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Dépression et pathologies somatiques - Decitre

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9<strong>Dépression</strong> <strong>et</strong> <strong>pathologies</strong><strong>somatiques</strong>C. DebacqLa présence de troubles <strong>somatiques</strong> augmente le risque de troubles psychiatriques,essentiellement des troubles anxieux <strong>et</strong> dépressifs mais aussi destroubles psycho-organiques incluant les atteintes cognitives <strong>et</strong> les symptômespsychotiques.La comorbidité dépression–<strong>pathologies</strong>–<strong>somatiques</strong> serait sous la dépendancede multiples facteurs. Sa fréquence augmente avec l’âge du suj<strong>et</strong>. Elleconcerne principalement les patients hospitalisés dans un hôpital général(25 %) par rapport à ceux suivis en consultation ambulatoire <strong>et</strong> à la populationgénérale. En outre, c<strong>et</strong>te comorbidité est relativement fréquente chezles suj<strong>et</strong>s hospitalisés en psychiatrie (environ 40 %) <strong>et</strong> touche 55 % despatients hospitalisés pour dépression. Enfin, elle dépend du type de maladies<strong>somatiques</strong> intriquées.Après un rappel de quelques généralités, nous présenterons des donnéesdiagnostiques, pronostiques <strong>et</strong> thérapeutiques en considérant les principales<strong>pathologies</strong> organiques associées à la dépression.DéfinitionsLa dépression primaire peut être comorbide d’une pathologie somatique. Ladépression secondaire survient dans un contexte de <strong>pathologies</strong> <strong>somatiques</strong>préexistantes, essentiellement endocrinologiques ou neurologiques, chezun suj<strong>et</strong> présentant un trouble de la personnalité, un trouble psychiatriqueou dans un contexte de iatrogénie.Le diagnostic de dépression doit être différencié de celui de trouble del’adaptation, qui peut évoluer vers un trouble dépressif. Une réactionémotionnelle importante accompagnant une maladie organique peut faireporter le diagnostic d’épisode dépressif majeur par excès. À l’inverse, il enva de même pour le repérage d’une pathologie organique chez un suj<strong>et</strong>présentant une dépression. Un symptôme somatique dans un contexte dedépression nécessite la recherche d’une étiologie organique.GénéralitésLe dépistage <strong>et</strong> le diagnostic du trouble dépressif sont essentiels devant untrouble somatique. Pour certains, la durée du syndrome dépressif est uneComprendre <strong>et</strong> soigner la depression© 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.


<strong>Dépression</strong> <strong>et</strong> <strong>pathologies</strong> <strong>somatiques</strong>133notion importante à considérer. Le risque est en eff<strong>et</strong> de surestimer le diagnosticde dépression. Plus l’identification de la dépression est précoce, plusle traitement peut être débuté tôt, en dehors du contexte où le traitementde la pathologie organique perm<strong>et</strong> l’atténuation des troubles thymiques.C’est surtout le cas des endocrinopathies ou des maladies métaboliques.Le r<strong>et</strong>entissement thymique d’une pathologie organique peut être évaluépar le somaticien. Il peut être intéressant de rechercher l’association d<strong>et</strong>elles <strong>pathologies</strong> devant l’existence de facteurs de risque ou prédisposants.Un symptôme dépressif peut être d’origine psychique <strong>et</strong> somatique. Toutela difficulté du diagnostic réside dans le fait que des symptômes physiquesou neurovégétatifs font partie du diagnostic d’épisode dépressif majeur.Inversement, ils peuvent être r<strong>et</strong>rouvés dans une maladie organique concomitante,telle qu’une connectivite. Dans ce dernier cas, l’absence d’antécédentsdépressifs <strong>et</strong> de facteurs biopsychosociaux déclenchants connus aideau diagnostic. La surveillance à long terme s’impose chez ces patients.Des études ont cherché à montrer un lien avec le développement de<strong>pathologies</strong> organiques chez les suj<strong>et</strong>s dépressifs. Ce risque existerait aprèsélimination d’associations d’autres facteurs prédisposants tels que le sexe,l’âge, le poids, les hospitalisations, les addictions, les traitements antidépresseurs.Seraient concernées des <strong>pathologies</strong> telles que le diabète noninsulino-dépendant, les <strong>pathologies</strong> cardiovasculaires, l’hypertension artérielle,les affections douloureuses chroniques <strong>et</strong>, dans le cadre d’une dépressionchronique, les <strong>pathologies</strong> tumorales. Les troubles de la personnalitépourraient participer à c<strong>et</strong>te potentialité prédictive.