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Actes Diversité8 - propedia

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« Développement humain et développement durable au Cameroun. Le vivre-ensemble à lacroisée des chemins, entre diversité et replis identitaires » L. R. Kemayou (Université deDouala)………………………………………………………………………………………157« Manager la diversité dans le monde du travail :La gestion des cadres étrangers dans lesentreprises Françaises » Farés FOUAD (IAE de Corse )……………………………………………...….183« Développement d’un Management International des Ressources Humaines Responsable auMaroc via l’intégration des connaissances développées à l’étranger » Abdelkarim YAOU (IAE deCorse)……………………………………………………………………………………………………………194Atelier 4 : Faire vivre la diversité………………………………………………………………………………………209« Couple à double carrière : Une catégorie spécifique des salariés ? » Chafik BENTALEB etAsmaa FARAH (Université de Marrakech)…………………………………………………210« Perception de la diversité au sein d’un grand groupe financier Ou Comment lescollaborateurs vivent-ils la diversité mise en œuvre au sein de leur entreprise ? » LidwineMAIZERAY (Paris II Panthéon-Assas) et Armelle SCIBERRAS (crédit agricole)………...222« La grande firme à l’heure du néo-fordisme : Valorisation de la diversité ou normalisation descomportements ? » Amélie Seignour et Florence Palpacuer (Université Montpellier1………………………………………………………………………………………….…234Atelier 5 : Recrutement et intégration des personnes en situation d‘handicap……………………………..247« Quelle d’une démarche « diversité en entreprise » pour réussir l’intégration des personnesen situation de handicap au Maroc ? » Hasnaa ALAMI (Université Chouaib Doukkali) et Khadija ELMAHJOUBI (ENCG El Jadida)…………………………………………………………………………………248«Insertion des personnes en situation de handicap dans l’enseignement supérieur : cas d’uneécole de management » Sana HENDA et Nathalie BERTIN BOUSSU (ESC Amiens)……262Atelier 7 : Autres regards sur les diversités…………………………………………………………………………276 « La simplicité volontaire, un concept peu exploré en marketing » Arwa YAZIDI et OlfaBOUFATH (IAE de Lille)……………………………………………………………………………………….277 « L’impact de l’information contre-attitudinale sur le scepticisme » Anis CHTOUROU (IAEdeLille)……………………………………………………………………………………...….290 « Un Hiver pas comme les autres : approvisionnement local en fruits et légumes des Restos duCœur 34, Campagne 2011-2012 » Olivier LAURO (MIN), Jean François BALLET(Mercadis), Alain CRINIER, Françoise VEZINHET, Matthias FATTET (Restos du cœur) etDominique PATUREL (INRA Montpellier)………………………………………………...3022


La diversité dans l’apprentissage des sciences de gestion: Une expérience interdisciplinaired’utilisation des médias sociaux » Marcos LIMA (EM Léonard de Vinci) et Thierry FABIANI(Université de Corse)………………………………………………………………………462Atelier 12: Diversité(s), altérité et conflit(s)………………………………………………………………………….474 « L’altérité, facteur de développement des connaissances et de renouveau du management »Michelle DUPORT (Université Montpellier 3)……………………………………………...475 Les tensions dans la relation d’emploi des cadres logistiques seniors face au culte de laperformance » Marc VALAX (IAE de Lyon)……………………………………………………………. 491 « Une diversité de pressions pour les responsables : L’art de dénouer les nœuds ennégociation » Alain LEMPEREUR (Université de Brandeis et Harvard Law School, Boston,USA)………. ………………………………………………………………………………………………. 508« L’expatriation comme outil de transfert de compétences et de savoir-faire ? Regards croisésd’expatriés et de cadres locaux de filiales multinationales en Tunisie » Yassine SLAMA(Université de Tunis/ESSEC Tunis) et Nathalie MONTARGOT (Université Cergy-Pontois)……………………………………………………………………………………....524Atelier 13: Enjeux et risques de la diversité……………………………………………………………………….537 « RISQUES ET LIMITES DE LA DIVERSITE » Luc BOYER (IAE de Caen) et George-Axelle BROUSSILLON MATSCHINGA (L’Oréal)……………………………………..…538 « Le rôle des tactiques individuelles d’intégration dans la Socialisation organisationnelle :Essai de modélisation, Cas des Entreprises au Maroc » Omar El AMILI (EST Berrechid)...543Atelier 14 : diversité et PME…………………………………………………………………………………………….557« La diversité des caractéristiques des PME et leur effet sur L’Internationalisation et lesmoyens de mesure de la performance »Abderrahman JAHMANE et Donia JLASSI (IAE deLille)...................................................................................................................................................558« Travailler ensemble » dans l’artisanat du bâtiment : De la diversité des profils d’artisans auprojet entrepreneurial collaboratif » Isabelle CALME et Marion POLGE (Université Montpellier1)………………………………………………………………………………………………………………...5784


Diversité(s), RSE et solidaritéSoufyane FRIMOUSSE et Jean Marie PERETTILes premières « Rencontres internationales de la diversité » ont été organisées en2005. Depuis cette date, le management de la diversité est devenu un thème majeur pourles organisations et pour les chercheurs. Les organisations à travers le monde sont de plusen plus nombreuses à mettre en œuvre une politique de diversité (ou des diversités) et àdévelopper des pratiques en faveur de l’égalité des chances et de la non discrimination.Depuis huit ans ces rencontres permettent de faire le point des connaissancesrelatives au management de la diversité et contribuent à la reconnaissance de la diversité etdes diversités. Après les rencontres de 2005 consacrées aux « défis de la diversité »,celles de 2006 ont mis en valeur les « richesses de la diversité » pour les organisationsqui choisissaient de mettre en place une politique de diversité. Pour que la diversité soitsource de richesse (s), il faut mettre en œuvre les démarches et les pratiques appropriéespour « Réussir la diversité ». Ce fut le thème des rencontres de 2007. Une fois lancé lespolitiques et les pratiques, il faut en assurer la pérennité quel que soit le contexte et mêmedans les périodes de crise. Pour les quatrièmes rencontres en 2008 « Faire vivre ladiversité » fut le thème retenu. Pour sa cinquième édition, les «Rencontres Internationalesde la Diversité» avaient été l’occasion de dresser un premier bilan des politiques et desinitiatives menées (« Diversité : premier (s) bilan (s) »). Connaître et reconnaître la et lesdiversités est un objectif partagé par de nombreuses entreprises qui s’inscrivent dans ladynamique de connaissance et de reconnaissance de la diversité. Que reconnaître ? Quireconnaît ? Comment reconnaître ? Les sixièmes rencontres ont dont été centrées autour dece thème : « (Re) connaître la (les) diversité (s) ». Les débats ont été très riches et ontpermis d’élargir le champ des échanges à toutes les sources de diversité. Il est apparunécessaire d’élargir les échanges au niveau international et les septièmes rencontres furentconsacrées à « diversité(s) : aperçu international ».Ces sept premières rencontres ontconnu un vif succès et le nombre de participants, universitaires et professionnels, n’a cesséde progresser.Chaque édition des Rencontres Internationales de la Diversité a aussi permis, àtravers les témoignages et la remise de trophées de la diversité dès la deuxième édition,de découvrir les entreprises les plus avancées dans la lutte pour l’égalité des chances, lanon discrimination et la gestion de la diversité et qui ont su ancrer la promotion de ladiversité dans les pratiques RH et managériales. 200 à 350 personnes ont participé àchaque édition et ont réellement vécu la diversité : diversité des présentations, d’une grandequalité académique et des témoignages vivant d’entreprises exemplaires, diversité despolitiques, des hommes de médias, des responsables syndicaux, associatifs etprofessionnels. Chaque année, les interventions passionnées et passionnantes des DRH,PDG ou directeurs de la diversité des entreprises nominées et lauréates des trophées ontséduit le public et ont répondu aux multiples questions des participants. Le succès destrophées de la diversité confirment également l’importance de cette thématique. Chaqueannée des exemples de qualité ont été retenus par le jury d’expert, composé des membresde l’AGRH, de l’IAS, de l’IMS entreprendre pour la cité, de l’AFMD, de l’ADERSE, del’ANACT, de l’ANDRH, de l’ESSEC, de la Fondation FACE et de Diversity Conseil. Laprésentation des politiques mises en œuvre a particulièrement intéressé le public et nourri deriches échanges. Les entreprises et les organisations souhaitent également connaître les5


meilleures politiques en Europe et dans le monde, les grappes de bonnes pratiques dans cedomaine et les innovations actuelles. Les entreprises souhaitent être reconnues commesocialement responsable en plaçant l’Homme au cœur de leurs préoccupations. La qualitédes candidatures pour les trophées remis lors des rencontres illustre les progrès dumanagement des diversités et la professionnalisation croissante de la fonction « diversité »dans les organisations.En 2012, les 8èmes Rencontres se déroulent pour la première fois hors de Corte,dans le cadre de Mazagan au Maroc. Lorsqu’en septembre 2011, Abdelilah JENNANE aproposé la candidature du Maroc pour l’organisation des rencontres 2012, cette perspectivefut accueillie avec enthousiasme et la décision fut rapidement prise et validée. Le thèmeretenu « Diversité(s), RSE et solidarité » souligne la place croissante que le managementdes diversités occupe au sein des politiques et des pratiques de Responsabilité Sociétale(RS). Le titre relie deux valeurs clés du développement durable : « solidarité » et« diversités ».L’appel à communication des 8èmes Rencontres Internationales de la Diversité acette année encore rencontré un vif succès avec plus de 45 communications retenues. Desactes particulièrement denses et de grande qualité rassemblent les résultats des principalesrecherches menées aujourd’hui sur le thème de la diversité. Que tous les communicants quiont choisi de s’intéresser à ce thème à forts enjeux soient ici remerciés. Ces actes deshuitièmes rencontres ont l’ambition de favoriser les échanges et les réflexions sur lesstratégies de management de la diversité dans le cadre de la RSE. Les RencontresInternationales de la Diversité permettent de renforcer les liens entre chercheurs etpraticiens. L’objectif est d’apporter des éclairages pour les décisions managériales etl’élaboration de politiques. Si ces actes et les deux journées de rencontres y contribuent, lespromoteurs de ces rencontres auront fait œuvre utile.Le travail des membres du Comité Scientifique, animé par Soufyane FRIMOUSSE etprésidé par les professeurs Jacques ORSONI et Jean Marie PERETTI, dans une périodechargée et aussi, pour certains, pendant leurs vacances, a été considérable. Qu’ils trouventici l’expression de nos remerciements. Ces actes n’auraient pu être édités sans l’implicationet le professionnalisme de l’association « Défis de la diversité » animée par BertrandTHIBAULT du CPIE « A Rinascita » et de ses partenaires, l’AFMD, l’AINF-Cercle Entrepriseet Santé, Capital Consulting et Toulouse Business School. Qu’ils trouvent ici notrereconnaissance pour la qualité du travail accompli.Nous souhaitons tout particulièrement remercier l’IMAS, son président, ChouaibHADOUIRI, son past président Chafik BENTALEB, Hassan CHRAIBI, Hicham ZOUANAT etl’ensemble de nos partenaires qui ont pris en charge l’organisation des « 8 èmes RencontresInternationales de la Diversité » et qui nous ont accordé leur confiance et leur soutien.Nous souhaitons également remercier chaleureusement l’ensemble de nos collèguesenseignants chercheurs de l’AGRH et de l’ADERSE, nos partenaires institutionnels etprofessionnels de l’AFMD, de son président Bruce ROCH et de sa déléguée générale Marie-Christine GABILLAUD-WOLF, de l’ANDRH, de l’IAS, de l’AINF, de l’ISEOR, d’IMSentreprendrepour la cité, de l’ORSE, du Secrétariat de la Charte de la Diversité, de lafondation FACE.Bonne lecture et fructueux échanges6


Les 8 èmes&OrganisentRENCONTRES INTERNATIONALES DE LADIVERSITEMAZAGAN (MAROC) LES 28 & 29 SEPTEMBRE 2012En partenariat avecAFMD (Association Française des Managers de la Diversité),Fondation FACE, AGRH, IAS, ANDRH, ORSE, A compétence égale,AINF - Cercle Entreprise et Santé,ESSEC Business School & Toulouse Business SchoolSous le thèmeDiversité(s), RSE et solidaritéWWW.RENCONTRES-DIVERSITE.COMPROGRAMME PROVISOIRE AU 05 SEPTEMBRE 2012VENDREDI 28 SEPTEMBRE 20128h00 à 9h009h00 à 9H50ACCUEIL ET PETIT DEJEUNER- Ouverture par Chouaib HADOUIRI, Président de l’IMAS, Jean-MariePERETTI, Président « Les défis de la diversité », Jacques IGALENS, Présidentd’honneur de l’AGRH et de l’IAS, Bruce ROCH, président de l’AFMD.- Présentation du cadre légal et institutionnel de la diversité au Maroc parDriss EL YAZAMI président du CNDH Maroc et M’hamed SEGAME (Avocat etUniversitaire).- Présentation de la politique d'accueil, d'intégration, de lutte contre lesdiscriminations mise en place par la France par Patricia RENOUL, Sousdirectrice de l’accueil à la DAIC (Direction de l’accueil, de l’intégration et de laCitoyenneté, Ministère de l’intérieur).7


9h50 à 11h15agir !TABLE RONDE I : Le concept de diversité : éclairer pour mieux11h15 à 11h30 : PAUSE CAFEPrésidée par Abdelkrim Guergachi, Président de l’AGEF, DRH de la BMCI.Animée par Bruce ROCH, président de l’AFMDAvec Sylvie SAVIGNAC, (Directrice Diversité et égalité des chances, La Poste),Helène GARNER-MOYER (Université Paris I Panthéon Sorbonne), Abdel-IlahJENNANE (AMALIPH, Association Marocaine pour L'Insertion Professionnelledes Handicapés), Marie-Paule ISTRIA (MPI Conseil), Chouaib HADOUIRI(Président de l’IMAS) et Mounir EL BARI (AQM et Administrateur DirecteurGénéral de GPC & Aïn Soltan)11h30 à 13h00 Symposium et AteliersSymposium 1 : La femme à la conquête des instances de gouvernanceCo présidé par (à préciser) & une Sylvie BRUNET, Vice présidente de l’ANDRH, membre du Conseiléconomique, social et environnemental.Animé par un Hassan CHRAIBI (IMAS)Avec Safia HAZZAZ, (DRH Tractafric et secrétaire générale de l’IMAS), Elena MASCOVA, (Responsable desétudes AFMD), Oumnia BOUCETTA, (Directrice Développement Industriel au Ministère de l’Industrie et duCommerce), Leila MIYARA (Présidente de l’AFEM) (à confirmer), Salima AYOUCHE, (Vice présidente AQM etDirectrice Qualité, Groupe Attijariwafa) et Viviane de BEAUFORT (ESSEC Business School).Symposium 2 : Comment former les managers et futurs managers au management de ladiversitéCo présidé par Marc THEPOT, Vice président du directoire RISMA & Fréderic DIETZ (ESSEC ExécutiveEducation)Animé par Hervé BERAUD (DRH USG France)Avec Frédérique POGGI, Directrice Diversité du groupe ACCOR, Bruce ROCH, Président AFMD et DirecteurRSE ADECCO Groupe France, Alain GAVAND (A compétences égales), Marie DELMONT (MPI), MohamedBACHIRI (Past Président de l’AGEF, DRH Groupe Renault au Maroc)Symposium 3 : Dialogue social et diversitéCo-présidé par Chafik BENTALEB (Past Président de l’IMAS) et Ali BOUFOUS (Universitaire)Animé par François FATOUX (ORSE)Avec Helène GARNER-MOYER (Université Paris I Panthéon Sorbonne), Miloudi MOUKHAREK (UMT), unreprésentant de l’UNMT, Hicham ZOUANAT (Vice président de la commission sociale de la CGEM, DRHCentrale Laitière) et un représentant de la FDT.Atelier 1 : Diversité(s) et Responsabilité sociétale de l’entrepriseCo-présidé par Zahir YANAT (professeur BEM et Vice-président ADERSE) et Anne-Marie de VAIVRE (IAS etCercle Entreprises et Santé)Animé par Assya KHYAT (Université d’Oran)Avec Véronique ALLEGAERT et Gurvan BRANELLEC (ESC Bretagne Brest), Anne Marie FRAY (ESCEMTours/Poitiers), Olivier BACHELARD (ESC Saint Etienne), Laurence THERY (CESTP ARACT) & ChristianGOUX (Université de Bourgogne / Personnance), Béchir BENLAHOUEL (Université de Corse) et PhilippeVOGIN (Renault Corp.)Atelier 2 : Diversité de genre et égalité professionnelle Femme/HommeCo-présidé par (à préciser) et Aline SCOUARNEC (Université de Caen et ESSEC Exécutive Education)Animé par Marie-Paule ISTRIA (MPI Conseil)Avec Sabrina TANQUEREL (EM Normandie), Sophia BELGHITI-MAHUT et Isabelle BARTH (EM Strasbourg),Anne-Laurence LAFONT, Angélique RODHAIN et Florence RODHAIN (Université Montpellier 2/ UniversitéMontpellier 3), Doha SAHRAOUI-BENTALEB (Université Privée de Marrakech) et Taja MAAD (Renault Maroc).Atelier 3 : Management des diversités culturellesCo-présidé par Brahim TEMSAMANI (EHECT, Tanger) et par Marc VALAX (IAE de Lyon)Animé par Soufyane FRIMOUSSE (IAE de Corse)Avec Farid CHAOUKI et Imane CHARHADDINE (Université de Marrakech), Désiré LOTH (Université deGrenoble 3), Louis Roger KEMAYOU (Université de Douala), Farés FOUAD (IAE de Corse), Abdelkarim YAOU8


(IAE de Corse).Atelier 4 : Faire vivre la diversitéCo-présidé par Alain LEMPEREUR (Université de Brandeis et Harvard Law School, Boston, USA) et RichardDELAYE (Propédia, Université Professionnelle d’Afrique)Animé par Michelle DUPORT (Université de Montpellier)Avec Chafik BENTALEB et Asmaa FARAH (Université de Marrakech), Lidwine MAIZERAY (Paris II Panthéon-Assas) et Armelle SCIBERRAS (Crédit Agricole), Amélie SEIGNOUR (Université Montpellier 2) et FlorencePALPACUER (Université Montpellier 1)13h00 à 14h30 : DEJEUNER14h30 à 16h00 Symposium et AteliersSymposium 4 : Les Seniors et la gestion de fin de carrières ?Co présidé par Hicham ZOUANAT (IMAS) et Kamal FAHMI (IMAS)Animé par Hassan JIOUAD (G2G ADVISOR)Avec Mohamed CHERRAT (DRH Managem), Aziz DEBBAGH (DRH P&G), Hassan CHRAIBI (INGEA et IMAS),Luc BOYER (Management et Avenir)Symposium 5 : La diversité en réseau, de la communauté au Web 2.0 et 3.0Co-présidé par (à préciser) et le professeur Pascal LARDELLIER (Université de Bourgogne)Animé par Bruce ROCH (Président AFMD)Avec Ziryeb MAROUF (Président de l’Observatoire des réseaux sociaux d’entreprises, Directeur applicatifs RHGroupe et réseaux sociaux France Telecom Orange), Marie KHAYAT (Entreprise 2.0 et médias sociaux), ),Mohamed EL BACHIRI (Past- Président de l’AGEF, DRH RENAULT MAROC), Jacques SPELKENS(Responsable du Département Développement des territoires et réseaux RSE, GDF Suez) et expert RNMDANONE (à préciser).Atelier 5 : Recrutement et intégration des personnes en situation d‘handicapCo-présidé par Jean François TRINQUECOSTES (Université de Bordeaux) et Abdelilah JENNANE (AMALIPH(Association Marocaine pour L'Insertion Professionnelle des Handicapés) et Olivier BACHELARD (Directeur ESCSaint Etienne)Animé par Marie-Paule ISTRIA (MPI Conseil)Avec Hasnaa ALAMI (Université Chouaib Doukkali) et Khadija EL MAHJOUBI (ENCG El Jadida), Sana HENDAet Nathalie BERTIN BOUSSU (ESC Amiens),Atelier 6: Diversité, santé et qualité des conditions de vie au travailCoprésidé par Jacques BOUVET (Président de l’AINF- Cercle entreprise et Santé) et Jean François TROGRLIC(OIT)Animé par Anne Marie De VAIVRE (Entreprise et Santé)Avec les professeurs Frédéric TELLIEZ (Directeur de 2iS, Université de Picardie Jules Vernes), et ChakibLARAQUI (Université de Casablanca), Laurence THERY (DG ARACT Picardie), Philippe VOGIN (GroupeRenault), Elena MASCOVA, Responsable des études (AFMD) et Vincent BAHOLET (fondation FACE),Atelier 7 : Autres regards sur les diversitésCoprésidé par Chafik BENTALEB (Université de Marrakech) et Fernando CUEVAS (ESC Pau)Animé par Jamal DIWANY (Président AGEF sud)Avec Arwa YAZIDI et Olfa BOUFATH (IAE de Lille), Anis CHTOUROU (IAE de Lille), Olivier LAURO (MIN),Jean François BALLET (Mercadis), Alain CRINIER, Françoise VEZINHET, Matthias FATTET (Restos du cœur)et Dominique PATUREL (INRA Montpellier).Atelier 8 : Egalité des chances et non discriminationCoprésidé par Mohamed NEJJAM (IMAS) et par Zahir YANAT (BEM Bordeaux)Animé par Catherine TRIPON (Fondation FACE)Avec Amina BENRAISS (Université de Marrakech), Laila BENRAISS et Catherine VIOT (Université Bordeaux 4),Nathalie MONTARGOT (Université de Cergy) et Jean-Marie PERETTI (IAE de Corse), Stéphane LEYMARIE etPascal TISSERANT (Université de Metz), Jacques DIGOUT, Sylvain SENECHAL et Stéphane ROCHARD(Toulouse Business School), Marhane HOLFAHOUI (ESCA Angers).Atelier 9 : Entreprendre au fémininCo-présidé par Viviane de BEAUFORT (ESSEC Business School) et par Eric VATTEVILLE (Université deRouen et ESSCA Angers)Animé par (Anne Marie FRAY (Vice-présidente IAS)Avec Noura SALMAN (Université de Liège), Sana GUERFEL-HENDA (ESC Amiens) et Manal EL ABBOUBI(ESC La Rochelle), Caroline DEBRAY, Agnès PARADAS, Marion POLGE (Université de Montpellier).9


16h00 à 16h30 : PAUSE CAFE16h30 à 18h00 TABLE RONDE II : Pratiques innovantes de management desdiversitésCo-présidée par Jacques IGALENS (Toulouse Business School) et par Hassan CHRAIBI (IMAS)Animée par Jamal BELAHRACH (Président de la commission Emplois et Relations Sociales, CGEM et DGManpower)Avec Philippe POZZO di BORGO (Le second souffle, Les Intouchables), Abderrahim MEZIANI & MeriemIDRISSI KEITOUNI (Crédit Agricole Maroc), Jean-AUVERLAU & Adil CHAOUKI (L’Oréal Maroc), FatimaLAKBILI (COFELY Maroc) & Sabine LUNEL-SUZANNE (GDF-SUEZ), Mohamed BACHIRI (Renault Maroc) etdes représentants des entreprises nominées pour les trophées marocains de la diversité18h00 à 19h00 Cérémonie de remise des “TROPHEES MAROCAINS DE LADIVERSITE” par les membres du Jury.Co-présidée par Philippe POZZO di BORGO (Le second souffle, Les Intouchables) et Driss KADIRIAnimée par Jean Marie PERETTI (IAS), Abdelilah JENNANE (Capital Consulting),Présentation des pratiques innovantes en management des diversités au Maroc, valorisant lesentreprises inclusives pour tous par les représentants des entreprises lauréates;Remise des trophées par les représentants des institutions partenaires.20h00DINER DE GALASAMEDI 29 SEPTEMBRE 20128h309h00 à 10h30 :ACCUEILSymposium et AteliersSymposium 6 : Réhabilitation des handicapés ou personnes à mobilité réduiteCo présidé par Mohamed EL KTAOUI (IMAS) & Mohamed MAKKAOUI (INGEA)Animé par Abdelilah JENNANE (AMALIPH (Association Marocaine pour L'Insertion Professionnelle desHandicapés)Avec Amina SLAOUI, Vice-présidente de l'Amicale Marocaine des handicapés et Déléguée générale du Centrehospitalier Noor de rééducation, Président de l’association des Handicapés (Ingénieur à la Royale Air Maroc),ZIANI (DRH), Responsables de Gras Savoye, l’ANAPEC et de l’OFPPTSymposium 7 : Intégrer l’enjeu diversité dans les politiques d’achat responsableCo-présidé par Jamila HOUFAIDI SETTAR (Université d'Aîn Sebaâ) et Jacques IGALENS (Toulouse BusinessSchool)Animé par François FATOUX (ORSE)Avec Kamal FAHMI (IMAS, MANAGEM), Mohammed AIT BENZAITER (IMAS, Groupe MENARA), MatthiasFATTET (Restos du cœur), Gabrielle DELONCLE (MIN Montpellier), des représentants d’entreprises (L’OREAL,VALEO) et d’auditeurs RSEAtelier 10 : Auditer et mesurer la diversitéCo-présidé par Michel JONQUIERES (ANTIN Certification) et par Hassan CHRAIBI (IMAS)Animé par Jean Marie PERETTI (Président IAS)Avec George-Axelle BROUSSILLON-MATSCHINGA (L’Oréal USA) et Soufyane FRIMOUSSE (IAE de Corse),Béchir BENLAHOUEL (Université de Corse)Atelier 11 : la contribution de l’enseignement à l’égalité des chancesCoprésidé Alain GAVAND (A compétences Egales) et par Richard DELAYE (Propédia, Universitéprofessionnelle d’Afrique)Animé par Leila BENRAISS (Université de Bordeaux)Avec Gaëlle REDON (ISC Paris), Bachir BOULENOUAR et Assya KHIAT (Université d’Oran), Marcos LIMA (EMLéonard de Vinci) et Thierry FABIANI (Université de Corse) et Nada IHBAN (Renault Tanger).10


Atelier 12: Diversité(s), altérité et conflit(s)Coprésidé par Hervé LAINE, Président Académie de l’Ethique et par le professeur Pascal LARDELLIER(Université de Bourgogne)Animé par (à préciser)Avec Michelle DUPORT (Université Montpellier 3), Marc VALAX (IAE de Lyon), Alain LEMPEREUR (Universitéde Brandeis et Harvard Law School, Boston, USA), Yassine SLAMA (Université de Tunis/ESSEC Tunis) etNathalie MONTARGOT (Université Cergy-Pontoise), Fernando CUEVAS (ESC Pau)Atelier 13: Enjeux et risques de la diversitéCoprésidé par Jalal HACHIMI IDRISSI, (IMAS) et par Jacques BOUVET (AINF / Cercle Entreprises et Santé)Animé par (à préciser)Avec Luc BOYER (IAE de Caen), George-Axelle BROUSSILLON MATSCHINGA (L’Oréal), Berengère GOSSEet Eric VATTEVILLE (Université de Rouen), Omar El AMILI (EST Berrechid).Atelier 14 : diversité et PMECoprésidé par Agnès PARADAS (Université de Montpellier) et par Vincent BAHOLET (fondation FACE)Animé par Bertand THIBAULT (Défis de la diversité) et par Omar EL AMILI (AGEF Sud, IMAS)Avec Abderrahman JAHMANE et Donia JLASSI (IAE de Lille), Isabelle CALME et Marion POLGE (UniversitéMontpellier 1)10h30 à 11h00 : PAUSE CAFE11h00 à 12h30 TABLE RONDE III : Evaluation des politiques diversités etlabellisation au service du ManagementPrésidée par Said SEKKAT (Président de la Commission RSE et Labels CGEM)Animée par par Daniel MERILLOU, Responsable Emploi et Diversité, ANDRHAvec (intervenant CGEM), Sylvie SAVIGNAC (Directrice Diversité et égalité des chances, La Poste), AntonellaDESNEUX (Directrice du développement durable, SFR), Thierry GEOFFROY (Chargé de mission, AFNORcertification), Patrick AUBERT (Chef du bureau de l’intégration professionnelle, direction de l’accueil, del’intégration et de la citoyenneté, Ministère de l’Intérieur), Saad BENHAYOUN (Directeur Général Délégué,ADECCO Maroc) et Aline ORAIN (Département RH, Disneyland Paris).12h30 à 14h00 : DEJEUNER14h00 à 15h30 TABLE RONDE IV : Les diversités demain. Quels défis pour lesentreprises et les managers ?Co-présidée par Essaid BELAL (DIORH) et Jean François TROGRLIC (OIT)Animée (à préciser)Avec Chakib LARAQUI-HOSSINI (Université de Casablanca), Jean-Michel MONNOT (VP diversité,SODEXO) Catherine TRIPON (Fondation FACE), Hervé LAINE (Académie de l’Ethique) et HakimELKAROUI (Roland BERGER) (à confirmer)15h30 à 16h00 : PAUSE CAFE16h00 à 17h00Conférence de Jean-Noël PANCRAZI« Méditerranée, Diversité et Amitié »Synthèse par la professeure Aline SCOUARNEC, Université deCaen et ESSEC Executive EducationClôture des « Huitièmes Rencontres Internationales de la Diversité »11


