Interview <strong>de</strong> Luc MARECHAL« La terre est un bien rare qu’il faututiliser avec parcimonie »(une interview <strong>de</strong> Benoît VIGNET)Extraits du Magazine Ruralités n°6Au départ maître <strong>de</strong> conférences en sciences économiques,Luc Maréchal se spécialise dans l’aménagement du territoire.Dès le début, il privilégie une approche transversale<strong>de</strong> la question. Il a été notamment Inspecteur général <strong>de</strong>l’aménagement territorial et <strong>de</strong> l’urbanisme, puis Directeurgénéral à la Direction générale <strong>de</strong> l’aménagement du territoire,du logement, du patrimoine et <strong>de</strong> l’énergie (DGAT-LPE). Il défend une politique <strong>de</strong> limitation <strong>de</strong> l’expansionurbaine, celle-ci étant susceptible <strong>de</strong> détruire aussi bien la<strong>campagne</strong> que la <strong>ville</strong>, en l’affaiblissant.Quel regard portez-vous sur la situation actuelle dudéveloppement territorial ?Luc Maréchal : Aujourd’hui, on gère une fin <strong>de</strong> cycle auniveau <strong>de</strong> la structuration du territoire. Ce cycle correspondà peu près au Trente Glorieuses. C’est un cycle finissant,mais l’exurbanisation continue. L’enjeu actuelest <strong>de</strong> savoir comment passer à une nouvelle phase dudéveloppement. C’est un moment crucial, laisser faireles choses risque d’introduire un certain désordre qui vaaugmenter les coûts sociaux et les disparités territoriales.Les plans <strong>de</strong> secteurs ont eu pour effet <strong>de</strong> limiter la dispersion,d’accroître la consommation <strong>de</strong> terres agricoles.Ils permettent encore beaucoup trop, mais la situationaurait pu être pire.Quelles politiques peuvent être mises en place ?L.M. :Dans un premier temps, il faut stopper l’étalementurbain, arrêter avec l’idée qu’en Wallonie, les terrainssont disponibles sans limite. La terre est un bien rare, ilfaut l’utiliser avec parcimonie.Ensuite, il faut mettre en place une articulation entre lespolitiques <strong>de</strong> mobilité et <strong>de</strong> localisation. Cette action esturgente, à instaurer dès maintenant. Il faut se rappelerqu’il faut une génération pour que les effets soient visibles,s’inscrivent dans le sol.Par ailleurs, j’aime bien le terme d’alliances tel qu’il estutilisé dans l’étu<strong>de</strong> suisse. C’est une notion riche qui implique<strong>de</strong>s projets, <strong>de</strong>s objectifs. Cela entraîne aussi <strong>de</strong>sprocessus <strong>de</strong> négociation, <strong>de</strong>s pério<strong>de</strong>s <strong>de</strong> travail déterminées,<strong>de</strong>s changements possibles au cours du temps ;c’est une notion très démocratique, dans laquelle je meretrouve.Un système <strong>de</strong> péréquation, par exemple, pourrait êtreenvisagé dans certaines zones. Si l’on prend l’exempledu Pays <strong>de</strong> Herve, c’est une zone <strong>rural</strong>e située au centre<strong>de</strong> <strong>ville</strong>s plus ou moins importantes comme Liège, Maastricht,Aix-la-Chapelle et Verviers. Ce territoire pourraitêtre préservé et constituer une zone <strong>de</strong> loisirs et <strong>de</strong>détente pour les habitants <strong>de</strong>s <strong>ville</strong>s environnantes. Ceservice rendu aux urbains <strong>de</strong>vrait être compensé par unretour financier.Quel état d’esprit vous inspire l’époque actuelle ?L.M. :Je suis optimiste, quoique luci<strong>de</strong>. Je sens encoretrop <strong>de</strong> conservatisme, d’îlots <strong>de</strong> sensibilités différentes.Il est important <strong>de</strong> se mettre autour d’une table et <strong>de</strong>discuter, <strong>de</strong> défragmenter les milieux politiques et administratifs.Encore une fois, on est à une bifurcation, il faut faire <strong>de</strong>schoix. La difficulté est <strong>de</strong> continuer à penser l’évolutiondu territoire même si d’autres sujets peuvent détournerl’opinion et les hommes politiques, comme l’évolution<strong>de</strong> l’État belge par exemple. Mais qu’on le veuille ou non,les problèmes seront toujours là et auront continué àévoluer.Aller plus loin ...• Le Co<strong>de</strong> <strong>wallon</strong> <strong>de</strong> l’aménagement du territoire, <strong>de</strong> l’urbanisme et du patrimoine - Un Co<strong>de</strong> <strong>de</strong> bonnepratique ... pour l’action (1) - Présentation du versant aménagement et urbanisme par Luc MARECHAL-----> http://www.<strong>wallon</strong>ie-en-ligne.net/Wallonie_Environnement/CWATUP.htm• Les publications <strong>de</strong> la Conférence Permanente pour le <strong>Développement</strong> Territorial-----> http://cpdt.<strong>wallon</strong>ie.be/• Le site <strong>de</strong> la DGO4 - Aménagement du territoire, Logement, Patrimoine et Energie-----> http://mrw.<strong>wallon</strong>ie.be/dgatlp/dgatlp/• Séminaire <strong>de</strong> prospective territoriale dans le cadre du programme ESPON-ORATE----->http://mrw.<strong>wallon</strong>ie.be/DGATLP/DGATLP/Pages/DGATLP/PagesDG/DescrPublications/HorsCollec/Prospective_territoriale_espon.asp8