À l’inverse, les patients atteints de maladies organiques chroniques présententdes épisodes dépressifs majeurs avec une plus grande fréquence queles suj<strong>et</strong>s sains. Une dépression ne doit pas être minimisée dans un contextede <strong>pathologies</strong> organiques, afin de perm<strong>et</strong>tre l’adaptation d’une prise encharge précoce, l’évaluation régulière <strong>et</strong> ainsi la prévention du risque suicidaire.Ce dernier sera particulièrement recherché chez les personnes âgées<strong>et</strong> chez les suj<strong>et</strong>s atteints d’une maladie somatique chronique grave.Particularités selon les <strong>pathologies</strong> organiquesPathologies neurologiquesDes suj<strong>et</strong>s migraineux, environ un quart, particulièrement les femmes, présenteraientun épisode dépressif majeur durant leur vie.Lors d’accidents vasculaires cérébraux ou de <strong>pathologies</strong> vasculaires, ladépression est fréquente, sa prévalence varie selon les études entre 18 <strong>et</strong> 60 %.La symptomatologie dépressive est rarement pure <strong>et</strong> souvent associée à uneamnésie, une apathie, une confusion, une agitation avec hallucination, desdéficits intellectuels, des troubles de la marche, des déficits focaux selon lalocalisation des lésions vasculaires cérébrales. La dépression complique larécupération des troubles cognitifs. Le risque d’accident vasculaire cérébralserait plus élevé dans un contexte de dépression.


134 Comprendre <strong>et</strong> soigner la depressionDans 45 % des cas, les traumatisés crâniens présenteraient des épisodesdépressifs majeurs, <strong>et</strong> dont la moitié correspondrait à des premiers épisodes.Chez le parkinsonien idiopathique, la dépression a une forte prévalencevariant entre 4 <strong>et</strong> 75 % selon les études. Chez les parkinsoniens, la fréquencede la dépression est corrélée avec l’atteinte détériorative. Elle estindépendante de la gravité du handicap physique. Elle peut précéder dequelques années l’apparition du trouble moteur, ou être de survenue tardivedans l’évolution de la maladie de Parkinson. Elle altère la qualité de viede ces suj<strong>et</strong>s. Au niveau neurobiologique, les hypothèses dopaminergique<strong>et</strong> sérotoninergique ont été envisagées.Dans la sclérose en plaques, le risque de dépression au cours de la vieest fréquent <strong>et</strong> d’au moins 50 %. La survenue de celle-ci peut être tardive,secondaire au r<strong>et</strong>entissement fonctionnel de la maladie, son intensitén’étant pas forcément corrélée à la gravité du handicap dû à la sclérose enplaques. Elle peut être liée à une poussée inflammatoire. Aussi la dépressionserait plus fréquente selon les localisations cérébrales des atteintes <strong>et</strong> particulièrementau niveau du lobe temporal. La participation iatrogène par lescorticoïdes doit être discutée dans les facteurs étiologiques de la dépression.La prévalence d’une dépression au cours d’une maladie d’Alzheimer esttrès variable selon les études. Devant toute dépression résistante chez unadulte de plus de 50 ans, une détérioration mentale doit être recherchée ;elle peut inaugurer c<strong>et</strong>te dernière. Par ailleurs, une personne âgée, présentantun état dépressif, peut avoir des troubles cognitifs faisant partiedu trouble thymique <strong>et</strong> régressant lors du traitement antidépresseur, d’oùl’intérêt de la thérapeutique médicamenteuse d’épreuve.Lors de tumeurs cérébrales, primitives ou métastatiques, la présentationthymique dépressive peut être trompeuse <strong>et</strong> faire négliger le diagnosticneurologique. Ceci est plus fréquent lors des évolutions tumorales lentestelles que des méningiomes. La dépression est souvent atypique, sans douleurmorale, avec une certaine indifférence, un apragmatisme plus qu’unralentissement moteur. Le fond d’œil <strong>et</strong> le bilan des fonctions supérieurescomplètent l’examen neurologique. Toutefois le scanner cérébral peut révélerle diagnostic. La tomodensitométrie s’impose devant