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journal des auteurs - SACD

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écriture < une société en actionlà uniquement de théâtre, qu’il s’agissait de fabriquer dans cepetit lieu clos non pas de futurs spectateurs pour théâtre adulte,mais de fabriquer <strong>des</strong> citoyens capables, malgré leurs différencesd’origine, de culture, de religion, de rire, de s’émouvoir, de pleurer,coude à coude, ensemble, d’une seule voix.Voilà. Le théâtre pour la jeunesse m’apparut soudain comme unefomidable machine à fabriquer <strong>des</strong> citoyens libres et égaux endroit. Le Petit Violon fut ensuite créé en français par la compagnieAm Stram Gram de Genève, dans une magnifique et très poétiquemise en scène. C’est ainsi que je suis devenu, sans y penser,sans l’avoir voulu ni souhaité, un auteur « jeune public ». Un anou deux après, il y eut en France <strong>des</strong> élections présidentiellesavec au deuxième tour une finale inédite : Chirac/Le Pen. Lorsde la manifestation, forcément unitaire, entre les deux tours– je pense que c’était un premier mai – manifestation contre lefascisme, la dictature, l’intolérance, etc, etc, je suis resté à lamaison et j’ai écrit Marie <strong>des</strong> grenouilles que j’ai qualifiée sanspeur ni reproche de « pièce antifasciste pour enfants ». C’est enécrivant Marie <strong>des</strong> grenouilles cet après-midi là que je m’aperçusqu’écrire pour la jeunesse ne me posait aucun problème, et qu’aucontraire je ressentais une liberté, une joie, une insouciance quasiinédites. Il suffisait d’y avoir un peu pensé avant de se mettre àtable, avec appétit disons, et de se laisser aller, tout venait, toutcoulait de source.Aujourd’hui j’en suis à ma septième, toutes éditées dans lamagnifique collection Heyoka Jeunesse chez Actes Sud. Septpièces dites « pour la jeunesse » qui me paraissent refléterles mêmes préoccupations, aborder les mêmes thèmes quemes pièces dites « pour adultes ». Ce qu’il y a de profondémentdifférent, outre cette liberté, cette allégresse, cette énergie quenous communiquent les enfants, c’est cette sensation d’êtrenécessaire, attendu, espéré. Avant même que vos pièces soientreprésentées, dès la parution disons, elles circulent, les enfantset leurs maîtres s’en emparent, les lisent et les jouent en classe,vous recevez les lettres, <strong>des</strong> questions, <strong>des</strong> <strong>des</strong>sins, <strong>des</strong> conseils,<strong>des</strong> recommandations – « Continue, tu vas finir par être connu »m’écrivit un jour un jeune lecteur de dix ans – certaines classesvous envoient <strong>des</strong> suites, ou même de nouvelles fins. Aprèsquarante-cinq ans d’écriture assidue pour <strong>des</strong> spectateurs, <strong>des</strong>metteurs en scène, <strong>des</strong> directeurs et <strong>des</strong> critiques, repus, blasés,submergés, baillant d’avance à l’idée de voir ou de lire un de vosouvrages, écrire pour la jeunesse me paraît non seulement unesorte de récréation mais surtout une activité – peu lucrative il estvrai – d’utilité publique.Au-delà <strong>des</strong> enfants, j’ai découvert <strong>des</strong> <strong>auteurs</strong> magnifiquesécrivant pour la jeunesse d’authentiques chefs d’œuvre de théâtre.Je n’en citerai que trois que j’aime et admire particulièrement :L’Ogrelet, de Suzanne Lebeau, Le Pays de rien, de Nathalie Papin,et La Révolte <strong>des</strong> couleurs, de Sylvie Bahuchet. Trois pècesd’aujourd’hui, parlant du monde d’aujourd’hui, à <strong>des</strong> enfantsd’aujourd’hui. Moi, je ne sais pas si je vais continuer à écrire pourPinocchio de Joël Pommerat, d’après Carlo Collodila jeunesse, sept me paraît un bon chiffre. Sept pièces comme lessept nains de Blanche Neige, les sept femmes de Barbe Bleue,les sept d’un coup du Petit Tailleur, les sept fils enfin <strong>des</strong> pauvresbûcherons, sans oublier les sept malheureuses filles de l’ogre.En guise de conclusion – soyons cuistre – je ne peux que conseilleraux pouvoirs publics, à l’éducation nationale, aux responsables detous poils, de rendre obligatoire, comme en Angleterre, ne seraitcequ’une année, la création par tous les théâtres subventionnésde la République, quelle que soit la taille de leur salle ou de leursubvention, d’au moins une œuvre inédite pour la jeunesse. Lereste, le plaisir, la joie, la liberté, l’invention, suivront, et même,avec un peu de chance, qui sait, la fabrique de citoyens se mettraà fonctionner et à porter ses fruits.À NOTER >Jean-Claude GrumbergCet article est publié avec l’aimable autorisationde Micheline Attoun et Lucien Attoun.L’écriture théâtrale pour le jeune public attire aujourd’hui denombreux <strong>auteurs</strong> tels que Catherine Anne, Philippe Dorin,Joël Jouanneau, Yves Lebeau, Sylvain Levey, Fabrice Melquiot,Joël Pommerat, Olivier Py, Karin Serres, Luc Tartar, CatherineZambon...Des Maisons d’éditions comme Actes Sud, L’École <strong>des</strong> Loisirs,Théâtrales n’hésitent pas à accueillir ces <strong>auteurs</strong> dans leurscatalogues, favorisant ainsi la circulation de ces textes.À signaler la sortie d’un guide-annuaire jeune public,Le Piccolo, édité par La Scène, 514 pages, 35 €Elisabeth Carecchio11

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