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Jean-Paul Sartre - L'enfance d'un chef On disait de moi : " Il ... - art-psy

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<strong>Il</strong> me <strong>de</strong>manda, les yeux dans les yeux, si j'aimai ma mère. Oui, j'aime mamanMais aussi papa, ai-je rétorqué sans rire, alors, Mr le curé termina son assietteÀ <strong>de</strong>ssert où il restait <strong>de</strong>s framboises bien rouges <strong>de</strong> son jardin, et non <strong>de</strong>s asperges.Après, il me posa une autre question ayant trait à son métier et concernant DieuÉvi<strong>de</strong>mment. Moi, bon Dieu <strong>de</strong> bon Dieu, ne sachant quoi répondre, je le regardaisMéchament et allais <strong>de</strong>hors faire pipi <strong>de</strong> colère sur le gros buisson d'ortiesJuste à côté <strong>de</strong>s commissions <strong>d'un</strong> chien. <strong>Il</strong> y avait <strong>de</strong>ssus une grosse mouche bleueQui bourdonnait autour, alors je la fixais en disant : " J'aime maman ".Mais en disant cela ainsi, aimai-je pour autant cette personne et n'était-ce pas plutôtPar convenance sociale qu'il me fallait croire à un amour dont je n'avaisAucune certitu<strong>de</strong>, aucune conviction ? <strong>Il</strong> y eut la guerre cet été-là, et papa p<strong>art</strong>itSe battre sur le front, du coup maman se trouva heureuse <strong>de</strong> rester toute seule avec <strong>moi</strong>,J'étais si gentil, si prévenant auprès d'elle... J'avais quelquefois <strong>de</strong>s comportementsBizarres, j'en voulais à un arbre, c'était un marronnier et je le traitais <strong>de</strong> tous les noms,Histoire <strong>de</strong> voir s'il se passait quelque chose,S'il réagissait ou non à ma façon d'agir à son égard. L'arbre resta tranquilleÀ mes injonctions, alors je portais toute ma colère sur mes jouets, je les démontaisPour savoir <strong>de</strong> quoi ils étaient faits, ensuite pour me venger <strong>de</strong> tous mes malheurs,Je tallaidais les bras <strong>d'un</strong> fauteuil avec un vieux rasoir <strong>de</strong> ce père absent.Petit à petit, je <strong>de</strong>venais pas très agréable à vivre, je rejetais toutSans délicatesse aucune et j'allais même à m'amuser à arracher les pattesD'une sauterelle qui ne m'avait rien fait. Je souffrais <strong>de</strong> ne pas les voir souffrir,De ne pas les entendre crier et me <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r pardon à genoux.Papa revint au <strong>moi</strong>s <strong>de</strong> mars, il me trouva changé et même qu'il ne m'a pas reconnu.Imaginez comme cela me fit plaisir... Je tombais dans une sorte <strong>de</strong> somnolence etPour les punir tous, j'allais maintenant faire mes cacas tout seul au cabinet, sur le trône,J'y restais <strong>de</strong>s heures entières, là j'étais seul au mon<strong>de</strong>, c'est ainsi que je <strong>de</strong>vins S<strong>art</strong>rien.Ma relation au père n'allait pas en s'améliorant, je le boudais <strong>de</strong> m'avoir un jourCoupé les boucles <strong>de</strong> mes cheveux. Depuis ce moment-là, les gran<strong>de</strong>s personnesNe se comportaient plus avec <strong>moi</strong> comme avant, me traitant <strong>de</strong> mignon petit garçon,De petite fille parfois, j'aimai tant ça, me tripotant le corps comme ils pouvaient.Maintenant avec mes cheveux courts comme un garçon, ils me racontaientDes histoires instructives...Comme c'était la guerre, on eut droit aux bombar<strong>de</strong>ments, alors mon cousin Riri

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