toute perturbationde l’examen neurologique ou toute dépression atypique.Dans l’épilepsie récidivante, la prévalence de la dépression varie de 20 à55 % <strong>et</strong> dans le trouble contrôlé, de 3 à 9 %. Une dépression est le plus souventr<strong>et</strong>rouvée lors des comitialités à point de départ temporal. Les dépressionssurvenant en dehors des crises chez les épileptiques ont un risquesuicidaire plus élevé que lors des dépressions de même intensité dans lapopulation générale.D’autres <strong>pathologies</strong> neurologiques peuvent avoir un r<strong>et</strong>entissement thymiqueou s’accompagner de troubles dépressifs. Il peut s’agir de la maladiede Wilson ou « dégénérescence hépatolenticulaire », maladie génétiqueautosomique récessive à prévalence faible, où l’association aux troublesneurologiques aide au diagnostic. Celui-ci repose sur la diminution de lacéruléoplasmine <strong>et</strong> de la cuprémie, l’augmentation de la cuprurie, <strong>et</strong> sur


<strong>Dépression</strong> <strong>et</strong> <strong>pathologies</strong> <strong>somatiques</strong>135la visualisation de l’anneau vert péricornéen de Kaiser-Fleisher lors del’examen ophtalmologique à la lampe à fente. Aussi l’hématome sous-dural<strong>et</strong> l’hydrocéphalie à pression normale sont des contextes diagnostiques àenvisager devant un épisode dépressif majeur.Étiologies endocriniennes <strong>et</strong> métaboliquesLes étiologies endocriniennes <strong>et</strong> dysmétaboliques sont à rechercher en premièreintention devant un état dépressif, car elles peuvent nécessiter untraitement médical parfois urgent.Des troubles de l’humeur, particulièrement dépressifs, peuvent êtrer<strong>et</strong>rouvés lors de troubles du métabolisme glucidique. Il peut s’agir d’uncontexte d’hypoglycémie par tumeur insulinique, insulinome, ou iatrogènelors du traitement du diabète, ou d’hyperglycémie par diabète. La prévalenced’une dépression lors d’un diabète est environ de 9 %. Toutefois, lerôle du trouble endocrinien dans la survenue de la dépression n’est pastoujours facile à établir.Lors de carences vitaminiques (PP, B 12, foliques), en acides aminés (tryptophane,tyrosine…), une hypothymie peut être r<strong>et</strong>rouvée. Nous citerons égalementle cadre des malabsorptions, telles que la maladie cœliaque (anémie,hypoalbulminémie, hypocalcémie), comme contexte possible de survenued’un trouble de l’humeur.Les formes trompeuses de dépression lors d’hyper- ou d’hypothyroïdiesont fréquentes <strong>et</strong> à envisager systématiquement ; ainsi le dosage de TSHfait partie du bilan étiologique d’un épisode dépressif majeur. Néanmoins,les dysthyroïdies biologiques sont à interpréter conjointement avec la clinique.Une TSH basse peut être liée à une prise médicamenteuse, à unemaladie associée voire être r<strong>et</strong>rouvée chez des suj<strong>et</strong>s normaux.Lors de <strong>pathologies</strong> surrénaliennes, l’hypocorticisme peut être révélé parune dépression. Dans le cas d’une maladie d’Addison, par atteinte périphériquele diagnostic est facilité par la mélanodermie. Toutefois le diagnosticpeut être r<strong>et</strong>ardé lors d’une insuffisance corticotrope par atteinte centrale,telle qu’une tumeur hypophysaire, une maladie de Sheehan. Les dosagescompléteront la mise en évidence du diagnostic, avec le cycle cortisolique.Quant à l’hypercorticisme, son rapport avec la dépression est difficile.Parallèlement, il peut être à l’origine d’une dépression sévère <strong>et</strong>, d’ailleurs,il est compliqué de faire la part entre une dépression primaire <strong>et</strong> une dépression,plutôt atypique, rentrant dans la symptomatologie d’une maladie deCushing d’origine centrale, ou d’une dépression symptomatique d’un syndromede Cushing d’origine périphérique, ou enfin lors d’une corticothérapie(dont la dose est supérieure à 80 mg). Ce trouble thymique régressealors avec le traitement de l’endocrinopathie. Les anomalies cliniques tellesque la faiblesse musculaire, les troubles cutanés <strong>et</strong> l’érythrose faciale aidentau diagnostic de maladie de Cushing, tout comme le test au CRF, sansréponse en ACTH dans la dysthymie. Inversement, un épisode dépressifmajeur peut s’accompagner d’un hypercorticisme, avec augmentation ducortisol libre urinaire <strong>et</strong> absence de freination au test à la dexaméthasone.


