographie normale.Fraction d’éjection <strong>de</strong> 58%, je crois. C’est ça. 58.- Oui, vous n’aviez pas eu d’examen cardiovascu<strong>la</strong>ire<strong>de</strong>puis un moment ?- Depuis dix ans. J’avais fait une épreuve d’effort. Àl’époque, je faisais encore du vélo et… Ça c’étaitencore une autre histoire. C’est parce que dans mespatients, j’avais une femme qui faisait <strong><strong>de</strong>s</strong> crisescomitiales et qui était une petite petite cousine à moi.Sa maman s’appe<strong>la</strong>it G, bon. Et on a détecté chezcette patiente un syndrome <strong>de</strong> Romano Ward. En fait,elle faisait ses crises comitiales sur un trouble durythme paroxystique.- D’accord.- Et un jour, je suis arrivé pour <strong>la</strong> xième crise comitialechez elle. Elle en a refait une pendant que j’étais là.Je lui ai pris le pouls et c’était une anthologie <strong><strong>de</strong>s</strong>troubles du rythme. Donc, le diagnostic, ça a été ça eton a fait le diagnostic <strong>de</strong> Romano Ward. Et mafemme a pris ren<strong>de</strong>z-vous chez le cardiologue endisant « C’est une petite cousine à toi, on va te fairefaire un bi<strong>la</strong>n cardiologique ». Et le cardiologue, à cemoment-là m’avait dit « Bon ben écoute, on va tefaire l’épreuve d’effort ». Et à ce moment-là, l’épreuved’effort avait été remarquable. Une puissancedéveloppée importante, enfin…- Et <strong>de</strong>puis 2000, vous n’aviez pas eu d’électro ?- Non.- D’accord. Dans le cadre du suivi <strong>de</strong> l’HTA, vousn’aviez pas…- Non.- D’accord. Donc, vous allez chez votre confrèrecardiologue, il vous fait ces examens.- Ce vendredi-là, oui.- Ce jour-là. Il n’en est pas résulté une thérapeutiqueparticulière. Est-ce qu’il a été décidé <strong>de</strong> faire unsuivi ? Un scanner ?- Non. Rien.- D’accord. Est-ce qu’il vous a revu, ce confrèrespécialiste, pour ce problème-là ?- Non. Non, du tout.- Et, vous, dans le cadre <strong><strong>de</strong>s</strong> bi<strong>la</strong>ns biologiques quiont été faits à <strong>la</strong> suite, que vous vous prescrivez,habituellement, est-ce qu’il y avait en tête <strong>de</strong> suivrecet épiso<strong>de</strong>-là ?- Ben, oui. La surveil<strong>la</strong>nce <strong><strong>de</strong>s</strong> facteurs <strong>de</strong> risquescardio-vascu<strong>la</strong>ires.- Ce que vous faisiez déjà, ça n’a pas changé lebi<strong>la</strong>n particulièrement ?- Voilà.- D’accord. Vous n’avez pas eu à consulter d’autresconfrères que ce cardiologue ? Vous n’avez paspris un avis d’un neurologue ou d’un ophtalmo ?- Non.- Non, d’accord.- Non, parce qu’honnêtement, cet épiso<strong>de</strong>, j’étaisfatigué et c’était une pério<strong>de</strong> <strong>de</strong> surmenage, ceque m’a dit le confrère cardiologue, d’ailleurs.- Ça pouvait s’intégrer dans un contexte <strong>de</strong> fatigue.- Il m’a dit « C’est un super coup <strong>de</strong> pompe, quoi ».Est-ce que je suis passé au bord <strong>de</strong> <strong>la</strong> lipothymie…- Oui. Baisse <strong>de</strong> tension.- Vaso-vagale ? Parce que je suis resté vasouil<strong>la</strong>rdtout le matin, après. Donc, je pense que c’était pasloin d’un truc vaso-vagal.- Oui, il y a eu un contrecoup.- Oui, je pense.- D’accord. Alors, pas dans ce contexte-là, j’ai biencompris, mais, au cours <strong>de</strong> votre exercice, vousavez été obligé <strong>de</strong> prendre un arrêt ma<strong>la</strong>die, <strong>de</strong>vous arrêter ?- Oui. Oui. Cette année. Cette année au mois <strong>de</strong>mars. J’ai fait une grippe.- Oui.- Malgré <strong>la</strong> vaccination. Où là, je suis arrivé un matinet j’ai été obligé d’abandonner mon poste. Là, oui.C’était un vendredi. Oui, c’était un vendredi dumois <strong>de</strong> mars. Et là j’ai dû abandonner mon posteet abandonner mon interne qui heureusement étaitlà et a assuré <strong>la</strong> journée. On a dép<strong>la</strong>cé quelquesren<strong>de</strong>z-vous. J’ai repris le lundi.- Voilà, donc ça a été très court.- Voilà.- D’accord. Mais sinon…- Mais une vraie grippe.- Oui. Qui met, où on est obligé d’aller au lit, qui metvraiment KO.- Je n’ai pas vu le jour. On préparait un séminairesur je ne sais pas quoi, sur les antibiotiques, quiavait lieu à Y. début avril et je me suis misl’ordinateur sur le lit et le portable. Je me suisendormi quinze fois <strong>de</strong>vant <strong>la</strong> même grille, dans lemême diaporama.- D’accord.- Pour le lumbago, vous n’aviez pas eu un arrêtma<strong>la</strong>die ?- Non.- D’accord.- Non, parce que c’était pendant les vacances. Jesuis resté quinze jours couché sur mon lieu <strong>de</strong>vacances, quand même.- Vous avez fait ça bien.- Avec un antalgique <strong>de</strong> palier 1 : 4 grammes <strong>de</strong>paracétamol, repos, <strong>de</strong>bout quand <strong>la</strong> douleur estcalmée, je me rallonge… Enfin ce qu’on dit.- D’accord. Si on en revient à l’épiso<strong>de</strong> du flouvisuel, donc, celui dont on parle un peu plus, on vachoisir ce moment pour dire que vous êtes passéun petit peu <strong>de</strong> « l’autre côté <strong>de</strong> <strong>la</strong> barrière ». À ce


- 159 -moment-là, vous étiez le patient. Vous étiez celui quisouffrait, qui ressentait <strong><strong>de</strong>s</strong> symptômes.- Oui. Je me suis plus senti mé<strong>de</strong>cin traitant quepatient.- D’accord. Vous aviez gardé cette distance.- Ah, oui. Je me suis dit « Qu’est-ce que tu fais ? Tu astels et tels symptômes, faut voir s’il y a eu <strong>la</strong>possibilité qu’il y ait un trouble du rythme » Bien queprenant le pouls, ça a été instantané.- Tout <strong>de</strong> suite, il y avait tous les diagnosticsdifférentiels qui défi<strong>la</strong>ient dans votre tête.- Oui, oui, oui. Je cite pas ça comme une performance.C’est naturel.- Un réflexe.- Après je me suis dit « C’est une baisse <strong>de</strong> tension »,je ne peux quand même pas aller m’allonger ou<strong>de</strong>man<strong>de</strong>r à ma collègue <strong>de</strong> p<strong>la</strong>quer tout le mon<strong>de</strong> enlui disant « Viens vite me prendre <strong>la</strong> tension, si c’estpas une hypotension orthostatique ». Ça aurait pu.Voilà.- Et qu’est-ce que vous avez ressenti à ce moment-là ?Il n’y a pas eu d’angoisse ?- Ce qui m’a le plus ennuyé, c’est d’avoir à en faire partà mes patients.- Plutôt une gêne.- Oui, oui. Être obligé <strong>de</strong> dire « Ecoutez, je ne peuxplus écrire parce que je ne vois plus ». C’est ce queje leur ai dit « Vous m’excuserez mais j’ai un flouvisuel complet, je ne peux plus écrire ». J’ai étéobligé <strong>de</strong> le dire. Voilà ce qui m’a vraiment contrarié.- C’était <strong>la</strong> meilleure attitu<strong>de</strong>, sûrement.- Voilà ce qui m’a le plus gêné. Parce que ce sont <strong><strong>de</strong>s</strong>patients qui sont commerçants. Et voilà : « Ledocteur a eu un ma<strong>la</strong>ise pendant qu’on y était ».Voilà. C’est vite dit.- Oui. C’est très important pour vous, cetteconfi<strong>de</strong>ntialité autour <strong>de</strong>…- Je crois que c’est important. Parce que je pense queça doit être chez tous les mé<strong>de</strong>cins. En aucun cas,un mé<strong>de</strong>cin ne doit paraître comme quelqu’un <strong>de</strong>possiblement ma<strong>la</strong><strong>de</strong>, aux yeux <strong>de</strong> sa patientèle.- Il ne peut pas, il n’a pas le droit d’être ma<strong>la</strong><strong>de</strong> ?- C’est pas bon, pour <strong>la</strong> patientèle.- C’est pas une bonne image <strong>de</strong> marque d’aller chezun mé<strong>de</strong>cin qui peut être ma<strong>la</strong><strong>de</strong> ?- Oui, oui. Ah, moi je le pense ! Tout à fait. Si on arrivechez un <strong>de</strong>ntiste qui a <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>de</strong>nts abominables, onn’est pas en confiance, chez un kiné qui boite, çadonne pas confiance. A moins qu’il n’y soit pour rien.Un pied bot, un truc, ben il y est pour rien. Mais…- Là, pour le coup, vous n’y étiez pour rien !- Oui, oui. Mais on peut interpréter. Les patientspeuvent interpréter. Il a pris du poids, voilà. Il n’estpas bon <strong>de</strong> se jeter en pâture.- Ah, oui. C’est <strong>de</strong>ux choses différentes. Le fait,qu’effectivement, on se protège vis-à-vis <strong>de</strong> <strong>la</strong>patientèle et que l’on ne présente pas <strong>de</strong> symptômes.Et puis d’un autre côté se dire « Il faut qu’on resteparfait ». On n’a pas le droit d’être ma<strong>la</strong><strong>de</strong>. C’est<strong>de</strong>ux choses différentes.- Oui. Quand j’ai fait mon syndrome grippal, j’ai étéobligé <strong>de</strong> le dire aux trois premiers patients enattendant que l’interne arrive.- Ben, vous y étiez pour rien.- Ben, oui. Mais ça prêtait moins à caution. Que lemé<strong>de</strong>cin, il ait attrapé <strong>la</strong> grippe. Mais le mé<strong>de</strong>cin quifait un ma<strong>la</strong>ise, on se dit : « On va regar<strong>de</strong>r <strong>de</strong>main siles volets sont ouverts ».- D’accord. Et chez votre confrère spécialiste, quelma<strong>la</strong><strong>de</strong> vous étiez ?- Deman<strong>de</strong>ur du p<strong>la</strong>teau technique !- Oui, d’accord.- Je lui ai emmené mes résultats <strong>de</strong> biologie <strong>de</strong> l’annéeantérieure, puisque je n’avais pas encore fait <strong>la</strong>biologie <strong>de</strong> cette année. Donc il a été impressionné. I<strong>la</strong> presque trouvé que c’était immérité. On se connaîtbien dans le privé, quand même, donc, voilà. Doncil a compris quelle était ma <strong>de</strong>man<strong>de</strong>, il a sorti lep<strong>la</strong>teau technique et il s’est pas montré invasif. Ils’est pas montré insistant pour quoi que ce soit. Ilm’a pas conseillé d’aller prendre un autre avis. Jesuis arrivé, je lui ai expliqué mes symptômes en<strong>la</strong>ngage médical et puis j’ai fait ma <strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>de</strong>p<strong>la</strong>teau technique.- Les éléments objectifs pour pouvoir être rassuré…- Il a exécuté ce que je lui <strong>de</strong>mandais <strong>de</strong> faire.- D’accord.- Il a pas dépassé, il n’est pas allé au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong> ce queje lui <strong>de</strong>mandais <strong>de</strong> faire.- D’accord. Donc, il vous a pas <strong>de</strong>mandé à lerevoir ?- Non.- Est-ce que le fait que vous soyez mé<strong>de</strong>cin, il vousconnaissait dans le privé, vous disiez, mais est-ceque le fait que vous soyez mé<strong>de</strong>cin ?- Ça m’est arrivé <strong>de</strong> le soigner lui-même.- D’accord. Donc <strong>la</strong> re<strong>la</strong>tion en miroir existait.- Oui.- Et est-ce que votre situation <strong>de</strong> mé<strong>de</strong>cin a pu legêner ? Est-ce que vous avez ressenti…- Je pense que oui.- Oui ?- Je pense que oui.- D’accord.- Ah, je… je suis même persuadé que oui.- Et le fait <strong>de</strong> vous connaître en privé pouvait joueraussi ?- Autant que le fait d’être mé<strong>de</strong>cin. Bon, c’estquelqu’un qui m’accor<strong>de</strong> énormément <strong>de</strong>confiance, et je pense qu’il a eu peur d’être soumisà mon esprit critique. Je pense qu’il a eu peurd’une… Il était pas à l’aise. Je l’ai pas senti à l’aise.- Et vous, c’était pas votre démarche, vous étiezentièrement en confiance avec lui ?- Complètement. Oui, absolument. J’étaiscertainement pas là pour juger <strong>de</strong> ce qu’il al<strong>la</strong>itfaire <strong>de</strong> bien ou <strong>de</strong> pas bien. Moi, je vou<strong>la</strong>is qu’ilme donne son avis sur mon état cardio-vascu<strong>la</strong>ire.- Avec les éléments dont il disposait, les examensobjectifs.- Voilà.- En <strong>de</strong>hors <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>de</strong>ux patients qui étaient là, en face<strong>de</strong> vous, vous n’en avez pas parlé à votrepatientèle <strong>de</strong> ça, j’imagine ?- Ah, non.- Surtout qu’il n’y a pas eu d’arrêt ma<strong>la</strong>die consécutifà cet épiso<strong>de</strong>.- Non, non, non.- Vous n’avez pas été amené à en parler après ?- J’ai fait mes visites, je suis allé voir le confrère.- Entre midi et <strong>de</strong>ux, en plus.- Entre midi et <strong>de</strong>ux. Je suis vite revenu pourattaquer <strong>la</strong> consult. jusqu’au soir 19 heures.- D’accord. Est-ce que vous pensez que cetévénement a changé quelque chose dans votrepratique, en général.- Rien du tout.- Rien du tout. Est-ce que vous êtes plus attentif,peut-être aux symptômes en rapport avec ce genre<strong>de</strong> …- Pas du tout. Pas du tout.- De manière générale, les différents épiso<strong><strong>de</strong>s</strong> dansvos antécé<strong>de</strong>nts, est-ce que l’un d’entre eux a puchanger votre pratique ou votre regard face à <strong>la</strong>ma<strong>la</strong>die, face à <strong>la</strong> mort…?- Non, face à <strong>la</strong> mort, non.- Il y n’a pas eu d’événement d’urgence vitale.- Par rapport… Je sais pas si je vais répondre à taquestion. Ce qui me gêne le plus, c’est malombalgie et l’épiso<strong>de</strong> <strong>de</strong> flou visuel, là, tu… J’airépondu en disant « Oui, il s’est passé quelquechose » mais franchement, ça a été vraiment d’une


- 160 -ponctualité dans ma vie, ça, sans len<strong>de</strong>main. Je suisbeaucoup plus ennuyé par mes lombalgieschroniques qui m’empêchent <strong>de</strong> courir, par mesépaules qui m’empêchent <strong>de</strong> porter ce que j’arrivaistrès bien à faire : porter très très lourd. « G, viens, ona quelque chose, viens ». On n’appe<strong>la</strong>it pasquelqu’un d’autre que G. Ça, je peux plus. Heu, monfils qui manipule <strong><strong>de</strong>s</strong> matériaux lourds, ne me<strong>de</strong>man<strong>de</strong> plus d’aller l’ai<strong>de</strong>r parce qu’il sait que jesuis lombalgique. Je me sens diminué. Et je disais àma femme l’autre jour, dans <strong>la</strong> voiture, par rapport aucar-jacking, je disais « Tu vois, il y a une moto quiarriverait, qui m’ouvrirait <strong>la</strong> porte en me disant« Papa, tu sors, tu nous files tes papiers, tu <strong><strong>de</strong>s</strong>cends<strong>de</strong> là ! » » et bien je n’aurais même pas les moyens<strong>de</strong> me défendre. Physiquement. Alors que avant toutça, ça m’aurait peut-être pas forcément fait peur. Delà à dire que ça m’aurait même fait p<strong>la</strong>isir, c’est pasloin. Donc, là, ça, oui ; ça…- Les lombalgies et les arthralgies ...- Le retentissement fonctionnel que ça a…- À pu changer votre façon d’exercer, peut-être aussi ?Est-ce qu’il y a <strong><strong>de</strong>s</strong> gestes que vous ne faites plus ?- Non.- Non. Est-ce que vous avez réaménagé votre salle <strong>de</strong>travail ?- Non.- Votre rythme <strong>de</strong> travail ? Votre façon <strong>de</strong> travailler, vosvisites ?- Non.- D’accord.- Non, mais pour aller faire mes courses, j’ai un petitbagage rou<strong>la</strong>nt.- Oui. C’est plus dans <strong>la</strong> vie quotidienne. Pas dansvotre activité professionnelle ?- Non.- D’accord.- Ça n’a pas modifié du tout du tout mon activitéprofessionnelle.- Alors, j’ai une <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>de</strong>rnières questions trèsgénérales : par rapport au suivi <strong>de</strong> vos patients, à <strong>la</strong>prise en charge <strong>de</strong> <strong>la</strong> santé <strong>de</strong> vos patients, si vous<strong>de</strong>viez comparer votre suivi à vous, comment est-ceque vous estimez prendre en charge votre santé ?- Ça se rapproche beaucoup <strong>de</strong> <strong>la</strong> question <strong>de</strong> tout àl’heure : patient compliant ou autruche ?- Oui et non, ça dépend comment les gens répon<strong>de</strong>nt.- Est-ce que je serais pour moi un bon patient ? Est ceque je serais un patient agréable ou… ?- Non, mais par rapport à l’ensemble <strong>de</strong> vos patients,comment est-ce que vous estimez que votre santéest prise en charge ?- Ah ! Moyennement… J’ai pas un toucher recta<strong>la</strong>nnuel. J’ai jamais fais <strong>de</strong> test Hémocult® alors queje le prône <strong>la</strong>rgement dans <strong>la</strong> patientèle… Je suisplutôt compliant, quand même.- Oui ?- Plutôt compliant. Un peu <strong>de</strong> négligence, un peu <strong>de</strong>négligence.- Plus <strong>de</strong> négligence dans votre prise en charge quedans celle que vous imposez ou que vous essayezd’imposer à vos patients.- Oui. Je ne fais pas, une fois <strong>de</strong> plus, je ne me faispas examiner systématiquement une fois par an.- Du point <strong>de</strong> vue <strong>de</strong> <strong>la</strong> prévention, du dépistage ?- Pour <strong>la</strong> prévention et le dépistage, bon, ben, je faismon dosage <strong>de</strong> PSA par exemple, mais il m’arrive <strong>de</strong>dire que ça ne suffit pas. Bon. Oui, ben ça je le faispas faire. Auscultation pulmonaire…- Et comme vous êtes votre propre mé<strong>de</strong>cin traitant,l’examen clinique, en <strong>de</strong>hors <strong>de</strong> <strong>la</strong> prostate, l’examenclinique régulier, il est difficile à réaliser aussi.- Oui tout à fait.- D’accord.- Je ne le fais pas. J’ai jamais ausculté mon cœur etmes caroti<strong><strong>de</strong>s</strong>. Bon, ça a été fait à l’occasion du…- À l’occasion <strong>de</strong> cet événement, oui.- Non, je vois pas en quoi je mériterais une attentionplus particulière. Donc je me suis méfié, étantdonnée ma gourmandise, du retentissementmétabolique, hépatique. Donc il n’y en a pas.- Donc, ça, vous vous suivez bien du point <strong>de</strong> vuebiologique.- On est quand même sensibilisé aussi. On estquand même fixé à partir <strong>de</strong> quand on sort <strong><strong>de</strong>s</strong>clous ou pas, donc, je pense que dans ce sens-là,on dérape moins qu’un autre patient. On sait trèstrès vite qu’on dérape et on corrige, hein ?- Oui.- Voilà. Donc, je pense que je suis plutôt compliant.Je ne me plie pas à une surveil<strong>la</strong>nce comme jesouhaite que mes patients se plient. Voilà.- D’accord. Voilà. On arrive au terme <strong>de</strong> l’entretien.Ma <strong>de</strong>rnière question, elle est re<strong>la</strong>tivement simple,je vou<strong>la</strong>is savoir pourquoi vous avez accepté <strong>de</strong>répondre à mon étu<strong>de</strong>. Qu’est-ce qui vous aintéressé dans ce sujet ?- Parce que c’était Delphine ! Purement etsimplement.- Juste ça ?- Je pense. C’est uniquement pour ça.- D’accord.- C’est uniquement pour ça, parce que, à <strong>la</strong> limite, jetrouve qu’on est confronté à beaucoup <strong>de</strong>narcissisme dans ton travail. On est obligé <strong>de</strong>beaucoup se regar<strong>de</strong>r. J’avoue que j’ai jamaisanalysé, je n’ai jamais parlé <strong>de</strong> ma santé autantque maintenant, là. Franchement.- Vous n’en aviez peut-être pas le besoin du tout.- Non. Il m’arrive <strong>de</strong> me soucier <strong>de</strong> ma santé à venir.La retraite est à 65 ans. Est-ce que je vais gar<strong>de</strong>r<strong>la</strong> forme que j’ai actuellement pour me permettre<strong>de</strong> faire tout ce que j’aime faire dans ce métier,jusqu’au terme <strong><strong>de</strong>s</strong> 65 ans, voire plus tard ? Parceque <strong>la</strong> retraite n’est pas un but dans une vie. Estceque je vais gar<strong>de</strong>r <strong>la</strong> santé pour continuer <strong>de</strong>faire <strong><strong>de</strong>s</strong> heures comme ça, <strong><strong>de</strong>s</strong> dép<strong>la</strong>cementscomme ça ? Voilà, ça m’arrive d’y penser. Quandon voit tomber les gens, <strong><strong>de</strong>s</strong> copains, autour <strong>de</strong>nous, à qui l’on diagnostique <strong><strong>de</strong>s</strong> choses, là,effectivement, on se dit « T‘as du pot, mais ça peutt’arriver aussi ». Bon, ben écoute, on prend tousnotre voiture tous les matins, tous les jours et il yen a qui ont <strong><strong>de</strong>s</strong> acci<strong>de</strong>nts, d’autres pas. A monavis, c’est <strong>la</strong> même démarche, hein ? Voilà.- D’accord. Je vous remercie beaucoup <strong>de</strong> m’avoirconsacré du temps pour cette étu<strong>de</strong> et <strong>de</strong> m’avoirreçue aujourd’hui.Interruption <strong>de</strong> l’enregistrement puis reprise <strong>de</strong> <strong>la</strong> discussion :- (…) Quand on se couche sur <strong>la</strong> table <strong><strong>de</strong>s</strong>cardiologues, il y a un moment où on se dit « Ben,tiens, c’est le moment, qu’est-ce qu’il t’arrive,qu’est-ce que tu as oublié <strong>de</strong> dire ». Ben voilà.- « Dans l’interrogatoire, est-ce que j’ai raconté toutce qu’il fal<strong>la</strong>it ? »- D’un seul coup, oui. On se dit « Pendant que jesuis là, n’oublions rien : qu’est-ce qu’il m’arrive <strong>de</strong>temps en temps ? » Ben, rien. Mais on a le tempsd’y penser. Et c’est pour ça que je dis aux mères<strong>de</strong> famille qui viennent en consultation « Venezseule » au lieu d’être accompagnées par lesenfants qui font le bazar, « Maman ! », qui sont là,comme accrochés à leur cuisse ou qui leur sautentà <strong>la</strong> gorge « Maman, je veux ma sucette ! ». Ellesne pensent pas à elles, et c’est vrai qu’en tant quepatient, quand on s’allonge sur une tabled’examen, alors, pas du tout infériorisé. J’ai pas dutout ce sentiment-là. Quand je m’allonge sur <strong>la</strong>table d’examen <strong>de</strong>… Je me rappelle que quand jesuis allé faire mon infiltration, il vou<strong>la</strong>it me faire une


- 161 -anesthésie locale, j’ai pas voulu. J’ai dit « Non, non,non, non ». Je suis parti le matin très tôt, je suisrentré après, je lui ai dit « Tu m’infiltres ». Je merappelle avoir dit à l’infirmière, « Il m’a fait vraimenttrès très mal, il m’a fait très mal ». J’ai dit à l’infirmière« Vous pouvez couper le chauffage, parce que pourmoi, ça va ». Bon, pas du tout infériorisé. La fois où jesuis allé faire ma fibro, il y a, je sais plus… dans lesannées 90. Mon confrère gastro-entéro me dit « Tuveux qu’on te <strong>la</strong> fasse sous analgésie ? ». J’ai ditnon. Je me rappelle que l’infirmière, je <strong>la</strong> connaissais,c’est une femme très belle, avec beaucoup <strong>de</strong>charme. Je lui ai dit, pendant un moment, on perdtoute sa dignité, j’ai dit, « C’est vraiment comme chezle <strong>de</strong>ntiste » : tu as le coin, là, il passe le tuyau. Alorstu le contrôles parfaitement, tu sais ce qu’on te fait,ce qui n’est pas donné à tous les patients, parexemple, hein. Tu dis « Bon, il est en train <strong>de</strong> passerlà », tu participes, quoi, mais tu baves sur le côté, tute dis, « Ben dis donc ». L’infirmière qui t’as vuarriver, t’es couché sur le côté, l’infirmière esttoujours aussi belle, mais toi « Qu’est-ce que t’as l’aircon ! ».- Comme vous dites, c’est pas du tout… On se sentpas en infériorité. Quand vos patients sont dans unesituation qu’ils peuvent juger aussi plus au moins« dégradante », vous vous n’avez jamais ce regard.Mais c’est vrai que parfois on peut avoir…- Je l’ai pour eux. En faisant <strong><strong>de</strong>s</strong> touchers, en faisant<strong><strong>de</strong>s</strong> frottis, je dis aux femmes <strong><strong>de</strong>s</strong> fois, « C’est pas unmoment très agréable pour vous, je me mets à votrep<strong>la</strong>ce. Mais écoutez, ça ne sera pas très long, c’estune prévention nécessaire, je sais que ce n’est pastrès agréable ». Voilà.- Mais nous, on sait que le soignant n’a pas ce regardcritique en disant « Cette femme est dévalorisée à cemoment-là ». On est vraiment dans un gestetechnique. Alors que comme vous dites bien, quandon se retrouve sur <strong>la</strong> table du cardiologue ou <strong>de</strong>n’importe quel mé<strong>de</strong>cin, on se retrouve dans cettesituation et on a un raisonnement autre, bien qu’onsoit mé<strong>de</strong>cin. Oui, mais en aucun cas je me suis sentidévalorisé.- Sans être en infériorité.- Ah pas du tout du tout, du tout. Pas du tout. Non,non, non, non. Tout à fait bravache. Je suis<strong>de</strong>man<strong>de</strong>ur <strong>de</strong> ceci, il m’arrive ça.- Par contre, ce qui était très intéressant, c’est quevous disiez « Les mères <strong>de</strong> famille, on leur <strong>de</strong>man<strong>de</strong><strong>de</strong> venir seules ». C’est un moment qu’on s’octroie àsoi. C’est un moment à soi.- Alors ça, c’est vrai. Mais, ça, je le savais avant.- Mais en al<strong>la</strong>nt chez le cardiologue, c’était ça aussi.Qu’est ce j’ai oublié <strong>de</strong> dire ? Il faut forcément…- La première fois que j’y suis allé à <strong>la</strong> <strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>de</strong>mon épouse, suite au diagnostic du syndrome <strong>de</strong>Romano Ward avec cette fille qui n’avait qu’un lien <strong>de</strong>parenté plus plus qu’éloigné, quand je me suisallongé sur <strong>la</strong> table, c’était <strong>la</strong> première fois <strong>de</strong>puisl’âge <strong>de</strong> 15 ans que j’étais sur une table d’examen, jeme suis dit « Bon, finalement, t’emmer<strong><strong>de</strong>s</strong> avec unren<strong>de</strong>z-vous, t’emmer<strong><strong>de</strong>s</strong> le confrère, pendant quet’es là, qu’est-ce qu’on peut penser <strong>de</strong> ta santé ? » .Puis voilà. Mais c’est vrai qu’à un moment, j’ai penséà moi.- Oui voilà.- Ce qui ne m’arrive jamais. Mais au moment <strong>de</strong> cette<strong>de</strong>man<strong>de</strong> d’avis, effectivement, je fais le point en medisant « N’oublie rien, pendant que t’es là ».Finalement, Alors que j’étais chez un cardiologue.- Et ça, vous ne jugez pas important d’avoir ce petit<strong>la</strong>ps <strong>de</strong> temps <strong>de</strong> réflexion sur soi, <strong>de</strong> temps entemps ? Vous trouvez que c’est, le fait qu’on puisseparler <strong>de</strong> soi, c’est un peu narcissique ? Pasforcément au moment <strong>de</strong> <strong>la</strong> consultation, mais jeveux dire maintenant, le fait qu’on reprenne du recul.- Aujourd’hui, là ? Oui, c’est un grand moment <strong>de</strong>narcissisme. Ou d’introspection, je sais pascomment on peut appeler ça, mais c’est vraimentpour <strong>la</strong> thèse <strong>de</strong> Delphine, parce que, j’avoueque…- Mais c’est pas toujours vécu comme ça, en fait.C’est pour ça que je pose <strong>la</strong> question.- Oui, oui, oui.- Mais ces quelques instants, rien que pour vous,quand vous allez chez un confrère, vous les vivezpas comme quelque chose <strong>de</strong> narcissique ?- Ah ben non. Ben non. Il faut reconnaître que jesuis pas très insistant chez les confrères, parceque, si on fait le point, ça fait quoi, <strong>de</strong>uxconsultations <strong>de</strong> cardio, une consultation <strong>de</strong>gastro-entero, ça fait trois, les <strong>de</strong>ux infiltrationssans succès, l’infiltration avec succès, et onrecommence ; ça fait sept consultations en 29 ans,quand même.- Oui, il n’y a pas d’abus si c’est ce que vous voulezdire.- S’il y a pas beaucoup d’insistance.- D’accord.Entretien avec le Docteur H,réalisé à son cabinet le 13 juin 2008- Actuellement, j’ai fini mon internat <strong>de</strong> mé<strong>de</strong>cinegénérale, et je réalise une étu<strong>de</strong> sur le suivi <strong><strong>de</strong>s</strong>mé<strong>de</strong>cins généralistes, lorsqu’ils sont <strong>de</strong>venuseux-mêmes ma<strong>la</strong><strong><strong>de</strong>s</strong>, et donc patients. Cette étu<strong><strong>de</strong>s</strong>’inscrit dans le cadre <strong>de</strong> <strong>la</strong> réalisation <strong>de</strong> ma thèse<strong>de</strong> docteur en mé<strong>de</strong>cine. Dans un premier temps,je vous remercie d’avoir accepté <strong>de</strong> me recevoirpour me parler d’un sujet qui est aussi personnelque celui <strong>de</strong> votre santé. Je ne sais pas si vousavez <strong><strong>de</strong>s</strong> questions d’ordre général, sinon onpoursuit l’entretien.- Non. Moi, d’un point <strong>de</strong> vue personnel, je penseque c’est un sujet extrêmement intéressant etj’avais même pensé le proposer aussi, donc, c’esttrès bien. Et autrement, oui, poursuivonsl’entretien, pour l’instant, je n’ai pas <strong>de</strong> remarquesparticulières.- Vous pouvez m’interrompre n’importe quand.Enfin, c’est plutôt moi qui vais vous interrompre,parce que c’est plutôt vous qui allez parler.J’aimerais bien, dans un premier temps que vousme parliez <strong>de</strong> vous en tant que mé<strong>de</strong>cin, pour meresituer votre exercice, en fait.- Oui, donc moi je suis mé<strong>de</strong>cin généraliste. Je suisinstallé en mé<strong>de</strong>cine libérale <strong>de</strong>puis 1989, avecdifférents mo<strong><strong>de</strong>s</strong> d’exercice, en fait. Dans unpremier temps dans une très grosse structure, enreprise d’une clientèle d’un mé<strong>de</strong>cin décédé à l’âge<strong>de</strong> 48 ans, parce qu’il travail<strong>la</strong>it trop, à mon avis.- Sur H ?- Sur H. Très grosse structure, on était sept avecdifférents mo<strong><strong>de</strong>s</strong> d’exercice <strong>de</strong> mé<strong>de</strong>cine générale,on va dire. Au bout <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux ans <strong>de</strong> pratique, j’aichangé complètement, parce que…- Ça ne vous convenait pas ?- Ça ne me convenait pas et ça avait même unretentissement sur ma santé mentale.- D’accord.- Mais, bon, c’est comme ça. Je me suis dép<strong>la</strong>cé <strong>de</strong>quelques centaines <strong>de</strong> mètres, sur <strong>la</strong> mêmecommune, en 92, pour m’associer avec un <strong>de</strong> mesamis. Donc, un cabinet à <strong>de</strong>ux. Dans le mêmetemps, j’ai intégré ce qui al<strong>la</strong>it <strong>de</strong>venir le


- 162 -département <strong>de</strong> mé<strong>de</strong>cine générale, commeenseignant. J’ai eu <strong>de</strong>puis 1992 une double activité :généraliste à temps partiel, c’est-à-dire environ 45heures par semaine (sourire), mé<strong>de</strong>cin généralisteenseignant, jusqu’à aujourd’hui, en fait. On s’estétoffé, parce qu’en 2004, ou 2005, ça fait trois ans,nous avons pris une associée dans le cabinet : <strong>de</strong>uxhommes, une femme. J’ai même réussi à convaincremes associés <strong>de</strong> rentrer dans <strong>la</strong> maîtrise <strong>de</strong> stage.Donc voilà, aujourd’hui…- Vous <strong>de</strong>ux associés sont maîtres <strong>de</strong> stage ?- Oui, l’une dans <strong>la</strong> maîtrise <strong>de</strong> stage pour lesexternes, et l’autre pour les internes.- D’accord.- Puis voilà. Aujourd’hui je fais <strong>de</strong> <strong>la</strong> mé<strong>de</strong>cinegénérale, grosso modo, sans exercice particulier, ensachant que dans mon activité, je privilégie quandmême l’activité <strong>de</strong> gynécologie-pédiatrie. La gériatriereprésente assez peu <strong>de</strong> mon exercice, d’abord pargoût. On pourrait trouver <strong><strong>de</strong>s</strong> déterminantspersonnels anthropologiques et culturels à cetteaffaire. Actuellement, j’ai 5 % <strong>de</strong> mes patients quisont au-<strong><strong>de</strong>s</strong>sus <strong>de</strong> 70 ans.- D’accord.- Et voilà. Voilà pour l’exercice. Moi, ça me convient,j’aime ça.- Avant <strong>de</strong> vous installer dans le groupe <strong>de</strong> sept, est-ceque vous aviez eu une autre activité, une activitélibérale ?- Non. J’ai été interne en 85-86 et puis ensuite, 87-88,j’ai fait <strong><strong>de</strong>s</strong> remp<strong>la</strong>cements. J’ai eu une activité entre88 et 94, j’ai oublié <strong>de</strong> le signaler, <strong>de</strong> mé<strong>de</strong>cinattaché<strong>de</strong> consultation aux urgences pédiatriques.- D’accord. En parallèle.- En parallèle. Donc c’était surtout <strong><strong>de</strong>s</strong> activités <strong>de</strong> soir,<strong>de</strong> nuit, <strong>de</strong> week-end.- Oui, qui se rajoutaient.- Qui se rajoutaient. J’ai arrêté en 1994 parce que ça<strong>de</strong>venait insupportable.- Ça fait effectivement beaucoup. D’accord. Bon,maintenant on va parler <strong>de</strong> vous plutôt en tant quepatient. Est-ce que vous pourriez me dire, meraconter brièvement, les antécé<strong>de</strong>nts qui ont pujalonner votre vie <strong>de</strong> patient ?- Hum, hum. Les premiers antécé<strong>de</strong>nts dont je mesouvienne, en tant que patient, sont un épiso<strong>de</strong>infectieux, je <strong>de</strong>vais avoir 8 ou 9 ans, dans l’enfance.Bon après, c’est <strong><strong>de</strong>s</strong> souvenirs, c’est embelli, c’esttransformé. J’ai été hospitalisé pendant, je sais plus,je crois un mois ou <strong>de</strong>ux.- Ah, quand même.- Quand j’étais à l’école primaire. Alors, le diagnostic,c’était assez drôle, avec le recul. Parce qu’il y a uneespèce <strong>de</strong> mé<strong>la</strong>nge entre une pneumopathie,vraisemb<strong>la</strong>blement, puis une hépatite A, a priori. Jen’ai jamais revu <strong>de</strong> dossier <strong>de</strong>puis. Et j’en gar<strong>de</strong> unsouvenir absolument mitigé, en fait <strong>de</strong> cettehospitalisation. A <strong>la</strong> fois épouvantable, avec <strong><strong>de</strong>s</strong>re<strong>la</strong>tions très difficiles et très dures avec certainspersonnels.- Oui ?- Et en même temps, <strong><strong>de</strong>s</strong> souvenirs super drôles,d’enfant, quoi. On était dans <strong><strong>de</strong>s</strong> salles communes,on était une dizaine <strong>de</strong> mômes, et je me souviens <strong>de</strong>jeux. On se jetait <strong><strong>de</strong>s</strong> oranges, on jouait ensemble.Enfin, c’était assez drôle.- Mais c’est pas forcément cet épiso<strong>de</strong> qui a suscitévotre vocation ?- Non, pas du tout.- D’accord.- Donc au point <strong>de</strong> vue médical, il y a ça, <strong>de</strong> marquant.Puis ensuite, à l’adolescence, j’ai fait <strong><strong>de</strong>s</strong> crises <strong>de</strong>coliques néphrétiques qui ont toujours été traitées enambu<strong>la</strong>toire. Je me souviens <strong>la</strong> première… Je penseque c’était <strong>la</strong> première, où en fait, ma mère àl’époque (je <strong>de</strong>vais avoir 12-13 ans par là) avaitpassé sa nuit à me gaver <strong>de</strong> tisanes <strong>de</strong>vant madouleur. C’était le remè<strong>de</strong> <strong>de</strong> l’époque. Et plus j’enbuvais, (j’en ai bu <strong><strong>de</strong>s</strong> litres <strong>de</strong> tisane cette nuit-là,<strong>de</strong> verveine), plus j’en buvais, plus j’avais mal. Cequi paraît cohérent.- Quand on connaît le diagnostic…- Et le matin, on était allé à pied chez le docteur, quiétait à quelques centaines <strong>de</strong> mètres. Parce quemon père travail<strong>la</strong>it, qu’on n’avait pas <strong>de</strong>uxvoitures, et ma mère m’avait dit <strong>de</strong> très bonneheure « On va chez le docteur, tu vas marcher ».J’en pouvais plus, je me suis traîné sur 3 ou 400mètres à pied chez le docteur. Voilà. Et j’ai fait <strong><strong>de</strong>s</strong>crises <strong>de</strong> coliques néphrétiques <strong>de</strong> manière assezrécurrente jusqu’à <strong>la</strong> première année <strong>de</strong> mé<strong>de</strong>cine.Enfin, j’en faisais, quoi… une ou <strong>de</strong>ux par an.- La mé<strong>de</strong>cine a guéri ça ?- Non, j’en ai fait pendant les quatre, cinq premièresannées, puis ça s’est calmé. Depuis, j’en ai refaitune ou <strong>de</strong>ux. La <strong>de</strong>rnière en date, il y a environ<strong>de</strong>ux ans. C’est tellement espacé que je les aioubliées.- D’accord.- Il y a ça, et puis grosso modo, pour moi, sans yréfléchir, j’avais pas trop d’antécé<strong>de</strong>nts en <strong>de</strong>hors<strong>de</strong> ça. Puis en fait en 92, j’ai fait une péritoniteaiguë, sur perforation cæcale sur diverticule isolé,avec un abcès perforé bouché. En fait,cliniquement, je venais travailler le matin et je mesouviens très bien que pendant une matinée, j’aivu <strong><strong>de</strong>s</strong> patients qui étaient moins ma<strong>la</strong><strong><strong>de</strong>s</strong> que moi.A l’issue <strong>de</strong> <strong>la</strong> matinée, je me suis fait entraîné parun <strong><strong>de</strong>s</strong> collègues <strong>de</strong> l’époque, quasiment <strong>de</strong> force,à <strong>la</strong> clinique du coin pour aller voir un chirurgien etils m’ont opéré. On n’a jamais vraiment trouvé cequi s’était passé, à part que j’avais une péritonite.Donc ça, c’est en 92. Puis après, au niveauépiso<strong><strong>de</strong>s</strong> médicaux, j’ai été tranquille jusqu’à l’an<strong>de</strong>rnier. En juin 2007 où j’ai fait un épiso<strong>de</strong> <strong>de</strong>péricardite aiguë, pour <strong>la</strong>quelle j’ai été hospitalisé.- Dont on va reparler un peu plus longuement tout àl’heure. D’accord. D’accord. Je vous remercie. Estceque vous avez un traitement actuel ?- Aucun.- D’accord. Est-ce que <strong>de</strong>puis qu’on a communiquépar mail, il y a eu un problème <strong>de</strong> santé plus récentou un bi<strong>la</strong>n <strong>de</strong> santé qui a été instauré ?- Non, aucun bi<strong>la</strong>n ni problème.- Alors, j’ai une question, dans un premier temps,d’ordre général, pas toujours ressentie comme unequestion facile. Comment est-ce que vous prenezen charge votre santé, d’une manière générale ?- Après…- J’ai une question corol<strong>la</strong>ire qui…- Comment je <strong>la</strong> prends en charge? Ça dépend <strong>de</strong>quel point <strong>de</strong> vue on se p<strong>la</strong>ce.- Alors, je vais poser ma question, ça va vous ai<strong>de</strong>r.Est-ce que vous avez un mé<strong>de</strong>cin traitant quis’occupe <strong>de</strong> vous ?- Non.- D’accord. Est-ce que vous êtes vous-même votrepropre mé<strong>de</strong>cin traitant ?- Non.- Vous ne vous êtes pas déc<strong>la</strong>ré en tant que tel ?- Non, je n’ai pas <strong>de</strong> mé<strong>de</strong>cin traitant déc<strong>la</strong>ré. Heu,en fait, ma femme est mé<strong>de</strong>cin.- Oui.- Plutôt pédiatre. Et donc c’est elle qui me tarabusteun peu <strong>de</strong> temps en temps. Mais les quelques foisoù j’ai eu <strong><strong>de</strong>s</strong> épiso<strong><strong>de</strong>s</strong>, où j’ai eu besoin <strong>de</strong>consulter, je suis allé voir <strong><strong>de</strong>s</strong> copains ou <strong><strong>de</strong>s</strong>connaissances, pas forcément <strong><strong>de</strong>s</strong> copains.- Généralistes ou spécialistes ?- Ben, j’ai <strong>de</strong>mandé une fois ou <strong>de</strong>ux à mon associé,parce que j’avais <strong><strong>de</strong>s</strong> douleurs, mais en fait, c’étaitplus <strong><strong>de</strong>s</strong> douleurs, à mon avis, dans un passé


- 163 -récent déjà <strong>de</strong> péricardite que j’avais pas étiquetée.- D’accord.- Et sinon je suis allé voir, en cas d’inquiétu<strong>de</strong>, je suisallé voir, j’ai téléphoné à <strong><strong>de</strong>s</strong> copains pneumologues,j’ai téléphoné…- A votre réseau <strong>de</strong> spécialistes.- Mon réseau <strong>de</strong> spécialistes. Un ami radiologue quim’a fait une écho, une fois, parce que j’étais inquiet.Surtout pour calmer <strong><strong>de</strong>s</strong> inquiétu<strong><strong>de</strong>s</strong>, en fait.- Oui.- Mais comme je me considère comme en bonne santéet que j’ai l’un dans l’autre finalement assez peud’épiso<strong><strong>de</strong>s</strong> chroniques, on va dire…- Vous n’avez jamais songé à chercher un mé<strong>de</strong>cintraitant ?- Non, j’ai pas <strong>de</strong> suivi réel, en fait. Non, j’ai fait uneanalyse <strong>de</strong> sang, il y a une dizaine d’années. Pourune assurance, je crois. Dix ou douze ans. On me<strong>de</strong>mandait un cholestérol, une glycémie, enfin, <strong><strong>de</strong>s</strong>bi<strong>la</strong>ns d’assurance, quoi, qui était complètementdramatiquement élevé en cholestérol. Ça m’aperturbé pendant environ trois semaines, puis je l’aioublié. Donc voilà, ça va <strong>de</strong>puis.- Et en <strong>de</strong>hors <strong>de</strong> l’épiso<strong>de</strong> <strong>de</strong> péricardite, où vousavez sûrement eu un bi<strong>la</strong>n biologique, sinon, vousn’en aviez pas refait ?- Non- D’accord. Vous avez répondu à ma question.- D’ailleurs au moment <strong>de</strong> <strong>la</strong> péricardite, ils m’ont refaitun cholestérol parce que j’étais en cardio.- Oui.- Ils ont pas fait <strong>de</strong> PSA, quand même ! (rires) Ils m’ontfait un bi<strong>la</strong>n cholestérol, tout ça. Le cholestérol s’étaitnormalisé. En faisant un petit peu attention à ce queje mange et à ce que je bois, <strong>de</strong>puis une dizained’années.- Oui. Donc, ça vous a conforté dans l’idée que c’étaitpas <strong>la</strong> peine <strong>de</strong> vérifier.- Je pense pas que ce soit <strong>la</strong> peine <strong>de</strong> le re-vérifier,d’une part, mais en même temps, après, en prenant<strong>de</strong> l’âge, je trouve que c’est idiot <strong>de</strong> ne pas faireattention soi-même. Donc, c’est pas en faisant <strong><strong>de</strong>s</strong>bi<strong>la</strong>ns qu’on fait attention. Par contre, c’est enessayant <strong>de</strong> prendre <strong><strong>de</strong>s</strong> mesures à <strong>la</strong> fois d’ordrediététique et d’hygiène <strong>de</strong> vie, <strong>de</strong> ce point <strong>de</strong> vue-là.- Oui.- Après, s’il faut faire <strong><strong>de</strong>s</strong> choses, je les ferai, mais quesi c’est obligé.- Donc, <strong><strong>de</strong>s</strong> mesures que vous pouvez déci<strong>de</strong>r seul,sans qu’il y ait une ai<strong>de</strong> d’un confrère. D’accord.Dans cette même idée, quel patient vous pensezêtre ?- Ah ! Je pense que je suis très emmerdant ! (sourire)- En pério<strong>de</strong> aiguë <strong>de</strong> problème ponctuel ?- Non, en pério<strong>de</strong> chronique. En pério<strong>de</strong> aiguë, je croispas être un patient pénible dans <strong>la</strong> mesure où jeviens <strong>de</strong> le vivre. Donc le retour que j’ai eu <strong><strong>de</strong>s</strong>personnels soignants était plutôt bon, on va dire.Non, non, moi je me suis remis entre les mains <strong><strong>de</strong>s</strong>gens. Quand je suis arrivé en cardio, <strong>de</strong> toutesmanières, j’ai cru que j’al<strong>la</strong>is mourir donc j’ai dis« Allez-y , faites ! ».- Entièrement confiant et…- Ben, je crois, moi je suis plutôt confiant, quandmême.- Oui.- En fait, pour l’avoir expérimenté, quand on a unepathologie aiguë, type péricardite, où on a unedouleur thoracique qui ressemble quand mêmebeaucoup à ce qu’on décrit à tout le mon<strong>de</strong> commeétant un infarctus, comme on se dit qu’on va mourir.Enfin, moi, je me suis dis à un moment donné,distinctement, que j’al<strong>la</strong>is mourir, je me suis dit « Bon,j’y vais, puis ils feront. ». Donc, si on n’a pasconfiance, on peut pas. Moi, je pourrais pas.- Oui, on ne peut pas se <strong>la</strong>isser prendre en charge.- D’autant que c<strong>la</strong>irement, quand les soignants, pasles infirmiers… J’ai été vraiment très très étonnépar le personnel infirmier, notamment, et ai<strong><strong>de</strong>s</strong>oignant,qui a fait preuve d’une empathie et d’unegentillesse à mon égard, vraiment, qui m’aépoustouflé. Mais les soignants mé<strong>de</strong>cins ou futursmé<strong>de</strong>cins, dès qu’ils ont vu que j’étais mé<strong>de</strong>cin, afortiori quand ils ont vu que j’étais enseignant,parce qu’il y en a que j’ai eus en cours, ils étaientun peu sidérés quand même. Donc, ça perturbait <strong>la</strong>re<strong>la</strong>tion. Mais j’ai essayé, autant que faire ce peut,<strong>de</strong> leur dire « Faites abstraction du truc. Faut êtregentil. Faites votre travail ! ».- Votre situation <strong>de</strong> mé<strong>de</strong>cin et d’enseignant les agênés ?- En tout cas, manifestement au moins à <strong>de</strong>uxreprises, pour <strong>de</strong>ux personnes, ça les a un peuinhibées.- Oui, ça a changé leur prise en charge, dans unpremier temps?- Au début, oui. Parce qu’ils osaient à peine metoucher. Mais j’ai dit, « C’est bon, allez-y ! ».- Du point <strong>de</strong> vue <strong>de</strong> l’examen, par exemple ?- Notamment. L’examen, l’étudiante hospitalière, quim’examinait dans le lit d’hôpital, s’estcomplètement paralysée quand elle a vu quec’était moi, parce que je l’avais eue en cours.« Non, c’est pas grave, vous pouvez prendre <strong><strong>de</strong>s</strong>pouls, ça ne me gêne pas ».- Oui, oui, ça a changé quand même <strong>la</strong> re<strong>la</strong>tion.D’accord. On y reviendra tout à l’heure, parcequ’effectivement, c’est un sujet intéressant. Donc,si vous le voulez bien, on va parler plusprécisément <strong>de</strong> <strong>la</strong> pathologie…- J’ai oublié un petit truc, puisqu’on en est à faire <strong><strong>de</strong>s</strong>choses exhaustives, il y a trois ans, j’ai présentéune tendinite aiguë achilléenne gauche, pour<strong>la</strong>quelle j’ai consulté un orthopédiste.- D’accord.- Et c’est vrai qu’il y a un espèce <strong>de</strong> côtéirrationnel où pendant <strong>de</strong>ux jours avant <strong>de</strong> le voir,je me suis retrouvé à me dire « Je vais faire unerupture <strong>de</strong> tendon ». J’étais complètement pasbien, quoi, j’avais très mal. Alors ça c’est marrant.Je fais une IRM ; déjà l’IRM, on me dit qu’il n’yavait pas <strong>de</strong> rupture. Une tendinite, l’inf<strong>la</strong>mmation.Puis quand je suis allé voir l’orthopédiste dans <strong>la</strong>foulée, il m’a dit « Non, c’est rien, mettez unetalonnette et rentrez chez vous, prenez un antiinf<strong>la</strong>mmatoire». Et après, ça al<strong>la</strong>it bien. Mais,pendant <strong>de</strong>ux jours, j’étais pas bien parce quej’arrivais pas à marcher, j’avais très mal.- Oui.- Je me suis dit… Puis après je me suis mis à bro<strong>de</strong>rlà-<strong><strong>de</strong>s</strong>sus en me disant : « Si je peux plus marcher,si on me plâtre, comment je vais faire pourtravailler ? » etc, etc…- Oui.- Il y a plein <strong>de</strong> problématiques complexesprofessionnelles qui viennent perturber ledéroulement.- Interagir. Oui. Du point <strong>de</strong> vue pratique,l’organisation qui va en découler, oui.- Ben alors, je… autour <strong>de</strong> <strong>la</strong> péricardite, il y a pas<strong>de</strong> problème, on peut en parler.- On va en parler. Du coup, vous revenez sur ce…,Quand je vous <strong>de</strong>mandais quel patient vouspensiez être, en fait, à <strong>de</strong>ux reprises, vous medites, dans un premier temps, avant d’être rassurépar le spécialiste, vous avez plutôt une visionassez pessimiste, vous dites « Je vais mourir »,ou « Il y a une rupture ».- Le coup du cholestérol, j’ai passé trois semaines àme dire :« Je vais faire un infarctus ».- Donc, vous voyez l’aspect inquiétant, <strong>la</strong> gravité.


- 164 -- Avec cette idée, complètement fausse, mais qui vientaussi <strong>de</strong> notre formation, c’est qu’avec un cholestérolà 3,20 g, un LDL à 2 grammes, on est tellement dansl’idée que ça bouche les artères, qu’on se dit « Ellesvont se boucher tout <strong>de</strong> suite ». Ce qui est curieux, cequi est marrant, c’est le double regard : à <strong>la</strong> fois cetteinquiétu<strong>de</strong> <strong>de</strong> patient, on va dire, et le regard dumé<strong>de</strong>cin qui prend du recul et qui dit « Il faut arrêter<strong>de</strong> psychoter, quoi ! ».- Oui, mais cette inquiétu<strong>de</strong> <strong>de</strong> patient, avec vosconnaissances <strong>de</strong> mé<strong>de</strong>cin.- Oui, ça vient perturber les choses.- Peut-être qu’un patient <strong>la</strong>mbda, 3,20 grammes…- Ça lui parle pas !- Ça lui parle pas beaucoup, voilà. D’accord. Donc, onva parler maintenant un peu plus précisément <strong>de</strong>l’épiso<strong>de</strong> <strong>de</strong> 2007. Est-ce que vous pourriez meraconter, donc, votre parcours <strong>de</strong> ma<strong>la</strong><strong>de</strong> ? Commentça s’est passé ?- Mais en fait, le jeudi, c’était fin mai, j’étais àl’université, avec mon collègue, et puis en fin <strong>de</strong>journée, j’ai dit à une <strong>de</strong> mes collègues « C’estbizarre, j’ai une sensation <strong>de</strong> poids, là, je me<strong>de</strong>man<strong>de</strong> ce qui se passe, ça fait 24 heures que j’aiun poids ». Mais qui était modéré. Une douleurmodérée, et comme ça, en rigo<strong>la</strong>nt, je lui dit « On sedit au revoir, je vais peut-être mourir dans <strong>la</strong> nuit,c’est peut-être un infarctus ». Elle me dit « Arrête <strong>de</strong>dire <strong><strong>de</strong>s</strong> bêtises, prends donc un Lexomil® ou unbromazépam, et puis c’est parce que tu es un peustressé, fatigué, c’est rien du tout ! ». Je suis rentréchez moi. Ma femme sortait ce soir-là pour faire, jesais plus trop où. Je lui ai dit « Je viens pas avec toi,je suis un peu fatigué ». Elle est revenue à onzeheures du soir. J’étais couché, ce qui est rarissime,j’étais fatigué, je me sentais fatigué. Ça l’a interpelléeparce qu’elle m’en a parlé après, elle m’a dit « C’estbizarre, tu te couches pas à onze heures ». Puis versminuit, une heure du matin, j’ai commencé à avoir <strong>de</strong>très très très violentes douleurs thoraciques, mais quis’amplifiaient progressivement, qui… Alors je me suislevé, j’ai pris un antalgique, je me souviens plus, typeDiantalvic® ou même paracétamol, tout simplement,je crois. J’ai essayé <strong>de</strong> ne pas réveiller mon épousequi dormait bien. Donc, <strong>de</strong> une heure à <strong>de</strong>ux heures,<strong>de</strong>ux heures et <strong>de</strong>mie, j’ai.. C’était affreux, parce quec’était une douleur épouvantable, vraiment, quis’accentuait, petit à petit, en plus qui prenait <strong><strong>de</strong>s</strong>caractéristiques thoraciques, en étau, irradiant enmâchoire, au bras gauche. Enfin, tout ce qu’onapprend aux jeunes…- Donc qui vous inquiétait.- Donc environ vers <strong>de</strong>ux heures, j’ai réveillé mafemme en lui disant, en lui racontant ça. C’estmarrant, c’est là qu’on voit qu’on est un peu déformé,elle me dit « Tu penses à quoi ? ». Je lui dis « Lamême chose que toi ». Elle me dit « Qu’est-ce qu’onfait ? », je dis « On va aller à V, ben qu’est-ce que tuveux que je te dises ? ». On n’a même pas appelé le15, elle m’a amené à V.- A <strong>la</strong> porte <strong>de</strong> V ?- Voilà. Ils ont été complètement surpris en me disant« Mais qu’est-ce que vous faites là ? ». Je leur airaconté. Ils m’ont dit « Venez vite vous allonger » etpuis voilà. Après une espèce <strong>de</strong>… Entre <strong>de</strong>ux heureset six heures du matin, j’étais sur un brancard, à <strong>la</strong>porte <strong>de</strong> V, il n’y avait pas grand mon<strong>de</strong>. L’internemanifestement a flippé parce qu’il a appelé le senior,ils m’ont fait un ECG. Moi je leur ai <strong>de</strong>mandé, ils nevou<strong>la</strong>ient pas me dire. J’étais vraiment très très mal.- Ils ne vous ont pas sou<strong>la</strong>gé au niveau <strong>de</strong> <strong>la</strong> douleur ?- Non. Il n’y a que vers quatre, cinq heures du matin, lesenior est arrivé, il m’a ausculté. Et là, il m’a sou<strong>la</strong>gé.J’ai commencé à être sou<strong>la</strong>gé quand il m’a dit « Là ily a un frottement, c’est une péricardite ». Ouf ! déjà.C’est bien. Enfin, je sais pas si c’est bien. Ils ontvoulu me faire <strong>de</strong> l’aspirine. Et là, j’ai dit « Stop,stop, stop ! ». Enfin, c’est pas moi, c’est ma femmequi était là (moi j’étais un peu dans le cirage,quand même), qui leur a dit « Arrêtez, il estallergique à l’aspirine ». C’est ma seule vraieallergie, paraît-il. Je fais <strong><strong>de</strong>s</strong> oedèmes <strong>de</strong> Quinckequand je prends <strong>de</strong> l’Aspégic®. Donc, là, quand il adit « C’est une péricardite », distinctement, je mesouviens m’être dit « Ça va… »- C’est pas un infarctus.- « C’est pas un infarctus ». Et donc après, ils m’ontfait un anti-inf<strong>la</strong>mmatoire et du Prodafalgan® enperfusion, et vers six heures, six heures et <strong>de</strong>mie,j’ai été mis dans un lit, je sais plus, unité W, jecrois, en cardio.- Chez Dr V?- Oui, c’est V. Et voilà, quoi. Dernier souvenir, je mesuis endormi vers six, sept heures avec <strong>la</strong> douleurqui a disparue. Mais complètement. Donc, c’est lesentiment <strong>de</strong> sou<strong>la</strong>gement <strong>de</strong> plus avoir mal, enfait.- Bien sûr.- C’est assez impressionnant, ça ressemble un petitpeu aux coliques néphrétiques, en terme <strong><strong>de</strong>s</strong>ou<strong>la</strong>gement.- Oui, il y a l’avant et l’après.- Voilà. Après je suis resté <strong>de</strong>ux jours. Ils vou<strong>la</strong>ientme gar<strong>de</strong>r huit jours. Je leur ai dit « C’est hors <strong>de</strong>question, je reste pas huit jours ». En plus, c’étaitun samedi. Samedi, dimanche. Il y avait début juin<strong>de</strong>rrière. J’ai dit « Moi je reste pas si vous me faitesrien, je rentre chez moi, je vais me reposer, ça faitrien ». Donc je suis resté <strong>de</strong>ux jours, en fait.- D’accord. Donc…- Ils m’ont obligé à prendre quinze jours <strong>de</strong> repos.- D’accord. Donc, vous vous êtes arrêté pendantquinze jours ; ça a été compliqué <strong>de</strong> vous arrêter,pour l’organisation ?- Ça a été hyper compliqué pour moi, dans ma tête,les trois premiers jours.- De lâcher le cabinet pendant quinze jours ?- De pas y aller. De pas y aller. Contraint et forcé,quoi. Mais ils ont bien fait. J’ai été crevé pendantsix mois <strong>de</strong>rrière. Mais les trois premiers jours, ça aété très très complexe dans ma tête. En fait, il n’y apas eu <strong>de</strong> souci parce que mon associé, le jour oùje ne suis pas venu le vendredi, immédiatement il atrouvé un remp<strong>la</strong>çant, un <strong>de</strong> nos anciens internes.- Il avait anticipé ?- Qui a fait les quinze jours. Enfin, qui pouvait pastout faire, mais en trouvant d’autres internes, on apu s’arranger. Donc, il n’y a pas eu <strong>de</strong> trou dans <strong>la</strong>permanence <strong><strong>de</strong>s</strong> soins pour mes patients.- Donc ça a dû vous rassurer.- Ça m’a rassuré. Il m’a rappelé, quand je suis rentréle dimanche, mon associé, « Tu t’inquiètes pas,c’est tout géré, il n’y a aucun souci ».- D’accord.- « Donc, tu t’occupes <strong>de</strong> toi et tu arrêtes <strong>de</strong>t’angoisser pour le cabinet ». Donc, du coup, voilà.Le mardi, j’ai commencé à oublier qu’il y avait <strong><strong>de</strong>s</strong>patients ! Ensuite, j’ai passé dix jours merveilleux,où j’ai lu.- Vous avez fait autre chose.- Je me suis assis.- Vous vous êtes reposé.- Un bon souvenir, en fait.- C’était <strong>la</strong> première fois ?- C’est <strong>la</strong> première fois que je m’arrête pour ma<strong>la</strong>die,oui.- Depuis que vous étiez installé ?- Depuis, oui, <strong>de</strong>puis tout le temps.- D’accord. Donc, on va reprendre un peu ce quevous m’avez raconté. Heu, si j’ai bien compris,


- 165 -<strong>de</strong>vant les premiers symptômes, le premierdiagnostic qui a été posé, il a été posé par vousmême?- Oui. Confirmé par mon épouse.- Voilà, en tout cas les hypothèses diagnostiques. Lepremier mé<strong>de</strong>cin que vous avez rencontré, c’est doncl’interne <strong><strong>de</strong>s</strong> urgences <strong>de</strong> V, et après son senior.Donc, vous n’avez pas été amené à vous prescrired’examen dans un premier temps, vous-même ?- Non, c’était <strong>de</strong> l’urgence.- C’était pris en charge <strong>de</strong> manière hospitalière, en fait.Et ce choix <strong>de</strong> ne pas appeler le 15 ? Vous pourriezl’expliquer ?- Oui, oui, parce qu’on en a parlé sur le coup, on a…- Avec votre épouse ?- On a évalué ensemble : « Qu’est-ce qu’on fait ? Estcequ’on appelle le 15 si c’est un infarctus ?». C’estce qu’on ferait pour un patient, d’ailleurs.- Oui.- En restant à côté <strong>de</strong> lui.- Oui.- En pratique, moi je lui ai dit « Ecoute, ç’est pas <strong>la</strong>peine, on va appeler le 15, le temps qu’ils arrivent…J’ai <strong>de</strong> plus en plus mal, ça va pas. Si je fais l’arrêtdans tes mains, c’est pas vraiment génial, autantqu’on aille directement en cardio, on va gagner dutemps ».- D’accord.- Et l’arrêt pendant le trajet, vous n’y avez pas pensé ?- Non.- D’accord. Vous aviez une présence médicale à voscôtés.- Pour être tout à fait précis, elle m’a répondu « Mais situ fais un arrêt pendant le trajet ? ». J’ai répondu« Ben à ce moment-là, il sera toujours temps, prendsun portable, il sera toujours temps, pendant que tume masseras, d’appeler le 15 ».- Donc, vous avez pris <strong>la</strong> décision ensemble. D’accord.Les confrères cardiologues que vous avezrencontrés, est-ce que c’est eux qui vous ont suivi,après, pour cette pathologie ? Est-ce que vous avezun suivi pour cette péricardite ?- Non.- Vous les avez revus à l’issue <strong>de</strong> l’hospitalisation ?- Non.- D’accord. Est-ce que vous avez vu un confrèrespécialiste en ville ?- Non.- D’accord. Donc pas <strong>de</strong> suivi cardio, suite à cettepéricardite.- Non.- Est-ce qu’il y a eu un traitement prescrit à <strong>la</strong> sortie <strong>de</strong>l’hôpital ?- Oui, j’ai pris un mois <strong>de</strong> colchicine.- Donc <strong><strong>de</strong>s</strong> anti-inf<strong>la</strong>mmatoires.- D’ailleurs, ça a été très bien, finalement, parce que çam’a traité aussi mes douleurs tendineuses…- Articu<strong>la</strong>ires ?- Les douleurs articu<strong>la</strong>ires. Donc, j’ai vécu <strong>de</strong>ux mois,sur le p<strong>la</strong>n physique, merveilleux, parce que j’avaisplus mal.- D’accord. Et donc ce traitement, il avait été prescritpar…- Par l’hôpital.- D’accord. Et il a été renouvelé par vous-même, oupas du tout ?- Ils m’avaient dit <strong>de</strong> prendre un mois <strong>de</strong> traitement, j’aipris un mois.- D’accord. Vous vous êtes arrêté.- Et en fait, <strong>de</strong>puis, j’ai gardé quand même <strong><strong>de</strong>s</strong> antiinf<strong>la</strong>mmatoiresnon stéroïdiens à portée <strong>de</strong> main,parce que j’ai refait un petit épiso<strong>de</strong>…- C’est ce que vous disiez, oui.- Septembre ou octobre, je ne sais plus.- Une douleur qui ressemb<strong>la</strong>it.- Une douleur qui ressemb<strong>la</strong>it. Un week-end. Maisbeaucoup moindre. Donc j’ai repris tout <strong>de</strong> suite<strong><strong>de</strong>s</strong> AINS ; ça a duré 24 heures.- D’accord. Et vous n’avez pas consulté à l’issue <strong>de</strong>ces douleurs ?- Pas encore.- D’accord. Bon, là, vous m’avez répondu.- En fait, je vous ai dit une bêtise, tout à l’heure :vous m’avez <strong>de</strong>mandé si j’avais un mé<strong>de</strong>cintraitant. En fait j’en pris un mé<strong>de</strong>cin traitant en juin,pendant ma péricardite.- D’accord, donc il y a pas longtemps.- Mais je l’avais oublié.- Il y a un an, il y a un an.- J’ai oublié, parce que c’est un copain. Je l’ai revu,lui, pour discuter <strong>de</strong> tout ça, je l’ai revu en octobre.- A l’issue <strong>de</strong> l’hospitalisation ?- Non, en octobre. C’est un angiologue, en fait.- Oui.- Qui a accepté d’être mon mé<strong>de</strong>cin traitant.- Donc en octobre, vous avez signé unedéc<strong>la</strong>ration ?- Avec lui.- D’accord. Et il vous avait refait une écho à cemoment-là ?- Non.- Du tout. Vous lui avez <strong>de</strong>mandé son avis, vousaviez rediscuté <strong>de</strong> <strong>la</strong> situation.- Voilà.- S’il fal<strong>la</strong>it déci<strong>de</strong>r quelque chose pour <strong>la</strong> prise encharge ?- Voilà, il m’a dit qu’il fal<strong>la</strong>it que je continue, que jeme fasse surveiller « correctement » en cabinet.J’ai dit « C’est quoi, correctement ? ». Et là, il a pastrop su quoi me dire.- Par rapport à <strong>la</strong> péricardite ?- Par rapport à <strong>la</strong> péricardite, par rapport àl’ensemble. Il m’a dit qu’il fal<strong>la</strong>it que je continuemes mesures d’hygiène diététique. Et puis, que sije faisais <strong>de</strong> nouveaux… Il m’a dit que <strong>la</strong>péricardite c’était récidivant, souvent, donc, voilà,que le risque était là.- D’accord.- Ça, je le savais.- Parce que vous disiez que vous aviez déjà eu <strong><strong>de</strong>s</strong>douleurs qui ressemb<strong>la</strong>ient, que vous aviez peutêtre<strong>la</strong>issées passer.- Oui. Voilà. Donc, si, si, j’ai un mé<strong>de</strong>cin traitant quej’avais oublié.- D’accord. C’est pas grave, je changerai mesdonnées dans les tableaux ! J’aimerais bien qu’onparle du vécu <strong>de</strong> <strong>la</strong> ma<strong>la</strong>die justement durant cesquinze jours, qui ont été un peu entre parenthèsesdans votre vie <strong>de</strong> mé<strong>de</strong>cin. Qu’est-ce que vousressentiez en tant que patient ? Le fait <strong>de</strong> passer<strong>de</strong> l’autre côté <strong>de</strong> <strong>la</strong> barrière, je veux dire <strong>de</strong> plusêtre mé<strong>de</strong>cin. Vous disiez que ces trois joursavaient été difficiles.- Oui, en fait, en phase initiale, j’étais… j’ai eudifférents moments. Au tout début, là, au moment<strong>de</strong> <strong>la</strong> douleur, je crois que j’ai rien ressenti d’autre,j’ai même pas eu d’angoisse en fait.- Oui.- J’avais mal.- Vous vouliez être sou<strong>la</strong>gé.- Je vou<strong>la</strong>is juste être sou<strong>la</strong>gé, ou mourir.- Oui, d’accord.- Mais, c’était épouvantable. Par rapport à <strong>la</strong>péritonite, c’est plus douloureux qu’une péritonite,enfin, en tout cas chez moi.- Oui.- Les 24 ou 48 premières heures, j’étais surtout audébut très très douloureux et ensuite très trèssou<strong>la</strong>gé parce que j’avais plus mal. Après j’ai eu<strong>de</strong>ux, trois jours où j’étais assez en colère, en fait.Vraiment très mécontent pour plein <strong>de</strong> choses,


- 166 -plein <strong>de</strong> raisons. D’abord, d’être cloué à <strong>la</strong> maison, <strong>de</strong>pas pouvoir déci<strong>de</strong>r moi-même <strong>de</strong> ce que je vou<strong>la</strong>isfaire.- De perdre votre liberté, votre autonomie ?- Oui, l’autonomie, pas tant que ça, mais surtout <strong>de</strong>pas pouvoir déci<strong>de</strong>r.- Oui. Qu’on déci<strong>de</strong> pour vous, ça c’était difficile ?- Oui, c’était vraiment très compliqué à gérer dans matête. Et puis après, en fait au bout <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux jours, c’esten discutant avec mon associé, avec ma femme,c’était fait, c’était fait, donc.- Parce que vous auriez voulu déci<strong>de</strong>r, changer quoi,dans les choix ?- Moi j’aurais voulu reprendre le troisième jour.- Reprendre votre activité. Voilà. Qu’on vous imposeun arrêt, c’était ça le plus dur ?- Ça, c’était vraiment difficile. Parce qu’en plus <strong><strong>de</strong>s</strong>quinze jours suivants, j’étais crevé, j’étais vraimenttrès fatigué ; c’est un mot que j’utilise peu dans monvocabu<strong>la</strong>ire à moi, perso, habituellement. Maisvraiment, je le reconnais, j’étais épuisé. J’étaiscontent <strong>de</strong> rester à <strong>la</strong> maison, d’être tout seul à <strong>la</strong>maison. Parce que j’ai <strong><strong>de</strong>s</strong> enfants : eux ils avaientleurs occupations. Ma femme travaille. D’être toutseul à <strong>la</strong> maison, toute <strong>la</strong> journée, je me suis pas dutout ennuyé et je me suis vraiment beaucoup reposé,ça m’a fait un bien fou.- Oui. C’était un moment pour vous.- Oui. En fait, j’ai découvert que c’était quand mêmebien.- Que c’était thérapeutique.- Complètement, complètement. Ça m’a permis… jesuis pas allé à <strong>la</strong> fac, je suis pas allé aux réunions,j’ai eu l’interdiction. Voilà. Ma femme a fait uneespèce <strong>de</strong> dragon au début en disant « Ça va êtrecomme ça ! ». Puis en fait elle m’a dit que ça n’avaitpas été si dur pour elle. Une fois que je l’ai eu admis,pour moi, ça n’a été que du bonheur.- Donc, il y avait eu besoin <strong>de</strong> ce regard objectif <strong><strong>de</strong>s</strong>mé<strong>de</strong>cins qui vous prenaient en charge, <strong>de</strong> dire« Stop, là vous vous arrêtez ! ». Même si c’étaitdifficile à entendre.- Le cardiologue du service m’a dit… d’abord, il nevou<strong>la</strong>it pas me <strong>la</strong>isser partir le samedi. Il a discutéavec ma femme, en fait, c’est ça que je trouvaismarrant, il a d’abord discuté avec ma femme, après ilest venu me voir.- Il a négocié. Il a discuté avec votre femme, d’accord.- Après, il m’a expliqué, il a su trouver les mots en fait.C’est lui qui m’a convaincu <strong>de</strong> rester tranquille en fait.- Vous pensiez que vous réagiriez différemmentmaintenant, un an après ?- Oui. Oui. Passée <strong>la</strong> phase aiguë, je pense que jem’arrêterais, peut-être même plus. Parce que c’estimportant, en fait. Parce que j’ai repris au bout <strong>de</strong>quinze jours, parce que voilà, ça <strong>de</strong>venait compliquéà organiser, parce que j’avais dit que je reprendrais.Donc j’ai repris mi-juin et heureusement que je suisparti en vacances mi-juillet, quoi ! Parce qu’un mois<strong>de</strong> boulot, après ça, c’était <strong>la</strong>rgement suffisant.- D’accord. Quelle a été <strong>la</strong> réaction <strong>de</strong> votre entourage,en tout cas, est-ce que ça a été une réaction à<strong>la</strong>quelle vous vous attendiez ? Que ce soit votrefamille, vos associés, vous m’en avez un peu parlé,vos collègues enseignants ?- Mes collègues enseignants…- Ils ont été au courant ?- Ils ont été au courant, en tout cas les plus proches,ceux avec qui je m’entends le mieux, rapi<strong>de</strong>ment,dans les 48 premières heures. Ils ont été superadorables, tous. Ils m’ont interdit <strong>de</strong> bouger.- Oui. Donc ils al<strong>la</strong>ient dans le sens <strong>de</strong> vos mé<strong>de</strong>cins.- Complètement dans le sens. Dans l’entourage, mafemme a été super inquiète, en fait. Au début, aprèsça s’est tassé. Elle est toujours inquiète, là, mêmeaujourd’hui.- Elle fait plus attention à vous ?- Je ne sais pas si on peut dire ça comme ça.- Du point <strong>de</strong> vue médical ?- Mais du point <strong>de</strong> vue médical, elle est plusattentive. Mes gamins, ils ont eu <strong>la</strong> peur <strong>de</strong> leurvie, parce que je suis parti dans <strong>la</strong> nuit, ils ont pasvu que je partais et le matin on leur a dit que j’étaisà l’hosto, donc ils ont cru que j’étais mort. Donc,voilà. Je me souviens pas d’avoir eu <strong>de</strong>… Si, mesassociés, ils sont venus me voir. Ils ont eu uncomportement, je dirais, d’être humain normal etpas <strong>de</strong> mé<strong>de</strong>cin, finalement.- Oui- Comme moi je pourrais me comporter avec <strong><strong>de</strong>s</strong>proches. Je le verrais plus comme ça.- D’accord.Ça m’a touché aussi, parce que …- Vous n’étiez plus mé<strong>de</strong>cin et eux aussi, ilsenlevaient leur habit <strong>de</strong> mé<strong>de</strong>cin.- Voilà, ils ont complètement enlevé l’habit <strong>de</strong>mé<strong>de</strong>cin.- Et ça, c’était important ?- Oui, ça a été important, je pense, même pour lerétablissement, <strong>de</strong>rrière.- Oui, pour <strong>la</strong> suite.- Pour <strong>la</strong> suite. Après voilà, on a tracé un trait, etpuis c’est fini.- Vous avez essayé <strong>de</strong> tourner <strong>la</strong> page et <strong>de</strong>reprendre votre habit <strong>de</strong> mé<strong>de</strong>cin vous-même. Dupoint <strong>de</strong> vue… Est-ce qu’il y a eu <strong><strong>de</strong>s</strong>conséquences sur votre pratique ? Est-ce quevous pensez que cet événement dans votre vie achangé votre pratique ?- Oui, j’ai fait un maximum <strong>de</strong> diagnostic <strong>de</strong>péricardite pendant six mois ! (rires)- Justement, concernant ce type <strong>de</strong> pathologie…- Et en plus, sur les cinq diagnostics que j’ai faits, il yen a quatre qui ont été confirmés. Bon, lecinquième, non.- Donc, ça n’était pas une inquiétu<strong>de</strong> à <strong>la</strong> légère.Donc, vous êtes plus attentif à ce type <strong><strong>de</strong>s</strong>ymptôme ?- Oui.- Qu’avant ?- Oui, enfin... A distance, là on est à un an, quandmême. Je ne pense pas être plus attentifaujourd’hui, mais par contre, quand les gensm’évoquent ce genre <strong>de</strong> symptôme, je vais plusaller sur ce genre <strong>de</strong> diagnostic, bien qu’on aittoujours l’infarctus à l’esprit. Donc on fait un ECG.- Oui.- Je pense que j’ai <strong>la</strong>issé passer <strong><strong>de</strong>s</strong> péricarditesavant, parce que l’ECG était normal.- D’accord.- Dans ce sens-là, ça a modifié.- Donc, vous avez affiné votre acuité <strong>de</strong> ce côté-là.- Voilà. Je pense que ça m’a modifié dans ce senslà.- D’accord. Et du point <strong>de</strong> vue plus général <strong>de</strong> votrepratique globale, est-ce que ça a changé quelquechose dans votre pratique ?- Pour moi, oui. Pour les patients, j’en sais rien, maispour moi oui, parce que je fais un peu plusattention, encore plus, on va dire, pour pas me<strong>la</strong>isser débor<strong>de</strong>r. A pas finir trop tard.- Vous avez modifié votre rythme <strong>de</strong> travail ?- En vrai, si on regar<strong>de</strong> les choses <strong>de</strong> manièreextérieure, on n’a pas l’impression.- Oui.- Mais en pratique, je suis plus détendu.- D’accord. Vous avez mis <strong><strong>de</strong>s</strong> gar<strong>de</strong>-fous ?- Oui, j’ai renforcé les gar<strong>de</strong>-fous que j’avais déjàmis.- D’accord.- Parce que je finis pas très tard habituellement.Mon <strong>de</strong>rnier ren<strong>de</strong>z-vous est à 18 heures, 18