Conseil scientifiqueAKANNI ALAIN, Professeur, Université de Dakar, Sénégal.ALEXANDRE-BAILLY Frédérique, ESCP Europe.ALIOUAT Boualem, Professeur, Université de Nice Sophia Antipolis, France.BELGHITI-MAHUT Sophia, Maître de Conférences, Université Montpellier 2. France.BELOUT Adnane, Professeur, Université de Montréal, Canada.BEN AMMAR-MAMOUK Zeineb, Professeur, Université de Tunis, Tunisie.BENRAISS Laïla, Maître de conférences, Université Bordeaux, France.BENTALEB Chafik,Professeur, Université de Marrakech, Maroc.BOURNOIS Frank, Professeur, Université de Paris IIBOYER ANDRE, Professeur, IAE Nice, France.BOYER LUC, Professeur, Université de Caen, France.BRASSEUR MARTINE, Professeur, Université Paris-Descartes, France.BRILLET Franck, Professeur, Université de Tours, France.BRIOLE ALAIN, Professeur, Université Montpellier III, France.CALVEZ Vincent, Professeur, ESSCA, France.CERDIN JEAN LUC, Professeur, ESSEC, Cergy Pontoise, France.CORNET ANNIE, Professeur, Hec-Ecole de gestion de l'Ulg, Belgique.CUEVAS FERNANDO, Professeur, ESC PAU, France.DAVOINE Eric, Professeur, Université de Fribourg, Suisse.De BEAUFORT Viviane, ESSEC Business School, FranceDELAYE Richard, Propedia, FranceDIETRICH Anne, Maître de Conférences, IAE Lille, France.DOLAN Simon, ESADE Barcelone. Espagne.DUPUICH Françoise, ISC Paris, France.DUYCK Jean-Yves, Professeur, Université La Rochelle, France.FRAY Anne Marie, ESCEM, France.FRIMOUSSE SOUFYANE, Maître de conférences, Université de Corse, France.GROSCHL Stefan, ESSEC, France.HENDA Sana, ESC Amiens, France.IGALENS JACQUES, Professeur, Toulouse Business School, France.JORAS Michel, ESCE Paris, France.KAMDEM Emmanuel, Professeur, Université de Douala, Cameroun.KHIAT Assya, Professeur, Université d'Oran, Algérie.KLARSFELD Alain, ESC Toulouse, France.LAHLALI Mustapha, ESIG, Algérie.LEMPEREUR ALAIN, Professeur Université Brandeis, Boston, USALOTH DESIRE, Maître de conférences, Université Grenoble III, France.MERCIER SAMUEL, Professeur, Université de Bourgogne, France.MOULINS JEAN LOUIS, Professeur, Université Aix Marseille II, France.NEKKA Hadj, Université Angers, France.ORSONI Jacques, Professeur, Université de Corse, France.12


PARADAS Agnès, MCF, Université Avignon, France.PERETTI JEAN MARIE, Professeur, ESSEC, Cergy Pontoise, IAE Corse, France.PICHAT MICHAEL, Maître de conférences, Université Paris VIII, France.PIRE LECHALARD PIERRE, ESC Clermont-Ferrand, France.PLANE Jean Michel, Professeur, Université Montpellier III, France.POILPOT-ROCABOY Gwenaëlle, MCF, Université Rennes 1, France.POINT Sébastien, Professeur, Université de Strasbourg, France.ROGER ALAIN, Professeur, Université Jean Moulin Lyon III, France.SCOUARNEC ALINE, Professeur, Université de Caen, France.SEGUIN Michel, Professeur, UQAM, Canada.TEMSAMANI Brahim, eHECT, Tanger.TRINQUECOSTE Jean François, Professeur, Université de Bordeaux.TEULON Frédéric, IPAG, France.UZAN Odile, Maître de conférences, Université Paris Descartes, France.VALAX Marc, Maître de Conférences, IAE Lyon, France.Van HOOREBEKE DELPHINE, Maître de conférences, IAE Toulon, France.VATTEVILLE ERIC, Professeur, Université de Rouen Haute-Normandie, France.VILETTE Marc Andre, Professeur ESC ClermontYANAT ZAHIR, Professeur, Bordeaux Ecole de Management, France.ZANNAD Hedia, Rouen Business School, France.ZARDET Véronique, Professeur, Université Lyon 3, France.ZERIBI Olfa, Professeur, IHEC Carthage, Tunisie.13


<strong>Actes</strong> des 8èmes rencontres internationalessur la diversitéAtelier 1 : Diversité(s) et Responsabilité sociétale de l’entreprise« La gestion responsable par l’entreprise de la diversité de ses parties-prenantes », VéroniqueAllegaert, Gurvan Branellec (Enseignants-chercheurs ESC Bretagne-Brest)………………..« Construire un lien avec ses interlocuteurs : le parcours coopératif de l’Ecureuil » AnneMarie Fray (Groupe ESCEM Tours/Poitiers)………………………………………………….« La diversité un investissement gagnant pour l’entreprise et le territoire » OlivierBACHELARD (ESC St Etienne)……………………………………………………………….« une Analyse De l’éco-effiCIence des entreprises françaises du secteur des services auxconsommateurs » Béchir Ben Lahouel et Jean-Marie Peretti (IAE de corte)…………………14


La gestion responsable par l’entreprise de la diversité de ses partiesprenantesVéronique Allegaert 1Gurvan Branellec 2Docteurs en droitEnseignants-chercheurs ESC Bretagne-BrestRésumé :L’entreprise sociétaire vise traditionnellement à satisfaire l’intention des actionnaires : partager desbénéfices ou profiter de l’économie. Cette vision classique de la société (shareholder value) n’est pastenable. En effet, la société est une personne morale disposant d’intérêts propres, la personnalité juridiquelui étant accordée car elle remplit « des fonctions d’intérêt général » (Sudreau, 1975, p. 196). Les pouvoirspublics sont donc intervenus pour donner un statut privilégié à certaines parties prenantes (associésminoritaires, salariés…). Parallèlement à cela les sociétés, sous la pression de la société civile, ontdéveloppé volontairement une prise en compte de leur responsabilité sociétale en intégrant notamment lesintérêts des parties prenantes. Cette prise en compte est à l’heure actuelle fragmentaire et souventdésordonnée (1).Il apparait donc souhaitable pour l’entreprise qu’elle puisse aller d’une utilité sociale présumée à uneutilité sociale prouvée en intégrant les intérêts des parties prenantes. L’entreprise gagnera ainsi enperformance et en pérennité en évoluant dans un climat de confiance sociale. Pour ce faire il apparaîtnécessaire d’institutionnaliser en droit les parties prenantes en créant d’abord des mécanismes permettantde leur donner leur place au sein de l’entreprise et ensuite en formalisant une hiérarchisation de leursintérêts si ceux-ci s’avèrent conflictuels (2).Abstract:Mots clés/Key wordsIntérêts/interests, RSE/corporate social responsability, actionnaires/shareholders, partiesprenantes/stakeholders.A l’origine il y a la société, construction juridique qui permet à des personnes physiques oumorales de mettre en commun des biens ou leur industrie afin de parvenir à la réalisation d’unobjectif. Ainsi, traditionnellement la société est mise au service d’un projet collectif desassociés : partager des bénéfices ou profiter d’une économie.1 Chercheur associé CDA-PR.2 Responsable du Département Performance et Contrôle, Chercheur associé UMR AMURE.15


Puis est apparue l’entreprise, cette notion n’étant plus juridique mais économique et sociale(Barthélémy, 2008). L’entreprise constitue la cellule économique essentielle. Elle est lemoteur de l’activité économique. C’est pour cela que l’entreprise est au centre despréoccupations du gouvernement : agir sur les entreprises, c’est agir sur l’économie. Lesmultiples modifications apportées au droit des sociétés commerciales en sont une illustrationmanifeste. Les pouvoirs politiques et, de façon plus large, l’opinion publique ont aussicompris que l’entreprise avait une utilité sociale qui ne se mesurait pas seulement en termecomptable. En effet, l’entreprise ne sert pas qu’à faire profiter les actionnaires des bénéficesou des économies qu’elle réalise. Celle-ci « appartient au domaine des réalités » commel’exprime le Professeur Paillusseau ; elle « existe et fonctionne au sein, au moyen et enfonction de la société » (Paillusseau, 1984, §42) (dans le sens collectivité). Le droit va doncdevoir permettre à l’entreprise de s’adapter aux fluctuations de l’économie mais aussi assurer« la prise en compte d’intérêts divers et souvent divergents tels que ceux des dirigeants et desactionnaires, des tiers (banquiers, épargnants, fournisseurs, clients, fisc…), de l’économienationale ou locale » (Saintourens, 1987, p. 149). La collectivité attend des entreprisessociétaires qu’elles soient efficaces et compétitives tout en préservant les droits desactionnaires, des employés, des créanciers, des consommateurs, des citoyens...L’entreprise a ainsi une responsabilité sociétale. Elle doit répondre aux intérêts de lacollectivité et intégrer mais surtout respecter un certain nombre de valeurs telles que l’éthiquedes affaires, le développement durable, la citoyenneté…Ainsi, si de façon classique le droit des sociétés régit les relations à l’intérieur de l’entrepriseet s’intéresse aux shareholders (actionnaires), le concept de gouvernance d’entreprise est uneréelle innovation puisqu’il conduit à prendre en compte les intérêts d’autres parties prenantesdénommées stakeholders. Cette expression stakeholders désigne les individus et lesgroupements qui contribuent, volontairement ou non, « à la capacité de créer de la valeur et del’activité et qui en sont ses bénéficiaires potentiels et/ou en assument les risques » (Post,Preston, Sachs, 2002). Elle a donnée lieu à la théorie des parties prenantes qui identifie etorganise les multiples obligations de l’entreprise envers les différents groupes qui ycontribuent. Cette approche se pose donc comme « une alternative au modèle de gouvernanceactionnariale et incite à une vision élargie des théories contractuelles des organisations(TCO) » (Gond et Mercier, 2006, p. 920). L’entreprise se doit de respecter un bien communqui dépasse le seul périmètre des différentes contraintes légales. Or, la multiplicité des acteurset des risques conduit à brouiller les stratégies des entreprises en l’absence d’une consécrationlégale clarifiée. Il semble que le législateur ainsi que la pratique tentent de trouver un16


équilibre entre ces différents intérêts en considérant que l’entreprise est un projet collectif auservice des intérêts des associés mais également de la collectivité. Cette prise en compte parl’entreprise de l’ensemble des parties prenantes est à l’heure actuelle fragmentaire et souventdésordonnée (1). L’entreprise doit donc aller d’une utilité sociale présumée à une utilitésociale prouvée en intégrant les intérêts des parties prenantes. L’entreprise gagnera ainsi enperformance et en pérennité en évoluant dans un climat de confiance sociale. Pour ce faire, ilapparaît nécessaire d’institutionnaliser en droit les parties prenantes en créant d’abord desmécanismes permettant de leur donner leur place au sein de l’entreprise, et ensuite deformaliser une hiérarchisation de ces intérêts si ceux-ci s’avèrent conflictuels (2).1. D’une société déboussolée par les tentatives de règlement des intérêtscontradictoires des parties prenantesLes controverses sur le gouvernement d’entreprise 3 (Aliouli, Cibert-Goton et Rousset, 2008,p. 6) soulèvent le problème des finalités de l’entreprise sociétaire. Celle-ci ayant une naturecontractuelle, les parties à l’acte doivent y avoir une place fondamentale. On en concluttraditionnellement que la société, contrat conclu par les actionnaires, doit avoir pour objet laréalisation d’un bénéfice social dans le seul intérêt des créateurs (Schmidt, 1995, p. 361).Cette approche traditionnelle « pèche par un excès d’absolutisme en ne se souciant que de lapropriété et des intérêts de ceux qui acceptent de financer l’économie. » (Lapeyre, 2004, p. 2).Aussi, la notion d’intérêt social, analyse fonctionnelle et institutionnelle de la société a étédéveloppée afin de tenir compte, au-delà de l’intérêt des seuls actionnaires, de celui del’entreprise (Bertrel, 1997, p. 42). Mais parce que la consécration par la loi des intérêtscatégoriels des parties prenantes a pu sembler insuffisante à la pratique (1.1), celle-ci adéveloppé des concepts originaux fondés sur la responsabilité sociétale des entreprises (1.2).1.1. Une prise en compte ordonnée par la loi mais fragmentaire del’intérêt des parties prenantesLa notion de gouvernance fait référence à l’ensemble des organes et règles de décision,d’information et de surveillance permettant aux ayants-droit et partenaires d’une institution,3 Le gouvernement d’entreprise a été défini par l’International Corporate Governance Network commerecouvrant « à la fois la structure et les procédures de direction d’une entreprise qui visent à atteindre les deuxobjectifs dont sont en charge les administrateurs et les dirigeants, à savoir assurer la viabilité opérationnelle del’entreprise et accroître sa valeur à long terme pour ses actionnaires ».17


de voir leurs intérêts respectés et leurs voix entendues dans le fonctionnement de celle-ci.Ainsi, la gouvernance d'entreprise est définie comme l'art de gouverner les entreprises,reposant sur un postulat qui est celui de la primauté de l’actionnaire (Couret, 2002, p. 339 ;Bessire et Menuier, 2001, p. 185).Aux Etats-Unis comme au Royaume-Uni, la réflexion sur la gouvernance d’entreprise a étéentamée à la suite de nombreux scandales financiers qui ont conduit les observateurs às’interroger sur le fonctionnement des organes de la société (Tunc, 1994 ; Caussain, 2005).L’éclatement de l’affaire Enron à la fin de l’année 2001 a révélé l’insuffisance d’un systèmede règles fondé sur l’auto-régulation et a entraîné l’intervention du législateur avec leSarbanes-Oxley Act du 30 juillet 2002. Ce texte dont la vocation était de rassurer les marchésfinanciers, a instauré une série de règles contraignantes relatives notamment aufonctionnement du conseil d’administration, au renforcement du rôle du comité d’audit et àl’omniprésence des administrateurs indépendants. Cette réglementation devait permettre demieux contrôler les dérives des comportements des dirigeants et constitue un « mouvement(s)de ré-appropriation du pouvoir par les actionnaires » (Couret, 2009, n°41).Sous l’influence de la mondialisation (Couret, 2002, p. 339), l’impact de cette loi a étéconsidérable dans tous les pays ayant une économie de marché, notamment en France où laloi sur la sécurité financière du 1 er août 2003, entend « restaurer une chaîne de sécuritéfinancière rompue, garantir la fiabilité de l’information comptable et financière au nom de labonne gouvernance des entreprises, la disponibilité et la lisibilité de cette information »(Houillon, 2009). Cette loi renforce l’information des administrateurs puisque « le présidentou le directeur général de la société est tenu de communiquer à chaque administrateur tous lesdocuments et informations nécessaires à l’accomplissement de sa mission ». Par la suite,divers Codes de gouvernement d’entreprise, fondé sur des recommandations aux sociétéscotées encourageant les bonnes pratiques et l’autorégulation en matière de rémunération desdirigeants ont été édictés (Lienhard, 2008, actu. 2492) sous l’impulsion de l’AFEP et duMEDEF. Le choix du recours à des recommandations et non à une loi a été favorisé par leConseil de l’Union européenne en matière économique et financière (De la Granderie, 2008,entretien 2584) car devant permettre, « mieux qu’un texte obligatoire adopté parfois dansl’émotion de l’instant, d’aboutir à des pratiques responsables adaptées aux situationsconcrètes et capables d’évoluer. » (Parisot, Folz et Charrière-Bournazel, 2008, p. 28). Ilapparaît ainsi clairement que la gouvernance d’entreprise n’est plus en marge du droit dessociétés mais bien directement visée par celui-ci.18


Pourtant cette réflexion sur les modes d’exercice du pouvoir dont la dimension idéologiquerepose sur le postulat de la primauté des intérêts des actionnaires semble aujourd’huidépassée. D’une part, parce que ce schéma d’un actionnariat dispersé et diffus confronté à desmanagers professionnels qui agiraient dans leurs intérêts personnels est erroné. A la différencedes pays anglo-saxons, il apparaît que l’actionnariat des sociétés d’Europe continentale estextrêmement concentré, et que peu de place est laissée aux investisseurs institutionnels, dontle rôle est traditionnellement dénoncé dans la montée en puissance de l’idéologie dugouvernement d’entreprise. Et, si les sociétés cotées se doivent de céder à un certain tropismedes marchés, les sociétés ne faisant pas appel public à l’épargne n’agissent bien souvent quepar mimétisme. Or le phénomène connait des limites. La dernière-née des sociétés par actionsfrançaise – la SAS – est devenue un mode de fonctionnement confortable pour les sociétésnon cotées où s’épanouissent les droits de vote multiples, les répartitions inégalitaires debénéfices, et où la transparence est passablement réduite.D’autre part, il est apparu que l’entreprise sociétaire ne pouvait être réduite à un simple outilau service de ses dirigeants et de ses actionnaires majoritaires. Aujourd’hui, la valeuractionnariale a été remise en cause par une approche partenariale de l’entreprise. Parce quel’entreprise est avant tout un agent économique, elle entretient à ce titre des relations avec lasociété et les tiers au sens large (cocontractants, salariés, administrations, Etats,consommateurs…). Et, s’il faut privilégier les intérêts de l’entreprise en lui permettant de sedévelopper, d’évoluer, de pérenniser ses activités, il faut également prendre en considérationl’intérêt des différents acteurs concernés par les performances de l’entreprise. Aussi le droitde propriété exclusif des actionnaires (les shareholders) sur l’entreprise a été remis en cause,et la légitimité d’autres parties prenantes (les stakeholders) a été reconnue. Tout groupe ouindividu qui peut affecter ou être affecté par la réalisation des objectifs de l’entreprise devientacteur du management stratégique de celle-ci sur la base de trois objectifs convergents :prospérité économique, justice sociale et qualité environnementale. La recherche du profitn'est plus « l'unique boussole de ceux qui ont en charge le pilotage de l'entreprise au seind'une société où d'autres valeurs ont désormais leur place » (Despax, 1992, p. 177). Lalégitimité de la quête de rentabilité pour les associés n’est pas totalement écartée, maistempérée par d’autres intérêts. Prenant en compte les travaux réalisés en matière degouvernement d’entreprise, le Conseil de l’OCDE avait dès le mois de mai 1999, approuvéune série de principes ayant pour objet d’aider les gouvernements à améliorer le cadrerégissant l’organisation des pouvoirs dans l’entreprise. Parmi ces principes, figure entre autre19


la nécessité de reconnaître les droits des différentes parties prenantes et d’encourager unecoopération active entre celles-ci et les sociétés.Loin d’être cantonnée dans le registre de l’éthique, la Stakeholders Theory est aujourd’huiappréhendée par le droit. Toutefois, l’extrême généralité des situations correspondant à cetteapproche ne lui permet pas de revêtir une traduction juridique uniforme. La notion d’intérêtsocial qui est à l’articulation du raisonnement juridique et des sciences de gestion en est unebonne illustration (Shapira, 1971, p. 957). Une définition en a été donnée par un rapport dugroupe de travail CNPF (Conseil national du patronat français) et AFEP (Associationfrançaise des entreprises privées) comme étant « l’intérêt supérieur de la personne moraleelle-même, c’est-à-dire de l’entreprise considérée comme un agent économique autonome,poursuivant des fins propres, distinctes notamment de celles de ses actionnaires, de sessalariés, de ses créanciers dont le fisc, de ses fournisseurs et de ses clients, mais quicorrespondent à leur intérêt général commun, qui est d’assurer la prospérité et la continuité del’entreprise » 4 .La notion d’intérêt social sert donc aux juges de boussole leur permettant de sanctionner desactionnaires qui se comportent « comme des investisseurs plus que comme des associésanimés de l’affectio societatis. Ils sont intéressés : ce qui compte pour eux, c’est le cours debourse et les dividendes ; ils ont une vue partielle et à court terme de l’intérêt social qui peutmener l’entreprise à sa perte » (Paclot, 2007, n° 18). Hauriou rappelait d’ailleurs que ce n’estpas l’intérêt égoïste qui mène le monde, mais des « idées d’entreprise à réaliser » (Jardat,2009, p. 72). Les juges vont alors se servir de cette notion pour sanctionner des associés quidétournent le mode de gouvernance de leur entreprise à leur unique profit et au détriment decelle-ci.A ce titre, la jurisprudence censure les décisions prises « contrairement à l’intérêt général etdans l’unique dessein de favoriser les membres de la majorité au détriment de ceux de laminorité » 5 . Ainsi, « de l’exigence de la réunion de ces deux conditions résulte que lorsqu’unedécision majoritaire n’est pas contraire à l’intérêt social, elle n’est pas abusive alors mêmequ’elle avantagerait les majoritaires au détriment de la minorité ». Elle sanctionne, selon lamême logique, des comportements des minoritaires en contradiction avec l’intérêt social. Eneffet, il serait inconcevable qu’un minoritaire puisse par sa seule action ou inaction bloquer lefonctionnement de la société voire même nuire au développement ou à la pérennité de celle-4 Rapport du Groupe de travail CNPF-AFEP sur le conseil d’administration des sociétés cotées, éd. ETP, Paris1995, p. 9.5 Com. 30/11/2004, Bulletin Joly 2005, p. 241, n° 42, Le Cannu P. Cf. antérieurement, Com. 18/04/1961, JCP1961, éd. G, II, 12164, note Bastian D.20


ci. Cette hypothèse est celle de l’abus de minorité lorsqu’un ou plusieurs minoritaires quidétiennent une minorité de blocage empêchent une modification des statuts que lesmajoritaires estiment indispensable.Il semble ainsi que la jurisprudence ait mis en œuvre un dispositif permettant à la foisd’assurer l’efficacité de la loi de la majorité tout en évitant les dérives qui peuvent endécouler. L’usage de l’intérêt social, intérêt supérieur de la personne morale, va doncpermettre de trancher entre les intérêts catégoriels. Les tribunaux s’efforcent de concilier lesintérêts des associés qui ont le désir naturel de mettre la société au service de leurs intentionsavec les intérêts de la personne morale créée. Toutefois, « beaucoup d’autres personnesinterviennent, de fait, dans la vie de l’organisation, et y sont intégrées ». « Le champ de ceuxqui sont affectés par son action, sans pour autant être nécessairement intégrés à sonorganisation, est encore plus large » (Robé, 2001, p. 3). Il est donc nécessaire de concilier lesintérêts de l’entreprise avec ceux de la collectivité dont elle est un acteur économique et socialcapital. Et parce que la prise en compte par la loi reste insuffisante, c’est essentiellement surle terrain de la pratique, que les intérêts des parties prenantes sont pris en considération.1.2 Une application spontanée mais désordonnée de l’intérêt desparties prenantesHauriou insistait sur le fait que l’entreprise devait prendre en considération le « groupe desintéressés » et ce « parce qu’étant exposé aux risques de l’entreprise, il est juste qu’ilacquière, en retour, un droit de contrôle et de participation au gouvernement de celle-ci »(Hauriou, 1986, p. 101-102). De ce constat et sous les pressions sociales, environnementaleset économiques (Desbarats, 2008, n°32), est née la notion de responsabilité sociétale del’entreprise (RSE) fondée sur le droit de regard de ces diverses parties prenantes et dont lesenjeux se formulent en termes de transparence, de risque et de réputation (Capron et Quairel-Lanoizelee, 2004). Stratégie marketing ou engagement sincère, effet de mode ou soucid’éthique, c’est essentiellement sur le mode de l’autorégulation que les entreprises sepréoccupent de revendications citoyennes dans un contexte de mondialisation et dedéréglementation des activités économiques.Partant d’un constat selon lequel, « les entreprises se meuvent dans un environnement qu’ellesne peuvent ignorer sauf à disparaître » (Filiberti et Quatremer, 2004, p. 3), celles-ci se sontdotées de chartes sociales, de codes de conduite ou encore de codes de déontologie… Il s’agit21


de « signes de qualités privés » (Blin-Franchomme, 2009, n° 40) qui se développent en dehorsde la contrainte de la loi. La Commission européenne met l’accent sur cette autorégulation desentreprises en définissant la RSE comme « l’intégration volontaire des préoccupationssociales et écologiques des entreprises à leurs activités commerciales et leurs relations avecles parties prenantes » (livre vert, juillet 2001).Ces initiatives privées, constitutives d’un droit souple (soft law), se rencontrent dans desdomaines variés : accords environnementaux (maitrise des énergies, réduction desemballages…), engagements sociaux (non-discrimination, amélioration des conditions detravail des salariés, formation …), règles de conduite financière ou éthique (rémunération desdirigeants, commerce équitable …). Les domaines concernés ainsi que les valeurs consacréessont d’une grande diversité. La forme de ces engagements et les formules employées le sonttout autant. Ces démarches volontaires peuvent aller de formules floues qui comportent desengagements imprécis, jusqu’à des adjonctions aux règlements internes des entreprises(Pereira, 2009, p. 30) ou des engagements pris par des entreprises ou branches sectorielles quivont produire des conséquences juridiques. Il existe ainsi des dispositifs d’assistance à la miseen œuvre des stratégies de développement durable au sein de l’entreprise qui ont un objectifpédagogique et d’aide au management, tels que le système de management de la qualité (ISO9001 et 9004), le système de management environnemental (ISO 14004), le système demanagement de la sécurité ( OHSES 18001), ou l’AccountAbility AA 1000 qui est un guideméthodologique présentant les enjeux liés au développement durable et les bonnes pratiquesexistantes, sa mise en œuvre se traduisant par une auto-évaluation ou par une évaluationcroisée avec d’autres parties prenantes. Il existe également des dispositifs d’aide au diagnosticdes performances sociétales qui permettent aux dirigeants de disposer d’un état des lieux de laresponsabilité de leur entreprise, tel le bilan sociétal du CJDES ou la SME Key qui concernel’évaluation des PME. Il existe enfin la norme ISO 26000 qui propose des lignes directricesrelatives à la responsabilité sociétale des organisations.Mais ces dispositifs destinés à construire la crédibilité de l’entreprise et à donner confianceaux parties prenantes ne sont efficaces que s’ils donnent lieu à une certification par unorganisme extérieur (la norme ISO 26 000 n’est toutefois pas certifiable). C’est à cet effet quela norme de certification SA 8000 a été conçue par la SAI (Social AccountabilityInternational), qui s’appuie entre autre sur le respect de la Déclaration Universelle des Droitsde l’Homme, des conventions de l’OIT, de la convention des Nations Unies sur les droits del’enfant. Toutefois ne sont pas traités ni les problèmes écologiques, ni la corruption, et ceréférentiel privé élaboré par un organisme privé ne fait pas l’unanimité. Au niveau européen,22