136 Comprendre <strong>et</strong> soigner la depressionEnfin l’hypercorticisme lui-même peut être à l’origine d’un état dépressifauthentique.Dans le cadre d’une insuffisance hypophysaire, un état dépressif majeurpeut être r<strong>et</strong>rouvé <strong>et</strong> s’installe le plus souvent progressivement. Les symptômesassociés, tels qu’une anémie, une aménorrhée, une impuissancesexuelle chez l’homme par déficit en testostérone, peuvent aider au diagnostic.La dépression peut s’expliquer par une hypothyroïdie, un hypocorticismeou une insuffisance somatotrope. Par ailleurs, l’étiologie de l’insuffisancehypophysaire doit être recherchée ; il peut s’agir d’une maladie de Sheehan,d’une tumeur hypophysaire, d’un traitement chirurgical ou radiothérapique.Enfin, l’hyperparathyroïdie peut être un facteur prédisposant à la survenued’une dépression par hypercalcémie. La normalisation de la calcémieperm<strong>et</strong> dans la plupart des cas le r<strong>et</strong>our à l’euthymie.Pathologies cardiaques ou pneumologiquesDans un contexte de trouble cardiaque ou pneumologique, une symptomatologiedépressive peut survenir.Lors d’une maladie cardiaque, la prévalence d’une dépression varie entre17 <strong>et</strong> 27 % <strong>et</strong> augmenterait la morbidité chez ces suj<strong>et</strong>s. Chez les suj<strong>et</strong>sinsuffisants cardiaques, la prévalence de la dépression est élevée. Elle varie,selon les études, de 35 à 70 % chez les patients hospitalisés <strong>et</strong> de 11 à 25 %chez les patients suivis en ambulatoire. La dépression serait un facteur prédisposantaux <strong>pathologies</strong> coronaires.Concernant les <strong>pathologies</strong> pneumologiques, il peut s’agir d’une hypoxie,du syndrome d’apnée du sommeil.Maladies infectieusesUn contexte infectieux peut aussi précipiter la survenue d’un épisodedépressif majeur. Nous citerons la tuberculose, la syphilis, la maladie deLyme. Néanmoins, les troubles neurologiques presque systématiquementprésents perm<strong>et</strong>tent d’éviter le diagnostic différentiel de dépression.Le début d’une infection par le VIH, avec son cortège de signes cliniquesappartenant aussi à la lignée thymique, peut faire penser à un troubledépressif. Par ailleurs, ce dernier diagnostic différentiel sera peu fait lorsde l’évolution de la maladie ; néanmoins il pourra être associé dans cecontexte. Chez les suj<strong>et</strong>s VIH, la prévalence de la dépression varie entre 5<strong>et</strong> 20 % selon les études. La dépression serait plutôt chronique, <strong>et</strong> les étatsr<strong>et</strong>rouvés seraient essentiellement dysthymiques. La dépression, associéeaux altérations sociales, aurait un r<strong>et</strong>entissement négatif sur la pathologieinfectieuse.Chez les suj<strong>et</strong>s co-infectés VIH–VHC, les troubles psychiques les plus fréquentssont l’anxiété <strong>et</strong> la dépression. Il peut s’agir aussi d’autres troubles del’humeur, de troubles du comportement à type d’impulsivité, d’irritabilité,d’insomnie, de troubles délirants <strong>et</strong> de conduites addictives (alcoolisme en


<strong>Dépression</strong> <strong>et</strong> <strong>pathologies</strong> <strong>somatiques</strong>137particulier). L’épisode dépressif majeur a une prévalence variant entre 0 <strong>et</strong>58,6 %. Sa symptomatologie peut être masquée par une anxiété majeure,voire par des troubles obsessionnels compulsifs, phobiques. Elle peut s’exprimersous forme mélancolique ou de mélancolie délirante, avec des thèmesdélirants de persécution, d’incurabilité, de ruine.Les circonstances de survenue peuvent être réactionnelles : lors del’annonce du diagnostic, lors d’une phase évolutive de la pathologie telleque l’aggravation, l’instauration d’un traitement, la rémission ou la rechute.Durant ces périodes, peuvent apparaître des angoisses de mort ou d’abandon,un sentiment de culpabilité par rapport aux