- 167 -heures 30, ce qui n’est pas énorme pour ungénéraliste, paraît-il. Mais je suis encore plus strict là<strong><strong>de</strong>s</strong>susqu’avant. Je prenais beaucoup <strong>de</strong> vacances,j’en prends toujours et j’en prends, j’hésite pas àprendre un jour, quand il faut. Ça me traumatise plus.- D’accord. Vous avez levé une part d’angoisse ou <strong>de</strong>culpabilité par rapport à ça.- Complètement.- Est-ce que vous êtes plus sensible au vécu <strong>de</strong> vospatients qui ont pu vivre un épiso<strong>de</strong> difficile,justement, qui nécessitait une hospitalisation, où ilsont pu avoir une inquiétu<strong>de</strong> par rapport à...- C’est difficile <strong>de</strong> répondre là. Parce que, sans vouloirpasser pour quelqu’un d’immo<strong><strong>de</strong>s</strong>te ou <strong>de</strong> vaniteux, ilme semble que c’est une préoccupation que j’ai.- Oui. Que vous aviez avant.- Que j’avais avant, qui n’a pas été vraiment modifiéepar mon épiso<strong>de</strong> à moi, j’ai pas l’impression.- Est-ce que vous aviez été amené à l’annoncer à votrepatientèle ou est-ce que …- Oui, oui. Comme j’ai été absent brutalement, quemes patients n’ont pas l’habitu<strong>de</strong>. Enfin, ils sontprévenus quand je suis pas là, et qu’on n’a pas <strong>de</strong>culture du secret, mes associés ont dit que j’étaisma<strong>la</strong><strong>de</strong> et hospitalisé... Voilà.- Vos associés en avaient parlé. Ils vous en ontreparlé, après ?- Pendant quelques temps, ils sont venus me trouveren me disant qu’ils étaient très inquiets, qu’ils nevou<strong>la</strong>ient pas me perdre. Enfin, ils m’ont dit plein <strong>de</strong>choses gentilles, comme ça.- D’accord.- Comme disent parfois les patients. Il y en a qui m’ontdit « Mais on ne pensait pas qu’un docteur ça pouvaitêtre ma<strong>la</strong><strong>de</strong> ! ». Et puis voilà. Plein <strong>de</strong> choses,comme ça, gentilles, ou bien « Soignez-vous bien,reposez-vous, prenez <strong><strong>de</strong>s</strong> vacances ! ». Donc voilà.- Qu’est-ce que vous en pensez, vous, le fait qu’onpuisse dire « On ne pensait pas qu’un mé<strong>de</strong>cinpuisse être ma<strong>la</strong><strong>de</strong> » ?- Oh, ça, je le sais.- Vous y avez pensé, vous, qu’un mé<strong>de</strong>cin a le droit oupas le droit d’être ma<strong>la</strong><strong>de</strong> ? Vous aviez l’idée <strong>de</strong> ça ?- Pas dans ces termes-là, je veux dire… Il y a ce côtéun peu irrationnel, quand j’étais plus jeune, où enp<strong>la</strong>isantant, je disais à mes enfants « Moi je suisimmortel » …- « Parce que je suis mé<strong>de</strong>cin » ?- Peut-être ? Ça, je l’ai jamais dit comme ça. Maispeut-être que c’était ça, j’en sais rien. Mais peut-être.Et puis il y a le fait que, effectivement, on est toujourssouriant et bien portant <strong>de</strong>vant les gens et que lesgens s’imaginent pas qu’on puisse être ma<strong>la</strong><strong>de</strong>. Il y aaussi cette image qu’on donne et qu’on entretient,finalement par soi-même. Mais…- Vous pensez qu’on n’a pas le droit <strong>de</strong> leur montrerqu’on est… qu’on peut être faible ?- Je ne le pense pas consciemment, en tout cas.- D’accord.- Je le pense pas, mais probablement que c’est l’imageque j’ai donnée, puisqu’ils ont été étonnés. Et<strong>de</strong>rrière, ça me gêne pas, j’ai jamais été, eu <strong>de</strong>réticence à dire aux gens que j’étais ma<strong>la</strong><strong>de</strong>.- D’accord.- Je pense que l’image que les gens reçoivent, auquotidien…- Au quotidien, c’est pas ce que vous renvoyez.D’accord. Est-ce que <strong>de</strong>puis, vous avez pu <strong>de</strong>venirmoins tolérant face à certaines p<strong>la</strong>intes <strong>de</strong> vospatients. Tout à l’heure vous disiez « Pendant une<strong>de</strong>mi-journée, j’ai consulté en étant plus ma<strong>la</strong><strong>de</strong> queles patients qui venaient ». Est-ce que <strong>de</strong>puis, il y acertaines p<strong>la</strong>intes qui vous énervent, en disant « Ça,quand même, c’est pas grave ».- Non, ça m’énervait plus il y a dix, quinze ans. Non, je<strong>de</strong>viens plus tolérant.- Vous <strong>de</strong>venez plus tolérant ?- J’ai l’impression.- Est-ce que vous-même, vous prenez en charged’autres mé<strong>de</strong>cins ? Des spécialistes ou <strong><strong>de</strong>s</strong>généralistes ?- Non, <strong><strong>de</strong>s</strong> enfants <strong>de</strong> mé<strong>de</strong>cins, pas <strong><strong>de</strong>s</strong> mé<strong>de</strong>cins.- Des familles ? Les enfants surtout ?- Oui, parce que les gens savent que je faisbeaucoup <strong>de</strong> pédiatrie, ils m’amènent leur môme.- D’accord.- Je n’ai pas <strong>de</strong> mé<strong>de</strong>cin en charge.- En tant que mé<strong>de</strong>cin traitant, vous n’en prenez pasen charge. D’accord. Alors, une <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>de</strong>rnièresquestions, si vous <strong>de</strong>vez comparer <strong>la</strong> prise encharge <strong>de</strong> votre santé, d’une manière générale,vous <strong>de</strong>viez <strong>la</strong> comparer à celle <strong>de</strong> vos patients,qu’est-ce que vous diriez ?- Je dirais que si j’avais un mé<strong>de</strong>cin traitant, j’auraishonte. Si j’étais mon mé<strong>de</strong>cin traitant, j’auraishonte <strong>de</strong> ma prise en charge.- Donc, vous <strong>la</strong> jugez pas bonne ?- Non, elle n’est pas bonne. Non, je suis beaucoupplus sé<strong>de</strong>ntaire que je ne le <strong>de</strong>vrais, je <strong>de</strong>vraissouvent faire plus attention à ce que je mangequand même. Après, je suis pas, y compris pourmes patients, fanatique du bi<strong>la</strong>n ou <strong>de</strong> ces choseslàqui servent, à mon avis, pas à grand chose, <strong>de</strong>manière systématique et non réfléchie. Mais sij’avais à me soigner moi-même, je me feraisquelques remontrances.- D’accord. Vous seriez un petit peu plus dur avecvous-même.- Oui, parce que c’est facile <strong>de</strong> dire qu’on peut pasbouger, finalement, si on réfléchit bien, il suffit <strong>de</strong>prendre <strong>de</strong>ux heures.- On se trouve <strong>de</strong> fausses excuses ?- On n’arrête pas <strong>de</strong> dire aux gens « Prenez une<strong>de</strong>mi-heure par jour pour marcher ». Bon. Depuisquelques, c’est vrai <strong>de</strong>puis six, huit mois, quand jepeux aller à pied, monter les escaliers pour allerchez les gens, je le fais plus.- Vous faites cet effort.- Mais je pourrais le faire bien plus et plusfacilement. Je le fais pas parce que ça me saoule,quoi ! Donc je comprends quand les gens medisent qu’ils le font pas, aussi.- D’accord.- Mais je leur dis pas parce que je veux pas lesencourager.- Donc, si vous vous imaginez face à un patient quiserait vous-même, vous pensez que vous seriezplus dur ?- Je pense que je serais plus directif. Pas plus dur,parce que c’est pas vraiment être dur, je crois.- Plus directif, effectivement.- Je le mettrais plus en face <strong>de</strong> ses responsabilités,en lui <strong>de</strong>mandant <strong>de</strong> perdre du poids, en lui<strong>de</strong>mandant <strong>de</strong> prendre <strong>de</strong> l’exercice régulier, etpuis en lui <strong>de</strong>mandant <strong>de</strong> faire un peu attentionquand même. Encore que sur le p<strong>la</strong>n alimentaire,c’est pas le pire pour moi. J’ai une femme quis’occupe pas mal <strong>de</strong> moi.- Oui.- Mais je ferais… je lui <strong>de</strong>man<strong>de</strong>rais <strong>de</strong> maigrir.- Et vous seriez plus directif que ne l’est votremé<strong>de</strong>cin traitant, même si vous ne l’avez pas vutrès souvent ?- Oui. Pas directif, mais j’essaierais <strong>de</strong> mieux luiexpliquer pourquoi il faudrait que.- D’accord.- Et vous pensez que… C’est un ami, c’estquelqu’un que vous connaissez bien ?- Je le connais <strong>de</strong>puis longtemps. C’est pas un ami,parce qu’on n’a pas <strong><strong>de</strong>s</strong> re<strong>la</strong>tions d’amitié.- C’est un collègue ?


- 168 -- C’est un collègue que j’ai eu comme interne quandj’étais externe, comme assistant quand j’étais interne.On a gardé <strong><strong>de</strong>s</strong> liens, je lui envoie du mon<strong>de</strong>, il estangiologue.- D’accord.- On est très… on n’est pas familier, mais on est enlien, quand même.- Oui, vous lui faites confiance.- Je lui fais confiance.- Mais est-ce que vous pensez que votre situation <strong>de</strong>mé<strong>de</strong>cin vous-même, d’ancien maître <strong>de</strong> stage peutchanger aussi sa pratique vis-à-vis <strong>de</strong> vous, sa priseen charge ?- Oui, je pense qu’il y va plus avec <strong><strong>de</strong>s</strong> gants. Il va plussur <strong>la</strong> pointe <strong><strong>de</strong>s</strong> pieds.- D’accord.- Surtout, qu’en plus, comme j’ai été nommé maître <strong>de</strong>conf., maintenant, ça met <strong><strong>de</strong>s</strong> étiquettes, qui seviennent se rajouter par <strong><strong>de</strong>s</strong>sus, ce qui fait que çafausse <strong>la</strong> re<strong>la</strong>tion, quand même, un peu.- Ça <strong>la</strong> fausserait avec beaucoup <strong>de</strong> mon<strong>de</strong> ?- Je pense que ça <strong>la</strong> fausse pas mal avec pas mal <strong>de</strong>gens. Ils s’imaginent. C’est comme toutes lesétiquettes. Même les amis non mé<strong>de</strong>cins.- On a une étiquette d’homme public?- Professeur.- Oui, et puis l’enseignement en plus en rajoute une.- Voilà, mé<strong>de</strong>cin, déjà, je pensais pas, mais mêmechez les amis non mé<strong>de</strong>cins que je connais <strong>de</strong>puistrès longtemps, le fait d’être mé<strong>de</strong>cin, c’est quelquechose.- Oui.- Quand en plus, on rajoute le reste.- Bien sûr. D’accord. On arrive au terme <strong>de</strong> l’entretien.J’aimerais bien savoir pourquoi vous avez accepté <strong>de</strong>participer à mon étu<strong>de</strong>. Qu’est-ce qui vous aintéressé dans ce sujet ?- Ça m’a permis <strong>de</strong> me questionner à nouveau sur moimême.- Oui. Et vous avez trouvé ça intéressant ?- Je trouve ça toujours intéressant. Et <strong>de</strong> le faire par cebiais-là, ça permet <strong>de</strong> ne pas faire <strong>de</strong> l’égocentrismecomplètement. Je veux dire, c’est quelqu’un d’autrequi vient. On va réfléchir ensemble, par ce biais-là.- D’accord.- Par ce moyen-là.- Si, si, je comprends bien.- Voilà. Et puis, d’autre part, je pense que c’estimportant, qu’on accepte, nous mé<strong>de</strong>cins, <strong>de</strong>participer à <strong><strong>de</strong>s</strong> étu<strong><strong>de</strong>s</strong>, notamment les mé<strong>de</strong>cinsgénéralistes parce qu’il y a quand même peud’étu<strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>de</strong> bon niveau, et en plus, le sujet m’aintéressé. Voilà. On en parle régulièrement, avecmon associé : comment les mé<strong>de</strong>cins se soignent ?- C’est un sujet qui vous intéresse ?- Oui, complètement. Et les mé<strong>de</strong>cins ne se soignentpas très bien, en général, <strong>de</strong> notre point <strong>de</strong> vue.Soigner, au sens « prendre soin <strong>de</strong> ».- De se faire suivre. Oui, et je crois qu’il y a un <strong>de</strong> vosinternes, qui a fait un mémoire sur le sujet.- Qui a fait un mémoire mais qui ne l’a pas, enméthodologie, il l’a fait un petit peu … Bon, voilà, cen’était qu’un mémoire, quoi.- C’est un début. J’ai une question toute bête, maispour les besoins <strong>de</strong> l’étu<strong>de</strong>, j’aurais besoin <strong>de</strong>connaître votre âge.- 50 ans, dans un mois.- D’accord. Eh bien, je vous remercie beaucoup <strong>de</strong>m’avoir reçue et d’avoir accepté <strong>de</strong> participer àl’étu<strong>de</strong>.- J’espère que ça va bien. Vous avez dégagé <strong><strong>de</strong>s</strong>choses intéressantes dans l’analyse. Et çam’intéresse bien d’avoir les résultats.- D’accord, je vous les transmettrais. Merci beaucoup.Entretien avec le Docteur I,réalisé à son cabinet le 19 juin 2008- Comme je vous le disais, j’ai fini mon internat <strong>de</strong>mé<strong>de</strong>cine générale et je réalise une étu<strong>de</strong> sur lesuivi <strong><strong>de</strong>s</strong> généralistes quand ils sont <strong>de</strong>venus euxmêmesma<strong>la</strong><strong><strong>de</strong>s</strong>, et donc patients. Cette étu<strong><strong>de</strong>s</strong>’inscrit dans le travail <strong>de</strong> recherche pour <strong>la</strong>réalisation <strong>de</strong> ma thèse <strong>de</strong> docteur en mé<strong>de</strong>cine.- Oui.- Dans un premier temps, je vou<strong>la</strong>is vous remercierd’avoir accepté <strong>de</strong> me parler d’un sujet qui estaussi personnel que celui <strong>de</strong> votre santé.J’aimerais bien que vous me parliez <strong>de</strong> vous, dansun premier temps, que vous vous présentiez entant que mé<strong>de</strong>cin, que vous me racontiez un peuvotre parcours.- Je suis installée <strong>de</strong>puis 85, ça va faire 23 ans,d’abord dans un cabinet isolé, dans un petit vil<strong>la</strong>ge<strong>de</strong> 1500 habitants. J’ai travaillé, ça fait <strong>de</strong>ux ansqu’on est là, donc 21 ans toute seule.- Toute seule.- Mon mari était dans un autre vil<strong>la</strong>ge, donc on étaittout <strong>de</strong> même un peu associé, sans être sur lemême site. On avait <strong><strong>de</strong>s</strong> téléphones un petit peucommuns.- Généraliste également ?- Oui. Maintenant, il est mé<strong>de</strong>cin du travail.- D’accord.- Et puis j’ai eu un enfant avant <strong>de</strong> m’installer etaprès, j’ai eu trois grossesses pendant mon…enfin, voilà, <strong>de</strong>puis que je travaille. Donc, au total,sur 23 ans j’ai eu quatre fois <strong>de</strong>ux mois d’arrêt.Trois grossesses, trois césariennes et <strong>la</strong> fracture<strong>de</strong> <strong>la</strong> jambe.- Oui, dont on va parler un peu plus. D’accord. Estceque vous aviez exercé avant <strong>de</strong> vous installer ?- Non parce que je me suis installée à 26 ans. Il n’yavait plus <strong>de</strong> septième année. Moi je suis passéele système intermédiaire. Je me suis installée trèsvite.- D’accord, d’accord.- J’ai remp<strong>la</strong>cé un petit peu et je me suis installéetout <strong>de</strong> suite.- D’accord. Et vous faites exclusivement <strong>de</strong> <strong>la</strong>mé<strong>de</strong>cine générale ?- Non, je suis mé<strong>de</strong>cin légiste aussi.- D’accord.- Donc, je fais <strong><strong>de</strong>s</strong> autopsies quand il y en a besoin,les certificats médicaux quand on m’en <strong>de</strong>man<strong>de</strong>.Maintenant ils ont créé l’unité médico-judiciaire àX, donc j’ai une collègue qui est mé<strong>de</strong>cin légiste àX. Du coup, c’est elle qui fait presque tous lescertificats médicaux parce qu’avant il y en avaitpas, donc ils dép<strong>la</strong>çaient les enfants. Maintenant,c’est centralisé à l’hôpital.- Les autopsies, vous les réalisez à X ?- A X, oui.- Ça prend quelle proportion <strong>de</strong> votre temps ?- Disons qu’il y en a une par semaine.- D’accord.- Ça fait 50 par an. Et j’ai fait onze ans mé<strong>de</strong>cinpompier. Et quatorze ans au Conseil <strong>de</strong> l’Ordre.- Donc c’est assez varié comme activité. On vaparler <strong>de</strong> vous maintenant, plutôt en tant quepatiente. Est-ce que vous pourriez, brièvement, -vous me l’avez déjà un peu dit-, me redire quelsont été vos antécé<strong>de</strong>nts au cours <strong>de</strong> votre vie ?- Pas grand chose : appendicite, <strong>de</strong>nts <strong>de</strong> sagesse à36 ans et puis quatre grossesses mais troiscésariennes. C’est pas négligeable. Et puis unejambe. Stripping sur varices, mais juste après <strong>la</strong>


- 169 -césarienne. J’ai tout fait en même temps suite auxgrossesses.- D’accord.- Je suis quand même en bonne santé.- Et les grossesses s’étaient bien passées ?- Les grossesses, on s’arrête quatre jours avant, on fait<strong>la</strong> césarienne, et puis voilà. Maintenant c’est un petitpeu mieux. Oui je pense que j’ai vécu un truc un petitpeu… Ça m’al<strong>la</strong>it bien, je tenais le coup.- Ça vous permettait <strong>de</strong>…- On s’arrête trois jours, <strong>la</strong> césarienne quatre joursaprès, le boulot est repris entre six semaines et <strong>de</strong>uxmois après, oui.- Oui, c’est très court.- Que ce soit le premier ou le quatrième.- Les césariennes étaient programmées ?- Pas <strong>la</strong> première. Oui. Les <strong>de</strong>ux suivantes, les <strong>de</strong>ux<strong>de</strong>rnières ont été programmées. On a arrêté le truc.- D’accord.- Un gros bébé, un gros bébé. Ça passait pas, c’esttout.- D’accord, c’était un problème morphologique,d’accord.- Oui, oui. OK. Est-ce que vous suivez un traitementactuellement ?- Non.- Rien du tout. Est-ce qu’il y a un bi<strong>la</strong>n en cours ou unproblème <strong>de</strong> santé apparu récemment suite à nosmails ?- Non.- D’accord. Dites moi, j’ai quelques questions assezgénérales. Parfois les mé<strong>de</strong>cins ont un peu <strong>de</strong> mal ày répondre. Je voudrais savoir comment vous prenezen charge votre santé, d’une manière globale.- Je <strong>la</strong> prends pas en charge, c’est-à-dire que si je suisma<strong>la</strong><strong>de</strong>, je <strong>la</strong> prendrai en charge. Si, j’ai commencé<strong><strong>de</strong>s</strong> mammographies, je les fais moi-même, enfin, j’yvais moi-même, je me fais mon ordonnance et puisj’ai fait un frottis il y a trois ans. Voilà.- Vous avez un mé<strong>de</strong>cin traitant ?- Non, j’avais mis Douste-B<strong>la</strong>zy, à l’époque où tous lesmé<strong>de</strong>cins faisaient ça. J’ai mis Douste-B<strong>la</strong>zy, j’aijamais changé, donc je pense que je sais pas si c’esttoujours… Voilà.- En général, c’est vous qui faites vos propresordonnances ?- Oui.- Vous ne vous êtes jamais déc<strong>la</strong>rée en tant quemé<strong>de</strong>cin traitant vous-même ?- Je sais pas si on peut ?- Si, on peut.- Si, on peut ? Du coup, je sais même pas si j’en ai un.Il faudrait que je regar<strong>de</strong> maintenant. Il y a un sitepour aller voir. Je vais mettre ma carte vitale puis j’iraivoir. Le <strong>de</strong>rnier que j’ai mis, c’était Douste-B<strong>la</strong>zy, jesais pas où ça en est…- Vous n’aviez jamais songé à choisir unconfrère généraliste ou spécialiste en tant quemé<strong>de</strong>cin traitant ? C’est pas une question…- Je pourrais. Je pourrais mettre <strong><strong>de</strong>s</strong> collègues.- Mais vous n’en n’avez pas ressenti <strong>la</strong> nécessité parceque vous n’avez pas <strong>de</strong> problème <strong>de</strong> manièrechronique.- Oui, voilà.- D’accord. Quelle patiente vous pensez être ?- Je suis pas une obsédée <strong>de</strong> <strong>la</strong> santé.- Quand tout va bien, vous n’y pensez pas trop. C’estça ? Quand il y a un problème qui se présente, à cemoment-là…- Oui, je pense que je gèrerai.- Vous n’êtes pas quelqu’un d’angoissé par rapport àvotre santé ?- Non, pas du tout. J’ai quand même fait <strong><strong>de</strong>s</strong>mammographies, hein, donc, le cancer du sein, j’ysuis un peu sensible.- Oui, on est dans le domaine du dépistage.- J’essaye tous les <strong>de</strong>ux ans, mais j’en suis à troisans. Mais je les fais, je les fais.- Voilà.- Je ferai l’hémocult , quand j’arriverai à 50 ans jeferai l’hémocult c’est bien, ces trucs-là.- La prévention effectivement, d’accord. Maintenant,on va parler un peu plus précisément <strong>de</strong> <strong>la</strong>pathologie pour <strong>la</strong>quelle on se rencontre. Donc,chez vous, effectivement, c’était donc une fracturedu fémur.- C’était le grand trochanter, ça s’appelle col dufémur le grand trochanter, parce que c’est <strong>la</strong>partie… ça faisait fracture du col du fémur, maisc’était le grand trochanter, mais pas le col, mais çafait partie du col du fémur.- Vous pouvez me raconter un petit peu quel a étévotre parcours <strong>de</strong> ma<strong>la</strong><strong>de</strong>, dans ce cadre-là,comment ça s’est passé ?- Je suis allée faire du cheval en Camargue, avecmes gamins et je suis tombée <strong>de</strong> cheval.- Vous êtes tombée <strong>de</strong> cheval.- Oui, je savais pas faire <strong>de</strong> cheval, on est parti, untruc idiot, quoi.- Une chute en ba<strong>la</strong><strong>de</strong> ?- Oui.- Donc, vous tombez, vous avez très mal…- Le cheval arrive tout seul à l’écurie…- Comment ça se passe au niveau <strong>de</strong> <strong>la</strong> prise encharge ?- J’étais par terre, les pompiers sont venus, ils m’onttransférée à l’hôpital d’Y.- D’accord. C’était pas médicalisé, les pompiers, ilsétaient sans mé<strong>de</strong>cin ?- J’ai pas voulu, ils m’ont <strong>de</strong>mandé, ça va<strong>la</strong>it pas lecoup, hein ?- D’accord. Le premier confrère que vousrencontrez, c’est aux urgences, alors ?- L’interne qui était en grève. C’était <strong>la</strong> grève <strong><strong>de</strong>s</strong>internes.- L’interne <strong>de</strong> gar<strong>de</strong>, d’accord.- L’interne <strong>de</strong> gar<strong>de</strong>, voilà. Qui fait <strong><strong>de</strong>s</strong> radios. Donc,il y avait… Oui, il y avait aussi cinq apophysesépineuses, ça c’était pire que <strong>la</strong> jambe, puis voilà.- D’accord, donc <strong>la</strong> prise en charge a été décidée.Comment ça s’est passé ?- Après il y a eu le docteur … (rires)… Non, c’est pasrigolo… il y a le docteur X qui n’avait pas le droitd’opérer. Puis après il est arrivé le docteur Y, etpuis j’avais trop mal. Il y en a qui disaient « Maisfais-toi transférer sur Lyon. ». J’ai dit non. Donc, j’aiété opérée à Y, le soir même.- D’accord.- On m’a mis une p<strong>la</strong>que.- Une p<strong>la</strong>que, d’accord.- J’ai été rapatriée en ambu<strong>la</strong>nce, trois jours aprèssur X, quoi.- Pour être plus près <strong>de</strong> chez vous.- Oui voilà. C’est les gamins, encore ils étaientpetits.- Et au moment <strong>de</strong> <strong>la</strong> prise en charge, les trois joursque vous avez passés à l’hôpital, vous me disiezque vous aviez très mal. La douleur a été prise encharge rapi<strong>de</strong>ment ?- Oui, oui. Parce qu’il y avait un anesthésiste superqui m’avait mis une pompe à morphine. Non, non,très bien. Sauf que je savais pas m’en servir. Maisà part ça, c’était très bien. Très bien.- Dès <strong>la</strong> prise en charge, ils savaient que vous étiezmé<strong>de</strong>cin ?- Oui, oui, je l’ai dit. Oui, oui. Tout <strong>de</strong> suite quand ilest venu pour le bi<strong>la</strong>n pré-anesthésie, je lui ai ditque j’étais généraliste. Voilà.- Et vous avez ressenti <strong>de</strong> <strong>la</strong> gêne, <strong>de</strong> <strong>la</strong> part <strong>de</strong>…- Non.- L’interne <strong>de</strong> gar<strong>de</strong>, le chirurgien, l’anesthésiste ?- Non.


- 170 -- Pas du tout <strong>de</strong> prise en charge particulière du fait <strong>de</strong>votre statut <strong>de</strong> mé<strong>de</strong>cin ?- Non. J’ai pas eu l’impression. Je me suis retrouvéedans une chambre avec une petite mamie qui avait lecol du fémur, qui avait 95 ans. C’était sympathique.- D’accord. Donc vous avez rencontré l’orthopédistequi vous a opérée. Par <strong>la</strong> suite, il vous a peut-êtrepas suivie, du fait <strong>de</strong> l’éloignement.- Non, parce que j’ai été transférée sur X, et là, jeconnais l’orthopédiste <strong>de</strong> <strong>la</strong> clinique.- D’accord.- Donc, c’est vrai, là, je lui ai téléphoné, il m’a dit « Jete trouve un lit et tu peux être rapatriée ». Là, j’ai euun peu <strong>de</strong> piston parce que sinon, j’aurais été<strong>la</strong>mbda, j’aurais peut-être pas pu être transférée.C’était le week-end du premier mai, il y avait un pont,quoi. Donc je l’ai appelé, il m’a dit « Mais si ! ». J’aipu rentrer le premier mai.- Donc, c’est vous qui avez organisé un petit peu letransfert, qui avez pris le contact ?- Oui. J’avais une carte bancaire, j’avais uneassurance avec ma carte bancaire. Oui, ça avaitmême vexé un peu le chirurgien d’Y quand je lui ai dit« Il y a pas <strong>de</strong> problème, je suis transférée ». Il m’adit « C’est un jour férié ». Je lui ai dit « Il y a pas <strong>de</strong>problème ».- D’accord. C’est pas entre chirurgiens qu’ils avaientpris cet…- Mais c’était un pont.- Oui, ça arrive souvent dans <strong><strong>de</strong>s</strong> moments comme ça.Et donc, c’est le chirurgien <strong>de</strong> <strong>la</strong> clinique, après, quivous a suivie ?- Oui.- Il vous a revue avec les radios. Vous n’êtes plussuivie pour ce problème-là ? La p<strong>la</strong>que ?- Il m’a dit qu’il m’attendait pour <strong>la</strong> prothèse. A 90 ans !Il m’a dit « Il te faudra une prothèse, les gens qui secassent le col du fémur, comme ça, ils ont <strong><strong>de</strong>s</strong>prothèses ». J’attends.- C’est arrivé en quelle année ?- En 2000.- En 2000, d’accord. Vous me disiez que vous n’étiezplus suivie pour ça. Est-ce que <strong>la</strong> p<strong>la</strong>que a étéenlevée ?- Oui, oui, ça me faisait mal. Il ne vou<strong>la</strong>it pas mel’enlever. Comme c’était une pério<strong>de</strong> où je faisais unpeu <strong>de</strong> sport, quand je l’ai enlevée, ça a étémiraculeux.- D’accord, donc c’était bien lié à ça.- Dix-huit mois après.- Dix-huit mois après, d’accord. Donc, là il y a eu uneintervention sur X ?- Oui.- D’accord. Donc, là aussi, il y a eu un suivi postopératoirelié à ça, ou vous n’avez pas été amenée àle revoir ?- J’y suis peut-être retournée une fois. Voir si les trousétaient bouchés. C’était une p<strong>la</strong>que avec <strong><strong>de</strong>s</strong> vis.- Oui. Il n’y a pas eu <strong>de</strong> complication <strong>de</strong> cicatrisation ?- Non.- D’accord. Donc là, vous avez été obligée vous arrêterpendant <strong>de</strong>ux mois, vous me disiez ? Ça a étécompliqué <strong>de</strong> vous arrêter ?- C’était mai-juin, alors j’ai trouvé une remp<strong>la</strong>çante. Çaaurait pu être pire. Je suis tombée à une bonnepério<strong>de</strong> parce que c’était pas <strong>la</strong> pério<strong>de</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong>vacances.- C’était un peu avant.- Donc j’ai trouvé une remp<strong>la</strong>çante.- D’accord.- On avait déjà <strong><strong>de</strong>s</strong> internes, alors par les internes on atoujours un réseau <strong>de</strong> jeunes qui finissent, oui.- Donc ça s’est fait re<strong>la</strong>tivement facilement, en fait.- Ça s’est bien passé, oui.- Du point <strong>de</strong> vue pratique, d’accord. Du point <strong>de</strong>vue psychologique, qu’est-ce que vous avezressenti, en tant que patiente, quand vous vousêtes retrouvée…- Super ! J’ai trouvé ça super, tout d’un coup. On faitplus rien !- Vous étiez prise en charge.- Oui. J’ai eu une excuse pour pas travailler pendant<strong>de</strong>ux mois. C’était pas pratique, parce qu’au débutil y avait quand même le déambu<strong>la</strong>teur, il y avaitles béquilles, mais bon…- C’est plus un petit peu <strong>la</strong> perte d’autonomie etl’appareil<strong>la</strong>ge qui vous ont le plus gênée ?- Et <strong>la</strong> douleur. J’ai eu mal, hein.- C’est ça. Et en <strong>de</strong>hors <strong>de</strong> <strong>la</strong> pompe à morphine,après, on vous l’a enlevée, j’imagine.- Il y avait plus qu’à rester tranquille, ça al<strong>la</strong>it mieux.- Lors <strong>de</strong> votre hospitalisation, <strong>de</strong> vos différenteshospitalisations, est-ce qu’il y a certaines chosesqui vous ont particulièrement marquée ou surprise?- Ah ben, j’ai vu l’hôpital dans l’autre sens, hein.C’est impressionnant quand même. J’ai bien aimé.Je trouve que c’est très intéressant. A l’hôpital d’Y,c’était l’hôpital. Une petite mamie, à côté <strong>de</strong> moi,elle était épuisée, ils l’ont mis au fauteuil. Lesdames rentraient « Tout va bien mamie ? », alorsqu’elle était épuisée, ça se voyait. Et je suis arrivéeà <strong>la</strong> clinique à X, il y a une infirmière qui rentre etqui me dit « Ça vous ferait p<strong>la</strong>isir un petit massagedu dos ? ». Non, mais c’est le jour et <strong>la</strong> nuit ! J’aifailli écrire au directeur <strong>de</strong> l’hôpital. Parce qu’il étaitgentil, le personnel <strong>de</strong> l’hôpital, il était gentil, maisc’est là qu’on comprend qu’il y a une manièred’abor<strong>de</strong>r <strong>la</strong> personne âgée, ah, oui !- Ça, ça vous a marquée.- Ah, c’était dur quand même. Les vieux, qu’est-cequ’ils vivent… Moi j’étais jeune, je savais quej’al<strong>la</strong>is m’en remettre.- Entre le privé et le public…- Je sais pas. Entre <strong>de</strong>ux établissements.- Entre <strong>de</strong>ux établissements qui se trouvaient êtreun hôpital et une clinique, il y avait cette différence.- Oui.- Et le fait que vous soyez plus proche à <strong>la</strong> clinique,dans un milieu que vous connaissez mieux, avec<strong><strong>de</strong>s</strong> confrères que vous connaissiez, est-ce que il ya eu…- Non, parce que j’ai vu celui qui était chirurgien, ilest passé me voir. Mais je suis restée <strong>de</strong>ux jours,<strong>de</strong>ux, trois jours. C’était juste…- Oui, le geste avait été réalisé, il n’avait plus àintervenir.- Oui.- Et là, vous avez peut-être été amenée à rencontrer<strong><strong>de</strong>s</strong> gens que vous connaissiez, avec lesquelsvous travaillez d’habitu<strong>de</strong>, en réseau? Pasvraiment à cause <strong>de</strong> ce week-end, toujours ?- Oui, je le connaissais. Oui, c’est ça. Des infirmièresque je <strong>de</strong>vais connaître, ça m’a pas gênée, ça.C’est sympa.- Et vous me parlez <strong>de</strong> <strong>la</strong> grand-mère qui était à côté<strong>de</strong> vous, et vous, comment est-ce que vous vouscomportiez ? Quelle ma<strong>la</strong><strong>de</strong> vous étiez à cemoment-là ?- Elles auraient pu l’ai<strong>de</strong>r, ça m’aurait fait p<strong>la</strong>isir,quand même. Après on m’a changée <strong>de</strong> chambreparce que <strong>la</strong> grand-mère, je sais pas, on m’a misavec une dame qui était un peu psychiatrique, quivou<strong>la</strong>it causer toute <strong>la</strong> nuit. On a causé toute <strong>la</strong>nuit. Je <strong>de</strong>vais m’endormir, bon, on causait.- Et vous, par rapport au fait d’être en neutralité, <strong>de</strong>plus être dans les conditions <strong>de</strong> d’habitu<strong>de</strong>, <strong>de</strong> plusêtre mé<strong>de</strong>cin, …- Ça me gêne pas d’être ma<strong>la</strong><strong>de</strong>.- Ça ne vous gêne pas?


- 171 -- Non.- Ça vous gêne pas. Et le fait que ce soit unepathologie re<strong>la</strong>tivement bien cernée, simple, est-ceque vous pensez que ça vous a aidée à dire…?- Non parce que j’ai eu <strong><strong>de</strong>s</strong> césariennes, et avec lesdrains. C’est <strong><strong>de</strong>s</strong> pathologies, je trouve, plus lour<strong><strong>de</strong>s</strong>,oui.- Vos césariennes, vous avez eu plus <strong>de</strong> mal à vous enremettre ?- Moi je trouve qu’il faut aller vite, en dix jours, il fauttout remettre d’aplomb. En fait, vous êtes fatiguée,vous vous arrêtez trois ou quatre jours avant, il y ales drains. Moi j’ai trouvé que c’était plus lourd.(Courte interruption par le téléphone , le Dr I. répondbrièvement).- Est-ce qu’il y a eu une réaction <strong>de</strong> votre entourage,quand je dis entourage, c’est <strong>la</strong> famille, voscollègues, éventuellement votre patientèle, à <strong>la</strong>quellevous ne vous attendiez pas… suite à votre absence,et le fait que vous aussi vous vous êtes « casséquelque chose » ?...- J’ai perdu <strong><strong>de</strong>s</strong> clients. Il y en a qui ont dit « Elle estpartie <strong>de</strong>ux mois », enfin, bon. Après, j’ai eu <strong>la</strong>réaction <strong>de</strong> ma famille, ça j’ai trouvé ça sympa, lesenfants, comment ils ont réagi vis-à-vis du handicap.Bon, ça c’est comme toute mère, c’est pas unequestion <strong>de</strong> mé<strong>de</strong>cin ou pas.- Ça doit dépendre <strong><strong>de</strong>s</strong> enfants.- Oui, oui. Les quatre, ça m’a énormément surpris : iln’y en a pas un qui a réagi pareil et je les ai un peudécouverts, là, avec leur manière <strong>de</strong> réagir. Entre unequi avait honte parce que j’étais en déambu<strong>la</strong>teur, quine vou<strong>la</strong>it plus amener <strong>de</strong> copines, entre celui quifaisait semb<strong>la</strong>nt, qui faisait le fanfaron et qui disait« Tu vas bien » pour pas… et puis un qui étaittoujours « Tu as besoin <strong>de</strong> quelque chose ? ».C’est rigolo ça. J’ai trouvé ça très très intéressant.- Ça, vous ne vous y attendiez pas vraiment ?- Ben, je m’étais pas posé <strong>la</strong> question.- Et votre patientèle, comment ils ont réagi ? Est-cequ’ils vous en ont parlé ?- J’ai repris avec une béquille, j’ai repris avec unecanne. Les vieux « Ben alors, vous êtes pire que moi,maintenant, Docteur ! ». Si, si, j’ai eu <strong><strong>de</strong>s</strong> réactions.Quand j’al<strong>la</strong>is à <strong>la</strong> maison <strong>de</strong> retraite avec une canne,ils rigo<strong>la</strong>ient, les vieux ! Ils rigo<strong>la</strong>ient !- D’accord. Et ils étaient au courant, en fait.- Oui.- Du fait <strong>de</strong> votre remp<strong>la</strong>cement pendant <strong>de</strong>ux mois.D’accord. Est-ce que vous pensez que cetévénement a changé quelque chose dans votrepratique <strong>de</strong> manière générale ? Et est-ce que vousêtes plus attentive à <strong>la</strong> prévention <strong>de</strong> ce type <strong>de</strong>pathologie chez vos patients ?- Je pense que je suis peut-être plus sensible à <strong>la</strong>personne âgée. Mais je sais pas, c’est peut-êtresimplement parce que je vieillis aussi. Je sais pas sic’est mon acci<strong>de</strong>nt. La douleur, peut-être…- La douleur ? La prévention <strong><strong>de</strong>s</strong> chutes chez…- La manière d’entendre le mot. C’est plus à l’hôpital,<strong><strong>de</strong>s</strong> phrases qu’il faut pas prononcer. Des phrases àpas prononcer. Genre : « Ah ben ça a l’air d’allermieux aujourd’hui, vous avez moins mal ! » au lieu <strong>de</strong>dire « Est-ce que vous avez moins mal ? ».- Une question fermée.- Oui. Oui, je pense que les questions fermées, je lesai tellement découvertes avec le personnel… Oui, jepense que là-<strong><strong>de</strong>s</strong>sus…- Qui <strong>la</strong>isse aucune p<strong>la</strong>ce à <strong>la</strong> p<strong>la</strong>inte, en fait.- Eh bien voilà. Exactement. Si vous posez <strong>la</strong> questionen sens inverse, vous avez une réponse différente. Etc’est facile <strong>de</strong> <strong>la</strong> poser en sens inverse et <strong>la</strong> réponseamène pas à grand chose, amène une autre écoute.Ça, je trouve, <strong>la</strong> question fermée…- Donc, ça, vous y êtes restée beaucoup plussensible ?- Ça m’a peut-être un peu fait évoluer plus vite.- Est-ce que vous avez changé votre rythme <strong>de</strong>travail, votre façon <strong>de</strong> travailler, suite à ça ?- Non.- Une fois que vous avez repris, vous avez repriscomme avant. D’accord. Est-ce que vous prenezen charge, vous-même d’autres mé<strong>de</strong>cins en tantque mé<strong>de</strong>cin traitant, <strong><strong>de</strong>s</strong> spécialistes ou <strong><strong>de</strong>s</strong>généralistes ?- Je dirais pas non, mais pas globalement. J’ai <strong><strong>de</strong>s</strong>copines qui passent pour leur frottis.- De façon ponctuelle ?- Oui, oui, ponctuelle. Mais pas <strong>de</strong> suivi <strong>de</strong> mé<strong>de</strong>cin.- D’accord. J’ai suivi mon père. Maintenant il est enmaison <strong>de</strong> retraite, je le suis plus. Mais je le suivaisparce qu’il vou<strong>la</strong>it que je le suive. Moi, je vou<strong>la</strong>ispas le suivre, quoi. Ils ont un mé<strong>de</strong>cin traitant.- C’est difficile.- Parce qu’on n’est pas… Parce qu’ils sont loin. Maislui, il vou<strong>la</strong>it que ce soit moi. Mais bon, ça lui faisaitp<strong>la</strong>isir, mais c’était pas un bon truc.- Ça <strong>de</strong>vait pas être facile pour vous, peut-être ?- Oui.- Si vous <strong>de</strong>viez comparer <strong>la</strong> prise en charge <strong>de</strong>votre santé avec <strong>la</strong> prise en charge <strong>de</strong> <strong>la</strong> santé <strong>de</strong>vos patients, qu’est-ce que vous diriez ?- Je comparerais <strong>la</strong> prise en charge <strong>de</strong> ma santéavec <strong>la</strong> prise en charge <strong>de</strong> <strong>la</strong> santé <strong><strong>de</strong>s</strong>agricultrices.- D’accord. C’est-à-dire ?- Voilà, s’il y a un problème, elles viennent. Si onleur dit <strong>de</strong> faire ça, elles font. Si, oui.- D’accord.- Je me retrouve pas mal dans le milieu agricole.Pas du tout dans le milieu angoissé.- Face à un problème, il faut une solution ?- Oui. Et puis, il y a pas tant <strong>de</strong> problèmes que ça.- Bon. On va arriver au terme <strong>de</strong> l’entretien. Il y aune question qui m’intéresse aussi : j’aimerais biensavoir pourquoi vous avez accepté <strong>de</strong> répondre àmon étu<strong>de</strong>.- Ben parce que je réponds à tous les internes. Dèsqu’il faut ai<strong>de</strong>r. Alors là, j’ai vu, j’ai dit « La jambe,c’est rien », mais j’avais rien d’autre à proposer.Mais oui. Oui, j’essaie d’ai<strong>de</strong>r les…- D’accord. Donc, c’est dans le cadre <strong>de</strong> votre rôled’enseignant, en fait.- Oui, oui, tout à fait.- Vous ne m’avez pas dit <strong>de</strong>puis combien <strong>de</strong> tempsvous recevez <strong><strong>de</strong>s</strong> internes.- Dix ans. 98.- Dix ans. D’accord. Après, j’ai juste une petitequestion pour les besoins <strong>de</strong> l’étu<strong>de</strong>, j’auraisbesoin <strong>de</strong> savoir votre âge.- 49 ans, bientôt 50. Vous pouvez mettre 50.- 50 cette année, d’accord. Bon, je vous remerciebeaucoup.- Une question que vous n’avez pas posée, qui meparaît fondamentale.- Dites-moi.- Comment j’ai géré financièrement le pépin ?- Alors, c’est un peu ma question par rapport à votrearrêt ma<strong>la</strong>die, effectivement. Après, les gensl’abor<strong>de</strong>nt ou pas. Savoir comment ça s’est passé.- Parce qu’en libéral, c’est quand même ça leproblème. Pourquoi j’ai repris au bout <strong>de</strong> <strong>de</strong>uxmois ? Pourquoi j’ai repris au bout <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux mois ?Ben voilà, parce qu’il fal<strong>la</strong>it reprendre. Pourquoi lesgrossesses, on s’arrêtait que six semaines ou <strong>de</strong>uxmois maximum ?- C’est plus <strong>la</strong> pression financière que <strong>la</strong> pression<strong><strong>de</strong>s</strong> patients et <strong>de</strong> vos collègues, ou est-ce quec’est tout en même temps ?- Je dirais, une grossesse, si j’avais pu prendre plus,j’aurais pris plus.- Et du point <strong>de</strong> vue du cabinet ?


- 172 -- Il y a les patients, mais il n’y a pas que ça. Nous, on aune tontine. Il vous en reparlera le Dr Z, entre nous.Tous les mé<strong>de</strong>cins du tour <strong>de</strong> gar<strong>de</strong>, on était 14 àl’époque, c’était un tour <strong>de</strong> gar<strong>de</strong> normal, on verseune C par jour au collègue qui est ma<strong>la</strong><strong>de</strong>.- D’accord.- Pendant un mois. Donc quelqu’un ma<strong>la</strong><strong>de</strong> mettonssix mois dans l’année, on va lui payer un mois. Doncau niveau <strong><strong>de</strong>s</strong> assurances, ça ai<strong>de</strong>. Moi, <strong>la</strong> tontine, çam’a permis le premier mois <strong>de</strong> pas être en déficit,parce que le remp<strong>la</strong>çant, on lui donnait à l’époque 60,70 %. Donc il vous reste… Ça paye pas vos frais.- Les 30 % ne payent pas les frais.- Non ne payent pas vos frais. Donc, après, moi j’avaisune assurance privée, donc <strong>de</strong>ux mois, mais il auraitpas fallu que ça dure.- D’accord. Sur les <strong>de</strong>ux premiers mois.- Je crois que <strong>la</strong> santé <strong><strong>de</strong>s</strong> mé<strong>de</strong>cins est quand mêmegérée par ce problème.- Oui, tout à fait.- Les grossesses en particulier.- Donc ça, ça a changé récemment. C’est un problèmeénorme pour les femmes mé<strong>de</strong>cins, effectivement.- Oui.- Et vous avez pu al<strong>la</strong>iter vos enfants ?- J’ai essayé.- Parce qu’avec <strong>de</strong>ux mois d’arrêt…- Ah, ben <strong>de</strong> toute façon, je les aurais sevrés, si çaavait bien marché, je les aurais sevrés assez vite,et…- C’est pas facile.- Et vous reprenez avec vos gar<strong><strong>de</strong>s</strong>, quand même, il ya pas <strong>de</strong> ca<strong>de</strong>au.- En gran<strong>de</strong> majorité, vos collègues sont <strong><strong>de</strong>s</strong>hommes sur le tour <strong>de</strong> gar<strong>de</strong> ?- J’étais <strong>la</strong> seule femme.- Sur le tour <strong>de</strong> gar<strong>de</strong> ?- Ben maintenant il y a une qui vient d’arriver, unepetite jeune qui était interne-là, qui a repris. Sur 14,j’étais <strong>la</strong> seule femme. Pendant 20 ans, j’étais <strong>la</strong>seule. Il y en avait sur Z, qui est une petite ville, maissur le secteur ici, qui était un peu bien rural…- Et donc ça, pour les grossesses ?- Il y avait pas <strong>de</strong> tontine, là.- Oui. Et puis il y a pas le même soutien peut-être,que…- Non, les gar<strong><strong>de</strong>s</strong>, on m’a pas dit « Tu es enceinte, tufais pas <strong>de</strong> gar<strong>de</strong> ». Comme mon mari était mé<strong>de</strong>cin,ils avaient l’air <strong>de</strong> dire « Ben si elle fait pas sesgar<strong><strong>de</strong>s</strong>, son mari lui fera !».- « Il lui prendra ! ». D’accord. Donc, vous n’aviez pas,à partir <strong>de</strong> vos trois mois <strong>de</strong> grossesse, un petit peu<strong>de</strong> soutien.- Non, J’ai fait les gar<strong><strong>de</strong>s</strong>, eh ben voilà.- Oui, voilà, c’est ça. Même lors du premier trimestreoù on est souvent très fatiguée. On aimerait bien,éventuellement. Moi, ça me paraît plus important que<strong>la</strong> jambe.- Oui. Alors, le choix <strong>de</strong> <strong>la</strong> jambe, il est dû au tirage ausort <strong><strong>de</strong>s</strong> pathologies.- Non, je veux dire que <strong>la</strong> gestion, maintenant, c’estpeut-être un petit peu mieux, voilà. Le problèmefinancier est quand même présent. Là, j’aurais unpépin <strong>de</strong> santé, ici, ici où il y a <strong><strong>de</strong>s</strong> grosses charges,c’est pareil. Il faudrait que je reprenne vite, même simes collègues assurent, même, parce qu’il y a unetrès bonne ambiance, je pense qu’il faut tout <strong>de</strong>même pas traîner.- Et au niveau <strong>de</strong> vos assurances, est-ce que vousavez été amenée à changer votre couverture ou estceque…- J’ai hésité. Après le coup <strong>de</strong> <strong>la</strong> jambe, j’ai hésitéparce que du coup, je touchais quand même pasénormément, mais si je changeais, ça me faisaitcotiser <strong>de</strong>ux fois plus. Bon. Quand vous recevez <strong>la</strong>facture, vous dites « Allez, je croise les doigts,j’aurai plus rien ! ».- Donc, <strong>la</strong> pathologie en elle-même <strong>de</strong> cette fracture,ça a, peut-être que je me trompe… J’ai eul’impression que ça a pas vraiment changé votrepratique ou votre façon d’abor<strong>de</strong>r <strong>la</strong> ma<strong>la</strong>die, maisça vous a peut-être fait réfléchir, peut-être àdistance, au fait qu’il peut arriver un pépin à unmoment, et que par rapport justement, à <strong>la</strong>protection financière…- Je pense qu’en mé<strong>de</strong>cine, il faut, en libéral, il fautêtre en bonne santé. Il faut croiser les doigts pourêtre en bonne santé.- Parce qu’on n’est pas très bien protégé.- On n’est pas très bien protégé, oui, voilà. Lastructure coûte. Les frais continuent, comme tousles métiers, comme les artisans…- Voilà. C’est par rapport à <strong>la</strong> situation libérale, engénéral.- Je pense que l’avantage, c’est que ça nous faitguérir plus vite. Parce que vous vous posez pas <strong>la</strong>question « Combien <strong>de</strong> temps je peux tirer ? ».C’est le minimum. Donc, du coup, vous guérissezplus vite. Je pense que c’est au niveau <strong>de</strong> <strong>la</strong> tête,c’est mieux.- Il faut y arriver. Il faut se battre.- C’est pas plus mal que ça soit comme ça.- C’est vrai que c’est une énorme pression.- Enorme. C’est une pression qui est là. Oui.- Qu’on gère différemment selon les personnes, oui,d’accord. Bien, écoutez, je vous remerciebeaucoup <strong>de</strong> m’avoir reçue.Entretien avec le Docteur J,réalisé à son cabinet le 19 juin 2008- Comme je vous l’ai expliqué, je suis à <strong>la</strong> fin <strong>de</strong> moninternat <strong>de</strong> mé<strong>de</strong>cine générale et je réalise uneétu<strong>de</strong> sur le suivi <strong><strong>de</strong>s</strong> mé<strong>de</strong>cins généralistes quandils sont <strong>de</strong>venus eux-mêmes ma<strong>la</strong><strong><strong>de</strong>s</strong> et doncpatients. Cette étu<strong>de</strong> s’inscrit dans un travail <strong>de</strong>recherche pour <strong>la</strong> réalisation <strong>de</strong> ma thèse <strong>de</strong>docteur en mé<strong>de</strong>cine. Je vous remercie d’avoiraccepté <strong>de</strong> me recevoir pour me parler d’un sujetaussi personnel que celui <strong>de</strong> votre santé. Voilà.Donc, si vous avez <strong><strong>de</strong>s</strong> questions, dites-moi, sinonon poursuit…- Non, sauf que j’aimerais bien lire cette thèse.- Je vous tiendrai au courant <strong>de</strong> l’avancement dutravail. Dans un premier temps, j’aimerais qu’onparle <strong>de</strong> vous en tant que mé<strong>de</strong>cin, si vous pouviezme présenter brièvement votre exercice.- Mon exercice, c’est un exercice semi rural à J quiest une commune <strong>de</strong> 2 500 habitants, en cabinet<strong>de</strong> groupe. On est quatre mé<strong>de</strong>cins dans unemaison <strong>de</strong> santé pluri disciplinaire.- Oui. Qui existe <strong>de</strong>puis 2 ans ?- La maison <strong>de</strong> santé existe <strong>de</strong>puis <strong>de</strong>ux ans. Jesuis installé <strong>de</strong>puis 1989, seul pendant six ans, enassociation avec Dr V <strong>de</strong> 95 à 2006 et donc dans<strong>la</strong> maison <strong>de</strong> santé <strong>de</strong>puis 2006, mai 2006.- D’accord. Toujours sur J ?- Toujours sur J.- D’accord. Et avant votre instal<strong>la</strong>tion, est-ce quevous aviez eu un autre exercice ?- Non. J’ai remp<strong>la</strong>cé très peu, comme ça se faisait ily a 20 ans. On finissait les étu<strong><strong>de</strong>s</strong>, on n’avait pas<strong>de</strong> stage <strong>de</strong> mé<strong>de</strong>cine générale ni en externat nien internat et puis après, voilà, on remp<strong>la</strong>çait unpeu et on s’instal<strong>la</strong>it.- D’accord.


- 173 -- On plongeait dans le bain !- D’accord.- Moi, j’ai été installé à 29 ans, alors que <strong>la</strong> moyenned’instal<strong>la</strong>tion actuellement, en mé<strong>de</strong>cine générale,c’est 38.- Oui, <strong>la</strong> pério<strong>de</strong> <strong>de</strong> remp<strong>la</strong>cement…- S’allonge.- D’accord. Maintenant, on va parler <strong>de</strong> vous plutôt entant que patient.- Oui.- Est-ce que, déjà dans un premier temps, vouspourriez me redire rapi<strong>de</strong>ment quels ont été lesantécé<strong>de</strong>nts que vous avez rencontrés au cours <strong>de</strong>votre vie, puis on reviendra après <strong>de</strong> façon plusapprofondie sur <strong>la</strong> pathologie.- Antécé<strong>de</strong>nts ? J’ai dû avoir une appendicite à 10 ou11 ans, j’ai eu une méniscectomie à 20 ans, puisvoilà, je crois que c’est tout à peu près.- D’accord. Plutôt chirurgicaux.- Oui.- D’accord. Donc, le problème qui fait qu’on serencontre aujourd’hui, c’est arrivé en quelle année ?- En 96.- En 96, d’accord. Est-ce que vous avez un traitementactuellement ?- Non.- Non, d’accord. Est-ce que vous avez un bi<strong>la</strong>n encours ?- Non.- Ou un problème <strong>de</strong> santé qui est apparurécemment ?- Non.- C’est vrai que nos échanges par mail ont été récents.D’accord. Est-ce que vous pourriez me dire, d’unemanière générale, comment vous prenez en chargevotre santé ?- Je suis vacciné, et puis voilà.- Vous avez un mé<strong>de</strong>cin traitant ?- Oui, c’est le Docteur « Double Ecstasy », ci-<strong>de</strong>vantministre <strong>de</strong> <strong>la</strong> santé.- D’accord. Donc vous n’avez pas déc<strong>la</strong>ré d’autremé<strong>de</strong>cin traitant <strong>de</strong>puis ?- Non, pas j’ai pas déc<strong>la</strong>ré d’autre mé<strong>de</strong>cin traitant<strong>de</strong>puis. C’est Dr V mon mé<strong>de</strong>cin.- Votre associé ? D’accord. Qui vous fait <strong>la</strong> plupart <strong>de</strong>vos ordonnances si vous avez besoin ?- J’ai jamais d’ordonnance, jamais d’ordonnance, c’està-direque j’ai un petit peu d’automédication.- Oui.- Et je paye mes médicaments. Je ne me fais mêmepas rembourser. Et donc j’ai pas d’ordonnance, enprincipe.- D’accord.- Je reviens juste sur les antécé<strong>de</strong>nts : j’ai une allergiesaisonnière.- D’accord.- Qui a commencé à 16 ans et qui est en train <strong>de</strong>passer, <strong>de</strong>puis quelques années. Donc j’ai mêmequasiment plus <strong>de</strong> traitement.- D’accord. Vous ne prenez pas d’anti-histaminique ensystématique, d’accord. Et pour le mé<strong>de</strong>cin traitant,est-ce que vous aviez déjà songé à le déc<strong>la</strong>rer ?- Non. Il n’est pas désigné, non.- Ça ne pose pas <strong>de</strong> problème particulier qu’il soitdésigné ou pas ?- Ça ne pose pas <strong>de</strong> problème qu’il soit désigné oupas : je pense que le jour où j’aurai besoin d’unrecours médical, par contrainte administrative, jedésignerai a priori le Dr V dans les circonstancesactuelles.- Vous n’êtes plus suivi par un spécialiste ?- Non.- Non, d’accord.- J’ai été ma<strong>la</strong><strong>de</strong> en 96 et le suivi médical s’est arrêtéen 99.- D’accord. Donc il n’y a pas <strong>de</strong> logique à ce que cesoit un spécialiste qui soit votre mé<strong>de</strong>cin traitant.- Ça ne serait certainement pas un spécialiste monmé<strong>de</strong>cin traitant !- D’accord.- Ça n’existerait pas !- Toujours <strong>de</strong> manière assez générale, quel patientvous pensez être ?- Plus précisément ?- Alors, je vous donne <strong><strong>de</strong>s</strong> exemples pour vousai<strong>de</strong>r : il y a certains mé<strong>de</strong>cins qui vont me direqu’ils ont un peu tendance « à faire l’autruche », àpas aller faire forcément les dépistages, à pasvouloir penser à un problème tant qu’il ne se posepas <strong>de</strong> façon vraiment très aiguë. D’autres disentqu’ils sont plutôt angoissés par rapport à leursanté. Voilà. D’une manière assez générale,comment est-ce que vous vous voyez en tant quepatient ?- Je suis plutôt… j’étais déjà un peu…, mais jepense que le fait d’avoir été ma<strong>la</strong><strong>de</strong> a renforcécette idée. Je suis plutôt du style « Carpe diem ».Donc voilà. Donc, je mords <strong>la</strong> vie, et puis je necrois pas être une autruche. En particulier je pensejustement qu’au moment où j’ai été ma<strong>la</strong><strong>de</strong>, j’étaisassez réactif et j’ai bien fait <strong>de</strong> l’être. Mais, bon, jeprends les problèmes au fur et à mesure qu’ils seposent, on va dire.- D’accord.- C’est à dire que je ne m’en crée pas s’il n’y en apas. Je trouve que <strong>la</strong> vie est déjà un peucompliquée, donc, autant <strong>la</strong> vivre pleinement, etpuis après, le jour où il y a un problème, on va direque j’essaie d’être pragmatique, quoi.- Face à un problème, on trouve une solution sansse gâcher <strong>la</strong> vie.- Oui, en tout cas, on attend qu’il y ait le problèmepour se faire du souci pour le problème.- D’accord, je comprends. Bon, si vous êtesd’accord, on va parler maintenant plus précisément<strong>de</strong> <strong>la</strong> pathologie pour <strong>la</strong>quelle on se rencontre. Estceque vous pourriez me raconter votre parcours<strong>de</strong> ma<strong>la</strong><strong>de</strong> ? Qu’est-ce qui s’est passé ? Commentça s’est passé ?- Eh bien, qu’est-ce qui s’est passé ? Oui, ça, c’estprécis. Je dirais qu’en… Fin avril début mai 96, j’aieu une douleur dans le testicule gauche, ce quim’a…. On a droit aux anecdotes ?- Ah, ben oui, bien sûr ! C’est ça qui est intéressant !- Je me suis réveillé un matin en disant à ma femme« J’ai une douleur dans le testicule gauche, c’estsûrement un cancer ». Elle m’a dit « Arrête <strong>de</strong> dire<strong><strong>de</strong>s</strong> conneries, va faire le café ! ». Voilà. Donc,j’avais une douleur dans le testicule gauche, quim’a pas particulièrement alerté puisque dans lestuyaux on dit bien que le cancer du testicule estindolore. Donc j’ai plutôt pensé faire une infectionurinaire, une orchite ou un truc comme ça. J’avaispas particulièrement <strong>de</strong> brûlures en urinant. J’avaisfait une infection urinaire <strong>de</strong>ux ou trois ans avant.- D’accord.- Une infection urinaire fébrile. J’avais fait une échorénale qui était normale. J’avais fait… Voilà, jem’étais soigné, quoi, normalement. Là, j’avaisconsulté. Et puis, cette douleur n’ayant pas passé,j’ai pensé que ça pouvait quand même être uneorchite. J’ai fait une CBU, qui était négative. Maisbon, dans l’orchite elle peut être négative donc çam’a pas particulièrement choqué. J’ai quand mêmepris <strong>de</strong> l’ofloxacine en auto médication, pour lecoup.- Oui.- Puis comme l’ofloxacine ne changeait rien du tout,je suis allé passer une écho testicu<strong>la</strong>ire. Et l’échotesticu<strong>la</strong>ire a été rassurante. Il m’a dit « Il n’y a pas


- 174 -d’aspect <strong>de</strong> pelure d’oignon ». Enfin, ça, il n’y avaitrien.- Tout ça, ça s’est passé en combien <strong>de</strong> temps ?- Ça s’est passé en une semaine, quelque chosecomme ça.- D’accord. Je suis désolée, je vous coupe. Le CBU etl’écho, c’est vous qui aviez fait <strong>la</strong> prescription ?- Non. Oui. L’écho, j’ai appelé le cabinet <strong>de</strong> radiologie,j’ai dit « Est-ce que vous pourriez me faire une écho ?J’ai une douleur. » Et les CBU, je pense que j’ai dûme <strong>la</strong> prescrire moi, je pense. Je ne pourrais pasretrouver parce qu’on n’était pas informatisé àl’époque. Mais j’imagine que oui. Donc voilà, il m’a dit« Non, ça a un aspect plutôt infectieux ». Alors j’airepris <strong>de</strong> l’ofloxacine. Ça a rien changé. Donc j’aitéléphoné chez le Pr W, à V, enfin à l’époque, àl’hôpital W. Donc le Pr W m’a gentiment reçu et il m’adit, sans me dire, il m’a dit « Il faut que je vous enlèvevotre testicule parce que… ». C’était un… Alorsj’avais pas eu <strong>de</strong> cryptorchidie mais c’était un petittesticule, pas développé, quoi. Et il m’a dit…- Qu’il jugeait plutôt à risque ?- Qu’il jugeait plutôt à risque. Alors il m’a dit « Je vaisvous l’enlever ». Au départ il m’a même dit « Je vaisvous l’enlever par voie scrotale ». Alors je pense pasqu’il était inquiet, puisque que quand on pense que letesticule est à risque, on l’enlève par voie abdominaleen ligaturant le cordon, etc. Donc on a pris ren<strong>de</strong>zvous.Là, pour le coup, encore une fois, il ne <strong>de</strong>vaitpas être particulièrement inquiet, dans <strong>la</strong> mesure où ilm’a… J’ai dû le voir tout début juin. Il m’a opéré le 28juin. Donc il ne s’est pas précipité <strong><strong>de</strong>s</strong>sus. Quand onsait que le cancer du testicule évolue vite. Donc il m’aopéré le 28 juin.- Parce que là, excusez-moi, il avait entre les mainsvotre échographie et son examen clinique ?- Il avait mon échographie, il a refait une échographiesur p<strong>la</strong>ce, puis une palpation. Avec un testicule unpetit peu boursouflé, qu’il a… Qui <strong>de</strong>vait l’embêter,j’imagine, mais plus par son aspect <strong>de</strong> petit testiculeà risque, comme vous le disiez, que sur <strong><strong>de</strong>s</strong>arguments cliniques, je pense. Ou alors il a biencaché sa joie… Mais je l’ai senti comme ça.- D’accord.- Donc il m’a opéré, par voie abdominale. Je penseque sur <strong>la</strong> table, il a repris ses réflexes <strong>de</strong> toubib, quiavait pas particulièrement envie <strong>de</strong> me faire p<strong>la</strong>isir,on va dire. Sur le moment, il a pas dû être a<strong>la</strong>rmant nia<strong>la</strong>rmiste, ni rien du tout. Et puis une fois que j’étaisendormi, il s’est dit « Non je ne veux pas courir <strong>de</strong>risque ». Donc il m’a enlevé par voie abdominale.Donc, là, j’ai commencé à tiquer. Je me suis dit « S’ilme l’a enlevé par voie abdominale, c’est qu’il y a unsouci ».- Au réveil ?- Au réveil.- Quand vous vous en êtes rendu compte, parce quevous n’en aviez pas du tout discuté.- Non, parce qu’il m’avait dit qu’il me l’enlèverait parvoie scrotale.- En salle d’anesthésie, il n’est pas venu vous voir endisant « J’ai changé d’avis » ?- Non. Je pense qu’il a vraiment changé d’avis surpièce.- D’accord.- Voilà. Donc, ça c’était un vendredi. J’ai eu monanesthésie, ma petite <strong>la</strong>paro, et puis je suis allébosser le lundi. Donc, ça, c’était <strong>la</strong> première connerie,à mon avis. C’était <strong>la</strong> première connerie.- Donc vous êtes sorti <strong>de</strong> W le vendredi ou lesamedi ?…- Je suis sorti le samedi matin <strong>de</strong> W, je suis allé bosserle lundi. Donc j’étais pas frais. Il y avait un contexteun petit peu particulier quand même. Donc là j’avaisfranchement commencé à tiquer du fait qu’il l’avaitenlevé par voie abdominale. Comme je l’ai déjà dit, ily avait un contexte un petit peu particulier. C’estque, donc là on est toute fin juin, j’ai été opéré le28. La meilleure amie <strong>de</strong> ma femme, qui étaitang<strong>la</strong>ise, avait un cancer du sein métastasé, etc.On l’avait vue début mai. Début juin, elle nous aannoncé qu’elle avait <strong><strong>de</strong>s</strong> métastases hépatiques.Elle avait 44 ans. Elle nous a dit qu’elle arrêtait touttraitement, et que donc, voilà… La fin était proche.C’était un moment difficile qui s’est un peutélescopé avec mon histoire.- C’était son choix à elle, d’arrêter les traitements ?- C’était son choix à elle, d’autant que, en <strong>de</strong>uxmots, elle avait fait une ma<strong>la</strong>die <strong>de</strong> Hodgkin dixans auparavant, elle avait eu un premier protocolequi n’avait pas marché. Elle avait eu un <strong>de</strong>uxièmeprotocole. Ensuite elle avait fait un cancer du col,ensuite elle a fait un cancer du sein, <strong>de</strong>ux ansavant. Puis, donc, elle a métastasé son cancer dusein à ce moment-là.- Donc un parcours carcinologique très très lourd.- Très très lourd. Elle a dit « J’arrête, ça suffit, j’en aimarre ». Donc on savait qu’elle était vraiment entoute fin <strong>de</strong> parcours à ce moment-là. Et on avaitprévu <strong>de</strong> monter <strong>la</strong> voir <strong>la</strong> semaine d’après, leweek-end d’après…- En Angleterre ?- En Angleterre. Donc on avait prévu <strong>de</strong> monter,genre le 6, le 6 juillet, quelque chose comme ça, etelle est morte le 2. Donc pour moi, ça avait uneimportance <strong>de</strong> recommencer à bosser le 30 ou le1 er dans <strong>la</strong> mesure où j’avais <strong>la</strong> nécessité absolued’être sur pied pour monter en Angleterre pour aller<strong>la</strong> voir. Donc, je pense, il n’y aurait pas eu cettehistoire, j’aurais peut-être arrêté le boulot quelquesjours.- Alors, excusez-moi, je vous coupe un tout petitpeu. Vous me dites « D’être sur pied ». Vousvoulez dire que si vous repreniez le travail, dansvotre tête, ou dans votre corps, vous étiez plusprêt, physiquement, rapi<strong>de</strong>ment, c’est ça ?- Oui, c’est ça, j’imagine.- Si vous retravailliez, vous étiez en forme ?- C’est ça. Oui, si on va au boulot, c’est que ça vabien. Voilà.- D’accord. Il y avait cette sensation. D’accord.- Ensuite, le jeudi 4, j’étais en consultation. Pas dansce bureau, il n’existait pas encore. J’étais enconsultation, à l’époque, le jeudi matin, je faisais<strong><strong>de</strong>s</strong> consultations libres, et pendant <strong>la</strong> consultation,j’ai eu un coup <strong>de</strong> fil « Bonjour, je suis le DocteurX, je suis l’assistant du Professeur W. Je vousappelle pour vous dire que, donc, l’interventionqu’on vous a fait <strong>la</strong> semaine <strong>de</strong>rnière, c’était bienun cancer ». Le mot n’avait jamais été prononcé.Voilà. Donc ça, ça n’a pas été un moment trèsagréable.- Vous aviez une patiente ou un patient avec vous ?- J’avais un patient, je pense qu’il s’est renducompte <strong>de</strong> rien. J’ai essayé d’être professionnel.C’est pas facile d’être professionnel quand ça nousconcerne. Voilà, ça, je pense, c’est un <strong><strong>de</strong>s</strong>moments les plus difficiles <strong>de</strong> l’histoire.- L’annonce du diagnostic au téléphone.- L’annonce du diagnostic au téléphone, sansprécaution.- Très brutale.- J’ai vraiment vécu ça comme très brutal, trèsintrusif parce qu’il ne s’est même pas enquis <strong><strong>de</strong>s</strong>avoir s’il me dérangeait ou pas, ou si j’étaisdisponible. Il aurait pu dire « Voilà »…- « Est-ce que c’est le moment ? Est-ce que je peuxvous parler ? ».- Il aurait pu dire « Est-ce que je peux vousparler ? » ou quelque chose comme ça. Ça n’a pasété du tout le cas. Et apparemment, ça l’a pasparticulièrement gêné, puisque quelques temps