le règlement EMAS est conçu comme un outil de management destiné aux entreprises afind'évaluer, d'améliorer et de faire connaitre leur performance environnementale (Blin-Franchomme, 2009). Parmi ces dispositifs se trouvent également les labels sociaux ouenvironnementaux, destinés à certifier qu’un produit ou qu’un service est conforme à descaractéristiques décrites dans un référentiel et faisant l’objet de contrôle. Mais lefoisonnement de labels souvent auto-déclarés nuit à leur efficacité et produit davantage deconfusion que de confiance. Nous touchons ici au cœur du problème : une procédure decertification à un code de conduite ou à un référentiel normatif ne peut être valide que si ellefait l’objet d’une vérification et d’un audit. Or, qui peut prétendre à la légitimité requise pource faire, qui suppose des compétences en termes d’indépendance, de qualification, decompétente, d’accréditation… ? La régulation sociale internationale constitue un enjeu quientraîne une course de vitesse entre les prétendants à la normalisation pour développer leurpropre référentiel. Or, aujourd’hui, cette nébuleuse de référentiels génère un « universincertain et ambigu » (Arbouche 2010, p. 3) et amène certains organismes, telle l’AMF àplaider pour une homogénéisation des indicateurs (Malecki, 2010, p. 43). Si les chartes etcodes de conduite permettent aux entreprises de formaliser et de communiquer sur unedémarche responsable, leur multiplication (Desbarats, 2003, n° 112) conduit à s’interroger surleur portée juridique. La plupart des chartes et codes éthiques sont des actes unilatéraux ; ilsn’ont donc pas de valeur contractuelle. Par ailleurs, comme le constate Madame Blin-Franchomme « ces engagements de bonne pratique ne visent en réalité qu’assez rarement àaller au-delà des exigences légales » (Blin-Franchomme, 2009, n° 40). Il ne faudrait pas pourautant nier toute efficacité à ces outils. Leur caractère incitatif va au delà du jeu d’imagenécessaire pour rendre l’entreprise acceptable auprès de la société civile. Enfin, ce caractèrevolontaire de la prise en compte par les entreprises de leur responsabilité sociétale ne signifiepas que l’Etat se désintéresse de cette question. Comme l’exprime Madame Desbarats,« l’analyse du droit – spécialement français – montre que la responsabilité sociétale s’exerceaujourd’hui dans un cadre juridique dont l’élaboration n’est vraisemblablement pas achevée »(Desbarats, 2008, n° 32).En définitive, il apparaît que l’entreprise sociétaire est une organisation complexe qui doit êtreau service d’un projet intégrant « le collectif des personnes contribuant-à (ou affectées-par) lavie de l’entreprise » (Segrestin et Hatchuel, 2011). Il s’agit ainsi d’« introduire la démocratieau cœur de l’entreprise pour y élaborer un intérêt collectif et en contrôler la mise en œuvre »(Aglietta et Rebérioux, 2004, p. 362). Ce collectif de personnes (publiques ou privées) génèredes intentions plurielles et parfois divergentes que l’entreprise devra alors concilier. Le droit a23


alors un rôle à jouer que ce soit pour aider à concilier ces intérêts ou pour créer de nouveauxoutils ou formes juridiques faisant davantage de l’entreprise un projet collectif. Force est deconstater que « les approches issues de la théorie des parties prenantes (« stakeholdertheory ») ou les mouvements en faveur de la responsabilité sociétale des entreprises(« Corporate Social Responsability ») n’ont pas réussi à empêcher le primat des actionnaires,la croissance des inégalités salariales et la dégradation du travail » (Segrestin et Hatchuel,2011). Il est donc nécessaire d’aller plus loin en incitant les entreprises à rationnaliser dans unréférentiel juridique les divers intérêts des parties prenantes.2. à une entreprise éclairée par la prise en compte de la diversitédes parties prenantesLes parties-prenantes sont de plus en plus active au sein des entreprises et de plus en plusnombreuses. Elles disposent de moyens d’actions efficaces pour peser sur le choix desentreprises (boycott de produits, pression médiatique, procédures judiciaires ou activismeactionnarial s’agissant des parties prenantes-internes). Afin que l’entreprise puisse gagner enperformance et évoluer dans un climat de confiance sociale il apparaît nécessaired’institutionnaliser en droit les parties prenantes en créant d’abord des mécanismes permettantde leur donner leur place au sein de l’entreprise (2.1), et ensuite de formaliser unehiérarchisation de ces intérêts si ceux-ci s’avèrent conflictuels (2.2).2.1. Une intégration des parties prenantes passant par uneinstitutionnalisation en droit de leurs intérêtsLe caractère démocratique du fonctionnement de l’entreprise recouvre dans les faits unemultitude d’objectifs, intégrant des dimensions financières, éthiques, sociales… qui vonttoutes soulever la question de la prise en compte des différentes parties prenantes. Lapremière préoccupation de l’entreprise sera alors d’identifier ces parties prenantes ; puis, ils’agira pour elle de mettre en place des instances de dialogue et de concertation avec celles-ci.Car si les impératifs de bonne gouvernance s’appliquent à toutes les entreprises, en revancheles pratiques de cette gouvernance devront être adaptées en fonction de la taille, de la nature etde l’objet de l’organisation. Les structures de gouvernement sont alors définies « par la nature24


des incitations qu’elles incorporent et auxquelles les dirigeants répondent » (Enjolras, 2005, p.64).L’identification des parties prenantes permet d’isoler un certain nombre de catégories : lesassociés, qui se subdivisent en deux sous catégories : les majoritaires qui contrôlent la société,et les minoritaires dont les intérêts doivent être préservés ; les dirigeants de l’entreprise, lessalariés, les créanciers, eux-mêmes fractionnés entre les investisseurs et les fournisseurs decrédit, les clients, l’Etat avec ses collectivités locales et ses instances professionnelles, lesmembres du groupe de sociétés auquel appartient éventuellement l’entreprise, les marchés etles concurrents, les associations et les organisations non gouvernementales, et enfinl’ensemble des individus qui souffrent des conséquences de l’activité de l’entreprise et quenous pourrions appeler les victimes (réelles ou supposées) (Trébulle, 2006, p. 1337).Certaines de ces parties prenantes bénéficient d’une reconnaissance institutionnelle. Nouspouvons distinguer trois groupes : à coté des associés qui disposent d’un statutirréductiblement particulier, les dirigeants, les investisseurs, ainsi que dans une large mesure,les salariés peuvent être regardés comme des « participants » dans la mesure où ils sontintégrés institutionnellement au fonctionnement de la société par la loi.En revanche, les clients, les fournisseurs de crédit et les autres catégories dégagées demeurentpour l’essentiel des tiers à la société, car ils ne sont pas liés à elle par une relation structurelle.On pourrait les qualifier de « tiers-intéressés ». Certains auteurs préfèrent la distinction entrestakeholders internes ou externes, ou encore stakeholders primaires et secondaires, lespremiers étant en relation directe et déterminée contractuellement, les seconds n’étant pas unisà l’entreprise par un contrat. Il est toutefois évident que ces différentes catégories ne sont pasétanches et que des intérêts parfois contradictoires peuvent être cumulés. Un actionnaire peutégalement être salarié, ou militant écologique, ou concurrent, ou bien encore victime… Il peutêtre alors opportun d’opérer un tri entre les différents intérêts pour permettre l’optimisationdes choix retenus.Le droit français connaît déjà des intérêts catégoriels qui sont en tant que tels pris en compte.Sur le strict terrain du droit, les articles 1832 et 1833 du Code civil devraient conduire àreconnaître la prééminence des intérêts des associés. Cette primauté s’impose car elle est del’essence même des sociétés. Mais si cet intérêt est le premier, il n’est pas le seul. Et, il peutse trouver contrarié par d’autres parties prenantes, tels les dirigeants, ou les salariés. Pour cequi est de ces autres intérêts, il y a lieu de distinguer ce qui relève de l’ordre public sociétaireet ce qui s’en écarte. Il en va ainsi par exemple des droits des salariés qui résultent aussi biendes dispositions du droit des sociétés, que du droit du travail ou de celui des entreprises en25


difficulté 6 . Ces droits passent de la reconnaissance d’un droit à l’information à l’expressiond’un droit à participer aux bénéfices de l’entreprise, en intégrant le droit à demander uneexpertise de gestion ou à déclencher une procédure d’alerte. Il y aura alors une distinctionimportante à faire entre les entreprises qui emploient des salariés et celles qui n’en emploientpas. Lorsqu’elles emploient des salariés, elles pourront renforcer le caractère démocratique deleur gouvernance en associant ceux-ci étroitement aux décisions prises. Elles pourrontégalement développer des normes ambitieuses dans la formation, les conditions de travail oules relations entre la direction et le personnel (Persais, 2006, p. 20). L’entreprise devra doncêtre particulièrement attentive aux incitations axiologiques. C’est vrai pour les dirigeants maiségalement pour les cadres ou simples salariés. Il est important que l’activité soit sourced’ « externalités positives » (Hély, 2010, p. 211). Cette utilité sociale permettra à l’entreprised’avoir une meilleure gouvernance interne. Réciproquement, la structure de la gouvernance« peut être considérée comme un ensemble de caractéristiques organisationnelles destinées àgarantir la poursuite de la mission sociale » (Defourny et Nyssens, 2011, p. 29).Le droit français reconnaît également les associations de défense des intérêts desinvestisseurs 7 , des obligataires 8 , des porteurs de titres participatifs 9 ou des titulaires de valeursmobilières donnant accès à terme au capital 10 . Ces parties prenantes peuvent participer à la viequotidienne de l’entreprise en étant impliquées dans des instances formelles (assembléesgénérales) ou non formelles (comité d’usagers) (Defourny et Nyssens, 2011, p. 28). La valeurdes titres d’une société sera à terme affectée par une gestion qui risque d’entraîner desmouvements sociaux, une pollution majeure, un mouvement de boycott, une réactionadministrative, ou encore des actions en justice engagées par des concurrents. Aussi, ledéveloppement de l’investissement socialement responsable (ISR) ne repose pas sur unephilanthropie béate, mais sur le constat de la nécessité d’une approche qui dépasse uneanalyse financière superficielle car détachée de la réalité structurante de la société (Cuzacq,2004, p. 129 ; Notat, 2005, p. 165).Le droit communautaire n’ignore pas non plus les intérêts des parties prenantes. La 4 èmedirective du 25 juillet 1978 relative aux comptes annuels et au rapport de gestion consacrait6 La loi NRE du 15 mai 2001 consacre la possibilité pour le comité d’entreprise de demander en justice ladésignation d'un mandataire chargé de convoquer l'assemblée générale en cas d'urgence, celle de requérirl'inscription de projets de résolutions à l'ordre du jour des assemblées, et d'être entendu lors de toutes lesdélibérations requérant l'unanimité des associés.7 Art. L. 452-1 Code monétaire et financier8 Art. L. 228-46 Code de commerce9 Art. L. 228-37 Code de commerce10 Art. L. 228-103 Code de commerce26


déjà l’importance particulière de ces documents « quant à la protection des associés et destiers ». La Commission européenne a également constaté, à propos de l’environnement que« les divers groupes de parties prenantes ont des besoins d’informations qui leur sont propres,avec parfois des priorités différentes » 11 . La même idée est exprimée dans la recommandationrelative à l’indépendance des contrôleurs légaux, qui évoque « les investisseurs, créanciers,salariés et autres détenteurs d’intérêts dans les entreprises » 12 . Enfin, la modernisation du droitcommunautaire des sociétés poursuit l’objectif de « renforcer les droits des actionnaires et laprotection des salariés, des créanciers et des autres parties avec lesquelles les sociétés sont enrelation, tout en adaptant les règles du droit des sociétés et du gouvernement d’entreprise auxdifférents types d’entreprises » 13 . La Commission européenne a également souligné que lerôle des administrateurs indépendants est d’assurer « une protection adéquate des tiers » etque leur présence « est largement considérée comme un moyen de protéger les intérêts desactionnaires et des autres parties prenantes » 14 .Il devient alors en réalité difficile de dégager des priorités car les intérêts privilégiés vontvarier d’un texte à l’autre. Une appréciation factuelle s’avère alors indispensable. Uneentreprise qui bénéficie d’une gestion interne irréprochable bénéficiera d’un capital confiancequi est fondamental, ne serait-ce que pour collecter des fonds, obtenir l’investissement de sesmembres, ou accroître sa capacité à faire face aux échecs de coordination (Enjolras, 2009, p.79). Une bonne gouvernance permettra en outre de clarifier les fonctions ainsi que laresponsabilité de chacun dans le fonctionnement de l’entreprise. Cette bonne gestion internepermettra logiquement de « diffuser ses effets à l’extérieur de la structure et favoriser ledéveloppement de comportements participatifs, citoyens dans les étagements des espacespublics emboîtés » (Parodi, 2010, p. 47).Ce sera avant tout aux dirigeants d’opérer ces choix dans le cadre de la gestion de la société.Pour ce faire, ils doivent garder à l’esprit qu’ils se doivent de servir l’intérêt social qui« transcende les divers intérêts et tient compte de la nature de la relation particulière dechaque catégorie d’intéressés avec la société » (Bissara, 1999). Il s’agit donc de placer lesintérêts des parties prenantes dans la perspective de cet intérêt social : au sein d’un ordrejuridique fixé par le législateur, les dirigeants doivent manifester par leurs choix leur aptitude11 Recommandation de la Commission européenne, 30 mai 2001 concernant la prise en considération des aspectsenvironnementaux dans les comptes et rapports annuels des sociétés12 Recommandation de la Commission, 16 mai 200213 Communication du 21 mai 2003, Modernisation du droit des sociétés et renforcement du gouvernementd’entreprise dans l’Union européenne – Un plan pour avancer14 Recommandation de la Commission, 15 février 2005 concernant le rôle des administrateurs non exécutifs etdes membres du conseil de surveillance des sociétés cotées et les comités du conseil d’administration ou desurveillance27


à concilier au mieux ces intérêts au service de l’intérêt social et dans le respect de l’égalitéentre les associés.Il semble en effet que la protection de l'intérêt de l'entreprise reste le meilleur garant de laprotection de l'ensemble des intérêts catégoriels. « Il est évident que si l'entreprise est la causede l'existence de tous ces intérêts, sa prospérité est aussi le dénominateur commun de leurprotection. C'est dans la perspective de son expansion et de sa rentabilité que des associés luiont apporté des fonds, que des tiers lui ont accordé du crédit, que des dirigeants la conduisent,que des salariés et des cadres y travaillent, que des partenaires l'admettent dans une centraled'achats ou dans un groupement d'intérêt économique et qu'ils acceptent la responsabilitéindéfinie et solidaire qu'il comporte, que l'Etat ou des collectivités locales lui accorde desfacilités d'installation sur des zones industrielles, des primes et des avantages fiscaux, etc. Sil'entreprise fait faillite, des intérêts seront lésés quelles que soient les protections accordées àchacun » (Paillusseau, 1996, p. 17). Cette analyse repose sur le postulat selon lequellorsqu’une entreprise est prospère, chacun, les actionnaires comme les autres partenaires ytrouvera avantage (Paillusseau, 1987, p. 12). Ce qui revient à regarder comme illégitime lasituation dans laquelle certains intérêts sont sacrifiés de manière injustifiés.Quelque soit le degré d’intégration des parties prenantes dans les stratégies économiques del’entreprise, celle-ci doit se doter de système de pilotage. Un double défi se pose alors : celuides outils qui reste à construire, et leur mise en œuvre qui doit se faire par des acteurs souventfocalisés sur la performance financière. A l’heure actuelle la mesure de la performanceglobale de l’entreprise, s’agissant de la prise en compte des intérêts des parties prenantes,n’existe pas. Il existe bien une multitude de systèmes de suivi et de reporting, mais qu’il estdifficile de faire converger et de rendre opérants. Tous les dispositifs proposés aux fins depilotage d’un management socialement responsable prévoient le principe d’un dialogue etd’une concertation avec les parties prenantes. Les réflexions en cours portent surl’identification et le choix des parties prenantes, les structures de la concertation, les méthodeset les règles de la discussion. Ce reporting social, en traduisant les réalités de l’entreprise enchiffres, permet de répondre aux attentes des dirigeants, des associés ainsi que des partiesprenantes concernées. Cet outil, à condition que sa finalité soit clairement identifiée, est aucœur de la réalité sociale des entreprises, laquelle ne se laisse pas aisément réduire à desindicateurs qu’ils soient chiffrés ou indicatifs. Cet outil de gouvernance doit permettre àl’entreprise d’ « informer sur la situation de l’organisation dans des catégories non référencésdans les bilans comptables ou sociaux conventionnels » (Persais, 2006, p. 14). L’objectif finalétant d’aboutir à ce que l’entreprise s’interroge de façon continue sur les pratiques mises en28


œuvre et sur les voies d’améliorations de celles-ci. On constate toutefois que le contenu de cebilan social reste pour l’essentiel déclaratif. La Global Reporting Initiative (GRI) a certestenté une normalisation du reporting social, mais comporte cependant de nombreuses limites.Le texte le plus emblématique en France reste la loi NRE de mai 2001 15 qui impose auxsociétés cotées de droit français de fournir des informations sociales et environnementalesdans leur rapport annuel. Les renseignements fournis vont des émissions de gaz à effet deserre à l’égalité professionnelle entre homme et femme, en passant par l’insertion despersonnes handicapées. Mais la seule contrainte induite par ce dispositif reste la collected’informations et la rédaction du rapport. Aucune sanction n’est organisée par la loi. Aussi,malgré les progrès réalisés, les champs couverts par le reporting varient d’une entreprise àl’autre et la qualité des différents sujets est très disparate. C’est donc que la seuleinstitutionnalisation des intérêts des parties prenantes se révèle insuffisante.2.2. Une conciliation passant par une hiérarchisation en droit des intérêtsdes parties prenantesIl n’est pas possible de traiter sur un strict pied d’équivalence les intérêts des partiesprenantes. Seule une hiérarchisation de ces intérêts permettra leur prise en compteopérationnelle. L’une des priorités d’une gestion satisfaisante consistera alors dans leclassement stratégique de ces intérêts. C’est la légitimité de ce classement qui va devenir unevaleur clé de l’entreprise. Face aux contraintes institutionnelles, sociologiques,environnementales, les entreprises vont adopter des comportements différents de mise enconformité totale ou partielle, d’évitement ou encore de manipulation. Selon les auteurs, lanature de l’engagement des entreprises dépend de sa culture morale et politique. On distinguel’approche anglo-saxone qui vise davantage la réparation des effets des activités économiqueset l’approche continentale européenne généralement plus sensible à l’anticipation et à laprévention des risques. Mais dans toutes les hypothèses, le fait de devoir rendre des comptesest devenu une exigence croissante pour les entreprises, et une nécessité pour encourager lesentreprises dans leurs pratiques responsables.15 Loi n° 2001-420 du 15 mai 2001 sur les nouvelles régulations économiques. Ce dispositif normatif arapidement présenté des carences que la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pourl’environnement, dite Grenelle II, a tenté de corriger.29


Un important arsenal juridique permet à diverses parties prenantes de s’assurer que leursintérêts ont bien été pris en compte, en fonction de leur implication dans l'activité de lasociété. Certains de ces mécanismes relèvent du droit des sociétés classique. Ainsi en est-il del’action sociale ouverte aux associés, de la possibilité de demander en justice la désignationd’un administrateur provisoire ou de requérir une expertise de gestion, ou encore del’incrimination de l’abus de biens sociaux. Le Code de commerce comporte également uncertain nombre de dispositions dont la mise en œuvre est ouverte à tout « intéressé », tellel’action en désignation d’un mandataire chargé de convoquer l’assemblée générale ou bienencore l’action en dissolution de la société dont le nombre d’actionnaires est inférieur au seuillégal ou dont les capitaux propres sont inférieurs à la moitié du capital, ou encore de certainesactions en nullité.La notion de faute de gestion soulevée dans le cadre d’une action en responsabilité civilecontre les dirigeants pourrait également permettre au juge de modifier sa grille de lecture descomportements en la matière. Il s’agirait alors de prendre en considération deux filtres : d’unepart, l’intérêt social lui-même qui justifie la réalisation de choix qui ne sont pas cantonnés auseul intérêt des associés, et d’autre part, l’anormalité du préjudice, qui devrait conduire àsanctionner l’atteinte aux intérêts des parties prenantes que pour autant que celle-ci soitillégitime dans un contexte sociétaire. L'intérêt social n'étant pas la somme des intérêtscatégoriels, mais le résultat finalisé d'un équilibre entre eux, ce n’est que la rupturedisproportionnée et injustifiée de cet équilibre qui doit trouver sanction.La référence par la jurisprudence à la notion de faute séparable pour faire tomber l’écran de lapersonnalité morale, et permettre aux tiers d’obtenir réparation se révèle alors fort opportune.L’exigence d’une faute d’une particulière gravité permet un contrôle judiciaire de la décisionde gestion à l’origine du préjudice. Or, ce contrôle est absolument nécessaire pour éviter quela responsabilité du dirigeant ne soit retenue à l’égard des parties prenantes qui n’ont eu àsouffrir que des conséquences d’un arbitrage certes maladroit, mais conforme aux intérêtssociaux et respectueux de l'ordre public sociétaire comme de l'ordre public général. « Ledirigeant scrupuleux sera protégé comme il se doit, le cynique risque d'apprendre à ses dépensque la poursuite du profit, dans un État de droit, ne peut se faire sans prise en considération,conformément à la plus élémentaire morale, des intérêts des tiers » (Trébulle, 2006).Nous pouvons également faire référence au régime des conventions réglementées étenduaujourd’hui aux rémunérations différées, ou des règles en matière de publicité des30


émunérations des dirigeants et de leurs modalités de fixation, ou encore du conditionnementdu versement des parachutes dorés à des conditions de performance 16 .Mais d’autres mécanismes bien plus novateurs peuvent également être mis en œuvre. Aussi,c’est à travers la compliance, que le droit peut aujourd’hui contribuer à créer une entreprisesociétalement responsable. De façon générale, cette notion comprend les stratégies propres àassurer un comportement conforme aux « règles du jeu ». Il s’agit d’un concept d’organisationet d’un instrument de surveillance permettant de s’assurer que l’entreprise respecte les lois,les règlements, les codes de conduite, ainsi que les standards de bonne pratique, et dontl’inobservance risque d’entraîner des conséquences négatives pour l’entreprise, telles quedommages financiers, perte de réputation, mise en jeu de sa responsabilité civile ou pénale(Fasterling, 2011, p. 323). Démarche principalement positive destinée à positionnerl’entreprise vis-à-vis des parties prenantes et d’en faire un instrument concurrentiel, lacompliance peut être vue comme un outil de performance et un facteur d’harmonisation despratiques de l’entreprise fondé sur la transparence (Lefebvre-Dutilleul, 2011, p. 306).Le programme de compliance est un engagement qui entre dans la sphère du droit et qui créedes obligations pour l’entreprise. C’est le creuset dans lequel l’entreprise s’approprie et faitsienne la règle de droit et les aspirations des Stakeholders. Elle constitue l’essence de saculture juridique (Trochon, 2011, p. 317). Elle n’a pas vocation à s’immiscer dans leprocessus de prise de décision managériale ou stratégique, mais à garantir que celle-ci seraprise en conformité avec les normes juridiques et éthiques que l’entreprise aura internalisées.Le contour de ces normes variera en fonction de la magnitude des risques encourus parl’entreprise, risques exogènes liés à la mondialisation (risques environnementaux, sociaux,humains, « réputationnels »…) ou endogènes (risques de gouvernance, de fraude, decriminalité économique, d’infractions aux règles de la concurrence…). Ces risques ne sontpas tous de même ampleur et ne correspondent pas forcément à la définition d’une infractionjuridique en droit français. Il appartient alors au manager de procéder aux arbitrages adéquats.La compliance constitue une internalisation par l’entreprise de la règle de droit et de la normeéthique (ce qui est attendu de l’entreprise par les parties prenantes) en l’adaptant à laspécificité du modèle de l’entreprise. Dans cette perspective de compliance, l’entreprise n’estplus le destinataire du droit, mais fait partie intégrante de sa réalisation. Le droit ne seprésente plus comme une fin, mais comme un moyen dans la défense des intérêts particuliers16 Loi TEPA du 21 août 200731


(Masson, Bouthinon-Dumas, 2011). Toutefois, la compliance pose un certains nombre dequestions éthiques qui ne sont pour l’instant pas résolues. Parce qu’elle nécessite pour êtreefficace, la mise en place de mécanismes de contrôle, ainsi que des procédures disciplinaires,la compliance encourage une « culture de la surveillance » peu compatible avec une « cultureéthique ».Reste la question de savoir si face à une norme volontaire, un contractant de l’entreprise, untiers –consommateur ou non – voire la société elle-même, peut en revendiquer le respect.Saisis d’un recours en violation d’une norme éthique par un client ou un fournisseur, le jugepeut bien sûr se placer sur le terrain de la responsabilité contractuelle, sachant qu’il existeaujourd’hui une tendance de la jurisprudence à conférer valeur contractuelle aux documentspublicitaires émis par les professionnels (Blin-Franchomme, 2009). Si l’initiative revient à untiers, c’est la responsabilité civile délictuelle qui devrait pouvoir être engagée sur lefondement de l’article 1382 du Code civil. Outre le droit des obligations, le juge pourraitégalement recourir au droit de la consommation prohibant les pratiques commercialestrompeuses qui « reposent sur des allégations, indications ou présentations fausses ou denature à induire en erreur » (art. L. 121-1 du Code de la consommation), et ce d’autant plusque depuis la loi du 3 janvier 2008 « le juge peut soulever d’office toutes les dispositions du [Code de la consommation ] dans les litiges nés de son application ». Le droit de laconsommation peut ainsi devenir un outil de promotion du développement durable (Blin-Franchomme, 2008).Partant de la constatation que les dirigeants peuvent commettre des erreurs, un renforcementde la régulation juridique n’est pas à négliger. Ce qui invite à revisiter la conception decertains mécanismes juridiques et à leur donner de nouvelles justifications. Si ces contraintesont pu être interprétées comme des impératifs en termes de discipline et de justification, ellespeuvent également servir de terreau à la règle de conformité ou, pour se référer à son origineanglo-saxone, à la règle « comply or explain » 17 . Véritable opportunité pour les entreprises, la17 Introduite par la loi du 3 juillet 2008 transposant une disposition de la directive n°2006/46/CE, cette règleprévoit qu’une société cotée lorsqu’elle se réfère volontairement à un code de gouvernement d’entreprise, précisedans le rapport joint au rapport de gestion les dispositions qui ont été écartées et les raisons pour lesquelles ellesl’ont été. Au cas où elle ne se réfère pas à un tel code, la société doit indiquer dans ce même rapport les règlesretenues en complément des exigences requises par la loi et expliquer les raisons pour lesquelles elle a décidé den’appliquer aucune disposition de ce code. V. Magnier, La règle de conformité ou l’illustration d’une32


conformité, ou plutôt la non-conformité constitue un outil de structuration des choix, à partirde laquelle les dirigeants peuvent se déterminer, à condition de motiver ces choix. Le retourde la norme au sein de la gouvernance fait de la réglementation des comportements ni unmodèle, ni une contrainte, mais un outil de diagnostic, d’optimisation et d’analyse construiteet cohérente des pratiques, dont les barrières mobiles peuvent se déplacer en fonction deconsidérations d’opportunité. Les dirigeants d’entreprises possèdent donc des outils leurpermettant de mettre en place une gestion responsable de la diversité des parties-prenantes.Bibliographie :Aglietta M. et Rebérioux A. (2004), Dérives du capitalisme financier, Albin Michel.Aliouli S., Cibert-Goton V. et Rousset C. (2008), « Droit et gestion pour une nouvelleconception du statut du dirigeant », La revue du Financier, n° 172, p. 6.Arbouche M. (2010), « La mesure et la responsabilité sociale et sociétale », Humanisme &Entreprise, n° 297, avril 2010.Barthélémy J. (2008), « L’intérêt de l’entreprise », Les Cahiers du DRH, n°146.Bertrel J-P. (1997), « La position de la doctrine sur l’intérêt social », Droit et patrimoine, p.42.Bessire D. et Meunier J., (2001) , « Conception du gouvernement des entreprises et modèlesd’entreprises : une lecture épistémologique, in Finance d’entreprise – Recherches duCREFIB », Economica, p. 185 et s.Bissara P. (1999), « L’intérêt social », Bull. ANSA, n° 3008.Blin-Franchomme M.-P. (2009), « De quelques éléments de régulation des démarchesvolontaires en matière de RSE… », Revue Lamy droit des affaires, n° 40.Blin-Franchomme M.-P. (2009), « L’entreprise bioacteur », Bulletin du Droit del’Environnement Industriel, 2009, n°19.Blin-Franchomme M.-P. (2008), « Entreprises et responsabilité : aperçu de quelques avancéesrécentes du développement durable dans la vie des affaires... », Lamy Droit des affaires, n°32.Capron M. et Quairel-Lanoizelee F. (2004), Mythes et réalités de l’entreprise responsable, LaDécouverteacculturation méthodologique complexe, in Les gouvernance des sociétés cotées face à la crise. Pour unemeilleure protection de l’intérêt social, LGDJ, coll. Droit des affaires, 201033