conduites à l’origine del’infection, des craintes par rapport à la maladie. Le plus souvent, le suj<strong>et</strong>devra envisager le deuil d’un corps sain <strong>et</strong> éventuellement d’un proj<strong>et</strong> de vie.La dépression peut être d’origine médicamenteuse (interféron alpha, ribavarine).Les mécanismes seraient indirects, avec possible interaction avecla sérotonine <strong>et</strong> la dopamine, <strong>et</strong> d’autres systèmes (glutamate, immunitaires…).Sous traitement anti-VHC, nous r<strong>et</strong>rouvons une dépression dans34 % des cas, des idées suicidaires dans 1,2 % des cas, <strong>et</strong> un risque de passageà l’acte suicidaire. L’épisode dépressif peut disparaître à l’arrêt du traitementou plusieurs semaines, voire des mois après l’arrêt du traitement antiviral.Son dépistage doit être précoce, sinon le risque de rechute d’une conduiteaddictive existe. Le risque suicidaire est évalué. Par ailleurs, la survenue d’untrouble psychiatrique favorise la mauvaise observance voire l’arrêt précoced’un traitement antiviral. La prise en charge est adaptée, précoce, multidisciplinaire(collaboration entre le médecin généraliste, l’hépatologue,l’infectiologue, le psychiatre, le service social). Elle comporte l’instaurationd’un éventuel traitement antidépresseur ; <strong>et</strong> elle perm<strong>et</strong>tra le plus souventla poursuite du traitement de l’hépatite C.Un avis psychiatrique est demandé lors de l’existence d’antécédentspsychiatriques, de prises de psychotropes ou de l’usage de drogues dansl’année précédente, d’une dépression, d’un risque suicidaire. Il perm<strong>et</strong> lerepérage d’une comorbidité psychiatrique, d’un épisode dépressif majeur,d’un risque suicidaire.Syndrome de fatigue chronique, fibromyalgie,maladies chroniques hyperalgiquesCes <strong>pathologies</strong> peuvent prédisposer à la survenue d’une dépression, avecun risque de passage à l’acte suicidaire. Dans ce cadre, le suj<strong>et</strong> présentesouvent un trouble de la personnalité associé.Connectivites <strong>et</strong> maladies de systèmesDans le contexte d’une connectivite ou d’une maladie de systèmes, untrouble de l’humeur peut être présent.Chez une personne atteinte d’un lupus érythémateux disséminé, untrouble mental <strong>et</strong> particulièrement une dépression sont r<strong>et</strong>rouvés lors despoussées ou dans les périodes les précédant, voire avant l’apparition de la


138 Comprendre <strong>et</strong> soigner la depressionmaladie. C<strong>et</strong> état dépressif peut aussi être d’origine iatrogène, durant unecorticothérapie. Des symptômes anxieux peuvent exister.Lors d’une maladie de Gouger<strong>et</strong>-Sjögren, la survenue d’une dépressionest plus souvent tardive dans l’évolution que précédant le diagnostic ; ainsile diagnostic est souvent facile, car d’autres signes cliniques sont r<strong>et</strong>rouvés.Lors d’une maladie de Horton, une dépression peut être diagnostiquée<strong>et</strong> ne doit pas être confondue avec une asthénie majeure suite à la corticothérapie.Pathologies tumoralesLes maladies tumorales peuvent être révélées par une symptomatologiedépressive. Aussi, la dépression peut survenir à l’information du diagnostic,lors des traitements, lors des phases évolutives de la maladie somatique.Maladies ostéo-articulairesCertaines maladies ostéo-articulaires, telles que la polyarthrite rhumatoïde,peuvent être associées à un épisode dépressif majeur.Contexte iatrogèneCertains médicaments peuvent jouer un rôle dans la survenue d’un épisodedépressif majeur, particulièrement ceux ayant une action sur les neuromédiateurs.Par exemple, la réserpine, l’alpha-méthyldopa, les corticoïdes,l’interféron, les antirétroviraux, les amphétamines, l’isoniazide, la clonidine,des anti-hypertenseurs, les -bloquants, les neuroleptiques, la L-Dopa,les antipaludéens de synthèse peuvent constituer un contexte dépressogène.Aussi