- 175 -après, pendant que j’étais hospitalisé, bien ficelé surmon lit pour les chimios, il est venu, un jour où leProfesseur W faisait le tour, quand ils sont trenteblouses autour, il est venu, très fièrement merappeler que c’était lui qui m’avait téléphoné 15 joursplus tôt. Donc, je pense que…- Et vous ne lui avez rien dit à ce moment-là ?- J’étais pas dans une situation <strong>de</strong> colloque singulier,d’une part, et puis, j’étais pas en position <strong>de</strong> faire lemalin, parce que j’avais franchement <strong>la</strong> gerbe etque…- D’accord. C’était pas le moment.- C’était pas le moment, voilà.- Et est-ce que plus tard, vous avez pu discuter aveclui ?- Non, j’ai pas eu envie.- Ou en parler avec le professeur W, après ?- Après, j’ai pas eu envie.- D’accord.- Voilà, donc après, à partir du moment où l’ana-path adit que c’était un cancer, donc, on est quand mêmemonté en Angleterre, puisque que notre amie étaitdécédée.- Il y avait les obsèques ?- On est monté pour les obsèques. Puis après, ça s’estvite enchaîné puisqu’on est rentré, <strong>la</strong> semained’après j’ai fait un scanner thoraco-abdominal. Il yavait donc un envahissement ganglionnaire. Il n’yavait pas <strong>de</strong> méta hépatiques, il n’y avait pas <strong>de</strong> métapulmonaires, il n’y avait pas <strong>de</strong> méta cérébrales.Ensuite, j’ai rencontré le Dr Y, qui est à X quis’occupe plus particulièrement d’urologie, <strong><strong>de</strong>s</strong>prostates, etc., qui travail<strong>la</strong>it conjointement chez le PrW et qui m’a pris en charge sur le p<strong>la</strong>ncarcinologique, après. Il a été, pour le coup, sur lep<strong>la</strong>n <strong>de</strong> <strong>la</strong> communication, et le Pr W lui-même, et leDr Y, ils ont été nickel-chrome. Très à l’écoute et trèsà l’écoute <strong>de</strong> mon épouse, en particulier.- D’accord. Donc, <strong>la</strong> chimiothérapie s’est déroulée à X?- Non, ça s’est déroulé à W. Tout s’est fait à W. Doncj’ai eu, alors, en fonction <strong><strong>de</strong>s</strong> taux d’ACE, d’alphafoetoprotéine,etc., ils avaient prévu <strong>de</strong>ux ou troiscures, <strong><strong>de</strong>s</strong> cures d’une semaine, je crois. J’ai occultéles protocoles, protocole MEP, je crois. C’était <strong><strong>de</strong>s</strong>protocole sur cinq jours, avec un jour <strong>de</strong> rinçage<strong>de</strong>rrière. Ils m’ont pas mis <strong>de</strong> port-a-cath parce qu’ilspensaient qu’ils en feraient que <strong>de</strong>ux, puis ils en ontfait trois finalement, puisque que les taux n’étaientpas… La courbe <strong><strong>de</strong>s</strong> taux n’était pas suffisammentdynamique à <strong>la</strong> baisse. Et donc ça, ça s’est passé mijuillet,début août, fin août avec trois semainesd’écart. Et puis, le 15 septembre, je suis repassé aubloc pour faire un curage ganglionnaire lomboaortique.- D’accord.- Puis ensuite, ils m’ont dit, le Dr Y, il m’a dit, « Soit çaredémarre dans les un an et <strong>de</strong>mi, soit ça redémarrepas ». Le Pr W m’a dit « Il y a 5% <strong>de</strong> risques sur le<strong>de</strong>uxième testicule », même si c’était pas un petittesticule, et puis j’ai eu mes scanners thoracoabdominaux tous les trois mois puis tous les six moisavec les alpha-foeto, etc. Donc là, on est en 96. Enavril 98, sur le scanner thoracique, ils ont trouvé unepetite pêche vraiment juste à <strong>la</strong> frontière <strong>de</strong> <strong>la</strong>… Elleétait basi thoracique gauche, juste à <strong>la</strong> frontière <strong>de</strong> <strong>la</strong>plèvre, quoi. Le Dr Y m’a dit « Ça, il faut qu’on tel’enlève parce que je veux le voir sous microscope ».Là, ça a été un autre moment un peu difficile.- Bien sûr.- D’abord parce que <strong>de</strong>ux ans après, <strong>la</strong> vie a repris soncours normal et qu’on se dit « L’histoire estterminée ». Et en fait, il y a pas besoin <strong>de</strong> gratterbeaucoup pour <strong>la</strong> faire ressurgir. Là on s’est un peugentiment affronté avec le Dr Y. Je lui ai dit « Maisattend, tu m’as dit que ça redémarrait dans les 18mois ou que ça redémarrait pas ; on est à 22 mois,donc… ». Il m’a dit « Oui, mais je veux quandmême le voir sous le microscope ». Donc je suisallé me faire enlever un petit bout <strong>de</strong> mou. Et, lepetit bout <strong>de</strong> mou, il s’est avéré que c’était un kystemésothélial pleural.- Ouf !- Oui, oui, tout à fait. Ouf ! En fait, il était plus petitque le pas du scanner.- D’accord.- Et donc, sur les scanners précé<strong>de</strong>nts, ben chaquefois ça passait ou <strong><strong>de</strong>s</strong>sus ou <strong><strong>de</strong>s</strong>sous, et là, c’estpassé <strong>de</strong>dans.- Donc, en fait, il existait auparavant.- Il existait auparavant. Alors, le Dr Z qui estradiologue à Y a repris tous les scanners, eteffectivement, il y avait un <strong><strong>de</strong>s</strong> scanners oùvraisemb<strong>la</strong>blement ils <strong>de</strong>vaient le couper juste là,parce qu’au même endroit on retrouvait un truc.Mais bon, c’était… Ça, ça a été le <strong>de</strong>rnier grosépiso<strong>de</strong>, je dirai…- Vous aviez été opéré à quel endroit ?- J’ai été opéré à V.- A V.- Chez un mec dont j’ai oublié le nom. Je peuxretrouver, mais dans le service <strong>de</strong> chirurgiethoracique à V. Et puis voilà. Donc après il y aencore eu un an <strong>de</strong> suivi <strong>de</strong> scanners et <strong>de</strong>marqueurs tumoraux. Et puis en juin ou juillet 99,j’ai revu le Pr W qui m’a dit « Je veux plus vousvoir ! ». Bon.- D’accord. Et est-ce qu’il vous a conseillé sur lep<strong>la</strong>n <strong>de</strong> <strong>la</strong> surveil<strong>la</strong>nce ? Parce que les 5% <strong>de</strong>risques dont il par<strong>la</strong>it, est-ce qu’il avait mis unedate, un dé<strong>la</strong>i ?- Non, il n’a pas mis <strong>de</strong> dé<strong>la</strong>i, mais je pense qu’i<strong>la</strong>vait à faire à un toubib et puis que… Il a dû mefaire confiance pour le suivi.- Pour le suivi. Donc, il vous a un peu confié ça.- Sans le dire.- Sans le dire, je comprends. Et donc, à partMonsieur W, le mé<strong>de</strong>cin à X, est-ce qu’il y ad’autres personnes qui vous ont suivi ?- Il y avait l’anesthésiste.- Qui vous a revu ?- Après ?- Oui, après l’intervention.- Eh bien, il y avait donc… le Dr Y n’étant pas tout letemps dans le service, il y avait l’anesthésiste duservice qui en général se chargeait <strong><strong>de</strong>s</strong> protocoles<strong>de</strong> chimiothérapie.- D’accord.- Qui s’occupait, en alternance avec le Dr Y, quis’occupait <strong>de</strong> ça.- D’accord. Ah oui, parce que le Dr Y était surtout àX.- Le Dr Y, il venait sur W une fois par semaine.- Pour les traitements <strong>de</strong> chimio. D’accord.- Je ne l’ai vu qu’à W, le Dr Y, je ne l’ai jamais vu àX.- D’accord. C’est pour ça que j’essayais <strong>de</strong> rattachertout ça. Donc, j’imagine qu’avec tout ça, vous avezété obligé <strong>de</strong> vous arrêter <strong>de</strong> travailler.- Oui.- Comment ça s’est passé les alternances entrevotre activité et les hospitalisations ?- J’ai arrêté qu’une fois. C’est à dire que j’ai arrêtédu moment où j’ai commencé <strong>la</strong> chimio mi-juillet,jusqu’à fin….- Après le curage ?- Jusqu’à fin octobre. J’ai repris fin octobre. J’aiarrêté trois mois et <strong>de</strong>mi.- D’accord. Trois mois et <strong>de</strong>mi, d’accord.- J’ai pas repris entre les chimios, j’étais trop fatigué.- Oui, bien sûr.- C’est <strong><strong>de</strong>s</strong> chimios qui sont re<strong>la</strong>tivement lour<strong><strong>de</strong>s</strong>.- Emétisantes…


- 176 -- J’avais pas le temps <strong>de</strong> récupérer, j’avais pas letemps <strong>de</strong> récupérer.- Et comment ça s’est passé au niveau <strong>de</strong>l’organisation <strong>de</strong> votre remp<strong>la</strong>cement, ça a étéfacile ?- Non, ça n’a pas été facile. Par chance j’étais associé<strong>de</strong>puis une petite année, parce que je m’étais associéavec le Dr V en septembre 95. Je jure que j’avais pasprévu le truc… qui a été super nickel. D’autant plusque ça a été un facteur majeur <strong>de</strong> cohésion dugroupe, je pense, dans les coups durs. Le Dr V avaitprévu <strong>de</strong> prendre <strong><strong>de</strong>s</strong> vacances, alors on n’a pastrouvé <strong>de</strong> remp<strong>la</strong>çant, pour commencer.- Oui.- Dans l’immédiat, puisqu’on a trouvé <strong><strong>de</strong>s</strong> remp<strong>la</strong>çantsqu’à partir <strong>de</strong> début septembre.- Oui.- Donc lui, il avait prévu <strong>de</strong> partir en vacances, c’était <strong>la</strong>première fois qu’il partait l’été trois semaines avectoute sa famille. Il avait six enfants à l’époque. Il en aeu <strong>de</strong>ux autres <strong>de</strong>puis. Et donc, il n’est pas parti envacances. Il a mis les <strong>de</strong>ux plus grands dans le train,pour que sa femme puisse partir avec les quatre pluspetits et puis il n’est pas parti en vacances. Il aassuré tous les jours jusqu’à ce qu’on ait quelqu’un.Et début septembre, donc, on a trouvé quelqu’un quim’a remp<strong>la</strong>cé <strong>de</strong>ux mois.- D’accord.- Voilà.- Du point <strong>de</strong> vue financier, ça a été compliqué ?- Ça a été lourd, mais pas très compliqué.- Vous aviez <strong><strong>de</strong>s</strong> assurances privées ?- Non, du tout. J’avais pas d’assurance. Ça, je penseque c’est un point à mettre en exergue dans unethèse sur <strong>la</strong> santé <strong><strong>de</strong>s</strong> mé<strong>de</strong>cins. C’est qu’il vautmieux prévoir les in<strong>de</strong>mnités journalières avant d’êtrema<strong>la</strong><strong>de</strong>. Parce que là, donc, ça fait maintenant 9 ansque j’ai été déc<strong>la</strong>ré guéri et je peux toujours pas avoird’in<strong>de</strong>mnités journalières et je ne peux toujours pasavoir d’assurance normale si je fais un emprunt.- A cause <strong>de</strong> vos antécé<strong>de</strong>nts ?- A cause <strong><strong>de</strong>s</strong> antécé<strong>de</strong>nts.- D’accord. Je vais juste faire le point, parce que vousm’avez raconté tout un tas <strong>de</strong> choses, je voudraisvérifier que j’ai pas oublié une question que je vou<strong>la</strong>isvous poser. Au cours du suivi <strong>de</strong> <strong>la</strong> pathologie, estceque vous avez été amené à vous prescrire unbi<strong>la</strong>n biologique, un traitement antalgique, ou est-ceque c’était toujours pris en charge par unspécialiste ?- Non, c’était pris en charge.- D’accord. Vous aviez une ordonnance <strong>de</strong> l’hôpital eten général il n’y a pas eu <strong>de</strong> souci, vous n’avez pasdû rajouter…- J’ai eu le Zophren®, j’ai eu les antalgiques, il y avaitce qu’il fal<strong>la</strong>it, il n’y a pas eu <strong>de</strong> problème.- Vous aviez toujours un interlocuteur à portée <strong>de</strong> mainquand il y avait un souci ?- Oui, oui.- D’accord. D’accord. Qu’est-ce que vous avez ressentien tant que patient ? C’est-à-dire, le fait <strong>de</strong> <strong>de</strong>venirpatient pendant cette pério<strong>de</strong> très mouvementée. Estcequ’il y a eu <strong><strong>de</strong>s</strong> sentiments particuliers qui sontsortis ?- Ben, je dirais que sur le moment, c’est difficile. Lesentiment qui prévaut dix ans après ou douze ansaprès, c’est que c’est une sacrée chance, dans notremétier, d’avoir été ma<strong>la</strong><strong>de</strong>, parce que… Sur le p<strong>la</strong>n<strong>de</strong> <strong>la</strong> vie en général, ce que je disais tout à l’heure,mais sur le p<strong>la</strong>n professionnel, c’est une gran<strong>de</strong>richesse, je trouve.- Maintenant, pour votre pratique.- Pour ma pratique, maintenant, oui, tout à fait. Enparticulier dans l’abord du diagnostic difficile, grave.Dans l’accompagnement <strong><strong>de</strong>s</strong> accompagnants ou dupatient lui-même, etc.- Vous faites beaucoup d’accompagnement <strong><strong>de</strong>s</strong>patients qui ont un problème <strong>de</strong> cancer ou <strong><strong>de</strong>s</strong>patients en fin <strong>de</strong> vie ?- Beaucoup, non, mais quand il y a besoin, on le fait,oui.- D’accord. Et ça a changé votre façon d’abor<strong>de</strong>r lesquestions sur les ma<strong>la</strong>dies graves, sur <strong>la</strong> mort ?- Oui, ça a changé ma façon <strong>de</strong> l’abor<strong>de</strong>r, ça achangé le regard qu’en ont les patients aussi.Parce que les patients ont su que j’étais ma<strong>la</strong><strong>de</strong>,donc, sachant que j’étais ma<strong>la</strong><strong>de</strong>, parce que j’en aipas fait mystère, parce qu’ils m’ont vu sanscheveux, etc, ils en parlent aussi plus facilement.Alors, ça commence à s’estomper avec le temps.- Oui.- Parce que ça commence à faire longtemps. Maisj’ai quelques exemples précis, <strong>de</strong> patients ou <strong>de</strong>patientes, qui, dans les années qui ont suivi, ont euune espèce <strong>de</strong> connivence avec leur mé<strong>de</strong>cin, <strong>de</strong>dire « Oh mais, j’ai <strong><strong>de</strong>s</strong> nausées, mais vous savezce que c’est, docteur ! ».- Comment vous avez été amené à leur annoncer ?- A mes patients ?- Ils ont posé <strong><strong>de</strong>s</strong> questions ou bien est-ce que ça aété dit lors <strong>de</strong> votre remp<strong>la</strong>cement ? Comment ças’est passé ?- Dans un premier temps, donc, je me suis faitopérer. Je savais pas que c’était un cancer, et j’airepris le boulot <strong>de</strong>ux jours après. Je me suis dit« Je sais pas ce que j’ai, mais ça regar<strong>de</strong>personne ». Ça c’était <strong>la</strong> première phase. Elle apas duré très longtemps puisque le jour où j’airepris, il y a une personne qui était à l’époqueambu<strong>la</strong>ncière à J, qui m’a téléphoné et qui m’a dit« Est-ce que je peux te voir ce soir enconsultation ? ». J’ai dit « Bien sûr ». Elle me dit« Si toutefois tu es en bonne santé ». Je lui dis« Pourquoi tu me dis ça ? » elle me dit « Je saispas, il paraît que tu es gravement ma<strong>la</strong><strong>de</strong> ». Là, onétait le 1 e juillet 96.- Avant qu’on vous téléphone, le coup <strong>de</strong> fil <strong>de</strong>l’assistant ?- Absolument. Avant qu’on me téléphone. Donc je luidis « Là, premier indice ». Sympa ? Donc, j’aiessayé… Là, j’ai fait mon enquête quand même.J’ai fait mon enquête et j’ai reconstitué l’histoire <strong>de</strong><strong>la</strong> fuite. Il se trouve que ma femme est intendanteau collège du bled d’à côte, à Z, et que, à l’époque,il <strong>de</strong>vait y avoir <strong><strong>de</strong>s</strong> travaux dans le collège ouquelque chose comme ça. Un <strong><strong>de</strong>s</strong> artisans <strong>de</strong> J,qui avait été choisi sur appel d’offres <strong>de</strong>vaitattendre une entrevue avec ma femme pour parler<strong><strong>de</strong>s</strong> différents soucis matériels que ça posait. Et jepense qu’elle <strong>de</strong>vait avoir <strong>la</strong> porte du bureauouverte. Soit elle m’a appelé, soit, plusvraisemb<strong>la</strong>blement, moi, j’ai dû l’appeler, sinon,j’imagine qu’elle aurait fermé <strong>la</strong> porte, je merappelle pas très bien du détail, juste aprèsl’intervention, et on a parlé « Comment tu t’esréveillé, qu’est-ce qu’il t’a dit, etc ?».- De manière indirecte, il a compris.- De manière indirecte, il a compris qu’il s’agissait <strong>de</strong>moi et que j’avais un problème <strong>de</strong> santé et commec’est une pipelette connue sur J, ça s’est su trèsrapi<strong>de</strong>ment. J’ai su, par ailleurs, que c’était un ami,sinon intime, au moins un ami <strong>de</strong> <strong>la</strong> personne enquestion. Donc, je suis à peu près sûr <strong>de</strong> mon fait,voilà.- Et vous n’avez jamais eu d’explication avec cettepersonne ?- Non, non, non, ça m’est égal.- Simplement, vous aviez besoin <strong>de</strong> savoir commentça s’était passé.- Je dirais que j’avais besoin <strong>de</strong> savoir comment ças’était passé. Ça m’a fait tout <strong>de</strong> suite passer àl’étape suivante qui était <strong>de</strong> dire « Même si je ne


- 177 -suis pas un grand monsieur, je suis quand même unmé<strong>de</strong>cin dans un petit bled, donc je suis en vue, quoique j’en pense, donc on va fantasmer. Et comme <strong>la</strong>vérité est toujours moins sujette à fantasmes quel’interprétation, donc, autant le dire ».- Autant être c<strong>la</strong>ir…- Autant être c<strong>la</strong>ir, ça, c’est une politique d’emblée : jesuis c<strong>la</strong>ir vis-à-vis <strong>de</strong> ça. Donc j’ai eu une stratégie <strong>de</strong>communication très basique : je suis allé le dire, c’estune bouta<strong>de</strong>, mais c’est quasi ça, je suis allé le direau bou<strong>la</strong>nger, au boucher, au marchand <strong>de</strong> journaux,en me disant « Dans dix minutes, tout le mon<strong>de</strong> estau courant ». En disant, en particulier au Dr V qui meremp<strong>la</strong>çait, donc qui était amené à voir mes patients,« Si les gens posent <strong><strong>de</strong>s</strong> questions, tu me lesenvoies, ils me téléphonent et je leur expliquerai ».De fait, donc, tout le mon<strong>de</strong> lui a <strong>de</strong>mandé. Il y en aun tout petit pourcentage, allez, une ou <strong>de</strong>uxdouzaines <strong>de</strong> personnes qui ont trouvé le courage <strong>de</strong>m’appeler pour, pas tellement pour me soutenir, pourvenir à <strong>la</strong> pêche aux infos, faut être c<strong>la</strong>ir, je pense.Parce que systématiquement, ça dérivait toujours surleurs petits problèmes ou « Quand est-ce que vousallez revenir ? » ou <strong><strong>de</strong>s</strong> choses comme ça.- Ça vous a surpris ?- Pas du tout.- Non ?- Pas du tout.- Vous vous attendiez à une réaction comme ça ?- C’est pas que je m’y attendais, c’est que jem’attendais à rien <strong>de</strong> particulier.- Oui.- Donc, j’avais pas d’attente par rapport à ça.J’attendais pas, je m’attendais pas à ce qu’il y ait uncomité <strong>de</strong> soutien qui vienne sous ma fenêtre, quoi.Donc, j’avais bien vu… J’ai succédé à un toubib quiest resté cinq ans, que les gens adoraient, qu’ilsal<strong>la</strong>ient mourir quand il est parti, parce que j’al<strong>la</strong>is leremp<strong>la</strong>cer et qui trois jours après son départ serappe<strong>la</strong>ient déjà plus comment il s’appe<strong>la</strong>it. Donc…ça, j’avais déjà bien ancré <strong>la</strong> notion <strong>de</strong> <strong>la</strong> vanité <strong>de</strong>ces choses-là et <strong>de</strong> <strong>la</strong> précarité <strong>de</strong> <strong>la</strong> mémoire. Donc,ça m’a ni choqué, ni peiné, ni rien du tout. C’estcomme ça, c’est comme ça. Donc, je dirais que j’aigéré l’image <strong>de</strong> ma<strong>la</strong><strong>de</strong> qui se soigne, en me disant« Ça peut avoir un aspect positif <strong>de</strong> montrer qu’onpeut s’en sortir avec un cancer et puis qu’on peutlutter contre un cancer, ça peut peut-être ai<strong>de</strong>r <strong><strong>de</strong>s</strong>gens ».- D’accord. D’accord. Je reviens un petit peu sur levécu <strong>de</strong> <strong>la</strong> ma<strong>la</strong>die : quel ma<strong>la</strong><strong>de</strong> vous étiez, à cemoment-là ? Est-ce que vous étiez plutôt en colère,est-ce que vous étiez à <strong>la</strong> recherche (c’est <strong><strong>de</strong>s</strong>exemples que je donne) à <strong>la</strong> recherched’informations ? Est-ce que vous étiez allé chercher<strong><strong>de</strong>s</strong> informations à côté ? Comment vous réagissiezen face <strong><strong>de</strong>s</strong> mé<strong>de</strong>cins et puis dans votre chambred’hôpital ? Quels étaient, soit vos sentiments, soit vosréactions ?- J’ai passé très rapi<strong>de</strong>ment les <strong>de</strong>ux trois premierssta<strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>de</strong> Kübler-Ross : <strong>de</strong> colère,d’incompréhension, etc. J’étais en colère, j’ai trouvéça injuste, évi<strong>de</strong>mment, j’étais trop jeune. Mais, c’estpassé assez vite parce que, encore une fois, je suisquelqu’un <strong>de</strong> pragmatique, donc je me suis dit « Onva prendre les problèmes au fur et à mesure qu’ils seposent ». Et je savais, puis je me suis renseigné, quele cancer du testicule, si on ne déconne pas et qu’onfait le traitement correctement, il n’y a pas <strong>de</strong> raisonque ça se passe mal.- Vous aviez fait <strong><strong>de</strong>s</strong> recherches un petit peu sur <strong>la</strong>ma<strong>la</strong>die ?- Un petit peu, oui. Parce qu’on n’est jamaiscomplètement au point sur ces trucs-là. Le Dr Y aussim’en a bien parlé, il m’a bien aidé. Et puis c’est unpeu comme dans l’histoire <strong>de</strong> Coluche, c’est un peule cancer du bras gauche, donc. C’est un cancer,bon, mais ça vaut mieux qu’un ostéosarcome,quoi.- Est-ce que vous pensez que vous réagiriezdifféremment aujourd’hui face à <strong>la</strong> ma<strong>la</strong>die, ou faceaussi à l’annonce <strong>de</strong> <strong>la</strong> nouvelle à vos patients ?Vous auriez une réaction différente ?- Si ça m’arrivait aujourd’hui, sans m’être arrivé àcette époque-là ? Ou si je m’en tapais un<strong>de</strong>uxième ?- Il y a les <strong>de</strong>ux dans ma question, effectivement,oui.- Heu, je sais pas…- Vous savez pas.- Jocker ! Parce que j’en sais rien. Je suis à peuprès sûr que j’ai pas réagi comme j’aurais prévuque j’aurais dû réagir.- Votre réaction vous a étonné à l’époque ?- Là encore, je vais m’en tirer par une pirouette :mais comme j’avais pas prévu d’être ma<strong>la</strong><strong>de</strong>, j’yavais pas réfléchi avant.- Et votre entourage, que ce soit votre familleproche, vos amis, vos collègues, est-ce quecertains ont eu une réaction à <strong>la</strong>quelle vous nevous attendiez pas ?- Ma fille, qui avait 8 ans à l’époque. Son frère enavait 5. On a commencé par leur expliquer, tout <strong><strong>de</strong>s</strong>uite, que j’étais ma<strong>la</strong><strong>de</strong> et qu’il al<strong>la</strong>it falloir mesoigner, que j’al<strong>la</strong>is perdre mes cheveux, etc… Onn’avait pas prévu <strong>de</strong> rentrer spécialement dans lesdétails immédiatement. On a une fille dont jedisais, quand elle avait 2 ans, qu’elle serait soitavocate, soit syndicaliste, parce qu’elle al<strong>la</strong>ittoujours au bout <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>de</strong>rnière fin <strong>de</strong> <strong>la</strong> question.- Elle veut avoir le <strong>de</strong>rnier mot et elle veut tout savoir?- Elle veut toujours le <strong>de</strong>rnier mot, encoremaintenant, à 20 ans, mais bon, bref. Et quand onlui a expliqué ça, elle a pas mis 20 secon<strong><strong>de</strong>s</strong> àpiger le truc et elle a dit « Mais attends, si tu vasperdre tes cheveux, c’est comme G, notre amieang<strong>la</strong>ise, c’est que tu as un cancer. Et si tu as uncancer, c’est que tu vas mourir ». Donc on a étécontraint, par elle, <strong>de</strong> lui expliquer les tenants et lesaboutissants et elle a posé toutes les questions,jusqu’à <strong>la</strong> toute <strong>de</strong>rnière qui est : « Mais alors, si jecomprends bien, tu ne pourras plus avoird’enfants ? ». Donc, ça, ça m’a beaucoup étonné<strong>de</strong> maturité, je dirais. Voilà. Donc, là, je pense quec’est <strong>la</strong> réaction qui m’a le plus étonné. Son frère,qui était donc plus petit, il n’avait que 5 ans, a euplus une réaction <strong>de</strong> fuite qui correspond mieux àsa personnalité, à éviter les conflits, etc. Mêmequand sa sœur vou<strong>la</strong>it à toute force lui expliquer cequi se passait, en le coinçant dans une encoignure<strong>de</strong> machin, il se sauvait.- Il préférait pas savoir.- Il préférait pas savoir, tout en ayant quand mêmeles oreilles qui traînaient. Il n’a fait aucuncommentaire jusqu’au jour où j’ai repris le travailoù il m’a dit :« Je suis bien content que turetournes au travail ». Voilà. Donc c’est ça, ma fille,je pourrais dire pourrais dire mes enfants, <strong>la</strong>réaction <strong>de</strong> mes enfants m’a étonné. La réaction<strong>de</strong> ma femme m’a pas étonné parce que c’estquelqu’un qui est encore plus pragmatique quemoi, donc, donc : « Attends, on verra bien, tant quetu n’as pas ton résultat, il n’y a pas <strong>de</strong> problème.Quand tu auras ton résultat, il sera toujours temps<strong>de</strong> se faire du souci ». Donc, elle a été trèsconstructive et très positive, très présente aussi. Laréaction <strong>de</strong> mon associé, m’a pas étonné, maism’a fait très p<strong>la</strong>isir. La réaction <strong>de</strong> mes parents m’apas particulièrement étonné, parce que c’est <strong><strong>de</strong>s</strong>parents. C’est à dire que <strong>la</strong> réaction <strong><strong>de</strong>s</strong> parents,c’est « Où est-ce qu’on a merdé pour qu’il t’arrive


- 178 -un truc comme ça ? ». Donc une réaction <strong>de</strong>culpabilité importante, d’autant plus qu’ils étaient envacances au moment du diagnostic. Ils étaient pas là,donc ils sont revenus, enfin voilà, ils étaient vraimenttrès très embêtés.- Vous aviez quel âge au moment où ça s’est passé ?- J’avais 36 ans.- D’accord. Excusez-moi, je vou<strong>la</strong>is pas vous couper.Est-ce que vous pensez que votre profession <strong>de</strong>mé<strong>de</strong>cin a rendu votre prise en charge particulière ?Parmi vos interlocuteurs, est-ce qu’il y en a certainsavec lesquels vous avez ressenti soit <strong>de</strong> <strong>la</strong> gêne, soitune façon <strong>de</strong> travailler différente ?- On a failli basculer une ou <strong>de</strong>ux fois dans « Commec’est un confrère, on va lui faire p<strong>la</strong>isir, et pour luifaire p<strong>la</strong>isir, on va le prendre entre <strong>de</strong>ux portes et onva pas faire comme si c’était un patient normal ».- Tout à l’heure, vous aviez l’air <strong>de</strong> me dire que <strong>la</strong> voied’abord, <strong>la</strong> voie d’abord scrotale, ça aurait été pourmoins vous gêner dans votre pratique, pour que cesoit plus simple ?- Voilà. Du style : pour que ce soit plus simple, pouraller plus vite. « Comme ça il sera moins embêté, i<strong>la</strong>ura moins mal, il pourra reprendre le boulot plusvite », etc. L’échographiste, je pense, le premieréchographiste, j’imagine que si j’avais pas étémé<strong>de</strong>cin, j’imagine, hein, je peux me tromper, il esten retraite maintenant, je pourrais même plus lui<strong>de</strong>man<strong>de</strong>r, mais j’imagine que si j’avais adressé unpatient, il aurait peut-être pas fait un petit coup d’échocomme ça, entre <strong>de</strong>ux mais il aurait fait uneconsultation, etc. Donc, ça s’est rattrapé, à chaquemoment ça s’est rattrapé, mais j’ai toujours l’arrièrepensée que si j’avais pas été toubib, peut-être queles gens auraient pris le temps <strong>de</strong> se poser.- Donc, dans un premier temps, vous avez eu un accèsrapi<strong>de</strong> aux examens complémentaires ou auxspécialistes, mais avec l’impression qu’on vousrajoutait entre <strong>de</strong>ux ren<strong>de</strong>z-vous et que, du coup…- Voilà. Un petit accès <strong>de</strong> passe-droit, du fait <strong>de</strong> maprofession qui fait que « Oui, on va lui faire son écho,et puis il va dégager ». C’est l’impression que j’ai eue.- Et cet assistant qui a été si malhabile au niveau <strong>de</strong>l’annonce du diagnostic, est-ce que vous pensez qu’ilsavait que vous étiez mé<strong>de</strong>cin ? Oui, puisqu’il vousappe<strong>la</strong>it à votre cabinet. Ou il n’a même pas réfléchique le numéro qu’il composait…- Je sais pas. J’en sais rien.- Vous ne savez pas si son manque <strong>de</strong> psychologie àce moment-là, c’était aussi lié au fait qu’il ne savaitpas comment vous abor<strong>de</strong>r ?- Oui. Mais bon, on sait que les urologues sont <strong><strong>de</strong>s</strong>soudards !- Les chirurgiens ont du mal à faire avec <strong>la</strong>psychologie ? Heu… Rapi<strong>de</strong>ment, je reviens sur lesconséquences que ça a pu avoir sur votre pratique.Vous me disiez, d’une manière générale,effectivement, ça a changé votre façon, peut-être, <strong>de</strong>profiter <strong>de</strong> <strong>la</strong> vie, vous me disiez, votre façond’accompagner les gens. D’une manière plusspécifique, est-ce que vous êtes plus attentif auxtypes <strong>de</strong> symptômes autour <strong>de</strong> l’urologie, autour <strong><strong>de</strong>s</strong>douleurs testicu<strong>la</strong>ires ? Est-ce que vous avez l’oreilleun peu plus tendue vers ce genre <strong>de</strong> symptôme ?- D’abord, je mets rarement l’oreille sur les testicules !- Vous faites bien !- Je pense que pendant un temps, j’ai dû palper unnombre <strong>de</strong> testicules au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong> <strong>la</strong> moyenne.J’imagine que je suis revenu en régime <strong>de</strong> croisière.Mais ça ne m’a pas particulièrement modifié sur cediagnostic-là.- D’accord.- Je suis un peu plus pointu sur ce diagnostic-là.- Parce que vous connaissez mieux <strong>la</strong> pathologie.- Je connais mieux. J’ai pas besoin <strong>de</strong> rechercher lesmarqueurs tumoraux quand j’ai besoin <strong>de</strong> les<strong>de</strong>man<strong>de</strong>r. Mais sinon, le plus que ça a modifié,c’est dans l’accompagnement du.. dansl’accompagnement <strong>de</strong> <strong>la</strong> pathologie grave et dansl’écoute, je pense.- La pathologie cancéreuse en général ?- Cancéreuse ou pas cancéreuse.- D’accord. La ma<strong>la</strong>die grave qui touche <strong>de</strong> manièreimportante <strong>la</strong> vie. D’accord. Est-ce que vous avezété amené à changer votre façon <strong>de</strong> travailler,votre rythme <strong>de</strong> travail ?- Alors, ma façon <strong>de</strong> travailler avait déjà changé aumoment <strong>de</strong> l’association, hein, puisque ça datait <strong>de</strong>quelques mois avant. Auparavant, je prenais une<strong>de</strong>mi-journée dans <strong>la</strong> semaine. Du moment <strong>de</strong>l’association, j’ai pris une journée, donc ça, ça n’apas changé. Donc, j’ai changé ma façon <strong>de</strong>travailler quand j’ai repris le travail, en me disant« Je vais reprendre doucement, parce que je suiscrevé ». Voilà.- Bien sûr.- Faut quand même y aller doucement. Ça a tenuune journée, ça a tenu une journée, trèsexactement. Au lieu <strong>de</strong> prendre toutes les vingtminutes, je vais prendre toutes les <strong>de</strong>mi-heures,voire tous les trois quarts d’heure. Ce qui fait quele premier lundi, où j’ai repris, j’ai dû voir une petitequinzaine <strong>de</strong> personnes, et que j’ai commencé lemardi avec le carnet <strong>de</strong> ren<strong>de</strong>z-vous plein. Lecarnet du jeudi était plein aussi, celui du vendrediétait plein aussi. Sur ce rythme-là, je n’ai pu querajouter. Donc je me suis dit « Ben, c’est reparti !Le travail a plein <strong>de</strong> vertus <strong>de</strong> rééducation et <strong>de</strong>thérapeutique, donc, hardi petit ! ». Donc j’ai reprisle boulot normalement, en fait. Sauf le premier jour,j’ai repris le boulot normalement. Avec pas un poilsur le caillou, c’est tout !- D’accord. Est-ce que vous êtes <strong>de</strong>venu moinstolérant, ou plus tolérant, je ne sais pas, àcertaines p<strong>la</strong>intes <strong><strong>de</strong>s</strong> patients, qui pouvaient, à unmoment où vous étiez ma<strong>la</strong><strong>de</strong>, vous semblermoins graves que ce dont vous avez souffert ? Estceque <strong><strong>de</strong>s</strong> p<strong>la</strong>intes <strong>de</strong>, c’est un terme que j’utiliseentre guillemets, <strong>de</strong> « bobologie » par exemple, ontpu à un moment vous énerver ?- Non.- Ou est-ce que ça n’a rien changé ?- Non, parce… il y a <strong><strong>de</strong>s</strong> choses qui me font réagir.Les gens qui viennent sans arrêt dire « Oh <strong>la</strong> <strong>la</strong>, ilfait gris, etc. ». J’ai plus facilement tendance à…D’abord je suis quelqu’un d’un peu caustique, maisj’ai plus facilement tendance à leur dire « D’accord,il fait gris, mais il fait jour, quoi ! ». Donc, ça c’estun aspect pour résumer, en <strong>de</strong>ux mots.- Je comprends.- C’est un petit peu ça. Sinon, j’étais souventconfronté surtout au début, après <strong>la</strong> reprise,à :« Hou<strong>la</strong><strong>la</strong> ! Je viens encore vous embêter avecmes problèmes, après ce qui vous est arrivé, j’aiun peu honte ». Donc, là, j’avais un peu travaillé lediscours, sur « Ecoutez, chacun fait ce qu’ilpeut ! ». Hein, quoi ? « C’est difficile <strong>de</strong> comparerce qui vous est arrivé à ce qui m’est arrivé. Ilfaudrait que chacun <strong>de</strong> nous ait eu les <strong>de</strong>ux pourqu’on puisse dire lequel on préfère ! ». Enparticulier en termes <strong>de</strong> dépression, ça a été trèsnet, parce que les gens avaient un peu honte, jepense, <strong>de</strong> venir « m’embêter » avec unedépression alors que j’avais eu un cancer, commes’ils mettaient une hiérarchie dans un truc qui estpas grave, impalpable etc avec un mec qui a étésérieusement ma<strong>la</strong><strong>de</strong> et bon, peut-être qu’il va malle prendre.- Donc, le frein existait plutôt <strong>de</strong> <strong>la</strong> part <strong>de</strong> certainspatients ?- Je pense que le frein existait <strong>de</strong> <strong>la</strong> part <strong><strong>de</strong>s</strong>patients. J’espère avoir été rassurant et


- 179 -pédagogique, parce que, <strong>de</strong> fait, douze ans après,ceux qui étaient dépressifs, ils sont toujoursdépressifs, et que moi, il y a dix ans que je suis guéri.- C’est difficile à avancer après : « Voyez,finalement »…- Donc, je pense qu’il vaut mieux un cancer du testiculequ’une dépression, sur le long terme !- Est-ce que vous prenez en charge d’autresmé<strong>de</strong>cins, dans votre patientèle ? En tant quemé<strong>de</strong>cin traitant, <strong><strong>de</strong>s</strong> généralistes ou <strong><strong>de</strong>s</strong>spécialistes ?- Je crois être le mé<strong>de</strong>cin traitant du Dr V mais voilà,c’est tout. Mais il m’est arrivé <strong>de</strong> faire <strong><strong>de</strong>s</strong> examens,<strong><strong>de</strong>s</strong> expertises pour <strong><strong>de</strong>s</strong> assurances, <strong><strong>de</strong>s</strong> trucscomme ça <strong><strong>de</strong>s</strong> confrères.- Vous êtes expert ?- Non, je ne suis pas expert du tout, mais vous savezquand on <strong>de</strong>man<strong>de</strong>…- Des questionnaires ?- Des questionnaires pour <strong><strong>de</strong>s</strong> assurances. Donc ça adû m’arriver <strong>de</strong>ux ou trois fois.- Des collègues ?- Donc, ça m’est arrivé une fois pour le Dr Y et çam’est arrivé pour le mari d’une autre <strong>de</strong> mes associésqui est maintenant mé<strong>de</strong>cin du travail, mais qui étaitgénéraliste dans le secteur.- C’est assez ponctuel.- Tout à fait.- Comment vous estimez, par rapport à votreproblème, mais aussi <strong>de</strong> manière générale, si vous<strong>de</strong>viez comparer <strong>la</strong> prise en charge <strong>de</strong> votre santépar rapport à celle <strong>de</strong> vos patients ? La façon dontvous prenez en charge <strong>la</strong> santé <strong>de</strong> vos patients etcomment vous prenez en charge <strong>la</strong> vôtre ? Qu’est-ceque vous diriez ?- Je dirais que si j’al<strong>la</strong>is chez le toubib aussi souventque 80% <strong>de</strong> mes patients y vont, et pour les mêmesmotifs, je pense que j’y serais souvent fourré. Parceque je pense qu’on est dans une époqued’intolérance aux symptômes, qui fait que les gensconsultent… Je sais pas : ils éternuent trois fois lematin, ils consultent. Moi, j’éternue dix fois tous lesmatins <strong>de</strong>puis que je suis né, et ça ne me paraîtpas… C’est-à-dire que j’ai un seuil <strong>de</strong>… On va direque j’ai un seuil <strong>de</strong> symptômes un peu plus élevé queles gens que je soigne. Après, je sais pas, si ça meserrait dans <strong>la</strong> poitrine, j’imagine que je me feraisfaire un électro, quand même.- D’accord. Vous hiérarchisez aussi les symptômes.- J’essaie.- D’accord. On va arriver au terme <strong>de</strong> cet entretien,alors, c’est vrai que ça s’est fait <strong>de</strong> façon plus rapi<strong>de</strong>que vos collègues qui m’ont répondu <strong>de</strong>puis plusieursmois, mais, j’aimerais savoir pourquoi vous avezaccepté <strong>de</strong> répondre à mon étu<strong>de</strong>. Qu’est-ce qui vousa intéressé ?- Eh bien parce que… Pourquoi ? Parce que vous mel’avez gentiment <strong>de</strong>mandé, déjà ! Même si j’ai pasrépondu tout <strong>de</strong> suite. Et puis, j’en sais rien. Parceque vous me l’avez gentiment <strong>de</strong>mandé. Parce quec’est pas quelque chose qui est tabou. Je pense quej’ai zappé votre mail au mois <strong>de</strong> janvier. Je l’aieffectivement retrouvé, mais c’est un truc qui a pasdû… soit je l’ai lu en diagonale, soit je l’ai pas lu dutout. Oui, mais ça me gêne pas d’en parler.- D’accord.- Ça reste émouvant, mais ça ne me gêne pas d’enparler.- D’accord. Bon, je vous remercie beaucoup d’avoiraccepté cette entrevue et <strong>de</strong> m’avoir accordé <strong>de</strong> votretemps.Entretien avec le Docteur K,réalisé à son cabinet le 1er juillet 2008- J’ai fini mon internat <strong>de</strong> mé<strong>de</strong>cine générale, il y apeu <strong>de</strong> temps. Je réalise une étu<strong>de</strong> sur le suivi <strong><strong>de</strong>s</strong>mé<strong>de</strong>cins généralistes quand ils <strong>de</strong>viennent euxmêmesma<strong>la</strong><strong><strong>de</strong>s</strong> et donc patients.- D’accord.- Cette étu<strong>de</strong> s’inscrit dans un travail <strong>de</strong> recherchepour <strong>la</strong> réalisation <strong>de</strong> ma thèse <strong>de</strong> docteur enmé<strong>de</strong>cine.- Oui.- Je vou<strong>la</strong>is vous remercier, dans un premier temps,d’avoir accepté <strong>de</strong> me parler d’un sujet aussipersonnel que celui <strong>de</strong> votre santé.- D’accord.- Je ne sais pas si vous avez <strong><strong>de</strong>s</strong> questions ?- Non.- On va continuer. Dans un premier temps,j’aimerais bien que vous me parliez <strong>de</strong> vous en tantque mé<strong>de</strong>cin d’abord, pour me présenter votre typed’exercice, pour voir rapi<strong>de</strong>ment ce que vous avezfait.- Voilà, donc ; ben j’ai passé ma thèse à 25 ans et<strong>de</strong>mi, en 75. Ensuite j’ai fait <strong>la</strong> coopération enAlgérie, donc j’étais mé<strong>de</strong>cin chef <strong>de</strong> service dansun service <strong>de</strong> mé<strong>de</strong>cine d’hommes à l’hôpital <strong>de</strong>Tizi Ouzou. C’était une super expérience. Ça m’abien plu. Et puis je donnais aussi <strong><strong>de</strong>s</strong> cours àl’école d’infirmières <strong>de</strong> Tizi Ouzou. Et puis, jeserais bien resté, mais finalement je suis rentréparce qu’il y avait quelqu’un dans ma famille quiavait <strong><strong>de</strong>s</strong> problèmes <strong>de</strong> santé. Et pendant <strong>la</strong>coopération, un mé<strong>de</strong>cin, le mé<strong>de</strong>cin <strong>de</strong> famillem’a écrit, pour me dire qu’on m’attendait dans lecabinet médical, ici, donc, dès que je serai rentré.Donc je me suis installé en mai 77.- D’accord.- Et j’ai travaillé comme généraliste pur.- Vous étiez seul à ce moment-là ?- Non nous étions trois. Je suis rentré dans uncabinet <strong>de</strong> groupe.- De groupe, déjà.- Voilà, nous étions trois dans ce cabinet, ici. Et touts’est bien passé jusqu’à ce que je tombe ma<strong>la</strong><strong>de</strong>en 81. Donc, j’ai fait un problème d’angorspastique, qui ensuite… J’ai fait unecoronarographie, j’ai fait un infarctus sur <strong>la</strong> table <strong>de</strong>coronarographie avec un spasme <strong>de</strong> <strong>la</strong> coronairedroite. Donc j’ai arrêté mon travail pendant 5 mois.Et quand j’ai repris, tout le mon<strong>de</strong> m’a dit « Il fautarrêter <strong>la</strong> mé<strong>de</strong>cine générale, c’est un métier tropstressant, il y a les gar<strong><strong>de</strong>s</strong>, il y a tout ça, donc ilfaut faire <strong>de</strong> <strong>la</strong> mé<strong>de</strong>cine du travail ». Alors j’aipassé le diplôme <strong>de</strong> mé<strong>de</strong>cine du travail. J’ai repris<strong>de</strong>ux ans d’étu<strong><strong>de</strong>s</strong>, et je suis rentré à temps partielà <strong>la</strong> SNCF comme mé<strong>de</strong>cin d’établissement SNCF.Donc mi-temps SNCF puis mi-temps mé<strong>de</strong>cinegénérale. L’intérêt <strong>de</strong> <strong>la</strong> SNCF, c’est qu’on faisait<strong>de</strong> <strong>la</strong> mé<strong>de</strong>cine du travail, mais aussi <strong>de</strong> <strong>la</strong>mé<strong>de</strong>cine <strong>de</strong> soins. On était le mé<strong>de</strong>cin <strong>de</strong>l’établissement, on faisait <strong>de</strong> <strong>la</strong> mé<strong>de</strong>cine globale,un peu. Et puis, après, c’était prévu que j’arrête <strong>la</strong>mé<strong>de</strong>cine générale, mais j’ai pas pu me résoudre àarrêter <strong>la</strong> mé<strong>de</strong>cine générale, parce que j’aimebien ça. J’aime bien soigner les gens, doncfinalement, j’ai pas arrêté <strong>la</strong> mé<strong>de</strong>cine générale. Etau contraire, comme j’avais refait <strong>de</strong>ux ansd’étu<strong><strong>de</strong>s</strong> pour faire <strong>de</strong> <strong>la</strong> mé<strong>de</strong>cine du travail,j’avais repris goût aux étu<strong><strong>de</strong>s</strong>, aussi. Et j’ai refaittrois ans d’étu<strong><strong>de</strong>s</strong> en réparation juridique,dommages corporels, mé<strong>de</strong>cine d’expertise etmé<strong>de</strong>cine d’assurance vie. Et puis, après, j’ai fait


- 180 -encore une année <strong>de</strong> mé<strong>de</strong>cine aéronautique. Maisdonc, au final, je me suis retrouvé avec une activitéencore plus débordante qu’avant. Sauf que là, j’avaisarrêté les gar<strong><strong>de</strong>s</strong> : gar<strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>de</strong> nuit, gar<strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>de</strong> weekend,du fait <strong>de</strong> mon état <strong>de</strong> santé. Donc, ce qui faitqu’après, j’ai eu un emploi du temps extrêmementplein puisque j’avais <strong>la</strong> mé<strong>de</strong>cine d’établissementSNCF, mon cabinet <strong>de</strong> mé<strong>de</strong>cine générale, lesexpertises. Parce qu’assez rapi<strong>de</strong>ment, j’ai été expertjudiciaire.- D’accord.- Donc, les expertises auprès <strong><strong>de</strong>s</strong> tribunaux, et puisl’activité <strong>de</strong> mé<strong>de</strong>cine aéronautique parce que je suisagréé par <strong>la</strong> direction générale <strong>de</strong> l’aviation civilepour signer les licences <strong>de</strong> pilotes privés. Donc, uneactivité bien remplie, que j’ai continuée <strong>de</strong>puis 1982.Les expertises, je suis expert auprès <strong><strong>de</strong>s</strong> tribunaux<strong>de</strong>puis 1990 à peu près, jusqu’à hier soir, puisquehier soir, j’ai arrêté <strong>la</strong> mé<strong>de</strong>cine <strong>de</strong> SNCF.- D’accord.- Donc, hier soir, il y avait une possibilité. Comme il yavait séparation <strong>de</strong> mé<strong>de</strong>cine <strong>de</strong> soins, mé<strong>de</strong>cine dutravail, on ne pouvait plus faire les <strong>de</strong>ux mé<strong>de</strong>cinesen même temps, donc il y avait possibilité <strong>de</strong> faire undépart volontaire. Donc, j’ai saisi cette opportunité.Donc, je ne travaille plus qu’à mon cabinet, <strong>de</strong>puisaujourd’hui, et les expertises. Voilà.- C’était programmé <strong>de</strong>puis quelques mois ?- Là, c’était programmé <strong>de</strong>puis neuf mois, un an à peuprès.- D’accord. Effectivement, ça fait beaucoup <strong>de</strong> choses.- Voilà, maintenant je vais être un peu plus cool.(sourires)- Et donc, je sais que vous êtes enseignantégalement…- Voilà, oui, oui, <strong>de</strong>puis sept mois, huit mois. J’ai déjàeu <strong>de</strong>ux… C’est mon <strong>de</strong>uxième interne.- Le <strong>de</strong>uxième semestre. C’est assez récent.- C’est assez récent.- D’accord. D’accord. Bon, on a déjà abordé pas mal<strong>de</strong> choses, maintenant, on va parler <strong>de</strong> vous plutôt entant que patient…- Oui.- C’est l’objet <strong>de</strong> notre entrevue. En <strong>de</strong>hors duproblème <strong>de</strong> 1981 dont vous m’avez parlé, on enreparlera peut-être, est-ce que vous pourriez juste, <strong>de</strong>façon rapi<strong>de</strong>, brève, me dire quels ont été lesantécé<strong>de</strong>nts dans votre vie, qui ont pu vousembêter ?- Oh ben, j’avais absolument rien eu, sauf un petitépiso<strong>de</strong> <strong>de</strong> lombalgie en soulevant un ma<strong>la</strong><strong>de</strong> aucours d’uns stage d’externe à 22 ou 23 ans, je ne mesouviens plus. Autrement, j’avais été en parfaitesanté jusqu’à ce que j’aie ce problème cardiaque.- D’accord, en 81.- Oui.- Après, je sais que vous avez eu le problème du canallombaire, pour lequel on se rencontre aujourd’hui.- Parce que aujourd’hui, c’est sur le canal lombaire,votre intérêt ? D’accord.- En fait, il y a une partie <strong><strong>de</strong>s</strong> questions qui va êtrecentrée un peu plus sur cette pathologie pour suivreplus le suivi médical à ce moment-là. Mais après onpeut parler d’autre chose.- OK. Au sujet du canal lombaire, donc, comment ças’est passé ? Bon, ben j’avais <strong>de</strong> temps en temps <strong><strong>de</strong>s</strong>douleurs lombaires, je prenais…, je prenais <strong><strong>de</strong>s</strong>antalgiques et ça rentrait dans l’ordre en quelquesjours. Mais autrement, je pouvais porter lourd, j’avaispas <strong>de</strong> difficultés particulières.- Ces douleurs lombaires, pardon, elles existaient<strong>de</strong>puis combien <strong>de</strong> temps ?- Ben là, elles sont vraiment apparues en 2002 à peuprès.- D’accord.- 2002, oui. Là, elles ont commencé à être un peutenaces, donc j’ai consulté. On a fait <strong><strong>de</strong>s</strong> radios, ona fait une IRM. Bon il y avait une petite protrusiondiscale L4-L5, un canal dans les dimensions à peuprès normales. Et puis, on m’a dit « Il faut faire <strong><strong>de</strong>s</strong>infiltrations <strong><strong>de</strong>s</strong> articu<strong>la</strong>ires postérieures ». Alors, jesuis allé à X voir un spécialiste qui faisait ça. Etpuis, en fait j’avais mal assez bas, au niveau L4-L5, et lui il s’est mis dans <strong>la</strong> tête que c’était bienplus haut. Donc il m’a piqué au niveau L2-L3. Il m’afait mal. Il a un peu pinaillé, et du coup, j’ai fait unma<strong>la</strong>ise vagal. Alors, à partir <strong>de</strong> là, on al’impression que tout est parti <strong>de</strong> travers. Il m’apris, il a commencé à me poser <strong><strong>de</strong>s</strong> questions…Ça s’est pas passé tout <strong>de</strong> suite comme ça. Il m’adit « Oui, oui, alors il faudrait revenir dans monservice, comme ça on fera une hospitalisation eton verra au fond <strong><strong>de</strong>s</strong> choses ». Et puis finalement,comme les douleurs s’aggravaient, et j’avais <strong><strong>de</strong>s</strong>fourmis au niveau <strong><strong>de</strong>s</strong> pieds, quand je marchais,donc je suis allé en hospitalisation. Et là, il m’asurtout posé <strong><strong>de</strong>s</strong> questions : savoir si j’étais biendans ma tête, si je m’entendais bien avec mafemme, s’il n’y avait pas <strong>de</strong> soucisprofessionnels…- Sa spécialité, à lui c’était…?- C’était rhumatologue, et il faisait une école du dos.Donc je suis passé par toutes leurs marottes, leséquilibres au niveau <strong><strong>de</strong>s</strong> pieds, <strong>la</strong> proprioception,tout ça. On m’a fait <strong>de</strong> <strong>la</strong> micro kinésie, <strong>de</strong>l’ergothérapie, <strong><strong>de</strong>s</strong> tas <strong>de</strong> trucs, et finalement jeleur disais « J’ai mal dans les jambes quand jemarche » « Oui, oui, très bien, mais vous en faitespas, déten<strong>de</strong>z-vous ! Vous êtes un peu stressé ! ».(rires) Finalement, on m’a montré à un psychiatre.Très bien, bon.- Ça, c’était en quelle année ? Toujours en 2002 ?- C’était vers <strong>la</strong> fin 2002 ou 2003.- D’accord.- Vers <strong>la</strong> fin 2002. Et puis, je suis rentré chez moiavec <strong>de</strong>ux conseils : premièrement, prenez duDiantalvic quand vous avez mal et prenez <strong><strong>de</strong>s</strong>douches chau<strong><strong>de</strong>s</strong>. Et puis voilà, ça a continuécomme ça et puis, <strong>de</strong> plus en plus. Je n’arrivaisplus à marcher, c’est-à-dire que au bout <strong>de</strong>…Alors, quand j’al<strong>la</strong>is en montagne, à <strong>la</strong> montée, çaal<strong>la</strong>it bien, et à <strong>la</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong>cente, j’arrivais plus àrejoindre <strong>la</strong> voiture. J’avais très mal au dos et auxjambes à <strong>la</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong>cente. Et puis petit à petit, ça s’estaggravé, donc après, je ne pouvais plus faire plus<strong>de</strong> 100 mètres, 150 mètres sans <strong>de</strong>voir m’arrêter,me pencher en avant pour… Et donc là, j’en ai eumarre, donc j’ai appelé directement unneurochirurgien (rires). Je lui ai expliqué ce qu’il enétait et il m’a dit « Viens voir et on va te faire unemyélographie et un myélo-scanner ». Et puis là,c’était manifeste, il y avait un stop, un arrêt completau niveau L4 L5. Donc j’ai été opéré en juillet 2004,d’une double <strong>la</strong>minectomie L4-L5 et L5-S1, enfinL4 L5 et les douleurs dans les jambes ontcomplètement disparu. Bon, il reste <strong><strong>de</strong>s</strong> douleurslombaires parce qu’il y a <strong>de</strong> l’arthrose postérieure.Il y a une petite protrusion discale à <strong>la</strong>quelle il n’apas touché.- D’accord.- Donc, après, j’ai fait <strong>de</strong> <strong>la</strong> kiné. J’ai fait <strong>de</strong> <strong>la</strong> kiné et<strong><strong>de</strong>s</strong> exercices pendant une année puis je me suisun peu <strong>la</strong>ssé. Effectivement, j’ai un peu relâché <strong>de</strong>ce côté-là. Je fais plus <strong>de</strong> gym. Mais aussi parceque j’avais beaucoup <strong>de</strong> travail. Maintenant, je vaisavoir moins <strong>de</strong> pression sur le timing professionnel.Je vais pouvoir…- Prendre un peu <strong>de</strong> temps pour vous ?- Voilà. Faire un peu plus d’activités. Là, j’ai reprisun petit peu <strong>de</strong> marche en montagne, ça, ça va


- 181 -bien. Mais je peux pas porter. L’autre jour, j’ai dûdébarrasser une cave chez moi,- Des charges lour<strong><strong>de</strong>s</strong>.- Et j’ai mis quinze jours à m’en remettre.- D’accord. On va revenir sur certains épiso<strong><strong>de</strong>s</strong>.- Oui.- Dans un premier temps, vous me disiez que leslombalgies s’étaient installées, qu’elles étaient bien là<strong>de</strong>puis 2002, les premiers antalgiques, c’était vousqui vous les prescriviez ?- Oui, oui.- Est-ce que vous aviez fait <strong><strong>de</strong>s</strong> examens à cemoment-là ?- Oui, j’avais fait une radio simple, oui.- Une radio simple que vous vous étiez prescrite vousmême?- Voilà, oui.- D’accord.- Et puis après, j’ai été voir un rhumatologue.- Qui n’est pas le même que celui qui vous a suiviaprès, à l’hôpital ?- Alors, non. Le rhumatologue que j’ai vu était en villeet c’est lui qui m’a dit « Il faut faire <strong><strong>de</strong>s</strong> infiltrationssous scopie » et il m’a envoyé à ce gars, là, qui étaitun spécialiste <strong><strong>de</strong>s</strong> infiltrations sous scopie.- D’accord. Et c’est le premier rhumatologue qui vous aprescrit l’IRM ou c’est le <strong>de</strong>uxième ?- C’est le premier.- Le premier, d’accord. Et si j’ai bien compris, quandvous êtes allé faire les infiltrations, vous n’aviez pasencore <strong>de</strong> déficit sensitivo-moteur ?- Non, non.- C’est après les infiltrations ?- J’avais essentiellement <strong><strong>de</strong>s</strong> douleurs lombaires.- Voilà. C’est après les infiltrations, du point <strong>de</strong> vuechronologique, en tout cas, que sont apparues petit àpetit les fourmis, les paresthésies…- Les paresthésies au niveau du pied et après <strong><strong>de</strong>s</strong>douleurs <strong><strong>de</strong>s</strong> sciata<strong>la</strong>gies paralysantes quasiment, à<strong>la</strong> marche. J’étais obligé <strong>de</strong> m’arrêter. Je pouvais plussoit m’asseoir, soit me pencher en avant sur unebarrière.- D’accord. L’hospitalisation, elle a fait suite auxinfiltrations ? Elle a duré combien <strong>de</strong> temps ?- Quinze jours.- D’accord. Comment ça s’est passé, cettehospitalisation ? Comment vous vous sentiez ?- Ben, il y a eu une conjonction <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux choses, c’està-direqu’on m’avait dit « Il faut faire <strong>de</strong> <strong>la</strong> natationpour le dos ». Alors j’avais fait <strong>de</strong> <strong>la</strong> natation et je mesuis déclenché une périarthrite d’épaule. Donc je suisarrivé à l’hôpital avec mon problème lombaire et puisune douleur <strong>de</strong> l’épaule, mais très importante…(Sonneries <strong>de</strong> téléphone) Je vais aller mettre lerépon<strong>de</strong>ur (interruption <strong>de</strong> l’enregistrement <strong>de</strong>quelques secon<strong><strong>de</strong>s</strong>).- Les <strong>de</strong>ux choses. Donc j’étais assez mal-en-pointdans cette… Je me suis vu mal parti d’ailleurs : je nepouvais plus bouger un bras. On m’avait mis uneattelle pour m’immobiliser le bras. Plus ça al<strong>la</strong>it, plusj’avais mal à l’épaule, et puis j’avais ce problèmelombaire, donc…- Et on s’est occupé <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>de</strong>ux problèmes ?- On s’est occupé <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>de</strong>ux problèmes.- Quand même, d’accord. Et vous, en tant que patient,vous ressentiez quoi ? Qu’est-ce qui prédominait ?Qu’est-ce qui vous a particulièrementmarqué pendant cette hospitalisation ?- Ben, ce qui m’a marqué, c’est que moi j’avaisvraiment l’impression d’avoir un vrai problème, et quej’avais l’impression que eux pensaient que c’étaitplutôt dans <strong>la</strong> tête que ça se passait ! (rires).- D’accord.- Donc, c’était un peu…- Vous n’aviez pas vraiment confiance dans <strong>la</strong> prise encharge ?- Au début, j’avais très confiance puisque j’avais…C’était un centre qui avait une bonne réputation.Mais quand on a commencé à me poser <strong><strong>de</strong>s</strong>questions sur ma femme, sur mes associés, surceci, ce<strong>la</strong>, et qu’on m’a montré à un psychiatre…Bon, moi j’avais jamais vu <strong>de</strong> psychiatre <strong>de</strong> ma vie,j’avais jamais eu <strong>de</strong> problème, j’avais jamais fait <strong>de</strong>dépression ou quoi que ce soit. Bon, ça meparaissait quand même un peu bizarre. Et puisc’est vrai que, apparemment, mon problèmelombaire, il n’avait pas trop l’air <strong>de</strong> les intéresser.- Et vous, vous décriviez bien <strong><strong>de</strong>s</strong> symptômes quicorrespondaient effectivement à <strong><strong>de</strong>s</strong> lombalgiesplus basses que les infiltrations…- Oui, oui.- Est-ce que les symptômes que vous décriviez entant que ma<strong>la</strong><strong>de</strong>, mais aussi mé<strong>de</strong>cin, vous aviezl’impression que ce n’était pas entendu, ça ?- Oui, oui, ça c’est sûr. Mais quand j’ai étéhospitalisé pour le cœur, ça a été pareil, hein.J’avais <strong><strong>de</strong>s</strong> douleurs dans <strong>la</strong> poitrine et on acommencé par me donner du Tranxène® en medisant « Il faut vous calmer, etc., vous travailleztrop ! », <strong><strong>de</strong>s</strong> choses comme ça. C’est que après…Ce diagnostic était difficile à faire. C’est que après,le cardiologue a fait venir un <strong>de</strong>uxième cardiologue<strong>de</strong> ville et ils ont dit « On pense que c’est un angorpar spasme ». Mais au début, le réanimateur qui…Parce que j’étais allé en pleine nuit à l’hôpital,tellement j’avais mal. Au début, on avait aussil’impression que c’était une crise <strong>de</strong> nerfs, quoi.- Oui. Parce que les tracés n’étaient pasforcément…- Les tracés étaient… Il y avait une petite anomalie,mais bon, ils avaient pas… Moi j’ai dit « Mais il y aquand même un problème sur cet électro ! » Maisils étaient pas bien chauds pour ça.- Est-ce que vous avez l’impression que votreposition <strong>de</strong> mé<strong>de</strong>cin, votre métier pouvait…- Ah, je crois que c’est…- Il y avait une prise en charge un peu particulière ?- C’est c<strong>la</strong>irement défavorable, alors, c’est sûr !- Oui.- Ça c’est sûr que dans <strong>la</strong> tête <strong><strong>de</strong>s</strong> gens qui voussoignent, ils se disent « Il est mé<strong>de</strong>cin, donc il voittout <strong>de</strong> suite le pire et il s’inquiète pour rien ! ». Çac’est vraiment le sentiment que j’ai eu.- Les <strong>de</strong>ux fois, en fait ?- Les <strong>de</strong>ux fois.- Les <strong>de</strong>ux problèmes. D’accord. Et <strong>de</strong> leur part, il yavait une certaine gêne ou ils avaient justetendance à mettre à distance vos symptômes ?- J’ai pas ressenti qu’il y avait <strong>de</strong> <strong>la</strong> gêne.- D’accord. Je vais revenir un petit peu à <strong><strong>de</strong>s</strong> chosesplus globales, je vou<strong>la</strong>is vous <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r siactuellement vous aviez un traitement.- Oui, alors, donc j’ai un traitement, parce que<strong>de</strong>puis trois ou quatre ans j’ai <strong>de</strong> l’hypertension.- D’accord.- Puis j’ai un cholestérol un peu limite. Donc j’ai <strong>de</strong>uxmédicaments pour <strong>la</strong> tension et un pour lecholestérol.- D’accord. Il n’y a pas un bi<strong>la</strong>n <strong>de</strong> santé en coursactuellement ?- Non, j’ai fait une prise <strong>de</strong> sang il y a <strong>de</strong>ux ou troisans. Bon, c’est vrai que j’ai peut-être un peunégligé, que je <strong>de</strong>vrais refaire…- D’accord.- Je suis suivi par un cardiologue, mais en réalité, jene vais pas le voir (sourire) : je me fais lesrenouvellements d’ordonnance. Depuis un an et<strong>de</strong>mi, à peu près, je l’ai pas revu, et bon, dès quej’aurai un peu plus <strong>de</strong> temps (rire) : c’est toujours <strong>la</strong>même rengaine, j’irai faire une prise <strong>de</strong> sang etj’irai le voir avec les résultats.


- 182 -- Est-ce que <strong>de</strong>puis 81, vous aviez un suivicardiologique régulier ?- Voilà, j’avais un suivi un peu <strong>de</strong> loin en loin.- Annuel ?- Oui, tous les <strong>de</strong>ux ans.- Tous les <strong>de</strong>ux ans, d’accord. C’est un peu entreparenthèses actuellement, d’accord.- Oui.- Et en <strong>de</strong>hors <strong>de</strong> ce suivi, comment est-ce que vousprenez en charge votre santé ? Est-ce que vous avezun mé<strong>de</strong>cin traitant, par exemple ?- Alors le mé<strong>de</strong>cin traitant, j’ai déc<strong>la</strong>ré comme mé<strong>de</strong>cintraitant mon cardiologue traitant.- D’accord. Effectivement, ça date un petit peu, maisvous avez été marqué par cet épiso<strong>de</strong>, qui vous asuivi. Souvent, je pose une question corol<strong>la</strong>ire, est-ceque vous avez réfléchi à penser à un confrèregénéraliste, ou, mais c’est vrai que votre prise encharge cardiologique elle est quand même ancienne.- Voilà, ça passe au-<strong>de</strong>vant et puis le reste, comme j’aipas d’autre problème particulier. Enfin, si, j’ai eu <strong><strong>de</strong>s</strong>rectorragies et je suis allé voir directement un gastroentérologue.- D’accord. Sans passer par votre mé<strong>de</strong>cin traitant ?- Voilà, oui.- D’accord. Toujours dans mes questions un peugénérales, quel patient vous pensez être ?- Je pense être un patient un peu standard. Passpécialement emmerdant.- Mais qu’on n’écoute peut-être pas autant qu’unpatient standard ?- Non, je pense qu’on ne m’a pas écouté dans <strong>de</strong>uxcirconstances où les gens me connaissaient pas.- Oui.- Parce qu’en fait, quand après, en cardiologie, quandaprès j’ai été vu par le mé<strong>de</strong>cin du service que jeconnaissais, les choses se sont redressées.- D’accord.- Puis aussi quand j’ai appelé aussi le neurochirurgienque je connaissais, je lui ai expliqué mes symptômes,ça n’a pas fait un pli, quoi. Il m’a convoqué tout <strong><strong>de</strong>s</strong>uite. Il m’a pris rapi<strong>de</strong>ment.- D’accord.- Il m’a pris tout <strong>de</strong> suite au sérieux.- Mais c’est intéressant ce que vous dites, ça veut direque, a priori, quand on sait que <strong>la</strong> personne… Enfin,on savait que vous étiez mé<strong>de</strong>cin, mais on ne vousconnaissait pas personnellement par le biais d’unréseau…- Voilà, oui.- On avait plutôt tendance à mettre vos symptômes surle compte du stress, <strong>de</strong> l’angoisse…- Tout à fait, oui. Par contre, les gens qui meconnaissent, ils savent que si j’appelle, c’est... Parceque je fais comme ça pour mes ma<strong>la</strong><strong><strong>de</strong>s</strong>. C’est-à-direque si j’ai un ma<strong>la</strong><strong>de</strong> qui veut avoir une consultationrapi<strong>de</strong> auprès d’un spécialiste, si c’est pas urgent, jelui dit « Ben, écoutez, il faut vous débrouiller ». Puissi c’est urgent, c’est moi qui appelle, et donc on medonne satisfaction. Ça fonctionne comme ça.- D’accord, c’est <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>de</strong>man<strong><strong>de</strong>s</strong> justifiées, du coup, vosconfrères connaissent votre mo<strong>de</strong> <strong>de</strong> fonctionnement.D’accord. Je regar<strong>de</strong> rapi<strong>de</strong>ment mes questions poursavoir si on a abordé… Vous avez été obligé <strong>de</strong> vousarrêter suite à <strong>la</strong> <strong>la</strong>minectomie, j’imagine ?- Oui, je me suis arrêté quatre mois, à peu près.- Les <strong>de</strong>ux arrêts ma<strong>la</strong>die longs, comment ça s’estpassé ? Est-ce que ça a été difficile à organiser, cesarrêts ? Du point <strong>de</strong> vue pratique, du point <strong>de</strong> vuefinancier ?- J’ai eu <strong>de</strong> <strong>la</strong> chance. J’ai eu <strong>de</strong> <strong>la</strong> chance, parce queen 81 on trouvait facilement <strong><strong>de</strong>s</strong> remp<strong>la</strong>çants.- Oui.- C’était ça votre question ?- Oui, il y a cet aspect pratique effectivement.- On trouvait facilement <strong><strong>de</strong>s</strong> remp<strong>la</strong>çants, donc j’aitrouvé un remp<strong>la</strong>çant. Et puis après, comme j’airepris un peu en douceur, il s’est associé. Puis jetravaille, j’ai repris à mi-temps. Donc, là, ça s’estbien passé. Puis quand j’ai été opéré <strong><strong>de</strong>s</strong>lombaires, j’avais <strong>de</strong>ux remp<strong>la</strong>çantes un peu sous<strong>la</strong> main, qui me remp<strong>la</strong>çaient, et qui ont pu, à <strong>de</strong>ux,faire les quatre mois d’arrêt, les trois mois et vingtjours d’arrêt.- D’accord.- Donc, là, ça s’est bien passé. Et comme j’avaisune bonne assurance personnelle, j’ai pas eu, çane m’a pas posé <strong>de</strong> difficultés.- Au niveau financier, il n’y a pas eu <strong>de</strong> problèmeparticulier, d’accord.- Non.- On est très pratique. Et du point <strong>de</strong> vuepsychologique, est-ce que ça a été dur <strong><strong>de</strong>s</strong>’arrêter ?- Alors non. Premièrement pour l’histoire cardiaque,ça n’a pas été difficile, parce que, bon, en fait,j’étais très inquiet <strong>de</strong> cette affaire cardiaque.J’avais peur <strong>de</strong> rester quand même invali<strong>de</strong>. Doncsur le p<strong>la</strong>n psychologique, ça, ça a été difficile, parcontre. Difficile d’admettre qu’à trente ans, vousavez fait une nécrose myocardique, que peut-êtrevous gar<strong>de</strong>rez <strong><strong>de</strong>s</strong> symptômes. Je gardais <strong><strong>de</strong>s</strong>extrasystoles, c’est quand même assez angoissant<strong><strong>de</strong>s</strong> extrasystolies. Je me <strong>de</strong>mandais si je pourraisrefaire les sports que je faisais, <strong>la</strong> pêche sousmarine,<strong>la</strong> montagne, tout ça. Donc, là, c’est ça quia pris le <strong>de</strong>vant, mais c’est pas le truc <strong>de</strong> <strong>la</strong>clientèle, du cabinet.- Vous saviez que c’était géré avec le remp<strong>la</strong>çant.- J’avais un remp<strong>la</strong>çant, je savais qu’en rentrant, jeretravaillerais sans problème.- Donc, ça, c’était un confort psychologiqueimportant, aussi.- Oui. Et puis pour l’histoire lombaire, pour l’histoirelombaire, j’avais un peu peur avec ce canallombaire d’avoir <strong><strong>de</strong>s</strong> lésions neurologiques, unsyndrome <strong>de</strong> <strong>la</strong> queue <strong>de</strong> cheval ou <strong><strong>de</strong>s</strong> conneriescomme ça. J’étais quand même… Là, quand il m’adit « Oui, il faut opérer », j’ai dit « Demain ». Là,donc, sa première date opératoire : je crois que j’aifait <strong>la</strong> myélo le 8 et puis j’ai été opéré le 20 ouquelque chose comme ça. Ça a été très trèsrapi<strong>de</strong>.- Et l’hospitalisation, en neurochirurgie, elle a étélongue ?- Je suis resté six jours.- Re<strong>la</strong>tivement brève. D’accord.- Par contre pour le cœur, je suis resté un moishospitalisé.- Ah oui ?- Parce qu’au début, ils m’ont envoyé d’ici, d’Y. Ilsm’ont envoyé à Lyon avec le diagnostic d’angorpar spasme, et à Lyon, ils ont un peu tout repris etils se sont mis dans <strong>la</strong> tête que c’était peut-êtreune péricardite. Alors là, ça a commencé à êtrebien stressant effectivement. Parce que,péricardite, le patron venait m’ausculter tous lesjours pour voir s’il apparaissait un frottement, doncj’étais sur le gril tous les jours. Donc au bout <strong>de</strong> 8jours, j’ai fait <strong><strong>de</strong>s</strong> crises <strong>de</strong> panique. Donc là,après, on a dit « On va faire une coronaro » . Voilà,tout s’est enchaîné. C’était mal parti dès ledépart (rire) : <strong>la</strong> coronaro a foiré, il n’y avait pas <strong>de</strong>p<strong>la</strong>ce en réanimation, donc ils m’ont mis dans <strong>la</strong>chapelle. C’était à Z… Pas Z, celui qui est à côté, àLyon ?- A U?- Non.- Il y a Z’ et Z qui sont à côté.- Z’. Il n’y avait plus <strong>de</strong> p<strong>la</strong>ce en réa, ils m’ont misdans <strong>la</strong> chapelle. Et puis pour appeler, j’avais <strong>la</strong>


- 183 -sonnette du sacristain. Enfin, ça va<strong>la</strong>it son jus… Puisaprès j’étais en réa. Donc à un moment donné,j’avais… Ça vous intéresse, tous ces tucs-là ?- Oui.- J’avais une veinite sur le truc, <strong>la</strong> perfusion, donc leréanimateur, qui louchait, d’ailleurs, me dit « Ça faitrien, on va poser une sous-c<strong>la</strong>vière ». J’ai dit « Stop !On me fait une coronaro, je fais un infarctus, je veuxpas une sous-c<strong>la</strong>vière et un pneumothorax ! Onarrête les frais ! Vous vous débrouillez avec ça ! Tantpis si j’ai mal pendant que vous faites les injections !». Donc, voilà, c’était un peu… C’est vrai que c’étaitun peu préoccupant quand même, sur le p<strong>la</strong>npsychologique, l’hospitalisation. Après, il y a eul’infarctus, donc j’ai été hospitalisé un mois.- D’accord. Donc, à plusieurs reprises, il y a eu <strong><strong>de</strong>s</strong>hospitalisations re<strong>la</strong>tivement longues. Quel ma<strong>la</strong><strong>de</strong>vous étiez quand vous étiez hospitalisé ? Parce que,quand même, entre votre activité qui esteffectivement très importante au cabinet, à <strong>la</strong> SNCF,vous vous retrouviez dans un lit. Alors, c’est vrai que<strong>la</strong> pathologie cardiologique, on se <strong>la</strong>isse prendre encharge, parce que vous me disiez que vous étiez trèsinquiet. Mais est-ce qu’il y a eu <strong><strong>de</strong>s</strong> choses qui vousont marqué, est-ce que le fait <strong>de</strong> <strong>de</strong>venir patient, lefait <strong>de</strong> passer <strong>de</strong> l’autre côté <strong>de</strong> <strong>la</strong> barrière ? Alorsquand même c’est important, parce que vous medites que vous étiez à <strong>la</strong> chapelle, vous aviez justeune cloche qui tintait, vous étiez un petit peu <strong>la</strong>issé<strong>de</strong> côté à ce moment-là.- Ben, je sais pas, là…- La perte d’autonomie, <strong>la</strong> colère…- Je me suis transformé en ma<strong>la</strong><strong>de</strong> obéissant, je veuxdire. J’ai pas essayé d’influer sur… enfin, il mesemble que j’ai pas essayé d’influer sur lefonctionnement <strong><strong>de</strong>s</strong> mé<strong>de</strong>cins du service, ou autres.- Oui, effectivement.- J’ai pas <strong>de</strong>mandé à partir plus tôt que prévu, ou àfaire ci ou à faire ça, ou aller faire tel examen. Je mesuis un peu <strong>la</strong>issé faire, quoi.- Effectivement, dans ce que vous dites, on sent bienque vous étiez très compliant, mais au niveau <strong><strong>de</strong>s</strong>émotions, du ressenti, il n’y avait pas <strong>de</strong> <strong>la</strong> colère, jesais pas, <strong>de</strong> se dire « Mais mince… ». Cette sousc<strong>la</strong>vière,effectivement, s’il y a un risque. Découvrir lemon<strong>de</strong> hospitalier d’une autre façon...- Non, j’ai pas eu <strong>de</strong> colère.- Pas particulièrement.- Quelle a été <strong>la</strong> réaction <strong>de</strong> votre entourage : vosassociés, votre famille ? Est-ce qu’il y a une réactionparticulière à <strong>la</strong>quelle vous ne vous attendiezpas face à ces différentes hospitalisations,notamment l’aggravation avec les lombalgies, lesparesthésies, puis <strong>la</strong> neurochirurgie ?- Disons que j’ai pas tellement parlé <strong>de</strong> mes problèmes<strong>de</strong> santé aux associés.- Ils n’étaient pas au courant ?- Et puis l’histoire du coeur, c’est arrivé comme uncoup <strong>de</strong> fusil. Voilà. Quand j’ai eu très mal dans <strong>la</strong>nuit, j’ai appelé mon associé parce qu’il travail<strong>la</strong>it àtemps partiel à l’hôpital, donc il est <strong><strong>de</strong>s</strong>cendu puis ilm’a rejoint aux urgences. Puis après, il a <strong>la</strong>issé faireles réanimateurs. Et donc, lui, il était au courant endirect. Puis quand j’ai eu les problèmes lombaires, jeme suis débrouillé un peu tout seul. Puis quand j’ai suque j’al<strong>la</strong>is être opéré, j’ai dit à mon associé « Voilà,je vais être opéré, il y aura une remp<strong>la</strong>çante ». Il n’estpas tellement intervenu dans l’histoire.- D’accord.- Réaction <strong>de</strong> ma femme : elle a été très inquiète dansl’histoire cardiaque, d’autant plus qu’elle étaitenceinte à ce moment-là, donc ça a été un peudifficile pour elle, c’est sûr.- Et vos patients, comment on leur a annoncé votreproblème ?- Ben, là, quand j’ai eu le problème cardiaque, onleur a dit « Il est hospitalisé, puis voilà, il reprendraquand il pourra ». Les gens ont été sympas : ils ontattendu, ils ont vu le remp<strong>la</strong>çant.- Ils vous en ont reparlé, après ?- Après, oui, oui. Oh, il y en a un ou <strong>de</strong>ux qui se sontmé<strong>la</strong>ngé les pinceaux en disant « Je viens voir lesuccesseur du docteur K » parce qu’il y en a <strong>de</strong>uxou trois qui m’avaient enterré. Mais enfin, c’est unpeu normal. Mais non, il n’y a pas eu <strong>de</strong> chosesbien anormales, quoi.- D’accord. Et pour votre opération, en 2004 ?- Ben, ils savaient que j’avais un peu mal au dos,donc… Bon, c’est vrai qu’il y a eu <strong><strong>de</strong>s</strong> patients quisont partis ailleurs, mais, bon, c’est <strong>la</strong> vie, ça m’apas plus contrarié que ça.- D’accord. Ça n’a pas été compliqué, pour vous, <strong>de</strong>dire aux patients que vous étiez ma<strong>la</strong><strong>de</strong> ?- Non.- Ou d’avoir <strong><strong>de</strong>s</strong> retours sur le regard justement,d’un mé<strong>de</strong>cin qui est ma<strong>la</strong><strong>de</strong>.- J’ai essayé <strong>de</strong> pas trop en parler, parce qu’après, àchaque fois que les gens viennent « Et votre dos,ça va mieux ? ». Au bout d’un moment…- On s’en sort plus.- Voilà, ça nous gonfle un peu ! Mais non.- Est-ce que vous pensez que… Alors il y a eu cetépiso<strong>de</strong> <strong>de</strong> lombalgies, parce que c’est vrai, onparle plus particulièrement <strong>de</strong> ça, mais aussi cesdifférents événements dans <strong>la</strong> prise en charge <strong>de</strong>votre santé, est-ce que ça a changé votre façon <strong>de</strong>travailler, votre pratique ?- Oui (rire) ! Dans le sens où quand les gens disentqu’ils ont mal, on a plus tendance à les croireaprès. Parce c’est vrai qu’il y a <strong><strong>de</strong>s</strong> fois ils disentqu’ils ont mal ou qu’ils ont ça, et on trouve rien eton se dit « Bon, peut-être qu’il se fait <strong><strong>de</strong>s</strong> idées ? ».Et ça c’est un raisonnement que, quand vous êtespassé par là, vous abandonnez un peu, ça c’estsûr.- Donc, <strong>la</strong> prise en charge <strong>de</strong> <strong>la</strong> douleur, ça, ça avraiment changé votre regard ?- Oui, oui. Et puis d’aller plus loin aussi dans <strong>la</strong>recherche du diagnostic, quoi.- Est-ce que plus spécifiquement, que ce soit enrhumato, autour <strong><strong>de</strong>s</strong> lombalgies et <strong><strong>de</strong>s</strong> déficits, ouen cardiologie, vous avez l’impression que vousvous intéressez un petit peu plus à ce type <strong><strong>de</strong>s</strong>ymptôme ?- Oui, c’est sûr. Oui.- Vous êtes plus attentif, il y a une acuité qui estdifférente ?- Oui, tout à fait. Oui.- Votre rythme <strong>de</strong> travail, vous me l’aviez bien décrit,il avait été changé surtout par l’événement en 81.- Oui, mais finalement, j’ai travaillé encore plusaprès qu’avant. Oui.- C’est un petit peu l’impression que ça donne, oui.- Pendant quand même assez longtemps, donc,j’attaquais à 8 heures à <strong>la</strong> SNCF, je finissais lecabinet ici. J’enchaînais, je finissais le cabinet à 7heures 7 heures et <strong>de</strong>mie. Je rentrais manger et jefaisais <strong><strong>de</strong>s</strong> rapports d’expertise <strong>de</strong> 9 heures à 11heures du soir. Donc je faisais <strong><strong>de</strong>s</strong> journées <strong>de</strong> 8heures du matin à 11 heures du soir, avec uneheure à midi, d’arrêt, une heure le soir, d’arrêt.Donc ça faisait <strong><strong>de</strong>s</strong> grosses, grosses journées.Maintenant que j’ai vieilli, je peux plus travailler lesoir, donc je travaille <strong><strong>de</strong>s</strong> fois le matin. Cettesemaine… La semaine <strong>de</strong>rnière, ça m’est arrivé <strong>de</strong>me lever à 5 heures et <strong>de</strong>mie, 6 heures du matinpour dicter <strong><strong>de</strong>s</strong> rapports d’expertise, avantd’attaquer à 8 heures.- Ça prend quelle part <strong>de</strong> votre activité, cetteexpertise ?