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Anne Marie FrayProfesseur GRHGroupe ESCEM Tours/Poitiersamfray@escem.frConstruire un lien avec ses interlocuteurs : le parcours coopératif de l’EcureuilDans le secteur bancaire, les pratiques de responsabilité sociale sont affichées sous des axesdifférents et complémentaires : engagements (charte de la diversité…), négociation d’accords(seniors, personnes handicapées, égalité professionnelle femmes hommes,) obtention delabels (égalité, diversité), politiques et pratiques de management de la diversité, d’égalité deschances et de lutte contre les discriminations, actions de développement durable,investissement socialement responsable, etc. Certaines de ces banques appartiennent de plusau secteur de l’économie sociale, de par leur statut juridique de banques coopératives.Pour ces dernières, les valeurs et représentations mentales associées à l’économie sociale sontà la fois un levier (image, responsabilité, profit partagé, éthique sous-jacente) et unecontrainte (attentes fortes des parties prenantes internes et externes de l’organisation).Dans ce contexte, savoir se situer dans ses pratiques, ses stratégies et envers ses partiesprenantes et ses différents interlocuteurs est une donnée essentielle afin de mesurer lesimpacts en termes de création de (toutes les) valeurs.C’est pourquoi nous avons choisi d’observer la situation d’une Caisse Régionale de la Caissed’Epargne, à travers une étude exploratoire de sa stratégie, de ses pratiques et de ses liensavec les parties prenantes 18 ; La question guidant notre approche repose sur le lien entre unebanque coopérative et ses principaux interlocuteurs. Pour ce faire, nous exposerons lesprincipes clés des banques coopératives en soulignant le lien avec la RSE. L’étude faite àpartir d’une caisse régionale de caisse d’épargne, ouvrant sur l’ensemble du groupe nouspermettra de visualiser les liens entre besoins et actions avec l’ensemble des interlocuteurs. Laprésentation des résultats en schémas reste de nature descriptive, mais permet de formaliser lacomplexité des rapports d’une organisation avec son environnement dans le cadre de la RSEet des diversités d’interlocuteurs.1 - Les principes clés de la banque coopérativeLes banques de l’économie sociale coopérative sont nées au XIX siècle en France, dans unchamp délaissé par les banques classiques, comme l’agriculture (Crédit Agricole) ou lescomptes ouvriers (Caisse d’épargne). Leur mode de fonctionnement reposait sur un accès plusgrand au crédit auprès de populations auparavant exclues et a ouvert à la bancarisation lapresque totalité de la société. Ces banques de « proximité » ont donc joué un rôle importantdans le financement des petites entreprise urbaines ou rurales et dans l’aide aux particuliers(constitution d’épargne, accès à la bancarisation, obtention de crédits). En France, cesbanques représentent actuellement près de 60% des dépôtsD’une manière générale elles sont organisées de la façon suivante : une entité nationale oufédérale, des caisses ou banques régionales, des caisses locales dont le capital est détenu pardes sociétaires. Elles se sont donc organisées en réseau là où les banques dites traditionnelles18 Cette étude fait partie des travaux de la Chaire Management de la Responsabilité Sociale, portée parl’Institution dont est issue l’auteure de cet article, par ailleurs responsable de cette chaire.37


se sont organisées sur un modèle hiérarchique et centralisé. Ce système d’organisation parmaillage permet de donner un sens concret à l’idée de banque de proximité, et d’affirmer uneidentité propre basée sur des valeurs identifiées. DE ce fait, elles multiplient également lesgroupes d’interlocuteurs.Dans le système français actuel, les banques coopératives sont toujours rattachées au conceptde l’économie sociale, définie comme un ensemble d’organisations dont la finalité est derépondre à des besoins humains collectifs, dans un fonctionnement démocratique et à finalitésociale et éducative (Jeantet, 2006). Finalité et non profit car l’activité de l’économie socialeest un service rendu aux membres ou à une collectivité, et les excédents financiers sont unmoyen de réaliser ce service et non de satisfaire l’objet principal de cet activité (Laville,Cattani, 2006). Dans cette approche, les principes de la gouvernance coopérative peuvent êtrerésumés en quatre principes forts :- principe de la démocratie (un homme/une voix), le droit de vote n’étant pasproportionnel à l’apport en capital- principe de double qualité : le client est aussi sociétaire, donc détenteur des partssociales composant le capital de la banque- principe de la limitation des rémunérations : en l’absence d’actionnaires, lessociétaires sont peu rémunérés et la convergence des intérêts sert l’organisation- principe de fonds propres non partageables, et de parts sociales non négociablesA ceci s’ajoutent des axes forts comme le principe de solidarité, celui de promotion del’individu, de la libre initiative collective, de l’indépendance vis-à-vis de l’état, le tout avec unsouci affiché de maintenir la pérennité de l’institution. Enfin la satisfaction des partiesprenantes apparait donc comme supérieure à la maximisation de la richesse d’un ou plusieursactionnaires. Ces différents principes peuvent également être vus sous le prisme d’unedéclinaison de la gouvernance partenariale (Caby, Hirigoyen, 2005).Durant ces vingt dernières années, cette forme de banque s’est plutôt bien adaptée à laconcurrence du milieu bancaire, en innovant aussi bien les produits que les procédures. Et ceface à des changements majeurs :- décloisonnement des circuits financiers et mise en place d’un espace européen unifiéouvrant à la concurrence et au processus de restructurations- constitution de groupe coopératif (dépassant les banques coopératives de détail enréseaux) pour gagner de nouveaux marchés- évolution vers les investisseurs financiers, inexistants en banque coopérative maisprésents en groupes bancaires coopératifs…Ces différentes évolutions expliquent par ailleurs la remise en question du modèle bottom-upet la coexistence d’une logique d’intégration stratégique (système fédératif) et d’une logiquede décentralisation et autonomie relative des caisses locales). L’heure est donc à une approchetop-down, à logique de contrôle, à taille critique, au sociétariat formel (Di Salvo, 2002).La question, dans le contexte actuel, de savoir si cette forme de banque sera longtemps viabledans un environnement capitaliste à outrance, a donc toute sa légitimité. Car si le modèlecoopératif est encore éloigné du modèle unique de la valeur actionnariale, il tend à s’enrapprocher, et la dichotomie apparente peut se transformer en paradoxe. Sur le terrain,l’exemple en est dans la recherche d’une taille critique entre caisses d’une même banque(fusion de caisses à la caisse d’épargne par exemple) : dans cette course à la taille critique, lesgrandes banques coopératives sont toutes parties prenantes mais plutôt que de se transformerde l’intérieur, elles pratiquent une croissance externe active en direction du secteur capitaliste(Gueslin, 2002).38


Le tableau ci-après synthétise les avantages et les inconvénients de cette forme de banque, auregard des liens avec les actions de RSE :Avantages- Vision à long terme. Elle n’a pas la pressionconstante des investisseurs. La direction peutdonc prendre des initiatives servant lesintérêts des sociétaires à long terme, même sielles ne semblent pas efficaces à court terme- Pas de conflits actionnaires / clients. Lacohésion des objectifs permet la réductiondes asymétries d’information- Image et notoriété avec la mise en avant desvaleurs mutualistes (solidarité)- Gouvernance et gestion décentraliséeInconvénientsAccès limité au marché financier avec peuou pas de possibilité d’augmenter ses fondspropres- L’autonomie des dirigeants est plus forteque dans une société cotée d’autant pluslorsque le sociétaire n’est pas actif- Risque de conflits entre sociétaires etdirigeants du fait des prérogatives diluées dusociétaire- Tension possible devant le marché entre leprincipe de solidarité et la recherche derésultats financiers et risque de déconnexionavec les principes fondateursTableau 1 : Spécificités du secteur bancaire coopératif, d’après Mauléon et Saulquin, 2009.Les banques, et particulièrement les banques coopératives, présentent donc des profilssociétaux en relation avec les tendances de responsabilité sociale actuelle. Mais ce sont desbanques… dont le cœur de métier n’est finalement guère différent, dans l’instrumentation, desbanques traditionnelles.Dans quelle mesure peut-on parler alors d’entreprise sociale ? Defourny et Borzega présententles neufs indicateurs de l’entreprise sociales, entre ceux à dominante économique, et ceux àdominante sociale (2001) :- dominante économique : Une activité continue de production de biens et/ou deservices, degré élevé d’autonomie, niveau significatif de prise de risque économique,niveau minimum d’emploi rémunéré.- dominante sociale : objectif explicite de service à la communauté, initiative émanantd’un groupe de citoyens, pouvoir de décision non fondé sur la détention de capital,dynamique participative, impliquant différentes parties concernées par l’activité,limitation de la distribution des bénéfices.Mais ces indicateurs sont-ils adaptés au lien RSE secteur bancaire coopératif ?2 – La RSE et le secteur bancaire coopératif : une relation à éclaircir ?D'après Tixier (2002) qui a étudié la communication des entreprises sur ce thème de laresponsabilité sociale, le vocabulaire a de nombreuses réalités : tantôt il est question d'éthique,tantôt d'entreprise citoyenne, tantôt de développement durable, tantôt de comportementsociétal, tantôt de civisme... C’est dans ce contexte qu’il est intéressant d’explorer laresponsabilité sociale dans le secteur bancaire coopératif et sociétaire et d’observer si cettemontée en puissance s’appuie sur les trois mêmes bases que dans les autres branchesd’activité : (Estay, Tchankam, 2004) :39


- une attente des salariés vis-à-vis de l’organisation en terme de pratiques de management etde modes de production,- une obligation de regard sur le long terme et une garantie quant aux relations del’organisation avec son environnement global (réseaux),- une mise sous surveillance des organisations par ce même environnement.Face aux enjeux financiers de la mondialisation, les banques coopératives semblent peuarmées de par leur système propre. Mais la dichotomie apparente (survivre au prix de ladisparition des principes idéologiques qui lui sont propres, ou garder ces principes ets’envoler dans la tourmente des résultats attendus…) peut ouvrir également sur un apport aumarché : une forme de régulation par le rôle plus important confié aux sociétaires sur ladéfinition des besoins et des contenus tant dans l’investissement que dans l’épargne (Surzur,2002). La pérennité des banques coopératives passe en effet par la préservation d’unedimension sociétale qui tente de donner et de garder à l’homme la primauté sur une économiequ’il a lui-même construite (Roux, 2002). Mais des dangers et des interrogations guettent lesystème : comment faire coïncider les valeurs mutualistes avec le culte de la rentabilité ;comment remobiliser un sociétariat en passe de se diluer ; comment répartir les pouvoirs ausein des entités nouvelles (fusion de caisse) ; comment garder la cohésion interne (Ory et alii,2006). Le socle identitaire des valeurs de ce secteur mérite donc d’être conservé, même sil’image se brouille parfois suite à des décisions économiques qui se révèlent hasardeuses(Natixis, issu du rapprochement des caisses d’épargne et de la Banque Populaire). Mais cesvaleurs et ces actions à défendre que sont viables que si le résultat financier est au rendezvouset le permet.De plus, les banques coopératives et mutualistes ne sont plus les seules sur le terrain :l’obligation faite aux banques commerciales de publier chaque année un rapport dedéveloppement durable (Loi NRE de 2001), les poussent à afficher un comportement plussolidaire, des actions de RSE identifiés, avec le risque de banaliser ce qui est le fondement del’avantage compétitif des banques coopératives. En réponse, celles-ci produisent de façonvolontaire un rapport spécifique portant sur les actions et les valeurs partagées : solidarité,égalité, coopération, autonomie, responsabilité, intégration, ainsi qu’une volontéd’entreprendre autrement. Ces rapports mettent également l’accent sur une logique deresponsabilité collective, de proximité et de pérennité économique dans les territoires, et dedéveloppement durable effectif.De plus, si la non-lucrativité n’est que peu de mise, la recherche de profit se fait pour lerenforcement de la structure pour l’ensemble des membres coopérateurs et non au bénéfice dequelques-uns. Et la présence des sociétaires crée un lien entre celui qui est responsable de lagestion et celui qui en bénéficie, au sens d’une gouvernance sociétale : si la RSE favorise lesparties prenantes, les banques coopératives vont plus loin en les intégrant à leur système degestion (Richez-Battisti, Boned, 2008).Deux axes de réflexions s’ouvrent à travers cette approche : comment situer la banquecoopérative dans ces différents aspects ? Mais surtout : quel raisonnement tient-elle et versquelle perspective dynamique se dirige-t-elle ? Est-ce de façon empirique (les actionsprécédent et accompagnent le changement) ou suivant une politique délibérée d’associationdes acteurs appartenant à une stratégie globale mise en œuvre à travers l’ensemble deséléments de l’organisation ? Enfin, et dans notre cas, que peut-on dire de la Caissed’Epargne?3 - Notre terrain : la caisse d’épargne40


Notre étude descriptive s’est effectuée dans le cadre des travaux d’une chaire sur lemanagement de la responsabilité sociale, et en utilisant la méthodologie et les outils del’intelligence économique 19 . Soit : une collecte et analyse de l’information à travers ladocumentation publique (rapport et sites internet) au niveau national puis régional ; uneéchange avec la caisse d’épargne à travers un guide d’entretien et des interviews ; une analyseformalisée par des diagrammes, mapping etc. Le travail a porté sur la C.E en première partie,puis a donné lieu à une étude comparative avec d’autres banques coopératives ou non. Ce sontles résultats de la première partie qui sont rendus dans cet article.Présentation de la Caisse d’EpargneL’inspiration responsable de la Caisse d’épargne est mise en mouvement par son premierprésident 20 , grande figure du mouvement philanthropique. Cette inspiration repose sur unevision de l’économie de marché et de l’économie monétaire, et de son corollaire : le risque dedéracinement social, d’inadaptation économique et de paupérisme. Historiquement, la Caissed’épargne revendique d’être un acteur majeur en termes de RSE depuis toujours (depuis sacréation en 1818) : missions d’intérêt général (financement de logements bon marché, dejardins ouverts puis des bains douches) ; financement des collectivités locales (prêts bonifiésaux collectivités et organismes publics ; mécénat d’évènements culturels et sportifs.Globalement, la Caisse d’Epargne se présente comme une banque de développement régional,comme une référence auprès des collectivités et des institutionnels locaux, des acteurs del’économie sociale et du logement social, ainsi que des PME locales. Ses diverses appellationsrelevées dans ses sites internet montrent cette volonté à travers les appellations de banque desterritoires, banque citoyenne et solidaire, ainsi que par ses actions : épargne retraite, services àla personne, logement social, financement des projets d’économie locale et sociale, actionscontre les formes d’exclusion et en faveur de la dépendance, etcLes actions entreprises par la C.E sont au cœur de deux axes : l’axe éthique/économique,traduisant la difficulté pour les organisations à rassembler ces deux extrêmes apparents, etl’axe environnemental/sociétal. Ainsi les actions en faveur des handicapés (aide à la personnecomme recrutement) sont considérés comme du ressort éthique et sociétal, et non économique19 Boureau, Boutmy, Monroty, Spiewek, Teyrasse, Voisin, (2009), La Responsabilité Sociale des Entreprisesdans le secteur bancaire, Etude, Atelier d’Intelligence Economique.20 Il s’agit du Duc de la Rochefoucauld-Liancourt.41


Schéma 1 : cartographie des actions principales la C.ELe schéma suivant permet de visualiser les liens entre les différentes parties prenantes. Sontreprésentées les besoins et les fonctions ou actions développées plus ou moins : par exempleentre employés et démarches RSE, est identifié le besoin de former, informer et recruter, letout s’accompagnant d’une action de recherche de cohérence entre leur métier et la RSE. Cedernier point étant plus ou moins développé au moment de l’étude.Schéma 2 : liens de la CELCLe Schéma 3 permet de conforter la qualité des liens, et de visualiser clairement les actions etattentes des différentes communautés gravitant dans et autour de la CE42


Schéma 2 Démarches CELC vers ses interlocuteurs1. Caisse d’Epargne et Banques coopératives: améliorer l’efficacité des démarches RSEpar rapport à la concurrence2. Caisse d’Epargne et managers: sensibiliser les managers aux démarches RSE3. Caisse d’Epargne et Partenariats professionnels : s’assurer des bonnes pratiques RSE4. Caisses d’Epargne et caisse régionales : développer des axes communs5. Caisse d’Epargne et Banques SA : améliorer l’efficacité des démarches RSE parrapport à la concurrence et se différencier/légitimer notre statut de banque coopérative6. Caisse d’Epargne et syndicats : expliquer les raisons/enjeux d’une politique RSE7. Caisse d’Epargne et employés : impliquer les employés dans une démarche RSE8. Caisse d’Epargne et banque Populaire : élaborer une stratégie RSE adéquate dans lesdeux banques9. Caisse d’Epargne et collectivités locales : agir conjointement sur des démarches RSE10. Caisse d’Epargne et clients : offrir la meilleure démarche RSE à ses clients11. Caisse d’Epargne et normes (cadre légal) : à poursuivre12. Syndicats et employés : interagir dans les démarches RSE13. Employés et managers : communiquer sur les actions RSE43


14. Caisses régionales et groupe : encourager les actions RSE15. FNCR et Société Civile : moderniser le rôle de banquier solidaireMême si, dans son organisation, sa communication, La CE se situe dans un modèlepériphérique, sa poussée dynamique la conduit naturellement à un modèle pyramidaleparfaitement intégré, où les valeurs et les actions sont en cohérence. Les différentes caisses,autonomes quant à leur organisation interne, se situant plus vers un mode périphérique ouintégrée au sens organisationnel et managérial du terme 21 .L’étude de ces deux schémas montre la volonté de la CE à correspondre aux définitionsdonnées d’une banque solidaire : régulation par les sociétaires, répartition des pouvoirs,recherche de cohésion interne, volonté d’entreprendre, etcOn trouve également dans le fonctionnement de la Caisse d’Epargne un objectif clair deservice à la communauté, et une prise en compte des indicateurs faisant d’elle une entreprisesociale : objectif explicite de service à la communauté, pouvoir de décision non fondé sur ladétention de capital, dynamique participative, impliquant différentes parties concernées parl’activité, limitation de la distribution des bénéfices.Pour conclure :On trouve dans le secteur bancaire en général, et la CE en particulier, un relatif silence surses actions : peur de donner une image pas assez professionnelle (privilégier l’utilité publiquesur la valeur de la rentabilité) ? Normalité de ces actions dans ce secteur ? En fait cespolitiques permettent actuellement d’attirer de nouveaux types de clients et sociétaires, plussensibles aux questions de responsabilité sociale. C’est donc bien dans le lien avec sesinterlocuteurs, internes et externes, que se fait la différenciation de comportement de la CE.Mais une des particularités réside aussi dans l’autonomie donnée au Caisses, malgré lesfusions régionales. Ainsi, la CELC 22 a vu nommer à sa tête il y a deux ans, une femmePrésidente de Directoire. La première dans l’histoire des Caisses d’Epargne. Mais faut-ilinscrire ce fait majeur dans l diversité ? Au risque de stigmatiser ce qui doit devenir un lieucommun ?C’est pourquoi se poser la question du lien de l’organisation avec les collectifs d’individus oules individualités nous a semblé un axe porteur pour le concept global de diversité.Caby.J, Hirigoyen G., (2005), « La valeur partenariale : un outil de gouvernance », Revue duFinancier, n°155.21 Les politiques de caisses comme Loire Centre et Bourgogne, à travers la co-construction de chaires, marquentle désir de formaliser plus en avant l’approche managérial de la RSE auprès de leurs salariés et des sociétaires.22 Le 16 novembre 2007, la Caisse d’Epargne Loire-Centre est née de la fusion des Caisses d’Epargne Centre-Val de Loire et Val de France-Orléanais. En région Centre, un habitant sur deux est client de la Caisse régionale,et plus d’un habitant sur deux est titulaire d’un produit Caisse d’Epargne. Avec près de 1 500 000 clients, laCaisse d’Epargne Loire-Centre affiche un taux de pénétration de 58 %, ce qui est considéré comme une trèsbonne performance, même si, de façon générale, les banques coopératives sont fortement présentes en milieurural et en villes de taille moyenne.44


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Olivier BACHELARD, HDR en gestionResponsable du pôle Management et GRHGroupe ESC St Etiennecourriel : olivier_bachelard@esc-saint-etienne.frLa diversité un investissement gagnant pour l’entreprise et leterritoire.En octobre 2008 à Corte, lors des quatrième rencontres internationales de la diversité, nousavions présenté (Bachelard, Courbon, 2008), une communication intitulée « L’égalité deschances, un investissement gagnant pour l’entreprise ». Cette recherche reposait sur unquestionnaire administré auprès des 22 600 entreprises du territoire de Loire sud. 1734avaient retourné le questionnaire, soit un taux de sondage de 7.7 %, avec une bonnereprésentativité de l’échantillon en ce qui concerne le secteur d’activité des entreprises. Ils’agissait de faire un point sur les pratiques des entreprises de ce territoire en matière degestion de la diversité. Nous avions conclu notre article de la façon suivante : « Par destravaux de ce type, les dirigeants en particulier de PME peuvent échanger et se rendre compteque le partage d’une réflexion, des interrogations, des craintes, mais aussi des espoirs peutfaciliter le développement de nouvelles pratiques plus innovantes de gestion des ressourceshumaines ».Nous proposons dans cette communication de faire un point sur les progrès réalisés par lespolitiques de gestion de la diversité, sur ce même territoire depuis cette date. Par delà l’état del’existant des politiques de gestion de la diversité au niveau d’un département français, nousavons souhaité contribuer à la construction d’un espace de sensibilisation, d’échange etd’action avec les dirigeants. Ainsi la journée intitulée « La diversité dans l’emploi : uninvestissement gagnant pour l’entreprise » du jeudi 22 mars 2012 organisée par la CCITerritoriale de Saint Etienne Montbrison, réunissant les différentes parties prenantes (mairie,Pôle emploi, Conseil Général, Mission Locale, syndicats) s’inscrit complètement dans cettephilosophie d’une recherche en gestion ayant une finalité transformative qui repose sur undouble étayage : académique, mais aussi pratique,1. Contexte et évolution de la notion de diversité.Depuis quelques années, on constate une mobilisation des différents acteurs (états,institutions, syndicats, entreprises) sur la question de l’égalité professionnelle. Dans le mondeacadémique, les premières rencontres internationales de la diversité lancées par J. M. Perettien 2005 ont fédéré les chercheurs en gestion et ont marqué le début de travaux de réflexionféconds et un encouragement des pratiques innovantes en matière de lutte contre lesdiscriminations. En effet, grâce aux trophées de la diversité qui récompense chaque année desentreprises et des organisations qui se sont illustrées de façon exemplaire dans l’une descomposantes de la diversité et pour l’égalité des chances ; la volonté d’agir des professionnelsde ces grandes entreprises est mise en avant et récompensée. A travers nos premiers travaux46


(Bachelard, Courbon, 2008) et cet article, nous avons voulu faire un point sur les pratiques enmatière de lutte contre les discriminations, à l’échelle d’un territoire. Les discriminations sontprises au sens global, c'est-à-dire au sens du livre vert de l’union européenne et de la loifrançaise, même si certains auteurs semblent regretter que des spécificités ne soient pas faitespour une catégorie de personnes, comme par exemple pour les femmes. (Igalens, Sahraoui,2010), « on peut s’étonner que le livre vert de l’union européenne qui recommande l’égalitéentre les différentes catégories de salariés, les femmes soient dans le même lot que lesminorités ethniques, les travailleurs âgés, les chômeurs de longue durée et les personnesdéfavorisées sur le marché de l’emploi ». On parle beaucoup de discrimination, on lit destravaux de chercheurs, on met en avant les pratiques de grands groupes, mais qu’en est il surun territoire donné ? Comment les acteurs de terrains (associations, entreprises, institutions)agissent et interagissent pour lutter contre les discriminations ?On a assisté depuis la fin des années 1990 à l’apparition de la discrimination comme problèmepublic et à la mise en place de réponses juridiques et à un recadrage autour de la question dela diversité. Le monde du travail est particulièrement concerné par ce que (Fassin, 2002)appelle « l’invention française de la discrimination ». Le marché de l’emploi est très viteassocié à la discrimination tout en étant pionnier en matière d’action de sensibilisation. Lesdifférents rapports de la HALDE montrent que l’emploi est le premier domaine visé par lesréclamations avec environ 50% des signalements.Rappelons que la question des discriminations s’est imposée, sur le terrain politique etjuridique depuis la fin des années 1990. Après les émeutes dans les banlieues, le rapport duhaut conseil à l’intégration (1998) sur « la lutte contre les discriminations » a marqué uneétape de prise de conscience du problème. Ensuite entre 2001 et 2003, les travaux du grouped’étude et de lutte contre les discriminations CODAC ont favorisé les premiers accords entrel’état, les syndicats et les entreprises. La création de la HALDE (Haute Autorité de Luttecontre les Discriminations et pour l’Egalité) en 2004 a mobilisé les différents acteurs et lesmédias. Enfin en mars 2011 la création d’une autorité indépendante : le défenseur des droitsest la dernière étape de cette construction.Le cadre juridique s’est structuré et étoffé au cours des dix dernières années. La transpositionde deux directives européennes (2000/43/CE du 29/06/2000 relatives à la mise en œuvre duprincipe de l’égalité de traitement entre les personnes sans distinction de race ou d’origineethnique) et (2000/78/CE de novembre 2000 sur le cadre général en faveur de l’égalité detraitement en matière d’emploi et de travail) s’est faite dans le droit français le 6 novembre2001, puis le 17 janvier 2002 avec la loi de modernisation sociale, le 9 mars 2004 et la loi surl’égalité des chances en 2006 (principe du CV anonyme pour les entreprises de plus de 50salariés) et enfin en 2008 avec la loi « portant diverses dispositions d’adaptation au droitcommunautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations ».La loi Perben du 9 mars 2004 punit d’une amende de 45000 euros et trois mois de prison toutediscrimination directe et indirecte.Le monde de l’entreprise et les sciences de gestion ont rapidement pris la mesure de cetteévolution et se sont appropriés cette problématique en la reformulant sous l’angle de ladiversité. Après les premières mobilisations par les associations et les syndicats contre lesdiscriminations les premières entreprises ont lancé des actions de promotion de la diversité.Le concept « d’égalité des chances » est lancé par l’institut Montaigne et en particulier parson président (Bébéar, 2004) dans son rapport au premier ministre. La promotion du conceptde diversité, la diffusion de normes, de bonnes pratiques par les DRH et les enseignants47