un surdosage médicamenteux par digitaliques <strong>et</strong>, éventuellement, unsevrage par benzodiazépines peuvent participer à la survenue d’un troubledépressif.Concernant les troubles addictifs, <strong>et</strong> particulièrement lors de la périodede sevrage à des substances telles que l’alcool, la cocaïne, le cannabis, leshallucinogènes, une comorbidité thymique dépressive peut apparaître.Précisions diagnostiquesDans une pathologie organique, aussi bien dans son déclenchement quedans son évolution, le r<strong>et</strong>entissement thymique chez le suj<strong>et</strong> doit être considéré: particulièrement la caractéristique des symptômes, leur tolérance <strong>et</strong>leur évolution. La recherche d’une étiologie médicale à un épisode dépressifmajeur paraît essentielle en préalable : une atteinte cérébrale organique,une origine endocrinienne ou métabolique, une origine toxique ou iatrogène,une cause infectieuse, une étiologie cardiovasculaire, une pathologi<strong>et</strong>umorale, une connectivite ou une vascularite, tout comme des événementsde vie, des facteurs familiaux en tant que facteurs prédisposants. Donc, le


<strong>Dépression</strong> <strong>et</strong> <strong>pathologies</strong> <strong>somatiques</strong>139trouble organique représente le plus souvent le facteur déclenchant dutrouble thymique. Par ailleurs, comme nous l’avons déjà précisé, devantune pathologie organique comorbide d’une dépression, la co-occurrencedes deux maladies est envisageable. Les signes cliniques d’une dépressionpeuvent participer au tableau d’une pathologie organique, qui doit fairepenser avant tout à un diagnostic différentiel d’une dépression. L’interrogatoire<strong>et</strong> l’examen clinique sont essentiels avant de poser le diagnosticd’épisode dépressif majeur, afin d’éliminer tout diagnostic différentiel.Par ailleurs, devant une dépression atypique, une pathologie organiquedoit être recherchée. L’absence de douleur morale, l’installation rapide de lasymptomatologie, la survenue tardive de ce premier état dépressif, une fluctuationthymique rapide, puis l’inefficacité du traitement antidépresseurdoivent faire penser à une étiologie organique. L’anamnèse, la précisiond’antécédents personnels <strong>et</strong> familiaux, un bilan biologique, une tomodensitométriecérébrale <strong>et</strong> la recherche d’une cause médicamenteuse aiderontau diagnostic. Une comorbidité somatique <strong>et</strong> psychiatrique est possible.Parfois, le traitement de la cause organique perm<strong>et</strong>tra le r<strong>et</strong>our à l’euthymie.Néanmoins, dans la plupart des cas, l’adjonction d’un traitement antidépresseursera nécessaire.Facteurs pronostiquesLors d’une comorbidité d’une pathologie organique <strong>et</strong> d’un trouble thymique,le r<strong>et</strong>entissement social est supérieur à celui constaté en présenced’une seule des deux maladies. Par ailleurs, le traitement de l’une pourraatténuer l’aisance de diagnostic de la pathologie toujours existante. Unepathologie dont l’impact est physique peut précipiter un isolement dusuj<strong>et</strong> avec diminution de son environnement relationnel, <strong>et</strong> éventuellementaccentuer les symptômes dépressifs. Certaines dermatoses à r<strong>et</strong>entissementvisuel pour autrui peuvent accentuer <strong>et</strong> prolonger une dépressionpar atteinte narcissique. Les <strong>pathologies</strong> douloureuses peuvent chroniciserun trouble dépressif.Par ailleurs, des dépressions peuvent être résistantes aux thérapeutiquesmédicamenteuses dans certains cas de <strong>pathologies</strong> organiques, telles quel’hypothyroïdie ou le syndrome d’apnée du sommeil. Aussi, l’existenced’une maladie organique peut être une contre-indication à dépasser unecertaine posologie d’antidépresseurs, voire une contre-indication simplement,ce qui limite l’efficacité antidépressive biologique. De plus, des traitementsde troubles organiques peuvent être dépressogènes.Toutefois, la dépression dépend de plusieurs facteurs étiologiques,ainsi le trouble organique est rarement le seul à l’origine de la dépression.D’autres facteurs interfèrent tels que la présence d’antécédents dedépression, l’isolement social, la diminution des déplacements pour lespersonnes âgées.Un suj<strong>et</strong> dépressif, par manque d’envie ou par le ralentissement psychomoteurdont il est atteint ou l’autodévalorisation qu’il ressent, pourra ne