- 184 -- Ah, ben, ça fait bien un quart, facilement un quart <strong>de</strong>mon activité.- Ah oui, quand même ! D’accord.- C’est à dire que maintenant, il y a moins d’expertisesjudiciaires parce qu’il y a moins d’acci<strong>de</strong>nts qui vonten correctionnelle, parce qu’il y a moins d’alcool, il y amoins <strong>de</strong> vitesse. Donc ça diminue un petit peu.Mais, bon, il y a beaucoup aussi d’expertisesadministratives pour <strong>la</strong> DDASS.- Et c’est <strong><strong>de</strong>s</strong> gens que vous recevez toujours aucabinet ?- Oui, oui.- Vous ne vous dép<strong>la</strong>cez pas ?- Non, il y a très peu <strong>de</strong> dép<strong>la</strong>cements.- D’accord. Est-ce que vous prenez en charge, vousmême,d’autres mé<strong>de</strong>cins, en tant que mé<strong>de</strong>cintraitant ? Des généralistes ou <strong><strong>de</strong>s</strong> spécialistes ?- Oui, j’en ai quelques uns, oui.- Vous trouvez que c’est difficile <strong>de</strong> prendre <strong><strong>de</strong>s</strong>mé<strong>de</strong>cins en charge ?- C’est assez difficile, oui. Très difficile.- Vous pouvez me dire un peu pourquoi ?- Ben notamment, j’en ai un qui est mé<strong>de</strong>cin, qui est à<strong>la</strong> retraite, et je sais pas pourquoi il vient me voir,enfin peut-être surtout pour <strong><strong>de</strong>s</strong> problèmesadministratifs, ou peut-être pour discuter un peu.Mais il n’en fait qu’à sa tête sur le traitement.- Ah, oui, il ne suit pas vos conseils ?- Non. C’est assez… En plus, c’est un gars qui était unami, aussi, donc, ça complique beaucoup, beaucouples choses.- Et il continue à se prescrire lui-même certaineschoses ?- Oui. Surtout à ne pas prendre ce qu’on lui prescrit.Ou à <strong><strong>de</strong>s</strong> doses homéopathiques, enfin, à s’inventer<strong><strong>de</strong>s</strong> effets secondaires, enfin…- Et vous arrivez à en discuter, <strong>de</strong> tout ça, avec lui ?De reprendre les choses, …- C’est difficile, c’est difficile. Parce que déjà, <strong>la</strong>consultation est très longue, donc il m’a à l’usure, enfait ! (rires).- D’accord, et vous me disiez qu’il y en avaitéventuellement d’autres ?- De mé<strong>de</strong>cin traitant déc<strong>la</strong>ré d’autres mé<strong>de</strong>cins, nonje ne crois pas qu’il y en ait d’autres, mais j’ai eudonné <strong><strong>de</strong>s</strong> conseils ou <strong><strong>de</strong>s</strong> consultations. Ah, si, j’aiune autre dame qui est mé<strong>de</strong>cin aussi.- D’accord.- De façon générale, comment… Si vous <strong>de</strong>viezcomparer <strong>la</strong> prise en charge <strong>la</strong> santé <strong>de</strong> vos patients,comme vous faites, et comparer <strong>la</strong> prise en charge <strong>de</strong>votre santé à vous, qu’est-ce que vous diriez ?- Oh, je vois pas une grosse différence, finalement.- D’accord. Assez proche.- Sauf que c’est pour nous, ce qui est, c’est le manque<strong>de</strong> temps pour pouvoir faire <strong>de</strong> l’activité physique.- Oui, <strong>de</strong> <strong>la</strong> prévention. C’est difficile, ça. D’accord.- C’est pas tellement… On parle toujours <strong>de</strong> manque<strong>de</strong> temps, mais en fait, c’est surtout je crois unmanque d’énergie, en réalité. Notre profession nousprend toute notre énergie, donc, on n’a plus <strong>la</strong>volonté pour faire mettre à jour les vaccins,personnellement, pour refaire une prise <strong>de</strong> sang, pourfaire <strong>de</strong> <strong>la</strong> rééducation lombaire, tout ça. On n’a plusd’énergie.- Tout ce qui est effectivement prévention, dépistage,on a tendance à mettre un peu <strong>de</strong> côté ?- Oui, on se dit « J’y ferai plus tard ».- Jusqu’à ce qu’il y ait un problème aigu ?- Dans notre région, on dit « J’y ferai plus tard »,ailleurs on dit « Je le ferai plus tard ».- L’idée est <strong>la</strong> même, effectivement. Vous avezl’impression qu’en fait, on attend un peu le problèmeaigu ?- Voilà, c’est ça, ça c’est sûr.- D’accord. On arrive au terme <strong>de</strong> l’entretien, là.J’avais une autre question toute simple : je vou<strong>la</strong>issavoir pourquoi vous avez accepté <strong>de</strong> répondre àmon étu<strong>de</strong>. Qu’est-ce qui vous avait intéressé dansce travail ?- Pourquoi j’ai accepté ? Ben, je sais pas, je trouvaisque c’était sympathique, et que c’est pas <strong>la</strong> peine<strong>de</strong> mettre les bâtons dans les roues dans <strong><strong>de</strong>s</strong>jeunes qui passent leur thèse, quoi. Surtout.- D’accord.- Et puis c’est vrai qu’à ce moment-là, j’avais uneinterne, donc c’était bien, aussi, d’aller tous dans lemême sens.- Donc, votre rôle d’enseignant vous a rapproché <strong>de</strong>ce genre d’intérêt, <strong>la</strong> thèse. D’accord. Juste pourl’étu<strong>de</strong>, j’ai besoin <strong>de</strong> votre âge. Mais d’après ceque j’ai compris, vous aviez 54 ans en 2004, c’estça ?- Oui, j’ai 58 ans, je vais avoir 58 ans.- C’est ça. Voilà, c’était juste pour mes statistiques.En tout cas je vous remercie beaucoup <strong>de</strong> m’avoirreçue pour cet entretien, et <strong>de</strong> m’avoir accordé <strong>de</strong>votre temps.- J’espère que vous pourrez en tirer quelque chose.Entretien avec le Docteur L,réalisé à son cabinet le 2 juillet 2008- Je viens <strong>de</strong> finir mon internat <strong>de</strong> mé<strong>de</strong>cinegénérale et je réalise une étu<strong>de</strong> sur le suivi <strong><strong>de</strong>s</strong>mé<strong>de</strong>cins généralistes qui sont <strong>de</strong>venus euxmêmesma<strong>la</strong><strong><strong>de</strong>s</strong>, et donc patients, dans leur vie.Donc, cette étu<strong>de</strong> s’inscrit dans mon travail <strong>de</strong>recherche pour <strong>la</strong> réalisation <strong>de</strong> ma thèse. Je vousremercie beaucoup d’accepter <strong>de</strong> me parler d’unsujet qui est aussi personnel que celui <strong>de</strong> votresanté. Dans un premier temps, j’aimerais bien quevous me parliez <strong>de</strong> vous, un petit peu, en tant quemé<strong>de</strong>cin, pour me présenter votre exercice.- Donc, mé<strong>de</strong>cin <strong>de</strong>puis 31 ans, associé avec <strong>de</strong>uxconfrères. Voilà, on est en société civileprofessionnelle. On fait <strong>de</strong> <strong>la</strong> mé<strong>de</strong>cine généralec<strong>la</strong>ssique. Ça suffit, c’est assez fort ?- Oui, oui, ne vous inquiétez pas !- Mé<strong>de</strong>cine générale c<strong>la</strong>ssique.- Et vous êtes associé <strong>de</strong>puis combien <strong>de</strong> temps ?- Trente ans.- D’accord. Dès le départ, vous aviez <strong>de</strong>uxassociés ?- On était <strong>de</strong>ux, <strong>de</strong>puis 31 ans, on était <strong>de</strong>ux, on acommencé à <strong>de</strong>ux, et après notre internat enpériphérie, à Montpellier, et puis après un autreassocié est venu, mais enfin on est quasimentassociés <strong>de</strong>puis 30 ans, puisqu’il est venu un an et<strong>de</strong>mi après.- Rapi<strong>de</strong>ment, d’accord. Et avant ?- Avant, j’étais interne à Béziers.- D’accord.- Il y avait l’internat à huit ans, du temps où il y avaitl’internat périphérique. Bref, ça a été… Je me suisinstallé à 29 ans et comme j’en ai 60, vous pouvezfaire le calcul : 31.- Et, entre cette pério<strong>de</strong> d’internat et l’instal<strong>la</strong>tion,est-ce qu’il y a eu une autre activité ?- Entre l’internat et l’instal<strong>la</strong>tion, non, il y a euquelques remp<strong>la</strong>cements, mais « Alimentaires,mon cher Watson ! ». C’est tout. Non, non.- Ça a été bref, comme pério<strong>de</strong>.- Ça a été tellement bref que je crois que lepremier…, le 17 juillet 77 j’étais là. Il y avait leweek-end du 14 et le 13 juillet, j’étais toujoursinterne à Béziers.


- 185 -- D’accord.- C’était bref <strong>de</strong> bref.- Et vous êtes maître <strong>de</strong> stage <strong>de</strong>puis combien <strong>de</strong>temps ?- Holà ! Ça fait… On en est à notre 21 ème stagiaire enstage et en SASPAS et avant, on faisait, vous avezpeut-être pas connu ça, les stages <strong>de</strong>ux fois parsemaine : ils venaient chez nous <strong>de</strong>ux fois parsemaine. Et ça, on a fait bien cinq-six ans. Donc, çafait 15 ans.- D’accord. Une quinzaine d’années.- Les stages comme ça, heu, enfin les stages où ilsrestent cinq jours par semaine et maintenant lesSASPAS. Voilà.- D’accord. Vous avez suivi toute l’évolution.- Oui.- D’accord. On va parler <strong>de</strong> vous maintenant plutôt entant que patient.- Oui, tout à fait.- Est-ce que vous pourriez me présenter brièvementles antécé<strong>de</strong>nts qui ont pu vous embêter dans votrevie.- Au niveau médical ?- Oui, au niveau médical.- Ben, j’ai eu <strong><strong>de</strong>s</strong> problèmes urologiques. D’ailleurs,vous le savez puisque je vous avais dit que c’était …- Oui, c’est <strong>la</strong> pathologie qu’on a choisie pour en parlerun peu plus.- Ben, j’ai eu, c’était en… Il y a 15 ans. Donc, j’ai pissédu sang, enfin bon, bref. Donc en tant que mé<strong>de</strong>cin,je me suis fait peur. En fait, j’avais un adénomeprostatique qui traînait <strong>de</strong>puis longtemps. C’est vraique je pissais pas bien et en fait, j’ai fait unecongestion prostatique. Le problème s’est compliquéparce que, comme j’avais <strong>la</strong>issé traîné, j’avais <strong><strong>de</strong>s</strong>diverticules vésicaux…- D’accord.- … qui ont pu saigner, je pense a posteriori. Et donc,j’ai été opéré un petit peu rapi<strong>de</strong>ment.- C’était il y a une quinzaine d’année, vous me dites ?- J’avais 45 ans, oui.- On y reviendra peut-être <strong>de</strong> façon plus précise, si çavous ne vous embête pas.- Comme vous voulez, c’est vous qui conduisezl’entretien.- Mais c’est comme vous voulez. Si vous préférezqu’on parle <strong>de</strong> ça maintenant.- Non, allez-y.- Je ne sais pas s’il y a eu d’autres problèmes <strong><strong>de</strong>s</strong>anté, est-ce qu’il y a eu d’autres antécé<strong>de</strong>nts ?- C’est les problèmes majeurs, hein, parce qu’après il ya eu <strong><strong>de</strong>s</strong> complications, voilà. Des problèmes <strong><strong>de</strong>s</strong>anté quand j’étais installé ? Non là je me suis arrêtéun mois, non il n’y a pas eu d’autres, bon, il y a eu<strong><strong>de</strong>s</strong> bricoles, hein ? Moi, je vou<strong>la</strong>is surtout parler <strong>de</strong>ça, d’ailleurs je vous l’ai dit, c’est logique.- C’est ce qu’on va faire. Bien sûr.- Non, on peut parler <strong>de</strong> l’aspect médical, techniqueÇa, ça ne vous intéresse pas beaucoup. Et pendantcinq-six ans, vous avez dû apprendre ça. Non maisce qui m’intéressait <strong>de</strong> vous dire, c’est le vécu dumé<strong>de</strong>cin.- Oui, bien sûr, on va en parler.- Le vécu psychologique, oui, d’accord. Voilà. Je saispas… Vous voulez continuer comment ?- Non, mais..- Si vous voulez, on peut partir dans tous les sens.Mais bon, peut-être que vous voulez menerl’entretien ?- Je vou<strong>la</strong>is juste vous poser <strong>de</strong>ux ou trois petitesquestions avant qu’on abor<strong>de</strong> effectivement <strong>la</strong>pathologie urologique.- Allez-y, allez-y.- Voilà, je vou<strong>la</strong>is savoir si actuellement vous aviez untraitement actuel.- Ah, non, non. Là, je suis guéri. Oui, enfin.- Et d’une manière générale, vous n’avez pas unautre traitement ?- Actuellement ? Non.- D’accord. Et toujours <strong>de</strong> façon générale, parcequ’après on va parler <strong>de</strong> tout ça, comment est-ceque vous prenez en charge votre santé ? Est-ceque vous avez vous-même, par exemple, unmé<strong>de</strong>cin traitant ?- C’est moi.- C’est vous-même, d’accord.- Non, en fait, bon, c’est vrai, pour en revenir à <strong>la</strong>pathologie, on est quand même, moi je pensequ’on est très mauvais mé<strong>de</strong>cin pour soi-même.Parce qu’on sait <strong><strong>de</strong>s</strong> choses, évi<strong>de</strong>mment,médicales, et puis on pense au plus grave, parceque c’est tellement simple <strong>de</strong> penser autre chose.Et c’est vrai que moi j’ai vécu donc, cettepathologie urologique, certainement d’un point <strong>de</strong>vue urologique, mais aussi dans ma tête.- Bien sûr.- Et je me faisais un stress pas possible. C’est vraique je me voyais perdu, quoi, bon. J’étais sûrd’avoir un cancer <strong>de</strong> vessie, un cancer du rein,enfin bon bref. J’ai vécu très très mal cette …- Est-ce que vous pouvez me racontez votreparcours <strong>de</strong> ma<strong>la</strong><strong>de</strong>, justement, pour cettehistoire ? Comment ça s’est passé ?- Bon, j’ai pissé du sang après un jogging, puisqueque je fais quand même du sport. Donc, panique àbord ! J’ai vu un urologue <strong>de</strong> l’hôpital, le DocteurW, qui m’a dit « Ben, on va te faire <strong><strong>de</strong>s</strong> examens ».Bon, il m’a fait faire un PSA, tout ça, et bon,effectivement, les résultats, l’attente <strong><strong>de</strong>s</strong> résultatsest terrible parce que…- Ce moment était très difficile.- C’est là qu’on se rend compte quand on est <strong>de</strong>l’autre côté <strong>de</strong> <strong>la</strong> barrière. C’est vrai. Bon,actuellement, je fais diversion. Actuellement, il y aune gran<strong>de</strong> campagne sur les hémocult. Il y a <strong><strong>de</strong>s</strong>gens qui disent « Mais moi, je veux pas attendreça ». Alors je leur dis « C’est simplement… Oncherche du sang, c’est tout. S’il y a du sang, c’estpas forcément grave, il faut pas… Voilà. ». Maisbon, je reconnais que l’attente <strong><strong>de</strong>s</strong> résultatsbiologiques est quand même difficile. Donc, Dr W,il m’a fait faire, bon, ce qui est c<strong>la</strong>ssique,une urographie intra veineuse, une écho, PSA, toutça. Ça a montré, je passe sur les détailstechniques, ça a montré que j’avais <strong><strong>de</strong>s</strong>diverticules, qu’il fal<strong>la</strong>it les opérer, voilà. Mais c’estvrai que c’était quand même… Et puis, il y a eu…Comme c’était pas une urgence, hein, bon… Il y aeu, comme je vou<strong>la</strong>is pas perturber <strong>la</strong> marche ducabinet, ça aussi, c’est… Donc, il a fallu choisir unmoment où ça emmer<strong>de</strong> le moins. C’est pas uneurgence à <strong>la</strong> secon<strong>de</strong>, quoi ! Le len<strong>de</strong>main, c’estpas une péritonite, quoi ! Donc il a fallu qu’ons’organise. Mais entre le moment, oui, le vécuentre le moment où le diagnostic était fait etl’intervention… Qui me stressent aussi, lesinterventions ! Moi j’ai été quand même opéré dixfois, déjà. Pour autre chose, hein, mais j’étais pasmé<strong>de</strong>cin. Donc ça me stresse. Bon, voilà, j’ai euune pério<strong>de</strong> difficile, dans ma tête.- Et donc au moment où il avait du sang dans lesurines, avant <strong>de</strong> voir l’urologue, est-ce qu’il y a eu<strong><strong>de</strong>s</strong> examens que vous avez réalisés ? Est-ce quevous vous étiez prescrit une CBU ?- Non, je ne me suis rien prescrit. Non, non, enfinnon. Je peux vous dire : j’ai pissé du sang c’étaitun samedi, c’était pas chez moi. C’était à X,d’ailleurs, là où habite mon père. Après un jogging.Après du ski et un jogging. Et le lundi jetéléphonais à Dr W.- Voilà.


- 186 -- Non, il n’y avait pas une analyse sérieuse du mé<strong>de</strong>cinpar rapport à… C’est vrai, ce que vous dites.Normalement, j’aurais été un client, « Pas <strong>de</strong>panique, on fait un cytobac, on va voir ! ». Non, là, jeme suis retrouvé chez Dr W, l’urologue <strong>de</strong> L, là,l’après-midi du lundi, quoi.- Voilà, votre première démarche, ça a été <strong>de</strong> faireappel à un confrère, voilà.- Justement, j’étais perdu, j’étais pas...- Parce que tout à l’heure, vous me disiez que c’étaitvous-même, votre propre mé<strong>de</strong>cin traitant. Vousn’êtes pas déc<strong>la</strong>ré en tant que tel. Si ? Vous êtesdéc<strong>la</strong>ré en tant que tel ?- Ben, si, c’est obligatoire, je sais pas si vous savez,mais…- Oui, oui, mais justement. Vous avez renvoyé lepapier en disant que c’était vous. D’accord.- Ben, à l’époque… On va pas parler <strong><strong>de</strong>s</strong> réformesmultiples et variées <strong>de</strong> <strong>la</strong> sécu… A l’époque, il fal<strong>la</strong>it àtout prix en nommer un. J’aurais pu nommer un <strong>de</strong>mes collègues, c’est vrai, mais bon…- Et vous y aviez réfléchi, à donner le nom <strong>de</strong>quelqu’un d’autre, à aller voir un confrère généralistepour s’occuper <strong>de</strong> votre santé ?- Il se trouve que moi, je suis associé. Donc, c’est vraique mes collègues, quand même, quand on a <strong><strong>de</strong>s</strong>soucis <strong>de</strong> santé, on en parle entre nous.- Vous en discutez.- Sans être forcément… Oh, si, ça m’est arrivé, je peuxvous dire… Parce qu’après, il y a eu <strong><strong>de</strong>s</strong> suites.- Oui.- Ça m’est arrivé, par exemple, <strong>de</strong> me faire faireun toucher rectal par un <strong>de</strong> mes collègues. On estassociés, quand même, bon, on est <strong><strong>de</strong>s</strong> copains.Mais si on peut pas, quand on est ma<strong>la</strong><strong>de</strong>, faireappel, c’est pas <strong>la</strong> peine, quoi, je veux dire !- On reste un mé<strong>de</strong>cin.- Ça, c’est arrivé, je veux dire.- D’accord.- Mais pas officiel.- D’accord. (L’enquêtrice cherche un crayon)- Vous voulez un stylo ?- Non, non, non, j’ai. Merci, c’est gentil. Donc, vousfaites appel à ce confrère, donc, à ce spécialisteurologue. C’est lui qui a prescrit les différentsexamens ?- C’est lui qui a prescrit. C’est lui qui m’a dit « Allez, tume fais chier ! ». Il me parle un peu comme ça. « T’asrien, je suis sûr que c’est pas grave ce que tu as ! ».Bon, voilà, bon, bref. Toujours est-il que voilà, il afallu… Ben, oui, parce que, un mé<strong>de</strong>cin, moi jefonctionnais… Je vous dis, il y a 15 ans. Il y a 30 ansque je suis installé, ça fait 15 ans. C’est vrai quependant 15 ans, bon, il fal<strong>la</strong>it être au boulot, quoi, iln’y avait pas <strong>de</strong> répit. Moi, ça m’est arrivé <strong>de</strong> travailleravec 40° <strong>de</strong> fièvre. Quand tu as <strong>la</strong> grippe… et puis çapasse. Et là, brutalement, il a fallu dire « T’es quandmême ma<strong>la</strong><strong>de</strong>, tu vas t’arrêter, on va t’opérer, tu vasêtre feinté pendant un mois ». Il y a un vécu difficile,quoi. Sociologiquement, presque.- Bien sûr.- C’est vrai que c’est ça qui est intéressant.- Oui. Alors, ces examens qui ont été réalisés audébut…- Ils ont été programmés par l’urologue, que j’ai faitscomme un petit chien-chien qui obéit, quoi.- Ils ont été faits en milieu hospitalier ?- Non, j’ai fait d’abord une écho, non, c’était chez unradiologue privé.- D’accord.- Qui m’a découvert <strong><strong>de</strong>s</strong> diverticules importants qu’il afallu opérer aussi. Là, ça s’est fait.- Et il y a eu quel dé<strong>la</strong>i alors, entre l’obtention <strong>de</strong> cesexamens, les résultats et le moment où vous avezrevu l’urologue et où on a décidé d’une intervention ?- A peu près un mois.- D’accord. Donc, l’attente <strong><strong>de</strong>s</strong> résultats qui étaitdifficile, c’est cette attente-là ou vous parliez <strong><strong>de</strong>s</strong>résultats biologiques ?- C’est… Non. Le pire, c’était juste après, quoi, <strong>la</strong>découverte du symptôme, sans… Voilà, en meremémorant, en relisant les cancers du rein, lesquestions d’internat…- Vous étiez tout seul, enfin, ce week-end là, vousétiez tout seul avec cette hématurie ?- J’étais avec ma femme à qui j’en avais d’ailleurspas parlé, je crois. Effectivement, j’étais bien seul,oui.- Il y avait ce sentiment <strong>de</strong> solitu<strong>de</strong>.- Tout à fait. De panique, quoi. J’aurais été plombier« Bon, t’as du sang, t’as du sang ! », comme onsaigne du nez. C’est pareil, c’est le même effet.Sauf que quand on est mé<strong>de</strong>cin on sait que c’estjamais anodin, l’hématurie chez un homme.- Donc, vous avez pensé…- C’est pas anodin.- A quelque chose <strong>de</strong> plus grave, voilà, c’est ça. Demanière générale, justement, avant ce problèmelà,quel patient vous étiez ? Vous avez plutôttendance, effectivement, quand il vous arrivequelque chose à penser au plus grave en premier?- Moi, oui.- C’est souvent comme ça que vous fonctionnez.D’accord.- Exact.- Et donc, après, racontez-moi comment ça s’estpassé avec l’urologue, pour les interventions.- J’ai été opéré. J’en ai un peu bavé parce que <strong>la</strong>douleur, le réveil était dur. J’avais vachement ma<strong>la</strong>u ventre, bon, bref. Donc…- Ça, c’est notamment pour les diverticules ?- Il m’a fait les <strong>de</strong>ux dans le même temps.Seulement, je vous ai pas tout dit… Seulement jesuis sorti <strong>de</strong> l’hôpital, ça al<strong>la</strong>it bien, et j’arrivais pasbien à pisser. Et en fait, il m’a refait <strong><strong>de</strong>s</strong>cystoscopies.- Oui.- Bonjour les dégâts ! Et là, j’ai en fait, fait unrétrécissement urétral. Ça arrive une fois sur 100ou <strong>de</strong>ux fois sur 100. Il m’a dit « T’as pas <strong>de</strong> pot, ilfaut que je te réopère ! ». Donc, un petit coup <strong>de</strong>revenez-y !- L’hospitalisation, elle avait été longue ?- Le premier coup, une semaine, dix jours, oui.- Quand même.- Quand même, oui.- D’accord. Et c’est à <strong>la</strong> suite <strong>de</strong> ces dix jours quevous avez dû vous arrêter encore trois semaines ?- Oui, parce qu’il m’avait dit « Non, tu vas pasreprendre le boulot ». Parce que j’avais une son<strong>de</strong>,je l’ai gardée quinze jours. Je suis même allé àl’enterrement <strong>de</strong> <strong>la</strong> mère d’un copain avec <strong>la</strong>son<strong>de</strong>, c’était même à Y. Personne ne savait quej’avais une son<strong>de</strong>, bref. Bon, j’al<strong>la</strong>is bien, je veuxdire que j’étais quand même pas vail<strong>la</strong>nt pour dire<strong>de</strong> faire <strong><strong>de</strong>s</strong> consult avec une son<strong>de</strong>, voilà.- Bien sûr. Cet arrêt, vous disiez que ça avait étédifficile. Ça avait été difficile…- L’arrêt <strong>de</strong> travail ?- Oui. Du point <strong>de</strong> vue…- Oui, parce que… enfin, difficile, disons un peu,comment dire, narcissiquement mal vécu. « Ben, tuvois ? Je suis pas au boulot, je suis là comme uncon, je suis chez moi en train <strong>de</strong> lire n’importe quoi.Je suis pas au boulot, je <strong>de</strong>vrais être au boulot ! ».Bon, puis il y a toujours un peu <strong>de</strong> culpabilisation.Parce que, mes collègues, ils ont été gentils, c’estvrai. On peut aussi parler <strong>de</strong> l’association. Ils ont…Ils ont assumé, quoi, <strong>la</strong> charge <strong>de</strong> travail.- Vous n’aviez pas pris <strong>de</strong> remp<strong>la</strong>çant ? Ils se sontrépartis les patients.


- 187 -- Non parce que justement, dans ma tête, j’étais pas…j’étais déconnecté, quoi, du réel.- Pas prêt à vous arrêter.- Pas prêt à m’arrêter, pas prêt à me sentir, voilà. Etles collègues ont serré les cou<strong><strong>de</strong>s</strong>, voilà. C’est pourça que…- Parce que, entre le moment où le diagnostic a étéposé et l’intervention, il y a eu combien <strong>de</strong> temps ?- Il y a eu un mois.- D’accord. Donc, il y avait éventuellement le temps…- Ça, c’était une erreur. Le temps <strong>de</strong> cogiter.- Le temps <strong>de</strong> cogiter…- Et le temps <strong>de</strong> se préparer, ben oui.- Ça veut bien dire que c’était difficile.- Avant, avant… On ferait plus ça maintenant. Avant,on fonctionnait à trois et souvent à <strong>de</strong>ux, pour lesvacances. Voyez, les vacances d’été, on était à <strong>de</strong>ux,les vacances <strong>de</strong> printemps, <strong>de</strong> ski, on était à <strong>de</strong>ux.On assumait. Moi, c’est vrai, avec le recul, je dis quec’est une erreur, parce que j’aurais dû quand mêmeavoir le temps <strong>de</strong>… Mais il y avait une espèce <strong>de</strong>…Enfin, je peux le dire, d’orgueil mal p<strong>la</strong>cé, en disant« Je veux pas que autrui sache ». Mes collègues, çava, mais à <strong>la</strong> limite, j’avais pas envie qu’uneremp<strong>la</strong>çante soit là parce que je suis ma<strong>la</strong><strong>de</strong>. C’estun peu <strong>de</strong> l’orgueil.- C’était particulièrement difficile par rapport à ça,d’accord. Alors, et les cystoscopies, elles se sontfaites combien <strong>de</strong> temps après ?- Il y en a eu trois ou quatre. Bon, après, aussi, il m’afait <strong><strong>de</strong>s</strong> di<strong>la</strong>tations urétrales, avec <strong><strong>de</strong>s</strong> bougies.- Oui.- J’ai dégusté, aussi. Mais c’était pas ça le plus dur.Bon, c’est pas agréable, mais non, le plus dur, c’estdans ma tête. Non, je me sentais diminué, il y avaitune espèce <strong>de</strong>… Oui, il y avait ça. Quand on estma<strong>la</strong><strong>de</strong>, un mé<strong>de</strong>cin qui est ma<strong>la</strong><strong>de</strong>, il prend un coup<strong>de</strong> massue. Je sais pas… enfin je le ressens commetel. Je ne sais pas comment ils font, les autres.Comme un coup <strong>de</strong> massue. Puis on se sentvulnérable, on se sent comme le commun <strong><strong>de</strong>s</strong>mortels. Ça fait du bien, d’un côté, ça humanise unpeu et ça crée <strong>de</strong> <strong>la</strong> mo<strong><strong>de</strong>s</strong>tie.- Ça change le regard qu’on a sur <strong>la</strong> ma<strong>la</strong>die ?- Ça change le regard. Ça change le regard,notamment, on en a parlé tout à l’heure, du stress<strong><strong>de</strong>s</strong> gens qui atten<strong>de</strong>nt leurs résultats comme lemessie… Je sais pas, même <strong>de</strong> <strong>la</strong> douleur, <strong>de</strong> leurvécu, c’est pas anodin.- Bien sûr. Et vous me disiez que vous vous sentiezdiminué. Qu’est-ce qui vous a le plus marqué quandvous étiez dans cette position <strong>de</strong> patient ? Vous meparlez pas beaucoup du moment où vous étiezhospitalisé. C’est peut-être pas ce moment-là quivous a le plus marqué ?- Le moment où j’étais hospitalisé, j’étais pas mal. Bon,il y a eu le réveil douloureux, j’en ai bavé…- La douleur ?- Et puis après, le soir même, j’al<strong>la</strong>is bien mieux, j’étaisdans mon lit, j’étais sécurisé. Ah, oui, parce que tantque j’avais pas été opéré, quand même, on a beaudire, c’est pas du néo, tout ça, bon. Surtout que Dr Wm’avait dit : « Tu sais, <strong><strong>de</strong>s</strong> fois au fond <strong><strong>de</strong>s</strong>diverticules, il y a <strong><strong>de</strong>s</strong> fois <strong><strong>de</strong>s</strong> petits néos qu’on nevoit pas. ». Là, donc, brrrr !...- Donc, vous attendiez l’anapath, aussi ? Il y avaitaussi ce résultat…- J’attendais l’anapath, j’attendais <strong>la</strong> chirurgie, pour voirce qu’il avait trouvé, au fond <strong>de</strong> ma vessie, oui, toutça. Quand le soir, il est passé en chambre « Voilà, j’airien trouvé ». Ben voilà, j’ai été opéré, il y a pas <strong><strong>de</strong>s</strong>oucis ! Bon, il savait pas que une semaine aprèsj’aurais un rétrécissement. Mais enfin…- Oui, ça, c’est une <strong><strong>de</strong>s</strong> complications.- Mais il y avait rien <strong>de</strong> grave. Voilà. Moi je suiscancérophobe.- Oui ?- C’est vrai que, pourtant, il y a d’autres ma<strong>la</strong>diesaussi graves, hein ? Mais bon, c’est comme ça…- C’est à ça que vous pensiez en premier ? Vousvouliez éliminer cette part inquiétante.- Oui. Oui,oui. J’étais sûr d’avoir un néo <strong>de</strong> <strong>la</strong> vessie,du rein, du…. Et après, bon, donc, il m’a opéré,bon, ça al<strong>la</strong>it bien. Donc j’ai fait une convalescencequi était pas trop mal. Bon, je m’emmerdais un peuchez moi, mais encore, j’ai lu <strong><strong>de</strong>s</strong> bouquins. Et puisaprès, j’ai eu cette <strong>de</strong>uxième intervention avec cerétrécissement urétral. Mais là, ça a duré… J’ai étéabsent que trois jours du cabinet. D’ailleurs, jetravaille pas le jeudi, donc, j’avais fait un « pontviaduc» : jeudi-vendredi-samedi. Lundi, j’étais auboulot, avec ma son<strong>de</strong> et tout.- D’accord.- Voilà, mais là, ça m’a pas trop gêné. Par contre,oui, alors.... On continue… Je continue, là, <strong>la</strong>pathologie ?- Oui, je veux bien.- Alors j’ai été opéré <strong>de</strong>ux fois, là, c’est pas fini,hein ! Puis j’ai toujours eu une douleur du basventre. C’est cicatriciel, je pense. Je l’ai plusmaintenant, je vous rassure, qui a duré longtemps.Je me disais, « Ils se sont gourés ! ». Ça al<strong>la</strong>itjusque là. « Je dois avoir une saloperie dans leventre ». Toujours cette angoisse. J’ai fait <strong><strong>de</strong>s</strong>échos, l’échographe Dr X, qui est bon. Il me dit« Ecoute, je te trouve rien. Qu’est-ce que tu veuxque je te dise ? Je peux pas t’inventer <strong><strong>de</strong>s</strong> trucs ! ».Mais moi, j’avais toujours mal.- Et ces échos, c’est vous qui les aviez<strong>de</strong>mandées ?- Je les avais <strong>de</strong>mandées, oui, parce que tout lemon<strong>de</strong> disait que j’avais rien, mais moi, j’avais mal.- Vous ça vous inquiétait ?- Je réveil<strong>la</strong>is ma femme <strong>la</strong> nuit en disant « Je suispas bien ». J’avais même pris <strong><strong>de</strong>s</strong> g<strong>la</strong>çons, pourdire que c’est pas quand même… Des g<strong>la</strong>çons, jedormais avec les g<strong>la</strong>çons. Pour ma femme, c’étaitpas terrible ! Voilà, parce que j’étais pas bien, quoi.J’ai dit « J’ai une saloperie qui s’est développée ».- La prise en charge <strong>de</strong> <strong>la</strong> douleur, comment ça s’estpassé ? On vous a écouté ?- Laquelle ?- Alors, il y a eu <strong>la</strong> douleur en post-chirurgical.- En post-chir, ils m’ont mis <strong><strong>de</strong>s</strong> morphiniques, jepense.- On vous a sou<strong>la</strong>gé.- Et après, ces douleurs, justement, il n’y avait pasd’interlocuteur…- C’est pas une douleur, là. Ce dont je vous parle,c’est une gêne. Je l’avais tout le temps avec moi,c’était une gêne permanente, que je ressentais,que je savais pas si c’était du <strong>la</strong>rd ou du cochon, etencore une fois, dans <strong>la</strong> tête ça <strong>de</strong>vait éponger…Donc, je majorais certainement. Les échos, il yavait rien ! Je suis même allé au truc anti-douleur<strong>de</strong> l’hôpital.- Oui ?- Non, c’est pas tout à fait ça. J’ai fait… Attends, jefinis l’histoire. J’ai fait… non, je suis allé voir, unsamedi après-midi, en catastrophe… Ah, oui ! Jem’étais mis dans l’idée que j’avais un quelquechose <strong>de</strong> digestif.- Oui.- Ben, pourtant, j’ai fait… Quand on est un peuemmerdé, c’est le cas <strong>de</strong> le dire, on a <strong><strong>de</strong>s</strong> sellespas terribles, enfin, il y a…. Dr Y m’a expliqué ça,quand on est stressé, voyez, vous voyez ce que jeveux dire ?- L’adrénaline fait qu’effectivement ça accélère letransit.- On se retrouve avec <strong><strong>de</strong>s</strong> selles pas terribles, ce quipeut être un signe digestif, aussi.


- 188 -- Tout à fait.- Voilà. Donc, un samedi après-midi, j’ai craqué, je suisallé voir le Dr Y, qui est un gastro <strong>de</strong> L, qui est trèssympa, qui m’a pris. Normalement, il ne travaille pasle samedi après-midi, mais il m’a pris. Il m’a dit « Jevous sens inquiet, venez samedi, tant pis, je viendraiau cabinet ! ». Et il m’a examiné, sérieux, hein. Puis ilm’a dit « Moi je vois rien d’extraordinaire, sauf quevous avez une petite hernie ». Donc ça m’arrangeait,d’un côté. En fait, j’avais une petite hernie mineure,vraiment mineure. Il dit « Si ça se trouve, vous avezun petit filet nerveux qui a été coincé à l’intervention,et qui… voilà… Moi, je serais vous, je ferais opérer ».Donc, voilà. Du coup, ça m’a rassuré, d’un côté,parce que quand vous savez ce que vous avez,même si vous avez une gêne, vous savez ce quec’est, ça va mieux tout <strong>de</strong> suite.- Oui, c’est pas <strong>la</strong> même angoisse…- C’est pas grave. Donc, j’ai fait une…. Oui, alors là, jetélescope un peu, c’est il y a 15 ans, là. C’est un peuloin. Donc, j’ai fait une… Je me suis décidé à me faireopérer d’une hernie, justement, j’ai pris sur mesvacances. J’étais en vacances au mois d’août, le1 er août, j’étais opéré et j’ai pris mes vacances. Çaaussi, on peut en parler, parce que les mé<strong>de</strong>cinsma<strong>la</strong><strong><strong>de</strong>s</strong>, ils aiment pas prendre sur leur… Bon, voilà,finalement, je me suis fait opérer <strong>de</strong> <strong>la</strong> hernie. Donc,c’était <strong>la</strong> troisième intervention. Et dans les suites <strong>de</strong><strong>la</strong> hernie, j’ai fait une hydrocèle, c’est rare, mais çaarrive ! Et, on était en vacances à Oléron, je mesouviens. On avait loué <strong><strong>de</strong>s</strong> vélos. Je ne sais pas sivous connaissez Oléron, pour traverser l’île. Eh bien,pourtant je fais pas mal <strong>de</strong> vélo, moi je pouvais pasm’asseoir sur <strong>la</strong> selle.- Ce n’était pas possible.- Des couilles comme ça. Donc, alors, je suis allérevoir Docteur Z. Dr Z, c’est le chirurgien. Il me l’aponctionné, il m’a dit « Ça arrive rarement, mais bon,il faut que ça tombe sur les mé<strong>de</strong>cins ! ». Merci !(sourire) Il me l’a ponctionné il me dit « Si dans huitjours ça revient, ça revient à <strong>la</strong> vitesse grand V, il y apas <strong>de</strong> solution ! ». Donc, huit jours après, j’étais ànouveau chez lui. Il me dit « Ben écoute, c’est plutôtl’urologue qui va faire ça ». J’ai retéléphoné à Dr W,qui m’a réopéré, tout ça…- Et là, il y avait eu combien <strong>de</strong> temps entrel’intervention urologique et puis le moment où vousl’avez revu ?- Gastro ? En quelque sorte, l’intervention <strong>de</strong> hernie ?Deux ans. Deux ans. Donc j’ai eu <strong>de</strong>ux ans <strong>de</strong>douleurs, <strong>de</strong> trucs qui traînaient, enfin, pas bien.- Et l’urologue, il vous suivait à quelle périodicité, à cemoment-là ?- Bon, l’urologue…- Est-ce qu’il vous avait revu ?- Ouais… Il m’a un peu… Enfin, il s’est un peu foutu <strong>de</strong>moi. Enfin, au sens noble… en me disant « Tum’emmer<strong><strong>de</strong>s</strong> avec tes conneries, tu as jamais rien, tuviens me voir pour rien ! » Vous voyez. J’avais pasrien, puisque j’avais quand même une hydrocèle,donc…- Mais a priori, c’était le discours qu’il avait ?- Mais c’était voulu. Je pense qu’il me sentait tellementinquiet, qu’il vou<strong>la</strong>it, qu’il jouait un peu <strong>la</strong> dérision« Qu’est-ce que tu m’emmer<strong><strong>de</strong>s</strong> avec tes trucs ? Jevois <strong><strong>de</strong>s</strong> choses infiniment plus graves ! ». Voilà, jepense que c’est … ça partait…c’était…- Sa façon <strong>de</strong> vous rassurer, peut-être ?- Voilà. Sa façon <strong>de</strong> me rassurer, je pense.- Mais qui ne marchait pas.- Mais qui marchait pas, oui et non. Mais une fois qu’ilm’a eu opéré <strong>de</strong> l’hydrocèle, bon, après, dieu merci, ily a pas eu…- Ça s’est arrêté ?- Oui, voilà. La douleur du bas ventre, elle a fini parpasser. Je pense qu’elle était cicatricielle, voilà.- D’accord. Et il vous a pas suivi pour un suiviprostatique ou pour…- Bon, il m’a dit, « Ecoute, tu fais, tu as plus <strong>de</strong>… ».Bon, à l’époque on disait qu’il fal<strong>la</strong>it faire <strong><strong>de</strong>s</strong> PSA,je sais pas où ça en est maintenant, ça changetous les jours, le PSA au-<strong><strong>de</strong>s</strong>sus <strong>de</strong> 50 ans, c’estvrai que je le fait, bon.- C’est vous qui vous le prescrivez.- Oui, je me le prescris.- Durant toute cette pério<strong>de</strong>, donc vous décrivezbien cette angoisse, mais quel patient vous étiez ?Est-ce que vous étiez un patient qui al<strong>la</strong>it faire <strong><strong>de</strong>s</strong>recherches, sur <strong>la</strong> pathologie, qui posait beaucoup<strong>de</strong> questions, ou est-ce que…- Non, non, j’étais pas… J’étais un mauvais patient.J’étais un mauvais mé<strong>de</strong>cin, et je dirais, unmauvais patient. J’étais un mauvais mé<strong>de</strong>cin,parce que bon, c’est vrai, quand vous dites il faut…quand on fait <strong><strong>de</strong>s</strong> recherches sérieuses sur unepathologie que peut avoir quelqu’un, on essaied’être objectif, voilà.- Oui, mais là, c’est une pathologie à soi.- J’étais pas objectif.- Mais c’est normal.- J’étais un mauvais patient parce que, parce que…Je sais pas ce que c’est un mauvais patient !- Vous étiez plutôt confiant dans <strong>la</strong> prise en chargeou est-ce que vous posiez plein <strong>de</strong> questions ?Ces symptômes, qui vous gênaient, est-ce quevous...- Il y a eu le télescopage <strong>de</strong> pathologies urologiqueset digestives.- Oui.- Donc c’est pour ça. Je me suis dit « Il m’a rientrouvé à <strong>la</strong> vessie, mais qui me dit quemon sigmoï<strong>de</strong> n’est pas bourré <strong>de</strong> néos ? ». Benvoilà !- Il y avait toujours cette idée sous-jacente, qui vousinquiétait ?- Oui, tout à fait.- D’accord. Est-ce que vous pensez que vousréagiriez différemment ?- Non.- Maintenant, si ça se présentait ?- Je pense qu’il se présentera pas <strong>de</strong> problèmeurologique, mais un autre problème ? Médical,vous voulez dire ?- Oui, une autre situation comme ça, avec <strong><strong>de</strong>s</strong>symptômes intriqués?- Je suis pas sûr. Je suis pas sûr. Parce qu’on serefait pas.- C’est difficile, aussi, <strong>de</strong> répondre.- J’ai acquis une certaine humilité, je pense, jepense…, par rapport à <strong>la</strong> ma<strong>la</strong>die. Ce qu’on est, onest <strong><strong>de</strong>s</strong> êtres faibles et vulnérables facilement.Donc, après <strong>la</strong> vie a tourné. J’ai repris le boulotcomme si <strong>de</strong> rien n’était. J’ai repris le sport commesi <strong>de</strong> rien n’était, même plus qu’avant. Voilà. Maisje suis pas sûr. Je suis pas sûr du len<strong>de</strong>main, jesuis pas sûr d’être plus fort qu’il y a 15 ans, bon.- Ça a changé beaucoup votre regard sur <strong>la</strong>ma<strong>la</strong>die, sur les autres ?- Par rapport au métier, aux gens que je vois.- Oui, dans votre pratique ?- Disons, j’ai peut-être plus <strong>de</strong> compassion, pour lestrucs qui me semblent tout cons et qui, en fait, lesgens, ça leur bouffe <strong>la</strong> vie.- Oui.- Vous êtes plus attentif, par exemple, à l’attente <strong><strong>de</strong>s</strong>résultats.- Plus <strong>de</strong> compassion, ça change pasfondamentalement <strong>la</strong> façon d’être ou d’attendre lesrésultats. Ils sont ce qu’ils sont.- Il faut les attendre.- Il y a l’attente. Il faut… C’est pas moi qui vais…Bon, si, je me rappelle qu’à un moment j’attendais


- 189 -le PSA, notamment. Je me souviens, j’étais dans lecabinet <strong>de</strong> l’urologue, il me dit « T’as fait tes PSA ? ».« Oui, mais j’ai pas les résultats ». Il me dit « Ben, onva téléphoner, t’inquiète pas ». T’inquiète pas ! Je lerevois, ça m’a paru une éternité (mimant <strong>la</strong> prise dutéléphone).- Avec le téléphone en main.- « Allo, le <strong>la</strong>boratoire ? Dites moi, si on peut avoir lesrésultats du PSA <strong>de</strong> Monsieur L ? ». « Oui, il a fait saprise <strong>de</strong> sang… ». « Quand c’est que tu l’as faite ? ».« Il y a trois jours ». « Bon, on doit les avoir ». Çam’a semblé, là, une éternité.- Le temps était suspendu, là.- Oui, une éternité. J’étais là, je me bouffais les bouts<strong><strong>de</strong>s</strong> doigts, J’étais mal, très très mal. Bon, PSA à zéroje sais pas combien, normal.- Rassurant. Mais ce moment a été vraiment crucial.- Vraiment terrible.- Vous m’avez un peu répondu, mais, je voudraissavoir, est-ce que vous avez eu l’impression quevotre situation <strong>de</strong> mé<strong>de</strong>cin, votre profession, a renduvotre prise en charge particulière ?- Tout à fait, oui.- De quelle façon ?- Je pense que j’aurais été plombier ou autre chose, jepense… Bon, déjà, pisser du sang, <strong>la</strong> majorité <strong><strong>de</strong>s</strong>gens, je pense, enfin je pense, <strong><strong>de</strong>s</strong> clients, c’est unsymptôme, comme un autre.- Ils auraient été moins inquiets ?- Ah, oui !- Vous voulez dire votre savoir a fait…- Voilà. Le gars qui a pas <strong>de</strong> formation médicale, quisaigne du nez ou <strong>de</strong> l’urètre, je sais pas, c’est pareil,pour lui. « Bon, il y a un docteur, je vais le voir, il sedémer<strong>de</strong>, il fait ce qu’il faut ». Voilà.- Je comprends ce que vous voulez dire.- Ça dépend du <strong>de</strong>gré d’évolution, d’intello du patient.- Et le regard ou le comportement <strong><strong>de</strong>s</strong> confrères quevous aviez en face <strong>de</strong> vous, est-ce que vous aviezl’impression qu’il changeait, qu’il était différent, unpeu, particulier, en face <strong>de</strong> vous, parce que vous,vous étiez... ?- Des associés ?- Non <strong><strong>de</strong>s</strong> gens qui vous soignaient. Est-ce que le faitd’avoir un mé<strong>de</strong>cin en face d’eux, comme ma<strong>la</strong><strong>de</strong>,c’était difficile pour eux ?- Oui, je pense. Comme, ça m’arrive, j’en ai <strong><strong>de</strong>s</strong>mé<strong>de</strong>cins, à soigner actuellement.- Vous soignez <strong><strong>de</strong>s</strong> mé<strong>de</strong>cins en tant que mé<strong>de</strong>cintraitant ?- Comme mé<strong>de</strong>cin traitant, c’est <strong>de</strong> <strong>la</strong> psy, alors c’estencore plus difficile.- Ce sont <strong><strong>de</strong>s</strong> généralistes ou <strong><strong>de</strong>s</strong> spécialistes quevous suivez ?- Alors, c’est un généraliste qui fait une mé<strong>de</strong>cineparticulière, qui fait <strong>de</strong> l’acupuncture, tout ça.- Oui.- Mais bon, il est… c’est vrai que c’est délicat.- Oui. Pour vous, c’est difficile, cette prise en charge ?- Comme m’a dit mon associé qui soigne sa femme,lui, il m’a dit « Ben je préfère que ce soit toi qui lesoigne, parce que moi, je cours pas après ! ». Enplus, c’est compliqué, je sais pas si c’est pas unePMD, c’est quand même bizarre. Et soigner unmé<strong>de</strong>cin, c’est, oui, c’est… Mais Dr W, il est… Dr Wl’urologue, je suis sûr que je l’ai emmerdé parce que,il <strong>de</strong>vait se dire « Qu’est-ce que c’est ce con, qui vientm’emmer<strong>de</strong>r, qui me téléphone ? ». Voilà.- Mais peut-être que lui aussi il a eu peur.- Mais je vous ai pas parlé <strong>de</strong> ça, il a craqué, aussi. Ilm’a dit « Ecoute, L » (on se tutoie) « Ecoute, je peuxrien pour toi. Tu me racontes <strong><strong>de</strong>s</strong> trucs, t’astoujours… tu dois avoir dans ton enfance… ». Sivous voulez, on en parle, <strong><strong>de</strong>s</strong> souvenirs « Pourquoit’es comme ça ? Tu penses toujours au pire. Ecoute,moi je ne sais pas quoi te dire, va voir unpsychologue ! ». Et donc, je fais unepsychothérapie. Oui, c’est important !- Suite à ces inquiétu<strong><strong>de</strong>s</strong>, à ce problème ?- Je suis allé pendant six mois, toutes les semainesou tous les quinze jours voir un psychologue qu’ilm’avait conseillé, lui. En disant « Je m’en suisservi, moi », sans me donner <strong><strong>de</strong>s</strong> détails perso.Mais enfin, je sais qu’il le connaissait. Et, bon, jesuis allé voir ce gars-là, sérieusement. Tous lesmardis, à dix heures, j’étais chez lui. Trois-quartsd’heure. Un gars assez sérieux, je pense que c’estun gars qui était… Alors il m’a fait parler <strong>de</strong> monenfance. Bon, c’est vrai, je sais pas, ce qui étaitremonté à <strong>la</strong> surface. J’ai eu <strong><strong>de</strong>s</strong> soucis d’enfance,parce que quand je suis né, ma mère est décédéeà l’accouchement. Donc voilà, j’ai été élevé par <strong><strong>de</strong>s</strong>grands-mères pour qui, dès qu’on avait (je dis« on » parce j’ai un frère jumeau), dès qu’on avaitle nez qui cou<strong>la</strong>it, c’était <strong>la</strong> panique.- Ah, oui, <strong>la</strong> ma<strong>la</strong>die était très inquiétante.- Très inquiétante. Il fal<strong>la</strong>it se mettre les bonnetsjusque-là (en montrant les sourcils), pour éviter lesrhinos. On sait que ça sert à rien maintenant, maisenfin, c’est comme ça. Enfin, bon. Donc il m’a faitparler <strong>de</strong> tout ça et c’est vrai, j’ai réalisé tout ça,cette pression.- Oui, vous avez grandi avec ça. Et ça vous a fait dubien ?- Et il m’a dit, c’est lui qui m’a dit « Je pense que sivous êtes <strong>de</strong>venu mé<strong>de</strong>cin, c’est peut-être pasanodin ». Par rapport à ça. Une espèce… Affronter<strong>de</strong> face tout ça. C’est pour ça, quand vous me dites« Vous auriez pas été mé<strong>de</strong>cin, vous l’auriezintégré différemment ». Probablement. Mais, voilà,on peut pas s’en extraire.- Ah non. On est comme ça.- On fait <strong>de</strong> <strong>la</strong> mé<strong>de</strong>cine <strong>de</strong>puis, voilà.- Est-ce qu’il y a eu une réaction dans votreentourage, alors, que ce soient vos associés ouvotre famille, qui vous a étonné, une réactionparticulière, suite à votre arrêt ?- Mes associés, non, ils m’ont bien aidé. Parce qu’ilsle prenaient… Même un jour, il y en a un qui m’adit « Bon, écoute, on t’explique. Mais <strong>de</strong> toutefaçon, on peut t’expliquer tout ce qu’on veut, tuentends pas ! Tu écoutes mais tu entends pas.Qu’est-ce que tu veux que je te dise ? ». Voilà. Çam’a fait réagir, ça. J’ai dis « Tiens, finalement, c’estvrai que… ». Il m’a expliqué <strong><strong>de</strong>s</strong> trucs,statistiquement. Les cancers <strong>de</strong> <strong>la</strong> prostate, lescancers <strong>de</strong> <strong>la</strong> prostate à 45 ans il n’y en a pasbeaucoup. Je sais pas si vous en avez rencontré,vous ?- Non.- Ben moi, le plus jeune que j’ai eu, c’est 52 ans,bon. Bien sûr. Mais enfin, il faut quand même pas,il faut bien raisonner en statistiques. « Qu’est-ceque tu me parles <strong>de</strong> cancer <strong>de</strong> <strong>la</strong> prostate ? Çan’existe pas à 45 ans, ou alors, si ça existe, c’estun sur un million, il faut pas déconner ! ».- Les chiffres ça ne parle pas dans ces cas-là.- Pour moi, c’était par un sur un million, c’était un surun, c’était moi !- C’était vous, c’était 100 % .- Voilà, c’était du 100 % sur moi. Alors il m’a dit« Ecoute, ça sert à rien qu’on discute, parce qu’onparle, on parle et <strong>de</strong> toute façon, tu entends rien ».- Oui.- Ça alors, ça m’a fait tilt. S’ils en sont là, c’est quevraiment j’écoute pas. Sinon, ils ont été charmants.En termes <strong>de</strong> travail, ils ont été à l’écoute.- Ils vous ont beaucoup aidé pour cet arrêt <strong>de</strong> travail.- Bon en famille… Ah, si, je me souviens <strong>de</strong> mafille… Comment ça s’est passé ? Ma fille àl’époque elle était… celle qui s’est mariée l’an<strong>de</strong>rnier. Elle avait quel âge à l’époque ? Elle a 29


- 190 -ans, ça fait 15 ans, elle avait 14 ans. Elle était en3 ème . Ah, bon, j’oubliais votre truc (par<strong>la</strong>nt dudictaphone).- Non, je regardais si ça marche.- Une fois, je me suis trouvé… Il y a <strong><strong>de</strong>s</strong> détails quim’échappent… Ah, oui ! Je sors <strong>de</strong> l’hôpital, et Dr Wm’avait dit « Il faut que je t’opère ». Les diverticules,<strong>de</strong> toute façon... Et c’est vrai que ça m’avait filé uncoup. Parce que, comme je l’ai dit, j’avais déjà étéopéré sept-huit fois avant, et moi, j’ai toujours <strong>la</strong>hantise <strong>de</strong> l’anesthésie. Enfin, ça on peut en parleraussi.- Oui- Donc ça me donnait déjà pas le moral. Et quand jesuis rentré, ma fille sortait <strong>de</strong> l’école. Elle <strong>de</strong>vait êtreen 3 ème . Et elle me dit « Mais p., Papa, tu en fais unetête ! Le mon<strong>de</strong> va pas s’arrêter <strong>de</strong> tourner ! Bon, tuvas te faire opérer, eh ben voilà, c’est bon ! Il y en amille qui se font opérer par jour ! ». Je me souviens<strong>de</strong> ça. Ça m’avait, bon…- Ça vous avait marqué.- Bon. Ça m’avait réconforté. Oui, voilà. Bon.- Toutes les autres interventions dont vous me parliez,c’était…- Bon, j’ai eu <strong><strong>de</strong>s</strong> interventions, j’ai eu un phimosisquand j’étais gosse, j’ai eu une torsion <strong>de</strong> testicule,j’ai eu une péritonite à l’âge <strong>de</strong> 20 ans. Là, c’était <strong>la</strong>plus sérieuse, puisque c’était en fait une erreur <strong>de</strong>diagnostic. Merci les docteurs ! (sourire) C’étaitl’époque où je croyais aux docteurs, qui m’avaient ditque c’était rien du tout. J’ai fait une péritonite et j’aifait un mois à l’hôpital, enfin bref. Heureusement pourmoi, c’était en mai 68. Comme… vous n’étiez peutêtrepas née, mais en mai 68…- C’était compliqué ?- On faisait sauter les cours. Bref, du coup, j’ai pupasser les examens en septembre, sinon j’aurais pasréussi. Bref. Pourquoi je vous raconte tout ça ? Oui :les interventions. Il y a eu cette péritonite, ça fait déjàtrois, attends, je compte, après j’ai eu le phimosis çafait quatre, oui, beaucoup en urologie.- Oui.- Il y en a huit, puisque là, il y en a quatre là, je ne saispas si vous avez compté <strong>de</strong>puis tout à l’heure, çafaisait quatre. J’ai eu l’hernie après l’hydrocèle…Non. J’ai eu d’abord les diverticules, après lerétrécissement urétral, avec une résection endouréthrale,après, <strong>de</strong>ux ans après, j’ai eu <strong>la</strong> hernie…- Et l’hydrocèle ?- Et 15 jours après j’ai eu l’hydrocèle. Alors, ça faitquatre. Comme il y en avait quatre avant. J’ai dit huit,voilà, le compte est bon.- Et il y a eu <strong><strong>de</strong>s</strong> problèmes au niveau <strong>de</strong>l’anesthésie ?- Quand ?- Lors <strong><strong>de</strong>s</strong> différentes interventions.- Les premières anesthésies, n’étaient pas ce qu’ellessont maintenant. Quand j’ai été opéré à 11 ans <strong>de</strong>torsion <strong>de</strong> testicules, là, je me souviens. Trèsmauvais réveil, hein ! On voyait <strong><strong>de</strong>s</strong> bêtes. C’étaitl’horreur. En plus, à l’époque ils attachaient. Je mesouviens, on nous attachait les bras, sur <strong>la</strong> table, etpuis après, on vous faisait le masque. La religieuse(c’était <strong><strong>de</strong>s</strong> religieuses), bloquait le masque. Plus oncriait, mieux c’était. Parce que comme ça, on enprenait plein pot. Mais bon, c’était épouvantable.- C’était traumatisant.- Surtout pour un gamin. Attaché, avec le machin sur levisage, c’est l’horreur.- Tout à fait.- Et puis peut-être ça explique…- Et puis ça s’est bien passé, finalement lesanesthésies en 93, 95 ?- Oui, oui, oui. D’ailleurs, à ce sujet, une petiteanecdote. J’étais donc allé voir le mé<strong>de</strong>cinanesthésiste, dont, <strong>de</strong>ux ans plus tard <strong>la</strong> fille a faitson stage chez nous. C’était marrant. Peu importe.Bon, elle me voit, elle fait l’interrogatoire commeça, banal, tout ça et elle me dit « Bon, ça va biense passer, vous êtes un cas idéal : vous respirezbien, vous êtes sportif, vous fumez pas, vous avezpas <strong>de</strong> diabète… ». Bref, tout lui al<strong>la</strong>it bien. Je luidis « Moi, ce qui me stresse, c’est l’anesthésie, lefait <strong>de</strong> ne pas pouvoir me réveiller ». Elle me dit« Ah bon ? ». Et puis tout d’un coup elle me dit…C’était trois heures, par là, elle me dit « Vous êtesvenu comment ? ». Elle savait que j’étais mé<strong>de</strong>cin.Je lui dis « Je suis venu en voiture, mais là,bon… ». Elle me dit « Vous travaillez, cet aprèsmidi? » Je dis « Ben, oui, j’ai ren<strong>de</strong>z-vous à quatreheures, voilà, mais en voiture, on y est vite ». Elledit « Vous êtes en voiture ? ». Je dis « Oui, je suispas venu à pied ». Elle me dit « Vous savez quec’est mille fois plus dangereux <strong>de</strong> traverser <strong>la</strong>roca<strong>de</strong> en voiture que <strong>de</strong> faire une anesthésie ? ».- Donc, elle vous a parlé <strong>de</strong> chiffres, à ce momentlà,aussi…- Ben, ça m’a re<strong>la</strong>tivisé les choses. Et maintenant jem’en sers, quand les gens ils me racontent ça,boum, je leur ressers !- Donc, là, les statistiques, vous les avez entendues.- Oui. Quand même, oui. Parce que je prends mavoiture.- Bien sûr. Tous les jours.- Comme tout le mon<strong>de</strong>. Sans penser…- Aux conséquences. Parce qu’on peut pas toujoursy penser.- Mille fois. Elle me dit « C’est pas une b<strong>la</strong>gue, vouspouvez faire le calcul ». Elle m’a dit que le <strong>de</strong>rnierpépin qu’elle avait eu, c’était un… Bon… c’étaitune intervention d’urgence, d’un jeune qui s’estcassé <strong>la</strong> gueule en moto, d’un retour <strong>de</strong> boîte,plein <strong>de</strong> pinard et tout, c’est sûr, qui a fait un arrêtcardiaque. Sans antécé<strong>de</strong>nts, on savait pas ce qu’i<strong>la</strong>vait. Bon, il a fait une allergie aux produits… Ilsl’ont tiré d’affaire, hein, il est pas mort, hein ! Maisbon…- Ils ont eu peur.- Ça fouette quand même. Elle m’a dit « C’est le<strong>de</strong>rnier qu’on a eu <strong>de</strong> vraiment sérieux ». Bon, jeparle pas <strong><strong>de</strong>s</strong> gens qui arrivent tout daubés,comme mon père, <strong><strong>de</strong>s</strong> papys à 90 ans qui sontinsuffisants rénaux, insuffisants <strong>de</strong> partout. Bon,ben là…- Il y a un risque, déjà a priori.- Il y a un risque, voilà.- Pour en revenir tout à l’heure au vécu, <strong>de</strong> <strong>la</strong>pathologie, aux conséquences, vous ne m’avezpas dit comment on a annoncé votre arrêt ma<strong>la</strong>dieou comment vous avez annoncé votre ma<strong>la</strong>die àvos patients.- Ah…- Est-ce que vous en avez parlé ?- Bien sûr, il fal<strong>la</strong>it, que j’annule… Non, on a eu letemps, comme je l’ai dit, il y a eu un mois, donc j’aieu le temps <strong>de</strong> me préparer.- De bloquer les dates.- De bloquer, ben, oui, puis <strong>la</strong> secrétaire disait« Ben, Monsieur L, il ne sera pas là à cettepério<strong>de</strong> ». « Ah, bon, où il est ? ». « Il a un petitsouci <strong>de</strong> santé, il sera pas là ». Bon, voilà commentils l’ont annoncé.- Ils vous en ont reparlé ?- Alors, attends… C’est loin, ça… Si, ils en ont parlé.Ils en ont parlé. Après je jouais un peu l’hypocrite« C’est rien, c’est pas grave, c’est rien, c’est passé,parlons d’autre chose, c’est fini… ». Alors quec’était pas tout à fait fini, puisque… mais j’avaispas envie <strong>de</strong> leur en parler.- Vous ne vouliez pas en parler.- Par contre, une fois, ah, oui, une fois il y a eu ungag. Il y a un monsieur, qui d’habitu<strong>de</strong> est assez


- 191 -gentil, qui me dit « Docteur, l’autre jour j’étais pasbien content. Oui, parce qu’on me donne un ren<strong>de</strong>zvous,puis on me dit qu’on annule, puis trois joursaprès je rappelle et vous étiez encore pas là ! ». Jevenais d’être opéré, c’était <strong>la</strong> <strong>de</strong>uxième… « Alors,vous comprenez… ». Je dis « Ben, oui, monsieur, là,oui, je pouvais pas être là parce que j’étais à l’hôpital,on m’a opéré, je suis resté quatre jours hospitalisé,c’était une <strong>de</strong>uxième intervention… ». Du coup il a…il s’est dit « Mer<strong>de</strong>, je l’ai agressé pour rien !». Bon,voilà, comme ça. J’étais même un peu sadique. Jevou<strong>la</strong>is… « Oui, ben vous savez les docteurs,quelquefois on est ma<strong>la</strong><strong>de</strong> ! ». C’était pas drôle. Alorsil a été gentil après parce qu’il est d’un naturel gentil.Il m’avait un peu… ou alors je l’avais ressenti commetel. (Sonneries <strong>de</strong> téléphone) Excusez-moi. « Allô,Cabinet Médical ?…. » (interruption <strong>de</strong>l’enregistrement) Excusez-moi. Mais comment je l’aiannoncé à mes patients ? Ben voilà. Je sais pas. Jevou<strong>la</strong>is pas trop m’étendre.- Vous ne vouliez pas trop en parler.- Non. Bon. Je l’ai pas caché non plus. Bon et puis,bon, l’urologie, c’est un peu intime quand même, enplus. On n’en a pas parlé <strong>de</strong> ça. Il y aurait peut-êtrebeaucoup à dire. Donc… Je pense que quelqu’un quise fait opérer d’une main, c’est pas pareil.- C’est plus facile d’en parler ?- Il me semble, je sais pas.- Ça se voit, c’est plus facile d’en parler.- « Ah, mais qu’est-ce que c’est ? La prostate elle estoù ? » Et puis, bon, on rentre pas dans les détails« Moi aussi, mon mari, on lui a enlevé ça, et puismaintenant, il a une éjacu<strong>la</strong>tion rétrogra<strong>de</strong>… ». Vousme voyez en train <strong>de</strong> raconter tout ça ? Non !- D’accord. Mais justement, par rapport à ce type <strong>de</strong>pathologie, est-ce que vous avez remarqué que dansvotre pratique, vous êtes plus attentif à ce type <strong><strong>de</strong>s</strong>ymptômes chez les patients ?- Bof… Peut-être.- Après avoir eu ce type <strong>de</strong> problème, est-ce que vousles dépistez plus ?- Peut-être. Je sais pas, ça fait 15 ans. Maintenant jefais <strong><strong>de</strong>s</strong> touchers rectaux réguliers, je fais <strong><strong>de</strong>s</strong> PSA.Bon, <strong>la</strong> ma<strong>la</strong>die du col, vous savez, <strong>la</strong> ma<strong>la</strong>die du col,c’est re<strong>la</strong>tivement rare, c’est en fait chez les jeunes,qui ont… Ça peut vous servir… qui sont jeunes, maiscomme s’ils avaient un adénome prostatique.- Oui.- Et c’est vrai que Dr W, l’urologue il me disait « Lesgénéralistes, ils pensent pas beaucoup à ça ». C’estvrai que c’est chiant, et c’est simple à traiter. Tu fais<strong><strong>de</strong>s</strong> di<strong>la</strong>tations, et tu les guéris.- Oui.- Ça, j’y pense peut-être plus vu que, voilà…- D’accord.- J’en ai eu <strong>de</strong>ux ou trois, d’ailleurs, que j’ai dépistégrâce à ça.- Avec, oui, une sensibilité.- (Oui, entrez ! …La secrétaire entre ; interruption <strong>de</strong>l’entretien )- Si vous <strong>de</strong>viez comparer <strong>la</strong> prise en charge globale<strong>de</strong> <strong>la</strong> santé <strong>de</strong> vos patients et <strong>la</strong> façon dont vousprenez en charge votre santé, qu’est-ce que vousdiriez ?- Oh, je dirais que je préférerais <strong>la</strong> prise en charge <strong><strong>de</strong>s</strong>patients que <strong>la</strong> mienne comme je l’ai prise. Parceque, bon, il y a pas eu <strong>de</strong> sérieux, il y a pas eu <strong><strong>de</strong>s</strong>uivi. Il faut assumer soi-même le rôle du ma<strong>la</strong><strong>de</strong> etdu mé<strong>de</strong>cin.- Oui.- Donc, il y a télescopage malsain <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>de</strong>ux choses.Voilà, ce que je dirais. Moi, quelqu’un qui est ma<strong>la</strong><strong>de</strong>,j’assume, je suis son mé<strong>de</strong>cin, son mé<strong>de</strong>cin traitant,maintenant c’est à <strong>la</strong> mo<strong>de</strong>. J’assume, voilà. Il me faitconfiance. Je dis « Il faut faire ci, il faut faire ça ».- Et vous ? Vous n’avez pas cet interlocuteur, cettepersonne qui prend en charge tout ça ?- Non, c’est moi.- C’est vous. Et ça, c’est lourd?- C’est lourd et malsain, oui. Alors, bon, j’ai <strong>la</strong>chance d’avoir… Je sais pas comment fait unmé<strong>de</strong>cin qui est tout seul, c’est dur aussi, qui estvraiment tout seul.- Un cabinet tout seul.- Là, on est en cabinet, quand même, on se parlequand même, on se parle, quand on a un souci, onse parle. Même <strong><strong>de</strong>s</strong> soucis pour notre familleproche. Monsieur S a eu un souci pour sa femmerécemment. Heureusement, Dieu merci… Maisenfin il était quand même assez soucieux et puisbon, les examens ont montré qu’il y avait rien. Tantmieux, mais bon. Voilà, il nous en a parlé.- Oui.- Si, on peut se déverser sur les collègues. Ben oui,ça fait 30 ans… Je vous dis mon associé et T onest <strong><strong>de</strong>s</strong> copains d’internat, en plus. Ça fait nonseulement 31 ans d’instal<strong>la</strong>tion plus 4 ansd’internat, ça fait 35 ans <strong>de</strong> vie commune.- Vous vous connaissez bien.- Bref.- Et vous faites partie <strong>de</strong> groupes <strong>de</strong> pairs, <strong>de</strong>groupes Balint ?- Oui.- De pairs. On a fait du Balint au début qu’on était àL, un mec qui s’appe<strong>la</strong>it M, je sais pas si vous avezconnu, qui venait exprès à Z, avec les mé<strong>de</strong>cins <strong>de</strong>Z. Deux ans, pendant <strong>de</strong>ux ans, il est venu toutesles semaines ou toutes les quinze jours. Unpsychiatre assez original. Bon, ça a fait <strong>de</strong>ux ans.Le groupe <strong>de</strong> pairs, il y a pas tellement longtempsque je fais partie d’un groupe <strong>de</strong> pairs. Ça faitd’ailleurs que <strong>de</strong>puis <strong>de</strong>ux trois ans que c’est <strong>la</strong>mo<strong>de</strong>, si je puis dire… Enfin, peut-être trois ans.Oui, oui. On fait partie d’un groupe <strong>de</strong> pairs, on estsix, mais bon, voilà. Vous savez commentfonctionne un groupe <strong>de</strong> pairs ?- Oui.- On prend un cas clinique, bon, <strong><strong>de</strong>s</strong> fois ça dérive,<strong><strong>de</strong>s</strong> fois, on va au restaurant, mais ça, c’est…- Mais parfois, je par<strong>la</strong>is <strong>de</strong> ça, parce que c’estparfois un groupe où il y a une cohésion où on peutparfois parler <strong>de</strong> ses problèmes. Mais là, c’est vrai,quand vous avez <strong><strong>de</strong>s</strong> associés…- Moi j’ai <strong><strong>de</strong>s</strong> associés. J’ai <strong><strong>de</strong>s</strong> associés dansd’autres groupes <strong>de</strong> pairs, ça s’est fait comme ça.C’est pas plus mal qu’on ait aussi notre…- Chacun vos réseaux.- Et puis, bon, on n’est pas… on travaille ensemble,mais bon, on a le droit d’avoir aussid’autres activités.- Vous ne faites pas tout ensemble.- D’autres pratiques médicales, intéressantes aussi.C’est pas mal.- D’accord. Juste une petite chose, tout à l’heure jevous ai pas re<strong>de</strong>mandé, sur votre pratique avec lespatients, parfois, est-ce que ça vous arrive d’êtremoins tolérant quand ils vous parlent <strong>de</strong> petiteschoses moins graves que ce que vous avez puavoir, ou est-ce que vous faites <strong>la</strong> part <strong><strong>de</strong>s</strong> chosesentre les <strong>de</strong>ux ?- Disons que, il est vrai… Mais c’est peut-être pas liéà ce qui m’est arrivé, c’est vrai qu’il y a <strong><strong>de</strong>s</strong> gensqui se p<strong>la</strong>ignent, « P., <strong>la</strong> narine droite, elle coule »,ils m’emmer<strong>de</strong>nt avec ça ! Franchement, c’est quedalle ! « T’as qu’à prendre un kleenex, c’est bon !». Bon, écoutez, je gagne ma vie, il ne faut pas queje râle non plus. Il faut pas être hypocrite, mais <strong><strong>de</strong>s</strong>fois on se dit « C’est dingue ! ».- Mais si ça vous embête, ça n’a rien à voir avec cequi a pu vous arriver, c’est plus dans....