chercheurs en GRH ont contribué au passage de la lutte contre les discriminations à lapromotion de la diversité et de l’égalité des chances. (Peretti, Frimousse, 2010) « Lesentreprises et les organisations souhaitent également connaître les meilleures politiques enEurope et dans le monde, les grappes de bonnes pratiques dans ce domaine et les innovationsactuelles ».2. Les enjeux et les acteurs de la diversité dans l’emploiLe marché du travail, de par son organisation et ses finalités repose sur différentes formes deconcurrence et de sélection qui peut créer un espace favorisant les traitements inégalitairesqu’ils soient fondés sur l’âge, le sexe, l’origine ethnique, le handicap…La gestion des ressources humaines doit éviter ces obstacles comme le rappel (Thévenet,2012) « ce que gérer veut dire : analyser diagnostiquer constater une situation, la décrire, mesurer les caractéristiquesfortes, le potentiel d’évolution, la sensibilité au changement, à l’environnement, décider ; choisir et traduire en actes contrôler ; vérifier la pertinence de ses choix, contrôler leur efficacité selon descritères fixés.La gestion est un processus parce que le contrôle conduit à modifier l’analyse et donc leschoix futurs. »Le recrutement est un acte clé de la gestion des ressources humaines. Comme le souligne(Dejoux, 2012) « Le recrutement est un élément de l’attractivité sociale de l’entreprise quirepose sur les messages institutionnels, les valeurs éthiques et la prise en compte del’évolution des attentes des candidats. Bien qu’elles se destinent principalement à des ciblesprédéfinies, les stratégies de recrutement seront observées et analysées par des acteurs qui neseront pas directement concernés : les concurrents, les observateurs de benchmarks, lesanalystes financiers,… ».Pour l’entreprise, l’enjeu fondamental consiste à trouver la personne la plus apte à assumer lamission confiée. De la définition du poste et du profil recherché (compétences métier,comportementales, expériences, potentiel) à l’intégration en passant par la sélection,l’entreprise doit adopter une démarche rigoureuse pour éviter de se tromper. La discriminationn’a bien évidement aucune place dans ce processus et est contre productive sur tous lesaspects (performance économique, sociale, humaine, image,…). Alors que nous constatonsdes carences en personnel dans certains secteurs d’activité, il parait paradoxal de penser quedes préjugés puissent freiner l’intégration de compétences nécessaires au développementéconomique d’entreprise. Pour mémoire, les principaux critères prohibés par la loiconcernent : l’âge, le sexe, l’origine, la situation de famille, l’orientation sexuelle, les mœurs,les caractéristiques génétiques, l’appartenance vraie ou supposée à une ethnie, une nation, unerace, l’apparence physique, le handicap, l’état de santé, le patronyme, les opinions politiques,les convictions religieuses et les activités syndicales.Le recruteur (interne ou externe) doit assurer une mission difficile, générer un flux decandidats suffisant et réaliser une sélection efficiente (il n’y a pas de technique infaillible)parmi des candidats ayant des caractéristiques personnelles (difficile à appréhender) quijouent un rôle de plus en plus important pour la réussite dans l’emploi. Les critères deperformance sont nombreux et composites : fiabilité (un même phénomène mesuré plusieursfois avec le même instrument doit produire le même résultat), validité (l’outil doit rendrecompte du phénomène), fidélité (cohérence des réponses dans le temps), sensibilité (mesuredifférentielle des candidats), économique (coût de la sélection), scientificité (s’appuyer sur un48


corpus validé scientifiquement). De plus en terme éthique, le recruteur doit pouvoir donner unfeed back pertinent et constructif aux candidats non retenus pour la poursuite de leursrecherches.Pour le candidat, l’enjeu consiste à trouver un emploi dans lequel il va pouvoir s’épanouir, seréaliser et acquérir une identité sociale au travail. Comme le souligne (Albert, Bournois,Duval-Hamel, Rojot, Roussillon, Sainsaulieu, 2003) « je veux exister. Je veux être reconnu entant que moi». «Le sentiment général tel que nous l’avons perçu peut se résumer à cettecitation d’un salarié interrogé-je veux avoir dans l’entreprise une place qui est à moi et pasêtre un matricule interchangeable. Je veux pouvoir m’épanouir professionnellement avectoutes mes spécificités. J’en ai marre d’être toujours géré par des systèmes-». Pour lecandidat, outre l’équilibre contribution rétribution, pouvoir être reconnu en tant que personne,pouvoir réaliser ses aspirations individuelles tout en pouvant s’impliquer et développer sescompétences dans un cadre stable et sécurisant.Pour les associations, l’enjeu principal consiste à faciliter la rencontre de personnes endifficulté d’accès à l’emploi des entreprises, sur le public qui est l’objet de leur création (parexemple handicap pour CAP emploi, intégration des probationnaires, des personnes placéessous main de justice pour le GREP,…). Ces associations nombreuses ne disposent pasforcement d’une grande visibilité sur un territoire, il leur est difficile de sensibiliser etd’accompagner ces différents publics.Pour les institutions, et en particulier la CCI Territoriale, l’enjeu principal consiste à fédérer,donner de la lisibilité sur un territoire, entre les différents acteurs grâce à une démarcheintégrée et globale ; ce qui est l’objet de la démarche « recruter autrement » qui consiste àcartographier les différents acteurs de l’insertion pour diffuser le message de« l’investissement gagnant auprès des entreprises du territoire.3. Terrain et méthodologie.Cette recherche a pour cadre le groupe emploi, de la CCI Territoriale dont les principauxobjectifs consistent à contribuer à la politique emploi du gouvernement, à relayer lesdispositifs d’insertion et renforcer la gestion des compétences, et en particulier dans les PME(très nombreuses sur ce territoire).Cette commission s’est réunie pour la première fois le 10 octobre 2005. Elle s’est fixé pourbut prioritaire de favoriser la gestion des compétences et en particulier de promouvoir unepolitique de diversité dans la GRH des entreprises du territoire. Après la venue du Ministredélégué à la Promotion de l’Egalité des Chances, A. Begag, le 22 octobre 2006, le groupeemploi a décidé de lancer une étude sur les pratiques de GRH des entreprises de son territoire.Le projet, validé par la CCI, a été étendu à la Chambre des Métiers et de l’Artisanat et soumisà la Préfecture. Le Préfet de la Loire a validé le projet, avec le soutien de la Commission pourla Promotion de l’Egalité des Chances et la Citoyenneté (COPEC), pilotée par la Préfecture dela Loire. Un questionnaire a donc été élaboré, validé par les différentes parties. Il a étéadministré en octobre 2006. L’expédition et le retour ont été réalisés par voie postale. Letraitement statistique a été fait sous ETHNOS. L’objectif de cette recherche, au delà de laphotographie des pratiques de GRH des employeurs sur un territoire, consistait à pouvoirpartager avec le plus de dirigeants possibles l’enjeu d’une gestion de compétences exempte detoute forme de discrimination. Une manifestation importante réunissant toutes les partiesprenantes a été organisée en 2007. En 2008, un annuaire des associations été réalisé et diffuséaux entreprises. Puis le réseau « recruter autrement » a vu le jour, montrant l’engagement de49


la CCIT. L’objectif de ce réseau d’associations est triple: développer la synergie et decoordonner leurs actions de manière à les rendre plus efficaces, être plus visible du mondeéconomique, et mettre en place des actions communes, concrètes et mesurables visant àaméliorer l’employabilité des populations concernées (formation, adaptation des postes, …) età répondre aux besoins de compétence des entreprises. Toutes ces associations doiventrépondre aux cinq critères suivants : être des associations loi 1901, dont le siège est situé surLoire Sud et Centre (territoire de la C.C.I.T Saint Etienne Montbrison), ne dépendre ni d’uneseule entreprise privée, ni d’un établissement unique ni d’un établissement public unique, etIntervenir directement auprès des publics et des entreprises pour les aider dans leurrecrutement. Elles s’engagent à participer activement aux réunions du réseau et aux actionsdécidées, à mettre en commun leurs informations et des moyens de collaboration au service del’ensemble du réseau, à communiquer sous leur nom propre et avec le Label « RecrutezAutrement » pour les actions organisées au sein du réseau, à mettre en place un dispositif demesure et d’évaluation de la performance des actions organisées au sein du réseau « Recrutezautrement ». Une charte et des fiches de suivi ont été développées. Le 22 mars 2012 unesoirée intitulée « la diversité dans l’emploi : un investissement gagnant pour l’entreprise », aréuni les principaux acteurs impliqués sur le territoire.Le travail présenté aujourd’hui s’inscrit dans ce cadre, et a pour but de faire un état des lieux,sur ce territoire, en 2012 en matière de diversité dans l’emploi. Notre hypothèse centraleconsiste à penser que lutter contre les préjugés, les stéréotypes mobilisés de façon plus oumoins explicite à toutes les phases du recrutement, la communication et la sensibilisation detous les acteurs d’un territoire sur diversité comme chance permet d’optimiser les pratiquesrespectant les critères de compétences, de qualification, d’intégration dans un collectif detravail. La GRH est prise ici au sens de Thévenet et al. (2012) pour qui « faire de la gestiondes ressources humaines, ce n’est pas sortir de la logique de l’organisation dont la raisond’être est de fournir des biens ou des services à un environnement prêt à les accepter. Si uneorganisation a besoin de ressources humaines pour assumer son activité, la GRH a pour butd’opérer au mieux l’adéquation entre les attentes et des caractéristiques forcément différentesdes personnes et d’une entreprise ».L'approche constructiviste semble être une démarche appropriée où s'exprime le caractèretoujours inachevé de la structuration. L’approche de la complexité par son caractère globalnous permet de montrer comment un projet émerge, prend forme, donne des pratiquescohérentes, efficiente et optimise la qualité de service.En ce sens, il s'agit de faire un travail de traduction au sens de la sociologie des techniques(Latour, 1989), ou un investissement de forme au sens de (Boltanski, Thévenot, 1991) c'est-àdirede traduire des observations en un construit appréhendable. Pour cela et en cohérenceavec nos positions épistémologiques, notre analyse est:processuelle : l'accent est mis sur l'action autant que sur le choix des dirigeants aucours du temps ;pluraliste : il s'agit de comprendre et décrire les éléments (qui peuvent différer d'undirigeant à l'autre) qui impactent les pratiques de nos dirigeants;historique : il s'agit non seulement de prendre en compte l'évolution des éléments quiont pesé sur les choix des dirigeants ;contextuelle : nous étudierons les relations réciproques entre les différents types decontexte externe mais aussi interne, c'est-à-dire la façon dont les dirigeants se sontappropriés ces contextes externes.50


Cette perspective de recherche privilégie la compréhension du phénomène étudié et est en cesens particulièrement intéressant dans le cadre de notre étude. A la lumière des résultats d’uneanalyse de la littérature, un guide d’entretien semi-directif est constitué. Il est important depréciser que les questions de ce guide n’ont pas été posées de façon mécanique mais servaientsimplement d’aide mémoire nous assurant d’aborder tous les aspects importants. Nous avonspar ailleurs fait le choix d’utiliser la technique du « récit de vie » définie par (Bertaux, 1997)comme étant particulièrement adaptée pour trois catégories d’objets d’étude : les mondessociaux, les catégories de situation et les trajectoires sociales. Ce procédé offre l’avantage depouvoir partir du vécu des interviewés, et de s’imprégner de leurs représentations.L’échantillon, est constitué des principaux acteurs du territoire (voir tableau 1). Les thèmesabordés sont : l’histoire de la création de la structure avec un focus sur les élémentsdéclencheurs, la vision du dirigeant et sa philosophie d’intervention /ou de management, larelation que ce manager a avec son environnement extérieur, et pour finir les résultats de cespratiques.Tableau 1 : les acteurs de l’égalité des chances du territoire rencontrés.Type de structure Nom de la structure Objectif de la structure liéà l’étudeINSTITUTION CCI Territoriale Recruter autrementDéveloppement de laréinsertion professionnelleINSTITUTION Défenseur des droits Lutter contre lesdiscriminationsINSTITUTION Conseil Général Remise en jeuAide au recrutement etintégration durableINSTITUTION Saint Etienne Insertion dans l’emploiMétropolePolitique de la villeINSTITUTION Pôle emploi Aide au recrutement etaide à la recherched’emploiINSTITUTION Mission locale Insertion sociale etprofessionnelleAccompagner les 16 à 25ansASSOCIATION CAP EMPLOI 42 Favoriser l’emploi despersonnes handicapéesASSOCIATION CREPI Club Régionald’Entreprise Partenaire del’Insertion durableASSOCIATION CTP 42 Affiliée à la FédérationNationale des Associationsdu Travail en TempsPartagéPersonnesinterrogéesElu en charge del’insertionConseillèretechniquerégionale Rhône-Alpes AuvergneConseiller emploiVice présidenteDirecteurterritorial LoireDirecteurPrésidentPrésidentPrésidentASSOCIATION ELO Aide au recrutement PrésidentPromotion de la diversitéASSOCIATION FACE Loire Fondation Agir Contre Présidentl’ExclusionASSOCIATION FOREZAgir pour l’emploi par DirectriceENTREPRENDRE l’accompagnement despublics et des entreprisesASSOCIATION GEIQ propreté 42 Groupement Employeur Président51


pour l’Insertion et laQualificationASSOCIATION GREP LOIRE Groupe pour l’Emploi des DirecteurProbationnairesASSOCIATION Main d’œuvre A Aide à l’insertion Vice présidenteDispositionprofessionnelle desbénéficiaires des minimassociauxASSOCIATION Parta’GE Mutualiser des PrésidentecompétencesASSOCIATION AFIJ Faciliter l’insertion Directeurprofessionnelle des jeunesdiplômésSYNDICAT MEDEF Aide au recrutement Chargé demissionSYNDICAT CGPME Charte diversité CGPME PrésidentcommissionSYNDICAT UPA Engagement de l’Artisanatpour l’égalité de traitemententre les salariésinternationaleSecrétaire généralENTREPRISE QWERBY Service numérique DirigeantENTREPRISE Cabinet d’architecte architecte DirecteurENTREPRISE BRICO MARCHE Matériel de bricolage DirecteurRive de GierENTREPRISE Espaces verts 42 Entretien espace vert Directeur4. RésultatsLes institutions, les associations, les entreprises sont au cœur de la sensibilisation et del’action sur le territoire, nous proposons de structurer les résultats en trois parties : La démarche de recrutement (dans le cadre de structurant de la diversité) intégrant lesdifférents partenaires sur le territoire, La Méthode de Recrutement par Simulation ou par Habilités, quellesréalités aujourd’hui? Diversité et intégration dans l’entreprise.La démarche de recrutement peut être illustrée par le témoignage du dirigeant del’entreprise QWEEBY qui est implanté en zone franche depuis sa création. Son métierconsiste à dématérialiser les factures clients pour accélérer, sécuriser et suivre la facturationtout en réduisant les coûts. La diversité est pour son dirigeant au cœur de l’innovation dansl’entreprise par l’intégration de jeunes qui pensent et agissent de façon non conformiste, endehors de l’habitus dominant, (Bourdieu, 1972). L’habitus est la matrice des comportements."[...] l'habitus est le produit du travail d'inculcation et d'appropriation nécessaire pour que cesproduits de l'histoire collective que sont les structures objectives (e. g. de la langue, del'économie, etc.) parviennent à se reproduire, sous la forme de dispositions durables, dans tousles organismes (que l'on peut, si l'on veut, appeler individus) durablement soumis aux mêmesconditionnements, donc placés dans les mêmes conditions matérielles d'existences."L’entreprise peut être vue comme une institution, telle que la définie Bourdieu, c'est-à-direune structure sociale (ou un système de relations sociales) dotée d'une certaine stabilité dansle temps, ou dit autrement une règle du jeu acceptée socialement. Comme toute institution,l’entreprise se présente comme un ensemble de tâches, de règles, conduites entre les salariéset qu’elles sont dotées d'une finalité particulière.52


Ainsi pour le dirigeant de QWERBY, « Je ne fais pas de philanthropie, je n’agis pas parrespect du droit de la non discrimination, je travaille dans une finalité business. Nous avonspris la règle du 1/3 à l’envers 23 . Dés le premier salarié, on a recruté sur la zone, dans lequartier, on y trouve des pépites, des jeunes qui en veulent. Par contre, il faut savoir les gérer,ils pensent différemment, mais c’est en phase avec notre projet et notre façon de travailler.(Joras, Souillard 2010) résume bien cette posture positive « La diversité est l’expression duvivant, elle peut être ressentie comme discriminante et subie, mais elle peut être égalementrecherchée comme avantage ».Je suis de loin le plus vieux à 43 ans et aujourd’hui, sur les 6 salariés, 3 sont issus du quartier.La mission locale nous a bien aidés, pas simplement de façon ponctuelle, mais elle nousaccompagne dans le temps ».Le rôle de la mission locale, on le voit, est important. Des missions locales pour l'insertionprofessionnelle et sociale des jeunes peuvent être constituées entre l'Etat, des collectivitésterritoriales, des établissements publics, des organisations professionnelles et syndicales et desassociations.Dans le cadre de leur mission de service public pour l'emploi, elles ont pour objet d'aider lesjeunes de seize à vingt-cinq ans révolus à résoudre l'ensemble des problèmes que pose leurinsertion professionnelle et sociale en assurant des fonctions d'accueil, d'information,d'orientation et d'accompagnement, (Article L311-10-2inséré par Loi nº 2005-32 du 18 janvier2005 art. 2 I Journal Officiel du 19 janvier 2005). « Elles favorisent la concertation entre lesdifférents partenaires en vue de renforcer ou compléter les actions conduites par ceux-ci,notamment pour les jeunes rencontrant des difficultés particulières d'insertion professionnelleet sociale, et contribuent à l'élaboration et à la mise en œuvre, dans leur zone de compétence,d'une politique locale concertée d'insertion professionnelle et sociale des jeunes ». Sur leterritoire, pour passer de la praxis à la pratique, la mission locale a développé deux projetsparticuliers, financés par le fond social européen, (en plus des missions d’accompagnement).Le premier consiste à imprimer et mettre à disposition des restaurateurs, 40 000 sets de tablescomportant des cv anonymes de personnes en retour vers l’emploi. Ces sets restent 15 jourssur les tables des restaurants et sont renouvelés gratuitement. Si un dirigeant souhaite desrenseignements, des cartes de visite lui sont remises en fin de repas. La deuxièmeexpérimentation consiste à faire des CV vidéo d’une minute, pour des jeunes peu qualifiés. Ilssont envoyés sous forme de mailing aux entreprises partenaire de la mission.Pour le MEDEF, partenaire du monde économique depuis de nombreuses années, la missionest double. Il s’agit d’une part d’accompagner les entreprises en matière de GPEC (GestionPrévisionnelle des Emplois et des Compétences), afin que les ressources humaines ne soientpas une variable d’ajustement et d’autre part, d’apporter une aide au recrutement. Depuis samise en place en juin 2001, l’action a permis la remise en situation professionnelle denombreuses personnes jusqu’alors sans emploi, apportant dans le même temps une réponseconcrète aux difficultés de recrutement des entreprises d’accueil. Ce travail est réalisé enpartenariat avec les différents acteurs (pôle emploi, cap emploi, la mission locale, le conseilgénéral, les centres d’accueil, les cellules de reclassement,…). Mode d’Emploi poursuit undouble objectif : aider les entreprises dans leur recherche de personnel et faciliter l’accès à cespostes aux personnes tenues éloignées de l’emploi mais répondant cependant aux critèresd’employabilité. En simplifiant le rapport entre les deux parties prenantes, 89 personnes ontété accompagnées en CDI ou CDD longue durée soit un taux d’insertion de 91% pour 2011.23 Cette règle impose aux entreprises de zone franche de recruter à minima le troisième salarié dans la zone.53


La Méthode de recrutement par Simulation ou méthode des habilités est maintenant bienconnue. Pour le Directeur territorial de pôle emploi « La méthode de recrutement parsimulation (MRS) permet d'élargir les recherches de candidats en privilégiant le repérage descapacités nécessaires au poste de travail proposé. Elle sort des critères habituels derecrutement que sont l'expérience et le diplôme. Cette méthode de recrutement est utilisée surune centaine de plates-formes de vocation sur tout le territoire. Le recrutement se déroule enplusieurs étapes : analyse sur site du poste proposé pour définir avec vous les habiletésrequises, création d'exercices permettant de mesurer les habiletés des candidats au regard duposte proposé, évaluation des candidats avec les exercices créés sur mesure et présentationdes candidats qui ont réussi leur évaluation. Cette méthode permet de faire face à desrecrutements en nombre ou de pourvoir des postes pour lesquels il y a des difficultés derecrutement dues au manque de candidats. Elle offre une réponse personnalisée grâce à desexercices adaptés au poste de travail. Elle s'applique à tous les secteurs d'activité et à tous lestypes de postes. Les exercices pratiques recréent par analogie les conditions du poste detravail à pourvoir. Ils permettent d'observer et d'apprécier la façon dont les candidats abordentet résolvent les difficultés du poste. Chaque candidat réalise seul ou en groupe, un ensembled'actions concrètes. Il doit respecter une organisation de travail, réaliser des tâches enrespectant des normes et des consignes et obtenir un résultat précis. S'il y parvient, sacandidature vous est présentée. Les habiletés constituent l'ensemble des capacités nécessairespour réaliser un travail. Elles sont transférables d'une situation à une autre. Les habiletéspeuvent donc avoir été développées dans le cadre professionnel ou en dehors et netransparaissent pas vraiment dans le CV du candidat. L'efficacité de la méthode derecrutement par simulation dépend du respect de chacune des étapes de mise en œuvre et del'implication réciproque de chaque partie ».En 2007, la méthode de recrutement par simulation s'est vue décerner un label par la HALDE(Haute Autorité de Lutte contre les Discriminations et pour l'Egalité), dans le cadre de l'annéeeuropéenne de l'égalité des chances pour tous et a donc été développée en 2008 avec lacréation de pôle emploi pour lutter contre les discriminations. Dans la Loire, en 2001, 2561personnes ont été évaluées, 1345 ont réussi les tests, (soit 53%) et 822 ont été recrutés grâce àcette méthode. Ce qui fait un taux de placement de 61%.Pour le dirigeant de BRICOMARCHE de Rive de Gier, cette méthode a été efficace. « Al’ouverture du magasin, cette méthode des habiletés a servi à recruter les 20 salariés, (agentd’accueil, de caisse, vendeurs, comptable, magasinier,…). 80 demandeurs d’emplois ont étéconvoqués, 60 ont passé les entretiens, 25 ont été rencontrés pour des entretiens et ontparticipé à la mise en route du magasin pendant 2 mois. Puis 10 ont été recrutés en CDI et lesautres en CDD. Ils ont des profils très différents, y compris en terme d’âge (ils sont nés entre1961 et 1991). La méthode apporte sur un plateau au dirigeant des candidats fiables, on évitela perte de temps des entretiens, à condition de bien préparer les offres en amont ». (Point2006) illustre bien cela « Pour les entreprises, il ne s’agit plus de dire si elle gère la diversité,mais quelles actions sont menées ou prévues, quelles dimensions sont au cœur de leurspréoccupations et font l’objet de toutes les attentions ».Pour le président de la commission internationale de la CGPME, les six points de la charte dela diversité (sensibilisation des dirigeants, respect de la non discrimination, refléter lapopulation française, communiquer aux salariés, faire de la diversité un objet de dialogue etintégrer la diversité dans les rapports d’activités) de la CGPME reflète parfaitement la postureet l’engagement de son organisation patronale représentant les PME et les TPE.L’intégration dans l’entreprise est le troisième aspect de cette action. L’UnionProfessionnelle Artisanale (UPA) a signé un accord social dans la Loire avec les 5 syndicatsreprésentatif pour prévenir les discriminations et favoriser l’égalité de traitement entre les54


salariés. Les solutions proposées dans cet accord social sont de quatre naturescomplémentaires « un appui opérationnel dans l’entreprise, des formations adaptées au chefd’entreprise et à l’encadrement, des documents contractuels (contrats type, règlementintérieur, …), des aides pour faciliter un recrutement ou pour gérer les compétences dessalariés ». Ces actions de communication permettent d’intégrer dans les équipes, la réflexionsur les actions de discrimination au quotidien. De même, une sensibilisation auxdiscriminations est incluse dans toutes les formations Ressources Humaines, comme parexemple les formations au tutorat ou celle de chef d’équipe ; par contre. De plus lespartenaires sociaux ont construit une instance de médiation externe à l’entreprise qui agit endehors de toute pratique contentieuse. « Cette instance peut être saisie par le chef d’entrepriseou le salarié discriminé pour trouver ensemble les voies du dialogue ».Le conseil général, a développé un dispositif appelé « Remise en jeu ». Ainsi 13 ConseillersEmploi Insertion ont pour principales missions : la conduite d’entretiens auprès des personnesen recherche d’emploi, bénéficiaires du RSA, l’analyse de leurs potentialités et de leursdifficultés, le repérage et la mobilisation des entreprises, l’identification des besoins enrecrutement et l’accompagnement pour leur mise en œuvre et leur suivi, la préparation, lepositionnement et l’accompagnement des publics lors des phases de recrutement etd’intégration dans l’emploi. En 2011, 1 822 personnes ont été contactées et 322 personnesrecrutées, 1 622 visites ont été conduites. 55 % des placements ont concerné des contratsd’une durée supérieure ou égale à 6 mois. 95 mesures (Contrat Unique d’Insertion CIE ouAccompagnement et Intégration Dans les Entreprises Ligériennes) ont facilité l’accès àl’emploi et d’intégration durable dans le secteur marchand. Deux mesures peuvent être citéesà titre d’exemple, « Le Contrat Unique d’Insertion est une aide au recrutement debénéficiaires du RSA sur des CDD d’au moins 6 mois ou des CDI, d’une durée de 25 heureshebdomadaires minimum, une convention de 6 à 12 mois avec un taux de prise en charge à45% du SMIC , des contenus de tâches, une progression attendue et des objectifs.L’accompagnement et l’Intégration Dans les Entreprises Ligériennes (AIDEL) permettent lerecrutement de bénéficiaires du RSA sur des CDI, d’une durée de 25 heures hebdomadaires,un financement pour le tutorat au sein de l’entreprise (aide forfaitaire de 2000 €), uneconvention de 9 mois avec un objectif d’autonomie professionnelle sur le poste.Pour le dirigeant de la société Espace Verte de la Loire, le recrutement de public prioritaire eninsertion est une obligation dans le cadre des marchés publics. Le recours au GEIC(Groupement Employeur pour Insertion et la Qualification) permet de participer à l’insertionde demandeurs d’emploi (Bachelard, Paturel, Venet, Abord de Chatillon, 2007).Pour le dirigeant du cabinet d’architecte, l’accompagnement par un expert d’une association« permet un allégement du travail et du risque sur une étape clé : le recrutement. Nousn’avons pas de compétence en GRH par notre formation d’architecte. Le travail en amont(échange individualisé, mise en relation ciblée) permet de développer la confiance. Lecandidat se sent accompagné et le dispositif de tutorat permet d’apprendre à se connaitre et dedésamorcer les problèmes à la source. Nous venons de recruter un économiste de laconstruction grâce à ce réseau, et cela a été une réussite ».5. Discussion : que deviennent les différences ?Les résultats de ce travail nous posent trois grandes questions.Comment renforcer l’efficience du principe d’égalité ? Nous avons vu que l’engagement desdifférents acteurs (institutions, associations, entreprises) pour veiller à l’application du droit àl’égalité et de lutte contre les discriminations, en particulier en matière de recrutement estimportant. Des actions de communication, de sensibilisation, de formation,d’accompagnement, voir de financement sont engagées pour faire évoluer les attitudes et les55