140 Comprendre <strong>et</strong> soigner la depressionpas se prendre en charge sur le plan physique <strong>et</strong> alors négligera des soins<strong>somatiques</strong>. Ceci peut d’ailleurs correspondre à un équivalent suicidaire.La comorbidité organique semblerait chroniciser la pathologie thymique<strong>et</strong>, dans tous les cas, interfère dans le pronostic de la dépression.Le trouble dépressif, surtout chronique, augmenterait l’incidence decertaines <strong>pathologies</strong> organiques, particulièrement cardiovasculaires, <strong>et</strong>aggraverait le pronostic de certaines maladies organiques, métaboliques oucardiovasculaires. L’intérêt de l’accompagnement psychiatrique du dépressif,facilitant la bonne observance thérapeutique <strong>et</strong> psychologique vis-à-visde la souffrance psychique, apparaît essentiel.Avec un trouble dépressif comorbide, certaines <strong>pathologies</strong> organiquespeuvent avoir une mortalité supérieure à celles sans association de dépression.Le pronostic est toujours plus sévère lors d’une comorbidité dépressive.La survenue d’un infarctus du myocarde augmente le risque de dépression,<strong>et</strong> ceci d’autant plus que le suj<strong>et</strong> a présenté une dépression au préalable.Chez les suj<strong>et</strong>s présentant une hypertension artérielle, la survenued’une dépression augmente le risque d’accident vasculaire cérébral. Néanmoinsla guérison de la dépression peut améliorer le pronostic du troubleorganique <strong>et</strong> ce, particulièrement lors des <strong>pathologies</strong> carcinologiques.ConclusionChez un suj<strong>et</strong> présentant un épisode dépressif majeur comorbide d’unepathologie somatique, il est important de ne pas sous-estimer l’existencedu trouble de l’humeur, de rechercher la nature primaire ou secondaire dutrouble thymique <strong>et</strong> d’évaluer le risque suicidaire. Une dépression sévère nondiagnostiquée peut prédisposer à une rechute, une récidive ou se chroniciser.La dépression associée à un trouble somatique serait un facteur de mauvaispronostic. L’une des <strong>pathologies</strong> aggraverait le pronostic de l’autre <strong>et</strong>ce réciproquement.La prise en charge de ces suj<strong>et</strong>s est précoce, adaptée <strong>et</strong> multidisciplinaire.Le traitement de la dépression perm<strong>et</strong> une meilleure observance des soinsmédicaux <strong>et</strong> améliore la qualité de vie de ces suj<strong>et</strong>s.Pour en savoir plusAfssaps . Évaluation <strong>et</strong> prise en charge des troubles psychiatriques chez les patientsadultes infectés par le virus de l’hépatite C <strong>et</strong> traités par (peg) interféron alfa <strong>et</strong>ribavirine . Afssaps ; mai 2008 .Aromaa A , Raitasalo R , <strong>et</strong> al. Depression and cardiovascular diseases . Acta PsychiatricaScandinavica 2007 ; 89 ( 377 ) : 77 – 82 .Camus V, Schmitt L. Manifestations psychiatriques des affections cérébrovasculaires :approche clinique <strong>et</strong> thérapeutique. Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris). Psychiatrie,37-545-A-14. 2000; p. 5.Camus V, Schmitt L. Manifestations psychiatriques des affections neurodégénératives: approche clinique <strong>et</strong> thérapeutique. Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris). Psychiatrie,37-545-A-15. 2000; p. 8. Neurologie, 17-063-F-10. 2000; p. 8.


