22<strong>Nouvelles</strong> <strong>de</strong> Chrétienté Nº 92Mars - avril 2005ne part au fait qu’on majorait la “présenceréelle”. » 6« Il y a une certaine vie intérieurequi ne débouche ni sur Dieu ni surnos frères, mais qui n’est qu’une manièrecamouflée <strong>de</strong> <strong>de</strong>meurer dans une véritableadolescence spirituelle, dans laquellese cachent bien <strong>de</strong>s illusions et <strong>de</strong>ségoïsmes plus ou moins conscients. C’estpourquoi je n’aime pas beaucoup l’appellation« vie intérieure », bien qu’elle soitconsacrée par l’usage, car elle exprimemal tout ce que la perfection <strong>de</strong> la charitédivine exige au contraire <strong>de</strong> “sortie <strong>de</strong>soi” ». 7 « Il n’en reste pas moins que l’enseignementissu du Concile <strong>de</strong> Trenteavait renforcé l’idée d’un théocentrismeparticulièrement (et uniquement ?)manifesté dans la célébration <strong>de</strong>s mystères.Ajoutons à cela la doctrine <strong>de</strong> l’Ecolefrançaise sur le prêtre, religieux <strong>de</strong>Dieu… » 8« Les métho<strong>de</strong>s dépassées doiventêtre abandonnées, même si elles ont permis<strong>de</strong> fécon<strong>de</strong>s expériences dans le passé.» 9 Indépendamment <strong>de</strong>s exemplesapportés qui <strong>de</strong> fait, peuventporter le flanc à la critique, les principeseux-mêmes sont ici remis encause.En conséquence, à partir <strong>de</strong>sarguments tirés du texte, du plan,<strong>de</strong>s références ainsi que du méprispour la théologie passée joint augoût <strong>de</strong> la nouveauté, on peut inférerune nouvelle doctrine sur lesacerdoce, qui est axé désormaisprincipalement sur le peuple <strong>de</strong>Dieu, et qui prési<strong>de</strong> ce peuple <strong>de</strong>schrétiens.Il reste néanmoins une objectionà laquelle il faut répondre : leconcile dit à plusieurs reprises quela tâche principale du prêtre estd’offrir le sacrifice.Il semble que l’on peut répondre<strong>de</strong> trois manières. Tout d’abordautre chose est <strong>de</strong> dire : « l’ordre estordonné premièrement au corps eucharistiquedont le double effet est la glorification<strong>de</strong> Dieu et les grâces pour le6 Congar, ibi<strong>de</strong>m, p. 238.7 R. Voillaume, ibi<strong>de</strong>m, p. 300, note 33.8 Denis, ibi<strong>de</strong>m, p. 219.9 Card. Rugambwa, intervention du 16Corps mystique » et <strong>de</strong> dire « l’ordreest ordonné premièrement au bien commun,au Corps mystique et pour l’obtenir,l’Eucharistie est le principal instrument».Dans le premier cas, l’Eucharistieest l’objet propre et premier <strong>de</strong>l’acte sacerdotal, tandis que le biencommun se trouve du côté <strong>de</strong> l’effet,<strong>de</strong> la conséquence. Dans le second,le bien commun est l’objetpropre et premier <strong>de</strong> l’acte sacerdotal,et le sacrifice eucharistique estle moyen d’arriver à cette fin.Prenons un exemple dans les sacrements.De même que l’Ordre,le mariage est institué pour le biencommun. Cependant il n’est pasordonné premièrement à la sociétémais à la procréation et l’éducation<strong>de</strong>s enfants qui, elles, ont pourconséquence le bien <strong>de</strong> la société.Ainsi, la fin prochaine du sacrement<strong>de</strong> l’Ordre n’est pas le bien <strong>de</strong>la société, mais le sacrifice eucharistiquedont le bien <strong>de</strong> la sociétédécoule.Une <strong>de</strong>uxième manière <strong>de</strong> répondreest d’examiner quelleest l’offran<strong>de</strong> du prêtre <strong>de</strong>Vatican II, <strong>de</strong> P.O. quand il célèbrela messe. Qu’offre-t-il ? Quelculte célèbre-t-il ? Ce culte, cetteoffran<strong>de</strong>, c’est