- 192 -- Non. Non, je suis plus compassionnel maintenant<strong>de</strong>vant quelqu’un qui souffre, voilà, même si c’est…J’ai reçu hier une amie, enfin, une belle-fille d’amis,qui est hypocondriaque plein pot et qui souffreterrible. Elle a rien, mais elle a toujours tout, quoi.- Et elle est très inquiète.- Elle est, non, elle est plus qu’inquiète, elle pleure autéléphone, bon, <strong><strong>de</strong>s</strong> trucs à <strong>la</strong> con. Mon associé,c’était samedi, il lui a fait faire les transaminases.Elles sont à 52. Elle a vu écrit « Normal : inférieur à49 ». Mais c’est fou, quoi ! Elle a regardé sur Internet,elle a tout fait ce qu’il fal<strong>la</strong>it pas faire, quoi. Ellepleure, elle soufre, son mari m’appelle. Il m’a appeléhier en disant « Elle arrête pas <strong>de</strong> pleurer, elle m’aappelé au boulot, qu’est ce que c’est cestransaminases ? ». Bon, il connaît rien en mé<strong>de</strong>cine,je lui dis « C’est <strong><strong>de</strong>s</strong> trucs du foie. Elle est à 52 pourune normale à 49, qu’est-ce que tu m’emmer<strong><strong>de</strong>s</strong>avec ça ? ». Bon, lui : « Mais je ne sais pas que luidire, je ne suis pas mé<strong>de</strong>cin, essaie <strong>de</strong> <strong>la</strong> rappeler !». Bon, je l’ai rappelée, elle était chez sa mère, qui apas répondu, bon, voilà. Si elle revient, je seraicompassionnel. Je vais pas lui dire « J’y peux rien ! »mais « Tu souffres ».- Plutôt dans <strong>la</strong> compassion.- « Je reconnais que tu souffres ». Voilà.- C’est sa souffrance qu’il faut entendre, en fait.- On va faire autrement : « C’est dans ta tête, il fautque tu voies un psychologue. Je sais pas. Moi-même,j’ai fait une psychothérapie. Tu vois, bon, il faut pascroire, ça peut servir. T’as rien <strong>de</strong> médical, t’as rien.Je veux pas regar<strong>de</strong>r tes résultats d’analyse, il sontnormaux, je vais pas m’emmer<strong>de</strong>r, d’ailleurs t’auraispas dû le <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r, ça t’aurait pas inquiétée, voilà ».Voilà comment je vais lui dire, mais il faut bienprendre en compte <strong>la</strong> souffrance.- C’est pas simple.- C’est pas simple, non. Puis voilà. Bon, c’est pasfacile. Mais, cet aspect-là, quand je vois comment j’aiété avec Dr W, l’urologue, je me dis « Je <strong>de</strong>vais êtrechiant ! ». Dès que je passais <strong>la</strong> porte, il <strong>de</strong>vait dire« Encore lui, j’en ai marre ! ». Voilà.- Mais vous aviez peut-être pas <strong>de</strong> réponse à vosangoisses aussi. Vous étiez toujours dans cequestionnement, qu’est-ce qui…- Oui, mais enfin pourquoi toujours penser au pire ?Oh, j’avais cette douleur que j’ai eue pendant <strong>de</strong>uxans…- Ça vous gênait.- Elle me gênait, mais, bon, je sais pas, maintenant,avec le recul. Mais je vous dis, <strong>la</strong> nuit, je mettais <strong><strong>de</strong>s</strong>g<strong>la</strong>çons. Ma femme, m’a acheté, enfin, je vais vousfaire rire, un truc, pourtant elle est pas mé<strong>de</strong>cin, mafemme, elle me fait bien rire, mais enfin, c’est mafemme. Là, elle m’a acheté un truc chinois, là. J’ai dit« Qu’est-ce tu me fais chier, là, ça sert à rien ! ».Mais, bon, voilà, <strong><strong>de</strong>s</strong> trucs cons.- Ça avait pris une gran<strong>de</strong> p<strong>la</strong>ce, dans votre vie.- Ah, oui. Avec mes associés, ils sont pas là, mais ilsdisaient « Il y a eu une époque où on pouvait plus teparler, t’entendais plus rien ».- Ça vous gâchait <strong>la</strong> vie.- Ça gâche <strong>la</strong> vie. Je me revois une fois, en train <strong>de</strong>faire une visite. J’avais toujours cette gêne, c’étaitmême pas une douleur, cette gêne au ventre, onn’est pas bien. Puis, pour écouter les gens, ah, oui,parce qu’on est du métier, parce que, au milieu <strong>de</strong>tout ça, il faut quand même…- Continuer à exercer.- Soigner les gens, être attentif, être bienveil<strong>la</strong>nt,empathique, j’en passe et <strong><strong>de</strong>s</strong> meilleures…- Et justement, tolérant par rapport à ces petitssymptômes qu’on peut juger moins graves que cequ’on ressent.- Maintenant, je vais bien, ça paraît facile, mais bon,c’est passé. Faut espérer…- Mais c’était pas facile d’être mé<strong>de</strong>cin à ce momentlà,d’être mé<strong>de</strong>cin et ma<strong>la</strong><strong>de</strong>.- Non. Avec le recul, avec un mé<strong>de</strong>cin traitant, estceque, dès que j’ai le moindre pet <strong>de</strong> travers, je<strong>de</strong>vrais aller le voir ? « Je suis plus mé<strong>de</strong>cin, tufais <strong>de</strong> moi ce que tu veux ». On <strong>de</strong>vrait, mais onpeut pas s’extraire <strong>de</strong> sa tête tout ce qu’on sait.- Oui, mais éventuellement, c’est une question quevous vous posez ?- Pas vraiment, non.- Non, que vous vous posez, là, maintenant parcequ’on parle <strong>de</strong> ça, en fait.- Oui. Parce que je vais bien peut-être maintenant,si…- C’est plus facile <strong>de</strong> se <strong>la</strong> poser quand on va bien.- Ah, ça c’est sûr, ça, c’est sûr.- D’accord.- On a pas parlé, peut-être vous vouliez m’en parler,<strong>de</strong> <strong>la</strong> solidarité financière aussi, du cabinet.- Si, si, oui, tout à l’heure, effectivement, avec lesarrêts ma<strong>la</strong>die, c’est vrai que tout à l’heure, on n’apas abordé cette question financière.- Brièvement, quand il m’est arrivé ça, on a vu qu’onavait le Sou Médical, on n’était pas très bienassurés, d’ailleurs, et du coup, on a mis à p<strong>la</strong>t tousnos trucs.- Contrats d’assurance ?- Contrats. Et on a décidé <strong>de</strong> faire… On a dit, « Çat’arrive à toi, peut-être <strong>de</strong>main ou après<strong>de</strong>main…». Ceci dit, je vous l’avais dit, je crois, autéléphone. Mon associé s’est pété <strong>de</strong>ux fémurs.- Oui, vous m’avez dit qu’il avait <strong><strong>de</strong>s</strong> problèmes <strong>de</strong>traumato, oui.- Vous m’avez dit « La traumato, j’en ai déjà, çam’intéresse pas ».- Non, il fal<strong>la</strong>it que je fasse un tirage au sort, c’estpas que ça m’intéressait pas, c’est que j’avais dûfaire un échantillon.- C’est vrai que maintenant que les contrats sontfaits comme ça, très c<strong>la</strong>irs, c’est une sécurisationpour nous.- Vous avez revu tout ça.- T s’est pété son fémur, là. Bon, le fémur pété, çalui faisait pas franchement p<strong>la</strong>isir, au niveau <strong>de</strong>l’organisation du cabinet…- Ça veut dire un arrêt <strong>de</strong> ma<strong>la</strong>die, <strong>de</strong> toute façon.- Voilà. Ça, ça a été bien, mais au début, on n’avaitrien fait <strong>de</strong> tout ça. Enfin, on avait fait <strong><strong>de</strong>s</strong> trucs,mais, qui correspondaient pas, voilà.- Parce que, du point <strong>de</strong> vue financier, quand vousvous êtes arrêté pendant un mois il y a 15 ans,comment vous aviez fait ?- Eh ben, on a fait… Comment on a fait ? Il y aquand même <strong>la</strong> CARMF, qui, quand on est opéré,qui paye au bout <strong>de</strong> trois jours, je crois, quand onest opéré. C’est pas comme une ma<strong>la</strong>die.- Oui, c’est pas les 90 jours <strong>de</strong> carence.- Hospitalisé, hospitalisé.- Oui, il faut une hospitalisation, oui.- Médicale ou chirurgicale. Hospitalisé. Voilà. Et mesassociés, ben, ils m’ont reversé une partie dutravail.- Vous aviez une rétrocession d’honoraires.D’accord.- Oui, oui, on a une solidarité <strong>de</strong> groupe.- D’accord.- Mais, bon, non, ça n’a pas été trop dur. Puis bon,puis ma femme travaille, et je me suis pas arrêtésix mois…- Oui, ça a duré un mois.- Même pas, trois semaines. J’ai rien à dire. Et puisj’avais quand même une assurance privée.- Oui, une assurance <strong>de</strong> compléments <strong>de</strong> revenus ?- Justement c’est <strong>la</strong> complémentaire. Justement, ona modifié après en disant « C’est pas ça, on varemettre à p<strong>la</strong>t ». J’ai pas dit que j’avais rien. J’ai


- 193 -dit que par rapport au groupe, on a refondé leschoses.- D’accord. Vous avez revu les choses.- Non, mais il y a <strong>la</strong> solidarité du groupe qui a joué, çaje vous l’ai dit. Il y a cette assurance qui était encours, mais bon, qu’on n’avait pas réévalué, parceque pff… quand vous signez ça à 29 ans…- On ne réalise pas bien.- Du coup, ça nous a re<strong>la</strong>tivisé. Et après, l’expérience amontré, <strong>la</strong> suite <strong>de</strong> <strong>la</strong> vie a montré, <strong>la</strong> suite <strong>de</strong> <strong>la</strong> viedu cabinet médical a montré que ça servait bien àquelque chose puisque mon associé par <strong>de</strong>ux fois ils’est cassé le col du fémur au ski : il y a trois ans etl’an <strong>de</strong>rnier l’autre col du fémur en vélo.- Pas <strong>de</strong> chance.- Maintenant il va bien, merci pour lui. On a refait duvélo ensemble dimanche. Donc, tout va bien.- Bon, tant mieux. Bon, on arrive au terme <strong>de</strong> cetentretien.- C’était sympa.- Je vou<strong>la</strong>is vous poser une <strong>de</strong>rnière question.- Oui.- Que vous me disiez pourquoi vous avez accepté <strong>de</strong>répondre à cette étu<strong>de</strong>, ce qui vous a intéresséparticulièrement ans ce travail ?- Ben, j’ai trouvé que contrairement à <strong>la</strong> plupart <strong><strong>de</strong>s</strong>thèses, (vous êtes pas obligée <strong>de</strong> le dire) quiapportent pas grand chose à <strong>la</strong> mé<strong>de</strong>cine générale,c’est quand même un thème qui a pas dû être abordésouvent. Je trouve que c’est intéressant, pour unjeune mé<strong>de</strong>cin <strong>de</strong> synthétiser tout ça, et puis peutêtre<strong>de</strong> <strong>la</strong> faire lire à d’autres mé<strong>de</strong>cins qui sontinstallés <strong>de</strong>puis longtemps, donc qui réalisent que,ben oui, qu’ils sont pas seuls dans leur coin et que çapeut avoir <strong><strong>de</strong>s</strong> pistes <strong>de</strong> réflexion. Voilà. Si, ça meparaît intéressant, voilà. Franchement, c’est pas pourvous f<strong>la</strong>tter, mais quand j’ai vu ça… d’ailleurs, je vousl’ai écrit, téléphoné, voilà…- Oui, oui, vous avez été très motivé.- C’est vrai que ça me p<strong>la</strong>isait, ça me p<strong>la</strong>isait. Non, çam’avait… Franchement, je suis pas là pour vousf<strong>la</strong>tter, hein, ni être hypocrite, mais je trouvais quec’était intéressant. C’est vrai que les mé<strong>de</strong>cins onn’en parle pas assez. Les mé<strong>de</strong>cins, ils sontvulnérables, ils sont soumis, comme l’être humainnormal à <strong>la</strong> pathologie qui peut arriver au moment oùon s’y attend le moins, avec tous les soucis,personnels, professionnels. Et puis en plus, en étantmé<strong>de</strong>cin, ça prend, à mon avis, une dimensiondifférente, parce qu’on sait un peu <strong><strong>de</strong>s</strong> choses,médicales, <strong><strong>de</strong>s</strong> fois trop. Parce qu’on s’imagine lepire, donc on a une vision <strong><strong>de</strong>s</strong> choses qui estfaussée, qui est pas objective. Et puis les mé<strong>de</strong>cins,ils s’arrêtent pas pour un rhume, voilà. Donc, lespathologies sérieuses, il faut faire comme tout lemon<strong>de</strong>, il faut s’arrêter.- Ça, c’est difficile.- Ça, c’est difficile. De ma part, je crois que je peux direça comme ça, <strong>de</strong> ma part, je me permets pas <strong>de</strong>juger les autres, il y a une notion qu’il faut toujoursêtre en forme. Il faut toujours, il faut essayer d’êtrebien physiquement, il faut gar<strong>de</strong>r <strong>la</strong> forme, par rapportaux gens, avoir <strong>la</strong> pêche. Voilà, ça c’est peut-être <strong>de</strong>l’orgueil mal p<strong>la</strong>cé, aussi, on peut le voir comme ça.Et c’est pour ça que je dis que c’est <strong>de</strong> ma part…- Oui. Vous ne vous donnez pas le droit d’être ma<strong>la</strong><strong>de</strong>.- Voilà, exactement. Pas le droit. Bon, pour lesbricoles, ben, on se crève, c’est vrai, que 39 <strong>de</strong>fièvre… Moi j’ai fini, je vais vous faire rigoler. Parcequ’un soir, j’ai eu <strong>la</strong> grippe, je me suis pas vacciné, çac’est… Pourquoi ? Bref, j’ai oublié, j’ai fait uneconsultation en pleine grippe, là, cet hiver. Monassocié venait <strong>de</strong> se péter le col du fémur, donc il afallu se serrer les cou<strong><strong>de</strong>s</strong>. Bon, il l’avait fait 15 ansavant pour moi, donc je peux le faire. Sauf qu’un soir,vers… Je peux même vous faire rigoler. On vaterminer par là. Je vais prendre le dossier <strong>de</strong> ceMonsieur X, qui vient sans ren<strong>de</strong>z-vous, qui est unma<strong>la</strong><strong>de</strong> <strong>de</strong> T, mon associé, et qui vient me voir enme disant « Je crois que j’ai un peu <strong>de</strong> fièvre,Docteur ». Et écoutez bien « Consultation : il estdéjà 16 h 30. Monsieur X vient me voir pour unelombalgie droite banale, sans ren<strong>de</strong>z-vousévi<strong>de</strong>mment, et il me reste à 16 h 30, dix-huitconsultations à faire ! Et en plus, j’ai l’impressionque je couve <strong>la</strong> grippe : frissons, céphaléesmyalgies <strong>de</strong> partout. Nota bene une semaineaprès : heureusement, il y a <strong>de</strong>ux ren<strong>de</strong>z-vous quine sont pas venus, consultations terminéesseulement à 22 h 30 avec 39,8 <strong>de</strong> température. Ausecours T, reviens-nous vite, je t’en supplie !Trente-<strong>de</strong>ux consultations, plus quatre visites dans<strong>la</strong> journée, c’est quand même beaucoup trop,surtout avec <strong>la</strong> grippe (<strong>la</strong> mienne, pas celle <strong><strong>de</strong>s</strong>autres) ! ».- Ça, c’est dur.- Voilà, c’était tout, c’était <strong>la</strong> bouta<strong>de</strong>. QuandMonsieur T voit Monsieur X…- Il relit ça.- Que faire ? C’est vrai que si on est sa<strong>la</strong>rié, c’estpas du tout vécu pareil. On en voit <strong><strong>de</strong>s</strong> gens qu’onarrête, nous-mêmes, pour…. C’est un peu dur,« Tu pourrais aller bosser ! J’ai bossé dans unautre état que toi par certains moments ! ». Maisfinalement, je me dis, « Bon, là j’avais <strong>la</strong> grippe, jesavais ce que c’était ». Même si j’avais mal auxjambes, ça n’a rien à voir avec <strong>la</strong> fatiguepsychologique qu’on ressent …- Quand on s’inquiète.- Quand on est en train <strong>de</strong> soigner quelqu’un, qu’onse dit « Si ça se trouve, t’as un néo <strong>de</strong> <strong>la</strong> vessie, siça se trouve, dans six mois tu seras plus là ». C’estbeaucoup plus dur, ça. Voilà.- On n’a pas du tout <strong>la</strong> même disponibilité, tout à fait.Je vous remercie beaucoup <strong>de</strong> m’avoir reçue pourcet entretien et <strong>de</strong> m’avoir accordé du temps.- Je ne sais pas ce que vous allez en faire…Entretien avec le Docteur M,réalisé à son domicile le 2 juillet 2008- Actuellement, je viens <strong>de</strong> finir mon internat enmé<strong>de</strong>cine générale, et je réalise une étu<strong>de</strong>, commeje vous le disais, sur le suivi <strong><strong>de</strong>s</strong> mé<strong>de</strong>cinsgénéralistes quand ils sont <strong>de</strong>venus eux-mêmesma<strong>la</strong><strong><strong>de</strong>s</strong> et donc patients. Ce travail s’inscrit dansle cadre d’un travail <strong>de</strong> recherche pour <strong>la</strong>réalisation <strong>de</strong> ma thèse et je vou<strong>la</strong>is vousremercier <strong>de</strong> me recevoir et d’accepter <strong>de</strong> meparler d’un sujet aussi personnel que celui <strong>de</strong> votresanté. Voilà, je ne sais pas si vous avez <strong><strong>de</strong>s</strong>questions générales ?- Non.- Est-ce que vous pouvez me parler…- Sauf que ça me paraît un thème très intéressant.Voilà.- D’accord, merci. Est ce que vous pourriez meparler <strong>de</strong> vous, en tant que mé<strong>de</strong>cin pour me situerun peu votre type d’exercice.- D’accord, donc sur un p<strong>la</strong>n professionnel ?- Voilà.- Heu, j’ai 53 ans, je suis installé <strong>de</strong>puis l’âge <strong>de</strong> 27ans, donc ça fait 26 ans, à M, <strong>de</strong>puis toujours, encabinet <strong>de</strong> groupe après <strong><strong>de</strong>s</strong> étu<strong><strong>de</strong>s</strong> c<strong>la</strong>ssiquespour l’époque. J’ai fait 6 ans jusqu’à l’externat etpuis j’ai fait 4 ans d’internat. Je suis rentré tôt dans<strong>la</strong> profession, donc j’en suis sorti tôt. Et je me suisinstallé à M.


- 194 -- D’accord.- Alors que j’étais en train <strong>de</strong> faire une spécialité <strong>de</strong>Pédiatrie.- D’accord. Vous aviez commencé une spécialité.- Je me suis arrêté en troisième année.- D’accord. Donc à l’hôpital <strong>de</strong> X, à ce moment-là ?- J’ai fait <strong>de</strong>ux ans <strong>de</strong> spécialité à l’hôpital <strong>de</strong> X, j’ai pasterminé <strong>la</strong> troisième année, puis j’ai eu l’opportunité<strong>de</strong> m’installer. C’était à l’époque où on avait un peudu mal à trouver <strong><strong>de</strong>s</strong> p<strong>la</strong>ces. C’était une situationfamiliale qui faisait que j’avais drôlement envie <strong>de</strong>m’installer. J’avais peut-être aussi un peu ras le bol<strong><strong>de</strong>s</strong> étu<strong><strong>de</strong>s</strong> très formatées. J’étais très déçu <strong><strong>de</strong>s</strong>services <strong>de</strong> pédiatrie à l’époque. On apprenait parcœur <strong><strong>de</strong>s</strong> tonnes <strong>de</strong> choses et voilà, j’avais envie <strong>de</strong>m’installer.- D’accord.- J’avais l’idée que <strong>la</strong> pédia en ville c’était paspassionnant et que j’al<strong>la</strong>is peut-être pas trouverfacilement une p<strong>la</strong>ce à l’hôpital. Bref, je me suisinstallé.- Et ça a donné une coloration à votre exercice, est-ceque vous faites beaucoup <strong>de</strong> pédiatrie, par exemple ?- Alors, je fais beaucoup <strong>de</strong> pédiatrie. Je suis mé<strong>de</strong>cingénéraliste en plein, c’est-à-dire je fais <strong>de</strong> <strong>la</strong>pédiatrie, j’ai <strong>de</strong> multiples formations secondaires. Jesuis Gériatre.- Oui.- J’ai un diplôme <strong>de</strong> soins palliatifs, je suis Podologue,heu ? C’est tout. J’ai l’attestation <strong>de</strong> Pédiatrie et jesuis Mé<strong>de</strong>cin du Sport, aussi. Donc, c’est <strong><strong>de</strong>s</strong>multiples choses que je ne mets pas sur ma p<strong>la</strong>quemais qui me servent uniquement à être…- Polyvalent ?- Polyvalent.- Puis vous être enseignant, enfin, maître <strong>de</strong> stage.- Voilà. Maître <strong>de</strong> stage.- Depuis longtemps ?- Alors ça, c’est pas vieux, ça date <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux ans.- Deux ans, d’accord, c’est récent effectivement.- J’ai toujours voulu m’installer en groupe. Ça, ça m’aparu très important. Donc je suis arrivé dans uncabinet <strong>de</strong> groupe, c’était l’opportunité du moment. Etdu coup le groupe, <strong>de</strong>puis, s’est développé puisqu’onest cinq maintenant.- Cinq, ah oui !- Je suis le plus vieux du groupe, maintenant, alors quec’était moi le plus jeune.- Et quand vous êtes arrivé, vous étiez combien ?- On était trois.- D’accord.- On a changé <strong>de</strong> locaux <strong>de</strong>puis. Là on est en traind’agrandir nos locaux pour être six, un jour.- D’accord.- En fait on est cinq sur quatre bureaux.- Vous tournez ?- On a pris le cinquième avant d’avoir construit leslocaux. Donc on tourne pour l’instant.- Donc il y a certains mé<strong>de</strong>cins qui travaillent en tempspartiel ?- Non. Enfin, il y a trois filles. Vous savez, les filles,elles travaillent un peu moins que les garçons, c’està-diregrosso modo une journée <strong>de</strong> moins.- D’accord.- Effectivement, les quatre bureaux nous permettent,en tournant sur les bureaux, <strong>de</strong> faire qu’il n’y ait pasun cinquième bureau pour l’instant. C’est unesituation temporaire. On commence les travaux enseptembre.- D’accord, et donc…- La maîtrise <strong>de</strong> stage, enfin, le fait d’être maître <strong><strong>de</strong>s</strong>tage, ça s’est fait suite à un bi<strong>la</strong>n <strong>de</strong> compétencesque j’ai fait à Paris, il y a trois ans ou quatre ans, jesais plus, avec une société qui est affiliée à MGFrance, voilà. C’était intéressant, je me suis aperçuque j’étais content d’être généraliste, contrairement àd’autres qui sont un peu amers <strong>de</strong> l’être, oufatigués <strong>de</strong> l’être. Et que j’avais quand même <strong>la</strong>chance <strong>de</strong> faire le boulot que j’aimais. Du coup,l’idée d’être maître <strong>de</strong> stage, qui me titil<strong>la</strong>it <strong>de</strong>puislongtemps, c’est <strong>de</strong>venu évi<strong>de</strong>nt à <strong>la</strong> suite <strong>de</strong> cetruc-là.- Vous aviez envie <strong>de</strong> le transmettre, ce p<strong>la</strong>isir <strong>de</strong>travailler.- Voilà, ça fait longtemps que je vou<strong>la</strong>is le faire, maisje me disais que c’était… Quand même, on est à <strong>la</strong>chasse au temps perdu. Je me disais que c’étaitencore du temps consacré au boulot et que c’étaitdommage. Mais voilà. Du coup, ça a été le déclicpour me déci<strong>de</strong>r et me dire que les avantagesétaient supérieurs aux inconvénients.- D’accord. On va parler <strong>de</strong> vous, maintenant plutôten tant que patient, si vous êtes d’accord, d’unpoint <strong>de</strong> vue général. Après on va parler plusspécifiquement <strong>de</strong> <strong>la</strong> pathologie effectivementqu’on avait choisie. D’un point <strong>de</strong> vue général, estceque vous pourriez me redire brièvement quelsont été les différents antécé<strong>de</strong>nts durant votre viequi ont pu vous poser souci.- Au niveau santé ?- Au niveau santé, médical ou chirurgical. Voilà.- Rien, pratiquement rien jusqu’en 2002, je crois.L’année où j’ai donc fait une <strong><strong>de</strong>s</strong> pathologies quej’avais évoquées, une sciatique.- Oui.- Une sciatique hyperalgique qui m’a fait meconfronter au statut <strong>de</strong> ma<strong>la</strong><strong>de</strong> pour <strong>la</strong> premièrefois. Ce qui était surprenant, ce qui m’a aussiconfronté à ma fragilité, puisque j’étais ma<strong>la</strong><strong>de</strong>.- Vous aviez du être hospitalisé à ce moment-là ?- J’ai été hospitalisé. J’ai géré ça à <strong>la</strong> manière d’unmé<strong>de</strong>cin qui s’autogère, c’est-à-dire que j’ai pas <strong>de</strong>mé<strong>de</strong>cin traitant. J’ai commencé par me traiterpendant <strong><strong>de</strong>s</strong> mois « à <strong>la</strong> va comme je te pousse »,en al<strong>la</strong>nt voir un kiné, à prendre <strong><strong>de</strong>s</strong> antiinf<strong>la</strong>mmatoires,à pas faire grand chose <strong>de</strong> plus. Etpuis, ça s’est aggravé sur trois semaines, où j’aicommencé à bouloter <strong><strong>de</strong>s</strong> médicaments, en medisant que j’al<strong>la</strong>is bien y arriver, que ça al<strong>la</strong>itpasser. Je me suis pas arrêté <strong>de</strong> travailler, biensûr. J’ai pris <strong>de</strong> <strong>la</strong> cortisone, <strong><strong>de</strong>s</strong> antiinf<strong>la</strong>mmatoires,<strong>de</strong> <strong>la</strong> morphine, du Rivotril®. J’aifait comme je fais avec mes patients, quand ilsvont mal. Sauf que, voilà… Et puis un samedimatin, je me suis quand même décidé à aller voirun confrère, qui m’a hospitalisé dans <strong>la</strong> journée, endisant « Ecoute, c’est plus possible ».- Il y avait un déficit ?- Il n’y avait pas <strong>de</strong> déficit, mais c’était une sciatiquehyperalgique c’est-à-dire que j’avais pas un endroit<strong>de</strong> repos, je ne dormais pas. J’ai dû passer quatrenuits sans dormir. Le seul moment <strong>de</strong> repos quej’avais, c’est quand j’avais <strong>la</strong> patte en l’air. Ce quin’est pas très facile pour dormir. Il fal<strong>la</strong>it que je memette dans une position incroyable, qui supportaitpas… enfin qui supposait pas le repos.- Et encore moins pour travailler.- Et oui, je sais pas comment j’ai pu travailler. Je mesuis arrêté <strong>de</strong> travailler <strong>de</strong>ux jours avant. Jetravail<strong>la</strong>is, je travail<strong>la</strong>is. Finalement, quand jebougeais, c’était presque moins douloureux. Etpuis là, ils m’ont traité. Ils ont pensé qu’il fal<strong>la</strong>itqu’ils m’opèrent en urgence, ils avaient pris leren<strong>de</strong>z-vous chirurgical <strong>la</strong> semaine qui suivait monentrée à l’hôpital. Il y avait donc à l’IRM une grossehernie foraminale. En fait au bout <strong>de</strong> trois-quatrejours, j’ai eu un espèce d’ « off ». D’un seul coupça a été mieux. On a eu l’impression que leschoses ont été mieux. Du coup, j’ai eu uneinfiltration foraminale, un plâtre trois semaines et jesuis rentré chez moi.- D’accord.


- 195 -- J’ai recommencé à travailler avec le plâtre.- Mais quand même un arrêt qui a été…- Un arrêt <strong>de</strong> trois semaines. Trois semaines : unesemaine d’hospitalisation, <strong>de</strong>ux semaines <strong>de</strong> plâtre.J’ai repris avec le plâtre une semaine.- Donc, ça, c’était votre première expérience <strong>de</strong>patient ?- Oui, je l’ai gérée plutôt bien, parce que le fait d’êtremé<strong>de</strong>cin a <strong><strong>de</strong>s</strong> avantages, c’est-à-dire que quand onva voir <strong><strong>de</strong>s</strong> confrères, ils s’occupent vraiment <strong>de</strong> vous<strong>de</strong> manière très convenable. Ils sont empressésauprès <strong>de</strong> vous. Je trouve ça plutôt bien. Une sorte<strong>de</strong>…- De quel point <strong>de</strong> vue, au niveau <strong>de</strong> l’écoute, parexemple ?- Non, pas <strong>de</strong> l’écoute. Non, parce qu’ils sont trèsgênés, quand même. Au niveau technique.- D’accord. Au niveau <strong>de</strong> l’accessibilité, aussi, peutêtre?- C’est plus accessible. C’est-à-dire le ren<strong>de</strong>z-vous <strong>de</strong>rhumato, je l’ai eu tout <strong>de</strong> suite, l’hospitalisation dans<strong>la</strong> foulée, l’IRM, …- Ça, c’est plus simple ?...- Ça, d’est plus simple. Et puis effectivement,l’accessibilité, enfin l’agrément <strong>de</strong> pouvoir parler avec<strong><strong>de</strong>s</strong> gens qui sont quand même re<strong>la</strong>tivement à notredisposition, je trouve, pour les gens que j’ai côtoyés.- D’accord.- L’inconvénient, c’est qu’on a toujours l’impressiond’être un confrère plutôt qu’un patient ; on est un peuentre les <strong>de</strong>ux, on est soit un confrère, soit un patient.Et ça, c’est pas très évi<strong>de</strong>nt tout le temps. Ils disent« Tu verras bien, quoi. Débrouille toi, je te donnel’essentiel, tu déci<strong><strong>de</strong>s</strong> ». Voilà, « Tu déci<strong><strong>de</strong>s</strong> ». Nouson fait participer les gens aux décisions qu’on prend,mais sans doute on les ai<strong>de</strong> à déci<strong>de</strong>r, et à unmoment donné, on prend une décision et, si lespatients sont d’accord, ils vont suivre notre position.Ça ai<strong>de</strong>. Je pense que ça ai<strong>de</strong> beaucoup à faire unparcours <strong>de</strong> soins. Là, c’est toujours nous quidécidons. Sauf mon rhumato, il m’a dit « Jet’hospitalise ». Là, je dois avouer que je me suis<strong>la</strong>issé aller.- Laissé gui<strong>de</strong>r.- J’ai dit « C’est génial, il me prend, voilà, je change <strong><strong>de</strong>s</strong>tatut ».- Là, vous aviez vraiment un statut <strong>de</strong> patient.- Mais ça a été très curieux, parce que <strong>la</strong> reprise aprèstrois semaines… J’ai repris un lundi matin. J’avaisren<strong>de</strong>z-vous avec le rhumatologue à huit heures dumatin et je commençais à neuf heures. Donc, j’étaispatient à huit heures dans les mains du rhumato et àneuf heures, je me remettais à avoir mon rôle et monstatut <strong>de</strong> mé<strong>de</strong>cin qui prend en charge. C’était un trucétrange entre huit heures et neuf heures. Je savaisplus tellement où j’étais.- C’est difficile <strong>de</strong> passer <strong>de</strong> l’un à l’autre en si peu <strong>de</strong>temps.- Oui. C’était un peu bizarre.- D’accord. Et après, en <strong>de</strong>hors <strong>de</strong> <strong>la</strong> pathologie donton va parler, l’hépatite, est-ce qu’il y a eu d’autressoucis ?- J’ai été opéré d’un genou il y a trois mois, d’unménisque.- D’accord. C’est ce que vous m’avez dit au mois <strong>de</strong>mars.- Mais c’est <strong>la</strong> même chose, c’est que c’est moi qui aidécidé <strong>de</strong> me faire opérer. Je suis allé voir <strong><strong>de</strong>s</strong> gens,ils m’ont dit « Oui, peut-être que tu pourrais, peut-êtreque tu pourrais pas, tu vois bien, c’est toi qui déci<strong><strong>de</strong>s</strong>en fonction <strong>de</strong> ta gêne ».- Ils vous <strong>la</strong>issaient prendre cette décision.- « Tu verras.T’as pas l’air trop gêné. Tu peux attendre».- C’était dans le cadre d’un sport, c’était traumatique ?- Oui, c’était micro traumatique. J’ai dû beaucoupcourir.- Oui. D’accord. Donc c’est quelque chose qui aévolué dans le temps, c’était très progressif ?- Le genou qui gonf<strong>la</strong>it chaque fois que je courais.- D’accord.- Qui était <strong>de</strong>venu particulièrement sensible, qui l’estencore d’ailleurs. Il y avait une histoire méniscaleet une histoire <strong>de</strong> micro-traumatisme carti<strong>la</strong>gineuxaussi, une chondrite rotulienne, qui m’est restée,quand même. Et puis, si vous voulez que je vousraconte cette histoire-là, au bout du compte, j’ai vul’orthopédiste qui m’a… D’abord, je me suis autoprescrit <strong>la</strong> radio puis l’IRM. Ensuite, je suis allé voirl’orthopédiste qui m’a dit « Ben, oui, tu as un grosménisque fissuré, c’est vrai qu’on pourrait t’opérer,mais t’as pas l’air pas trop gêné, tu verras bien ».J’étais <strong>de</strong> plus en plus gêné par <strong>la</strong> suite, je suis allévoir ma consoeur rhumato qui s’était occupée <strong>de</strong>ma sciatique, pour qu’elle m’infiltre, voir si çapermettait pas <strong>de</strong> calmer le jeu. Elle m’a dit « Non,t’as pas d’indication d’infiltration, mais pourl’opération, je te <strong>la</strong>isse prendre <strong>la</strong> décision ». Et ducoup, j’ai téléphoné, ça c’était en novembre, ducoup, j’ai téléphoné à l’orthopédiste après uncertain temps en disant « J’en ai marre, je veuxêtre opéré ». Il m’a dit « Ben écoute, c’est pas <strong>la</strong>peine que je te revois d’ici-là ». Donc il m’a opéré,très bien, puis après en partant, il m’a dit « C’estpas <strong>la</strong> peine que je te revois après, tu me donneras<strong>de</strong> tes nouvelles ».- D’accord. Et tout le suivi ?- Ça, c’est terrible, quoi. Ça c’est peut-être parceque je me <strong>la</strong>isse pas faire. A un moment donné, je<strong>de</strong>vrais me mettre entre les mains, me mettre dansun circuit, quoi. Mais quand même. Quand ontéléphone et qu’on dit qu’on est… Voilà, <strong>de</strong> toutefaçon, on va avoir un ren<strong>de</strong>z-vous à l’avance, quisera souvent en plus <strong><strong>de</strong>s</strong> ren<strong>de</strong>z-vous, parcequ’ils nous rajoutent en début <strong>de</strong> consultation. Lesgens prennent le temps, mais ceci dit, ils n’ont pasque ça à faire non plus. On sent bien qu’il y a uneatmosphère différente <strong>de</strong> celle du patient <strong>la</strong>mbda,quoi.- Et c’est difficile <strong>de</strong> s’imposer, <strong>de</strong> dire « Je voudraisêtre suivi » ?- Il faudrait que je le fasse.- C’est pas évi<strong>de</strong>nt, effectivement, comme vous ledites, parce que souvent on est en plus, en marge,un peu <strong>de</strong> <strong>la</strong> patientèle c<strong>la</strong>ssique.- Ce que l’on souhaite pas forcément. Mais enfin, àpartir du moment où on téléphone dans ce sens-là,et comme les ren<strong>de</strong>z-vous sont à un mois et <strong>de</strong>mi.« Si vous voulez, on vous case en plus dansquinze jours ».- Et c’est difficile d’avoir une p<strong>la</strong>ce à part entièredans ces conditions-là.- C’est pas évi<strong>de</strong>nt, mais je pense que même enétant dans le circuit normal, je suis pas sûr que…J’ai pas eu <strong>de</strong> lettre par exemple. A un moment j’aiabandonné, j’ai eu un courrier disant : « J’ai vuMonsieur Machin… ». Parce que quand mêmedans une lettre, le mé<strong>de</strong>cin, il se pose, le mé<strong>de</strong>cinconsultant, il se pose et à un moment donné, ilévacue <strong>la</strong> discussion et il met un diagnostic et ilmet une conduite à tenir. Je pense qu’il réfléchitaussi pendant <strong>la</strong> lettre. Et donc ce temps-làdisparaît, le temps <strong>de</strong> <strong>la</strong> lettre au confrère, où onprend ses responsabilités en tant que mé<strong>de</strong>cinconsultant et on dit « Voilà ce que je pense dupatient, voilà quelle conduite à tenir on pourraitfaire ». Ça, ça disparaît.- Oui, effectivement, un temps <strong>de</strong> réflexion, untemps <strong>de</strong> pause dans <strong>la</strong> discussion, qui n’existeplus. Vous en parliez un peu tout à l’heure, mais jevou<strong>la</strong>is vous <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r comment vous prenez en


- 196 -charge votre santé, dans le sens est-ce que vousavez un mé<strong>de</strong>cin traitant, <strong>de</strong>puis 2002 ?- Alors, j’ai un mé<strong>de</strong>cin traitant. Heu… Pourquoi j’ai unmé<strong>de</strong>cin traitant ? …. Parce qu’il m’en fal<strong>la</strong>it un.- Parce que vous disiez qu’en 2002 vous n’en aviezpas.- J’en ai toujours pas.- D’accord.- Donc j’ai un mé<strong>de</strong>cin traitant parce que pour <strong><strong>de</strong>s</strong>raisons <strong>de</strong> certificat à un moment donné il me fal<strong>la</strong>itun mé<strong>de</strong>cin traitant. Donc, c’est mon confrère qui estmon mé<strong>de</strong>cin traitant, mais qui ne m’a jamaisexaminé.- D’accord, il n’y a jamais eu d’examen clinique.- Non.- Par contre il est déc<strong>la</strong>ré dans les papiers « mé<strong>de</strong>cintraitant ».- Oui.- D’accord.- Mais je le consulte pas. Alors, il se trouve que je n’aipas <strong>de</strong> pathologie chronique, je n’ai eu <strong><strong>de</strong>s</strong>phénomènes que <strong>de</strong> pathologie aiguë. Donc j’ai pasnon plus besoin d’un suivi. Probablement que sij’avais un jour besoin d’un suivi, je choisirais, alors là,pour le coup, ça serait un déclic. Je choisiraiseffectivement un mé<strong>de</strong>cin à qui je <strong>de</strong>man<strong>de</strong>rais,j’essaierais <strong>de</strong> <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r d’être un mé<strong>de</strong>cin traitantc<strong>la</strong>ssique. Mais je pense que c’est pas évi<strong>de</strong>nt pourun confrère, <strong>de</strong> déci<strong>de</strong>r à soigner…- Et vous y avez déjà réfléchi, à qui vous choisiriez ?Est-ce que ça serait un associé ou au contrairequelqu’un <strong>de</strong> plus neutre ?- J’en sais rien. Heu… J’en sais rien… Pour l’instant,j’ai personne dans <strong>la</strong> tête.- D’accord.- Qui emporte le… qui emporte le… Quand j’ai fait monbi<strong>la</strong>n <strong>de</strong> compétences, je me suis trouvé avec <strong><strong>de</strong>s</strong>mé<strong>de</strong>cins que j’ai trouvés très compétents. Il y avaitun mé<strong>de</strong>cin, je me suis dit « Tiens, j’aimerais bienêtre son patient ». Et voilà. Mais aussi parce que jene le connaissais pas et qu’effectivement c’était riend’autre, c’était pas un collègue, quoi.- D’accord. Est-ce qu’actuellement vous avez untraitement ?- Non… Si ! Ah oui ! Je m’auto prescrit <strong>de</strong>puis dix ansune statine.- D’accord. Suite à un bi<strong>la</strong>n biologique ?- Je <strong>de</strong>vais avoir le taux <strong>de</strong> cholestérol le plus haut <strong>de</strong>ma clientèle.- Et vous l’aviez découvert comment ?- Par hasard. J’étais persuadé qu’il était bas, parce queje courais, et en fait il était très haut.- Et vous vous étiez prescrit un bi<strong>la</strong>n bio…- Je suis allé très vite oui, mais c’est parce que monpère avait une hypercholestérolémie.- Vous avez <strong><strong>de</strong>s</strong> antécé<strong>de</strong>nts familiaux ?- Voilà, oui, coronarien. Donc je m’étais dit que c’étaitl’âge où je pouvais tester le cholestérol. J’ai été unpeu surpris du taux. J’ai hésité trois secon<strong><strong>de</strong>s</strong> parceque c’était le début <strong><strong>de</strong>s</strong> statines et que moncardiologue disait que les statines n’avaient rienprouvé, que c’était un médicament qui étaitpotentiellement dangereux, peut-être, à l’époque, etqu’on pouvait attendre avant d’y aller. Et puis j’y suisallé assez vite.- Vous me dites votre cardiologue. C’est le cardiologueavec lequel vous travaillez du point <strong>de</strong> vueprofessionnel ?- Oui.- Ou est-ce qu’il vous a suivi pour <strong><strong>de</strong>s</strong> antécé<strong>de</strong>ntsfamiliaux ?- Il m’a jamais suivi.- D’accord.- Non, on en avait discuté ensemble.- C’est le confrère avec lequel vous correspon<strong>de</strong>z.D’accord.- Donc là, je me prescris les statines.- D’accord. Il y a une prescription.- Mais pour moi c’est pas une pathologie chronique,c’est un facteur <strong>de</strong> risques.- C’est un facteur <strong>de</strong> risques.- Alors, je me suis auto prescrit un électro d’effort à<strong>la</strong> cinquantaine, à cause <strong>de</strong> ces facteurs <strong>de</strong>risques. Mais là encore, je suis finalement moteur,dans l’histoire.- Et donc vous l’avez réalisé chez un cardiologue ?- Oui. Chez un autre cardiologue, parce que lepremier était parti, qui est le cardiologue à l’hôpital.- Et vous aviez fait un petit mot ?- Non.- Juste une prescription. D’une manière générale,quel patient vous pensez être ?- Heu.. , quel patient je pense être ? C’estcompliqué. Très compliant.- Oui.- Sûrement très compliant, mais…ouais, compliant.Oui, je peux être assez compliant.- D’accord.- On me dit <strong>de</strong> faire un truc, je le fais.- Vous vous <strong>la</strong>issez gui<strong>de</strong>r quand on vous <strong>la</strong>issecette p<strong>la</strong>ce, voilà.- Oui, je suis assez content à un moment donnéqu’on me gui<strong>de</strong>. Je trouve ça sou<strong>la</strong>geant. Je suisprêt à me <strong>la</strong>isser gui<strong>de</strong>r tout en réfléchissanteffectivement à ne pas… Je sens que je connaisles finasseries du métier, mais enfin, je pense qu’ilne faut pas trop me raconter <strong><strong>de</strong>s</strong> histoires, etj’essaie d’aller avec <strong><strong>de</strong>s</strong> mé<strong>de</strong>cins auxquels jecrois, dont je reconnais <strong>la</strong> compétence dans tousles cas.- En qui vous avez confiance.- Voilà. J’ai toujours eu du mal à faire soigner mesenfants par quelqu’un d’autre que par moi.- Vous soignez votre famille ?- Oui.- D’accord.- Pour partie, pour <strong>la</strong> plus gran<strong>de</strong> partie.- En tant que mé<strong>de</strong>cin traitant déc<strong>la</strong>ré ?- Oui.- D’accord.- Oui, mais il se trouve qu’ils ont pas non plus unepathologie importante, mais ça a été, commentdire ? ça a été comme une évi<strong>de</strong>nce. Mes enfantsn’ont pas imaginé qu’ils pouvaient être suivis parquelqu’un d’autre que par moi ; là aussi en tant quemé<strong>de</strong>cin et parent, c’est pas simple. Une ou <strong>de</strong>uxfois j’ai <strong>de</strong>mandé quand même l’avis <strong>de</strong> confrèresj’ai joué <strong>la</strong> carte <strong>de</strong> <strong>la</strong>isser tomber mesprérogatives <strong>de</strong> mé<strong>de</strong>cin. En particulier, mon filsca<strong>de</strong>t a fait une méningite virale mais suffisammentinquiétante. Il était pas très bien pour que jel’hospitalise . J’ai délégué, bien sûr.- Vous avez passé <strong>la</strong> main.- Voilà, il y a eu <strong><strong>de</strong>s</strong> choses comme ça. Ma fille avaitune appendicite, j’ai <strong>de</strong>mandé à une consoeur <strong>de</strong>venir vérifier son ventre avant <strong>de</strong> l’hospitaliser,voilà. C’est difficile aussi d’être à <strong>la</strong> fois père etmé<strong>de</strong>cin.- De rester objectif. Bien sûr. Quand il y a l’émotion,l’émotionnel qui entre en jeu.- Oui. Puis c’est toujours surprenant. Quand on estappelé chez <strong><strong>de</strong>s</strong> gens pour une pathologiedonnée… Mon fils qui avait cette méningite, je suisarrivé, j’avais bossé tard ce jour-là. Ma femme medit « Ecoute, ton fils, il est pas en forme, il a mal à<strong>la</strong> tête, tu <strong>de</strong>vrais aller le voir ». J’ai dit « Encore !Je viens <strong>de</strong> bosser dix heures, je vais pas encoreme taper… ».- Encore une consultation !- Puis là, il avait le cou rai<strong>de</strong>, c’est pas possible. Làaussi, d’un seul coup, il faut être mé<strong>de</strong>cin, puisseque c’est le choix que j’avais d’être, et être objectif


- 197 -dans ce truc-là, et donc ça vou<strong>la</strong>it dire m’inquiéter, çavou<strong>la</strong>it dire, ne pas penser que c’était un rhumesimple, et l’hospitaliser, et prendre une décision.- Rester professionnel.- C’est pas très simple.- Non, c’est sûr, dans un domaine familial, personnel,on n’a pas toujours envie.- On va parler maintenant plus précisément <strong>de</strong> <strong>la</strong>pathologie qui avait été tirée au sort dans le cadre <strong>de</strong>l’étu<strong>de</strong>. Est-ce que vous pouvez me raconter votreparcours <strong>de</strong> ma<strong>la</strong><strong>de</strong>, dans cette histoire ?- Le parcours <strong>de</strong> ma<strong>la</strong><strong>de</strong>, c’est une fatigue importante.Comment ça s’est passé ? J’étais crevé. Mais commeon est souvent fatigué dans ce métier, je l’ai attribuéà un surmenage professionnel. Et puis un beau jour,j’avais très mal à <strong>la</strong> tête. Et donc ça a traîné troisquatrejours comme ça où j’étais pas bien, j’avais malà <strong>la</strong> tête, jusqu’au moment où j’ai commencé àprendre ma fièvre. Je me suis aperçu que j’avais39,5°C et que je pouvais être fatigué. Et puis là,qu’est-ce qui s’est passé ? J’avais très mal à <strong>la</strong> tête,j’avais un petit méningisme, un petit syndromeméningé. Donc, j’étais pas bien du tout, j’étaisnauséeux. J’étais crevé, et en fait ça s’est passé trèsvite, je crois, parce que… Là encore, ça s’est passéen urgence, et un dimanche. Mais j’ai fait une biologiedans <strong>la</strong>quelle il y avait une hépatite. D’allure virale, entout cas sans élément bactérien.- Et qu’est-ce qui vous avait fait penser à <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r lessérologies ?- J’ai pas <strong>de</strong>mandé les sérologies, on sait pas quellehépatite j’ai fait.- D’accord, c’était les enzymes qui étaientaugmentées. D’accord.- Oui, il y avait une hépatite biologique. Mais qui n’avaitpas <strong>de</strong>… J’ai dû en parler un peu au gastro levendredi en lui disant « Je suis pas bien, j’ai unehépatite » Je me suis arrêté <strong>de</strong> travailler. Et puis leweek-end, j’étais là encore pas bien du tout, avecbeaucoup <strong>de</strong> fièvre et <strong><strong>de</strong>s</strong> douleurs abdominales, <strong><strong>de</strong>s</strong>maux <strong>de</strong> tête importants, c’est ce qui dominait. Malfichu. Je crois que j’avais un teint un peucadavérique. Et j’ai été hospitalisé à l’hôpital <strong>de</strong> M.- En urgence.- En urgence, mais qui est-ce qui m’a hospitalisé ? J’ysuis allé.- Il y a un service <strong>de</strong> porte à l’hôpital <strong>de</strong> M ?- Oui.- D’accord.- Voilà, ça a duré… J’ai fait une fièvre au long cours.Enfin, j’ai fait quinze jours <strong>de</strong> fièvre. J’ai eu un bi<strong>la</strong>n àl’hôpital <strong>de</strong> M. J’ai été chouchouté par les confrèresque je connais. L’hôpital <strong>de</strong> M, c’est un petit hôpitaloù il y a un service <strong>de</strong> mé<strong>de</strong>cine très actif, où lesgens fonctionnent très bien ensemble <strong>de</strong> manièrepluridisciplinaire. C’est-à-dire qu’il y a un cardiologue,il y a un gastro, il y a un pneumologue, il y a un<strong>de</strong>rmato. Tous ces gens-là se sont plus ou moinscooptés, alors il y a <strong><strong>de</strong>s</strong> gens qui font <strong><strong>de</strong>s</strong> vacations,d’autres qui viennent sur <strong><strong>de</strong>s</strong> quarts temps, <strong><strong>de</strong>s</strong>choses comme ça. Tous ces gens-là se connaissent,c’est un sentiment d’équipe. Donc, voilà, ces gens-làse sont occupés <strong>de</strong> moi. C’était agréable sauf quej’étais pas en forme et puis qu’il n’y a pas eud’évi<strong>de</strong>nce diagnostique sur cette histoire. Donc jesavais que j’avais un petit syndrome méningé, j’ai paseu <strong>de</strong> ponction lombaire, mais j’avais un syndromeméningé certain, clinique en tous les cas. J’ai fait unemyocardite. Le cardiologue m’a dit que j’avais unepetite touche <strong>de</strong> myocardite. J’avais donc unehépatite, je crois que j’ai fait une néphrite. Des petitssignes, tout ça.- Tous les spécialistes <strong>de</strong>vaient s’occuper <strong>de</strong> vous,alors ?- (Sourire). C’est rigolo… On a fait toutes lessérologies du mon<strong>de</strong>. Ça s’est terminé, parce que <strong>la</strong>fièvre traînait, en hospitalisation à Y, dans leservice d’Infectieux, où j’étais parti au départ pourfaire une ponction-biopsie <strong>de</strong> foie. Et puis en fait,en Infectieux, à Y, pour le coup, j’ai retrouvé monstatut d’anonyme, c’était pas désagréable, mais j’ysuis resté <strong>de</strong>ux jours, une journée et une nuit.Parce que c’était le moment où je défervais et que<strong>la</strong> défervescence étant là, ils se sont dit « Benpeut-être que ça vaut pas le coup <strong>de</strong> seprécipiter ». Et donc, je suis sorti avec un ren<strong>de</strong>zvous,quinze jours après pour voir le mé<strong>de</strong>cininfectiologue avec une nouvelle batterie <strong><strong>de</strong>s</strong>érologies.- Donc il n’y a pas eu <strong>de</strong> ponction biopsie.- Il y a pas eu <strong>de</strong> ponction biopsie.- D’accord. Donc le diagnostic reste…- Le diagnostic reste en suspens, on a pensé quej’avais peut-être fait… Il y a <strong><strong>de</strong>s</strong> rickettsioses dansle coin, mais les sérologies sont négatives. Lessérologies c<strong>la</strong>ssiques d’hépatite A et d’hépatite B,d’hépatite C, bien sûr, étaient négatives. Et c’étaitpas une CMV, c’était pas une mononucléose,c’était pas ce qu’on dépiste habituellement. Ons’est <strong>de</strong>mandé si c’était pas… comment elles’appelle, <strong>la</strong> ma<strong>la</strong>die <strong><strong>de</strong>s</strong> égoutiers ?- Véhiculée par les rongeurs ?- Voilà. On est resté avec cette idée que peut-être,c’était ça. En fait, j’ai eu <strong><strong>de</strong>s</strong> cyclines.- La leptospirose ?- La leptospirose, c’est ça. On s’est <strong>de</strong>mandé si <strong>la</strong>conjonction <strong><strong>de</strong>s</strong> atteintes rénale, hépatique… sic’était pas <strong>la</strong> leptospirose, mais les sérologies n’enont jamais fait <strong>la</strong> preuve. L’infectiologue disait quec’était assez c<strong>la</strong>ssique et qu’on faisait pas lediagnostic <strong>de</strong> toutes les hépatites et quel’essentiel, c’est que tout ça rentre dans l’ordre.- D’accord. Alors, quand vous étiez bien« chouchouté » par les confrères avec lesquelsvous travaillez, que vous connaissez bien, est-ceque vous avez ce statut <strong>de</strong> patient ?- Alors, oui. Je me le suis donné, c’est-à-dire que jeme suis <strong>la</strong>issé aller.- Vous vous êtes <strong>la</strong>issé prendre en charge.D’accord.- Oui, c’est-à-dire, qu’à un moment donné, je les aiécoutés, j’ai écouté ce qu’ils me disaient et j’ai ététrès, très patient.- Eux, ils savaient que vous étiez mé<strong>de</strong>cin ?- Oui.- Forcément. Est-ce qu’il y a eu <strong>de</strong> <strong>la</strong> gêne ou unedifficulté à vous prendre en charge, <strong>de</strong> leur part,vous avez ressenti ça ?- Non.- Non. Pas du tout. Et à Y, ils savaient que vousétiez mé<strong>de</strong>cin ?- Oui.- Et il n’y a pas eu une appréhension,vous n’avezpas ressenti <strong>de</strong> gêne <strong>de</strong> leur part ?- Non.- Du tout. Donc, ça a été plutôt simple, cette re<strong>la</strong>tion.- Oui.- D’accord. Quand on reprend effectivement votrehistoire, vous me disiez, au tout début, en fait, vousvous êtes prescrit <strong>la</strong> biologie, mais il n’y a eu queça en fait, et puis donc ce diagnostic un peu floud’hépatite.- Voilà. J’ai fait qu’une biologie.- Et après, <strong>la</strong> prise en charge.- Tout s’est fait en hospitalier.- Voilà. Tout s’est fait par les spécialistes enhospitalier, voilà.- Alors, là aussi, je sais pas si le mé<strong>de</strong>cin <strong>de</strong> gar<strong>de</strong>que j’ai vu est un mé<strong>de</strong>cin qui a une formationchirurgicale. C’est un mé<strong>de</strong>cin étranger qui acommencé une formation <strong>de</strong> chirurgien avant <strong>de</strong><strong>de</strong>venir urgentiste. Donc, il était parti sur une


- 198 -histoire hépatovésicu<strong>la</strong>ire. Il l’a traitée comme telle,avec antibiotiques, antalgiques et j’ai eu droit à unscanner en urgence. Je sais pas si j’aurais eu unscanner en urgence si j’avais été un patient <strong>la</strong>mbda.Je suis pas sûr, je sais pas si ça se justifiaitcomplètement. Peut-être, je ne sais pas.- Donc peut-être plus d’examens. C’est une questionque vous vous posez.- Pas sûr. J’ai jamais cru, à cette histoire. Je merappelle que l’aller et le retour au scanner étaient unehorreur.- Parce que vous souffriez. Sur un brancard…- Parce que c’est à X, le scanner. On part avec uneambu<strong>la</strong>nce qui brinquebale et quand on a mal à <strong>la</strong>tête…- C’est pas le mieux, effectivement.- Mais c’est intéressant. Alors là, pour le coup, c’esttrès intéressant, d’avoir ces sensations.- De passer <strong>de</strong> l’autre côté ?- Oui.- C’est ça, qui vous a le plus marqué, par exemple, entant que patient, justement ?- C’est un mon<strong>de</strong> qu’on découvre. C’est vraiment unmon<strong>de</strong> qu’on découvre et qu’on ne connaît pas. Onne connaît pas les sensations physiques.- Donc, <strong>la</strong> douleur ?- La douleur, le statut effectivement qui estcomplètement différent. L’espèce <strong>de</strong> dépendancequ’on a brutalement <strong>de</strong> plein <strong>de</strong> gens qu’on neconnaît pas forcément, dont moi, je peux apprécier <strong>la</strong>compétence, mais dont les patients n’apprécient pasforcément <strong>la</strong> compétence, avec tout le doute que çasuppose quand les mots ne sont pas mis sur leschoses. « Ces gens pourraient quand même prendrele temps <strong>de</strong> s’occuper <strong>de</strong> moi et <strong>de</strong> me parler », cequi n’est pas toujours le cas, me semble-t-il. Et puis àun moment donné, les choses qu’on…- La perte d’autonomie, aussi, vous n’en avez peut-êtrepas souffert ?- La perte d’autonomie, oui. Et on perd beaucoup <strong>de</strong>temps.- On attend.- On attend, on attend. Quand on est patient, on attendlongtemps, c’est le temps qui passe. On n’est pashabitué. Et ce temps, c’est un temps pour gamberger,c’est un temps pour se reposer, et c’est un tempspour gamberger. Quand on est inquiet, on peutgamberger.- Le temps prend une autre dimension.- Et puis, les sensations… J’ai oublié un truc, dans lespetites histoires médicales, mais je trouve que c’estintéressant, qui m’était arrivé. Il y a… Je fais <strong>de</strong> <strong>la</strong>moto <strong>de</strong>puis 10 ans. La première année, j’ai eu unacci<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> circu<strong>la</strong>tion. Donc j’ai percuté une jeunedame qui m’a coupé <strong>la</strong> route, qui a été désolée,puisqu’elle faisait partie <strong>de</strong> <strong>la</strong> ligue contre <strong>la</strong> violenceau vo<strong>la</strong>nt. Elle m’a coupé <strong>la</strong> route, quand même.Donc, je suis rentré <strong>de</strong>dans assez brutalement.J’étais furieux, parce que je m’étais dit que je n’auraisjamais d’acci<strong>de</strong>nt. J’étais vraiment furieux. Je rou<strong>la</strong>isdoucement, heureusement, et donc j’ai été ramassépar les pompiers et je suis allé aux urgences àl’hôpital <strong>de</strong> X, où curieusement on m’a reconnu,parce que j’y avais été interne il y a déjà un certaintemps… Mais là, j’avais un statut <strong>de</strong> ma<strong>la</strong><strong>de</strong>. Et j’aitrouvé très étonnant <strong>de</strong> passer par là. Donc, le tempsd’attendre dans le box. L’espèce <strong>de</strong> … Il y a <strong><strong>de</strong>s</strong> gensavec nous <strong>de</strong> manière <strong>de</strong>nse, à un moment donné,mais à un moment donné il n’y a plus personne. Onne sait pas quand est-ce que les gens vont revenir.C’est un peu étrange, ça.- Est-ce qu’on nous a oublié ? Est-ce que…- Le… J’ai été très étonné <strong>de</strong> découvrir le p<strong>la</strong>fond <strong><strong>de</strong>s</strong>hôpitaux. Je pense qu’il <strong>de</strong>vrait y avoir unesignalétique aux p<strong>la</strong>fonds. On <strong>de</strong>vrait soigner lesp<strong>la</strong>fonds. Il <strong>de</strong>vrait y avoir <strong><strong>de</strong>s</strong> p<strong>la</strong>fonds propres,beaux, et il <strong>de</strong>vrait avoir <strong><strong>de</strong>s</strong> choses inscrites aup<strong>la</strong>fond, du genre « Vous êtes aux urgences »« Maintenant vous allez à <strong>la</strong> radio ». Quand même,on vit avec les p<strong>la</strong>fonds quand on est à l’hôpital. Etpuis à un moment donné, alors, j’avais unmenton… J’avais un casque, mais j’avais quandmême un menton qui avait pris mais j’avais <strong><strong>de</strong>s</strong>contusions. Mais finalement j’avais pas <strong>de</strong> chosesbien graves, l’interne <strong>de</strong> gar<strong>de</strong> s’est bien sûrdésintéressé <strong>de</strong> moi et il m’a dit « Vous pouvezpartir, c’est fini». Et, ce truc, moi, j’étais encorema<strong>la</strong><strong>de</strong> dans ma tête ! (Rires)- Un peu comme un abandon tout d’un coup.- Et puis d’un seul coup, on me dit « Finalement,voilà, c’est fini !».- C’est fini. On tourne <strong>la</strong> page.- On tourne <strong>la</strong> page, vous pouvez rentrer chez vous.Ça, c’est aussi <strong><strong>de</strong>s</strong> moments surprenants, qu’onn’imagine pas, parce qu’ils se passent en <strong>de</strong>hors<strong>de</strong> nous.- Oui, c’est pas au cabinet.- Donc voilà, une espèce d’alternance avec <strong><strong>de</strong>s</strong>moments où on s’occupe beaucoup <strong>de</strong> vous et <strong><strong>de</strong>s</strong>moments où on s’occupe plus <strong>de</strong> vous, qui sontpas forcément… auxquels on n’est pas habituédans tous les cas.- Et qu’on ne maîtrise pas du tout, parce que c’estpas <strong><strong>de</strong>s</strong> moments qu’on choisit. Justement, vousparliez <strong>de</strong> <strong>la</strong> perte d’autonomie. Quand on voit lep<strong>la</strong>fond, en général, c’est aussi qu’on a perdu unpetit peu son autonomie. Est-ce que vous êtestoujours suivi pour <strong>la</strong> pathologie hépatique ?- Hépatique, non.- Du tout.- Ça s’est terminé avec <strong><strong>de</strong>s</strong> sérologies, avec unelettre, du coup, mais parce que j’étais dans l’hôpitalétranger, donc j’ai eu une lettre pour lecorrespondant <strong>de</strong> M.- D’accord.- Et il y a eu une conclusion qui était « On sait pas ».Mais il y avait rien <strong>de</strong> plus à faire.- Est-ce que vous, vous êtes prescrit plus tard, ouest-ce qu’on vous a prescrit un bi<strong>la</strong>n biologique <strong>de</strong>contrôle ?- Alors, j’ai dû le faire, c’est moi qui me le suisprescrit… ou plutôt non : c’est l’hôpital <strong>de</strong> Y quiavait prévu ça.- D’accord.- Un contrôle peut-être un mois après ou un truccomme ça. On a re-vérifié les transaminases.- Et après, en <strong>de</strong>hors du problème aigu ? Non,d’accord. Vous aviez donc été obligé <strong>de</strong> vousarrêter, à ce moment-là ?- Oui.- Ça a duré combien <strong>de</strong> temps ?- Il y a eu une semaine d’hospitalisation obligatoire,je crois. Je sais plus. J’ai dû m’arrêter <strong>la</strong> semainequi a suivi, sûrement. Est-ce que ça a été plus ? Jecrois que j’étais parti trois semaines.- Quinze jours à trois semaines. Ça a été compliqué<strong>de</strong> vous arrêter, sur le p<strong>la</strong>n… du point <strong>de</strong> vuepratique, du point <strong>de</strong> vue financier ?- Non.- Vos associés vous ont…- Alors, pourquoi ça n’a pas été difficile ? D’abordparce qu’on est cinq et que le problème <strong>de</strong>clientèle ne se pose pas. Les autres assurent lesconsultations et le suivi <strong>de</strong> <strong>la</strong> clientèle. Enl’occurrence, je crois pas avoir été remp<strong>la</strong>cé. Non,j’avais pas <strong>de</strong> remp<strong>la</strong>çant au pied levé, je crois. Oupeut-être si, quelques jours, sur les trois semaines,mais pas <strong>de</strong> manière continue. Au point <strong>de</strong> vuefinancier, j’ai été hospitalisé, donc il y a eu <strong><strong>de</strong>s</strong>in<strong>de</strong>mnités qui sont arrivées au troisième jour,puisque j’ai été hospitalisé plus <strong>de</strong> trois jours, ouquatre jours, je sais pas. Et puis on a une tontine.


- 199 -- D’accord. Au sein du cabinet ?- Au sein <strong><strong>de</strong>s</strong> mé<strong>de</strong>cins <strong>de</strong> gar<strong>de</strong>.- D’accord, du secteur <strong>de</strong> gar<strong>de</strong>.- Alors, tous les mé<strong>de</strong>cins y participent, on doit être dixet j’ai dû être le <strong>de</strong>uxième à profiter <strong>de</strong> cette tontine.- D’accord. Vous pouvez m’expliquer comment çafonctionne ?- La tontine, c’est puisque… Pendant le temps d’arrêt,chaque mé<strong>de</strong>cin donne 1 C par jour, y compris lesjours non ouvrables, jusqu’à concurrence d’un an.- D’accord.- Donc, il y a dix mé<strong>de</strong>cins, 10 C par jour, c’est pasnégligeable.- Oui, ça permet <strong>de</strong> compléter effectivement, dans cescas-là. D’accord, il y a une solidarité.- Donc, c’était une manière : tant qu’il y a personnema<strong>la</strong><strong>de</strong>, on ne paye pas, il n’y a pas <strong>de</strong> cotisation.C’est l’intérêt <strong>de</strong> <strong>la</strong> tontine.- D’accord.- Voilà. Il faut pas qu’il y en ait trop dans l’année.- Oui.- Mais voilà, je crois qu’on a été trois. Ça existe <strong>de</strong>puishuit ans. Je crois qu’on a été trois à en profiter.- Et ça a été décidé comment ?- Heu, ça a été décidé d’un commun accord. C’est-àdirequ’à un moment donné quelqu’un, ça faisaitlongtemps, c’est le genre d’idées dont on parlesouvent, on dit « On <strong>de</strong>vrait faire… » et puis on faitjamais. Et à un moment donné, il y a eu <strong>de</strong>ux ou troispersonnes suffisamment motivées pour mettre ça enroute. Et ceux qui, dans le tour <strong>de</strong> gar<strong>de</strong> avaientenvie <strong>de</strong> participer à ça y ont participé.- D’accord. Est-ce que…- Ça se fait <strong>de</strong> manière très simple.- D’accord. Ça ne venait pas d’un exemple ?- Non.- C’est une idée que vous aviez en tête.- C’est pas venu suite à un problème <strong>de</strong> santé.- Est-ce que vous étiez un ma<strong>la</strong><strong>de</strong>… Enfin, quelma<strong>la</strong><strong>de</strong> vous étiez quand vous étiez hospitalisé ? Estceque vous étiez quelqu’un qui posait beaucoup <strong>de</strong>questions aux autres mé<strong>de</strong>cins, ou au contraire vousvous <strong>la</strong>issiez gui<strong>de</strong>r, comme vous disiez ? Est-ce quevous avez fait <strong><strong>de</strong>s</strong> recherches sur votre pathologie ?- Alors, j’ai absolument pas fait <strong>de</strong> recherches, mais jeme suis intéressé.- Oui, à ce qu’on vous expliquait.- Je me suis intéressé… Je pense que, y comprisquand on est mé<strong>de</strong>cin, quand on est ma<strong>la</strong><strong>de</strong>, c’estpas si évi<strong>de</strong>nt que ça <strong>de</strong> parler d’égal à égal. C’est-àdireque pour certaines choses, on est censé êtreégaux puisqu’on nous parle comme à un mé<strong>de</strong>cin.Mais en même temps, on a l’impression quelquefoisqu’on ne nous dit pas tout comme à n’importe quelpatient, que, on en gar<strong>de</strong> sous le cou<strong>de</strong> et que, aussi,on est obligé d’aller à <strong>la</strong> pêche aux renseignements.C’est-à-dire que le mé<strong>de</strong>cin, il fait son tour, il vousparle quand il fait son tour mais il est pas là tout letemps. Et pourquoi pas? C’est-à-dire que <strong>de</strong> tempsen temps, on voudrait avoir plus <strong>la</strong> possibilité <strong>de</strong> lesvoir, peut-être, parce que justement, on est anxieux.Et puis finalement… Et moi, pour le coup, je suispatient. Je joue mon rôle <strong>de</strong> patient. J’ai pas couruaprès le mé<strong>de</strong>cin <strong>de</strong> l’hôpital même si j’avais duvague à l’âme.- Oui, vous leur avez posé les questions quand ilsétaient là, sans être plus <strong>de</strong>man<strong>de</strong>ur. D’accord. Estcequ’il y a eu une réaction particulière <strong>de</strong> <strong>la</strong> part<strong>de</strong>…- Mais l’idée <strong>de</strong> ne pas trop s’intéresser à sapathologie, c’est quand même aussi une idée <strong><strong>de</strong>s</strong>auvegar<strong>de</strong>. Si on commence à gamberger sur leshypothèses diagnostiques, on peut aller très loin.- C’est un moyen <strong>de</strong> défense aussi. D’accord. Oui, jeme <strong>de</strong>mandais, est-ce que, <strong>de</strong> <strong>la</strong> part <strong>de</strong> votreentourage, que ce soit vos associés, vos collègues,vos amis, ou votre famille, est-ce qu’il y a eu <strong><strong>de</strong>s</strong>réactions particulières, vous voyant ma<strong>la</strong><strong>de</strong> ? Desréactions auxquelles vous ne vous attendiez pas,<strong><strong>de</strong>s</strong> réflexions, <strong><strong>de</strong>s</strong> attentions ?- Ma femme a été très attentive, je lui suis trèsreconnaissant. Mes enfants, ça leur a presquepassé par-<strong><strong>de</strong>s</strong>sus <strong>la</strong> tête. Ils ont pas l’habitu<strong>de</strong> <strong>de</strong>voir leur père ma<strong>la</strong><strong>de</strong> : leur père n’a jamais étéma<strong>la</strong><strong>de</strong>. Donc…- Ils ont vu que vous n’étiez plus là.- Oui, alors… Mais quand même, vraiment, ils ontpas été en souci.- Vous êtes mé<strong>de</strong>cin, donc à un moment…- Ils ont pas été inquiets. Peut-être parce que nous,on l’est pas trop non plus. Mon entourageprofessionnel a été charmant, tout le mon<strong>de</strong> a étécharmant. Non, je suis plutôt bien entouré.- Et au niveau <strong>de</strong> votre patientèle, comment est-ceque vous leur avez annoncé <strong>la</strong> nouvelle ? Enfin,est-ce que vous en avez parlé ?- Alors, <strong>la</strong> patientèle, alors les patients, ils sonttoujours touchés quand on n’est pas bien. Ça aplusieurs composantes. D’abord ils se disent« Mais si le Docteur M est ma<strong>la</strong><strong>de</strong>, il va plus noussoigner ». Donc, je pense qu’ils pensent aussi àeux. Après, je pense qu’ils trouvent ça rigolo queles rôles soient inversés <strong>de</strong> temps en temps.Certains le disent.- Ça les étonne ?- Rares sont les patients qui s’occupent au quotidien<strong>de</strong> nous quand même, mais <strong>de</strong> temps en temps,indépendamment <strong>de</strong> cette ma<strong>la</strong>die-là, il y a uncertain nombre <strong>de</strong> gens qui nous <strong>de</strong>man<strong>de</strong>ntcomment on va.- Oui. Au début d’une consultation, par exemple?- Ça arrive. Quand même, indépendamment <strong>de</strong> toutça, y compris c’est quand même un métier où onprend beaucoup <strong>de</strong> choses sur nous. On a <strong><strong>de</strong>s</strong>responsabilités, on prend <strong>la</strong> souffrance <strong><strong>de</strong>s</strong> gensdans <strong>la</strong> figure, on peut… On travaille plutôtbeaucoup, faut quand même avoir les reinssoli<strong><strong>de</strong>s</strong>, je trouve. Et <strong>de</strong> temps en temps on se<strong>de</strong>man<strong>de</strong> un peu qui s’occupe <strong>de</strong> nous. Et <strong>de</strong>temps en temps, on peut même être dépressif.Dépressif, non…- Fragilisés ?- Fragilisés. C’est <strong>la</strong> dépressivité, c’est pas <strong>la</strong>dépression, c’est <strong>la</strong> dépressivité. Fragilisés, oui,pour <strong><strong>de</strong>s</strong> tas <strong>de</strong> raisons, et dans ces moments-là,on se dit « Mais qui est-ce qui s’occupe <strong>de</strong>nous ? ».- C’est intéressant. C’est <strong>la</strong> réponse…- Qui est-ce qui s’occupe <strong>de</strong> moi ? Moi, je m’occupe<strong>de</strong> tout le mon<strong>de</strong> tout le temps, mais qui est-ce quis’occupe <strong>de</strong> moi ?- Voilà, c’est un petit peu l’objet <strong>de</strong> mon travail. Et çam’avait marqué, parce que ça avait été une <strong>de</strong> vosréponses, dans un <strong>de</strong> vos mails. Au lieu <strong>de</strong> faireune réponse c<strong>la</strong>ssique, vous aviez changé <strong>la</strong>formu<strong>la</strong>tion <strong>de</strong> l’intitulé du mail. Effectivement, c’estle sens <strong>de</strong> <strong>la</strong> question. Heu, au niveau <strong>de</strong> votrepratique, je change un peu <strong>de</strong> sujet, mais on vapeut-être y revenir. C’est, je trouve que c’est trèstrès important ce que vous dites. Au niveau <strong>de</strong>votre pratique, est-ce que vous avez changé votrefaçon d’exercer, <strong>de</strong> travailler, suite à vosdifférentes histoires médicales ?- Non.- En terme <strong>de</strong> rythme <strong>de</strong> travail, vous n’avez rienchangé, par exemple ?- Non. Mais <strong>de</strong>puis le début, <strong>de</strong>puis que je suisinstallé, j’essaie <strong>de</strong> me rythmer pour que ça soitviable.- Oui.