comportements des dirigeants et des responsables de recrutement. Pour autant, avons nousrépondu par l’affirmative à la question ? Si on en croit (Gannouni, Frimousse, Peretti, 2010),la réponse n’est pas si simple. Il faut en effet avoir recours aux notions de discriminationintrinsèque et extrinsèque au travail. « Cette première forme de discrimination, imputée à lacompétence et à la contribution des employés atypiques, nous la qualifions de discriminationintrinsèque au travail ». « La discrimination extrinsèque concerne les conditions de travail, lesrelations professionnelles et le salaire ». « Contrairement au premier type de discriminationintrinsèque au travail, expliquée par la compétence de l’individu et de son effort, ce deuxièmetype de discrimination résulte des pratiques de gestion des ressources humaines ». (Gannouni,Frimousse, Peretti, 2010) nous montrent que dans les entreprises ayant recours aux emploisatypiques par improvisation et/ou opportunisme économique, les salariés subissent despratiques de discrimination intrinsèques au travail (expliquée par la contribution et le rôle desdeux catégories d’employés, atypiques et permanents) et extrinsèques (due à la précarité deleur situation). Ainsi, nous devons donc poursuivre plus avant nos investigations pour pouvoiraller plus loin. Si, sur le plan social, les emplois atypiques facilitent l’insertion professionnelleen particulier des jeunes et sur le plan économique, ils sont une forme de flexibilitéorganisationnelle et ils permettent le recentrage sur les fonctions centrale. Pour (Laufer,Rachel, 2006) « Les dispositions concernant les parcours professionnels font aussi une place àla question du temps partiel, qui selon plusieurs accords ne dit être source de retard dansl’évolution professionnelle et dans la carrière ».L’identification des choix stratégiques précisant le statut de chaque employé et son évolutionen fonction de sa contribution doit contribuer à limiter les formes de discriminationextrinsèques au travail et renforce l’équité perçue par les salariés. Sortir durablement de laprécarité est donc un élément important de la réponse à cette question.Pourquoi le CV anonyme n’a pas rencontré le succès ? Lors de nos échanges, aucun desprotagonistes n’a reconnu utiliser le CV anonyme, mis à par sous forme de set de tablediffusés dans les restaurants. Mesure concrète votée dans la loi de 2006, (mais dont les décretsn’ont pas été promulgués), relancée en 2009 par Yazid Sabeg, le CV anonyme n’est utiliséque par un nombre limité d’entreprises, et ne rencontre pas de succès parmi les acteurs quenous avons rencontrés. L’argument le plus convaincant est apporté par (Simon, Madoui,2011)« Le Cv anonyme présente un dilemme qui se situe au cœur de la question desdiscriminations : celui de la visibilité. En effet son ressort repose sur l’effacement de lacaractéristique fondant le traitement défavorable. Ce faisant, il place les personnesdiscriminées dans une invisibilité qui de fait, les rapproche, les assimile du groupemajoritaire. Ce tour de passe-passe a suscité des critiques car il suppose la dépersonnalisationdes candidats à l’emploi pour assurer leur protection ». Nous avons bien vu, lors de noséchanges, que c’est l’inverse qui est recherché par les entreprises, dans le processus derecrutement, ce qui explique sans doute à l’inverse, le succès de la méthode par simulation oudes habiletés.La logique territoriale permet est elle de réduire les inégalités produites par la structure mêmede la société française ? Au-delà des pratiques visibles de certaines entreprises qui peuventjouer un rôle de locomotive (dés le début avril 2009, 2200 entreprises avaient signé la chartede la diversité, alors que dans le même temps, la moitié des 7788 plaintes de la HALDE en2008 concernaient l’emploi), la discrimination en entreprise n’a pas disparu. Si l’égalité deschances progresse (Scouarnec, Vincent 2010), nous rappelle l’importance de l’intégration.L’embauche n’est pas suffisante. « Beaucoup d’entreprises se fixent pour objectifd’embaucher les profils diversifiés, mais l’enjeu le plus important est certainement la capacité56


de l’entreprise à intégrer réellement le candidat choisi au sein des équipes ». « Savons-nousintégrer des profils autres que des clones ? Dans les métiers nouveaux qui se développentnotamment autour du web, cela ne pose que peu de difficultés : les équipes sont diverses dansleur origines, formations, cultures. Seul demeure un point de vigilance : le cas de la gestion del’âge car la moyenne d’âge de cette population est très jeune (inférieure à 30 ans). ». Ce quenous avons vu avec l’entreprise QWERBY. Le problème se pose davantage dans les métierstraditionnels dont les codes et pratiques sont très ancrés, comme le montre (Peretti, Delaye) 24« Le responsable opérationnel, confronté aux exigences de la performance à court terme, aune prédilection pour le clone, c'est-à-dire celui qui ressemble à ceux d’aujourd’hui en place.Il estime à juste titre qu’il s’intégrera plus facilement, sera plus rapidement opérationnel avecmoins de risques d’échec et de départ rapide ». C’est pour cela que la méthode des habiletésest très intéressante, comme nous avons pu le voir dans nos résultats, dans différents cas.La réponse apportée à l’échelle d’un territoire, en associant les différentes parties prenantesest une solution globale et intégrée. Elle ne doit cependant pas masquer ce que dénonce(Simon, 2006) « Avançons cette explication que nous allons développer dans ce texte : lareconnaissance des discriminations vise à éviter la remise en question du modèle républicainlui-même. Comme une mesure conservatoire qui pare au plus pressé, elle permet d’évacuer lefait central, et proprement insupportable, que les discriminations sont produites par lastructure même de la société française ».ConclusionComme le souligne (Scouarnec, Vincent, 2010), « En matière de diversité, l’entreprisevertueuse est certainement celle qui respecte la cadre légal, mais c’est surtout celle quis’engage au-delà des dispositifs obligatoires et qui va, par ses convictions et ses initiativesinciter d’autres acteurs à l’action ». La démarche structurée progressivement par la CCITillustre parfaitement le message de (Scouarnec, Vincent, 2010). En effet la démarcheentreprise en 2007 par la précédente mandature au sein de la Commission Valorisation desCompétences de la CCI avec un objectif d’état des lieux et de la promotion de l’égalité deschances, s’est poursuivie en 2008 par une initiative qui a consisté à éditer un annuaire desassociations d’insertion professionnelle mettant en relation l’entreprise et le demandeurd’emploi le plus compétent sans distinction d’âge de sexe d’origine. De cet annuaire est né leréseau « Recrutez autrement » distribué à 20 000 exemplaires avec le Journal InformationsEconomiques. Ce n’est donc que dans un troisième temps qu’un réseau actif, fédérateur desdifférentes initiatives sur le territoire s’est progressivement structuré. Cette démarche illustrebien la pensée de (Prevost-Bucchianeri 2006), « seule une synergie entre les différentesparties prenantes, état, entreprises, associations, syndicats, salariés eux-mêmes pourra faireretrouver à la France le droit d’afficher l’égalité au fronton de la République. Seule unecollaboration entre des acteurs bigarrés pourra permettre de mettre en place une politiquediversifiée pour faire vivre une France des diversités ».La légitimité de cette approche intégrée, qui maille l’approche sociale de l’insertion etl’intérêt économique, qui fortifie le territoire en développant durablement des compétencesgrâce à l’expertise croisée des institutions, des entreprises et des associations est le reflet de larichesse de la diversité. L’innovation nait bien de la rencontre et du dialogue entre lespartenaires, dans un esprit de pragmatisme. Comme l’écrit (Vergne 2006) « s’entourer de24 http:// dgcnetwork.net/oedb/weblog/.57


profils variés représentatifs de sa clientèle, c’est le meilleur moyen de la comprendre et doncde la satisfaire. C’est également accroître son potentiel de créativité et d’innovation par laconfrontation des idées, des expériences et des cultures. C’est enfin une source decomplémentarité et d’efficacité économique ».Nous sommes bien dans le cadre de la complexité, nous voyant au travers de ce cas, que laconfiance ne se décrète pas, qu’une simple loi ne règle pas les problèmes. Le conceptd’émergence n’est pas éthéré : passer de la praxis à la pratique demande de la conviction et del’énergie. Par contre les professionnels et les chercheurs, lorsqu’ils travaillent ensemblepeuvent jouer un rôle déterminant pour diffuser des bonnes pratiques, pour sensibiliser lesdifférentes parties prenantes et diffuser progressivement des concepts et actions autour de ladiversité afin de changer la réalité.BibliographieAlbert E. Bournois F.Duval-Hamel J. Rojot J. Roussillon S. Sainsaulieu R. (2003), Pourquoij’irais travailler ? , Paris, Eyrolles.Bachelard O. Courbon B., (2008), « L’égalité des chances, un investissement gagnant pourl’entreprise » actes des 4èmes rencontres internationales de la diversité, Corte, 2, 3, 4octobre.Bachelard O. Paturel D. Venet R. Abord de Chatillon E. (2007), « L’emploi des personnesHandicapées » in Peretti J. M. Tous différents, Editions d’organisations.Bayad M. Ennafakhi H. (2005), « La diversité dans les équipes projets : une force ou unefaiblesse », actes des 1ères rencontres internationales les défis de la diversité, Corte, 6, 7, 8octobre.Bertaux D. (1997), les récits de vie, une perspective ethnosociologique, Paris, NathanCollection 128.Bourdieu P. (1972), Esquisse d'une théorie de la pratique, Éditions Droz.Bébéar C. (2004) « Des entreprises aux couleurs de la France. Minorités visibles : relever ledéfi de l’accès à l’emploi et de l’intégration dans l’entreprise », rapport au premier ministre,La documentation française.Dejoux C. (2012), Recruter, in Thévenet M. Dejoux C. Marbot E Normand E Bender A.FSilva F. (2012), fonctions RH : Politiques, métiers et outils des ressources humaines, Pearsonéducation, Paris, p339-370.Fassin D. (2002) « L’invention française de la discrimination », revue française de sciencepolitique, vol 52, août, p 403-423.Gannouni K. Frimousse S. Peretti J.M. (2010), « Diversité des emplois et perceptiond’équité », revue management et avenir, N°38, octobre, p257-275.Igalens J. Sahraoui D. (2010), « Pratiques de diversité : portées et limites au regard ducontexte local, revue management et avenir, N°38, octobre, p276-292.Joras M. Soullard A. (2010), « Diversité, vue d’en haut, vécue d’en bas », revue managementet avenir, N°38, octobre, p176-187.Latour (B.) Les sciences en action, Paris, La découverte, 1989.Laufer J. (2004), « Femmes et carrières : la question du plafond de verre », Revue Françaisede Gestion, volume 30, N°151, Juillet Août, p117-128.Laufer J. Rachel S. (2006), « L’égalité des femmes et des hommes en entreprise ; de nouvellesavancées dans la négociation ? », N°97, p245-271.58


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UNE ANALYSE DE L’ECO-EFFICIENCE DES ENTREPRISESFRANÇAISES DU SECTEUR DES SERVICES AUXCONSOMMATEURSBéchir BEN LAHOUELDocteur en Sciences de Gestion – IAE de Corte20 rue de Picardie93290 Tremblay en Francebbenlahouel@yahoo.frJean-Marie PERETTIProfesseur à l’ESSEC Business School et à l’IAE de Corte7 Avenue Jean Nicoli 20250 Corteperetti@univ-corse.frRésumé :De plus en plus d’attention est accordée au concept d’éco-efficience au sein des cerclesd’affaires, politiques et académiques. L’éco-efficience est perçue comme instrumentd’analyse du développement durable qui indique l’efficience de l’activité économique entenant compte de ses impacts sur l’environnement naturel. La production conjointe de biens etservices ainsi que de polluants entraînent des difficultés dans la mesure de la performanceorganisationnelle globale. En raison de l’absence d’un marché pour la transaction despolluants, les managers et les chercheurs se trouvent incapables d’estimer les coûtsenvironnementaux de l’activité d’une organisation. La méthode de l’enveloppement desdonnées « Data Envelopment Analysis » (DEA) permet d’apporter une réponse à cesobstacles. Cette étude offre une modélisation de l’éco-efficience dans le cadre de la méthodeDEA. L’étude est conduite auprès de 18 entreprises françaises du secteur « des services auxconsommateurs ». Les résultats montrent que le nombre des entreprises éco-efficientes est trèsfaible (2 entreprises en 2006 et 3 entreprises en 2007). Les scores d’éco-efficience desentreprises françaises dépend fortement de la consommation des ressources naturelles et laproduction de déchets et de gaz toxiques.Mots clés : éco-efficience, DEA, polluants, outputs indésirables, processus de production.60


IntroductionLa notion du développement durable demeure le concept le plus abordé dans les débatspolitiques internationaux. Le rapport de la commission Brundtland (1987) définit ledéveloppement durable comme « le développement qui répond aux besoins du présent sanscompromettre la capacité des générations futures à répondre à leurs propres besoins ». En2012, l’association française de normalisation (AFNOR) définit un état de « durable » si « lescomposantes de l'écosystème et leurs fonctions sont préservées pour les générations présenteset futures ».Selon ces définitions, l’objectif principal du développement durable est que la croissanceéconomique ne doit pas épuiser les ressources naturelles irremplaçables, doit préserver lessystèmes écologiques et doit contribuer à réduire les inégalités sociales à l’échelle mondiale.De Simone et Popoff (2000, p. 3) notent que malgré tous les progrès réalisés ces dernièresdécennies, dans différentes disciplines, nous sommes très loin de toucher les objectifs dudéveloppement durable. La durabilité totale ne peut être atteinte que si toutes les externalitéssociales et environnementales négatives aient été éliminées (Boron and Murray, 2004, p. 72).Le défit de conciliation entre le système économique humain et la capacité d’absorption, parnotre planète, des externalités de production, requièrent de nouveaux instruments et denouvelles approches. La notion de l’efficience économique et écologique, communémentappelée éco-efficience, a émergé dans les années 1990 comme une approche pragmatiquepour une meilleure représentation des principes du développement durable (Schaltegger etSynnestvedt, 1990).Le concept de l’éco-efficience a été popularisé et promu par le Conseil Mondial des Affairespour le Développement Durable qui présente l’éco-efficience comme une philosophiemanagériale qui encourage les entreprises à concilier entre les performancesenvironnementale et économique par la promotion de l’innovation, de la croissance et de lacompétitivité (Rapport WBCSD, 2000, p. 4). L’éco-efficience cherche à combiner l’efficiencede production avec, à la fois, les objectifs du développement durable et la notion de justicesociale. En d’autres termes, l’éco-efficience cherche un développement capable d’augmenterle bien être pour tous les êtres humains avec le moindre impact écologique (Hoffren etApajalahti, 2009). Helminen (1998) note que toute création de richesse économique doits’accompagner d’une diminution de l’utilisation des ressources naturelles et d’une distributionéquitable de cette richesse. Bartelmus et al. (2004, p. 10) soulignent que l’éco-efficience estperçue comme une stratégie indispensable en faveur du développement durable.Dans une posture pragmatique, nous définissons l’éco-efficience comme « la capacité d’uneentreprise à produire des biens et services en réduisant la consommation des énergies et desressources et/ou en réduisant les déchets et les émissions toxiques ».La notion d’éco-efficience requiert de nouvelles méthodologies pour l’analyse et la mesuredes activités économiques. Différentes instruments de meure de l’éco-efficience ont étéintroduits dans la littérature (voir Tyteca, 1996). Toutefois, la plupart de ces mesures nereprésentent que de simples évaluations unidimensionnelles qui abordent la notion d’écoefficienced’une perspective étroite en ne considérant qu’un nombre limité de facteurs dans leprocessus de production (Oggioni et al., 2011). Par exemple, l’éco-efficience peut êtremesurée par des ratios qui relient la valeur économique des produits et services aux pressionsenvironnementales ou bien aux impacts environnementaux des processus de production. Surle plan macro-économique, l’éco-efficience a été mesuré par des indicateurs comme le rapportentre le PIB et les émissions de CO2. Sur le plan micro-économique, l’évaluation de l’écoefficiencea été largement abordée par des mesures singulières absolues ou bien relativesconcernant des indicateurs de performance environnementale (Perotto et al., 2008 ; Picazo-Tadeo et al., 2012). En dépit de leur nécessité et importance, ces indicateurs sont insuffisants61


pour capter le caractère holiste de l’éco-efficience dans le sens qu’un output économique peutêtre produit avec différentes combinaisons de pressions et d’impacts environnementaux.Ces dernières années des approches plus sophistiquées pour l’évaluation de l’éco-efficienceont été développées. La méthode de l’enveloppement des données « Data EnvelopmentAnalysis » (DEA, dans ce qui suit) est l’une des techniques qui offre une évaluation de l’écoefficienceen ayant la capacité de prendre en compte un ensemble d’indicateurs deperformance de différentes natures au sein d’un processus de production organisationnel.L’objectif de cette étude est l’analyse du niveau de l’éco-efficience des entreprises françaisesdu secteur des services aux consommateurs en employant la méthode de l’enveloppement desdonnées. La méthode DEA évalue l’efficience d’une unité de prise de décision « DecisionMaking Unit » (DMU dans ce qui suit) qui peut être tout type de processus de productionhomogène (hôpital, université, entreprise, municipalité, prison, etc). Cette approche présentel’avantage de considérer simultanément un ensemble d’inputs (ayant différentes unités demesure) et à la fois, un ensemble d’outputs désirables (produits ou services à valeur ajoutée)et un ensemble d’outputs indésirables (les déchets et les polluants) qui caractérisent unprocessus de production.1. Méthodologie1.1. Modélisation de l’éco-efficienceSelon la définition présentée en introduction, l’éco-efficience peut être mesurée par le rapportentre la valeur ajoutée de ce qui a été produit (p. ex., profit, qualité des produits et services,réputation, création d’emploi, etc.) et les externalités environnementales de ceproduit (Picazo-Tadeo, 2011 ; Zhang et al., 2008):Eco-efficience =Valeur ajoutée des produits et servicesExternalités environnementalesPour appliquer la méthode DEA, les indicateurs de performance doivent être divisés en inputset outputs. Les outputs sont définis comme les produits et/ou les services générés par uneDMU. Les inputs sont les ressources utilisées pour la production des outputs. Par exemple,une entreprise utilise des inputs comme le capital, la main d’œuvre et les actifs fixes pour lestransformer en outputs, généralement sous la forme de produits, de profits et de satisfactiondes clients.Zhang et al. (2008) notent l’existence de deux classes d’inputs caractérisant la relation entre lanature et l’économie : la provision de ressources (matières premières, énergies, etc.) et lafonction de la nature comme un cloaque pour le déchargement des résidus et des polluants.Par conséquent, deux types d’efficience peuvent être définis. D’abord, « l’efficience desressources » ou bien « l’efficience technologique » qui considère les impactsenvironnementaux suite à l’utilisation des ressources (Korhonen et Luptacik, 2004). Ensuite,si l’on considère les impacts environnementaux suite aux émissions des polluants, on parle« d’efficience environnementale » (Korhonen et Luptacik, 2004). Toutefois, Dyckhoff etAllen (2001) soulignent qu’une évaluation de l’éco-efficience doit intégrer dans un mêmeprocessus aussi bien l’efficience des ressources que l’efficience environnementale.Dans le cadre de notre étude, deux ressources naturelles sont considérées comme inputs : laconsommation d’eau et la consommation des ressources.Les outputs sont de deux types. Les outputs désirables qui représentent la valeur ajoutéeéconomique ou non suite à l’utilisation des ressources. Nous suggérons l’utilisation des deuxindicateurs de performance suivants : le retour sur capitaux propres (ROE) et le taux de62


ecyclage des déchets. Ces outputs désirables représentent des indicateurs qu’on cherche àmaximiser. Les outputs indésirables représentant les externalités négatives du processus deproduction (p. ex., les polluants). Ce sont des indicateurs de performance à impact négatifqu’on cherche à minimiser dans le cadre de la mise en place de la méthode DEA. Deuxindicateurs sont considérés dans cette étude : la quantité de déchets fabriqués et la quantité degaz toxique émis dans l’atmosphère.Notre cadre conceptuel se présente comme suit :Figure 1. Modélisation de l’éco-efficience dans le cadre de la méthode DEAROEConsommationd’eauEconomiePourcentage derecyclage des déchetsOutputsdésirablesRessourcesConsommationd’énergieDMUEnvironnementQuantité de déchetsfabriquésQuantité émise de gaztoxiquesOutputsindésirables1.2. Le modèle DEALe modèle CCR est le modèle d’origine de la méthode DEA. Il fait référence à sesconcepteurs Charnes, Cooper et Rhodes (1978). Le modèle CCR assume une technologie deproduction à rendements d’échelle constants, calcule l’efficience technique globale pourchaque DMU et identifie à la fois les sources et les montants de l’inefficience (Charnes et al.,1994). Les rendements d’échelle constants signifient que les outputs varient dans la mêmeproportion que la variation des inputs.Le modèle CCR réduit le ratio (multiples outputs)/(multiples inputs) en un seul nouveau ratioun output virtuel/un input virtuel. Les poids (u, v) sont attribués à chaque input et output dansle but de maximiser le score relatif de chaque unité de façon à ce qu’aucun score ne dépassel’unité. Le modèle CCR est représenté à travers le problème d’optimisation suivant :Maximiser : h0 (u,v) ∑ ∑Sous la contrainte : ∑ ∑ ≤ 1 ; j = 1, 2, …, n.Avec :j l’indice des DMU (1,…,n), l’indice 0 correspond à la DMU sous évaluation ;ho est le score d’efficience de la DMUo ;Yrj est la production du bien r par l’unité j ;Xij est la dotation en facteur i pour l’unité j ;Ur et Vi sont les systèmes de pondération à déterminer ;63


s est le nombre total des outputs, m est le nombre total des inputs, et n le nombre totaldes DMU sous évaluation.L’application de la méthode DEA à l’éco-efficience soulève le problème de traitement desoutputs indésirables ou bien des polluants (déchets et gaz toxiques) dont on espère diminuer lavaleur. Plusieurs modes de traitement des outputs indésirables sont offerts dans la littératurerelative à la DEA (voir à titre d’exemple, Korhonen et Luptacik, 2004 ; Yu et Wen, 2010 ;Zhang et al. 2008). Dans le cadre d’un problème d’optimisation, les outputs représententgénéralement des valeurs à maximiser. En présence d’outputs indésirables, ces dernierspeuvent être assimilés à des inputs à minimiser. C’est cette approche que nous retiendronspour le traitement des polluants.Dans le cadre de cette étude, c’est le modèle CCR à orientation input qui sera appliqué. Lecalcul des scores d’efficience est effectué en utilisant le logiciel EMS version 1.3. Ce logicielest en téléchargement libre sur le site : http://www.holger-scheel.de/ems/.1.3. Echantillon et mesure des variablesL’échantillon de l’étude est composé de 18 entreprises françaises appartenant au secteur desservices aux consommateurs. Le choix de ce secteur d’activité est motivé, d’une part, par lagrande visibilité environnementale des entreprises qui le composent (p. ex., Areva, EDF,Suez, Veolia, etc.) et d’autre part, par l’ampleur de l’impact environnemental de certaines deces entreprises (p. ex., Accor, Air France KLM, Veolia, etc.).L’analyse est conduite entre 2006 et 2007. Les mesures des indicateurs de performance sontles suivantes :- Consommation d’eau : millier de m 3- Consommation d’électricité : GWh- Quantité de déchets : tonne- Emissions de gaz toxiques : tonne- Taux de recyclage des déchets : pourcentage- ROE : rapport entre le résultat net et les capitaux propres2. Présentation des résultats et discussionsDans cette section, nous présenterons les résultats de notre approche pour l’évaluation del’éco-efficience de 18 entreprises du secteur des services aux consommateurs.Les modèles de la méthode DEA sont de deux types : des modèles à orientation input et desmodèles à orientation output. Dans les modèles à orientation input, le problème d’optimisationcherche à minimiser les inputs utilisés en gardant invariable la quantité des outputs fabriqués.Par contre, dans les modèles à orientation output, on cherche à maximiser les outputs tout engardant constante la quantité d’inputs introduits dans le processus de production. Il est à noterque les scores de performance sont les mêmes quelle que soit l’orientation du modèle DEA.La différence entre les deux orientations réside dans la manière selon laquelle les ajustementssont employés pour que les DMU inefficientes deviennent efficientes. Si les ajustements sontintroduits sur l’espace des inputs, le modèle est alors à orientation input. Si les ajustementssont faits sur l’espace des outputs, le modèle est alors à orientation output (Belu, 2009 ;Bosetti et Locatelli, 2006 ; Oggioni et al., 2011 ; Sarkis et Talluri, 2004).Dans le cadre de la problématique de la présente étude, nous pensons qu’il est plus judicieuxd’employer des modèles DEA à orientation input. En effet, l’objectif d’une analyse de l’écoefficiencecherche à réduire aussi bien la quantité des ressources utilisées que la quantité depolluants déversés dans la nature. Etant donné que nos indicateurs de performance englobent64


deux inputs traditionnels et deux outputs indésirables (quantité de déchets et émissions de gaztoxiques) qui seront convertis en des inputs à minimiser, nos considérons qu’une approcheDEA à orientation input sera la meilleure solution à notre problème d’optimisation.Le tableau 1 présente les résultats issus de l’utilisation du modèle CCR à orientation inputpour le calcul de l’efficience technologique, de l’efficience environnementale et de l’écoefficience.Les scores de l’efficience technologique sont le résultat de l’utilisation d’une part,des quantités d’eau et d’énergie utilisées (les ressources) comme inputs et d’autre part, du tauxde rentabilité des capitaux propres ainsi que le taux de recyclage des déchets comme outputs.Les scores de l’efficience environnementale sont obtenus en considérant les outputsindésirables (déchets fabriqués et émissions de gaz toxiques) comme inputs à minimiser et letaux de recyclage des déchets ainsi que le ROE comme outputs. En ce qui concerne les scoresd’éco-efficience, nous avons utilisé comme inputs les outputs indésirables et les ressourcesconsommées. Les outputs sont relatifs au taux de recyclage des déchets et au ROE.Tableau 1. Résultats de l’efficience technique, de l’efficience environnementaleet de l’éco-efficience (modèle CCR à orientation input)DMUScore efficiencetechniqueScore efficienceEnvironnementaleScoreéco-efficience2006 2007 2006 2007 2006 20071 CARREFOUR 0,56% 0,45% 0,79% 0,74% 0,79% 0,74%2 CASINO 2,13% 1,93% 9,24% 7,71% 9,24% 7,71%3 GUYENNE GASCOGNE 54,92% 68,19% 78,29% 72,96% 78,29% 72,97%4 PPR 2,79% 2,88% 2,60% 2,42% 2,83% 2,92%5 TOUPARGEL 100,00% 100,00% 100,00% 100,00% 100,00% 100,00%6 AREVA 0,98% 1,02% 3,99% 3,89% 3,99% 3,89%7 EDF 0,05% 0,04% 1,02% 1,11% 1,02% 1,11%ELECTRICITE DE8 STRASBOURG 100,00% 100,00% 100,00% 100,00% 100,00% 100,00%9 GDF 0,16% 0,05% 2,07% 1,74% 2,07% 1,74%10 SUEZ 0,01% 0,01% 0,02% 0,04% 0,02% 0,04%11 VEOLIA 0,00% 0,00% 0,64% 0,46% 0,32% 0,23%12 ACCOR 0,44% 0,92% 18,83% 28,03% 18,83% 28,03%13 AIR FRANCE KLM 2,08% 3,21% 1,17% 1,84% 3,11% 3,21%14 CLUB MED 21,71% 23,24% 43,69% 41,95% 65,76% 54,42%15 COMPAGNIE DES ALPES 9,85% 8,27% 37,53% 26,78% 37,53% 26,78%16 EURODISNEY 2,62% 2,64% 98,75% 100,00% 98,75% 100,00%17 PIERRE ET VACANCES 6,50% 6,57% 98,03% 82,82% 98,03% 82,82%18 SODEXO 19,18% 20,63% 6,06% 5,76% 19,18% 20,63%A partir du tableau 1, nous tirons les enseignements suivants :- Pour les deux années de l’étude, deux entreprises seulement sont considérées commetechniquement efficientes (Toupargel et Electricité de Strasbourg). Le reste desentreprises sont inefficientes de point de vue utilisation des ressources naturelles. Nousremarquons que les entreprises spécialisées dans la gestion, la collecte, le traitement deseaux, des déchets et des énergies affichent les plus faibles scores d’efficience des65