le peuple chrétienlui-même qui s’offre au Christ enunion avec le sacrifice pascal qui alieu au ciel. Le prêtre renouvelle laPâque, et ce sacrifice pascal est lacondition <strong>de</strong> l’offran<strong>de</strong> du Peuplechrétien. En somme, dire que lafonction principale du prêtre estd’offrir le sacrifice revient à direque la fonction principale du prêtreest d’offrir le Peuple chrétien.Voilà ce qu’en dit le P. Congar :« [le prêtre] n’a pas un pouvoir <strong>de</strong> magicien,mais la fonction <strong>de</strong> constituerle Peuple <strong>de</strong> Dieu en Corps du Christ,en le nourrissant du Pain eschatologiqueet céleste » ; et ailleurs : « Chaqueoct.1965, ibi<strong>de</strong>m, p. 305, note 55.10 Ibi<strong>de</strong>m, pp. 247 et 255.•fidèle, en effet, est membre d’un corpssacerdotal et sujet dans ce corps, duculte chrétien. Mais ce corps est structuré,sur la base d’une institution divine.Certains <strong>de</strong> ses membressont « ordonnés » pour exerceren plénitu<strong>de</strong> et comme prési<strong>de</strong>nts<strong>de</strong>s assemblées ou chefsdans le corps sacerdotal, le cultedu corps comme tel […] Le culteest essentiellement un culte <strong>de</strong> la foi(vivante). Il l’est sous l’aspect du sacrificespirituel et personnel qui n’est autreque la vie offerte : non une dîme ou <strong>de</strong>sprémisses, encore moins <strong>de</strong>s « choses » extérieures,mais mon existence, mon être– au – mon<strong>de</strong> et aux autres hommes. » 10On glisse ici <strong>de</strong> la construction <strong>de</strong>l’Eglise, vue comme conséquen-Le Père Congarce <strong>de</strong> l’offran<strong>de</strong> eucharistique, à laconstruction <strong>de</strong> l’Eglise, vue commel’offran<strong>de</strong> elle-même. Si le primat<strong>de</strong> l’offran<strong>de</strong> du Corps physique<strong>de</strong> N.S. n’est pas nié dans lereste du texte, on ne peut pas direqu’il est rappelé avec force et clarté.Le P. Congar dit <strong>de</strong> même dansun autre endroit : le prêtre « est ordonnépour être le ministre suscitant,éduquant le sacrifice spirituel que leschrétiens offrent <strong>de</strong> toute leur vie, parla foi, et pour unir, dans la célébrationeucharistique, ce sacrifice à celui uniqueet souverain, du Christ. » 11 LeFr. Logue O.C.D. précise : « le PèreCongar maintient que pour comprendre11 Congar, Le sacerdoce du NouveauTestament. Mission et culte, p. 250.
•Du dérèglement dans l’OrdreII. CONSEQUENCESII.1 Conséquences théologiquesLʼaula conciliaire : procession <strong>de</strong> sortie à la fin du concile Vatican IIle sacerdoce ministériel, il faut comprendrele culte chrétien. Or, le culte chrétienest constitué essentiellement par le sacrificespirituel. » 12 Dans le même sens,Teilhard <strong>de</strong> Chardin écrivit ces lignes: « puisque je n’ai plus ni pain, nivin […] je vous offrirai, moi votre prêtre,sur l’autel <strong>de</strong> la terre entière, le travailet la peine du mon<strong>de</strong>… » 13Quant à E. Marcus, l’Eucharistien’est pour lui ni plus ni moinsqu’une expérience : « Elle [la préparation]est un élément primordial <strong>de</strong>l’initiation qu’est en lui-même le sacrement.