- 200 -- Mais je pense que je vais toujours à <strong>la</strong> limite, quoi. Etpuis je suis plutôt bosseur, donc j’ai pas peurd’accumuler les heures.- Mais vous avez <strong><strong>de</strong>s</strong> gar<strong>de</strong>-fous, un petit peu, pourvous protéger ?- Je me mets <strong><strong>de</strong>s</strong> gar<strong>de</strong>-fous. Et puis j’essaie d’êtreautre chose que mé<strong>de</strong>cin.- Oui.- Donc, c’est mes gar<strong>de</strong>-fous. Mais ça oblige, <strong>de</strong> tempsen temps, à avoir <strong>de</strong>ux vies, c’est-à-dire qu’on peutcommencer sa vie à 6 heures du soir jusqu’à minuit,mais du coup, il faut aussi… On s’expose à <strong><strong>de</strong>s</strong>fatigues.- Est-ce que ça a changé votre regard sur <strong>la</strong> vie, sur <strong>la</strong>ma<strong>la</strong>die, enfin, justement, d’avoir changé <strong>de</strong> statut etd’être passé <strong>de</strong> l’autre côté <strong>de</strong> <strong>la</strong> barrière, commevous le décriviez bien.- Heu, le… Je pense que comme tous les gens quisont ma<strong>la</strong><strong><strong>de</strong>s</strong> et qui craignent pour leur pomme, cettehistoire d’hépatite, à un moment donné, je me suis<strong>de</strong>mandé, je me suis dit « Mais peut-être qu’on va metrouver un cancer fulgurant du pancréas ». On peut,avant qu’il y ait une imagerie, je me suis dit… Il y aplein <strong>de</strong> choses qui peuvent passer par <strong>la</strong> tête, mêmesi c’était pas très cohérent avec <strong>la</strong> clinique. A unmoment donné, je me suis dit quand même, qu’il yavait <strong><strong>de</strong>s</strong> choses que, peut-être, j’aurais pu ne pasfaire. Par exemple, j’aurais pu m’occuper un peu plus<strong>de</strong> mes enfants. Je pense que les enfants sont trèscontents que les parents ne s’occupent pas tropd’eux, et ça leur permet <strong>de</strong> se développer. Donc, jepense que je m’en suis re<strong>la</strong>tivement bien occupé,mais à un moment donné, on a une espèce <strong>de</strong> regret,comme ça…- Comme si on avait besoin, comme si on faisait unbi<strong>la</strong>n à ce moment-là ?- Oui, probablement. Oui, en partie. Mais cette idée-là,ça disparaît. C’est le propre <strong>de</strong> <strong>la</strong> ma<strong>la</strong>die, ça.- Oui, d’accord.- Et après, on retrouve quand même assez rapi<strong>de</strong>mentle rythme du travail. Sauf que le souci <strong>de</strong> modérermon activité, ou en tous les cas ne pas faire que ça,ou en tous les cas, si je ne fais que ça, savoirpourquoi je le fais, et d’être en accord avec cettehistoire-là. Parce que, pourquoi pas ? On peutdéci<strong>de</strong>r <strong>de</strong> bosser beaucoup et savoir pourquoi on lefait. Et c’est quand même une réaction que j’ai <strong>de</strong>puistoujours. Donc, voilà, ça a pas changéfondamentalement les choses par rapport à ça.- D’accord. Et est-ce que vous appréhen<strong>de</strong>z…- Et j’ai pas réduit d’un seul coup mes horaires <strong>de</strong>moitié, pas d’un seul coup modifié... J’ai repris monactivité avec les mêmes horaires.- D’accord. Est-ce que vous avez l’impression quevous êtes un peu plus attentif au type <strong>de</strong> symptômedont vous avez souffert dans <strong>la</strong>pathologie rhumatologique ou infectieuse ?- Je ne sais pas si on doit passer en revue,personnellement, toutes les pathologies pour pouvoirmieux les suivre…- Ça serait difficile !- Ça serait une gageure. Mais c’est évi<strong>de</strong>nt que parrapport à mon vécu <strong>de</strong> <strong>la</strong> sciatique, je m’occupemieux <strong><strong>de</strong>s</strong> sciatiques maintenant que je m’enoccupais avant. En particulier <strong>de</strong> ce moment où on atrès mal.- Oui.- Quand il y a <strong>la</strong> douleur, oui.- La prise en charge <strong>de</strong> <strong>la</strong> douleur, c’est quelque chosequi est important.- La douleur <strong>de</strong> <strong>la</strong> sciatique, c’est quelque chose d’unpeu brutal. Donc, je suis très sensible à ça. Je l’étaisdéjà avant, mais peut-être d’une manière différente,en tous les cas, moins vécu dans <strong>la</strong> chair, quoi. Et ilm’arrive d’évoquer avec les patients ce que j’ai vécu.Le souvenir <strong>de</strong> l’hépatite est moins douloureux. J’aioublié le ma<strong>la</strong>ise que j’avais à ce moment.- Oui, quand <strong>la</strong> fatigue disparaît, les maux <strong>de</strong> tête.Est-ce que parfois, ça vous arrive d’être un peumoins tolérant, ou un peu énervé par certainssymptômes qu’on pourrait qualifier <strong>de</strong> moinsgraves que ceux que vous avez pu… dont vousavez pu souffrir ? Est-ce que quand un patientarrive avec un symptôme ou une p<strong>la</strong>intere<strong>la</strong>tivement bénigne, est-ce que votre proprehistoire…- Est-ce que ça m’agace ?- Est-ce que le fait d’avoir été patient vous-même etd’avoir subi <strong><strong>de</strong>s</strong> examens, vous le mettez encomparaison, ou ça n’intervient pas du tout ?- Non, je crois pas.- C’est <strong>de</strong>ux choses en parallèle ?- Les pathologies ou les p<strong>la</strong>intes bénignes cachenttoujours un mal-être. Donc, il faut juste essayer <strong>de</strong>comprendre ce qu’est cette p<strong>la</strong>inte, et pas se dire« C’est pas une p<strong>la</strong>inte vali<strong>de</strong> ».- Et un peu a contrario, quand vos patients vousparlent <strong>de</strong> leur hospitalisation, ou <strong>de</strong> certainspassages aux urgences, vous êtes plus sensible àça ? Vous en parlez un peu, <strong>de</strong> leur vécu ?- Oui. Je pense que ça a changé les choses.- Ou vous les prévenez, si vous savez qu’ils vontpasser par ça ? Oui.- Là aussi, j’ai l’impression <strong>de</strong> l’avoir toujours fait,c’est difficile. Mais je le fais <strong>de</strong> manière quelquefoisun peu plus pertinente par rapport à ce que j’aivécu.- Plus pratique, d’accord. Est-ce que vous-même,vous prenez en charge <strong><strong>de</strong>s</strong> mé<strong>de</strong>cins, <strong><strong>de</strong>s</strong>spécialistes ou <strong><strong>de</strong>s</strong> généralistes, comme mé<strong>de</strong>cintraitant ?- Alors, je suis le mé<strong>de</strong>cin traitant d’un mé<strong>de</strong>cin <strong>de</strong>M, qui n’est pas du cabinet, mais que j’ai vu qu’unefois. Je pense qu’il s’auto gère <strong>la</strong> plupart du temps.Il y a un autre mé<strong>de</strong>cin <strong>de</strong> M qui est venu me voirune fois, et je pense que <strong>la</strong> manière dont je l’aiabordé ne lui a pas convenu. Je suis mé<strong>de</strong>cintraitant d’un <strong><strong>de</strong>s</strong> mé<strong>de</strong>cins du cabinet, maiscomme lui l’est <strong>de</strong> moi, c’est-à-dire sans le voir.- D’accord.- Très généralement, je ne suis pas sûr que lesmé<strong>de</strong>cins aient beaucoup <strong>de</strong> mé<strong>de</strong>cins traitants.- Oui, tout à fait. C’est même rare.- Alors, est-ce que ça me gênerait ? Je crois pas. Jecrois que je pourrais être assez à l’aise, dans cesuivi, moi en tant que mé<strong>de</strong>cin.- Et les rares fois où vous avez été amené àexaminer un mé<strong>de</strong>cin, est-ce que ça a été difficile,justement, <strong>la</strong> part clinique, <strong>la</strong> part… ?- Ce qui est difficile, c’est <strong>la</strong> confrontation <strong><strong>de</strong>s</strong> points<strong>de</strong> vue.- C’est plus ça, c’est plus l’interrogatoire.- Le mé<strong>de</strong>cin avec qui ça n’a pas marché, c’était unmé<strong>de</strong>cin homéopathe. Je pense qu’on n’était pasdans le même discours et qu’il attendait <strong><strong>de</strong>s</strong>choses <strong>de</strong> moi que je peux pas lui offrir. C’est unmé<strong>de</strong>cin homéopathe qui souffrait <strong>de</strong> pathologiepsychiatrique, une pathologie en rapport avecquelque chose qui concernait l’être, pas seulementle corps. Et c’est pour ça que ça n’a pas été.- Oui. On peut parler le même <strong>la</strong>ngage sans avoir <strong>la</strong>même conception <strong>de</strong> <strong>la</strong> pathologie ou <strong>de</strong> <strong>la</strong> priseen charge. Si vous <strong>de</strong>viez comparer <strong>la</strong> prise encharge <strong>de</strong> <strong>la</strong> santé <strong>de</strong> vos patients avec <strong>la</strong> prise encharge <strong>de</strong> votre propre santé, qu’est-ce que vousdiriez ?- Je sais pas. Moi, je me considère comme unmé<strong>de</strong>cin assez bon, donc je serais content d’avoirun mé<strong>de</strong>cin comme moi.- Oui.- J’aimerais bien avoir un mé<strong>de</strong>cin.


- 201 -- Donc, en tant que patient, vous avez une prise encharge qui est moins bonne que celle <strong>de</strong> vos patients,alors ? Oui ? Puisque vous n’avez pas ce mé<strong>de</strong>cin ?- Oui. Moi, j’aimerais bien… Alors, pourquoi ? Dans lesconfrères du cabinet, il y en a au moins une enparticulier en qui j’ai une gran<strong>de</strong> confiance, à qui jepourrais me confier si j’avais <strong><strong>de</strong>s</strong> soucis, je pense.- Oui.- Les autres peut-être un petit peu moins. Mais oui,peut-être, en réponse à <strong>la</strong> question que vous posiez« Est-ce que vous avez-vous réfléchi ? », je penseque je pourrais choisir une dame, à qui jepourrais sans doute me confier. On a vraiment besoin<strong>de</strong> se confier, en tant que patient, je pense. Lerapport <strong>de</strong> confiance est à mon avis <strong>la</strong> base même <strong>de</strong><strong>la</strong> re<strong>la</strong>tion et donc on a besoin <strong>de</strong> croire dans <strong>la</strong>personne qui s’occupe <strong>de</strong> vous. Et c’est pour ça quec’est difficile pour nous, parce qu’il faut, justement…On voit bien, avec qui ça fonctionne bien, et avec quiça ne fonctionne pas bien. On a vraiment besoind’avoir un mé<strong>de</strong>cin à qui on puisse se confier… C’estun peu ce qui s’est passé à l’hôpital <strong>de</strong> M, en fait. Lesmé<strong>de</strong>cins qui se sont occupés <strong>de</strong> moi, il y en avaittrois principalement : le gastro, le cardio, et lemé<strong>de</strong>cin interniste, ce sont vraiment <strong><strong>de</strong>s</strong> gens en quij’avais confiance. Alors, ils sont internistes, enl’occurrence, c’est pas <strong><strong>de</strong>s</strong> mé<strong>de</strong>cins généralistes,mais, je pourrais me confier les yeux fermés.- Et choisir un spécialiste en tant que mé<strong>de</strong>cin traitant,ça vous a pas…- Pourquoi pas ? Mais je suis pas sûr qu’ils soient trèscontents. C’est pas leur boulot, ils s’occupent <strong>de</strong> leurspécialité. Mé<strong>de</strong>cin traitant, c’est quand mêmemé<strong>de</strong>cin du corps en entier. Ce qui est peut-êtredifficile c’est que quand on est mé<strong>de</strong>cin, on va allersoigner notre corps, justement, et pas notre psyché.Et donc on est obligé <strong>de</strong> faire <strong>la</strong> part <strong><strong>de</strong>s</strong> chosesentre les <strong>de</strong>ux. C’est vrai que c’est difficile d’aller voirun mé<strong>de</strong>cin pour s’occuper <strong>de</strong> notre ma<strong>la</strong>die, c’estpas facile, psychique.- Dans votre réponse, il y avait quand même ces <strong>de</strong>uxaspects. Vous disiez « Il faut avoir entièrementconfiance, pouvoir se confier ». Il y avait l’aspectcompétence médicale, compétence professionnelle,mais aussi l’écoute. Moi, j’entends ça, aussi.- L’écoute, je pense que j’apprécierais <strong>de</strong> l’avoir, maispour moi, ça va pas être évi<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> me confier.Sûrement pas facile. En pratique, moi j’ai fait unedémarche psychanalytique, à un moment donné,donc j’ai été me confier mais avec un psychanalystequi me connaissait pas, qui n’était pas dans mesre<strong>la</strong>tions.- Quelqu’un <strong>de</strong> neutre.- Donc je sais pas si c’était une analyse, je sais pasbien ce que j’ai fait. Je suis allé discuter à un momentdonné. Donc, j’ai été réfléchir sur moi. Mais dans uncadre très particulier, parfaitement adapté et formaté,pour ça. Dans notre rôle <strong>de</strong> mé<strong>de</strong>cin généraliste, onvoit bien combien le psychisme et le physique sontliés. On revient sans arrêt là-<strong><strong>de</strong>s</strong>sus. Même pour leschoses les plus somatiques du mon<strong>de</strong>. Etprobablement que là, moi, en tout cas, en tant quemé<strong>de</strong>cin qui <strong>de</strong>vient patient, j’aurais du mal à meconfier. En tout cas, ça m’est jamais arrivé.- Et vous pensez que <strong>la</strong> prise en charge psychologiqueou psychiatrique d’un mé<strong>de</strong>cin par un autre mé<strong>de</strong>cin,c’est particulièrement compliqué ?- Là, je pense que c’est difficile.- Vous voulez parler notamment <strong>de</strong> l’aspect du burnout, par exemple ?- Alors, le burn out, dont on parle beaucoup…- On en a beaucoup parlé. On dit souvent que lesmé<strong>de</strong>cins ont du mal à faire l’auto diagnostic, et àfaire cette démarche <strong>de</strong> prise en charge.- Je pense qu’on est tous pas loin à un moment donné.Après, on a tous nos capacités <strong>de</strong> réaction. Est-cequ’à un moment donné, si j’étais pas bien, jepourrais le dire et faire ce qu’il faut ? Sans doute,je sais pas.- Mais c’est vrai que c’est une démarche qui est plusdifficile que pour une pathologie organique. Monétu<strong>de</strong> s’intéresse particulièrement aux pathologiesorganiques parce qu’on c’était dit que c’était unautre travail <strong>de</strong> s’intéresser à l’étu<strong>de</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong>pathologies psychologiques et psychiatriques. Maiseffectivement, c’est quelque chose <strong>de</strong> compliqué,aussi.- A un moment donné, j’ai eu, c’est pas tout récent,mais je prescris <strong><strong>de</strong>s</strong> anti dépresseurs, et je me suisdit « Pourquoi j’en prendrais pas ? ». A un momentoù j’étais pas bien, peut-être parce que je saturais.Je sais plus exactement quand est-ce, et je mesouviens avoir été acheter une boîte <strong>de</strong> je sais plusquel anti dépresseur, ça <strong>de</strong>vait être du Prozac®, jem’en souviens pas, ou du Deroxat®, je sais plus,voilà. Et ça avait été étrange pour moi, cettedémarche. Je l’ai pas pris, d’ailleurs. Parce que jeme suis dit que ça n’avait pas <strong>de</strong> sens que jem’auto prescrive un anti dépresseur, mais je suisallé jusqu’à acheter <strong>la</strong> boîte, et je ne l’ai pasachetée à M bien sûr, je suis allé l’acheter dansune pharmacie incognito, dans un coin. Parler <strong>de</strong>moi, ça ne me gêne pas, je l’ai déjà fait, maisparler <strong>de</strong> moi dans le cadre d’une re<strong>la</strong>tionsoignant-soigné, je crois que c’est pas facile, entout cas, j’ai jamais fait <strong>la</strong> démarche.- D’accord. On arrive au terme <strong>de</strong> l’entretien. Jevou<strong>la</strong>is vous poser une <strong>de</strong>rnière question, toutesimple. Je vou<strong>la</strong>is savoir pourquoi vous avezaccepté <strong>de</strong> répondre à cette étu<strong>de</strong>, et qu’est-ce quivous a intéressé particulièrement dans ce travail.- Eh bien parce que, je vous l’ai dit en préambule, jetrouvais que le sujet était foncièrement original, etc’est un sujet qui me touche. Quand je parle <strong>de</strong>moi, là, maintenant, oui, j’ai parlé <strong>de</strong> moi, unechose intime, ça me fait p<strong>la</strong>isir d’en parler.- Vous en avez rarement l’occasion.- C’est pas dans un cadre thérapeutique, mais d’unseul coup, je m’occupe <strong>de</strong> moi, vous vous occupezpas <strong>de</strong> moi, mais moi, je m’occupe <strong>de</strong> moi.- Bien sûr. Il y a cette dimension effectivement.D’accord.- Mais ça m’intéressait. Et, ce que j’ai pu dire là, <strong>de</strong>cette difficulté à être patient quand on est mé<strong>de</strong>cin,c’est quelque chose auquel j’ai souvent réfléchi. Jevois bien toutes ces difficultés-là.- C’est quelque chose qui vous interpelle.- Donc, si voulez le formaliser, c’est intéressant.- Je vous remercie beaucoup <strong>de</strong> m’avoir reçue etd’avoir répondu à mes questions.Entretien avec le Docteur N,réalisé à son domicile le 3 juillet 2008- Comme je vous l’ai expliqué, j’ai actuellement finimon internat <strong>de</strong> mé<strong>de</strong>cine générale, <strong>de</strong>puis toutrécemment, et donc je réalise une étu<strong>de</strong> sur lesuivi <strong><strong>de</strong>s</strong> généralistes quand ils sont <strong>de</strong>venus euxmêmesma<strong>la</strong><strong><strong>de</strong>s</strong> et donc patients. Cette étu<strong><strong>de</strong>s</strong>’inscrit dans mon travail <strong>de</strong> recherche pour <strong>la</strong>réalisation <strong>de</strong> ma thèse. Et je vou<strong>la</strong>is vousremercier, dans un premier temps, <strong>de</strong> m’accor<strong>de</strong>rdu temps et <strong>de</strong> me recevoir pour me parler d’unsujet qui est aussi personnel que celui <strong>de</strong> votresanté.- D’accord.- Je ne sais pas si vous avez <strong><strong>de</strong>s</strong> questions d’ordregénéral ?


- 202 -- Aucune.- D’accord. On va poursuivre. Est-ce que vous pourriezme parler <strong>de</strong> vous, dans un premier temps, en tantque mé<strong>de</strong>cin, du point <strong>de</strong> vue professionnel, pour meprésenter votre exercice, votre parcours ?- Alors, moi j’ai fait d’abord <strong>de</strong> <strong>la</strong> toxicologie au centreanti-poison à Lyon. J’ai travaillé pendant mes étu<strong><strong>de</strong>s</strong>,un petit peu après mes étu<strong><strong>de</strong>s</strong>. J’avais un posted’attaché. J’ai fait <strong>de</strong> <strong>la</strong> toxicologie et <strong>de</strong> <strong>la</strong>réanimation pendant 5 ans.- D’accord.- Je suis parti à <strong>la</strong> coopération au Maroc pourdévelopper un centre anti-poison à Casab<strong>la</strong>nca, cequi, dans un pays où il y avait <strong><strong>de</strong>s</strong> besoins médicauxcolossaux, paraissait quelque chose, un luxe un petitpeu complètement imbécile. Donc, là, j’ai <strong>la</strong>issé <strong>la</strong>toxicologie. Je me suis occupé d’un service <strong>de</strong>mé<strong>de</strong>cine générale pendant 16 mois, donc le temps<strong>de</strong> ma coopération puisque j’étais volontaire duservice national actif. J’étais militaire. Ensuite, ehbien, j’ai pris goût à <strong>la</strong> mé<strong>de</strong>cine générale. Du Maroc,je recevais <strong>la</strong> Revue du Praticien : il y avait uneannonce, ils recherchaient un mé<strong>de</strong>cin à N. Donc jeme suis installé. Je suis rentré <strong>de</strong> coopération le 1 ermai 72 et je me suis installé, j’ai ouvert mon cabinetici le 1 er juillet 72.- D’accord.- J’étais tout seul. Ma femme était infirmière, elletravail<strong>la</strong>it avec moi. Et donc, on a travaillé seize ans,tout seuls, sans associé. A ce moment-là, on netrouvait pas ça dur, maintenant, ça paraîtraithéroïque, mais à l’époque, on trouvait ça normal. Aubout <strong>de</strong> 16 ans, j’ai pris un associé, le Docteur U, quiest resté avec moi sept ans. Au bout <strong>de</strong> sept ans, il atrouvé que c’était un peu dur, et il est parti faire <strong>de</strong> <strong>la</strong>mé<strong>de</strong>cine du travail. Et <strong>de</strong>puis 88, maintenant… Non,donc, c’est ça, en 88, j’ai pris un associé…- En 95 à peu près, il est parti ?- Et <strong>de</strong>puis 2000 je sais pas combien, enfin <strong>de</strong>puis cinqans environ, j’ai une associée, une jeune femme, quiest avec moi. Alors, <strong>la</strong> première association, on avaitpris un mé<strong>de</strong>cin dont <strong>la</strong> femme était infirmière, dansle cabinet, et <strong>la</strong> <strong>de</strong>uxième association, oui, <strong>la</strong><strong>de</strong>uxième association, son mari était informaticien. I<strong>la</strong> fait ses étu<strong><strong>de</strong>s</strong> d’infirmier, mais il veut pas travailleravec sa femme. Finalement, maintenant, on n’a plusqu’une infirmière. Deux mé<strong>de</strong>cins, une infirmière.Voilà, moi j’ai fait toujours <strong>de</strong> <strong>la</strong> mé<strong>de</strong>cine généraletout à fait c<strong>la</strong>ssique : j’ai jamais fait d’homéopathie,<strong>de</strong> manipu<strong>la</strong>tions, tout ça. Voilà, j’ai jamais changé <strong>de</strong>p<strong>la</strong>ce, donc je suis ici <strong>de</strong>puis 72. Voilà.- D’accord. Est-ce que vous aviez eu un rôle <strong>de</strong> maître<strong>de</strong> stage, à un moment ?- Oui. Alors, j’ai fait <strong>de</strong> l’enseignement dès le début <strong>de</strong>l’enseignement décentralisé. J’ai pas les années entête, mais je sais que dès que ça s’est créé à U, j’aifait <strong>de</strong> l’enseignement. On faisait <strong>de</strong> l’enseignementen binôme, à ce moment-là, <strong>de</strong>ux mé<strong>de</strong>cins à <strong>la</strong> fois.J’en ai fait pendant six ans, et puis au bout <strong>de</strong> sixans… qu’est-ce qu’il y a eu au bout <strong>de</strong> six ans ? On aeu une année assez pénible, où il y a eu <strong><strong>de</strong>s</strong>stagiaires, enfin, <strong><strong>de</strong>s</strong> élèves assez pénibles, ça a étéassez difficile. J’ai abandonné pendant trois ans et j’aidû recommencer pendant trois ans. Et après, j’aicompté que j’en avais fait pendant dix ans et donc,l’enseignement, j’ai arrêté. Mais c’est une expérienceintéressante. On faisait ça à U. Il y en avait quivenaient <strong>de</strong> tous les hôpitaux autour. C’était trèsintéressant. Alors, le stagiaire, j’ai eu un stagiaire, quiétait un très très bon stagiaire, qui avait beaucoup <strong>de</strong>qualités, dont j’étais très content. A ce moment-là,j’étais déjà associé au Docteur U, quand j’ai eu cestagiaire. Et on a été assez déçus, parce qu’on avaitbeaucoup <strong>de</strong> travail, on cherchait un associé. Etmalgré toutes ses qualités, quand on lui a dit que ceserait bien qu’on prenne un associé, il nous arépondu qu’il y avait trop <strong>de</strong> travail ici et qu’ilvou<strong>la</strong>it s’installer dans un truc où il y avait pasbeaucoup <strong>de</strong> travail. Donc, on a été assez déçus.Du coup, moi j’ai pas repris <strong>de</strong> stagiaire après ça.- D’accord.- Parce que vraiment, il avait vraiment beaucoup <strong>de</strong>qualités et on espérait vraiment… D’abord il n’apas voulu nous remp<strong>la</strong>cer parce qu’il a trouvé quec’était <strong><strong>de</strong>s</strong> remp<strong>la</strong>cements trop pénibles, il y avaittrop <strong>de</strong> travail. Et ensuite, quand on lui a proposé,il a pas voulu, parce qu’il y avait trop <strong>de</strong> travai<strong>la</strong>ussi. Voilà, donc j’ai trouvé que c’était une chargeun peu lour<strong>de</strong>. Le premier essai avait été décevantet j’avais vraiment pas envie <strong>de</strong> recommencer,voilà.- D’accord. Je vous posais cette question, parceque, effectivement, dans le cadre <strong>de</strong> votre carrière,ça m’intéresse et puis aussi, parce que vous faitespartie <strong><strong>de</strong>s</strong> mé<strong>de</strong>cins qui m’ont répondu, sanspasser par <strong>la</strong> voie <strong>la</strong> plus c<strong>la</strong>ssique que j’avaisprévue, parce que, effectivement, j’ai adressé, marecherche <strong>de</strong> mé<strong>de</strong>cins volontaires auprès <strong>de</strong>mé<strong>de</strong>cins maîtres <strong>de</strong> stage, parce que ça mepermettait d’avoir une liste, une mailing-list quin’existe pas vraiment sinon. Donc, vous m’avezrépondu, j’imagine par le biais d’un intermédiaire,quelqu’un qui a dû vous transmettre mon message.- Non. Sur Internet.- Vous avez reçu mon message ?- Vous m’avez répondu sur Internet, tout à fait.- Je pense que je suis encore sur <strong>la</strong> liste <strong><strong>de</strong>s</strong>mé<strong>de</strong>cins enseignants. Parce que je reçois encore<strong><strong>de</strong>s</strong> papiers pour le… au sujet <strong><strong>de</strong>s</strong> mé<strong>de</strong>cinsenseignants.- D’accord.- Donc, c’est peut-être par ce biais. Ou alors, je faispartie d’un certain nombre <strong>de</strong> choses : je fais partie<strong>de</strong> MG France, je fais partie d’associations <strong>de</strong>FMC, j’ai été trésorier longtemps d’une FMC <strong>de</strong>Valence, pendant cinq ans. Je participe àbeaucoup <strong>de</strong> séminaires <strong>de</strong> FMC. Je participe àl’évaluation <strong><strong>de</strong>s</strong> pratiques professionnelles, je faispartie d’un réseau <strong>de</strong> diabétologie aussi, alors, il sepeut que ce soit par ce système-là : <strong><strong>de</strong>s</strong> échanges.- Je pense effectivement que c’est par le biais d’unintermédiaire parce que vous ne faites pas partie<strong>de</strong> ma liste initiale. Mais j’ai été ravie d’avoir votreréponse.- Voilà, j’ai eu le message sur Internet. Je répondsassez souvent. Je réponds rien par téléphone : jene réponds à aucun sondage, rien du tout. Mafemme fait le barrage, ne souhaitant aucunsondage. Je ne fais pas d’expérimentation <strong>de</strong><strong>la</strong>boratoire ou <strong>de</strong> choses comme ça. Passé unmoment, je faisais partie d’un réseau, mais quidépendait <strong>de</strong> <strong>la</strong> faculté pour l’expérimentation enphase je sais plus combien… trois, ou quatre. J’enfais plus partie, mais sur Internet, maintenant jetrouve <strong><strong>de</strong>s</strong> choses qui vont assez vite : je réponds.J’en ai répondu à un, il n’y a pas tellementlongtemps, qui m’a intéressé beaucoup, c’était <strong>la</strong>blouse b<strong>la</strong>nche. Pourquoi les mé<strong>de</strong>cins… Si onportait une blouse b<strong>la</strong>nche ou pas…- Au cabinet ?- Vous connaissez ?- Non je ne connaissais pas.- C’est une dame qui fait une thèse sur ça.- Une thèse aussi.- Pourquoi je porte <strong>la</strong> blouse, pourquoi je ne <strong>la</strong> portepas ? Les raisons…- Oui, c’est original.- Je lui ai répondu. C’était vite fait, il y en avait pour5 minutes. Je le fais volontiers, sur Internet.- D’accord.- Jamais au téléphone.


- 203 -- En tout cas, je vous remercie d’avoir répondu. On vaparler maintenant <strong>de</strong> vous plutôt en tant que patient,si vous êtes d’accord.- Oui, bien sûr.- Tout d’abord <strong>de</strong> façon générale. Après on va abor<strong>de</strong>r<strong>de</strong> façon plus précise <strong>la</strong> pathologie qui a été choisie,parce que vous m’en aviez présenté plusieurs. Onavait choisi <strong>de</strong> parler <strong>de</strong> <strong>la</strong> pathologie rhumatismale.D’un point <strong>de</strong> vue plus général, est-ce que vouspourriez me décrire assez rapi<strong>de</strong>ment les différentsantécé<strong>de</strong>nts qui ont pu vous embêter dans votre vie<strong>de</strong> patient ?- Dans mon enfance, j’ai eu <strong><strong>de</strong>s</strong> antécé<strong>de</strong>ntsallergiques embêtants : j’ai fait <strong><strong>de</strong>s</strong> oedèmes <strong>de</strong>Quincke, dont un assez grave. Ça m’émeut <strong>de</strong> parler<strong>de</strong> ma santé.- Bien sûr.- Je m’y attendais pas, parce que d’habitu<strong>de</strong>, je nesuis pas très émotif. Oui, j’ai eu un œdème <strong>de</strong>Quincke assez important au cours d’une premièrecommunion : une allergie à <strong>la</strong> <strong>la</strong>ngouste. J’ai eusouvent en <strong>de</strong>hors <strong>de</strong> ça <strong>de</strong> l’urticaire. Petit à petitaprès, j’ai eu, dans ce climat allergique, j’ai eu unerhinite allergique apériodique, une allergie auxacariens, après qui s’est transformée, parce que je nel’avais pas vraiment soignée, en asthme. Voilà, ça aété surtout mes ennuis avant les ennuisrhumatismaux, ça a surtout été <strong><strong>de</strong>s</strong> ennuisallergiques.- D’accord.- Et au Maroc, avec ma femme, on a eu <strong><strong>de</strong>s</strong> ennuisallergiques. On faisait <strong><strong>de</strong>s</strong> crises d’asthme tous lessoirs, et en fait, ça a été déclenché par le talc. Onétait assez mal logé, et notre bonne talquait le bébésur notre lit.- D’accord.- Et il y avait du talc dans les couvertures etc. On a fait<strong><strong>de</strong>s</strong> crises d’asthme et on s’est aperçu… Avant, <strong>la</strong>première… J’ai pas eu d’ennuis <strong>de</strong> santé, ni acci<strong>de</strong>nt,ni opération, ni rien du tout, à part ça.- D’accord.- J’étais en bonne santé, je faisais du sport et tout. J’aijamais eu <strong>de</strong> problème. J’ai quand même eu <strong><strong>de</strong>s</strong>problèmes <strong>de</strong> dos. J’avais tendance déjà, à êtrevoûté un petit peu, à être fatigué du dos, mais ça megênait pas pour faire du tennis, j’en ai fait beaucoupInterruption <strong>de</strong> l’enregistrement, présentation à l’épouse du DrN.- Et donc, j’avais pas <strong>de</strong> gros ennuis. Et puis, avant <strong>de</strong>partir à <strong>la</strong> coopération, donc très peu <strong>de</strong> temps avant<strong>de</strong> partir à <strong>la</strong> coopération… Je suis musicien, je jouedu piano. Je suis allé à Paris, je jouais du piano dansune boîte <strong>de</strong> jazz, et dans <strong>la</strong> nuit, j’ai eu très mal audos, c’était très pénible. J’ai eu beaucoup <strong>de</strong> mal àrevenir en train, <strong>de</strong> Paris, et je l’ai attribué à ça. Et enfait, c’était le début <strong>de</strong> ma spondy<strong>la</strong>rthrite. Mais,comme souvent, j’ai pris <strong><strong>de</strong>s</strong> anti-inf<strong>la</strong>mmatoires. Ace moment-là, je suis allé voir un grand rhumatologue<strong>de</strong> U, qui était le Professeur U, qui m’a reçu trèsgentiment, parce que, comme je <strong>de</strong>vais partir à <strong>la</strong>coopération, quand même, j’avais pas bien envie <strong>de</strong>me retrouver en coopération dans cet état. Et je mesouviens que j’avais une petite Austin, avec mafemme, on y est allé. Il nous a reçus avant sesconsultations, à 2 heures moins le quart. J’étais trèscontent qu’il me reçoive. J’ai eu beaucoup <strong>de</strong> mal à yaller, à monter dans l’Austin, et arrivé dans sa salled’attente, j’avais plus mal. Je me suis dit « C’est dans<strong>la</strong> tête ! C’est l’appréhension <strong>de</strong> partir à <strong>la</strong>coopération, etc. ». Il m’a installé sur le lit, il m’abougé, vraiment il m’a bien examiné, il m’a bougédans tous les sens, et évi<strong>de</strong>mment, il n’a rien trouvé.J’avais plus mal. Comme quand on arrive au <strong>de</strong>ntisteet qu’on n’a plus mal. Donc, il m’a fait faire <strong><strong>de</strong>s</strong> radiossur lesquelles il n’y avait rien du tout. Il a cru quej’étais un simu<strong>la</strong>teur et que je vou<strong>la</strong>is pas partir à <strong>la</strong>coopération. Donc, je suis parti à <strong>la</strong> coopération enme disant que c’était psychosomatique, etc. et quefinalement, j’avais rien. On est partis au Maroc.Quand même pendant six mois j’ai boité. Unesciatique qui me faisait boiter au point <strong>de</strong> ne paspouvoir traverser les rues, les gran<strong><strong>de</strong>s</strong> avenues. Jefaisais attention aux feux pour pouvoir traverser. Jeme suis dit « C’est peut-être pas sipsychosomatique que ça ! ». Et puis ça a passé,puis j’ai plus rien eu. Je suis rentré, je me suisinstallé. J’ai fait du sport, j’ai fait plein <strong>de</strong> choses, etpuis quelques années plus tard, j’ai pris<strong><strong>de</strong>s</strong> névralgies intercostales, mais vraiment trèstrès sévères. Si j’éternuais ou si je toussais, j’étaisobligé <strong>de</strong> me tenir au truc. Des douleurs, maisvraiment très très fortes. J’ai eu <strong><strong>de</strong>s</strong> coliqueshépatiques, mais rarement <strong><strong>de</strong>s</strong> douleurs aussifortes. Je suis allé chez un rhumatologue, avec quije travail<strong>la</strong>is, que j’estimais bien, et qui m’a dit, quia fait <strong><strong>de</strong>s</strong> radios, lui-même, d’ailleurs, et qui m’a dit« C’est une spondy<strong>la</strong>rthrite ankylosante. Je vaisvous mettre sous anti-inf<strong>la</strong>mmatoires ». Il m’a missous Profénid® à l’époque, et phénylbutasone aumoment <strong><strong>de</strong>s</strong> crises, et finalement, au bout <strong>de</strong> troisjours <strong>de</strong> suppositoires <strong>de</strong> phénylbutasone lescrises passaient. J’ai pris mon Profénid® tous lesjours, ce qui m’a permis d’aller vraiment bien. C’estun très mauvais souvenir, ça, parce que c’était unepério<strong>de</strong> où on avait quand même… C’était assezdur parce qu’on avait beaucoup beaucoup <strong>de</strong>travail. On était <strong>de</strong> permanence, on était <strong>de</strong>permanence toutes les nuits. J’étais dérangé trèssouvent. Trois nuits par semaine, en général. Onavait beaucoup <strong>de</strong> travail. On était <strong>de</strong> gar<strong>de</strong> tousles dimanches, pratiquement : on était tout seuls.Après, c’était avant que <strong>la</strong> démographie setransforme. Après, <strong>la</strong> démographie s’esttransformée, on était nombreux, mais c’était assezdur. On n’était que <strong>de</strong>ux mé<strong>de</strong>cins là, sur unsecteur où maintenant on doit être huit, à peu près,là où on était seulement <strong>de</strong>ux. Donc c’était assezdur. Donc, le Profénid® ça a été miraculeux et j’aipu travailler, j’avais plus mal. Mais je peux dire que<strong>de</strong>puis, j’ai plus <strong>de</strong> gros problèmes, avec maspondy<strong>la</strong>rthrite. Néanmoins, j’ai pris <strong>de</strong> façonpermanente <strong><strong>de</strong>s</strong> anti-inf<strong>la</strong>mmatoires, le Profénid®pendant <strong>de</strong> nombreuses années, avec pasbeaucoup d’ennuis, sinon quelques fois uneréactivation <strong>de</strong> l’asthme comme les antiprostag<strong>la</strong>ndines.Et puis, quelquefois <strong><strong>de</strong>s</strong> refluxgastro-oesophagiens.- Oui.- Mais enfin, rien <strong>de</strong> sérieux. Et j’ai fait beaucoup <strong><strong>de</strong>s</strong>port. A ce moment-là, je faisais beaucoup <strong>de</strong>tennis, on a fait beaucoup <strong>de</strong> montagne, <strong>de</strong>moyenne montagne avec ma femme. On a faitquand même <strong><strong>de</strong>s</strong> courses importantes enmontagne. On a fait beaucoup <strong>de</strong> sport. Nosvacances étaient presque souvent au ClubMéditerranée pour faire du sport ou pourapprendre un nouveau sport qu’on ne connaissaitpas. Et puis, bon, bien sûr avec le temps, je mesuis quand même voûté, voyez, je suis très rai<strong>de</strong>,je ne peux pas (se lève et se penche en avant ; <strong>la</strong>distance mains-sol est d’environ 40 cm)… Mais, jepeux dire que je n’ai pas eu <strong>de</strong> gros problèmes, jepeux dire que ça ne m’a pas gêné et je pense quej’ai travaillé bien autant que les autres. Voilà. J’aipas réduit mon activité. Je pense avoir une activitéprofessionnelle assez importante.- Vous avez été obligé <strong>de</strong> vous arrêter ?- Alors, je ne me suis jamais arrêté pour <strong>la</strong>spondy<strong>la</strong>rthrite.- D’accord.


- 204 -- Je ne me suis jamais arrêté à aucun moment. Je mesuis arrêté juste pour me faire opérer <strong>de</strong> <strong>la</strong> vésicule.J’avais <strong><strong>de</strong>s</strong> calculs à <strong>la</strong> vésicule. Et je me suis arrêtépour me faire opérer d’une hernie, très peu <strong>de</strong> temps,d’ailleurs. Je n’ai jamais eu d’acci<strong>de</strong>nt, <strong>de</strong> sport, ni <strong>de</strong>gros problèmes. Non. Les seuls… J’avais uneassurance qui me permettait… souscrite un peu dansles premiers, une assurance d’incapacité temporairetotale, qui s’appe<strong>la</strong>it W. C’est une assurance qui a dûdébuter dans les années 75 à peu près, où on étaitassez peu nombreux à être assurés. Et je l’ai utiliséequ’une fois, quand j’ai été opéré <strong>de</strong> <strong>la</strong> vésicule. Je mesuis arrêté. J’ai dû m’arrêter quinze jours, ils m’ontpayé quinze in<strong>de</strong>mnités journalières, c’est tout.- Donc vous n’aviez pas eu <strong>de</strong> problème financier àcause <strong>de</strong> cet arrêt ma<strong>la</strong>die ?- Non, jamais.- D’accord.- Bon, qu’est-ce qu’elle m’a empêché <strong>de</strong> faire, cettespondy<strong>la</strong>rthrite ? Eh bien, les poussées que j’ai fait,c’était toujours après <strong><strong>de</strong>s</strong> gros efforts ou dusurmenage physique. Par exemple, si je partais envacances, le premier jour, il m’est arrivé… Il y avait<strong><strong>de</strong>s</strong> gens qui me proposaient <strong>de</strong> jouer au tennis aveceux, et je vou<strong>la</strong>is pas refuser <strong><strong>de</strong>s</strong> partenaires et tout.Et je jouais au tennis du matin jusqu’au soir. Etquelquefois, le surmenage comme ça, ça m’adéclenché une crise. Après d’être obligé <strong>de</strong> m’arrêter<strong>de</strong>ux jours, pas faire <strong>de</strong> sport. Ou <strong><strong>de</strong>s</strong> grosses peursen ski. On a fait <strong>la</strong> Vallée B<strong>la</strong>nche, <strong><strong>de</strong>s</strong> chosespénibles, ça m’a déclenché une crise le len<strong>de</strong>main.Mais avec <strong><strong>de</strong>s</strong> anti-inf<strong>la</strong>mmatoires, au bout <strong>de</strong> <strong>de</strong>uxjours, c’était fini. Donc, j’ai pas été limité. Maintenant,je ne joue plus au tennis parce que tous mes copainsfont du golf. Je fais du golf avec eux. Je joue autennis avec mes petits-enfants. J’ai pas d’ennuis.- D’accord, vous avez gardé une activité physique…- J’aime beaucoup jardiner. Voilà. Si vous voulez, jepeux dire que ma vie, elle a pas été trop méchante.Alors, j’ai pas les radios, là, parce que j’ai pas eu letemps <strong>de</strong> les chercher, mais alors, chose courante,c’est que, chose curieuse, c’est que, quand j’aicommencé mes névralgies intercostales, j’avais<strong><strong>de</strong>s</strong> spondylo-<strong><strong>de</strong>s</strong>mophytes assez nets au point <strong>de</strong>vue cervical, au point <strong>de</strong> vue dorsal, et çacommençait au point <strong>de</strong> vue lombaire. Et quand onm’a fait mes clichés pour <strong>la</strong> vésicule,les syn<strong><strong>de</strong>s</strong>mophytes avaient disparu. Ce qui estquand même quelque chose qui n’est pas…- Pas c<strong>la</strong>ssique, oui.- Pas courant. Voilà. Donc le Docteur X qui m’a faitmes radios et qui est à <strong>la</strong> retraite, (je sais pas s’il estpas mort <strong>de</strong>puis, enfin, il a disparu, il est plus à W),mais j’étais assez surpris quand j’ai été faire <strong><strong>de</strong>s</strong>radios <strong>de</strong> vérifier que les syn<strong><strong>de</strong>s</strong>mophytes avaientdisparu. Alors, c’est vrai que j’ai fait beaucoup <strong><strong>de</strong>s</strong>port après. J’ai fait beaucoup <strong>de</strong> golf où on se tordbeaucoup, il y a beaucoup <strong>de</strong> mouvements <strong>de</strong>torsion. Mais enfin, c’est assez curieux, mais c’estpas impossible, puisque moi, je vois <strong><strong>de</strong>s</strong> gens avec<strong><strong>de</strong>s</strong> rhumatismes tendineux, <strong><strong>de</strong>s</strong> petites tendinites <strong>de</strong>l’épaule avec <strong><strong>de</strong>s</strong> calcifications énormes et on lesrevoit 15 ans après, les calcifications ont disparu.Donc, j’ai pas eu beaucoup d’ennuis. J’ai beaucoupplus d’ennuis avec mon asthme, qu’avec maspondy<strong>la</strong>rthrite.- D’accord. D’accord. Alors, je vais reprendre certaineschoses que vous m’avez expliquées. D’après ce quej’ai compris, vous avez fait appel à <strong>de</strong>uxrhumatologues à <strong>de</strong>ux moments bien différents <strong>de</strong>votre vie : avant <strong>de</strong> partir au Maroc…- Oui.- Voilà. Là, ça a été ponctuel, parce que vous ne l’avezpas revu ?- Spondy<strong>la</strong>rthrite au début, on voit rien sur les radios.- Et puis, bon, <strong>la</strong> douleur avait disparu au moment<strong>de</strong> l’examen.- Et elle est revenue <strong>de</strong>ux jours après et on m’a dit« C’est dans <strong>la</strong> tête ».- Et ce professeur, vous ne l’avez jamais revu, il nevous a jamais suivi ?- Non.- D’accord. Le <strong>de</strong>uxième rhumatologue que vousavez revu plusieurs années après, est-ce qu’il avaitorganisé un suivi avec vous ? Est-ce que vousl’avez vu à plusieurs reprises ?- Non.- Non ?- Je ne l’ai pas revu. Je lui ai envoyé beaucoup <strong>de</strong>patients. On s’est rencontrés en <strong>de</strong>hors du travail,parce qu’on avait un ami commun.- Oui.- Par discrétion, il n’a plus parlé <strong>de</strong> ma ma<strong>la</strong>die<strong>de</strong>vant l’ami etc. Il m’a <strong>de</strong>mandé si ça al<strong>la</strong>it bien ettout, et compte tenu qu’avec… Après le Profénid®,je vous disais que je supportais mal, j’ai rencontréle Piroxicam. Le Piroxicam apparemment c’étaitpour moi un médicament formidable. La toléranceétait excellente, et quand j’ai eu ces violentescrises <strong>de</strong> coliques hépatiques, au début,évi<strong>de</strong>mment, je pensais que c’était un ulcère, unproblème lié aux anti-inf<strong>la</strong>mmatoires. On a fait unefibroscopie.- D’accord.- Qui a montré qu’il n’y avait rien.- Ces médicaments, c’est vous qui vous lesprescriviez vous-même ?- Oui. Je suis en ALD.- Oui. Pour revenir à <strong><strong>de</strong>s</strong> questions plus générales…- J’ai fait beaucoup <strong>de</strong> rééducation, par contre.Régulièrement.- Avec les kinés ?- Avec <strong>de</strong>ux kinés. Là, il y a un changement. Le kinéest parti à <strong>la</strong> retraite, donc c’est une dame qui leremp<strong>la</strong>ce. Donc, je vais voir un petit peu. Unedame un peu bavar<strong>de</strong>, un peu pénible. Je suis passûr que j’aille chez elle, je vais voir. Celui avant,c’était <strong>de</strong> <strong>la</strong> rééducation sympa, il me détendaitbien. Là, je sais pas, je vais voir. En principe, jefais <strong>de</strong> <strong>la</strong> rééducation tout l’hiver et j’arrête l’étéparce que je fais beaucoup <strong>de</strong> sport l’été, enfin, unpeu <strong>de</strong> sport l’été et donc j’ai pas besoin <strong>de</strong>rééducation.- D’accord.Vous avez un traitement actuellement ?- Oui.- Oui ?- Oui. Je prends du Piroxicam.- Au long cours ?- Oui, mais maintenant, l’observance n’est pas trèstrès bonne. Parce que quelquefois j’en prendspendant huit-dix jours. Après, j’ai plus mal. Si jefais beaucoup <strong>de</strong> sport, par exemple quand je suisen vacances, j’ai pas besoin d’en prendre.- C’est un peu plus à <strong>la</strong> <strong>de</strong>man<strong>de</strong> que vous l’utilisez?- S’il fait humi<strong>de</strong> ou froid, si je peux pas courir, pourune raison ou une autre, si je peux pas courir, jepeux pas faire <strong>de</strong> sport, à ce moment-là, vite, aubout <strong>de</strong> quelques jours. Ou s’il y a <strong><strong>de</strong>s</strong> pério<strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>de</strong>travail très fatigantes, où je fais <strong>de</strong> très grossesjournées… Hier, j’ai quand même vu 40personnes. J’ai commencé à huit heures du matin,et j’ai terminé à neuf heures moins le quart.- Une grosse journée.- Si vraiment j’ai <strong><strong>de</strong>s</strong> pério<strong><strong>de</strong>s</strong> comme ça où je peuxpas faire <strong>de</strong> sport, à ce moment-là, je suis obligéd’en prendre. Voilà. Et puis les soucis jouent aussibeaucoup <strong><strong>de</strong>s</strong>sus. Là, j’ai perdu ma mère il n’y apas longtemps, il y a moins d’un mois, et donc,quand c’est comme ça, je prends <strong><strong>de</strong>s</strong> antiinf<strong>la</strong>mmatoiresparce que j’ai l’impression…


- 205 -- Que ça réactive…- Oui, ça réactive <strong>la</strong> ma<strong>la</strong>die. Voilà. Mais finalement, jeme suis moins bien que je le ferais pour un <strong>de</strong> mesma<strong>la</strong><strong><strong>de</strong>s</strong>.- Alors, justement je vou<strong>la</strong>is vous poser <strong><strong>de</strong>s</strong> questionsdans ce sens-là. Comment vous prenez en chargejustement votre santé ? Est-ce que vous avez vousmêmeun mé<strong>de</strong>cin traitant ?- Non. C’est moi-même mon mé<strong>de</strong>cin traitant.- Vous êtes votre propre mé<strong>de</strong>cin traitant. Vous êtesdéc<strong>la</strong>ré comme tel ?- Oui.- Est-ce que vous avez déjà pensé à choisir un <strong>de</strong> vosconfrères pour s’occuper <strong>de</strong> votre santé ?- Quand je serai à <strong>la</strong> retraite.- Quand vous arrêterez votre activité, vous préférezque ce soit quelqu’un d’autre, d’accord.- Si lui est toujours en activité, parce que… Il est bienplus jeune que moi, mais, bon, il n’est pas très…Mais enfin je pense que c’est quelqu’un qui estvraiment, qui est un gars bien, sérieux, et tout.- D’accord.- En qui j’aurai confiance. Quand je suis ma<strong>la</strong><strong>de</strong>, je faistrès confiance. Quand j’ai été opéré <strong>de</strong> <strong>la</strong> vésicule,donc il y avait aussi un début <strong>de</strong> pancréatite, je suisjamais allé voir mon dossier médical. J’ai choisi unchirurgien. Le pauvre, maintenant, il se soigne pourun cancer du poumon. J’ai choisi un chirurgien etjamais je lui ai <strong>de</strong>mandé <strong>de</strong> voir le dossier, etc.- Vous ne posiez pas vraiment <strong>de</strong> questions. Vousvous <strong>la</strong>issiez gui<strong>de</strong>r.- Voilà. Il m’a dit « Tu peux voir le dossier quand tuveux ». Je lui ai dit « Ecoute, si j’avais pas confiance,j’aurais choisi quelqu’un d’autre ». Donc voilà.- Donc, vous preniez votre statut <strong>de</strong> patient.- De ma<strong>la</strong><strong>de</strong>, voilà. Quand j’ai quelque chose commeça, je prends un statut <strong>de</strong> patient. Sauf une fois où jesuis rentré à l’hôpital, donc, avant qu’on s’aperçoiveque c’était <strong>la</strong> vésicule biliaire. Parce que j’étais allévoir un radiologue avec lequel j’ai eu pas mal <strong>de</strong>problèmes pour <strong><strong>de</strong>s</strong> ma<strong>la</strong><strong><strong>de</strong>s</strong>. Il a vu <strong><strong>de</strong>s</strong> vésicules à<strong><strong>de</strong>s</strong> gens qui n’avaient plus <strong>la</strong> vésicule. Il a vu, il y apas longtemps une tumeur énorme du péritoine chezun petit gosse. Enfin bon. Et c’est vrai qu’il m’avait faitune radio <strong>de</strong> vésicule parce que celui avec qui jetravail<strong>la</strong>is était en vacances, et qu’il avait rien vu, etc.Je suis allé un jour à l’hôpital, aux urgences, où jesuis tombé sur un mé<strong>de</strong>cin étranger qui <strong>de</strong>mandaittout ce qu’il fal<strong>la</strong>it faire à l’infirmière… Enfin, c’étaitvraiment ridicule. Là, vraiment, j’ai pas eu confiance,je suis pas resté. Le len<strong>de</strong>main, je suis reparti parceque vraiment, j’ai eu l’impression d’uneincompétence. Mais quand je choisis le mé<strong>de</strong>cin, jesuis très discipliné et je fais confiance. Mais…- D’accord. Au cours <strong>de</strong> votre parcours <strong>de</strong> ma<strong>la</strong><strong>de</strong>,avec cette spondy<strong>la</strong>rthrite, en <strong>de</strong>hors <strong>de</strong> tous lestraitements antalgiques et anti inf<strong>la</strong>mmatoires, vousme disiez que vous aviez fait <strong><strong>de</strong>s</strong> contrôlesradiologiques.- Oui.- C’est vous qui vous les prescriviez, aussi ?- Non, les premières radios qui ont fait le diagnostic,c’était le rhumatologue qui les a faites. A son cabinet.Les autres radios, c’est toujours moi qui me lesprescris. Voilà.- D’accord. Vous n’avez pas vu d’autres confrères, en<strong>de</strong>hors du kiné dont vous me parliez, <strong>de</strong> ce <strong>de</strong>uxièmerhumatologue ? Il n’y a pas eu d’autres confrères quisont intervenus ?- Pour le problème rhumatismal, non. J’ai dû faire uneexploration respiratoire pour l’asthme, je me souvienspas. Mais sans voir… Non, non, même pas. Je suisallé à une réunion, je suis allé à une formation surl’asthme, sur les BPCO où on faisait l’explorationfonctionnelle respiratoire et il y avait <strong>de</strong>ux collèguespneumologues qui m’ont fait une explorationfonctionnelle respiratoire, qui ont confirmé lediagnostic d’asthme. Mais il n’y a pas vraiment euune consultation chez un pneumologue, etc. Non,vraiment je me suis soigné moi-même.- Oui.- Et je pense pas que je sois quelqu’un… Que monobservance ne soit pas très bonne, sauf pour <strong>la</strong>rhumatologie. Elle est très bonne parce que je saisque si je le prends pas, j’ai mal. Mais par exemple,pour l’asthme, mon observance n’est pas trèsbonne. Normalement j’aurais dû avoir <strong><strong>de</strong>s</strong>coloscopies. Dans ma famille, il y a <strong><strong>de</strong>s</strong> cancerscoliques, beaucoup <strong>de</strong> cancers coliques, doncaussi bien ma femme que moi, on doit faire lesdépistages réguliers. J’ai fait les dépistages audébut : <strong><strong>de</strong>s</strong> coloscopies tous les cinq ans.Maintenant ça doit faire 10 ans, j’ai pas fait macoloscopie. Et, bon, je suis pas, je pense pas êtreun bon patient. Me soigner !…(rires)- Mais à votre avis, pourquoi est-ce que vous n’avezpas refait <strong>de</strong> coloscopie ? Est-ce que c’est parmanque <strong>de</strong> temps, ou vous avez un peu occultécet aspect ?- Les coloscopies, j’en ai eu déjà… J’en ai eu unesans anesthésie qui m’a passé l’envie d’en faire.J’en ai eu trois avec anesthésie, et j’ai trouvé…C’est vraiment un examen que je n’appréhen<strong>de</strong>raispas, même <strong>la</strong> préparation... Mais j’ai trouvé quel’anesthésie… J’avais <strong><strong>de</strong>s</strong> troubles <strong>de</strong> mémoireaprès chaque anesthésie. Je trouvais que ça medégradait <strong>la</strong> mémoire. Et j’ai bien besoin <strong>de</strong> <strong>la</strong>mémoire dans mon travail et j’ai trouvé… J’ai pasenvie <strong>de</strong> faire <strong><strong>de</strong>s</strong> anesthésies. Alors là, j’attends lecoloscanner, hein, parce que… Voilà.- D’accord.- Dès qu’il y aura le colo scanner à U, là, j’irai mefaire une colo scanner. C’est l’anesthésie généraleque j’appréhen<strong>de</strong>, pour les trous <strong>de</strong> <strong>la</strong> mémoire,parce qu’autrement, le confort <strong>de</strong> <strong>la</strong> coloscopie,maintenant, c’est …- C’est beaucoup plus simple.- Ah, oui vraiment.- Est-ce que pour <strong>la</strong> spondy<strong>la</strong>rthrite, vous avez dûfaire <strong><strong>de</strong>s</strong> recherches ? C’est vous qui voussuiviez ?- Souvent je lisais beaucoup <strong>de</strong> documents.Maintenant, je lis moins <strong>de</strong> documents à caused’Internet où on peut aller chercher <strong><strong>de</strong>s</strong> chosesquand on a besoin.- Plus facilement.- Mais avant, j’avais, j’avais une documentationassez importante et j’avais une chemise importantesur <strong>la</strong> spondy<strong>la</strong>rthrite. Tout était c<strong>la</strong>ssé, chaquerubrique, gastro, etc, et dès qu’il passait quelquechose dans <strong>la</strong> Revue du Praticien ou ailleurs, jenotais tout ce qu’il y avait.- Vous vous teniez au courant.- Et il y avait <strong><strong>de</strong>s</strong> choses qui m’ont intéressé. Parexemple, ma spondy<strong>la</strong>rthrite a commencé aprèsune grosse gastro-entérite, d’une part. Donc onsait que <strong>la</strong> spondy<strong>la</strong>rthrite, il a été dit, quefinalement, c’est une ma<strong>la</strong>die auto-immune avecpeut-être déclenchement par <strong><strong>de</strong>s</strong> antigènesbactériens et dans certaines ma<strong>la</strong>dies intestinales,il y a <strong><strong>de</strong>s</strong> semi spondy<strong>la</strong>rthrites, puisqu’à unmoment, on par<strong>la</strong>it <strong>de</strong> rhumatisme intestinal. Ça,c’est <strong><strong>de</strong>s</strong> choses, chaque fois que j’ai vu passer<strong><strong>de</strong>s</strong> articles là-<strong><strong>de</strong>s</strong>sus, ça m’a intéressé. La<strong>de</strong>uxième chose qui m’a intéressé, c’est qu’il y aeu pas mal <strong>de</strong> travaux qui ont <strong>la</strong>issé penser que,peut-être, le déclenchement se faisait à partird’antigènes du Klebsiel<strong>la</strong>. Et à un moment, commej’avais <strong>de</strong> l’asthme il y avait <strong><strong>de</strong>s</strong> vaccins, je ne saisplus lesquels. Maintenant on les prescrit plus, ilsn’existent plus, je ne sais pas si c’était le Biostim®.


- 206 -Et le Biostim® ne contenait que <strong><strong>de</strong>s</strong> antigènes <strong>de</strong>Klebsiel<strong>la</strong>. Et <strong>la</strong> première fois que j’ai pris duBiostim®, ça m’a déclenché une poussée. Et aprèscoup, j’ai lu <strong><strong>de</strong>s</strong> articles, comme ça. J’ai pensé « Maisdans le Biostim® il y avait… ! » Voilà. Et ça m’avaitdéclenché une bonne crise. J’ai eu <strong><strong>de</strong>s</strong> crises <strong><strong>de</strong>s</strong>pondy<strong>la</strong>rthrite déclenchées, alors que j’avais faitaucun effort, parce que j’avais mangé <strong><strong>de</strong>s</strong> tripes ou<strong>de</strong> l’andouillette ou <strong><strong>de</strong>s</strong> trucs comme ça. Et donc,c’est <strong>de</strong> <strong>la</strong> muqueuse intestinale.- Bien sûr.- Je me suis posé <strong><strong>de</strong>s</strong> questions. Alors, pendantlongtemps, je regardais bien <strong>la</strong> documentation. Maismaintenant, comme avec mon piroxicam ça ne mepose aucun problème, quelquefois il se passe unesemaine sans que je prenne <strong>de</strong> piroxicam. Disonsque j’en prends en moyenne vingt jours par mois àpeu près. Bon, je suis plus ça.- Puis vous connaissez bien votre pathologie.- Voilà, je suis plus, mais passé un moment, jem’intéressais beaucoup plus, je pense. Je savais <strong><strong>de</strong>s</strong>choses sur <strong>la</strong> spondy<strong>la</strong>rthrite que peut-être certainsrhumatologues ne savaient pas. Parce qu’il y a <strong><strong>de</strong>s</strong>choses assez récentes, <strong><strong>de</strong>s</strong> nouveaux médicamentsdans <strong>la</strong> spondy<strong>la</strong>rthrite, <strong><strong>de</strong>s</strong> immuno suppresseurs,etc. Il y a un nouveau médicament maintenant, maisça ne m’intéresse plus puisque avec le piroxicam…- Vous arrivez à juguler le symptôme.- La seule chose que je crains, c’est que d’un jour àl’autre, pour <strong><strong>de</strong>s</strong> intérêts financiers, comme c’estsouvent le cas actuellement, on trouve, on cherche<strong><strong>de</strong>s</strong> puces au piroxicam, qu’on remp<strong>la</strong>ce, qu’onsupprime le piroxicam et qu’on remp<strong>la</strong>ce le piroxicampar un médicament trois fois plus cher et qui seramoins efficace avec <strong><strong>de</strong>s</strong> effets secondaires qui serontembêtants. C’est <strong>la</strong> seule chose dont je me méfiepour le moment.- D’accord. Pour en revenir à votre vécu, en tant quepatient, c’est vrai que c’est une histoire qui dure dansle temps, cette pathologie… Je voudrais savoir s’il y aquelque chose qui vous a particulièrement marqué ousurpris en tant que patient ? C’est-à-dire en étant <strong>de</strong>l’autre côté <strong>de</strong> <strong>la</strong> barrière, face au mon<strong>de</strong> médical.Mais, est-ce qu’il y a quelque chose, en tant quepatient, qui vous a marqué ?- Quelque chose, un peu qui déclenchait <strong>de</strong>l’agressivité ?- Eventuellement. Votre ressenti.- J’ai eu un ennui : tous les mé<strong>de</strong>cins que j’airencontrés, tous les mé<strong>de</strong>cins qui m’ont soigné, j’aijamais eu <strong>de</strong> problème, j’ai toujours été content <strong><strong>de</strong>s</strong>soins. Les <strong>de</strong>ux choses qui m’ont marqué… Dans leséléments positifs, je fais confiance au confrère, jechoisis le confrère. Il y a <strong><strong>de</strong>s</strong> confrères chez qui jen’irai pas parce je sais qu’ils pensent qu’à faire du fricet que c’est tout <strong>de</strong> <strong>la</strong> magouille et que si j’avaismis… J’ai eu trop <strong>de</strong> problèmes pour faire simple. J’airencontré pour me faire soigner les yeux, j’ai à faire,actuellement… J’ai eu à faire à une ophtalmologisteque j’ai choisie en fonction du jour où je ne travaillepas, alors qu’avant j’avais un ophtalmologiste dontj’étais très content. Et j’ai choisi une jeune femme quiest ophtalmologiste. J’ai calculé <strong>la</strong> consultation : <strong>la</strong>consultation dure trois minutes. Trois minutes dumoment où elle m’appelle dans sa salle d’attente etau moment où je signe le chèque sur le comptoir.Alors ça, je vais changer, parce ça que je pense quec’est inacceptable. D’ailleurs, j’ai beaucoup <strong>de</strong>patients… J’y envoyais <strong><strong>de</strong>s</strong> patients, parreconnaissance, puisqu’elle me soignait, mais je nevais plus en envoyer. Parce que là, je pense que…Alors, ça, première chose. Deuxième problème, j’aieu ce problème à l’hôpital, quand je suis entré auxurgences, une nuit. J’ai eu très mal à l’estomac. Mafemme a appelé une ambu<strong>la</strong>nce parce que je faisaisune crise <strong>de</strong> coliques hépatiques, en fait. Je suistombé aux urgences avec une infirmière que jeconnaissais. C’était <strong>la</strong> petite-fille d’une <strong>de</strong> mespatientes… avec un mé<strong>de</strong>cin étranger. Je pensequ’il était Syrien ou Libanais. Et ça s’est passé àpeu près comme ça, sans rien exagérer,réellement. L’infirmière dit au mé<strong>de</strong>cin « Bon, cemonsieur, c’est un monsieur qui a unespondy<strong>la</strong>rthrite, il est mé<strong>de</strong>cin, il a unespondy<strong>la</strong>rthrite, il prend <strong><strong>de</strong>s</strong> anti-inf<strong>la</strong>mmatoires. I<strong>la</strong> très mal, à l’estomac etc. Est-ce que tu pensesqu’on peut le mettre en chirurgie ? ». « Ouais,ouais, d’accord, c’est très bien, tu le montes enchirurgie ». « Est-ce que tu penses qu’on peut lemettre sous Tagamet® « Ouais, ouais, ouais, c’esttrès bien, tu le mets sous Tagamet®» . « Est-ceque tu veux qu’on le mette sous Tagamet® à <strong>la</strong>pompe ? ». « Ouais, ouais, ouais, c’est très bien, tule mets sous Tagamet® à <strong>la</strong> pompe ».- Heureusement qu’elle était là !- Et <strong>la</strong> fin, c’était quoi ? Ah, oui ! « Quelle dose tuveux <strong>de</strong> Tagamet® à <strong>la</strong> pompe ? Je lui mets telledose ? ». « Ouais, ouais, c’est bien, tu lui metstelle dose. Monsieur, c’est bien, on va vous mettreTagamet® à <strong>la</strong> pompe. » .- Donc, là, effectivement, il doit y avoir quand mêmeun sentiment d’angoisse quand on n’a pas du toutconfiance dans le confrère.- Je m’en foutais parce que je savais que j’al<strong>la</strong>is êtresous Tagamet® ! J’al<strong>la</strong>is plus avoir mal. C’était unecrise <strong>de</strong> colique hépatique. J’avais aussi mal lelen<strong>de</strong>main.- Ça n’a rien changé.- Mais enfin, bon. J’étais très très hôpital, très hôpitalet très peu clinique, jusqu’à ce jour-là. De ce jourlà,j’ai été beaucoup plus clinique et beaucoupmoins hôpital. Et maintenant, je suis dans unepério<strong>de</strong> où je reviens en arrière. Bon, parce quec’est le groupe Y, à U, qui a pris toutes lescliniques. Et il y a une gestion qui <strong>de</strong>vient unegestion purement marchan<strong>de</strong>.- Mercantile.- Voilà. Et ça <strong>de</strong>vient épouvantable. Et je pense quej’envoie <strong><strong>de</strong>s</strong> ma<strong>la</strong><strong><strong>de</strong>s</strong> à l’hôpital pour <strong><strong>de</strong>s</strong> raisonsfinancières. Puis les gens, on les prend, on lesopère, puis on les fout à <strong>la</strong> porte <strong>de</strong> <strong>la</strong> clinique àtoute vitesse pour en faire rentrer un. Si ça sepasse mal, on veut les rentrer, il n’y a même plus<strong>de</strong> p<strong>la</strong>ce, ils les envoient à l’hôpital parce qu’ils ontplus <strong>de</strong> lit pour les reprendre. Enfin bref.Premièrement, cette ophtalmologiste, avec qui, jecrois qu’on va divorcer ! Et cette expérience <strong>de</strong>l’hôpital aux urgences avec ce mé<strong>de</strong>cin étranger.Troisième épiso<strong>de</strong> négatif, c’est avecl’anesthésiste, quand j’ai été opéré <strong>de</strong> <strong>la</strong> vésicule.Donc, avec ma spondy<strong>la</strong>rthrite, et l’asthme, j’aiquand même <strong><strong>de</strong>s</strong> problèmes respiratoires.- Bien sûr.- Donc, <strong>la</strong> consultation d’anesthésie s’est passée àtoute vitesse. Je ne vous dis pas. C’est moi qui airempli mon dossier. La secrétaire a saisi mondossier sur informatique, je suis rentré dans lebureau <strong>de</strong> l’anesthésiste. Quand ma femme a étéopérée <strong>de</strong> <strong>la</strong> thyroï<strong>de</strong>, ça a été pareil. Je suisrentré dans le bureau <strong>de</strong> l’anesthésiste, il m’a prisma tension, il m’a fait ça, ça. J’ai pas enlevé machemise sur mon maillot <strong>de</strong> corps, il m’a fait ça, ça,ça (en mimant une auscultation rapi<strong>de</strong>). Il m’a dit« Bon, bon, ça va, c’est peut-être pas moi qui vaisvous endormir ». Voilà. J’ai été endormi, j’ai<strong>de</strong>mandé une coelioscopie, donc, coelioscopie. Etbien, quand je me suis réveillé, j’étais encore enpartie curarisé ! Donc, vous vous réveillez, vousêtes en partie curarisé, je peux vous dire que vousavez l’impression <strong>de</strong> ne pas respirer.