Expérience d’ailleurs : Une Suisse <strong>de</strong>salliances <strong>ville</strong>-<strong>campagne</strong>Extraits du rapport URBAPLAN (juillet 2006)L’office fédéral du développement territorial, après avoirpublié son projet <strong>de</strong> territoire : une Suisse dynamiqueet solidaire (Rapport 2005 sur le développement), a <strong>de</strong>mandéà trois bureaux d’étu<strong>de</strong> en aménagement du territoireen Suisse (ERR, Metron, urbaplan) <strong>de</strong> développerun projet <strong>de</strong> territoire alternatif. Cette <strong>de</strong>man<strong>de</strong> s’inscritdans l’initiative du département fédéral <strong>de</strong> l’environnement,<strong>de</strong>s transports, <strong>de</strong> l’énergie et <strong>de</strong> la communication(DETEC) d’établir jusqu’en 2008 un projet <strong>de</strong> territoirepour la Suisse, en collaboration avec les cantons etles communes.Une Suisse <strong>de</strong>s alliancesLes alliances entre territoires sont le moteur <strong>de</strong> la Suisse<strong>de</strong> <strong>de</strong>main. Cette vision est opposée à la conception traditionnelle<strong>de</strong> la Suisse <strong>de</strong>s cantons et <strong>de</strong>s communes,mais aussi à <strong>de</strong>s conceptions plus récentes comme celled’une «Suisse <strong>de</strong>s régions».La complexité territoriale, la multitu<strong>de</strong> et la superposition<strong>de</strong>s liens fonctionnels ou encore les différencesd’échelle <strong>de</strong>s problématiques ren<strong>de</strong>nt impossible la définitiond’un découpage institutionnel parfait. Le principe<strong>de</strong>s alliances entre territoires offre la flexibilité <strong>de</strong> l’adapterà chaque problématique pour formuler un projet.Complémentarités <strong>ville</strong> - <strong>campagne</strong>Le couple «<strong>ville</strong>-<strong>campagne</strong>» désigne une forte interdépendanceentre <strong>de</strong>ux types <strong>de</strong> territoires avec <strong>de</strong>s potentielsdifférents mais complémentaires. Dans ce sens,la «<strong>ville</strong>» est définie comme un espace à dominante bâtieet économique, tandis que la «<strong>campagne</strong>» est un espaceà dominante non bâtie et paysagère. Des couples«<strong>ville</strong>-<strong>campagne</strong>» se trouvent à toutes les échelles duterritoire (local, intercommunal, interrégional) et ils sechevauchent. Dans le projet «Une Suisse <strong>de</strong>s alliances<strong>ville</strong>-<strong>campagne</strong>», l’accent est mis sur la complémentarité<strong>de</strong>s potentiels entre <strong>ville</strong>s et <strong>campagne</strong>s. En effet, ils’agit là d’échanges vitaux entre espaces producteurs etconsommateurs qui, sens selon le point <strong>de</strong> vue, s’effectuentdans les <strong>de</strong>ux sens (richesses économiques, culturelles,naturelles).Le projet <strong>de</strong> territoire «Une Suisse <strong>de</strong>s alliances <strong>ville</strong><strong>campagne</strong>»se propose comme alternative dans le débatpolitique actuel qui tend à polariser entre <strong>ville</strong> et <strong>campagne</strong>,tendance qui s’exprime aussi dans les politiquesfédérales (cf. politique <strong>de</strong>s agglomérations, nouvellepolitique régionale). Le projet part du diagnostic territorialactuel qui a amplement mis en évi<strong>de</strong>nce l’interpénétration<strong>de</strong>s espaces urbains et <strong>de</strong> leur environnement(«Zwischenstadt», «Stadt-Land-Schweiz»), en présentantune vision basée sur une alliance <strong>de</strong> territoires distinctsfondée sur leur complémentarité.Outre les alliances <strong>ville</strong>-<strong>campagne</strong>, <strong>de</strong>s alliances doiventégalement être développées et renforcées entre les<strong>ville</strong>s et entre les <strong>campagne</strong>s. Même si ces alliances sontmoins mises en évi<strong>de</strong>nce par le projet car plus acquisespar le discours urbanistique et politique en Suisse, ellesne sont pas moins importantes.Le rapport complet d’Urbaplan est disponible via :h t t p : / / w w w. a r e . a d m i n . c h / t h e m e n / r a u m p l a -nung/00228/00274/03169/in<strong>de</strong>x.html?lang=fr9