<strong>Dépression</strong> <strong>et</strong> <strong>pathologies</strong> <strong>somatiques</strong>141Castera L . Abords psychologiques <strong>et</strong> psychiatriques des patients atteints d’hépatitevirale chronique C. Infections virales . Paris : Optimed éditions ; 2005 .Cathebras P . Démarches diagnostiques <strong>et</strong> évaluation . In: Lempérière T , editor. <strong>Dépression</strong><strong>et</strong> comorbidités <strong>somatiques</strong> . Paris : Masson ; 2003 . p. 19 – 42 .Connerney I , Shapiro PA , McLaughlin JS , <strong>et</strong> al. Relation b<strong>et</strong>ween depression aftercoronary artery bypass surgery and 12-month outcome : a prospective study .Lanc<strong>et</strong> 2001 ; 358 : 1766 – 71 .Cottencin O . <strong>Dépression</strong>s sévères : comorbidités <strong>somatiques</strong> . L’Encéphale 2009 ;( Suppl 7 ) : S272 – 8 .Cottencin O , Lambert M , Queyrel V , <strong>et</strong> al. Consultation/liaison psychiatry practice :combined medical and psychiatric consultations . J Psychosom Res 2007 ; 63 : 219 – 20 .Evans DL , Charney DS , Lewis L , <strong>et</strong> al. mood disorders in the medically ill : scientificreview and recommendations . Biol Psychiatry 2005 ; 58 : 175 – 89 .Haug TT , Mykl<strong>et</strong>un A , <strong>et</strong> al. The association b<strong>et</strong>ween anxi<strong>et</strong>y, depression, and somaticsymptoms in a large population : the Hunt-II study . Psychosomatic Medicine2004 ; 66 : 845 – 51 .Hazen C , Soudry Y , Consoli SM . Depression and physical illness . Rev Prat 2008 ; 58 : 377 – 84 .Lang JP. Prise en charge psychiatrique du VHC chez les patients co-infectés par leVIH. Coll. Les Essentiels. Rueil-Malmaison: Éditions RanD; 2006.Lang JP , Michel L , <strong>et</strong> al. Management of psychiatric disorders and addictive behaviorsin patients with viral hepatitis C in France . Gastrol Clin and Biol 2009 ; 33 : 1 – 7 .Lempérière T , Feline A , <strong>et</strong> al. Psychiatrie de l’adulte . 2 e éd. Issy-les-Moulineaux : Masson ;2006 .Mantel<strong>et</strong> S . Données épidémiologiques concernant les comorbidités dépression –maladies organiques . In: Lempérière T , editor. <strong>Dépression</strong> <strong>et</strong> comorbidités <strong>somatiques</strong>. Paris : Masson ; 2003 . p. 3 – 17 .Moulin JF, Boureau F. Douleur chronique <strong>et</strong> psychiatrie. Encycl Méd Chir (Elsevier,Paris). Psychiatrie, 37-677-A-40. 2000; p. 13.Mulsant BH , Ganguli M . Epidemiology and diagnosis of depression in late life . TheJournal of Clinical Psychiatry 1999 ; 60 ( 20 ) : 9 – 15 .Rouss<strong>et</strong> H . <strong>Dépression</strong> <strong>et</strong> symptôme d’une maladie organique . Neuilly-sur-Seine :Ardix Médical ; octobre 1991 .Stein PK , Carney RM , <strong>et</strong> al. Severe depression is associated with markedly reducedheart rate variability in patients with stable coronary heart disease . Journal ofPsychosomatic Research 2000 ; 48 ( 4-5 ) : 493 – 500 .

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