- 207 -- Bien sûr.- Donc, il m’a vite rendormi. Ça arrive, paraît-il, çaarrive.- C’est un mauvais souvenir.- Oui, c’est un mauvais souvenir, et donc, c’étaitvraiment très anxiogène. Tout <strong>de</strong> suite, ils m’ontrendormi. Ils m’ont mis sous oxygène, et j’espérais,quand même que l’anesthésiste…- Viendrait vous voir.- Après l’opération, viendrait me dire « Bon, ça arrivequelquefois », et tout. Et il n’est pas venu me voir <strong>de</strong>tout le temps que je suis resté à <strong>la</strong> clinique. J’ai euassez mal après un jour, j’ai eu assez mal, donc c’estle chirurgien qui a tout réglé. Très bien, le chirurgien,très bien. L’anesthésiste, j’ai gardé quand même lesouvenir que c’était un sale con, quoi. Vraiment. Aumoins confraternellement, il aurait pu venir. Et le<strong>de</strong>rnier jour, il y avait ma femme, il est venu, parceque je l’avais dit au chirurgien. J’avais dit auchirurgien « Je suis étonné que l’anesthésiste ne soitpas venu ». Il m’a dit « Ben, tu sais, ça arrivequelquefois, c’est rare, mais avec lescoelioscopies… ». Et l’anesthésiste, au lieu <strong>de</strong> diregentiment « Ça arrive », il nous a parlé que <strong>de</strong> sesimpôts, qu’il payait trop d’impôts !- Et alors justement, à travers toutes ces histoires, estceque votre situation…- Voilà, c’est trois choses négatives.- Oui, c’est trois éléments marquants, je comprendsbien. Est-ce que votre situation <strong>de</strong> mé<strong>de</strong>cin, tout enétant ma<strong>la</strong><strong>de</strong>, vous a semblé rendre votre prise encharge particulière ? Est-ce que vous avez ressenti<strong>de</strong> <strong>la</strong> gêne, <strong>de</strong> <strong>la</strong> difficulté, <strong>de</strong> <strong>la</strong> part <strong><strong>de</strong>s</strong> confrèresqui vous prenaient en charge ?- Oui.- Cet anesthésiste, est-ce que par exemple, c’est le faitd’avoir un mé<strong>de</strong>cin en face <strong>de</strong> lui, qui pouvait rendreaussi les re<strong>la</strong>tions compliquées pour lui, ou peut-êtrequ’il fait comme ça tout le temps ?- Oui, je pense, il est comme ça. Les anesthésistes,vous savez, quand vous parlez à l’hôpital à tous lesmé<strong>de</strong>cins <strong>de</strong> l’hôpital <strong>de</strong> U, les anesthésistes, engénéral, c’est un groupe qui crée beaucoup <strong>de</strong>problèmes. Au sein <strong>de</strong> l’hôpital, ils en créentbeaucoup parce qu’ils sont très nombreux. Et dansles réunions, dans les commissions, dans les chosescomme ça, ils pèsent très lourd et ils fontpratiquement tout ce qu’ils veulent.- C’est <strong><strong>de</strong>s</strong> gens qui communiquent peu, avec lespatients ?- On a beaucoup <strong>de</strong> problèmes. Par exemple, moi j’ai<strong><strong>de</strong>s</strong> patients qu’on a rentrés en cardiologie, pour leurfaire un choc électrique, ils sont rentrés le matin àjeun, etc. Et les gens, on les a <strong>la</strong>issé partir, parcequ’à <strong>de</strong>ux heures <strong>de</strong> l’après-midi, il n’y avait pasd’anesthésiste pour leur faire un choc. Et si vousparlez au Centre Hospitalier <strong>de</strong> U <strong><strong>de</strong>s</strong> anesthésistes,au cardiologue, au rhumatologue, ou dans lesservices, ils vont vous dire que quand même…- C’est très conflictuel ?- C’est très conflictuel. Moi, je n’ai pas eu <strong>de</strong> conflitparticulier avec les anesthésistes, mais je sais qu’entant que mé<strong>de</strong>cin généraliste, ils essaient <strong>de</strong> sedécharger beaucoup du travail, sur nous. Ils fontpratiquement leur visite, qu’ils comptent 50 euros,vraiment, c’est d’un ridicule. Moi, j’ai une patiente,elle s’est même pas déshabillée. On l’a examinée surses vêtements, prise <strong>de</strong> tension et tout ça. Donc, lesgens, on leur dit même pas en regardant le dossier…Donc, moi quand j’y suis allé, il aurait pu me dire« Vous avez une spondy<strong>la</strong>rthrite ». Il m’a dit « Bon,ça va, pas <strong>de</strong> problème. C’est pas moi qui vousendormirai ». Ils sont vus par un anesthésiste. C’estpas celui qui les endort, et souvent personne vient lesvoir, l’anesthésiste ne vient pas les voir aprèsl’opération. Si moi, j’avais une opinion négative <strong><strong>de</strong>s</strong>mé<strong>de</strong>cins <strong>de</strong> notre profession, ça serait lesanesthésistes et les chirurgiens esthétiques. Parceque les chirurgiens esthétiques, moi j’ai eu <strong><strong>de</strong>s</strong>problèmes avec <strong><strong>de</strong>s</strong> clientes, qui ont été opéréesdu sein, je ne sais pas combien <strong>de</strong> fois. C’est dumarchandage. C’est vraiment… c’est vraimentépouvantable. Voilà. Si vous voulez, ce qu’il enreste <strong>de</strong> tout ça, voilà ! Autrement, tous les autresconfrères… Alors, une chose que je voudrais direaussi, qui vous fera peut-être pas p<strong>la</strong>isir, mais queje dis quand même, c’est que les filles, en matière<strong>de</strong> mé<strong>de</strong>cin, contrairement à ce que j’aurais pucroire, j’aurais pensé que les femmes avaient <strong><strong>de</strong>s</strong>qualités médicales, et que c’était une professionplutôt féminine et qu’elles feraient <strong><strong>de</strong>s</strong> meilleursmé<strong>de</strong>cins que les hommes, eh bien, dans maconstatation personnelle, je m’aperçoismalheureusement qu’elles sont beaucoup plusrapias que les hommes. Beaucoup plus rapias queles hommes. Et ça, je l’ai constatémalheureusement souvent.- D’accord. Dans votre expérience personnelle, c’estl’impression que vous avez.- Dans mon expérience. En tant que mé<strong>de</strong>cin, <strong><strong>de</strong>s</strong>p<strong>la</strong>intes <strong><strong>de</strong>s</strong> ma<strong>la</strong><strong><strong>de</strong>s</strong>, et voilà.- Et en tant que patient, aussi ?- Et en tant que patient. Oui. A travers monophtalmologiste.- D’accord.- Elle me fait payer, je m’en fous, j’ai une mutuelle,etc., et moi…- Mais en trois minutes, elle peut pas faire grandchose.- J’ai eu <strong><strong>de</strong>s</strong> problèmes <strong>de</strong> basocellu<strong>la</strong>ires. Mesparents avaient un cabriolet ; j’ai roulé en cabriolettoute mon enfance, et j’ai eu un cabriolet après.J’ai pris le soleil plein. Et maintenant, je me faisenlever <strong><strong>de</strong>s</strong> basocellu<strong>la</strong>ires. En trois mois, je m’ensuis fait enlever trois. Mais, bon, j’ai affaire à une<strong>de</strong>rmatologue à qui je <strong>de</strong>man<strong>de</strong>, je <strong>de</strong>man<strong>de</strong>,comme je viens <strong>la</strong> voir souvent, <strong>de</strong> payer, parceque je ne veux pas l’enquiquiner sans cesse, etbon, avec qui je m’entends bien. Mais en général,les femmes ont tendance à travailler moinslongtemps, à vouloir travailler moins longtemps etgagner bien autant d’argent que ceux qui travaillenttoute <strong>la</strong> journée. Voilà. C’est les seules…Autrement, est-ce que ça va ? Vous vouliez me<strong>de</strong>man<strong>de</strong>r si ça avait modifié ma façon <strong>de</strong> mecomporter avec le mé<strong>de</strong>cin, non, vous m’avez<strong>de</strong>mandé si ça occasionnait une gêne <strong>de</strong> <strong>la</strong> part<strong><strong>de</strong>s</strong> gens qui me soignent ?- Oui. Est-ce que le fait d’être mé<strong>de</strong>cin, vous pensezque c’est un handicap pour être pris en charge entant que ma<strong>la</strong><strong>de</strong> ?- Non. Non, je ne pense pas.- Est-ce que <strong>de</strong> <strong>la</strong> part <strong><strong>de</strong>s</strong> mé<strong>de</strong>cins, il y avait <strong>de</strong> <strong>la</strong>gêne ?- Alors, tout dépend <strong>de</strong> ce que vous appelez <strong>la</strong> priseen charge. Par exemple, le fait d’être mé<strong>de</strong>cin,chaque fois, je me suis aperçu à <strong>la</strong> clinique, vis-àvisdu personnel soignant, <strong><strong>de</strong>s</strong> infirmières, etc., il ya une distance qui se crée. Parce que, il y a plus<strong>de</strong> distance. On parle avec les gens, mais on sentqu’il y a plus <strong>de</strong> distance. Quand on est ma<strong>la</strong><strong>de</strong>,quand on est dans une clinique, dans unechambre, ça fait du bien que quelqu’un vienne <strong>de</strong>temps en temps, ouvre <strong>la</strong> porte, simplement pourdire… Mais apparemment, dans l’équipesoignante, les gens ne le font pas en disant « C’estun mé<strong>de</strong>cin, qu’est-ce que je vais lui dire ?... »Alors qu’avec quelqu’un d’autre, elles viendrontpuis elles diront… Voilà.- Vous pensez que c’est <strong>la</strong> peur <strong>de</strong> pas savoir quoidire, ou ça va même jusqu’au fait <strong>de</strong> se dire « Oh


- 208 -ben, il va bien arriver à gérer ses symptômes et ànous dire… »- Peut-être, peut-être.- Quasiment au niveau diagnostic…- Je me suis pas posé <strong>la</strong> question. Quelquefois, si, il ya <strong><strong>de</strong>s</strong> gens… Il y a une infirmière qui était venue meparler <strong>de</strong> ses étu<strong><strong>de</strong>s</strong>, etc, ce qu’elle vou<strong>la</strong>it faire,mais, je pense que c’est pas <strong>la</strong> question du mé<strong>de</strong>cin.Si, parce que dans <strong>la</strong> re<strong>la</strong>tion avec le ma<strong>la</strong><strong>de</strong>, il y aune re<strong>la</strong>tion où on essaie d’apprendre au ma<strong>la</strong><strong>de</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong>choses. Donc, le personnel sait <strong><strong>de</strong>s</strong> choses, et àtravers une petite visite, on ouvre <strong>la</strong> porte et onexplique au ma<strong>la</strong><strong>de</strong> quelque chose. Le mé<strong>de</strong>cin, ilsait aussi bien que nous et on va pas pouvoir luiexpliquer quelque chose. Donc, ça va être une visitepurement re<strong>la</strong>tionnelle, et finalement, on n’est pashabitué à un contact purement re<strong>la</strong>tionnel. Je ne saispas si vous voyez ce que je veux dire.- Tout à fait. Et donc, vous en tant que patient…- Imaginez que vous ayez un patient dans unechambre, vous allez rentrer, vous allez lui parler etvous allez vous p<strong>la</strong>cer sur le mo<strong>de</strong> <strong>de</strong> re<strong>la</strong>tionprofessionnelle. Vous allez lui dire « Comment ça va,vous avez mal ? » et il va vous dire « J’ai un petit peumal » et vous allez lui donner une explication. Etsouvent, <strong>la</strong> re<strong>la</strong>tion avec le ma<strong>la</strong><strong>de</strong>, elle est aseptiséepar une re<strong>la</strong>tion éducative, un peu. Donc, s’il n’y apas cette re<strong>la</strong>tion éducative, parce qu’on à affaire àun mé<strong>de</strong>cin, <strong>la</strong> re<strong>la</strong>tion <strong>de</strong>vient une re<strong>la</strong>tion un peupersonnelle.- Plus difficile ?- C’est plus difficile. On n’a pas d’explications. Derentrer <strong>de</strong> lui dire, comme ça « Qu’est-ce que vousfaites ? Vous lisez ? Vous faites <strong>de</strong> l’ordinateur ?Vous faites <strong><strong>de</strong>s</strong> trucs ? ». On a peur <strong>de</strong> le déranger,je pense, et puis une re<strong>la</strong>tion plus personnelle, pasaseptisée par le contact habituel.- Et vous pensez qu’un mé<strong>de</strong>cin qui est dans ce rôle<strong>de</strong> ma<strong>la</strong><strong>de</strong>, il n’a pas envie d’entendre <strong><strong>de</strong>s</strong>explications. Cet aspect éducatif, il n’en a pasbesoin ?- Non, moi je n’en avais pas envie du tout.- D’accord.- Par exemple, j’avais une patiente, hospitalisée quandmoi j’étais ma<strong>la</strong><strong>de</strong>. J’ai reconnu sa voix dans uneautre chambre. J’étais un petit peu jaloux, parce queles infirmières souvent passaient, lui par<strong>la</strong>ient. Alorsque moi, finalement, elles ne me par<strong>la</strong>ient pas, ellene venaient pas chez moi, ou si j’avais une perfusionà enlever, etc. Elle n’est jamais venue me voir.- Elle savait que vous étiez là ?- Je pense qu’elle savait que j’étais là. Mais, elle n’estpas venue me parler, par discrétion. Elle aurait eu unvoisin ou quelque chose, je pense qu’elle seraitvenue. C’est quelqu’un avec qui je suis assez à l’aisemaintenant. Elle habite assez loin et elle continue àvenir me voir, donc il y a une bonne re<strong>la</strong>tion. Etsouvent, je <strong>la</strong>issais <strong>la</strong> porte entr’ouverte. Je saisqu’elle al<strong>la</strong>it parler aux infirmières, parce que le truc<strong><strong>de</strong>s</strong> infirmières était juste à côté. Si j’étais apparudans le truc, elles auraient pensé que je venaisregar<strong>de</strong>r dans mon dossier, voir <strong><strong>de</strong>s</strong> choses, etc…- Vous étiez un patient à part.- Voilà, on est un patient à part. Ça permet <strong><strong>de</strong>s</strong>avantages : j’avais une chambre seul. Maisquelquefois il y a <strong><strong>de</strong>s</strong> choses qu’on n’a pas, que lesautres ont. On aimerait discuter un petit peu. Moi jeparle assez facilement, mais c’est…- Vous me parlez <strong>de</strong> cette patiente, est-ce que vousavez été obligé, ou amené à parler <strong>de</strong> votrepathologie à votre patientèle ?- Ouh ! Alors, non ! Ma femme, elle a caché ça commeun secret.- D’accord. Comme vous n’avez jamais été amené àvous arrêter à cause <strong>de</strong> <strong>la</strong> spondy<strong>la</strong>rthrite, il n’y a paseu à parler <strong>de</strong> ça ?- Alors là, c’était le grand secret. Ça, alors, mafemme… D’ailleurs, quand j’ai été ma<strong>la</strong><strong>de</strong>… Pastellement pour moi, mais dans <strong>la</strong> famille <strong>de</strong> mafemme, <strong>la</strong> ma<strong>la</strong>die c’est un peu...- Un tabou ?- Quelque chose qui se cache.- Un tabou, oui.- Quelque chose qui se cache. Parce que, mêmevis-à-vis <strong>de</strong> nos amis… Moi, quand ma femme àété ma<strong>la</strong><strong>de</strong>, elle n’a pas voulu que je le dise àtoutes ses copines, etc. Alors, elle a eu très peu <strong>de</strong>visites. Elle a pas voulu que je le dise à toutes sescopines. Et quand moi je suis rentré à l’hôpital, <strong>la</strong>première fois, en urgence, finalement, elle l’a pasdit, à personne. Je suis resté très peu. La vésicule,je suis resté dix jours.- Et, cet arrêt ma<strong>la</strong>die-là, pareil, personne n’a posé<strong>de</strong> question ?- Non. J’ai eu très peu <strong>de</strong> visites, j’ai eu très peu <strong>de</strong>copains. Bon, j’ai eu <strong><strong>de</strong>s</strong> intimes que j’ai tout <strong><strong>de</strong>s</strong>uite prévenus. Ils sont venus me voir, ils m’onttéléphoné. Mais je veux dire dans les re<strong>la</strong>tions, lesamis du couple, etc. ça s’est fait comme si <strong>la</strong>ma<strong>la</strong>die, comme si <strong>de</strong> savoir, pour mes clients, quej’étais ma<strong>la</strong><strong>de</strong>, ça al<strong>la</strong>it faire… Ils auraient dit« Ben, le Dr N, ça y est, il est mort et enterré, onne va plus chez lui !». Comme si ça al<strong>la</strong>it avoir unrôle…- Néfaste ?- Voilà.- Le fait que vous soyez mé<strong>de</strong>cin accentue cetabou ? Un mé<strong>de</strong>cin n’a pas le droit d’êtrema<strong>la</strong><strong>de</strong> ? C’est cette idée ?- J’ai l’impression. J’ai l’impression. Peut-être.- On a un peu moins le droit d’être ma<strong>la</strong><strong>de</strong>. Il fauttoujours être en forme quand on est mé<strong>de</strong>cin ?- Ah, j’ai l’impression. C’est un peu culturel familial,aussi. Pas chez moi, pas <strong>de</strong> mon côté, mais chezma femme.- Et au niveau <strong>de</strong> vos confrères, vous avezl’impression qu’il y a cet aspect aussi ? Avoir uneactivité physique, être toujours en forme, ne pass’arrêter ?- Oui. J’ai <strong><strong>de</strong>s</strong> confrères qui ont été ma<strong>la</strong><strong><strong>de</strong>s</strong>,personne… Moi, j’ai <strong><strong>de</strong>s</strong> amis qui sont ma<strong>la</strong><strong><strong>de</strong>s</strong>. Ilsme téléphonent avant en me disant « Tu sais, jevais être opéré, etc, tu me téléphoneras, etc ». Ace moment-là, je téléphone souvent. Même quandc’est à V, etc,. J’ai <strong><strong>de</strong>s</strong> amis qui m’ont dit « Jerentre... ». Ou ils me <strong>la</strong>issent <strong><strong>de</strong>s</strong> messages en medisant « Je rentre à <strong>la</strong> clinique ». Des trucs, àl’évi<strong>de</strong>nce, c’est pour que je leur téléphone, et jem’efforce <strong>de</strong> le faire. Mais dans les confrères avecqui je suis ami, j’ai un confrère avec qui je suis ami.Il y en a un autre, on est amis d’enfance : on a étédans toutes les petites c<strong>la</strong>sses à V, on s’est installépar hasard pas loin. J’ai pas <strong>de</strong> confrère mé<strong>de</strong>cinqui m’ait dit « Tu sais, je m’arrête, je vais êtreopéré, etc. Tu penseras à moi, tu viendras mevoir ». Comme font d’autres amis.- Donc, si ça se passe, si ça leur arrive d’êtrehospitalisé ou ma<strong>la</strong><strong>de</strong>, il faut pas que ça se sachetrop.- J’ai l’impression, voilà. J’ai l’impression. Et je m’ysuis plié, à ça, un petit peu. La spondy<strong>la</strong>rthrite,bon, ma femme a toujours été chercher lesmédicaments à <strong>la</strong> pharmacie <strong>de</strong> N. Ils voient bienque j’ai <strong><strong>de</strong>s</strong> anti-inf<strong>la</strong>mmatoires en ALD, c’est pasun secret <strong>de</strong> polichinelle.- On reste encore dans un secret professionnel,auprès <strong>de</strong> <strong>la</strong> pharmacie.- Voilà. Mais, je veux dire, nos femmes <strong>de</strong> ménage,elles n’ont jamais su que j’étais ma<strong>la</strong><strong>de</strong>. Là, je mesuis fait enlever <strong><strong>de</strong>s</strong> trucs dans le dos, je me suisfait brûler <strong><strong>de</strong>s</strong> trucs sur le visage, <strong><strong>de</strong>s</strong> machins, j’aifait ça pendant une semaine <strong>de</strong> vacances. J’ai fait


- 209 -attention <strong>de</strong> pas trop me promener dans N pendantcette semaine. Bon, par contre, je suis allé à <strong><strong>de</strong>s</strong>repas. J’étais invité chez <strong><strong>de</strong>s</strong> amis, mais j’ai quandmême fait attention <strong>de</strong> ne pas trop… avec les trucs,pour ne pas que les gens disent « Vous savezpas… ». Parce que c’est vrai que dans un vil<strong>la</strong>gecomme N…- Tout le mon<strong>de</strong> se connaît.- Tout le mon<strong>de</strong> se connaît et tout est immédiatementinterprété. A tous points <strong>de</strong> vue, d’ailleurs. Si parexemple vous avez quelque chose, ben, parexemple, vous avez une toute petite fissure dansvotre maison : « Il paraît que vous allez vendre votremaison ?».- Tout est grossi rapi<strong>de</strong>ment.- Tout est grossi. Vous allez chez une ma<strong>la</strong><strong>de</strong> à X,vous avez une patiente qui vous dit : « J’aimeraisbien que vous suiviez ma mère à X ». Vous allez voirses parents, elle est pas en voiture, vous rentrez à N,vous lui dites « Ben si vous voulez, je vous ramèneen voiture ». On vous voit avec elle en voiture.Quelques mois plus tard, il y a quelqu’un qui vous dit,un patient qui vous dit : « Vous savez, je suis embêtépour vous, mais on dit que vous avez une maîtresse,c’est Madame Untel. Moi, on m’a dit ça, ça m’a fait <strong>de</strong><strong>la</strong> peine… ». Voilà, plein <strong>de</strong> choses…- C’est spécifique à l’exercice libéral, peut-être, enmilieu rural ?- Voilà, les gens, ils ont pas grand chose. S’ils saventque vous avez un truc, un petit basocellu<strong>la</strong>ire <strong>de</strong> <strong>la</strong>peau, on va dire « Oh, là là, il a <strong><strong>de</strong>s</strong> cancers, il estfoutu ! ».- Le mé<strong>de</strong>cin est un personnage public, dont on parle.- Voilà, et il est l’objet… pas que le mé<strong>de</strong>cin. Moi, j’aiun copain qui était kiné, moi, tout ce qu’on m’a ditaussi sur lui. Il est dans le collimateur et si on le voit àun endroit. Oui, il y a un manque <strong>de</strong> liberté évi<strong>de</strong>nt,un grand manque <strong>de</strong> liberté. J’ai pas trouvé troplourd…- Vous êtes resté.- Ça fait 36 ans que je suis là, c’est vrai. Alors, <strong>la</strong>ma<strong>la</strong>die… je vous explique ça pour vous dire que <strong>la</strong>ma<strong>la</strong>die du mé<strong>de</strong>cin s’inscrit dans ce contexte.- Dans ce contexte.- Donc, nécessité d’une gran<strong>de</strong> discrétion.- Tout à fait.- Nécessité <strong>de</strong> montrer qu’on va bien. Quand je cours,quand je fais mon footing, je suis content <strong>de</strong> voir <strong><strong>de</strong>s</strong>voitures <strong><strong>de</strong>s</strong> gens qui me voient courir parce qu’ilsvoient que, bon, malgré mon âge, je vais bien. Etc. Jesuis un mé<strong>de</strong>cin dynamique, ils peuvent me faireconfiance. Et pas dire « Hou<strong>la</strong><strong>la</strong> ! Moi je vais pluschez lui parce qu’il va bientôt s’arrêter, je préfèrechanger <strong>de</strong> mé<strong>de</strong>cin ! ». Parce que, <strong>de</strong>rrière, il y a unintérêt alimentaire, quand même. Il y a une raisonalimentaire à cette discrétion aussi. Discrétion <strong>de</strong> <strong>la</strong>vie privée parce qu’on sait que tout est déformé,amplifié. Discrétion <strong>de</strong> <strong>la</strong> santé, parce que <strong>de</strong>rrière, ily a quand même cette notion alimentaire, que peutêtre,si on n’est pas un mé<strong>de</strong>cin en bonne santé, lesgens, ils vont quitter le bateau <strong>de</strong> peur que le bateaucoule et ils vont aller voir l’associé ou un autremé<strong>de</strong>cin, etc..- Donc, il n’y a pas beaucoup d’empathie, <strong>de</strong> <strong>la</strong> part<strong><strong>de</strong>s</strong> patient ? Il faut se protéger ?- Il n’y a pas d’empathie du tout ! Moi, j’ai un associéqui a fait une petite dépression, etc. Il n’y a pas eud’empathie, du tout. Quand il est parti, donc… Il en aeu marre <strong>de</strong> <strong>la</strong> mé<strong>de</strong>cine générale, etc. Une criseparticulière avec <strong><strong>de</strong>s</strong> ennuis familiaux. Il a regrettéaprès, il a regretté d’avoir abandonné <strong>la</strong> mé<strong>de</strong>cinelibérale. Il a traversé une crise, il est parti. Il y a <strong><strong>de</strong>s</strong>gens « Le roi est mort, vive le roi ! ». C’était monpremier associé. J’étais vraiment persuadé, il étaitestimé, etc. Il était du midi, <strong><strong>de</strong>s</strong> qualités un petit peuhumaines, <strong>de</strong> contact, etc., que moi je n’ai pas parceque je suis <strong>de</strong> V, c’est un petit peu différent. Maisje pensais qu’après son départ, <strong><strong>de</strong>s</strong> gens al<strong>la</strong>ientme <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r « Vous avez <strong><strong>de</strong>s</strong> nouvelles ? », etc.Non !- Les gens ont vite tourné <strong>la</strong> page.- Ah, oui, oui.- Ça, c’est dur, à recevoir comme…- Je ne le soupçonnais pas. Je le soupçonnais pas,j’avoue que ça a changé, ma femme aussi, ça achangé notre façon <strong>de</strong> …- D’appréhen<strong>de</strong>r les gens ?- Oui, <strong>de</strong> regar<strong>de</strong>r les gens. On s’aperçoit qu’on estdans un mon<strong>de</strong> <strong>de</strong> consommation médicale etque..- Ça a évolué, ça, dans le temps, <strong>de</strong>puis votreinstal<strong>la</strong>tion, vous avez vu une évolution ?- Ah, oui. L’évolution majeure, majeure actuellement,chez les jeunes ménages, chez les jeunesmamans, bon, il y a beaucoup d’évolutions, on nepeut pas comparer, maintenant. Hier, j’ai vu 40ma<strong>la</strong><strong><strong>de</strong>s</strong> dans <strong>la</strong> journée, j’en vois quatre à l’heure,donc ça représente quand même beaucoup <strong>de</strong>temps <strong>de</strong> travail. J’ai toujours pris, <strong>de</strong>puis mondébut, j’ai toujours consacré, en moyenne un quartd’heure à chaque patient. Même quand je me suisinstallé, quand je me suis installé, je voyais 20ma<strong>la</strong><strong><strong>de</strong>s</strong> par jour, c’était <strong><strong>de</strong>s</strong> bonnes journées, j’aicréé un cabinet. C’était <strong><strong>de</strong>s</strong> bonnes journées, 25c’était vraiment une très bonne journée.Maintenant, bon, le mercredi, j’en vois 40. Macollègue, jeudi <strong>de</strong>rnier, elle en a vu 52. Elle fait pasles choses <strong>de</strong> <strong>la</strong> même façon. C’est à dire quepour <strong><strong>de</strong>s</strong> résultats, elle compte <strong><strong>de</strong>s</strong> consultationsalors que les gens viennent pas en consultation, ilsviennent chercher <strong><strong>de</strong>s</strong> ordonnances, <strong><strong>de</strong>s</strong> trucscomme ça.- D’accord. Elle comptabilise <strong><strong>de</strong>s</strong> actesdifféremment.- C’est pas <strong>la</strong> même génération. Alors ça, <strong><strong>de</strong>s</strong> tas <strong>de</strong>transformations. Mais, <strong>la</strong> transformation <strong>la</strong> plusimportante, c’est pas une transformationre<strong>la</strong>tionnelle, c’est que les mamans, notammentpour tout ce qui est <strong>la</strong> pédiatrie, <strong>la</strong> gynécologie,etc, surtout <strong>la</strong> pédiatrie, les mamans, maintenant,elles sont très pressées. Elles ont judo, elles ont <strong>la</strong>gymnastique, elles ont leurs trucs, machin… Donc,plus ça va vite, plus on peut se débarrasser et direau mari :« Oui, ben tu sais, je l’ai emmené aumé<strong>de</strong>cin ». « Tu l’as emmené au mé<strong>de</strong>cin ? Iltousse, qu’est-ce qui se passe ? Il tousse. ».« Oui, je l’ai emmené au mé<strong>de</strong>cin ». Bon, on l’aemmené au mé<strong>de</strong>cin vraiment pour dire : « On l’aemmené au mé<strong>de</strong>cin ». Même s’il a pas étéregardé, à toute vitesse, s’il y a un truc. La santé,c’est comme on va au supermarché. Il faut s’endébarrasser un petit peu parce que ça fait paspartie du temps d’épanouissement. Autrefois,quand les personnes venaient au mé<strong>de</strong>cin, c’estpeut-être exagéré, mais ça faisait partie du tempsd’épanouissement parce que on s’intéressait à <strong>la</strong>personne. La personne, elle venait, souvent elleavait <strong>la</strong> vie dure, il y avait pas tellement <strong>de</strong> gensqui s’intéressaient à elle, si c’était une femme parexemple. Elle venait et c’était un moment où ons’intéressait à elle, on l’écoutait, etc., ça faisaitpartie du p<strong>la</strong>n d’épanouissement. Maintenant <strong>la</strong>consultation ne fait plus partie du tempsd’épanouissement. Ça fait partie <strong><strong>de</strong>s</strong> corvées.- Peut-être pas pour tout le mon<strong>de</strong> ?- Pas pour tout le mon<strong>de</strong>, mais pour beaucoup.- Pour beaucoup, il y a cette histoire <strong>de</strong> prestation<strong>de</strong> services, en fait.- (…) Moi, il y a <strong><strong>de</strong>s</strong> choses auxquelles je me refuse,par exemple <strong><strong>de</strong>s</strong> renouvellements <strong>de</strong> pilules. Moi,je veux bien renouveler <strong>la</strong> pilule une fois sansexaminer, mais au bout d’un certain temps, je


- 210 -pense qu’on fait le renouvellement <strong>de</strong> pilule tous lessix mois. Je veux bien, une fille vient elle dit « Je suisréglée aujourd’hui », je dis « Pas <strong>de</strong> problème, je terenouvelle ta pilule, <strong>la</strong> prochaine fois jet’examinerai. ».- Vous vous refusez à être un distributeurd’ordonnance.- Voilà. Il y a une gamine, ça fait <strong>de</strong>ux ans qu’elleprend <strong>la</strong> pilule, elle n’a pas eu <strong>de</strong> frottis, elle n’ajamais été examinée, moi, je suis pas d’accord. Macollègue, elle le fait. Autrefois, les gens diraient… Lagamine reviendrait chez elle en disant « Mais tu esallée au mé<strong>de</strong>cin ? Elle t’a marqué ta pilule, elle t’apas examinée, et tout ? » La mère, elle auraittéléphoné, elle aurait dit « Dites donc, ça , ça va pas,ça fait <strong>de</strong>ux fois que vous lui renouvelez sa pilule,vous l’avez même pas examinée ». Ben maintenant,c’est pas ça, parce qu’elle a sa danse, elle a …Finalement, elle a été au mé<strong>de</strong>cin, « Il t’a renouveléta pilule, bon, quelle heure c’est ?». Il y a une notion<strong>de</strong> vite fait maintenant et beaucoup <strong>de</strong> choses, il fauts’en débarrasser comme on va au <strong>de</strong>ntiste soignerune <strong>de</strong>nt. Et plus ça va vite, et moins il y a <strong><strong>de</strong>s</strong>éances, et mieux ça vaut. C’est ce qui m’apparaît <strong>la</strong>plus gran<strong>de</strong> transformation.- Est-ce que le fait d’être vous-même ma<strong>la</strong><strong>de</strong>, <strong><strong>de</strong>s</strong>ouffrir <strong>de</strong> ces symptômes, a pu changer votrepratique ? Est-ce que vous avez l’impression quevous abor<strong>de</strong>z, notamment du point <strong>de</strong> vue <strong>de</strong> <strong>la</strong>pathologie rhumatologique, est-ce que vous êtes plusattentif à <strong><strong>de</strong>s</strong> symptômes qui pourraient justementaller jusqu’au diagnostic <strong>de</strong> spondy<strong>la</strong>rthrite ?- Bien sûr. Dans <strong>la</strong> chronologie <strong><strong>de</strong>s</strong> douleurs, j’y faisplus attention.- Au niveau du traitement <strong>de</strong> <strong>la</strong> douleur, ça aussi, c’est<strong><strong>de</strong>s</strong> choses auxquelles vous êtes plus attentif quevous ne l’auriez été ?- Alors, là, parce que… attentif à <strong>la</strong> douleur, vousvoulez dire ? Oui.- Aux douleurs rhumatismales, par exemple ?- Je suis plus attentif aux douleurs rhumatismales.Mais, on n’a plus les moyens… La mé<strong>de</strong>cine souffreen ce moment, pour moi et pas mal <strong>de</strong> confrères,avec qui je discute, pas mal <strong>de</strong> généralistes… Onsouffre actuellement d’un manque <strong>de</strong> conviction.C’est-à-dire, autrefois, on était convaincu <strong>de</strong> tout cequ’on faisait. On nous disait, voilà, il y a un nouveauvaccin, il faut le faire. (…) Il y a un manque <strong>de</strong>conviction. Ça veut dire que par exemple, lePiroxicam, c’est un médicament qui est un antiinf<strong>la</strong>mmatoirequi est très bien supporté. Il y a unedisposition récente du haut Comité <strong>de</strong> <strong>la</strong> Santé .Maintenant, on ne peut plus donner le Piroxicam quedans <strong>la</strong> polyarthrite et <strong>la</strong> spondy<strong>la</strong>rthrite. On estobligé <strong>de</strong> donner <strong>de</strong>ux anti-inf<strong>la</strong>mmatoires qui ont unrapport efficacité/tolérance qui est moins bon, <strong>de</strong>notre expérience, mais c’est comme ça. Donc, lePiroxicam que je prescrivais allez <strong>la</strong>rgement, je nepeux plus le prescrire. Je donne du Kétoprofène quiest moins efficace, qui a une tolérance gastrique quiest moins importante, qui donne plus <strong>de</strong> phénomènesanti-prostag<strong>la</strong>ndines, asthme, bronchospasmes, etc.Ça veut dire que l’expérience qu’on retire <strong>de</strong> sapropre ma<strong>la</strong>die, on ne peut pas forcément <strong>la</strong> traduiredans <strong>la</strong> pratique, parce qu’elle ne correspond pasforcément aux recommandations.- D’accord.- Alors, ça modifie notre vigi<strong>la</strong>nce, c’est vrai, çaaugmente notre vigi<strong>la</strong>nce vis-à-vis <strong>de</strong> cessymptômes, ça augmente notre vigi<strong>la</strong>nce vis-à-vis <strong>de</strong><strong>la</strong> douleur. La vigi<strong>la</strong>nce du mé<strong>de</strong>cin par rapport à <strong>la</strong>douleur, c’est une gran<strong>de</strong> transformation. Moi, en 30ans, les gran<strong><strong>de</strong>s</strong> transformations que j’ai vues,qu’est-ce que ça a été ? Ça a été <strong>la</strong> pilule. Ici quandje suis arrivé, personne ne prenait <strong>la</strong> pilule. J’avais<strong><strong>de</strong>s</strong> tas <strong>de</strong> femmes qui venaient me voir chaque moisparce qu’elles étaient ma<strong>la</strong><strong><strong>de</strong>s</strong> parce qu’ellesavaient <strong>la</strong> trouille <strong>de</strong> pas avoir leurs règles. La<strong>de</strong>uxième transformation, ça a été les IPP dansl’ulcère <strong>de</strong> l’estomac, parce qu’on n’avait pas <strong>de</strong>médicament efficace. La gran<strong>de</strong> troisièmetransformation, ça a été <strong>la</strong> prise en charge <strong>de</strong> <strong>la</strong>douleur, parce qu’avant, on ne prenait pas encompte <strong>la</strong> douleur. Les soins palliatifs, <strong>la</strong> prise encharge <strong>de</strong> <strong>la</strong> douleur, avec <strong>la</strong> prescriptionprincipalement <strong><strong>de</strong>s</strong> morphiniques. Donc c’est vraiqu’on… Mais quand même, je sais pas qui l’aécrit… Quelqu’un a écrit que « Entre le ma<strong>la</strong><strong>de</strong> etle bien portant, il existe un fossé infranchissable ».Et une fois que vous êtes passé <strong>de</strong> l’autre côté,vous revenez plus <strong>de</strong> l’autre côté. Et ben moi je disque si ! Quand on re<strong>de</strong>vient mé<strong>de</strong>cin, on repassedu côté <strong><strong>de</strong>s</strong> biens portants et on reste pas du côté<strong><strong>de</strong>s</strong> ma<strong>la</strong><strong><strong>de</strong>s</strong>. Et ça, c’est comme le mal <strong>de</strong> <strong>de</strong>nts.- Quand ça s’arrête, on l’oublie ?- On oublie. La douleur et le p<strong>la</strong>isir sont <strong><strong>de</strong>s</strong> chosesqui s’oublient. Et <strong>la</strong> ma<strong>la</strong>die, ça s’oublie. Je pensepas quand on a un cancer ou quelque chose. Jesais pas si vous avez contacté mon associée. Monassociée n’a pas répondu à votre … Elle, elle a étéma<strong>la</strong><strong>de</strong>, elle a eu une ma<strong>la</strong>die très grave. Et ça l’abeaucoup transformée. Les re<strong>la</strong>tions sont dures,elle est un peu difficile, et d’avoir une ma<strong>la</strong>diegrave, ça l’a beaucoup transformée. Vis-à-vis <strong><strong>de</strong>s</strong>ma<strong>la</strong><strong><strong>de</strong>s</strong>, je sais pas, mais vis-à-vis <strong><strong>de</strong>s</strong> re<strong>la</strong>tions.Mais, je parle pas <strong><strong>de</strong>s</strong> ma<strong>la</strong>dies très graves. Maisdans une pathologie pas grave, dans mon cas, ilpeut y avoir <strong><strong>de</strong>s</strong> formes très graves, en tant quemé<strong>de</strong>cin, on repasse du côté <strong><strong>de</strong>s</strong> bien portants.- Il y a <strong>de</strong>ux statuts parallèles, c’est ça : quand voussouffrez, vous vous traitez en tant que patient,mais votre rôle <strong>de</strong> mé<strong>de</strong>cin, il est sur une autrevoie et les choses ne communiquent pas.- Quand j’étais dans une chambre tout seul, toute <strong>la</strong>journée, quand <strong>la</strong> porte s’ouvrait que quelqu’unvenait me dire juste un petit mot, ça me faisaitp<strong>la</strong>isir. Je ressentais le besoin. Quand, au début <strong>de</strong>ma carrière, quand j’avais le temps, pendant 20ans, le jeudi où je ne travaille pas, j’al<strong>la</strong>issystématiquement à l’hôpital voir mes ma<strong>la</strong><strong><strong>de</strong>s</strong>.- Oui.- Après, le travail a changé. Maintenant, c’est<strong>de</strong>venu surchargé <strong>de</strong> travail trop important. Doncvraiment, le jeudi, on a besoin <strong>de</strong> récupérer.- Oui. Un sas <strong>de</strong> décompression.- Donc, on peut penser que d’être à <strong>la</strong> clinique, voircombien ça faisait p<strong>la</strong>isir que quelqu’un ouvre <strong>la</strong>porte, « Coucou ! », même pour dire un petit mot…Je pensais que ça al<strong>la</strong>it me redonner envie d’allersystématiquement revoir mes ma<strong>la</strong><strong><strong>de</strong>s</strong> à l’hôpital,et en clinique et tout. Et après, quand j’étais ducôté du mé<strong>de</strong>cin, je suis repassé <strong>de</strong> l’autre côté <strong>de</strong><strong>la</strong> barrière. Je pense qu’il y a pas cette failleinfranchissable, qu’on revient <strong>de</strong> l’autre côté, vite.Ça, c’est <strong>la</strong> première constatation. Voilà, donc,vous me <strong>de</strong>mandiez si ça m’a modifié, moi je vousrépondrais « Pas tant que ça ».Interruption <strong>de</strong> l’enregistrement par un appel téléphonique.- Ça n’a pas tellement modifié les choses.- D’accord.- Sinon voilà, je vous l’ai dit, j’ai moins envoyé àl’hôpital. J’ai une méfiance vis-à-vis <strong><strong>de</strong>s</strong>anesthésistes, et puis une petite rancune vis-à-vis<strong><strong>de</strong>s</strong> anesthésistes, c’est ça, et une rancune vis-àvis<strong><strong>de</strong>s</strong> confrères qui font ça <strong>de</strong> façon mercantile.Voilà.- Ça n’a pas du tout changé votre tolérance parrapport aux p<strong>la</strong>intes <strong><strong>de</strong>s</strong> patients, qui parfois,lorsque par exemple, vous avez une crisedouloureuse, vous-même, peuvent se p<strong>la</strong>indre <strong>de</strong>


- 211 -symptômes qu’on peut juger dans ces cas-là, un peumoins graves ? Est-ce qu’il y a <strong><strong>de</strong>s</strong> moments oucertaines p<strong>la</strong>intes <strong><strong>de</strong>s</strong> patients peuvent vous agacer ?Ou, comme vous disiez, c’est vraiment <strong>de</strong>ux chosesdifférentes ? Et vous ne <strong>la</strong>issez pas votre ressenti, entant que patient, interférer ?- Bon, j’ai une re<strong>la</strong>tion avec les patients, (interruptionpar une panne d’électricité au cours d’un violentorage). Je suis <strong>de</strong>venu très tolérant avec le temps. Jesuis <strong>de</strong> V, vous savez, (…) et dans les familles <strong>de</strong> V,on n’est pas très tolérant. Je suis allé faire macoopération au Maroc où là, j’ai connu <strong><strong>de</strong>s</strong> gensméditerranéens, leurs qualités, etc. Donc j’ai gagnéun petit peu en tolérance. Beaucoup. Ma femmeaussi, on a apprécié certaines choses. Donc, au lieu<strong>de</strong> m’installer à V, je me suis installé…- Dans le Sud.- Plus dans le midi, je me suis installé ici. Quand j’ai…Au contact <strong><strong>de</strong>s</strong> gens, je me suis plu ici, puisqu’on estresté et tout. C’est vrai que les gens ici sontbeaucoup plus tolérants que les gens <strong>de</strong> V. Ilstravaillent pas <strong>de</strong> <strong>la</strong> même façon, ils ont moinsd’exigence professionnelle mais beaucoup plus <strong>de</strong>tolérance. Donc finalement, toute ma carrière, ensuiteles événements <strong>de</strong> sa vie… Quand on a 25 ans, oncroit que tout est comme ça, carré. Puis avec letemps, on s’aperçoit que dans <strong>la</strong> vie, ben,quelquefois, on sort <strong><strong>de</strong>s</strong> rails. Il y a <strong><strong>de</strong>s</strong>circonstances, <strong><strong>de</strong>s</strong> choses, ben, on pense qu’on lesferait pas, puis on les fait. Donc, dès le moment où onles fait, on <strong>de</strong>vient plus tolérant vis-à-vis <strong><strong>de</strong>s</strong> autres,quand on les fait. Puis aussi dans les patients, quantles patients viennent vous dire <strong><strong>de</strong>s</strong> choses… Quandvous êtes plus jeune, les gens viennent vous dire ça,vous dites « Ben moi, jamais j’aurais fait ça ! ». Puisaprès, vous dites « Après tout, moi je le fais » ou« J’aurais pu le faire ». Donc on gagne en tolérancedans <strong>la</strong> re<strong>la</strong>tion avec les gens. Et je pense que c’estdû au temps, à l’endroit où l’on vit, puis avec l’âge,l’expérience, et les événements qu’on vit soi-même.Et je pense que c’est le principal… C’est finalementles événements <strong>de</strong> <strong>la</strong> vie, les événements qui nousarrivent à nous et les événements qui arrivent à ceuxqu’on aime, qui nous ren<strong>de</strong>nt… qui modifient notrere<strong>la</strong>tion avec les patients.- Vous diriez, que par exemple, que le fait d’êtrema<strong>la</strong><strong>de</strong>…- Ça m’a pas changé grand chose par rapport à cetteévolution. Voilà.- … Vous a rendu plus tolérant, peut-être ? Plutôt versl’évolution <strong>de</strong> plus <strong>de</strong> compassion et <strong>de</strong> tolérance ?- Peu, peu, peu.- Non, vous pensez que ça n’a pas modifié les choses.- Non. Je pense que c’est plutôt l’expérience <strong>de</strong> <strong>la</strong> viequi les modifie. Alors, vous parliez particulièrement<strong><strong>de</strong>s</strong> patients qui ont <strong><strong>de</strong>s</strong> p<strong>la</strong>intes psychosomatiques.Ce qui m’a surtout modifié moi ma prise en charge,c’est <strong>la</strong> FMC.- Oui.- Voilà, et dans toutes les formations qu’on a eues, il ya eu, dans les années qui ont passé, <strong>de</strong> plus en plus<strong>de</strong> progrès dans <strong>la</strong> prise en charge du patient,globalement.- Globalement.- Parce quand je me suis installé, je suis arrivé ici, moij’étais le baby boomer formé pour <strong>la</strong> mé<strong>de</strong>cinescientifique. Alors que, avant, il y avait un mé<strong>de</strong>cinqui était là, qui faisait tout le travail, qui était un corseet qui disait « Tu me promets »… Donc lui, il disait« Bon, tu vois, ton foie, il y a pas besoin <strong>de</strong> faire <strong><strong>de</strong>s</strong>analyses, tu vois qu’il faut plus boire. Bon, allez, onn’en parle plus. Tu nous sers un bon pastis ! ». Il yavait une mé<strong>de</strong>cine qui n’était pas scientifique.- Oui, qui était différente.- Après, on a été formé en disant « C’est un scandale,vous vous ren<strong>de</strong>z compte : il n’y a pas eu d’analyses,il n’y a pas eu <strong>de</strong> ça… ». On est arrivé, on a pris leterrain comme il était, et on faisait que se dire dumatin jusqu’au soir « Mais c’est un scandale qu’onn’ait pas fait un truc, c’est un scandale, si on avaitfait ça, on aurait fait ça. Nous on est <strong><strong>de</strong>s</strong> bons, onle fait ». Une pério<strong>de</strong> <strong>de</strong> mé<strong>de</strong>cine technique. Uneformation, tout ça, en continu avec l’université, endisant « Faites bien ce qu’on vous a appris. Sivous faites bien ce qu’on vous a appris, ben,écoutez, il n’y a pas <strong>de</strong> problème, vous serez unbon mé<strong>de</strong>cin et vous verrez que vous serez bienmeilleurs que les autres, et vous trouverez <strong><strong>de</strong>s</strong> tas<strong>de</strong> choses qu’on n’a pas trouvées avant vous ». Etpuis après, toute cette lignée, il y a eu dans <strong>la</strong>formation « Attention : vous n’êtes pas <strong><strong>de</strong>s</strong>mandarins, faites pas comme les mandarins,prenez en compte le ma<strong>la</strong><strong>de</strong> globalement ». Et ona eu <strong><strong>de</strong>s</strong> tas <strong>de</strong> formations à <strong>la</strong> communicationavec le ma<strong>la</strong><strong>de</strong>. Des cycles <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux ans sur <strong>la</strong>communication avec le ma<strong>la</strong><strong>de</strong>. On a eu <strong><strong>de</strong>s</strong> FMCsur l’éducation du patient.- Oui.- Prendre le ma<strong>la</strong><strong>de</strong> comme il est, tel qu’il est.Essayer <strong>de</strong> le faire changer un petit peu <strong>de</strong> niveau.Et formation à <strong>la</strong> négociation c’est-à-dire, non, c’estplus comme ça, le mé<strong>de</strong>cin, il vient pas, il dit« Faut faire ça, faut faire ça ». On prend le ma<strong>la</strong><strong>de</strong>,tel qu’il est.- On prend les décisions ensemble.- Tel qu’il est, et après on négocie. Tant pis si àl’hôpital, quand il va arriver <strong><strong>de</strong>s</strong> urgences, on dit« Qu’est-ce que c’est que ce con qu’a pas faitetc. », nous on n’en a rien à fiche. Dans <strong>la</strong> re<strong>la</strong>tionavec le ma<strong>la</strong><strong>de</strong>, on essaie <strong>de</strong> négocier ce qu’onpeut obtenir. Donc, tout ça, c’était basé sur unegran<strong>de</strong> tolérance. Plus <strong>de</strong> mé<strong>de</strong>cin, comme ça, quifait…- Oui.- Appropriation <strong>de</strong> <strong>la</strong> ma<strong>la</strong>die par le ma<strong>la</strong><strong>de</strong>. Lemé<strong>de</strong>cin est là et <strong>la</strong> ma<strong>la</strong>die, le ma<strong>la</strong><strong>de</strong>, c’est savie, il en fait ce qu’il veut. Alors finalement, parrapport à cette gran<strong>de</strong> évolution, si vous voulez, lefait que j’aie été ma<strong>la</strong><strong>de</strong>, si vous voulez, ça n’a rienà voir.- C’est plus lié effectivement au courant <strong>de</strong> réflexiondans les étu<strong><strong>de</strong>s</strong>. Je reviens un peu à <strong>la</strong> prise encharge <strong><strong>de</strong>s</strong> mé<strong>de</strong>cins. Est-ce que vous-même,vous êtes mé<strong>de</strong>cin traitant <strong>de</strong> mé<strong>de</strong>cinsgénéralistes ou <strong>de</strong> mé<strong>de</strong>cins spécialistes ?- Non.- Non. Vous n’avez pas du tout dans votre patientèle<strong>de</strong> mé<strong>de</strong>cins ou d’anciens mé<strong>de</strong>cins ?- Non, aucun.- Si vous <strong>de</strong>viez comparer <strong>la</strong> façon dont vous prenezen charge <strong>la</strong> santé <strong>de</strong> vos patients et <strong>la</strong> façon dontvotre santé est prise en charge, qu’est-ce que vousdiriez ?- Oh, ben, c’est tout à fait différent.- De quel point <strong>de</strong> vue ?- Je pense que déjà, si on prend <strong>la</strong> santé <strong>de</strong> sonentourage ou <strong><strong>de</strong>s</strong> gens qu’on aime, on veut leurépargner plein <strong>de</strong> choses, et on les soigne mal. Onse soigne mal parce qu’on veut s’épargner plein <strong>de</strong>choses. Les gens qu’on aime, on leur imposerapas une coloscopie, on se dira « Est-ce qu’ils ontvraiment besoin <strong>de</strong> coloscopie ? Est-ce qu’ils ontvraiment besoin d’être opéré ? Est-ce quevraiment… ? ». Quand c’est <strong><strong>de</strong>s</strong> patients, moij’aurais tendance à dire : « Plus on a <strong>de</strong> <strong>la</strong> distancepar rapport aux patients, et mieux on les prend encharge ». Je pense qu’être proche <strong>de</strong> quelqu’un, àplus forte raison d’être dans <strong>la</strong> peau du ma<strong>la</strong><strong>de</strong>, nepermet pas <strong>de</strong>… C’est pour ça, quand je vous ai ditque quand vraiment j’étais ma<strong>la</strong><strong>de</strong>, que j’avais <strong><strong>de</strong>s</strong>soins, j’ai fait abstraction du fait que j’étaismé<strong>de</strong>cin. J’ai choisi quelqu’un et après je me suis


- 212 -comporté avec lui comme un ma<strong>la</strong><strong>de</strong> absolumentpassif. Et pas du tout inquisiteur, et pas du tout… Jepense que j’ai fait beaucoup d’erreurs. J’ai pas faitbeaucoup d’erreurs, mais toutes les erreurs que j’aifaites, j’ai pas <strong>de</strong> souvenir précis, mais avec les gensqui sont très proches, ou <strong><strong>de</strong>s</strong> amis… On veut leurépargner certaines choses, on veut leur épargner <strong><strong>de</strong>s</strong>examens pénibles, on veut leur épargner <strong><strong>de</strong>s</strong>épreuves et on dit « Oh, peut-être que c’est pasvraiment nécessaire ? ». Et donc on sacrifie un petitpeu <strong>la</strong> sécurité. Je crois que, comme l’éducation,quand c’est ses propres enfants… Vous avez <strong><strong>de</strong>s</strong>enfants ?- Oui.- Quand c’est ses propres enfants, on n’a pas <strong>la</strong>distance nécessaire pour prendre une bonnedécision. Et s’il y a une amie, ou quelqu’un, et si c’estles enfants <strong><strong>de</strong>s</strong> autres… Quand c’est les enfants <strong><strong>de</strong>s</strong>autres, on voit tout <strong>de</strong> suite, on dit « Mais c’est toutsimple, ils n’ont qu’à faire ça ! ». Quand c’est lessiens, eh bien, on n’y arrive pas.- Tout à fait.- Pour <strong>la</strong> mé<strong>de</strong>cine, je pense que c’est pareil.- Et avec cette réflexion, est-ce que ça ne vous est pasarrivé <strong>de</strong> dire « Il faudrait que je mette ma santé,même du point <strong>de</strong> vue <strong>de</strong> <strong>la</strong> prévention, entre lesmains d’un confrère qui serait plus neutre, plusobjectif, plus distancié » ?- C’est ce que je disais, si je suis vraiment ma<strong>la</strong><strong>de</strong>, jepense qu’il faut le faire.- Quelque chose d’aigu ou <strong><strong>de</strong>s</strong> symptômes…- Voilà, mais tant que je ne suis pas bien ma<strong>la</strong><strong>de</strong>…- Vous gérez.- Voilà, je gère moi-même un petit peu.- D’accord.- Et puis, il y a <strong><strong>de</strong>s</strong> choses en mé<strong>de</strong>cine dont je ne suispas convaincu. Il y a <strong><strong>de</strong>s</strong> choses où j’ai <strong><strong>de</strong>s</strong> doutes.J’ai beaucoup <strong>de</strong> doutes sur certains traitements. Etle doute, c’est un doute surtout commercial,maintenant. Il y a <strong><strong>de</strong>s</strong> choses, je pense qu’il y a <strong><strong>de</strong>s</strong>gens qui sont opérés qui n’en ont pas vraimentbesoin. Ils rentrent dans un circuit. On a <strong><strong>de</strong>s</strong>problèmes en ce moment quand même, avec lesdépassements d’honoraires, et toutes ces choses-là.Il y a <strong><strong>de</strong>s</strong> choses qui vont très vite. Moi j’ai envoyéune patiente il y a 15 jours, là, ça s’est passé pendantles vacances, donc. Je l’ai envoyée au gastroentérologue, parce qu’elle a <strong><strong>de</strong>s</strong> problèmesintestinaux. Il a fait <strong>la</strong> coloscopie. Il a fait <strong>la</strong>coloscopie dans une clinique. A <strong>la</strong> coloscopie il a vu<strong><strong>de</strong>s</strong> choses, une compression extrinsèque du colon.Sans me <strong>la</strong> renvoyer, il lui a dit : « Il faut vite faire unscanner ». Il a fait le scanner. Le scanner a montréune tumeur <strong>de</strong> l’ovaire avec <strong><strong>de</strong>s</strong> métastases aupéritoine. Dans son bureau, il lui a dit « Je vousprends vite ren<strong>de</strong>z-vous chez un chirurgien ». Il lui apris ren<strong>de</strong>z vous avec le chirurgien, dans <strong>la</strong> mêmeclinique. Il l’a vue le jeudi et le chirurgien lui a dit« Vous rentrez lundi, je vous opère mardi ». Quan<strong>de</strong>lle a fini <strong>de</strong> voir le chirurgien, sans que le chirurgienlui ait rien dit, <strong>la</strong> secrétaire lui a dit « Vous savez,madame, que pour l’opération, il y aura… »- Tant <strong>de</strong> dépassement ? Et ça, ça n’avait pas du toutété évoqué ?- « Il y aura un dépassement ». Et alors après, unefois que tout ça a été fait, elle est venue me voir, lesamedi avant <strong>de</strong> rentrer à <strong>la</strong> clinique, elle me dit« Qu’est-ce que vous en pensez ? ». Ben d’abord j’aiété un peu catastrophé parce qu’ils lui avaient faitfaire une échographie pelvienne il y a pas longtempset ils n’avaient rien vu du tout, parce qu’elle avait <strong><strong>de</strong>s</strong>troubles vésicaux. Donc j’avais fait faire uneéchographie pelvienne, une cystographie et on n’aabsolument rien vu. Et là, apparemment, il y en apartout, plein le péritoine. Elle me dit qu’est-ce quevous en pensez ? Je lui ai dit « Ecoutez, est-ce quevraiment vous avez choisi ? ». Elle me dit« Pourquoi ? Si j’étais venue avant, qu’est-ce quevous auriez fait ? ». Je lui dis « Ben, je vous auraisdit, écoutez, pour quelque chose comme ça, jevous aurais proposé, soit d’être opérée au centrehospitalier à U. Ou j’aurais préféré, soit un p<strong>la</strong>teautechnique important, le Centre Y à V, je vousaurais proposé <strong>la</strong> clinique, éventuellement, je vousaurais proposé Z, un établissement privéspécialisé dans les cancers », puisqu’on lui avaitdit carrément que c’était cancéreux. Je lui ai dit :« Je vous aurais expliqué, on aurait discuté <strong><strong>de</strong>s</strong>choses. Je vous aurais donné <strong>de</strong>ux, trois jourspour y réfléchir et puis vous seriez revenue me voiret je vous aurais envoyée ». Elle m’a dit « Oui,mais il m’a dit qu’il fal<strong>la</strong>it aller rapi<strong>de</strong>ment… ».- Le problème, c’était pas l’indication chirurgicale,c’était le choix <strong>de</strong> l’opérateur, et puis <strong><strong>de</strong>s</strong>conditions, je comprends.- Et puis du traitement. Parce que, que ça se fassepartout, peut-être qu’on aurait pu faire autrechose ?- On aurait eu droit <strong>de</strong> réfléchir comment faire.- Donc a quand même beaucoup <strong>de</strong> doutes. Il y aquand même un manque <strong>de</strong> conviction et quandon en discute avec les mé<strong>de</strong>cins, parce qu’ici, il y a<strong>de</strong> très bonnes re<strong>la</strong>tions confraternelles… On atellement <strong>de</strong> travail qu’il n’y a pas concurrence. Iln’y a jamais eu <strong>de</strong> concurrence, heureusement, etactuellement, on est tous débordés <strong>de</strong> travail. Onne trouve pas <strong>de</strong> remp<strong>la</strong>cement, on trouve pasd’associés, on trouve pas <strong>de</strong> successeurs, donc onessaie <strong>de</strong>… On tient le coup et on se voit souvententre nous. Et quand on discute entre nous, on atous <strong><strong>de</strong>s</strong> problèmes <strong>de</strong> manque <strong>de</strong> conviction. Etça veut dire que dans le choix pour les gens, pourson entourage, pour ses amis, pour ceux qu’onaime, pour soi-même, on a <strong><strong>de</strong>s</strong> doutes aussi.- Et donc pour soi-même, également.- Oui. Donc on hésite un peu à faire entrer les gensdans <strong><strong>de</strong>s</strong> chemins où on a l’impression que,vraiment, une fois qu’ils sont rentrés là-<strong>de</strong>dans,c’est le bil<strong>la</strong>rd électrique, jusqu’à ce que <strong>la</strong> bouleelle tombe en bas. Il y a quand même pas mal <strong>de</strong>chocs et d’entrechocs. Je ne sais pas si j’airépondu à votre question, mais..- Si, si.- Mais globalement, globalement, en ce quiconcerne les ma<strong>la</strong>dies que j’ai eues, globalement,c’est pas ce qui a modifié, <strong>de</strong> façon significative,ma pratique.( Echange avec l’épouse du Dr N, qui parle <strong>de</strong>l’associée du Dr N, qui a été ma<strong>la</strong><strong>de</strong>) :- Elle est plus agréable maintenant. C’est une fillevraiment hérissée d’épines, c’est vrai qu’elle aécarté un petit peu ses épines plus facilement.Mais on n’en parle pas, on ne parle pas <strong>de</strong> monassociée, mais moi, ça ne m’a pas modifié…- D’accord.- Ni pendant un temps très court, ni durablement.- D’accord. Donc, on arrive aux termes <strong>de</strong>l’entretien, je vou<strong>la</strong>is juste vous <strong>de</strong>man<strong>de</strong>rpourquoi est-ce que vous avez accepté <strong>de</strong>répondre à mon étu<strong>de</strong> ? Qu’est-ce qui vous aintéressé dans ce travail ?- Alors, moi j’ai accepté <strong>de</strong> répondre aux étu<strong><strong>de</strong>s</strong>d’abord parce que j’ai fait ma thèse sur uneenquête.- Oui.- J’ai fait <strong><strong>de</strong>s</strong> enquêtes dans les familles avec <strong><strong>de</strong>s</strong>intoxications chez l’enfant.- D’accord.- Et donc, j’avais visité ces familles pour voir commeça s’était passé, etc. Donc, certainement il y a uneempathie du fait que moi j’ai fait une enquête chezles gens. Et j’étais bien content que les gens


- 213 -acceptent <strong>de</strong> me recevoir. La <strong>de</strong>uxième raison, c’estque j’ai fait cet enseignement décentralisé, aussi.C’est vrai qu’on fait ça le soir, après notre journée <strong>de</strong>travail. On ne faisait pas ça pour être payé. On n’ajamais eu <strong><strong>de</strong>s</strong> honneurs, on nous a jamais donné <strong><strong>de</strong>s</strong>suppléments d’honoraires ni <strong><strong>de</strong>s</strong> titres ronf<strong>la</strong>nts, nirien du tout. Moi, j’ai fait <strong>de</strong> l’enseignement pendantdix ans, j’en ai vraiment tiré aucun avantage. Mais lefait d’avoir été au contact, je pense, ça donne envied’ai<strong>de</strong>r. A Z, en tant que syndicaliste, en tantqu’adhérent, participant à l’association, j’ai ététrésorier <strong>de</strong> l’association <strong>de</strong> FMC <strong>de</strong> France, on a ététrès po<strong>la</strong>risé sur <strong>la</strong> mé<strong>de</strong>cine générale. Les thèses enmé<strong>de</strong>cine générale, favoriser les thèses en mé<strong>de</strong>cinegénérale. Ça fait déjà trois éléments….- D’accord.- Qui ont fait que j’ai accepté. Ça me gênait un petitpeu parce que j’aime pas parler <strong>de</strong> mon état <strong><strong>de</strong>s</strong>anté, etc. Ça génère un peu <strong><strong>de</strong>s</strong> émotions qui sontpas toujours agréables, mais bon, voilà.- D’accord.- Je vous remercie beaucoup <strong>de</strong> m’avoir reçue puis <strong>de</strong>m’avoir accordé <strong>de</strong> votre temps. D’un point <strong>de</strong> vuepurement pratique, pour mon étu<strong>de</strong>, il y a quelquechose que je ne vous ai pas <strong>de</strong>mandé, j’aurais besoin<strong>de</strong> connaître votre âge, si c’est pas indiscret.- J’ai 62 ans.- D’accord. Merci. On va arrêter l’enregistrement.Entretien avec le Docteur O,réalisé à <strong>la</strong> Faculté Rockefellerle 10 juillet 2008- Je suis actuellement à <strong>la</strong> fin <strong>de</strong> mon internat <strong>de</strong>mé<strong>de</strong>cine générale, et je réalise une étu<strong>de</strong> sur lesuivi <strong><strong>de</strong>s</strong> mé<strong>de</strong>cins généralistes qui sont <strong>de</strong>venuseux-mêmes ma<strong>la</strong><strong><strong>de</strong>s</strong>, et donc patients. Mon étu<strong><strong>de</strong>s</strong>’inscrit dans un travail <strong>de</strong> recherche pour <strong>la</strong>réalisation <strong>de</strong> ma thèse <strong>de</strong> docteur en mé<strong>de</strong>cine.Dans un premier temps, je vou<strong>la</strong>is vous remercierd’avoir accepté <strong>de</strong> me parler d’un sujet aussipersonnel que celui <strong>de</strong> votre santé. Voilà, je ne saispas si vous avez <strong><strong>de</strong>s</strong> questions d’ordre général,sinon, on verra au fur et à mesure <strong>de</strong> l’entretien.- On verra au fur et à mesure.- D’accord.- Dans un premier temps, j’aimerais que vous meparliez <strong>de</strong> vous, en tant que mé<strong>de</strong>cin, rapi<strong>de</strong>ment,que vous me présentiez votre type d’exercice, ce quevous avez fait.- Je suis mé<strong>de</strong>cin généraliste, autant le dire tout <strong><strong>de</strong>s</strong>uite, mé<strong>de</strong>cin du premier recours, mé<strong>de</strong>cin <strong>de</strong> soinsprimaires, j’exerce une mé<strong>de</strong>cine essentiellementallopathique, avec beaucoup d’écoute et d’écouteactive dans mes consultations, ce qui fait que jetravaille peut-être plus même qu’autrefois, mais envoyant moins <strong>de</strong> patients. Petit à petit, on s’aperçoitque les consultations se sont allongées. Je dis çaparce que c’est une problématique du moment. Voilà,prendre le patient dans sa globalité. Dans ma vie <strong>de</strong>mé<strong>de</strong>cin que dire d’autre ? Que <strong>de</strong>puis dix ou quinzeans, je suis <strong>de</strong>venu enseignant en mé<strong>de</strong>cinegénérale, maître <strong>de</strong> stage, avec tout ce que çacomporte en enseignement, que, assurément, cecheminement dans l’enseignement, je pense, m’a faiténormément évoluer dans ma pratique médicale,dans ma conception et ma représentation. C’est quoiun mé<strong>de</strong>cin en exercice ? Qu’est-ce qu’il peutapporter ? Comment je me vois, moi ? Je pense queça m’a apporté énormément à réfléchir déjà sur moi.Mé<strong>de</strong>cin, comment je me situe ? Comment jefonctionne ? C’est presque ce que je recherche leplus à travers le patient. Non seulement je suisdans le soin avec le patient, mais « Comment jesuis moi, dans le soin ? ». Essayer <strong>de</strong> se repérer,<strong>de</strong> se découvrir par toutes ces interactions, <strong>la</strong>découverte <strong>de</strong> soi-même par ce métier. En plusêtre payé pour se découvrir soi-même, je trouveque c’est pas si mal que ça, quoi.- Et donc, par rapport aux internes, voir ce qu’onpeut leur apporter ?- Oui, ça c’est le rôle <strong>de</strong> l’enseignant, sur le p<strong>la</strong>npédagogique, par rapport aux apprentissages. Oùen est l’étudiant et où est-ce qu’il faut aller avecl’étudiant pour l’ai<strong>de</strong>r dans ses apprentissages ?Voilà, mais c’est indépendant <strong>de</strong> <strong>la</strong> découverte <strong><strong>de</strong>s</strong>oi. Alors, oui, bien sûr, ça transpire forcément unpeu. Ils peuvent le voir, mais c’est pas… C’est plusles ai<strong>de</strong>r à se découvrir eux aussi à leur tour. Jefais un travail où j’essaie <strong>de</strong> me découvrir un peumoi. Et là, ce travail en tant que professionnel, jepense que se situer dans le soin, ça nous met àdistance, ça nous permet <strong>de</strong> repérer <strong><strong>de</strong>s</strong>événements : <strong>la</strong> violence conjugale, <strong>la</strong> mort, <strong>la</strong>ma<strong>la</strong>die grave. Comment on se situe nous, en tantque soignant, et pas en tant qu’individu dans <strong>la</strong>famille, ou qu’individu personnellement ma<strong>la</strong><strong>de</strong> ?Là on est un patient, on n’est plus dans notre rôle,mais on n’a sûrement pas les mêmesreprésentations, sûrement pas les mêmesangoisses.- Tout à fait.- C’est pourquoi je mets l’accent là-<strong><strong>de</strong>s</strong>sus : sesituer par rapport à.- Vous êtes installé en cabinet <strong>de</strong>puis quand ?- 20 ans.- Et avant cette instal<strong>la</strong>tion, est-ce que vous aviez euune activité ?- J’ai eu une activité comme interne puisque j’avaisfait <strong><strong>de</strong>s</strong> travaux qui étaient plus du côté <strong>de</strong> <strong>la</strong>chirurgie vascu<strong>la</strong>ire, et <strong>la</strong> pneumo ensuite. Rien neme p<strong>la</strong>isait, je crois.- Vous êtes revenu à <strong>la</strong> mé<strong>de</strong>cine générale.- C’était plus… J’en par<strong>la</strong>is hier avec l’interne, c’étaitplus, comment dire ? Une sorte <strong>de</strong> revanchepersonnelle, c’était quelque chose d’autre.- D’accord. On va parler maintenant <strong>de</strong> vous, plutôten tant que patient. Est-ce que vous pourriez meresituer brièvement les différents antécé<strong>de</strong>nts quiont pu vous embêter dans votre vie <strong>de</strong> patient ?- Ah, dans ma vie <strong>de</strong> patient : une pneumopathie, etune dépression.- D’accord. C’est surtout ces <strong>de</strong>ux pathologies.- Voilà, en sachant qu’il y en a une, c’est celle donton vou<strong>la</strong>it parler, c’était <strong>la</strong> pneumopathie.- On avait sélectionné <strong>la</strong> pathologie infectieuse.- Voilà, c’est comme ça. Et puis <strong>la</strong> déprime qui étaitun événement plus récent, mais qui était liée à unesituation personnelle affective douloureuse, quiétait un souci majeur <strong>de</strong> santé avec ma fille, maisdont je me suis absolument pas aperçu.- De <strong>la</strong> dépression ?- Oui. Et pour <strong>la</strong>quelle j’étais fatigué. J’étais pas enforme, c’est tout. Et c’est les gens du groupe, lesautres enseignants qui ont dit « O, il t’arrive ça.Fais quelque chose pour ça ! ». Alors qu’au début,je pensais pas, je croyais pas, je pensais que jefaisais autre chose. En fait, j’étais…- Sur <strong>la</strong> sphère psychologique, l’autodiagnostic estdifficile.- Oui, puis je vou<strong>la</strong>is pas l’entendre, je le voyais pas,je n’y pensais pas. Et c’est les autres, du groupe,autour qui me disaient « Non, non, prends <strong><strong>de</strong>s</strong>vacances, fais quelque chose, va voir quelqu’un,fais ceci… ». C’est plus le groupe qui m’a aidé. Çaa bien dû durer un an, à peu près où j’étaisvraiment mal, mal, mal. Je rentrais à 16 heures le


- 214 -soir. Vers 4 heures, 4 heures et <strong>de</strong>mie, je disais « J’aifini le cabinet, j’en peux plus <strong>de</strong> les voir ! ». Puis jen’ai rien pris, je n’ai rien fait et tout d’un coup, pof ! Lamachine est repartie.- La pression du travail a joué, aussi, ou c’était surtoutcet événement familial ?- Il y a eu en même temps un interne qui était en trèsgran<strong>de</strong> difficulté psychiatrique, qui était en rattrapageau cabinet et à qui on ne pouvait confier aucunpatient, qui était très lourd à gérer.- Donc une charge importante.- Je pense qu’il y a eu les <strong>de</strong>ux mé<strong>la</strong>ngés, en mêmetemps, qui ont été…- Ça a été l’événement déclenchant.- Plus le souci <strong>de</strong> santé…- Oui, voilà, ce problème très important. D’accord. Estcequ’actuellement vous avez un traitement ?- Aucun.- Aucun. D’accord. Est-ce que vous avez récemmentfait un bi<strong>la</strong>n <strong>de</strong> santé, ou est-ce qu’il y a quelquechose ?…- Récemment, non, mais ça doit faire trois ou quatreans, oui.- Il y a trois ou quatre ans. Un bi<strong>la</strong>n biologique ?- Un bi<strong>la</strong>n biologique <strong><strong>de</strong>s</strong> facteurs <strong>de</strong> risquescardiovascu<strong>la</strong>ires.- D’accord.- J’avais même consulté le cardiologue. J’avais <strong><strong>de</strong>s</strong>antécé<strong>de</strong>nts cardiologiques familiaux. Donc, audécours <strong>de</strong> <strong>la</strong> déprime, j’ai dit « Je fais, j’en profitepour faire un bi<strong>la</strong>n vascu<strong>la</strong>ire ».- D’accord.- Pour être un peu rassuré. Je fais aussi une activitésportive.- Régulière ?- Régulière, et <strong><strong>de</strong>s</strong> fois un peu violente, donc il faut passe …- Vous préfériez être rassuré.- Être rassuré dans ma tête, même si ça n’apporte pasles réponses à tout, on le sait bien. Mais être déjàrassuré dans sa tête, surtout à un moment où jem’interrogeais sur mon état <strong>de</strong> santé.- Alors, justement, comment est-ce que vous prenezen charge votre santé ? Est-ce que vous avez unmé<strong>de</strong>cin traitant ?- Non.- Êtes vous, vous-même, votre mé<strong>de</strong>cin traitantdéc<strong>la</strong>ré ?- Non plus.- D’accord. Est-ce que vous aviez déjà réfléchi à l’idée<strong>de</strong> choisir un confrère, comme mé<strong>de</strong>cin traitant ?- Oui. C’est un peu ma difficulté. Mais je pense quej’avance dans ma tête par rapport à ça. J’ai unecinquantaine d’années, donc j’arrive dans unepério<strong>de</strong> où je me dis « Ça vaudrait <strong>la</strong> peine, peut-être,d’aller voir quelqu’un qui serait dans l’aptitu<strong>de</strong> àm’apporter <strong><strong>de</strong>s</strong> réponses, plutôt que <strong>de</strong> faire unepatouillerie personnelle ». Alors, bien sûr, j’ai <strong><strong>de</strong>s</strong>gens que je trouve tout à fait compétents parmi lesenseignants et dans mon quartier géographique,donc ce qui serait un avantage. Mais je me disais quec’était pas forcément le meilleur, que d’aller voirquelqu’un avec qui je travaille tout le temps.- Oui, <strong>la</strong> difficulté, c’est justement cette distance.- Donc, après, c’est <strong>de</strong> trouver un confrère, c’est <strong>de</strong> sechoisir un confrère avec lequel on soit dans l’inconnu.Je ne veux pas lui cacher que je suis mé<strong>de</strong>cingénéraliste, il peut savoir ce que je fais, mais après,c’est plus le problème. Ni un <strong>de</strong> ses« correspondants », ni quelqu’un qu’on ne connaîtpas et qui va nous <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r <strong>de</strong> faire un certainnombre <strong>de</strong> choses, ou d’examens, ou nous imposerun examen, m’embêter, peu importe. Mais cettedémarche, elle est encore, elle était difficile audépart. J’irai bien voir Untel ou Untel, parce que j’aitoute confiance dans leur idée, mais <strong>la</strong> re<strong>la</strong>tion qu’ona dans <strong>la</strong> vie d’enseignant, après, fait que non. Estceque j’accepterai volontiers qu’il me fasse untoucher rectal ? Est-ce que lui parler <strong>de</strong> masexualité, <strong>de</strong> mes inquiétu<strong><strong>de</strong>s</strong> pour <strong><strong>de</strong>s</strong> enfants,est-ce que je serai assez libre ? Et lui, est-ce qu’ilsera assez libre pour l’entendre ? Peut-être qu’unautre confrère que je ne connais pas n’aura pasplus <strong>de</strong> liberté, mais…- Vous, vous en auriez peut-être plus?…- Sûrement plus. Et puis l’autre aura peut-être, jepense, un comportement différent, puisqu’ons’adresse entre confrères. Je pense que là, j’aiévolué, pour aller… J’ai pas encore choisi, mais jeme dis « Il y en a un là, je vais le voir, point, et puisc’est réglé ». On dit quand même <strong>de</strong> partout queglobalement les généralistes sont compétents,donc je suis à même <strong>de</strong> les voir, et <strong>de</strong> me confier,quoi. Et si ça n’al<strong>la</strong>it pas, je peux en choisir unautre. Puis je suis pas obligé <strong>de</strong> le déc<strong>la</strong>rer commemé<strong>de</strong>cin traitant non plus.- On a le droit <strong>de</strong> prendre le temps.- Je gar<strong>de</strong> ma liberté aussi, quoi.- Et au moment <strong>de</strong> <strong>la</strong> dépression, notamment quandvotre entourage vous a renvoyé cette hypothèsediagnostique, vous n’avez pas eu envie <strong>de</strong> fairecette démarche auprès d’un confrère spécialiste ?- Non. En sachant que quand l’entourageprofessionnel a commencé à me dire « Bon ». J’aidit « Ben, oui. J’étais fatigué, j’ai fait ça, j’ai étévoir ci ». J’avais été voir le cardiologue, ils m’ont dit« Mais ton problème n’est pas là. Ton problème, ilest là ! » (montre sa tête). Ça a été quand même,c’était dans le soin, déjà, <strong>de</strong> <strong>la</strong> part <strong><strong>de</strong>s</strong> autresautour, <strong>de</strong> me faire réagir.- Et ça a été difficile <strong>de</strong> l’entendre, <strong>de</strong> <strong>la</strong> part <strong>de</strong>collègues ?- Non, pas du tout. Pas du tout parce que ça faisaitdéjà quatre à six mois que j’étais pas bien et que jem’apercevais bien que le problème n’était pas dutout organique, sans m’en rendre compte.Je mouline pas, j’y arrive pas, mais les autresvenant renforcer un peu… Ils sont arrivés au bonmoment pour renforcer cette image. Cette idée,cette hypothèse diagnostique, ça m’a plutôt faitréagir, prendre conscience <strong>de</strong>. Mais oui, maproblématique elle est là. C’est à partir <strong>de</strong> là quej’ai pu reconstruire, rementaliser. Me dire « J’yarrive pas encore, mais mon problème, il est là, ilest pas ailleurs ». Il faut peut-être que je travailleça dans ma tête.- Et ce travail, vous l’avez fait tout seul ?- Tout seul.- Tout seul. Et vous n’avez pas été amené à vousarrêter pour ça ?- Non. Mais j’ai vraiment beaucoup levé le pied, parexemple sur mon activité d’enseignement et surmon activité au cabinet, puisque que je rentrais, à17 heures, j’étais chez moi. « J’en ai assez, jerentre chez moi ! ». Ce qui par rapport à l’hyperactivité que je connais chez moi habituellement…- C’était un gros changement.- Un signe objectif qui marquait quelque chose, quimarquait bien.- Justement, d’une manière un peu plus générale,quel patient vous pensez être ?- À quel niveau ?- Au niveau <strong>de</strong> votre comportement. Est-ce que…On va reparler après du vécu par rapport auxpathologies, plus spécifiquement, mais, est-ce quevous pensez être quelqu’un <strong>de</strong> plutôt inquiet vis-àvis<strong>de</strong> <strong>la</strong> pathologie ? Quelqu’un qui ne veut passavoir ?- Je pense être plutôt un patient inquiet.- Oui.- Au départ, si j’ai un truc comme ça, je suis plutôtdans l’inquiétu<strong>de</strong>, quoi.