[…] En d’autres termes, le sacrementest l’aboutissement, en forme <strong>de</strong>célébration, d’une rencontre (le mot esttrop faible !) qui, déjà, s’est mûrie dansun temps <strong>de</strong> préparation. » 14Citons pour finir P.O. n° 2 :« Participant, pour leur part, à la fonction<strong>de</strong>s Apôtres, les prêtres reçoivent<strong>de</strong> Dieu la grâce qui les fait “ministresdu Christ Jésus auprès <strong>de</strong>s nations, assurantle service sacré <strong>de</strong> l’Evangile,pour que les nations <strong>de</strong>viennent une offran<strong>de</strong>agréable, sanctifiée par l’EspritSaint” (Rom 15, 16) […] C’est à cela quetend leur ministère, c’est là qu’ils trouveson accomplissement : commençant par12 R. T. <strong>de</strong> juillet-sept. 2002, p. 448-449,article : « Le premier et le principal du sacrement<strong>de</strong> l’Ordre. »13 La messe sur le mon<strong>de</strong>, p. 1.14 Ibi<strong>de</strong>m, p. 348. On ne peut pas ne paspenser à Pascendi !l’annonce <strong>de</strong> l’Evangile, il tire sa forceet sa puissance du sacrifice du Christ etil tend à ce que “ la Cité rachetée touteentière, c’est-à-dire la société et l’assemblée<strong>de</strong>s saints, soit offerte à Dieu commeun sacrifice universel par le GrandPrêtre qui est allé jusqu’à s’offrir pournous dans sa Passion, pour faire <strong>de</strong>nous le Corps d’une si gran<strong>de</strong> Tête.” StAugustin, Cité <strong>de</strong> Dieu, 10, 6. »Enfin, une troisième manière <strong>de</strong>répondre est <strong>de</strong> considérer que cegenre <strong>de</strong> rappels confus était unemanière <strong>de</strong> faire passer aux yeux<strong>de</strong>s pères conciliaires les nouveautés<strong>de</strong> P.O.Tant les textes que le plan dudécret Presbyterorum Ordinis montrentdonc que pour Vatican II leprêtre est un pasteur avant d’êtreun sacrificateur, il est tourné premièrementvers le peuple chrétienavant <strong>de</strong> l’être vers le sacrificeeucharistique (ou vers le Christ) 15 .Le principe est donné. Des conséquencesen découlent qui peuventêtre considérées suivant trois directionsdifférentes : théologique,liturgique et pastorale.15 « Vatican II choisit <strong>de</strong> partir du Peuple <strong>de</strong>Dieu, c’est-à-dire <strong>de</strong> l’Eglise, et non pas d’unerelation entre le Christ et le prêtre définie parun pouvoir. » Denis, p. 207.Du point <strong>de</strong> vue théologique,la sacramentalité <strong>de</strong> l’épiscopat etl’impression d’un caractère épiscopalapparaissent cohérents.Si le sacrement <strong>de</strong> l’ordre estprincipalement ordonné au biencommun, alors le <strong>de</strong>gré du sacerdocequi est le plus tourné vers lebien commun, réalise <strong>de</strong> la manièrela plus parfaite la sacramentalité<strong>de</strong> l’ordre.Or l’épiscopat est le <strong>de</strong>gré du sacerdocequi est le plus ordonné aubien commun.Donc l’épiscopat fait partie dusacrement <strong>de</strong> l’ordre et en est lapartie la plus éminente. Il s’ensuitlogiquement que l’épiscopat imprimeun caractère, qui est le plus parfait<strong>de</strong>s caractères sacerdotaux. Lasacramentalité <strong>de</strong> l’épiscopat queLumen Gentium avait énoncée aun° 21 avec <strong>de</strong>s arguments traditionnelstrouve là une logique en accordavec le sacerdoce-service. Dans lamême direction, la juridiction estdonnée immédiatement à l’évêqueen raison <strong>de</strong> son sacre, elle est la finmême <strong>de</strong> son sacre.En voici une preuve : le sacrement<strong>de</strong> l’ordre confère un « pouvoirsacré pour former et conduirele peuple sacerdotal » (P.O. n° 2). Etcomme tout le paragraphe l’explicite,il s’agit directement <strong>de</strong>s évêques,et ensuite <strong>de</strong>s prêtres en tantqu’ils sont les “collaborateurs <strong>de</strong> l’Ordreépiscopal”. On comprend, danscette optique, que sacrer sans mandatpontifical et contre l’aval du paperevient à donner une juridictionque seul le pape peut donner, c’estfaire là un acte schismatique…II.2 Conséquences liturgiquesD’un point <strong>de</strong> vue plutôt liturgique,le prêtre est d’abord, nousl’avons vu, un prési<strong>de</strong>nt avant d’êtreun sacrificateur. Il est là pour pré-23