essources (p. ex., Veolia, EDF, GDF, Suez, Areva). L’activité de ces entreprises est trèsgourmande en consommation de ressources naturelles.- De même que pour l’efficience technique, il apparaît que les entreprises comme Areva,Veolia, EDF, GDF, Suez sont inefficientes de point de vue écologique. Leurs scoresd’efficience environnementale sont très bas. Ceci indique l’impact négatif des activitésde ces entreprises sur l’environnement naturel. En effet, ces entreprises sont trèspolluantes que ce soit dans la fabrication des déchets ou bien dans les émissions toxiquesdans l’atmosphère. Les entreprises écologiquement efficientes sont Toupargel etElectricité de Strasbourg pour l’année 2006. Pour l’année 2007, on note, en plus deToupargel et Electricité de Strasbourg, la présence d’Eurodisney sur la frontièreefficiente.- Le score d’éco-efficience correspond quasiment au score d’efficience environnementaleet ce pour les deux années de l’étude. Ceci reflète l’importance de la prise en compte desexternalités environnementales négatives lors de l’étude de la notion de l’éco-efficience.En effet, les entreprises les moins éco-efficientes sont celles dont les processus deproduction requièrent d’une part, d’importantes quantités de ressources naturelles enaval et produisent d’autre part, d’importantes quantités de déchets et de polluantsatmosphériques.- Le secteur des services aux consommateurs peut être subdivisé en trois sous-secteurs.On distingue l’activité de distribution, l’activité de gestion, collecte et traitement deseaux, des déchets et des énergies, et l’activité des loisirs. Nous remarquons que lesscores d’efficience varient d’une activité à une autre. Le tableau 2 calcule la moyennedes scores d’efficience enregistrés par chacune de ces activités.Tableau 2. Moyenne des scores d’efficiences par sous-secteurs d’activitéDMUScore efficiencetechniqueScore efficienceEnvironnementaleScoreéco-efficience2006 2007 2006 2007 2006 2007Distribution 32,08% 34,69% 38,18% 36,77% 38,23% 36,87%Gestion desénérgies 16,87% 16,85% 17,96% 17,87% 17,90% 17,84%Loisirs 8,91% 9,35% 43,44% 41,03% 48,74% 45,13%Il paraît évident l’existence d’une disparité dans les scores d’efficience entre les soussecteursd’activité. Nous remarquons que les entreprises du sous-secteur de ladistribution (p. ex., Carrefour, Casino, Toupargel, etc.) présentent une moyenne descores d’efficience technique plus élevée que les entreprises des deux autres soussecteursd’activité. Cela veut dire que les processus de production des entreprises de ladistribution consomment moins de ressources naturelles que ceux des entreprises de lagestion de l’énergie et des loisirs. Ce résultat nous paraît évident car les entreprises de ladistribution offrent principalement une activité de service qui se manifeste par l’achat etla revente des produits. En d’autres termes, l’activité de la distribution ne requiert par unprocessus de production industriel pouvant être très gourmant en ressources.La deuxième remarque que nous pouvons émettre à la lecture du tableau 2, c’est que lesous-secteur de la gestion, collecte et traitement des eaux, des déchets et des énergiespossède l’activité la plus destructrice en ce qui concerne l’écosystème. Les entreprisesdu sous-secteur des loisirs (p. ex., Club Med, Compagnie des Alpes, Sodexo, etc.)offrent l’activité la moins polluante de toutes les entreprises de l’échantillon. En effet, ilest logique qu’une activité de loisirs produise moins de déchets et émet moins de gaz66


toxiques que les deux autres activités décrivant les sous-secteurs de la distribution et dela gestion des eaux, des déchets et des énergies.- En plus de l’effet du secteur d’activité, l’analyse du tableau 1 nous permet de constaterl’existence d’une relation négative entre la taille de l’entreprise (exprimée en termes dechiffre d’affaires, de nombres de salariés et de total d’actifs) et le score d’éco-efficience.Ce sont les plus grandes entreprises qui possèdent l’activité la plus nuisible àl’environnement naturel. Bien que la plus part d’entre elles possèdent des structuresformelles bien fondées pour la communication et le reporting environnemental, leurperformance environnementale est très mauvaise. Ceci implique deux résultatsimportants. D’abord, les travaux qui ont utilisés la qualité et la quantité de la divulgationdes informations environnementales, à travers des grilles d’analyses (voir à titred’exemple, Cormier et magnan, 2003 ; Cormier et al., 2009), comme mesure de laperformance environnementale, ne peuvent refléter une bonne évaluation de cetteperformance. La performance environnementale doit être évaluée à partir de l’étude etl’analyse de divers indicateurs de performance tangibles (Perotto et al., 2008 ; Delmas etBlass, 2010). En conséquence, le discours organisationnel relatif aux problématiquesenvironnementales ne peut pas constituer une mesure de l’impact environnemental desactivités d’une entreprise. Le deuxième résultat important que nous pouvons discuter estrelatif à la théorie de la légitimité. En effet, l’hypothèse selon laquelle les entreprises degrandes tailles (ayant une grande visibilité environnementale et politique) sont attenduesà ce qu’elles aient le meilleur niveau d’engagement vis-à-vis de l’environnement, n’estpas respectée. Ainsi, Le reporting environnemental n’est autre qu’un instrument employédans le but d’obtenir et de préserver la légitimité organisationnelle au sein de la sociétéet auprès des parties prenantes (Neu et al. 1998). Les grandes entreprises françaises (p.ex., Carrefour, Suez, Veolia, etc.) qui investissent dans la mise en place de structuresorganisationnelles nécessaires pour la production, la collecte, l’analyse, la diffusion etparfois l’audit interne et externe de l’information environnementale, à travers larédaction de différents supports informationnels (p. ex., rapport de développementdurable, rapport de responsabilité sociale, rapport éthique, code de conduite, etc.),recourent à ces pratiques dans le but de détourner l’attention de leurs parties prenantes(environnementales ou autres) des impacts environnementaux réels dont elles sont lesseules comptables.67


ConclusionLa simplicité de la notion d’éco-efficience qui cherche à valoriser simultanément les impactséconomiques et écologiques, a fait de ce concept un sujet pragmatique qui a suscité l’intérêtdes chercheurs, des dirigeants d’entreprises, des politiques et de la société dans son ensemble.Depuis la fin des années 90, une pléthore d’études a cherché à offrir une mesure de l’écoefficienceau niveau micro et macro-économique. Notre étude s’inscrit dans le cadre de cecourant de recherche par la présentation d’une modélisation pour l’évaluation de l’écoefficience.La méthode de l’enveloppement des données nous a permis d’étudier l’éco-efficience à partirde deux composantes essentielles : l’efficience des ressources (ou technique) et l’efficienceécologique (ou environnementale). Cette méthode permet la prise en compte des externalitésorganisationnelles négatives dans le calcul des scores d’efficience (outputs indésirables).Les résultats de notre étude montrent que seulement trois entreprises du secteur des servicesaux consommateurs (Toupargel, Electricité de Strasbourg et Eurodisney) peuvent recevoir lelabel d’éco-efficience. Ces résultats montrent l’étendue de l’impact environnemental négatifdes processus de production des entreprises de ce secteur d’activité. Nous avons relevé que lesscores d’éco-efficience des grandes entreprises sont très bas. Ceci reflète l’ampleur de leurcontribution à la disparition de l’équilibre naturel et à l’accélération des effets indésirables duchangement climatique.L’efficacité de la mise en œuvre de systèmes de management environnemental doits’accompagner de l’adoption systématique et effective d’une approche pour le contrôle, lamesure et l’amélioration des efforts organisationnels envers les principes du développementdurable. Cette étude suggère l’utilisation de la méthode DEA comme un instrument efficacepour l’analyse environnementale.68


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Atelier 2 : Diversité de genre et égalité professionnelle Femme/Homme « Diversité de genre et équilibre vie professionnelle/ vie privée : des représentations auxpratiques » Sabrina TANQUEREL (EM Normandie) et Isabelle BARTH (EM Strasbourg)… « Devenir une femme leader : quand quatre femmes au sommet se racontent » SophiaBelghiti-Mahut, Anne-Laurence Lafont, Angélique Rodhain, Florence Rodhain (UniversitésMontpellier 2-3)………………………………………………………………………… « Pratiques RH et plafond de verre au Maroc : entre démarche stratégique et pratiquesintuitives » Doha SAHRAOUI BENTALEB (Université Privée de Marrakech)……………….71


Diversité de genre et équilibre vie professionnelle/ vie privée : desreprésentations aux pratiques.Sabrina TANQUERELProfesseure de GRH, EM NormandieDoctorante Université de Strasbourg - Laboratoire HuManiS Humans andManagement in Society (EA 1347)stanquerel@hotmail.com – 06 29 02 65 94Isabelle BarthProfesseure des universités, EM Strasbourg, HuManiSisabelle.barth@free.frL’égalité professionnelle, l’équilibre vie privée/ vie professionnelle, le bien être au travailsont autant de finalités qui guident la GRH dans son action aujourd’hui. Au cœur de notreactualité, ces questions constituent un enjeu sociétal, prioritaire pour 7 salariés sur 10(Observatoire de la Parentalité, Résultat du Baromètre 2012). Elles font l’objet de réflexionspolitiques (comme le montre l’organisation par Sciences Po Paris et le magazine Elle de laJournée présidentiElle le 5 avril dernier). Surtout, elles sont un enjeu éminemmentorganisationnel, dans la mesure où « l’égalité fait partie du bien-être au travail » (Challenges,mars 2012).Effectivement, face à des évolutions incontestables (féminisation du marché du travail depuisles années 60, homogénéisation des comportements d’activité féminins et masculins (Laufer,2008), recherche croissante d’un meilleur équilibre entre vie personnelle et vieprofessionnelle (Dumas, 2011)), les organisations continuent de s’adapter progressivement.Elles mettent en place de nouveaux cadres de référence et développent des politiques degestion permettant de répondre au mieux à ces nouveaux enjeux.Les mesures visant un meilleur équilibre vie privée/ vie professionnelle représentent unepartie importante des dispositifs mis en place dans les entreprises, non seulement dans unevisée d’égalité professionnelle femmes-hommes, mais aussi comme mesure pouvantbénéficier le bien être de l’ensemble des salariés (mesures « identity blind » -universellesselonla typologie de Konrad et Linnehan (1995)). En effet, les modes d’organisation dutravail destinés à l’amélioration de la conciliation vie privée/professionnelle sont source debien être pour les salariés, et font partie des pistes d’action à privilégier dans le cadre del’implémentation d’une politique d’égalité et de diversité (Cornet, Warland, 2008). Une plusgrande attention et prise en compte de leurs responsabilités personnelles et familiales ainsiqu’une bonne articulation vie privée/professionnelle constituent une source de diversité et deperformance pour les entreprises (Dumas, 2008).72


D’autres recherches pourtant, s’interrogent sur le lien de causalité entre ces mesures etl’objectif d’égalité professionnelle et de diversité de genre, arguant que celles-ci apportentcertes plus de souplesse dans l’organisation du temps de travail mais ne permettent pas detransformer la vie sociale et domestique des individus : elles ne remettent pas en question lepartage des tâches familiales, personnelles et domestiques entre les hommes et les femmes etparticipent ainsi à une certaine reproduction –voire un renforcement- de la division sexuée dutravail (Kergoat, 1998; Méda, 2001; Fortino, 2007). A cet égard, une étude récente menéedans le cadre du projet européen EQUAL de la ville de Rennes et basée sur une quarantained’entretiens, vient confirmer que l’égalité professionnelle n’est pas un objectif des politiquesde conciliation et que celles-ci ont finalement peu ou pas d’influence sur l’égalitéprofessionnelle et dans le couple (Poilpot-Rocaboy, Kergoat, 2010).L’amélioration de l’équilibre vie privée/ professionnelle impulsée par l’entreprisen’engendrerait donc pas plus d’égalité.Cet article s’inscrit dans cette contradiction en la reliant au concept de représentations, dontde nombreux chercheurs, notamment en sociologie et psychologie sociale, ont montré leurincidence directe sur le comportement social des individus (Jodelet, 1992, p.358). Ils’intéresse aux représentations sous-jacentes des salarié(e)s face aux politiques d’équilibre vieprivée/ professionnelle. Il tentera de repérer de quelle manière leurs représentations peuventinfluencer l’usage réel de ces dispositifs et, nous le verrons, venir entraver l’engagement pourl’égalité à l’œuvre dans l’entreprise.Notre communication s’articulera ici autour de trois parties : dans la première, nous poseronsle cadre conceptuel de notre recherche en présentant les différentes théories et concepts liés àla problématique, puis nous préciserons nos questions et modèle de recherche ainsi que noschoix méthodologiques, enfin nous ferons le point sur les premiers résultats de nos travaux.1. Revue de littératureLes différents travaux de recherche portant sur l’égalité professionnelle soulignent que lesmesures d’équilibre vie privée/professionnelle font effectivement partie des dispositifs mis enplace par les entreprises dans le cadre de la mise en œuvre de politiques d’égalitéprofessionnelle entre les hommes et les femmes.1.1. L’équilibre vie privée/professionnelle : un levier pour l’égalité professionnelleDans leur quête de l’égalité professionnelle, les entreprises ont dû s’adapter tant auxévolutions démographiques, sociales, économiques qu’aux nombreuses contraintes juridiques(internationales, européennes et nationales). L’abondante littérature sur ce sujet nous montrequ’au sein des organisations, cette adaptation s’est opérée par le biais de diverses actions qui,dans le cadre de l’égalité professionnelle et des pratiques en faveur des femmes notamment,ont privilégié deux approches: d’une part, des mesures centrées sur le travail et la carrière desfemmes (recrutement, formation individualisée, mentoring) ; d’autre part, des mesuress’articulant autour de la gestion des responsabilités familiales et domestiques des femmes etde l’équilibre vie privée/ vie professionnelle.Dans sa thèse sur le plafond de verre, Sophie Landrieux-Kartochian (2004) dresse un tableausynthétique des différentes typologies des politiques RH menées en faveur de l’égalitéprofessionnelle dans les organisations. Ainsi, la typologie de Chiu et Ng (2001) distingue lespolitiques centrées sur le travail des femmes («Work-oriented Women-Friendly HRM») decelles centrées sur la famille («Family-oriented Women-Friendly HRM»). Les premièresincluent des politiques RH plus formalisées et contre la discrimination sexuelle, despossibilités de formation et de développement (programmes de formation réservés aux73


femmes, conseil de carrière, mentoring) ou bien des mesures de discrimination positive. Lesactions centrées sur la famille («Family-oriented Women-Friendly HRM») désignent lespolitiques destinées à favoriser la conciliation de la vie familiale et professionnelle commepeuvent l’être les avantages liés à la maternité/ paternité ou les avantages familiaux (conseilspour les femmes sur la conciliation de la famille et du travail; centres d’accueil pour lesenfants sur site ou subventions pour la garde ; rémunérations cafétéria), et toutes les pratiquesvisant la flexibilité de l’organisation du travail (partage de poste ; horaires flexibles ;possibilités de congés non rémunérés avec retour au même poste ; temps partiels pour lesfemmes qui le désirent etc.…).L’étude d’Olgiati et Shapiro (2002) sur les politiques mises en place en Europe à partir de 21cas d’entreprises, dégage 4 champs d’action principaux: les procédures de sélection(campagne de recrutement; révision des profils de postes et méthodes de sélection); ledéveloppement professionnel (parrainage; changement des qualités et compétences dans unsens plus « soft »; formation individualisée); l’organisation du travail (changement du travail ;flexibilité et conciliation de la vie familiale et professionnelle: horaires flexibles, partage despostes, teleworking, temps partiel, formation à la gestion du temps et du stress, formationsuite à un congé parental avant la reprise, services offerts aux parents) et enfinl’environnement égalitaire (visant à intégrer l’égalité dans toutes les décisions; évaluation desmanagers sur l’atteinte des objectifs d’égalité; former le management sur les questions dediscrimination, informer et promouvoir des comportements égalitaires; écrire des codes debonne conduite sur des thèmes comme le recrutement, le harcèlement sexuel; mesurer leclimat égalitaire et la satisfaction des employés).Dans son travail sur les femmes cadres et des pratiques en leur faveur, Belghiti (2002)différencie les pratiques destinées à l’équilibre vie professionnelle et familiale (gardesd’enfants, aménagement et flexibilité du travail, congés parentaux); la cultureorganisationnelle favorable et la formation professionnelle (programmes de développement duleadership et de mobilité ascendante, de mentoring, de management de la diversité, ou degroupes corporatifs de femmes.)Quant à Bender et Pigeyre (2003), elles synthétisent les «mesures destinées à favoriser l’accèsdes femmes aux postes de direction» en 3 domaines: gestion des carrières, communicationinterne et flexibilité. Elles ajoutent cependant que, selon les termes de Konrad et Linnehan(1995), repris par French (2001), d’autres typologies sont possibles: on peut opposer lespratiques « Identity-Blind » ou « pratiques universelles » -aveugles au genre- et les pratiques«Identity-Conscious » ou «pratiques catégorielles» -conscientes de l’identité-. Les premièresdites « universelles » ne font aucune mention d’un groupe particulier; elles s’appliquent àtous, « théoriquement » sans discrimination. Elles incluent les pratiques de recrutement,d’évaluation des compétences et de gestion des carrières traditionnelles, effectuées sur la basede critères objectivés, les flexibilités diverses accessibles à tous (temps de travail, télétravail)ou encore les aides accordées à tous les salariés dans le domaine du hors travail (crèches,services à domicile, etc.). Les secondes dites « catégorielles » visent au contraire un ouplusieurs groupes spécifiques, dans une optique proche de la discrimination positive. Il s’agitde mesures explicitement réservées à ces groupes identifiés au préalable pour corriger lesdiscriminations dont ils sont victimes, par exemple des objectifs de présence de ces groupesdans les recrutements et les promotions, mais aussi des actions de formation ou de coachingqui leur sont réservées (Pigeyre et Bender, 2003). De fait, selon elles, beaucoup d’entreprisesfrançaises reprennent des pratiques catégorielles auxquelles elles ajoutent des actions plusuniverselles (formation de l’encadrement, flexibilité dans le travail…).74


Tableau 1. Politiques d’égalité professionnelle hommes-femmesCentrées sur le travail des femmes(Work-orientedWomen-Friendly HRM): Procédures de recrutement;développement professionnel Formation professionnelle Mentoring Gestion des carrièresCentrées sur la famille et/ou la conciliation(Family-oriented Women-Friendly HRM): Avantages liés à la maternité ou paternité Organisation du travail Equilibre vie privée/ professionnelle FlexibilitéAdapté de: Chiu et Ng (2001), Olgiati et Shapiro (2002), Belghiti (2002), Bender et Pigeyre (2003)Ainsi, sous différentes formes et différentes appellations (« équilibre », « flexibilité »,« organisation du travail »…), les pratiques de conciliation apparaissent clairement commeétant un moteur d’égalité professionnelle, constituant à la fois un axe fondamental dans ledéveloppement de l’égalité professionnelle (tableau 1) pour tous au sein de l’entreprise, maiségalement un élément susceptible de briser le plafond de verre et favoriser l’accès de certainsgroupes aux postes à responsabilité. Elles demeurent en partie une réponse évidente et logiqueaux barrières qui font obstacle à l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes etclairement identifiées par les nombreux travaux sur le plafond de verre (Morrison, White etVan Velsor, 1987; Catalyst, 1998; Wirth, 2001; Davidson et Wirth, 2004; Landrieux-Kartochian, 2004; Cornet, Laufer, Belghiti-Mahut, 2008).Néanmoins, alors que ces typologies érigent comme principe une relation positive entre larecherche de l’équilibre vie personnelle/ vie professionnelle et l’égalité organisationnelle,d’autres travaux, plus récents, s’interrogent sur le lien de causalité entre les pratiques deconciliation et l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. Nous allons examinerde quelle manière.1.2. La conciliation vie privée/ professionnelle : créatrice d’(in)égalité ?L’article précurseur de J. Laufer (1993) illustre cette tension. Partant de l’idée que « lescontraintes et les aspirations liées à la sphère familiale sont restées le plus souvent « horschamp» d’une approche de l’égalité professionnelle, axée essentiellement sur la situation detravail et sur la correction des inégalités dans cette sphère », elle défend un modèle de« conciliation égalitaire ». Ce modèle, « normatif et sans doute aussi utopique », serait basésur le principe du « libre choix » et «s’exercerait selon des modalités définies moins par lepoids de la tradition ou des contraintes économiques, sociales et culturelles, que parl’élargissement de la liberté réelle des choix de l’ensemble des salariés quant à leursinvestissements professionnels et familiaux ». Ainsi, pour que la conciliation soit égalitaire enentreprise, elle devrait intégrer la sphère familiale et domestique et s’appuyer sur le librechoix des salariés. Or, ces deux conditions sont encore loin d’être remplies aujourd’hui. Lesentreprises françaises sont très réticentes à prendre en compte la sphère familiale etdomestique dans leurs politiques RH. Quant au principe du « libre choix », principe clé del’égalité professionnelle et basé sur la liberté réelle des choix des individus, il est difficilementcompatible avec la norme dominante des organisations actuelles, où « les modèles75


managériaux sont calqués sur des modèles masculins: modèles masculins d’investissementprofessionnel, de performance, de disponibilité et de mobilité » (Laufer, 2004).Ce risque « d’effets pervers » des politiques d’équilibre vie privée/professionnelle est bel etbien présent dans la littérature, tel que semblent l’indiquer d’autres recherches menées sur despratiques de conciliation précises: la flexibilité du temps de travail, le recours ponctuel autemps partiel, les congés parentaux ou bien le télétravail. A l’instar de l’étude de Alis etDumas (2003) sur les 35 heures, il est constaté que «l’ARTT a permis une meilleureharmonisation des responsabilités professionnelles et familiales, ce qui permet de diminuer lesconflits ressentis par les hommes et les femmes au travail ». En revanche, l’étude relève« peu ou pas d’influence sur l’égalité professionnelle et dans le couple ».Une autre étude menée en 2004 (Math A., Meilland C., 2004) et analysant plusspécifiquement les congés aux parents en Europe et leur impact sur l’égalité professionnelleentre les femmes et les hommes, signale que des congés trop longs ont des effets négatifsrenforcés au regard des inégalités entre hommes et femmes.La flexibilité de l’organisation du temps de travail semble apporter clairement plus desouplesse dans l’organisation du temps des salariés, mais ne permet pas de transformer la viesociale et domestique des individus, et ne remet pas en question le partage des tâchesdomestiques entre les hommes et les femmes (Laufer J., Silvera R., 2006).Enfin, dans le cadre de leurs travaux à la ville de Rennes, Kergoat et Poilpot-Rocaboyconfirment que l’égalité professionnelle ne constitue pas un objectif des politiques deconciliation. Et que celles-ci ne semblent pas favoriser l’égalité (Kergoat, Poilpot-Rocaboy,2010). Le titre d’un des derniers dossiers de la revue travail, genre et sociétés « Mauditeconciliation » (Périvier H., Silvera R., 2010) confirme encore une fois les effets pervers de cesmesures qui semblent entièrement dévolues aux femmes.Ainsi, comme le synthétise le tableau 2, les politiques d’équilibre vie privée/ professionnellemises en œuvre dans les organisations n’induisent pas nécessairement plus d’égalitéprofessionnelle entre les hommes et les femmes.Tableau 2. La conciliation : des effets « indésirables »…Laufer (1993)La conciliation est inégalitaire car partielle.Alis et Dumas (2003) L’ARTT favorise la conciliation pasl’égalité.Math et Meilland (2004)Les congés aux parents desservent l’égalitéprofessionnelle F/H.Dumas (2008)Les choix opérés dans le cadre de laconciliation renforcent la division sexuée dutravail domestique au détriment des F.Kergoat (2010) La conciliation est une condition deperformance, non un objectif d’égalitéprofessionnelle F/H.Périvier H., Silvera R. (2010) « Maudite conciliation » qui sembleconcerner uniquement les femmes…1.3. La conciliation en entreprise: reflet de la division sexuée du travailPour éclairer ces constats, de nombreux travaux montrent que ce sont surtout les femmes quiutilisent ces dispositifs devant permettre une meilleure conciliation des temps sociaux.«Même si les hommes et les femmes disent s’adapter, ce sont surtout les femmes qui portentla charge des contraintes domestiques et de la conciliation entre vie professionnelle et vie76


familiale. Les hommes peuvent davantage segmenter leurs activités familiales etprofessionnelles que les femmes.» (Dumas, 2008).En France d’ailleurs, le débat sur la conciliation a souvent été présenté comme uneproblématique essentiellement féminine: «les femmes seraient amenées à concilier les tempsfamiliaux et professionnels alors que les hommes pourraient mettre la priorité sur la vieprofessionnelle, avec une segmentation des temps sociaux. La charge de la conciliation entreactivité professionnelle et activité familiale reposerait majoritairement sur les femmes auregard de l’inégale répartition des charges familiales à l’intérieur des ménages. Dans ceschéma explicatif, la division sexuelle du travail dans la famille crée et renforce les inégalitéssexuées du monde du travail.» (Dumas, 2008).Ainsi, alors que de nombreuses études démontrent pourtant que les hommes et les femmes nediffèrent pas dans leur niveau de conflit travail-famille (Frone, 2003), les femmes sont cellesqui ont majoritairement recours aux pratiques de conciliation. Cette réalité, fortementmarquée par la division sexuée du travail (Méda 2001 ; Sénac, 2007 ; Fortino, 2007), conduitinévitablement à la reproduction et au renforcement de certaines inégalités professionnelles ausein des entreprises.Un «changement de scénario» s’imposerait donc comme une nécessité pour l’implémentationd’une conciliation mieux répartie et « plus égalitaire ». Il prônerait le passage d’un«changement de type 1», porteur d’aménagements et d’améliorations mais qui ne parvient pasà faire disparaître les discriminations, à un «changement de type 2», qui consisterait à «sortirdu modèle binaire de la répartition sexuée», «à modifier la norme elle-même» (CodelloGuijarro, 2009) et favoriser « la nécessaire remise en cause de la norme du salarié idéal »(Ollier-Malaterre, 2010).Ce changement de scénario contraindrait les entreprises à « questionner la division sexuée dutravail et favoriser une véritable co-responsabilité entre les femmes et les hommes, tant dansla sphère du travail que celle du hors-travail » (Chinchilla, 2009).Dans la mesure où de nombreuses entreprises offrent déjà ces dispositifs de conciliation,comment procéder à ce changement de scénario ? Où se situent les blocages ?S’interroger sur le rôle des salariés et sur comment ces derniers se représentent ces mesuresprésentent un intérêt certain. Nous connaissons les incidences directes qu’ont lesreprésentations sur le comportement des individus et l’organisation du groupe (Jodelet, 1992).Elles peuvent infléchir les ambitions collectives et conditionner l’usage de certaines politiquesen entreprise. S’attarder sur ce qui « flotte dans la tête des hommes réels » (Weber, 1995) estdonc indubitablement source d’enseignement.2. Construction de la problématique et modèle de recherche proposé2.1. Formulation de la problématiqueTel que nous venons de l’exposer, les récentes recherches sur les politiques d’équilibre vieprivée/ professionnelle nous montrent bien que, malgré l’intérêt croissant que ces mesureséveillent actuellement dans les organisations, leur utilisation reste encore fortement empreintede la division sexuée du travail. Ce constat est non seulement lié à des facteurs sociaux maisaussi, logiquement, organisationnels. En effet, trop souvent, les politiques de conciliationmises en place ne prennent pas en compte la question de la répartition sexuée du travail entreles hommes et les femmes. Résolument universelles (« gender-blind », French, 2001), elles neremettent pas en question l’inégale répartition des responsabilités –notamment familiales etdomestiques- caractéristique de la sphère du hors-travail; une répartition pourtant nettementdifférenciée selon que l’on soit homme ou femme (INSEE, 2011) et source de nombreusesinégalités patentes dans le monde de l’entreprise. Par crainte d’être perçue et jugée trop77


intrusive, l’entreprise ne questionne pas cet état de fait, laissant se reproduire les schémastraditionnels et ne corrigeant ainsi que partiellement les inégalités de la sphèreprofessionnelle.Mais qu’en est-il des facteurs individuels ? Les salarié(e)s ont-ils également uneresponsabilité dans cette reproduction sexuée?L’objectif de cette étude est d’aller au-delà du constat de ces contradictions et de les éclaireren tentant de comprendre selon quelles logiques d’action les salarié(e)s utilisent les politiquesde conciliation vie privée/professionnelle dans l’entreprise. Elle tentera de comprendre le sensqu’ils leur donnent, ce qu’elles représentent pour eux et les motifs qui les poussent à s’eninformer et y avoir recours. Elle explicitera ainsi les effets que peuvent avoir cesreprésentations sur l’usage de ces dispositifs et les leviers d’action possibles pourl’organisation, une question encore peu explorée par la littérature.2.2. Cadre théoriqueComme nous l’avons décrit, malgré de nombreuses actions menées dans les entreprises enfaveur de l’égalité professionnelle femmes-hommes et de l’équilibre des sphères de vie, leschangements et les résultats tardent à se manifester. Une situation in fine assez paradoxalepuisque de plus en plus d’organisations sont attentives à la notion de conciliation vieprofessionnelle/non professionnelle et agissent dans cet objectif d’équilibre.Aussi, la conciliation est inégalement répartie: en effet, les dispositifs de conciliation sontmajoritairement utilisés par les femmes, ce qui contribue ainsi à la reproduction de la divisionsexuée du travail (tant dans la sphère privée que professionnelle) et à l’amplification desinégalités qui en découlent.Ce sont ces constats qui conduisent à s’interroger à la fois sur les actions de conciliationimplémentées en entreprise et les pratiques des salariés qui en découlent. Quelles sont lespolitiques proposées ? Sont-elles connues des salariés ? Comment les utilisent-ils ? Quereprésentent-elles pour eux ? Font-ils un lien entre conciliation et égalité ?Afin de nous guider dans la progression de ces axes de réflexion, les travaux menés par lachercheure espagnole Nuria Chinchilla sont d’un intérêt certain. En effet, les différentesétudes qu’elle a menées sur les politiques de conciliation de nombreuses entreprises catalanes,considérées comme pionnières et exemplaires en la matière, nous renseignent sur lesdifférentes composantes d’une conciliation « réussie », c’est-à-dire « questionnant la divisionsexuée du travail et conduisant à une véritable co-responsabilité entre les femmes et leshommes, tant dans la sphère du travail que celle du hors-travail » (Chinchilla, 2006).Dans un premier temps, Chinchilla défend une vision « holistique » du salarié. L’entreprisedoit cesser d’être considérée comme un îlot sociologique indépendant des autres sphères devie où il évolue. Le salarié se trouve au cœur non seulement de l’entreprise dans laquelle iltravaille, mais également de la cellule personnelle/familiale et de la société dans laquelle il vit(Schéma 1). La co-responsabilité doit donc se décliner dans le cadre de ces troisenvironnements.Schéma 1. Le triangle de la conciliation (Chinchilla, 2006)ENTREPRISESalariéFAMILLESOCIETE78