- 215 -- Vous allez penser au plus grave en premier ?- Avant <strong>de</strong> me dire :« Après tout, si j’en parle àquelqu’un d’autre, je veux pas savoir ». Les <strong>de</strong>uxétats. Le fait <strong>de</strong> ne pas savoir me libère <strong>de</strong>l’inquiétu<strong>de</strong>. Mais d’un autre côté, après, j’aimeraisautant savoir. Trois phases : c’est l’inquiétu<strong>de</strong> aumaxi, voir le pire, projeter sur <strong>la</strong> famille, les enfants.C’est ce que je faisais à l’époque. Mais <strong>de</strong>puis quej’ai travaillé dans ma tête par rapport à <strong>la</strong> ma<strong>la</strong>die, <strong>la</strong>mauvaise santé, qu’est-ce qui peut arriver, c’était <strong>de</strong>me dire « Après tout… ». J’ai perdu mon père, j’étaistrès jeune. Je pense que ça, c’est un élément tout àfait marquant par rapport à ce que j’ai vécu commeenfant. Donc, c’était une pério<strong>de</strong> difficile <strong>de</strong> medire :« Je voudrais pas que mes enfants vivent ça ».Je suis pas embêté pour <strong>la</strong> femme avec qui je vis, jeme dis : « Après tout, elle refera sa vie, elle fera savie, elle vivra comme un adulte ». Un adulte, il fautqu’on vive avec <strong>la</strong> perte <strong>de</strong> quelqu’un. Alors que lesenfants, je me disais « Ils ont encore besoin du pèreque je crois représenter, pour grandir ». Et c’étaitplus… Je vou<strong>la</strong>is pas, j’avais vraiment une gran<strong>de</strong>peur <strong>de</strong> mourir, c’était une gran<strong>de</strong> inquiétu<strong>de</strong>, parrapport à ça, sauf le jour où je me suis dit :« De toutefaçon, je vais mourir, je mourrai un jour, autant que jeprofite <strong>de</strong> <strong>la</strong> vie avant ! » Les autres me veulent peutêtreplus dans : je profite <strong>de</strong> <strong>la</strong> vie avec eux, dans lessports, plein <strong>de</strong> trucs, plutôt que… Puis un jour jemourrai, <strong>la</strong> belle affaire ! Eux aussi, ils grandirontavec cette nouvelle donne-là. Au contraire, quelquechose d’éminemment rassurant, cette démarche <strong><strong>de</strong>s</strong>e dire : « Après tout… ». Ce qui fait que j’ai plusaucune gêne par rapport au fait d’être ma<strong>la</strong><strong>de</strong> ou <strong>de</strong>mourir, maintenant. Ce qui n’était pas le cas àl’époque.- Cette réflexion, elle a eu lieu au cours <strong>de</strong> <strong>la</strong>dépression ?- Après. C’est ce qui fait même que je suis sorti <strong>de</strong> cetétat <strong>de</strong> dépression et d’inquiétu<strong>de</strong>, lié à ma propresanté. Si j’ai un truc, je souhaite pas avoir un truc,comme tout un chacun, mais je suis pas dansl’inquiétu<strong>de</strong>. Donc, je peux même faire <strong><strong>de</strong>s</strong> sportsqu’on pourrait qualifier <strong>de</strong> dangereux sans aucuneappréhension. A l’époque, je finissais par pluspouvoir.- D’accord, ça vous inhibait.- L’inhibition par rapport à : « Et si je risquais quelquechose ? » Gran<strong>de</strong> affaire maintenant que <strong>de</strong> risquerquelque chose !- Donc, vous êtes plus dans l’optimisme.- Oui ou profiter raisonnablement, je dirais. J’ai pas <strong>de</strong>conduite ni addictive, ni autre, justement, pourpouvoir faire <strong><strong>de</strong>s</strong> sports un peu comme je souhaite, etpuis voilà. Mais j’ai pas <strong>de</strong> peur majeure ouparticulière par rapport à <strong>la</strong> ma<strong>la</strong>die. J’aurais plus unepeur, c’est d’être… Mon inquiétu<strong>de</strong>, elle est plus, si jesuis ma<strong>la</strong><strong>de</strong>, <strong>la</strong> nécessité d’un arrêt <strong>de</strong> travail <strong>de</strong>longue durée. C’est plus quelque chose comme çaqui me gêne.- Du point <strong>de</strong> vue pratique, du point <strong>de</strong> vue financier ?- Du point <strong>de</strong> vue à <strong>la</strong> fois financier puis du point <strong>de</strong>vue contact, <strong>la</strong> représentation à l’existence. On existeaussi par ce métier, par l’enseignement, donc, puisl’hyper activité, d’avoir trente-six mille choses enmême temps.- Ça donne une raison d’avancer ?- C’est une vieille histoire, ça, <strong>de</strong> tout petit. Ça donneune raison d’avancer. J’ai besoin <strong>de</strong> « nourriture »comme on dit. Voilà, c’est ça.- D’exister avec toutes ces occupations.- S’il y en a pas, je suis mal. Sans forcément que çasoit vu par les autres.- Donc, ça serait plutôt psychologiquement, que ceserait mal vécu, un arrêt ma<strong>la</strong>die ?- Ah, le pense, oui. Le premier point, il serait là.Deux, financier, bien sûr, ça va avec, mais un, ilest essentiellement psychologique.- D’accord.- J’adore quand on va chez les gens, <strong>de</strong> dire« Tiens, ils sont un peu tranquilles, une journéecomme ça ». Quand par hasard j’ai une journéetranquille chez moi, le len<strong>de</strong>main, il faut que çabouge.- Il faut faire une moyenne.- C’est pas supportable, quoi.- D’accord. On va parler maintenant plusprécisément <strong>de</strong> <strong>la</strong> pathologie qui avait été tirée ausort, donc, effectivement <strong>la</strong> pneumopathie. Est-ceque vous pourriez me raconter votre parcours <strong>de</strong>ma<strong>la</strong><strong>de</strong> pour cette pathologie ? Comment ça s’estpassé ?- Très simple, et bizarrement, j’ai eu aucunepeur. Dans l’inquiétu<strong>de</strong>, mon père est mort d’unerupture <strong>de</strong> l’aorte, donc très brutalement, maisdans <strong><strong>de</strong>s</strong> circonstances dramatiques, que moi jejuge dramatiques, mais qui ne le sont pas tant queça. Donc, je dirais que mes peurs, elles étaientsurtout sur le p<strong>la</strong>n du cœur, et à l’époque, jeparticipais à un colloque qui avait lieu tous lesmercredis dans le service <strong>de</strong> pneumologie, chez leDr U, à U. C’est l’apport <strong>de</strong> <strong>la</strong> mé<strong>de</strong>cine généralesur les situations cliniques difficiles du service,donc le colloque a lieu tous les mercredis. Et dans<strong>la</strong> nuit du mercredi au jeudi, j’ai eu une violentedouleur thoracique, médiothoracique rétrosternale,transfixiante, intense avec une transpirationintense, je transpirais à haute dose. Ça a réveillémon épouse qui m’a dit : « Tiens, tu es pas bien, ilse passe quelque chose » et j’ai dit « Oui, je doisfaire un truc, je suis gêné, là » mais vraiment,aucune peur.- Vous aviez <strong>de</strong> <strong>la</strong> fièvre ?- Je pense que j’avais <strong>de</strong> <strong>la</strong> fièvre : je transpiraisbeaucoup et je n’ai eu aucune peur, mais aucune,que ce soit d’origine cardiologique, trèsbizarrement. Ça m’a toujours surpris, longtempsaprès, <strong>de</strong> me dire « Pourtant, une douleur, là,comme ça ! ». Mais pas du tout. J’avais vraiment lesentiment… C’est arrivé, il me semble, vers troisquatreheures du matin… J’ai pris du Paracétamol,en me disant « Ça va faire tomber <strong>la</strong> fièvre, tu vasboire une bonne goutte ». Je sentais que j’étaisextrêmement fatigué, <strong>la</strong>s. Me lever me coûtaitvraiment et… Mais j’avais aucune inquiétu<strong>de</strong>. Nij’ai appelé le mé<strong>de</strong>cin <strong>de</strong> gar<strong>de</strong>, ni le 15, rien. « Jedois faire un truc purement pulmonaire, ça yressemble bien. Voilà, je suis très gêné, mais onva attendre, on va faire ce qu’il faut ».- Il y avait une dyspnée aussi ?- Non, pas du tout. J’avais vraiment très chaud,alors, ou je retirais <strong>la</strong> couette, ou je l’enlevais,j’avais pris du Paracétamol, j’ai repris un verred’eau, j’étais fatigué. La douleur était vraimentprolongée, intense, j’aurais peut-être jugé à aumoins 8 sur 10 si j’avais dû faire sur uneéchelle type EVA. Mais très bizarrement, aucuneinquiétu<strong>de</strong>, plus organisationnel :« Ben <strong>de</strong>mainmatin, c’est sûr, je peux pas aller travailler ! ». J’ai<strong><strong>de</strong>s</strong> souvenirs <strong>de</strong> ça. « Il faut que j’appelle »… àl’époque, j’avais une remp<strong>la</strong>çante, qui venait trèsrégulièrement, « il faut que je l’appelle <strong>de</strong>mainmatin : "Viens prendre le cabinet" ». J’ai le souvenird’avoir appelé <strong>la</strong> remp<strong>la</strong>çante « Pas <strong>de</strong> souci, jeviens ». Et j’ai appelé le Docteur U, pneumologue,je lui ai dit « Ben écoute, je fais un truc au niveaupulmonaire, à mon avis, parce que j’ai une douleurcomme ci… » Il m’a dit, « Oui, c’est sûr, tu viensdans <strong>la</strong> matinée, on fait une radio sur p<strong>la</strong>ce et je tevois ». Et donc, ça a été… Je l’ai vu rapi<strong>de</strong>mentdans <strong>la</strong> matinée. Alors, je <strong>de</strong>vais être inquiétant,


- 216 -parce que, pour une fois, mon épouse m’aaccompagné alors qu’habituellement, l’un et l’autre,on gère nos trucs chacun <strong>de</strong> notre côté : « C’est tonproblème, tu as besoin <strong>de</strong> voir le pneumologue, tuvas le voir ». Elle est pas du tout dans le métiermédical, <strong>de</strong> profession médicale, « Tu gères tontruc ». On est séparé sur ce p<strong>la</strong>n-là. Mais ce jour-là,elle m’a accompagné, en me disant « Jet’accompagne ! », puis aussi pour m’amener envoiture, parce que je sentais vraiment que j’étais malfichu. J’ai vu le pneumologue, radio. Bon, <strong>la</strong> radio, ilm’a dit « Bon, tu as une pneumopathie probablementlobaire aiguë, lobe moyen, c’est typique ». Je mesouviens qu’il y a dit « Il y juste une petite image enplus, qu’il faudra recontrôler », mais qui m’a pastellement embêté, d’autant qu’il m’a donné unedouble antibiothérapie, que j’ai été acheter. C’était enfin <strong>de</strong> matinée, je m’en souviens. Je suis rentré chezmoi à midi. J’ai dit « Ben, je vais boire quelquechose ». Je prends mes <strong>de</strong>ux antibio. Une heureaprès <strong>la</strong> douleur avait disparu, diminuée <strong>de</strong> 80 à 90%. En une heure, un sou<strong>la</strong>gement, mais marqué.C’est sûr que l’effet sur <strong>la</strong> douleur, j’avais pas pris <strong>de</strong>Paracétamol… L’effet sur <strong>la</strong> douleur… Je mesouviens qu’il m’avait mis sous amoxicillineet roxithromycine, les <strong>de</strong>ux antibio, en me disant « S’ily a un germe atypique qui traîne, compte tenu durisque professionnel qu’on peut avoir, tu serascouvert ». Mais en une heure, j’étais complètementsou<strong>la</strong>gé. Fatigué, mais complètement sou<strong>la</strong>gé. Donceffectivement, quelque chose qui était complètementrassurant, et puis j’ai donc passé une radio <strong>de</strong>contrôle mais au moins un mois après. Je lui ai passéun coup <strong>de</strong> téléphone, et il m’a dit « Bon… ».- Dans ce <strong>la</strong>ps <strong>de</strong> temps, il y avait eu un coup <strong>de</strong> fil ?- Oui, je l’ai appelé en lui disant « Ecoute, je vaisfranchement mieux, c’est parfait ». C’est quelqu’unavec qui je travaille régulièrement. Nous avions étéinternes ensemble avant, il avait été chef <strong>de</strong> cliniqueà l’époque, puis là, il est <strong>de</strong>venu chef <strong>de</strong> servicerécemment du service <strong>de</strong> pneumo. C’est quelqu’unavec qui on se connaissait bien professionnellementpar<strong>la</strong>nt et on s’appréciait bien, donc je veux dire,l’accès est très facile. C’est quelqu’un qui est trèsaccessible, on peut dire, <strong>de</strong> manière générale, donc :« Allo, c’est O, je peux te parler ? ». Avec <strong>la</strong>secrétaire :« Je peux avoir U <strong>de</strong>ux secon<strong><strong>de</strong>s</strong> autéléphone ? Allo U, je te dis que je vais bien ». Voilà,c’est remarquable. Par contre j’ai dû arrêter monactivité, je me souviens, une dizaine <strong>de</strong> jours pendantles traitements antibiotiques. Après, j’ai redémarré,en étant certes fatigué, mais dans ma tête, j’aitoujours été très volontaire. J’arrive à travailler sanstrop <strong>de</strong> soucis, par contre, je peux plus travailler lesoir. Je rentrais le soir, je pouvais pas faire quelquechose. J’étais très vite fatigué, je me mettais au lit. Çaa bien duré 6 mois, ça m’est arrivé en février. Il m’afallu passer l’été, les vacances <strong>de</strong> l’été pour dire « Jesuis revenu à mon rythme habituel ». Voilà. Et puis àne plus s’apercevoir qu’on est fatigué. Il m’avaitprévenu d’emblée. J’avais très bizarrement, aucuneinquiétu<strong>de</strong>. Et très bizarrement, <strong>la</strong> secrétaire, quandje suis venu le jeudi matin à <strong>la</strong> consultation, elle m’adit « Mais hier au colloque, vous étiez un teint gris, ons’est tous posés <strong>la</strong> question <strong>de</strong> dire, mais il estfatigué, il a quelque chose ». Et le jour même, quandje suis rentré après le colloque chez moi, j’ai lesouvenir d’avoir un grand p<strong>la</strong>card rou<strong>la</strong>nt… J’habitesous les toits… Un système rou<strong>la</strong>nt. J’ai voulu ouvrirle p<strong>la</strong>card qui est sur roulettes, donc un truc quifonctionne normalement très bien. Ça coinçait unpeu et ça m’a énervé. J’ai tiré et j’ai cassé <strong>la</strong> porte,ce qui est inhabituel. Mais un truc qui résiste, par <strong>la</strong>fatigue, je pense, je me rendais pas compte. Mais àmon avis, on a <strong><strong>de</strong>s</strong> signes précurseurs, détectablespar nous-mêmes.- Pendant ces…- Et après, il m’a <strong>de</strong>mandé <strong>de</strong> me vacciner. Et peutêtrequ’il faudrait rajouter ça une fois et pas refaireaprès. C’était les conseils du pneumo <strong>de</strong> l’époque.- Alors, il vous a vu en consultation avec une radiosimple, une radio pulmonaire, le contrôleradiographique qui a été fait un mois après, c’estvous qui vous l’étiez prescrit ?- Non. Chez le radiologue… Non, je suis retournédans le service faire <strong>la</strong> radio.- D’accord. Donc, ça a été fait en hospitalier.- Oui. Ils ont une radiologie exactement dans leservice, tu connais ?- Oui, au rez-<strong>de</strong>-chaussée.- Donc j’ai été passer ma radio, « Monsieur O, vousrevenez, voilà <strong>la</strong> radio <strong>de</strong> contrôle ».- Et donc le pneumologue a revu <strong>la</strong> radio <strong>de</strong>contrôle ?- Oui, je l’ai <strong>la</strong>issée dans le service. J’ai vu <strong>la</strong> radioavec le manip radio, bien sûr, parce qu’on est unpeu exposé. Quand j’étais… Oui, je me rappelle <strong>de</strong>ça. Je dis que j’ai eu aucune peur thoracique ouautre et j’avais vraiment dans l’idée que c’était unepneumopathie. Je veux dire « J’ai mal, j’ai mal ».Point. Il va falloir faire quelque chose, il va falloirs’organiser, mais c’est pas <strong>la</strong> peine d’aller enpleine nuit aux urgences. Je sens que je contrôlebien mon histoire, j’irai <strong>de</strong>main matin, limite, voirquelqu’un en qui j’ai confiance, même si je leconnaissais. Là on est dans une compétencespécifique qui est plus technique. C’est pas commealler voir un généraliste auquel on peut poser uncertain nombre <strong>de</strong> problèmes. Mais là, non :« Jevais aller voir <strong>de</strong>main matin dans le service <strong>de</strong>pneumo ». Donc j’ai appelé pour dire « Quand estceque tu es libre ? Quand est-ce que je viens ? ».Il m’a dit « Viens vers 10 heures et <strong>de</strong>mie,11 heures, on aura fini <strong>la</strong> consultation, c’est plusfacile ». D’autant plus que j’ai même pas eu lecircuit habituel, aller faire les étiquettes… On a unesorte <strong>de</strong> passe-droit là-<strong><strong>de</strong>s</strong>sus…- Vous êtes passé entre <strong>de</strong>ux ?- …Qui facilite un peu <strong>la</strong> vie. Non, j’ai attendu, mêmepour passer. Mais voilà, c’est plus facile. Parcontre, là où j’ai eu <strong>la</strong> trouille, c’est l’attente durésultat <strong>de</strong> <strong>la</strong> radio.- La <strong>de</strong>uxième ?- La première. Le manip radio dit « On fait <strong>la</strong> radio ».Puis il met <strong>la</strong> radio, et on <strong>la</strong> voit. On n’est pasprotégé <strong>de</strong> ça : on est le mé<strong>de</strong>cin. Soit comme lesenfants <strong>de</strong> nos parents, quand on va nous dire <strong><strong>de</strong>s</strong>trucs : « Ben, je te le dis à toi, parce que je le dispas à tes parents ». Mais j’ai pas envie <strong>de</strong> savoir.Puis pour nous-mêmes, on a pas envie <strong>de</strong> savoirtout <strong>de</strong> suite, ou <strong>de</strong> voir l’image nous-mêmes.- D’être obligé d’interpréter ?- L’image, je l’ai vue tout <strong>de</strong> suite « Oh, bentiens… ». Tac, l’image est là ! C’étaient les grandsclichés à l’époque. Paf ! On fout sur lenégatoscope, le manip radio, il <strong>la</strong> met sur lenégatoscope, pour <strong>la</strong> voir, voir s’il doit <strong>la</strong> refaire,pas <strong>la</strong> refaire, voilà, si elle est <strong>de</strong> bonne qualité.Mais là, on est tout <strong>de</strong> suite projeté dans nospropres images, ce qu’on veut pas. Moi, limite, jeme serais…- Vous auriez voulu être dans le rôle <strong>de</strong> patient, unpeu protégé ?- Pendant cinq secon<strong><strong>de</strong>s</strong>. Moi j’attends, je suis lepatient. J’attends le pneumologue avec inquiétu<strong>de</strong>,mais le pneumologue, il va me dire avec sesmots…- Il va m’expliquer.- « Ben, voilà, tu a ça, c’est bien une pneumopathie,rien d’autre, c’est réglé… ». Je n’entends que ça.- Donc là, il y a une part <strong>de</strong> réassurance que l’on n’apas ?


- 217 -- Bon, c’est vrai que quand j’ai vu <strong>la</strong> radio, 5, 10secon<strong><strong>de</strong>s</strong> après, j’avais plus d’inquiétu<strong>de</strong>. La radio,c’est bien une pneumopathie. Mais le moment où ilmet <strong>la</strong> radio, là on le voit dans le geste, on voit bien,on a beau s’en défendre, on est quand même collésur le négatoscope, à se dire « Est-ce que c’est pasun cancer, quand même, surinfecté ? ». Bien sûr.Voilà, l’inquiétu<strong>de</strong> qui apparaît. Même si j’ai passé <strong>la</strong>nuit tranquille, là, en disant « J’ai mal, puis j’ai mal,c’est pas grave ».- Il y a quand même effectivement le diagnostic, le pire,tout <strong>de</strong> suite auquel on pense.- Un petit moment.- Je reviens sur <strong><strong>de</strong>s</strong> détails techniques, j’imagine qu’il ya eu <strong><strong>de</strong>s</strong> bi<strong>la</strong>ns biologiques, pendant le…?- Non, même pas.- Pas du tout. D’accord.- Pas du tout. L’histoire était finalement assez c<strong>la</strong>ire et<strong>la</strong> réponse à l’antibiothérapie était tellementmanifeste qu’il n’y a eu aucun bi<strong>la</strong>n biologique à cetteépoque-là.- Vous avez été suivi, après, pour cette histoirepneumologique ?- Non.- Pas du tout.- Il n’y a pas eu nécessité, quoi. Après, je retournaistous les mercredis dans le service.- Vous aviez une surveil<strong>la</strong>nce indirecte ! (rires)- Voilà, ça pouvait être une surveil<strong>la</strong>nce indirecte. Non,mais il me semble que j’avais dit à U « Il y a besoin<strong>de</strong> quelque chose ? ». Il m’avait dit « Non ». J’ai unvague souvenir <strong>de</strong> ça, nettement moins précis quel’épiso<strong>de</strong> initial.- Donc, il n’y a pas eu d’hospitalisation ?- Non.- Il y a quand même eu un arrêt ma<strong>la</strong>die. Qu’est-ceque vous ressentiez en tant que patient à ce momentlà? Vous étiez resté mé<strong>de</strong>cin - patient <strong>de</strong> part votrere<strong>la</strong>tion avec le Docteur U et votre interprétation <strong>de</strong> <strong>la</strong>radio ? Mais quand même, vous étiez <strong>de</strong>venu patient.- Non, je crois que là, j’étais que patient.- Oui, je veux dire, il y a eu ces quelques secon<strong><strong>de</strong>s</strong> oùvous avez interprété <strong>la</strong> radio.- J’étais un peu mé<strong>de</strong>cin <strong>la</strong> nuit où ça a commencé,pour me dire « Bon, avec <strong>la</strong> transpiration que tu as,puis vraiment non, c’est pas… ».- L’évaluation.- Très bizarrement, alors que j’étais dans le subjectif. Ily avait un peu d’objectif mais beaucoup <strong>de</strong> subjectifaussi. Je me suis pas fait un électro, ni quoi que cesoit, ni rien. Et puis je me suis dit « Je fais un truc quiest <strong>de</strong> l’ordre infectieux, je vais le résoudre, puisvoilà ». Puis il me semb<strong>la</strong>it que c’était plus, <strong>la</strong> douleurcomme ci, vraiment <strong>la</strong> transpiration intense fait que jen’ai vraiment pas été inquiet. Là, je me mettais unpeu dans le rôle du mé<strong>de</strong>cin. J’ai eu aprèsl’inquiétu<strong>de</strong> <strong>de</strong> trouver quelque chose <strong>de</strong> gravequand le manip radio a monté <strong>la</strong> radio sur lenégatoscope. Ben je dis dix secon<strong><strong>de</strong>s</strong>, quinzesecon<strong><strong>de</strong>s</strong> après, j’étais rassuré, on voyait bien. Là jevois encore l’image, on voyait bien l’image :« L’affaire est réglée, c’est vraisemb<strong>la</strong>blement ça ».Bon, ben après, je suis un peu rassuré, j’attends <strong>de</strong>voir U. Je vois U, il me dit « Oui, O, tu vois, c’est ça.Bon, il y a peut-être un petit débord là, on le vérifiera,mais à mon avis c’est ça, tu vas prendre ça ». Il m’aausculté, il m’a examiné : « Tout va bien ». Et puis là,alors par contre, je transpirais plus, je sentais quej’étais fatigué, mais <strong>la</strong> douleur avait un peu cédéquand même, était moins marquée. Si au départ elleétait à 90%, là elle était plus qu’à 65, 70 , quoi. Etpuis une heure après les antibio, elle était plus qu’à10 ou 15%. Vraiment plus <strong>de</strong> douleur du tout. Un petitfond douloureux, mais tellement loin. Vraiment, donclà, vraiment, à ce moment là j’étais patient.- Pendant les dix jours qui ont suivi ?- Pendant les dix jours, parce que j’étais fatigué,quand même au départ.- Bien sûr.- J’ai le souvenir <strong>de</strong> traîner au lit le matin, prendre dutemps. J’arrivais même pas à lire les <strong>de</strong>ux troispremiers jours. Je disais « Je vais lire un truc, ouécouter <strong>de</strong> <strong>la</strong> musique, regar<strong>de</strong>r <strong>la</strong> télé ». Mais çame gênait, même. J’étais pas bien, je préféraisrester tranquille dans un canapé. Je préférais melever, me <strong>la</strong>ver, j’ai toujours me dire : « J’existe ».Je m’habille un peu puis je traîne. Les <strong>de</strong>ux-troispremiers jours, j’ai traîné. Après, j’ai commencé <strong>de</strong>vouloir bouger un peu, et c’est mon épouse qui m’adit « Bouge pas trop, tu auras le temps aprèsd’aller travailler, bouge pas trop ! ». Et puis voilà,puis après, les <strong>de</strong>ux <strong>de</strong>rniers jours, je dis :« Jereste à <strong>la</strong> maison, là ». Je recommençais <strong>de</strong><strong>de</strong>venir actif, <strong>de</strong> moins sentir <strong>la</strong> fatigue.- Oui.- Par contre, quand j’ai repris mon activité, lespremiers jours, je sentais <strong>la</strong> fatigue en fin <strong>de</strong>journée. J’avais un peu anticipé en disant « Jeconsulte pas trop tard. J’essaie <strong>de</strong> gérer ça ». Puisvoilà, ça a été vraiment… J’ai pas eu <strong>de</strong> souci.- Donc, par rapport à ce que vous me disiez quandje vous <strong>de</strong>mandais quel patient vous pensiez être,<strong>de</strong> façon générale, ça contraste un peu, parce quefinalement, vous avez été un patient très confiant.- Très confiant et pas inquiet du tout. Alors que dansd’autres situations, par rapport à <strong>la</strong> ma<strong>la</strong>die,possible, éventuelle, qu’on peut avoir, ma<strong>la</strong>diegrave, j’ai eu une époque où j’étais plutôt unpatient inquiet. Mais maintenant, je me rassure enme disant « De toute façon, toute <strong>la</strong> vie durant, onprend <strong><strong>de</strong>s</strong> risques, toute <strong>la</strong> vie durant, on peutmourir ». J’étais en montagne pas plus tard que cedimanche, avec un ami avec qui on fait beaucoup<strong>de</strong> montagne aussi, bien sûr, il avait plu beaucoup,donc les conditions étaient… Il aurait pu seproduire quelque chose. On se rend bien compte aposteriori. Mais aucune peur.- Par rapport à <strong>la</strong> ma<strong>la</strong>die dont vous parliez, c’estpar rapport à l’idée abstraite <strong>de</strong> <strong>la</strong> ma<strong>la</strong>die.- Oui. Tout à fait.- Sur cet exemple, quand <strong>la</strong> ma<strong>la</strong>die était là et que <strong>la</strong>prise en charge était réglée, on va dire, l’inquiétu<strong>de</strong>n’y était plus.- Sauf que <strong>la</strong> peur elle peut… J’ai eu un autreacci<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> santé, tout à fait bénin, mais que je nel’ai pas cité, parce que ceux-là me paraissaient, les<strong>de</strong>ux… La dépression, parce que c’est unévénement bizarre, pour lequel je n’ai pas étéconsulter, donc, c’est particulier. Alors que là, j’aiété obligé <strong>de</strong> venir « Il faut que j’aille voir quelqu’unen référence ».- Il fal<strong>la</strong>it faire quelque chose.- L’avantage <strong>de</strong> travailler dans le service <strong>de</strong> pneumotous les mercredis matin, c’est <strong>de</strong> me dire « Jel’appelle, je suis vu tout <strong>de</strong> suite ». Sinon, il fal<strong>la</strong>itbien que je voie un mé<strong>de</strong>cin généraliste duquartier. Peut-être j’aurais été voir V, W, les autres.- Vous seriez allé voir un confrère généraliste, vousne seriez pas allé voir un spécialiste ?- D’emblée, non. Je serai allé le voir en disant« Ecoute, j’ai fait ça, qu’est-ce qu’il m’arrive ? ».En sachant que j’étais déjà <strong>de</strong>puis pas mald’années dans l’enseignement, donc c’était unevaleur. Mais le fait d’avoir un pied direct dans leservice <strong>de</strong> pneumo… Ça aurait été cardiologique,j’aurais peut-être appelé le 15 ou SOS : « Ecoute,je crois que je serre un truc et voilà, il fautm’envoyer quelqu’un pour m’ai<strong>de</strong>r à gérer ça ». Meprendre en charge, quoi. Mais là, c’était quandmême un peu biaisé dans le sens où…- Vous aviez effectivement une entrée…


- 218 -- Le pied facile que j’avais, surtout à cette époque dansle service.- Et vous pensez que vous réagiriez différemment,aujourd’hui, si ça se produisait, là, en ce moment ?- Je ne pense pas.- Du point <strong>de</strong> vue <strong>de</strong> l’inquiétu<strong>de</strong>, ou même du point <strong>de</strong>vue <strong>de</strong> <strong>la</strong> démarche <strong>de</strong> soins ?- Alors démarche <strong>de</strong> soins, si c’est pneumologique, jepense que j’en parlerais au Dr U pour lui dire« Ecoute, il me semble que c’est pneumologique, estceque je peux passer te voir ? ». Sachant quej’aurais <strong>la</strong> radio sur p<strong>la</strong>ce, j’ai pas à courir. Par contre,je pense que si j’avais un autre souci, non, je croisque là, ça m’obligerait, enfin, ça me pousserait àdire : « Je vais voir un généraliste ». En désigner un« dans ma tête », pas un <strong><strong>de</strong>s</strong> enseignants en medisant : « Je vais aller voir Untel et il me dira bien cequi est à faire ».- Alors, j’aimerais revenir sur votre ressenti en tant quepatient. J’ai bien compris qu’effectivement il n’y a paseu d’hospitalisation, donc il n’y a pas eu ce quej’appelle « le passage <strong>de</strong> l’autre côté <strong>de</strong> <strong>la</strong> barrière »en hospitalier, qui parfois est difficile à vivre. Maisest-ce que vous aviez, je ne sais pas, une sensationd’injustice, je cite un peu au hasard, <strong>de</strong> colère ? Estcequ’il y a eu un moment… Vous semblezeffectivement avoir été très posé, avoir accepté…- Ni injuste, ni colère.- Est-ce qu’il y a quelque chose qui vous aparticulièrement marqué ? Le fait, justement <strong>de</strong> neplus être actif, d’être le patient, une perted’autonomie …- Non. Non. Parce qu’au départ je pouvais pas. Les<strong>de</strong>ux trois premiers jours, <strong>la</strong> fatigue a été telle qu’il neme venait pas à l’idée <strong>de</strong> penser au cabinet parceque pouvais pas, j’étais mort, comme on dit, j’étaisnase, plus capable <strong>de</strong> réfléchir. Je me traînais, je memettais dans le canapé, je dormais…- Mais ça c’est quelque chose que vous ne connaissiezpas vraiment ?- Quelque chose que je ne connaissais pas du tout.- Et c’est par rapport à ça…- Et puis je me disais « Eh ben, <strong>de</strong> toute façon, il fautprendre ton traitement ».- Donc assez fataliste, en fait ?- Oui, et puis pas embêté, parce que quand même, çarépondait bien, cette pneumopathie, c’est pas unema<strong>la</strong>die grave non plus. Il suffit d’attendre. On atten<strong>de</strong>t puis il vaut mieux se traiter, faire ce qu’il faut entemps voulu. Après je pourrai reprendre mesactivités. J’avais pas d’inquiétu<strong>de</strong>. Je pense que si onest <strong>de</strong>vant une ma<strong>la</strong>die… à mon avis, si c’est unema<strong>la</strong>die grave, c’est quand même quelque chose quiest un peu différent.- Bien sûr.- Je pense, parce que ça met l’avenir en cause. J’ai unsouvenir, si vous souhaitez que je puisse en parler untout petit peu, sur un grain <strong>de</strong> beauté, que j’ai sur leventre, que j’ai écorché et qui a saigné. Je le regar<strong>de</strong>,et bien sûr, en le regardant je me dis « Il est peut-êtreirrégulier ». J’appelle <strong>la</strong> <strong>de</strong>rmato, que je neconnaissais pas, en l’occurrence. Je vais voirquelqu’un que je ne connais pas, qui me dit : « Sivous voulez, j’ai une p<strong>la</strong>ce à midi et <strong>de</strong>mie, vouspouvez venir ». Donc je vais chez <strong>la</strong> <strong>de</strong>rmato, et dansles mots qu’elle m’a envoyés, elle m’a dit : « Oui,c’est bien trop noir, je l’enlève ! ». Un vendredi. Doncdéjà, le samedi dimanche, un « Bien trop noir ! ». Çacommençait à faire du chemin dans ma tête. « Tiens,ELLE, l’a trouvé, <strong>de</strong> son œil, en compétence, bientrop noir ». J’avais perdu <strong>de</strong>ux patients d’unmé<strong>la</strong>nome malin avec métastases, <strong><strong>de</strong>s</strong> gens plutôtjeunes, dans ma tranche d’âge, l’année précédantcette histoire.- Donc récemment.- Le vendredi suivant, j’appelle <strong>la</strong> <strong>de</strong>rmato pour lui<strong>de</strong>man<strong>de</strong>r si elle avait reçu les analyses.- Donc au bout d’une semaine.- Au bout d’une semaine, en disant « Je vaisattendre ». Et puis je vois bien que le lundi, lemardi, le mercredi et le jeudi, je me suis absorbédans mon activité professionnelle. Parce que lesamedi et le dimanche, je voyais mes enfants, cetépiso<strong>de</strong>-là, qui revenait, récurrent. Et le vendredi,j’ai appelé. Elle m’a dit « Non, j’ai pas reçu ! ». Jelui ai <strong>de</strong>mandé si elle m’autorisait à appeler le<strong>la</strong>boratoire directement. J’ai appelé le <strong>la</strong>boratoiredirectement, c’est là où j’envoie les prélèvementsque je fais moi aussi au cabinet. Donc « Voilà,c’est pas pour un <strong>de</strong> mes patients, c’est pour moi,est-ce que vous avez mes résultats ? ». Elle me dit« Ah, on va vous passer le directeur du<strong>la</strong>boratoire ». Je me dis « Tiens, c’est soit parceque je suis un docteur, soit parce qu’il y a unennui ».- Tout <strong>de</strong> suite….- Je me rappelle bien <strong>de</strong> ça. « Gle, gle, gle, gle,gle ! ». Il me dit : « Oui, effectivement, on a envoyépour confirmation, votre résultat, on l’a envoyépour une <strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>de</strong> confirmation au centre <strong><strong>de</strong>s</strong>mé<strong>la</strong>nomes, au Centre V, je vous donne letéléphone pour les appeler ». Les secon<strong><strong>de</strong>s</strong> qui ontsuivi, où là, on n’est pas protégé du tout, il fautprendre le téléphone, et j’ai le souvenir que çatremb<strong>la</strong>it <strong>de</strong> partout, pas <strong>de</strong> température. Et bien,le centre était fermé à 16 heures 30. Il <strong>de</strong>vait être16 h 35 ou 40, ou 50. Il a fallu tenir tout le weekend.- Encore un week-end.- Pour entendre dire le lundi matin, que tout étaitstrictement normal.- Deux mauvaises journées.- Mais comme c’était pour le docteur Machin, le <strong>la</strong>boavait transmis aux autres pour être vraiment sûrque. On voit bien qu’on est dans une casca<strong>de</strong>, etau milieu, pas protégé du tout.- Sinon, on aurait peut-être dit : « Les résultats sonten cours ».- « Sont en cours, il y a pas <strong>de</strong> souci, voilà. On vouspréviendra quand on les aura. ». Il n’y a aucunproblème, donc, on attend.- Là, il y a encore ce sentiment, qu’on vous enlèvecette barrière <strong>de</strong> protection.- Et ça, je l’entends quelquefois <strong>de</strong> <strong>la</strong> part d’autresconfrères, ou <strong><strong>de</strong>s</strong> internes, quand il y a <strong><strong>de</strong>s</strong> soucis<strong>de</strong> santé dans leur famille. Ils disent : « Mais, moije vou<strong>la</strong>is pas qu’on me dise ça. Voilà, je suisl’enfant et j’ai pas envie qu’on me délivre ça avantles parents. Parce que je suis mé<strong>de</strong>cin : « Je tedis qu’il en est là : c’est un cancer du pancréasqui… ». Et après, comment on va voir les autres ?À titre individuel, je pense qu’on reçoit aussi leschoses comme ça, voilà, où on peut voir. Et jedirais dire, à <strong>la</strong> limite, l’expérience d’avoir vécu çame montre qu’il faut pas. Parce qu’on est exposé,alors que c’est très rassurant (d’être uniquement lepatient). J’ai le souvenir, quand le Dr U m’a dit« C’est ça », ça a été très rassurant. Ça confirmaitce que je pensais, mais…- C’est lui qui avait fait l’interprétation. C’était encoredifférent.- « Tu vas faire ça et ça ». OK, je suis assez docile,faut faire, je fais. Et puis là, très bizarrement on dittoujours « Le patient, il faut qu’il ait son librearbitre». Moi, j’avais aucune envie d’être dans lelibre-arbitre. « Tu me dis <strong>de</strong> faire ça et ça, tu merassures, je fais ». Sachant que <strong>la</strong> situation n’étaitpas une situation <strong>de</strong> catastrophe, aussi.- Mais quand même, effectivement, vous dites bienque vous souhaitez gar<strong>de</strong>r votre p<strong>la</strong>ce <strong>de</strong> patient àce moment-là.


- 219 -- Je veux surtout pas être le docteur.- On peut pas tout mé<strong>la</strong>nger.- Ce que j’ai un peu essayé <strong>de</strong> faire lorsque j’étais maldans ma tête, mais je l’ai pas senti venir, je veux dire,cette histoire. Il a fallu que j’exprime que j’étaisfatigué, pas en forme, pour que l’entourageprofessionnel me dise : « Va voir, fais quelque chose.En fait, c’est dans ta tête, c’est ça qu’il t’arrive ».Alors déjà ils m’ont mis quelque chose dans <strong>la</strong> tête,<strong><strong>de</strong>s</strong> gens en qui j’ai confiance, qui m’ont aidé àtravailler, mais ça aurait été tellement mieux d’allervoir le généraliste du quartier, dès le début. Il m’auraitdit : « Monsieur, c’est dans votre tête que… ».- Mais c’est une pathologie plus particulière, plusdifficile à diagnostiquer soi-même, <strong>de</strong> se dire « Il fautque je fasse une démarche ».- L’aigu, là, l’aigu, il faut se prendre en charge.- Comment vous avez annoncé à votre patientèle votrema<strong>la</strong>die, les dix jours d’arrêt ? Comment ça s’estpassé ?- Je leur ai simplement dit que j’étais ma<strong>la</strong><strong>de</strong>, quoi.- Ils ont pas su plus précisément ce que vous aviezeu ?- Peut-être quelques uns ont su, j’ai dû dire « J’ai uneinfection dans le poumon, une pneumopathie ». Puis,bon, tout est rentré dans l’ordre.- Ça n’a pas posé <strong>de</strong> souci, vous n’avez pas eu unretour, par rapport à leur regard sur un mé<strong>de</strong>cinma<strong>la</strong><strong>de</strong> ?- Non.- Ils n’en ont pas parlé.- Je l’ai pas vécu, je l’ai pas ressenti comme ça.- Peut-être que eux ont changé, mais moi, j’ai pas sentice regard.- Et ce remp<strong>la</strong>cement, vous me disiez qu’il avait étére<strong>la</strong>tivement simple pendant ces dix jours.- Parce que c’était <strong>la</strong> remp<strong>la</strong>çante habituelle. Ellepouvait pas faire les dix jours, elle a fait les <strong>de</strong>ux troispremiers jours, après il y a eu le week-end qui estarrivé. Les <strong>de</strong>ux trois jours suivants, elle était pas là,mais j’avais mis une pancarte sur <strong>la</strong> prote d’entrée ducabinet. Les gens savaient. Ça a été bref.- Ça a été assez bref, donc pas trop compliqué.D’accord. Est-ce que vous pensez que <strong>la</strong>pneumopathie a changé votre façon, votre pratique,notamment vis-à-vis <strong><strong>de</strong>s</strong> pathologiespneumologiques ? Est-ce que vous avez l’impressionque vous êtes plus à l’écoute <strong>de</strong> ce type <strong><strong>de</strong>s</strong>ymptôme ?- Non, pas <strong>de</strong> manière aussi détaillée. De manière plusglobale, oui. Plus à l’écoute du patient dans sa<strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>de</strong> soin.- Alors, <strong>de</strong> façon plus générale, effectivement, ça achangé votre pratique ?- « Docteur O, <strong>de</strong>puis ce matin, je suis pas bien, j’aimal, je suis inquiet ». Entendre cette inquiétu<strong>de</strong>,même si médicalement elle n’est pas justifiée. Alors,vous le savez <strong>de</strong>puis longtemps, je suis pas fana <strong>de</strong>faire mes consultations très tard, je suis même assezdirectif, ça se termine à telle heure, on va pas rajouter<strong><strong>de</strong>s</strong> gens en plus, c’est réglé. Bon, mais une fois <strong>de</strong>temps en temps, on a ce type <strong>de</strong> patient quandmême, qu’il faut rajouter, par analogie à ce que j’ai puvivre, ben c’est important. Le mé<strong>de</strong>cin est là, il vapouvoir rassurer. « Monsieur, vous avez ça, letraitement est pas urgent, vous pouvez biencommencer <strong>de</strong>main matin, si c’est unepneumopathie, vous pouvez peut-être commencer cesoir, je vous assure qu’une heure après, on estmieux. Et c’est bien. » Mais dans d’autres situationsaussi, dans ce qu’on est amené à dire, c’est dans lecas du grain <strong>de</strong> beauté enlevé. C’est le cas <strong>de</strong> dire« Je souffre, j’ai mal, je suis pas bien, je suis pas biendans ma tête ». « Bon, il faut peut-être qu’on se voitdans <strong><strong>de</strong>s</strong> dé<strong>la</strong>is pas trop longs. Je vais trouver unep<strong>la</strong>ce ». Je pense qu’on a déjà une action dans lesoin par le fait que le patient vienne nousrencontrer, quoi.- De dire qu’on peut se rendre disponible quand il ya cette inquiétu<strong>de</strong>.- Voilà, je crois, c’est plus <strong>de</strong> manière générale. Etdans <strong>la</strong> réponse qu’on va apporter au patient, onva pas dire « Atten<strong>de</strong>z, on a envoyé votre truc auxmé<strong>la</strong>nomes malins pour confirmation ».- La réponse par rapport aux résultats, vous avezchangé.- A titre professionnel, on voit bien. Moi, j’ai eu uneou <strong>de</strong>ux histoires avec <strong><strong>de</strong>s</strong> patientes, qui ont vuleur gynéco, qui recevaient un courrier comme quoiil fal<strong>la</strong>it se faire opérer, très vite, « rappelez moivite ! ». Ils reçoivent le courrier le samedi matin, <strong>la</strong>gynéco est partie en vacances un mois. Donc onvoit les patients dans <strong>la</strong> journée, le samedi matin« Monsieur O, qu’est-ce qu’on fait ? C’est unecatastrophe ! » . Voilà, se dire, en tirer aussi profitet enseignement pour nous, dans notre pratique.Comment on annonce quelque chose à quelqu’un,comment on reçoit quelqu’un ? De manièregénérale, être plus à l’écoute.- Comment on va les préparer…- Oui. Comment on se prépare. Se préparer. Puisqu’est-ce qu’ils ont envie d’entendre. Mais pas<strong>la</strong>isser traîner. Ils ont besoin d’être rassurés, voilà.Même si médicalement « Vous allez bien ?Pourquoi vous venez nous casser les piedsaujourd’hui en plus ? J’ai ren<strong>de</strong>z-vous à <strong>la</strong> fac à 10heures et quart, pourquoi il faudrait que je vousrajoute aujourd’hui en plus alors que médicalementvous allez bien ? ». Qu’est-ce qu’on appellemédical, quoi, dans notre représentation ? Peutêtreparce qu’on a besoin <strong>de</strong> cette rencontre avecl’autre, le mé<strong>de</strong>cin, qui permet <strong>de</strong> dire : « Ecoutez,votre problème il est là, c’est ça et ça ». Ou,« Qu’est-ce que pensez ? Si vous partiez enpensant à ça et ça ? Je peux vous rassurer ».- Puis cette notion du temps. En tant que patient, onn’a plus <strong>la</strong> même notion du temps quand on estinquiet.- Il y a <strong><strong>de</strong>s</strong> patients qui téléphonent, « Je suis trèscontent parce que j’avais surtout besoin d’êtrerassuré, puis vous m’avez pas mis <strong>de</strong> médicament,c’est encore mieux, je suis content ». On est c<strong>la</strong>iravec ça. Je pense que là, ça a dû modifier, je voispar rapport à comment je fonctionnais avant, etc’est pas venu du jour au len<strong>de</strong>main. Mais petit àpetit, <strong>la</strong> rencontre avec d’autres patients, on se dit :« Mais tiens… Si toi tu étais dans sa situation à lui,comment tu verrais ça, toi ? Comment tu aimeraisqu’on te prenne en charge ? Eh ben, tu seraispeut-être rassuré <strong>de</strong> l’avoir vu, plutôt qued’attendre ». Alors, nous en plus, <strong>de</strong> mouliner avecnos mauvaises idées, mais on voit bien que lepatient, il mouline aussi avec les siennes, <strong>de</strong>mauvaises idées. Elles sont pas d’ordre médical,mais nous, on est <strong><strong>de</strong>s</strong> faux mé<strong>de</strong>cins quand onveut se soigner nous. On n’est <strong><strong>de</strong>s</strong> pas bons !- C’est bien le problème !- Des mauvais, faut le dire !- Est-ce que vous avez changé votre tolérance parrapport aux p<strong>la</strong>intes <strong><strong>de</strong>s</strong> patients, en étant plus, oumoins tolérant sur <strong><strong>de</strong>s</strong> symptômes qui peuventsembler peu graves ? Est-ce que le fait d’avoir étéma<strong>la</strong><strong>de</strong>, ça a changé votre façond’appréhen<strong>de</strong>r… ?- Non, parce que j’ai toujours été très tolérant à <strong>la</strong>p<strong>la</strong>inte du patient. Ça m’a jamais gêné. Même« Vous comprenez, Docteur, j’ai quelque chose quime gratte au bout du nez ». Chercher un peu cequ’il peut y avoir, ou le rattacher à autre chose.« Vous venez pour ça. Est-ce qu’il y a autrechose ? Vous voulez qu’on parle ? ». Je veux dire,ça faisait pas mal d’années, sûrement quand je me


- 220 -suis installé, non, j’ai moins <strong>de</strong> souvenirs, si j’étaistolérant ou pas. Peut-être D’accord.- C’était plus : « Ben, vous viendrez <strong>de</strong>main ou après<strong>de</strong>main». Maintenant, si je sens cette inquiétu<strong>de</strong>, jevais plutôt dire « Ecoutez, venez, qu’on en parleaujourd’hui, j’ai peut-être pas beaucoup <strong>de</strong> temps àvous consacrer, mais venez quand même. Bon, jepeux vous rassurer. Pas besoin <strong>de</strong> revenir, si vousvoulez venez en parler plus tard ». Mais c’est plusdans mon mo<strong>de</strong> <strong>de</strong> fonctionnement que dans monécoute.- D’accord.- Alors après, peut-être j’ai modifié ma réponse.Qu’est-ce que j’apporte comme réponse à l’autre ?Mais ça faisait aussi partie, je pense il y a eu à <strong>la</strong> fois<strong>la</strong> ma<strong>la</strong>die, que j’ai eu à vivre et puis le travaild’enseignement où c’était les <strong>de</strong>ux ensemble : <strong>la</strong>re<strong>la</strong>tion mé<strong>de</strong>cin-ma<strong>la</strong><strong>de</strong>, qu’est-ce qu’on apporte àl’autre, qu’est-ce qu’il a reçu, où il en est ? Moi, jepouvais peut-être entendre que j’avais unepneumopathie. Au contraire, ça me rassurait, parcequ’on partageait le même mot commun avec lepneumologue, en plus. En travail<strong>la</strong>nt dans le service,on savait ce qu’on mettait sous ce mot. Mais dire à unpatient : « Vous avez une pneumopathie », « Maisalors, j’ai quoi, docteur ? ». On entend bien ça, <strong><strong>de</strong>s</strong>fois. « Vous avez… ». « Mais j’ai quoi, finalementDocteur ? ». C’est peut-être <strong>de</strong> s’assurer <strong>de</strong> <strong>la</strong>compréhension <strong>de</strong> l’autre.- Le sens <strong><strong>de</strong>s</strong> mots.- Mais voilà, c’était à <strong>la</strong> fois un travail <strong>de</strong> recherchedans l’enseignement, un travail sur une constructionsur ce que j’ai vécu comme patient. Je veux dire les<strong>de</strong>ux sont, je pense que les <strong>de</strong>ux al<strong>la</strong>ient dans lemême sens.- Les <strong>de</strong>ux cheminements se sont faits en mêmetemps.- L’un n’a fait qu’accélérer l’autre. Mais oui, finalement.- C’est assez complémentaire.- Mais oui, quand on me dit « Votre lésion est bien tropnoire ». C’est comme quand on me dit « Hou là là !pff qu’est-ce qu’il vous arrive ? C’est trèsimportant ! ». Je sais pas si je suis patient à <strong>la</strong> p<strong>la</strong>cedu patient comment je vais le vivre. Ce que me ditl’autre, qui est le docteur. Donc, se méfier, dans notreattitu<strong>de</strong> professionnelle, se méfier <strong>de</strong> ce qu’on dit.- Le message qu’on transmet.- Voilà. Quelquefois, on a beau s’en défendre. Se dire :« Je ne veux pas dire ça comme ça ». Quelquefois,on se dit « Mince, je l’ai dit ! ».- Dans ce que vous me dites, ce qui transparaît aussi,c’est que d’avoir été patient, ça vos a apportéquelque chose.- Bien sûr.- Ça a été important pour votre pratique, votre façond’abor<strong>de</strong>r les gens. Est-ce que vous prenez encharge d’autres mé<strong>de</strong>cins, en tant que mé<strong>de</strong>cintraitant ? Des généralistes ou <strong><strong>de</strong>s</strong> spécialistes ?- Les <strong>de</strong>ux.- D’accord. Est-ce que c’est difficile ?- Au début, oui. Les premières fois, oui.- Les premières consultations ?- Même les premiers que j’ai eux. Maintenant ça nel’est plus.- Ça <strong>de</strong>man<strong>de</strong> une écoute différente, une pris encharge différente, d’avoir <strong><strong>de</strong>s</strong> confrères en face <strong><strong>de</strong>s</strong>oi ?- Oui.- Qu’est-ce que vous trouvez difficile ?- Ce que je trouve difficile, c’est qu’est-ce qu’ils nousapportent ? C’est aussi un professionnel et <strong>la</strong>difficulté c’est <strong>de</strong> le voir comme un patient et pascomme un autre professionnel. S’il vient me dire« J’ai une douleur là », est-ce que lui, il n’a pas déjàfait son diagnostic ? Mais il ne me le dit pas.- Et savoir qu’il l’a toujours un peu fait.- Forcément. Mais peut-être <strong>de</strong> ma part, il veut pasentendre. Il vient en tant que patient. Il est unpatient à protéger, pas à protéger, il faut protégeret respecter. Voilà, c’est ça le mot : respecter saposture <strong>de</strong> patient.- Sa position <strong>de</strong> patient, en premier lieu.- Sachant que sur le p<strong>la</strong>n <strong>la</strong>ngage, si je parle d’unepneumopathie, si je parle d’un cancer…- On parle le même <strong>la</strong>ngage.- On parle le même <strong>la</strong>ngage médical mais je suispas sûr qu’il puisse l’entendre.- Tout à fait. Surtout au moment d’un diagnostic.- Que si on lui parle :« Tu as probablement un kyste,on va voir », il sait bien que c’est les mêmes motsque lui il va utiliser dans le cadre professionnel. Il ya quand même une interface entre son rôleprofessionnel et son rôle <strong>de</strong> patient. Il peutinterpréter le fait <strong>de</strong> lui dire : « Vous avezprobablement un kyste, on va en faire le bi<strong>la</strong>n »alors que dans notre tête on sait déjà que c’est pasune pathologie cancéreuse, et bien, c’est pas sifacile, quoi.- Oui il y a cette dualité, en fait.- La difficulté, là, aussi dans <strong>la</strong> minimisation qu’onpeut avoir, parce que c’est un confrère. J’ai lesouvenir d’un confrère qui, malheureusement, a unensemble <strong>de</strong> pathologies plus que gravissimes, etqui a fait une tamponna<strong>de</strong>. C’était un samedi, jevou<strong>la</strong>is pas voir <strong>la</strong> tamponna<strong>de</strong>. Péricarditerestrictive, alors, il a fait <strong>la</strong> tamponna<strong>de</strong> dansl’après-midi. Sa femme est cardiologue. Et bienm’en a pris. « Écoutez, vous ré écoutez et si ça vapas vous l’envoyez ». Elle l’a fait une heure après,une heure encore après donc <strong>de</strong>ux heures après ilétait en tamponna<strong>de</strong> avec choc. Alors que jevou<strong>la</strong>is pas le voir. Ça aurait été un autre patient….- Ça veut dire quoi ?- Ben, ou je l’entendais pas ou je vou<strong>la</strong>is pas le voir,parce que Ma<strong>la</strong>die <strong>de</strong> Hodgkin, radiothérapé,cancer <strong>de</strong> l’œsophage, dénutrition sévère, patientd’une quarantaine d’années, 35 kilos, voilà, bon.Un confrère qui fait <strong>de</strong> <strong>la</strong> recherche, qui avaitdéjà… Je voyais bien tout ce qu’il avait sorti enpublications concernant son état <strong>de</strong> santé.- Il connaissait bien les complications.- « Oui, je suis un peu gêné, j’ai une vague douleur,j’ai un ci, j’ai un là ». Lui, il minimisait une partie<strong><strong>de</strong>s</strong> symptômes, pour pas les voir, pour pas lesvoir plus graves ? Et moi, je cherchais pasforcément à aller voir plus loin, pour pas l’affolerpeut-être en plus. J’ai eu ce sentiment partagé,dans <strong>la</strong> prise en charge <strong>de</strong> l’autre. Après, je mesuis rendu compte que c’était loin d’être optimal.- Si ça avait été un patient <strong>la</strong>mbda ?- Un autre patient, j’aurais cherché. J’aurais dit :« Vous avez mal là, pourquoi ? Comment ? Ladouleur est comme ci ? Comme ça ? Atten<strong>de</strong>z, jevais prendre mon électrocardiogramme, on varegar<strong>de</strong>r, on va… » J’aurais plus été… Bon, j’aipas le même <strong>la</strong>ngage avec le patient qui est enface <strong>de</strong> moi.- Il va pas forcément tout interpréter.- « Voilà, qu’est-ce que ça veut dire cette douleur ?C’est quoi ? Qu’est-ce qui se passe ? Moi j’évoquepeut-être ça, ça et ça, dans ma tête, il faut quej’aille vérifier. Il y a peut-être <strong><strong>de</strong>s</strong> urgences àprendre en compte ». Bon, peut-être pas <strong>la</strong>péricardite d’emblée, mais une pathologie X dansnos prévalences <strong>de</strong> mé<strong>de</strong>cine générale, puis allervérifier rapi<strong>de</strong>ment. « Atten<strong>de</strong>z, je suis inquiet, onva à l’hôpital, on va aux urgences, il y a <strong><strong>de</strong>s</strong>choses à vérifier ». Enfin, je peux avoir unedémarche, une stratégie, voilà, qui me gêneabsolument pas quand je suis <strong>de</strong>vant un patientplus habituel. Et là, pour ce patient, qui est unconfrère, m’a gêné. J’en ai plusieurs, puis j’en ai


- 221 -plusieurs dont je suis les enfants, aussi toute leurfamille est suivie au cabinet.- Et ça, c’est difficile <strong>de</strong> prendre en charge <strong>la</strong> familled’un confrère ?- Les premières fois aussi, c’était difficile. Maintenantça l’est plus. Parce que c’était « où on se met », etmaintenant, je sais pas ce qui m’a aidé là-<strong>de</strong>dans,mais je pense aussi le travail <strong>de</strong> réflexion surcomment on se situe, nous.- Quelle position…- Moi, en tant que mé<strong>de</strong>cin, comment je me vois,comment je me sens ? Qu’est-ce qui me gêne,qu’est-ce qui me gêne pas ? Bon, parler <strong>de</strong> <strong>la</strong> santé,mais ça en fait partie aussi, parler <strong>de</strong> <strong>la</strong> sexualitéavec l’épouse du confrère.- Qu’on peut croiser, effectivement.- C’est <strong>la</strong> vraie réalité, ça. « Effectivement, j’ai besoin<strong>de</strong> vous en parler ». Donc, voilà. Par contre, moi jerefuse <strong>de</strong> suivre les gens que je connais bien. C’estle confrère, mais c’est le confrère qui n’exerce pasdans le quartier, qui n’est pas là, voilà. S’il y a besoin<strong>de</strong> rendre service en urgence…- De façon ponctuelle.- C’est pas un souci « Ton problème, il est là », onrésout. Si mon confrère voisin me dit « Ecoute, ça meserre dans <strong>la</strong> poitrine, tu peux venir tout <strong>de</strong> suite ? ».Évi<strong>de</strong>mment je vais venir, je vais me p<strong>la</strong>cer dans uneposture où il faut régler le problème en urgence. Maisaprès, c’est pas moi qui suis le mé<strong>de</strong>cin. « Si t’al<strong>la</strong>isvoir untel, ou peut-être tu vois le cardiologue ». Etpuis voilà.- Ça, c’est une règle que vous vous êtes fixé pourgar<strong>de</strong>r un peu <strong>de</strong> distance et plus <strong>de</strong> c<strong>la</strong>rté justement,dans cette re<strong>la</strong>tion.- C’est pas possible. C’est pas possible. Pareil avec lesamis proches. Qu’est-ce qu’on fait ?- Et c’est un petit peu ce qui se passait avec ce patientatteint <strong>de</strong> lymphome.- Oui. C’était <strong>la</strong> difficulté. Donc, maintenant, quand ilrevient au cabinet, je réagis. Il m’a forcé à travailler,lui, dans ma tête. Il le sait peut-être pas ou il l’arepéré, j’en sais rien, mais il m’a obligé à remettre encause, et maintenant, quand il t’apporte quelquechose…- Il faut être encore plus à l’écoute.- Lui il a peut-être travaillé <strong><strong>de</strong>s</strong>sus mais il faut que toi,tu sortes <strong>de</strong> tes représentations à toi. Voilà. C’estpour ça que je disais au début, nous, il faut qu’on secherche aussi. Il y a peut-être <strong>de</strong> travaux sur« Comment on est ? Qu’est-ce qu’on fait ? ». CertainsPUPH disent « Mais il y a trop <strong>de</strong> travaux, il faudraitfaire <strong>de</strong> l’interventionnel ». Bien sûr qu’il faut faire <strong>de</strong>l’interventionnel, sur les travaux <strong>de</strong> recherche, lesthèses, par exemple. Mais on a aussi tellementbesoin et c’est tellement important <strong>de</strong> se situer dansnotre exercice professionnel. Dans notre vécu, notreressenti, nos représentations, dans ce qu’on dit auxpatients <strong>de</strong> nous, ce qu’on dit pas <strong>de</strong> nous, « Benaujourd’hui, je suis énervé, vous allez vous faireengueuler ! » « Mais pourquoi docteur ? » « Pourrien, c’est parce que c’est moi qui suis pas en forme »« Ah, ben d’accord, merci <strong>de</strong> me le dire ! ».- C’est pas grave !- « Voilà, vous savez. C’est pas grave, mais moi je suisirrité, j’ai eu <strong>de</strong>ux ou trois coups <strong>de</strong> téléphone, je suiscomme ça, voilà ! ».- Les choses sont c<strong>la</strong>ires !- « Ah ben docteur, vous voulez que je revienne dansdix minutes ? » « Oui, je veux bien » « Oh, bend’accord ». Ça m’est arrivé une fois, c’est pour ça queje le dis. Tout ça pour dire « On a aussi besoin <strong><strong>de</strong>s</strong>ouffler » et l’autre, qui arrive en face, il n’a pas à toutprendre dans <strong>la</strong> figure. On le voit aussi <strong><strong>de</strong>s</strong> fois,quand <strong><strong>de</strong>s</strong> patients vont chez d’autres confrèreshospitaliers et autres « Ah, ben, il m’a engueulé parceque je venais faire mon examen… ». « Il <strong>de</strong>vait avoireu d’autres soucis avant et c’est vous qui avez toutpris » « Oui, je pense aussi ». Voilà, lorsqu’on lerepère pour nous, on est tellement mieux. Jerepère qu’aujourd’hui je suis pas bien. C’est pasgrave parce que j’ai eu un coup <strong>de</strong> téléphone ceci,<strong>la</strong> livraison <strong>de</strong> ce<strong>la</strong> n’est pas arrivée…- Ça permet <strong>de</strong> resituer les choses. Si vous <strong>de</strong>viezcomparer <strong>la</strong> prise en charge <strong>de</strong> <strong>la</strong> santé <strong>de</strong> vospatients avec <strong>la</strong> prise en charge <strong>de</strong> votre santé,qu’est-ce que vous diriez ?- Je sais pas.- Est-ce que vous <strong>la</strong> jugez aussi bonne, moinsbonne, meilleure ?- C’est une vraie question. C’est une vraie questionsur <strong>la</strong> représentation <strong>de</strong> notre activité, pas dumé<strong>de</strong>cin, mais <strong>de</strong> notre activité. Qu’est-ce qu’il estnécessaire <strong>de</strong> faire ? Qu’est-ce qu’il est nécessaire<strong>de</strong> faire en prévention ? Qu’est-ce qui estnécessaire ? Bon, je vais dire que je jugerais <strong>la</strong>prise en charge <strong>de</strong> mes patients meilleure que <strong>la</strong>mienne. C’est normal, ils viennent me voir, moi,donc je suis dans <strong>la</strong> toute puissance ! (rires) Non,c’est qu’est-ce qu’on apporte au patient ? Qu’estcequ’on apporte si on <strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong> examens trèsrégulièrement, l’attente <strong><strong>de</strong>s</strong> résultats, l’effetdélétère, résultat qui ne sert à rien. Peut-être que<strong>de</strong> leur dire une fois qu’il faut qu’ils se bougent etles ai<strong>de</strong>r à s’approprier leur corps, à bouger, êtredans une hygiène <strong>de</strong> vie un peu plus importante.Et que doser ce foutu cholestérol tous les X ans,ça n’a pas une très gran<strong>de</strong> valeur, que d’apprécierune situation <strong>de</strong> risque global. De manière globale,si on a <strong><strong>de</strong>s</strong> antécé<strong>de</strong>nts, on va pouvoir situer sonpatient dans une popu<strong>la</strong>tion à risques ou pas ousituer son niveau <strong>de</strong> risque et le prendre en chargeà partir <strong>de</strong> là.- Là, à ce moment-<strong>la</strong>, votre prise en charge seraitmeilleure éventuellement, que celle que certains<strong>de</strong> vos patients peuvent avoir ?- Je pense, oui. Je vais un peu dans moncheminement pratique, je vais plutôt vers ça, maisassurément…- Avec les patients, c’est plus difficile d’avoir cetteattitu<strong>de</strong>.- Il y a <strong><strong>de</strong>s</strong> patients plus anciens qui ont ce mo<strong>de</strong> <strong>de</strong>fonctionnement que je leur ai mis dans <strong>la</strong> tête, quisont plus ce<strong>la</strong>. On en sort tout doucement, mais ensortir, c’est une source d’inquiétu<strong>de</strong>. « On nevérifie plus et je prends un risque ». « Non, il y apas <strong>de</strong> risque, justement ». C’est explicité. Quemoi, sur ce p<strong>la</strong>n-là, vu mon hygiène <strong>de</strong> vie et monactivité, je me sens pas mal, je me sens pas…- Mal soigné ?- Je me sens pas en mauvaise santé.- D’accord.- Par contre, est-ce que je suis bien pris en charge ?Est-ce que mes vaccins sont à jour ? Est-ce que…Sur le p<strong>la</strong>n prise en charge, je pense pas. Sur lep<strong>la</strong>n santé, oui, sur le p<strong>la</strong>n prévention, non. Mêmesi <strong>la</strong> prévention est au cœur <strong>de</strong> mespréoccupations globales tous les jours…- Vous avez jamais été contacté par un personnelMé<strong>de</strong>cine du Travail ?- Non.- D’accord. Alors, on arrive au terme <strong>de</strong> l’entretien.Moi je vou<strong>la</strong>is vous poser une <strong>de</strong>rnière question,c’est <strong>de</strong> savoir pourquoi vous aviez accepté <strong>de</strong>répondre à l’étu<strong>de</strong>. Qu’est-ce qui vous avaitintéressé dans ce travail ?- Deux choses : Un, au Directeur <strong>de</strong> thèse, je vaisdire ça comme ça, <strong>de</strong> manière anonyme, dans legroupe, on participe toujours aux travaux <strong><strong>de</strong>s</strong>internes.- D’accord.- Les en question, le, <strong>la</strong>, les…, avaient répondutoujours très favorablement à plusieurs thèses


- 222 -qualitatives en entretien, ce qui <strong>de</strong>man<strong>de</strong> du temps.Déjà, c’est dire « oui, je réponds ». Un parce quec’est une ai<strong>de</strong> pour l’interne. Les autres le font.Pourquoi je le ferais pas ? Je le fait. Deux, pourquoipas se poser <strong><strong>de</strong>s</strong> questions aussi ? Moi, j’ai essayésurtout <strong>de</strong> pas trop réfléchir avant <strong>de</strong> venir. Pour direque je viens un peu démaquillé par rapport à ça. Etlà, je m’aperçois même, quand vous avez <strong>de</strong>mandédans le premier questionnaire « Qu’est-ce que vousavez eu comme antécé<strong>de</strong>nts <strong>de</strong> santé », j’avaisoublié le prélèvement du grain <strong>de</strong> beauté, qui était unpetit antécé<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> rien du tout. J’ai déjà fait <strong>de</strong> <strong>la</strong>casse, hein, parce que je remets pas en question, j’aifait <strong><strong>de</strong>s</strong> bêtises aussi…- Il y a eu <strong>de</strong> <strong>la</strong> traumato ?- Oui, il y a eu <strong>de</strong> <strong>la</strong> traumato que j’ai jamais soignée.- Ah oui ?- Mais ça m’al<strong>la</strong>it très bien. Ça se soigne tout seul.Bon, j’en gar<strong>de</strong> encore <strong><strong>de</strong>s</strong> douleurs. Je peux plusfaire tout à fait ce que je veux. Là, j’ai jamais été voirquelqu’un. Je me disais « Ça sert à rien, ça va seréparer <strong>de</strong> toute façon un jour ou l’autre ». Ce quej’avais pas anticipé, c’est que ça se répare un peumoins bien, ça tourne moins bien et ça fait mal. J’aiun poignet, quand je suis en montagne, il faut pasque je compte sur lui. C’est quand même embêtant,<strong><strong>de</strong>s</strong> fois. Voilà. Donc, ça, après, au début, j’ai dit « Çam’embête, j’ai besoin <strong>de</strong> rien, je vais gérer ». Et puison s’aperçoit qu’une fois que <strong>la</strong> séquelle, très minime,elle est là, mais elle va gêner pour faire quelquechose.- Alors, quand c’est pas suffisamment aigu ou grave,on a tendance à <strong>la</strong>isser un peu <strong>de</strong> côté ?- Oui, ben <strong>la</strong> traumato, c’était quand même pas rien.- Donc, vous n’êtes pas douillet.- Pas trop. Mais c’était <strong>de</strong> s’interroger, <strong>de</strong> dire « Aprèstout, oui ».- Une certaine curiosité.- Non seulement je rends service, mais j’ai bien dûêtre touché quelque part pour dire « Je réponds ». Jeréponds vite pour dire « Oui, je suis bien d’accordpour… » Parce que c’est un rendu. Les internes fontun travail. Par respect pour eux, par respect pour lesDirecteurs <strong>de</strong> thèse qui se sont investis sur <strong><strong>de</strong>s</strong>thèses que je dirigeais moi aussi, je peux rendre <strong>la</strong>pareille. Pas faire l’effort. M’investir pour. Et puissûrement que le sujet… Tout est intéressant àexplorer, puis on se prend comme ça un tempsd’exploration qui est…- Sur soi. D’accord. Je vous remercie beaucoup d’avoiraccepté <strong>de</strong> me recevoir, <strong>de</strong> me rencontrer pour cetentretien.


- 223 -RESUME


- 224 -PORTALIER GAY Delphine. « LES MEDECINS : DES PATIENTS COMME LESAUTRES ? » OU ATTITUDE ET VECU DES MEDECINS DEVENUS EUX-MEMESPATIENTS. ETUDE QUALITATIVE AUPRES DE 15 MEDECINS GENERALISTESEN RHONE-ALPES . 224 p., 6 Fig., 2 Tab. – Th. Med. : Lyon Déc. 2008 ; n°RESUME :Nous avons réalisé une étu<strong>de</strong> qualitative concernant l’attitu<strong>de</strong> et le vécu <strong>de</strong>mé<strong>de</strong>cins <strong>de</strong>venus ma<strong>la</strong><strong><strong>de</strong>s</strong>. Notre hypothèse <strong>de</strong> départ était que ces mé<strong>de</strong>cinsétaient <strong><strong>de</strong>s</strong> patients à part. Nous avons sélectionné 15 mé<strong>de</strong>cins généralistes parmiles Maîtres <strong>de</strong> Stage <strong>de</strong> <strong>la</strong> région Rhône-Alpes, volontaires pour nous parler <strong>de</strong>leurs problèmes <strong>de</strong> santé. Nous les avons interrogés à l’ai<strong>de</strong> d’entretiens semidirigés.Nos résultats rejoignent les données <strong>de</strong> <strong>la</strong> littérature. Face à <strong>la</strong> ma<strong>la</strong>die, lesmé<strong>de</strong>cins oscillent entre le déni et <strong>la</strong> peur du pire. Ils sont le plus souvent leurpropre mé<strong>de</strong>cin traitant et utilisent <strong>la</strong>rgement l’auto-prescription. Ils se soignent dansl’urgence et s’arrêtent rarement <strong>de</strong> travailler. Leur ambivalence en tant que patientsrend délicates leurs re<strong>la</strong>tions avec les soignants. Ils <strong>de</strong>man<strong>de</strong>nt pourtant à être <strong><strong>de</strong>s</strong>patients comme les autres. Il semble nécessaire <strong>de</strong> proposer aux mé<strong>de</strong>cins <strong><strong>de</strong>s</strong>solutions <strong>de</strong> soins adaptées à leur spécificité pour remédier à cette situation.PORTALIER GAY Delphine. « PHYSICIANS : REGULAR PATIENTS ? » ORBEHAVIOR AND EXPERIENCE OF DOCTORS WHO BECOME PATIENTS.QUALITATIVE STUDY AMONG 15 GENERAL PRACTITIONERS IN RHONE-ALPES . 224 p., 6 Fig., 2 Tab. – Th. Med. : Lyon Déc. 2008 ; n°ABSTRACT :This study provi<strong><strong>de</strong>s</strong> a qualitative perspective on the behaviour and experience ofdoctors who become patients. Our hypothesis is that these physicians areuncommon patients. We selected 15 general practitioners among ResponsiblePractitioners of the Rhône-alpes region, who agreed to share with us their healthproblems. We met them for in <strong>de</strong>pth-interviews. Our results were akin to datas foundin litterature. When faced with personnal illness, doctors wave between <strong>de</strong>nial andfear of worse. They are usually their own doctors and wi<strong>de</strong>ly use self-medication.They treat themselves on an emergency basis and seldom take sick leaves. Aspatients, their ambivalence makes their re<strong>la</strong>tionship with caring personnel trickish.However, they wish to be treated as regu<strong>la</strong>r patients. It seems necessary to proposespecific solutions for physicians’care to remedy this situation.MOTS-CLES :Mé<strong>de</strong>cins <strong>de</strong> familleAttitu<strong>de</strong> envers <strong>la</strong> santéRe<strong>la</strong>tions mé<strong>de</strong>cin-ma<strong>la</strong><strong>de</strong>Auto-médicationCongés ma<strong>la</strong>dieDéniKEY WORDS :Physicians-FamilyAttitu<strong>de</strong> to HealthPhysician-Patient Re<strong>la</strong>tionsSelf-medicationSick leaveDenialJURY PRESIDENT : Monsieur le Professeur Pierre BRETONASSESSEURS :Monsieur le Professeur Gilles FREYERMonsieur le Professeur A<strong>la</strong>in MOREAUMadame le Docteur Marie FLORIDATE DE SOUTENANCE : Jeudi 18 décembre 2008ADRESSE DE L’AUTEUR : 17 impasse <strong><strong>de</strong>s</strong> prunus 42190 CHANDON

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