Expérience d’ailleurs : Nouvelles <strong>rural</strong>itésà l’horizon 2030Présentation <strong>de</strong> Lisa Gauvrit, INRA Unité ProspectiveL’étu<strong>de</strong> <strong>de</strong> l’INRA constate une évolution <strong>de</strong>s espaces rurauxsoumis à une forte recomposition ce qui doit induire<strong>de</strong> nouvelles conceptions <strong>de</strong> ces espaces. « Les définitionsmême <strong>de</strong> la <strong>rural</strong>ité sont aujourd’hui multiples », remarqueLisa Gauvrit, chargée <strong>de</strong> mission à l’INRA et l’une <strong>de</strong>s rédactricesdu dossier finalisant l’étu<strong>de</strong>. La notion <strong>de</strong> <strong>rural</strong>itédoit-elle renvoyer à la <strong>de</strong>nsité <strong>de</strong> population, au paysage, auxrelations avec les <strong>ville</strong>s? Les représentations <strong>de</strong>s <strong>campagne</strong>sen France sont très variées : notions <strong>de</strong> désert, <strong>de</strong> nature, <strong>de</strong>terroir, <strong>de</strong> patrimoine, <strong>de</strong> qualité <strong>de</strong> vie,…À la base du travail <strong>de</strong> l’INRA, il y a « une volonté <strong>de</strong> se décentrer<strong>de</strong> l’agriculture pour se consacrer à l’ensemble dumon<strong>de</strong> <strong>rural</strong> », précise Lisa Gauvrit.10
Quatre scénarios envisagésSur ces préalables, quatre scénarios ont été envisagés :• Le premier scénario est celui du triomphe <strong>de</strong> l’urbanisation avec une périurbanisation <strong>de</strong>s <strong>campagne</strong>s périphériques.On trouve ici une intense mobilité quotidienne <strong>de</strong>s individus, un tissu urbain discontinu et une gran<strong>de</strong>fragmentation <strong>de</strong> l’espace. C’est le scénario <strong>de</strong> la gestion <strong>de</strong>s espaces ruraux par défaut, celui aussi <strong>de</strong> la gentrification(ndlr : réhabilitation physique <strong>de</strong> certains quartiers et le remplacement <strong>de</strong> leur population par <strong>de</strong>scatégories plus aisées) <strong>de</strong> certains secteurs et <strong>de</strong> la ségrégation sociale.• Le <strong>de</strong>uxième scénario est celui <strong>de</strong> la <strong>campagne</strong> intermittente, <strong>de</strong> la nomadisation <strong>de</strong>s individus entre <strong>ville</strong>s et<strong>campagne</strong>s. Il est rendu possible dans une société aux réseaux <strong>de</strong> transport développés qui valorise certains espacesruraux dans une logique d’attractivité. C’est aussi le scénario du risque <strong>de</strong> conflit d’usage entre les usagerstemporaires et permanents <strong>de</strong>s zones <strong>rural</strong>es.• Le troisième scénario est celui <strong>de</strong> la verticalisation <strong>de</strong>s <strong>ville</strong>s. L’augmentation importante du coût <strong>de</strong>s transportsdû à l’augmentation <strong>de</strong>s prix énergétiques y limite la mobilité et oblige à construire la <strong>ville</strong> sur la <strong>ville</strong>. Les <strong>campagne</strong>sse désertifient et sont au service <strong>de</strong> la <strong>de</strong>nsification urbaine. C’est le scénario dans lequel le risque <strong>de</strong>chute <strong>de</strong> la qualité <strong>de</strong> vie est le plus évi<strong>de</strong>nt.• Le quatrième scénario est celui <strong>de</strong> l’équilibre, <strong>de</strong> la diversité <strong>de</strong>s territoires avec une étroite association entrela <strong>campagne</strong> et la <strong>ville</strong>. L’économie territoriale est équilibrée, les activités diversifiées. C’est aussi le scénario durisque démographique <strong>de</strong> voir le déclin ou le vieillissement <strong>de</strong> certaines zones.Le coût <strong>de</strong>s transports au cœur du débatIl ressort <strong>de</strong> ces quatre scénarios que le mouvement <strong>de</strong> périurbanisation actuel ne peut durer que dans le cas où,d’une part, les coûts énergétiques (et donc ceux <strong>de</strong>s transports) restent modérés, et où, d’autre part, les espacesruraux continuent à être gérés par défaut.Il apparait également que le risque <strong>de</strong> conflits d’usage et <strong>de</strong> voisinage est important si la présence <strong>de</strong> rési<strong>de</strong>nts intermittentsentraîne une recomposition <strong>de</strong>s territoires ruraux (<strong>de</strong>uxième scénario). Dans ce cas, la gouvernance territorialeest hybri<strong>de</strong>. Elle peut « soit privatiser l’usage <strong>de</strong>s espaces ruraux au bénéfice <strong>de</strong> certains groupes ou réseauxsociaux, soit stimuler l’attractivité par <strong>de</strong>s politiques publiques dynamiques, en partenariat avec les acteurs locauxet en concertation avec les pouvoirs métropolitains », notent les auteurs <strong>de</strong> l’étu<strong>de</strong>.La place <strong>de</strong>s petites <strong>ville</strong>s et <strong>de</strong>s bourgs ruraux est également pensée dans le cadre <strong>de</strong> l’émergence d’un maillaged’espaces ruraux et <strong>de</strong> réseaux <strong>de</strong> <strong>ville</strong>s (quatrième scénario). En limite <strong>de</strong> périurbanisation, les bourgs font preuve<strong>de</strong> dynamisme. Le réseau <strong>de</strong>s petites <strong>ville</strong>s permet une multipolarité et une répartition équilibrée <strong>de</strong>s populations.Deux tendances principalesEnfin, plusieurs types d’interactions entre les diverses formes urbaines et les <strong>campagne</strong>s sont possibles. Deux tendancesapparaissent.• Dans la première, les <strong>campagne</strong>s subissent le poids <strong>de</strong>s <strong>ville</strong>s. C’est le cas du premier scénario et surtout du troisième,où les espaces ruraux se spécialisent en fonction <strong>de</strong>s productions nécessaires aux métropoles.• La secon<strong>de</strong> tendance est celle d’un équilibre <strong>de</strong>s relations <strong>ville</strong>/<strong>campagne</strong> et d’une complémentarité bien gérée.Le <strong>de</strong>uxième scénario envisage une muti-appartenance <strong>de</strong>s individus, ce qui permet la singularisation <strong>de</strong>s territoiresruraux (patrimoine, styles <strong>de</strong> vie). Le quatrième scénario montre, quant à lui, une gran<strong>de</strong> complémentaritéentre la <strong>ville</strong> et la <strong>campagne</strong>.Il ressort <strong>de</strong> l’étu<strong>de</strong> que les leviers économique et énergétique sont <strong>de</strong>s facteurs essentiels <strong>de</strong> l’évolution. Mais lamise en place <strong>de</strong> l’un ou l’autre <strong>de</strong> ces scénarios dépend aussi du type <strong>de</strong> gouvernance. « Les politiques publiques àvenir sont donc fondamentales, mais aussi les actions territoriales », conclut Lisa Gauvrit.11