Puis, à partir de ce postulat, elle définit les différents facteurs susceptibles d’agir en faveur dece changement de scénario préconisé par Codello Guijarro (2009).2.3. Modèle proposéL’individu et son organisation ne peuvent être compris séparément du système (institutions,société, culture, famille…) dans lequel ils évoluent et travaillent (Fagenson, 1990) –Schéma1-. Le champs de l’égalité professionnelle femmes-hommes n’échappe pas à cette logique. Denombreuses études ont d’ailleurs montré les imbrications et les influences que ces différentséléments opéraient entre eux (Laufer, 2007).Dans cette logique, Chinchilla (2006) a tenté de vérifier de quelle(s) façon(s) les organisations–dans un contexte institutionnel favorable- pouvaient contribuer à cet important changement« de cadre » global et a mis en lumière les facteurs susceptibles d’agir favorablement sur uneconciliation plus paritaire, qui donneraient lieu au changement de type 2 (Codello Guijarro,2009).Le présupposé théorique de ce modèle s’appuie sur une vision complète de l’individu dansl’organisation, où ses besoins sont exprimés selon 3 dimensions: besoins matériels (avoir),cognitifs (savoir) et affectifs (être), une typologie assez proche de la théorie de la motivationde la self-concordance (Robbins, Judge, 2006). Ces différents besoins génèrent desmotivations distinctes –extrinsèques ; intrinsèques ; transcendantes- qui varient d’un individuà l’autre, et que les organisations sont plus ou moins aptes à mobiliser et développer.Selon ce schéma (besoins/motivations/réponse organisationnelle), de multiples facteursagissent sur une conciliation réussie : Facteurs sociaux : la société dans son ensemble (l’environnement légal, institutionnelet sociétal) contribue à la prise de conscience collective de l’importance de laconciliation vie privée/ professionnelle pour tous. Facteurs organisationnels : les organisations sont regroupées en 3 catégories :mécaniste/ Psycho-social/ anthropologique. Seules les organisations dites« anthropologiques » sont proactives en matière de conciliation et cherchent à devenirdes entreprises « familialement responsables » et à développer une conciliation« égalitaire ». Facteurs individuels : ou « motivationnels » (Chinchilla, 2010) : 3 catégories demotivations sont mentionnées : motivation d’origine extrinsèque (satisfaction desbesoins matériels)/ intrinsèque (besoins cognitifs) et transcendante (besoins affectifs).Les 3 facteurs doivent être réunis pour que la conciliation soit égalitaire.79


COMMENT ?Politiques deconciliationChangement de type2: agir sur lesreprésentationsEgalitéprofessionnelleF/H de faitFacteurs sociétauxFacteursorganisationnelsFacteurs individuelsCe modèle, comme la plupart des modèles sur la conciliation, est basé sur une approcheorganisationnelle des facteurs de succès des politiques de conciliation. Notre recherche luiapportera néanmoins un éclairage nouveau puisqu’elle se situe à un niveau d’analyse microorganisationnel. Elle se centre en effet sur les représentations des salariés face à ces dispositifset analyse comment celles-ci conditionnent leur usage.Comme l’a défini S. Moscovici, les représentations sont « un univers d’opinions, un systèmede référence, de signification, qui permet d’interpréter, de comprendre, d’expliquer et ainsi declasser les informations, les événements, les individus. Elles sont une manière d’appréhenderet de penser la réalité quotidienne » (Moscovici, 1992). Surtout, elles sont déterminantes dansla mesure où elles transforment notre vie sociale. Il est important donc de pouvoir lesidentifier pour les faire évoluer.3. Méthodologie3.1. L’étude de cas comme méthodologie de rechercheL’étude de cas nous a semblé le meilleur moyen d’appréhender ces questions. En effet lecaractère contemporain de ces phénomènes (Yin, 1994), l’absence de contrôle possible surceux-ci, ainsi que la nécessaire contextualisation (Igalens et Roussel, 1998) plaidaient enfaveur de l’étude de cas, pour mieux comprendre le choix des politiques et la façon dont lessalariés se les appropriaient.En effet, « déni de l’abstraction, la méthode des cas est une puissante stratégie d’accès au réel[…]. Elle est donc parfaitement adaptée pour étudier des processus ou pour donner une visionholiste d’un phénomène, en somme pour restituer la complexité en montrant ses intrications »(Gombault, 2005). La méthode des cas résulte particulièrement appropriée dans le cadre de80


cette étude dont le but est d’explorer et de comprendre une situation de gestion (Eisenhardt,1989) - les politiques de conciliation vie privée/professionnelle- telle qu’elle se produit dansl’organisation ainsi que la façon dont les femmes et les hommes se la représentent et luidonnent sens.Cette étude de cas s’appuie principalement sur des entretiens semi-directifs, « outil majeur derepérage des représentations » (Abric, 1994).3.2. Description du casContexteLa méthodologie repose sur une étude de cas conduite dans une entreprise française dusecteur de la distribution et livraison de colis entre les mois de septembre et décembre 2011.La société regroupe 25 salariés (10 hommes, 15 femmes) en CDI, et 5 autres personnestravaillant sur le site mais pour le compte de prestataires externes. Tous les niveauxhiérarchiques y sont représentés (direction générale, encadrement intermédiaire, opérateurs),et les profils y sont très variés (en termes d’âge, d’origine sociale, de statut…). L’études’appuie sur des entretiens semi-directifs menés auprès de l’ensemble des salariés et del’observation non-participante. L’intérêt de la direction et des salariés pour cette réflexion apermis au chercheur de mener une investigation approfondie et de se maintenir dans cetteorganisation dans des conditions privilégiées.Cette société présentait des caractéristiques idoines pour mener à bien notre recherche.Entreprise labellisée « Egalité Professionnelle » depuis 2009, elle avait déjà mis en place desactions de conciliation dans le cadre de son appartenance à un grand groupe national(flexibilisation des horaires de travail, recours facilité au temps partiel, avantages sociauxetc…). De plus, elle institutionnalisait sur son site, à partir du 5 septembre 2011, une nouvelleorganisation du travail destinée à favoriser un meilleur équilibre vie privée/ vieprofessionnelle de ses collaborateurs.La mise en place de cette nouvelle organisation –unique au sein du groupe- venait d’êtrevalidée par le Directeur Régional suite à une phase d’essai de quelques mois, au cours delaquelle une majorité du personnel s’était déclarée très satisfaite et souhaitait continuer àbénéficier de cet aménagement. Avec l’aval de sa hiérarchie, la responsable du site avait doncdécidé d’institutionnaliser cette nouvelle organisation du travail, estimant qu’elle étaitbénéfique à la fois pour l’ensemble des salariés et pour la gestion globale du centre de profit.Accès privilégié au terrainComme le souligne Frédéric Wacheux (2005, p.11) « les premiers moments de la présence enentreprise sont essentiels à la réussite de l’observation ». C’est pour cette raison que cetteétape a été particulièrement soignée et qu’il a été conjointement décidé dès le début deprésenter à l’ensemble de la direction et des équipes du site les objectifs et les enjeux de cettecollaboration. Ainsi, en définissant clairement l’objet de l’étude, son opérationnalisationconcrète, ses finalités et son rôle dans l’éventuelle amélioration de pratiquesorganisationnelles, la relation de confiance avec les acteurs était facilitée. Une réunion futdonc organisée dans ce but le 8 septembre 2011, au cours de laquelle il fut aussi préciséqu’une synthèse leur serait présentée une fois l’étude finalisée, et que des préconisationsmanagériales y seraient ajoutées. Cette réunion fut également l’occasion de répondre auxquestions de certains salariés et marqua le point de départ de l’étude empirique. La mentionde la présentation ultérieure des résultats de l’étude constitue ainsi la « plus-value » nécessairepour l’acceptation et la légitimation de notre présence de la part des acteurs (Wacheux, 2005,p.11).81


Production et analyse des donnéesA partir de cette date, une présence de 2/3 jours par semaine sur le terrain fut négociée, afin« d’être le plus près possible de ceux qui vivent le phénomène » (Gombault, 2005).Pour satisfaire au critère de complétude, la triangulation des modes de production des donnéesa été un point essentiel ; elle a constitué la clé de voûte du système d’information de l’étudede cas, avec des entretiens semi-directifs en mode principal, « particulièrement pertinentslorsque l’on veut analyser le sens que les acteurs donnent à leurs pratiques, aux événementsdont ils ont pu être les témoins actifs ; lorsque l’on veut mettre en évidence les systèmes devaleurs et les repères normatifs à partir desquels ils s’orientent et se déterminent» (Blanchet,Gotman, 1992), une observation directe en mode contextuel et le recueil de documents enmode complémentaire.Cette présence physique à mi-temps a permis de conduire les entretiens semi-directifs (untotal de 25 entretiens représentant plus de 300 pages de transcriptions), qui avaientgénéralement lieu le matin, avant le départ des opérateurs, ou le midi, à leur retour, dans unesalle isolée.Nous avions préparé un premier guide d’entretien, en nous appuyant sur les thèmes recensésdans la littérature et sur nos questions de recherche. Cependant, à la suite des tous premiersentretiens, l’ordre de certaines questions a été modifié ou de nouvelles questions ont étéintroduites. L’objectif était d’adapter le guide, à la suite des premières réactions recueillies oude répondre à de nouvelles questions qui avaient émergé du terrain. Le guide d’entretien étaitle même quel que soit le niveau hiérarchique.La première partie de l’entretien était constituée de questions ouvertes et portait sur lespolitiques d’équilibre vie privée/professionnelle en général : la connaissance qu’en avaient lessalariés, l’accès aux informations liées à ces politiques, leur motivation à s’y intéresser,comment cela se passait concrètement lorsqu’ils souhaitaient bénéficier de mesures précises.Ce premier thème avait pour objectif de contextualiser le discours des personnes interviewées,mais aussi de les mettre en confiance en les laissant s’exprimer librement sur le sujet.La deuxième partie était consacrée à ce que les dispositifs de conciliation signifiaient poureux : ce que la conciliation représentait pour eux, à quelles valeurs ils l’associaient, ce que cesdispositifs leur permettaient de faire... ou de ne pas faire. L’objectif était de vérifier si lesactions de conciliation mises à leur disposition avaient une représentation collectivecommune.La dernière partie de l’entretien était plus spécifiquement dédiée à l’utilisation précise desdispositifs d’équilibre vie privée/professionnelle. Le but ici était de mettre en évidence uneéventuelle relation entre leurs représentations et l’utilisation réelle et quantifiable de cesdispositifs.La qualité de la relation établie et le bon déroulement des entretiens jusqu’à aujourd’huidémontrent combien l’autocontrôle est nécessaire pour maintenir la bonne distance avec lesacteurs : ni trop près, ni trop loin. Les retraits réguliers du terrain ont favorisé cette« implication contrôlée » (Ancelin-Schutzenberger, 1972) ou « familiarité distante » (Matheu,1986), sans laquelle la relation avec les acteurs aurait pu être source de confusionémotionnelle et nuire ainsi à la qualité de l’étude. Il a été donc essentiel de savoir « gérer cetterelation de proximité délicate, instaurée, rompue et restaurée » (Bourdieu, 1984).Dans la mesure du possible, chaque retrait du terrain a donné lieu à la classification desdonnées dans des fiches d’analyse par entretien, des fiches de synthèse d’observation et desfiches de synthèse de documents. Ces données ont ensuite été systématiquement transcrites etrelues plusieurs fois. Elles font actuellement l’objet d’une analyse via le logiciel NVIVO.4. Premiers résultats82


4.1. Premiers enseignementsCette recherche étant en cours de réalisation et l’analyse des données inachevée, les premiersrésultats ne sont que partiels, provisoires et indicatifs. Cependant, après une première analyse,quelques enseignements peuvent se dégager.‣ Une connaissance partielle et des motivations diversifiéesLes premiers résultats signalent une connaissance globalement approximative des politiquesde conciliation mises en place par l’entreprise, en dépit d’outils de communication variés misen place par cette dernière (site internet dédié, magazines, informations facilement accessiblessur le lieu de travail, etc.). A l’instar de ce salarié, interrogé sur le contenu des politiques deconciliation «Non, je ne les connais pas vraiment. Je vois qu’ils arrivent à peu près à changerles horaires quand on en a besoin ou qu’on demande une journée, il y a moyen de s’arrangertoujours.» (Y., 27 ans, opérateur).Les canaux d’information sur ces politiques sont clairement identifiés par l’ensemble dessalariés, mais ils semblent s’y intéresser dans un premier temps, lorsqu’ils sont dans dessituations précises.Parentalité et monoparentalitéLa parentalité est un premier facteur qui influence l’intérêt que portent les salariés à laconciliation et les incite à avoir recours à certains dispositifs, comme l’illustre ce témoignage« j’ai demandé un temps partiel –un 80%-, et avoir tous mes mercredis et ça a été acceptédonc c’est très bien. Cela me permet de profiter de mon fils le mercredi voilà, et comme on neperd pas d’argent, c’est très bien.» (S., 28 ans, opératrice).Les situations de monoparentalité génèrent souvent des difficultés d’articulation entre travailet hors-travail. Pour faire face à ces difficultés et quand les salariés se rendent compte qu’euxseuls ne peuvent les gérer, l’entreprise représente une solution « de dernier recours » :« j’avais à l’époque ma fille qui avait 6 ans, et je vis toute seule avec elle. On m’a autorisée àdécaler mes horaires de façon à ce que je me ruine pas dans les frais de garde le matin. Moije prends maintenant à 8 heures ce qui me permet de déposer ma fille à la garderie et d’éviterde dépenser la moitié de mon salaire dans une nounou. » (N., 36 ans, opératrice).Le rapport aux loisirsLe second facteur motivant l’intérêt et le recours aux actions de conciliation est l’importancequ’accordent les salariés aux loisirs. Libérer du temps pour le sport, la famille, les amitiés…est un argument en faveur de la conciliation : « ça permet aussi d’aller faire du sport ou çapermet de faire d’autres activités » (M. 44 ans, animateur Qualité) ; « Ça permet d’avoir desloisirs, moi je vais à la piscine ; ça peut être aussi des rendez-vous administratifs, ou chez lemédecin ou autre chose.» (E. 30 ans, opératrice).La dimension financièreEnfin, une des motivations principales relève d’une logique purement financière. Lesdispositifs mis en place, notamment les aides sociales dont peuvent bénéficier les salariés(pour le sport, le logement, les tarifs préférentiels etc.), les incitent à les utiliser, surtout dansle cas des rémunérations les plus basses.« Ça me permet de faire des sorties avec mes enfants que je ne ferais pas sinon » (S., 28 ans,opératrice). « Pour le sport, ils nous remboursent 60% de l’inscription par an avec unmontant plafonné, c’est toujours valable. » (S., 22 ans, opérateur).83


‣ Représentations et normes implicitesLa polysémie du concept de conciliationLe sens donné à la conciliation n’apparaît pas unanime et fait l’objet de multiplesinterprétations : tantôt perçue positivement comme un véritable avantage, «un acquis social »,«une faveur» et «un bien-être personnel», tantôt comme un juste retour de la monnaie, unecontrepartie aux horaires « en décalé », comme le soulignent ces quelques témoignages : « onne peut pas faire travailler les gens en décalé et pas les aider à faire garder leurs enfants »(S., 44 ans, opérateur) ; « c’est donnant-donnant quoi. Faut que l’entreprise donne et puis queles gens donnent. Chacun apporte un petit peu d’eau au moulin quoi, pour que tout se metteen place. » (P. 48 ans, opérateur), «la conciliation ? une sorte de compensation aux horairesatypiques…» (ML, 32 ans, assistante) ; elle peut être aussi parfois ressentie et vécue commeun outil managérial dissimulé pour faire passer certaines exigences et imposer des objectifsaccrus : « j’ai l’impression que c’est vu comme si c’était un avantage pour nous, alors quel’entreprise y gagne beaucoup plus » (ML, 32 ans, assistante).La stigmatisation des bénéficiairesD’autre part, nous avons pu observer que les politiques de conciliation sont souvent teintéesde certains préjugés et leur usage souvent stigmatisé. Ainsi, certains collaborateurss’interrogent sur le bien fondé de ces pratiques «parce que par principe, je considère qu’on nefait pas des enfants pour en tirer des avantages» (D., 47 ans, chef d’équipe). Certains vontjusqu’à douter de l’authenticité de certains usages : «la parentalité ? c’est parfois un prétextequand on a pas envie de bosser… » (N., 35 ans, opérateur). D’autres insistent aussi sur lesconséquences que les politiques de conciliation peuvent avoir sur l’ensemble d’une équipe,des conséquences parfois improvisées et souvent tues : « oh, c’est pas pour la personne quecela pose un problème, on va pas lui reprocher d’avoir des enfants, c’est juste que le boulot,il faut bien qu’il soit fait » (T., 40 ans, opérateur).Par ailleurs, dans la plupart des cas, ces mesures sont systématiquement associées à la familleet aux enfants d’une part, et aux femmes en particulier, parce que ce sont elles principalementqui sont perçues comme pourvoyeuses de soins.Mais elles peuvent néanmoins contribuer à déconstruire certaines idées préconçues une foisqu’on y a recours : «on combat pas mal d’à priori quand même : les femmes avec enfant sontpas forcément des gens absents, enfin ou qui ne s’investissent pas.» (S., 44 ans, opérateur)‣ Utilisation réelle des dispositifsParce que la conciliation a des significations et des représentations différenciées selon lessalariés interviewés, ceux-ci ont des comportements distincts face à elle et n’en font pas lemême usage.La conciliation : une histoire de femmes ?Quand les politiques de conciliation sont perçues comme un avantage ou un justerééquilibrage à des conditions de travail contraignantes, les salariés sont généralementinformés des dispositifs et les utilisent facilement et fréquemment (chaque semaine danscertains cas).Néanmoins, il est vrai que dans notre échantillon, seul un homme a évalué positivement lespolitiques de conciliation et confirmé s’en informer souvent pour bénéficier de ces « aides »qui lui étaient offertes. Ce salarié avait d’ailleurs demandé de travailler à temps partiel (80%)pendant quelques mois pour s’occuper de sa fille âgée de 10 mois.84


Les autres hommes interrogés portaient plutôt un regard indifférent et/ou critique sur cesmesures, et les utilisaient peu ou pas du tout.Un autre point important à souligner réside dans la pleine assomption des femmes àmanifester aux yeux de l’employeur des difficultés liées au hors-travail. Confrontées àcertains obstacles, elles osent s’exprimer clairement, à l’image de cette salariée : « je lui aidéjà demandé [à mon supérieur] de prendre plus tard pour mon fils, mais bon c’est pas quej’avais des soucis, c’est que je voyais qu’il était fatigué à se lever trop tôt bien des fois etdonc… » (S., 28 ans, assistante). Elles font part de leurs difficultés plus aisément et plussouvent à leur hiérarchie, qui les conseille et les guide alors dans la recherche de solutions deconciliation adaptées. Les hommes, même s’ils se sentent concernés et impliqués dans leur viede famille, ne font généralement pas cette démarche sauf en cas d’urgente nécessité « lesavantages sociaux ? J’avais pas envie de m’intéresser à la question… jusqu’à maséparation. » (T., 40 ans, opérateur).La conciliation : une histoire de parents ?Il est également essentiel de signaler une certaine hiérarchisation tacite dans la légitimité desbénéficiaires des mesures de conciliation. En effet, les représentations des salariés associentpresque systématiquement la conciliation à la parentalité et la vie de famille « laconciliation ? Moi, c’est assez simple en fait, je vis encore chez mes parents… Je rentre, j’aipas de courses à faire, ni d’enfants à aller chercher. » (N., 35 ans, opérateur).Cette idée dominante est une façon de justifier et de légitimer le recours aux dispositifsd’équilibre vie privée/ professionnelle. Elle réduit ces dispositifs à des outils disponibles pourla vie de parents ou de famille, et pas vraiment nécessaires lorsque l’on est célibataire, sansenfants, ou que ces derniers ne vivent plus dans le foyer familial. Comme si la vie en dehorsdu travail se limitait à la parentalité et que celle-ci seule était légitime pour que la conciliationsoit acceptée et validée de tous.4.2. DiscussionLe modèle de conciliation dominant qui semble se dessiner à l’issue de cette première étudeest bel et bien celui d’une conciliation stéréotypée. Cette étude met en exergue desreprésentations fortement sexuées et rigides du concept de conciliation qui conduisent à uneconnaissance et une répartition genrées des politiques qui lui sont liées. Celles-ci ne remettentpas en cause la division des rôles sociaux et familiaux (Alis, Dumas, 2005). Les premiersentretiens soulignent à quel point le poids d’une norme implicite (Codello, 2009) conditionnel’utilisation des dispositifs et conduise à une reproduction des inégalités de la sphèreprofessionnelle. Le conflit travail-famille est probablement le même pour les hommes et lesfemmes (Frone, 2003) mais il se manifeste différemment. Les femmes ont tendance àexprimer de manière plus explicite leurs besoins et leurs attentes en matière de conciliation, etméconnaissent souvent les répercussions que ces décisions peuvent avoir en termes d’imagerenvoyée aux managers et collaborateurs.Les représentations des salariés face à ces dispositifs convergent vers une conciliationsystématiquement liée à la parentalité, aux enfants et, implicitement aux femmes. Leshommes ne s’en informent pas, soit parce que leurs femmes le font pour eux, ou qu’ils ne sesentent pas concernés.Cette première analyse nous conforte dans l’idée que le rapport travail / hors-travail sur le lieuprofessionnel est une question encore émergente et nouvelle pour certains salariés, quicontinuent de penser que le hors-travail doit être exclu des enjeux de l’entreprise. Cetteconviction dessert les femmes et nuit à l’égalité professionnelle.85


Les entreprises doivent réorienter leurs politiques actuelles vers une redéfinition de ce rapport,en travaillant sur les normes masculines qui continuent de régir le fonctionnement interne denos organisations (Giampino, Grésy, 2012) et en impulsant des actions en faveur des hommes,afin de déconstruire ces représentations qui ne correspondent plus à la réalité de notre sociétéactuelle.5. ConclusionLes pratiques de conciliation vie privée/ professionnelle sont nées avec les politiques d’égalitéprofessionnelle, ce qui leur a valu d’être d’abord perçues comme une question de femmes, enlien avec les évolutions sociodémographiques des années 1970 et 1980. Aujourd’hui, denombreuses entreprises ont compris l’enjeu que peut représenter l’élaboration d’une politiquede conciliation vie personnelle-vie professionnelle et instaurent des pratiques diverses,individuelles ou collectives, sans connaître réellement si celles-ci seront vecteur de plusd’égalité professionnelle et/ou de diversité. L’objectif de cette étude, partie d’une recherchedoctorale, est donc de comprendre les imbrications entre conciliation et égalité en analysantles représentations des salariés face à ces questions: leurs logiques d’action, leurs motivations.Elle tentera de comprendre le sens qu’ils leur donnent, ce qu’elles représentent pour eux et lesmotifs qui les poussent à s’en informer et y avoir recours. Elle explicitera ainsi les effets quepeuvent avoir ces représentations sur l’usage de ces dispositifs.Notre étude empirique (basée sur des entretiens et de l’observation non participante) sembleindiquer que le modèle dominant dans l’entreprise, malgré une véritable implication et uneforte conviction de la part de la direction, est celui d’une conciliation inégalitaire : laconciliation ne remet pas en cause la division des rôles sociaux et familiaux. Et que celarésulte à la fois de facteurs organisationnels et individuels, qu’il nous appartiendra de préciser.Mais l’analyse complète des données collectées étant loin d’être finalisée, il serait prématuré àce stade d’en tirer quelques conclusions définitives.86


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Devenir une femme leader :quand quatre femmes au sommet se racontent 25Sophia Belghiti-Mahut, Anne-Laurence Lafont, Angélique Rodhain, Florence RodhainLaboratoire : MRM- (ORHA-CR2M-SI)Universités Montpellier 2- 3Contact : Sofia.Belghiti-Mahut@univ-montp3.frDevenir une femme leader : quand quatre femmes au sommet se racontent 26Introduction« J’ai été élevée au biberon de l’image de la femme active, qui travaille, qui bouge,qui s’investit… ». Avec cette phrase, Agnès, aujourd’hui maire d’une ville de plus de 200 000habitants, illustre à quel point son parcours personnel présente des singularités dès le plusjeune âge. Fille unique d’une femme forte et volontaire, Agnès est très admirative de cettemère qui n’a pas hésité à divorcer dans une France de l’après-guerre, encore largementdominée par les valeurs conservatrices. De sa plus tendre enfance à son âge d’or dépassant les70 printemps, Agnès a suivi le fameux « labyrinthe » au sens de Eagly et Carli (2007),désignant le chemin bourré d’embuches que doivent emprunter les femmes afin d’accéder ausommet de la pyramide.La littérature sur le leadership et les femmes a depuis plusieurs décennies tenté decomprendre les différences existant entre les hommes et les femmes occupant des postes àhaute responsabilité. Or, que ces recherches portent sur le style de management ou surl’efficacité du leaderhip, il n’existe pas de consensus dans les résultats (Saint-Michel, 2010).Les recherches concluant à une différence de genre expliquent leurs résultats par la théorie durôle social et des stéréotypes de genre : en d’autres termes, les femmes agiraient en fonctionde ce qu’elles imaginent que leur entourage attend d’elles. Alors que les recherches concluanten une absence de différence entre hommes et femmes expliquent leurs résultats par leprocessus de socialisation : les femmes, qui empruntent le même parcours que les hommesseraient amenées à abandonner leurs spécificités féminines pour se conformer aux valeurs etcomportements des hommes.Cette absence de consensus laisse à penser que bien des aspects concernant le parcoursdes femmes leaders demeurent encore obscures. Un point mérite particulièrement d’êtreapprofondi avant de s’engouffrer dans des explications a posteriori pour expliquer, qui leursdifférences par rapport aux hommes, qui leurs points communs : quel est précisément le passéde ces femmes avant qu’elles n’accèdent à leur poste au sommet ?L’objectif de ce papier consiste ainsi à saisir des bribes de connaissances à traversl’analyse du parcours de quatre femmes ayant réussi à emprunter ce labyrinthe jusqu’àatteindre le haut de la pyramide, par la méthode du récit de vie. Globalement, se posent les25 Une version, plus détaillée de cette recherche, sera publiée dans la Revue Internationale de Psychosociologiedes Comportements Organisationnels, Autonme 2012.26 Une version, plus détaillée de cette recherche, sera publiée dans la Revue Internationale de Psychosociologiedes Comportements Organisationnels, Autonme 2012.90


questions suivantes : quelle enfance ont connu les femmes ayant atteint le sommet(représentation de la mère, place dans la fratrie, style d'éducation…) ? Quel a été leurparcours scolaire et universitaire ? Comment ont-elle accédé aux différents niveauxhiérarchiques avant d’atteindre le sommet ? Comment se sont-elles organisées entre leur vieprivée et leur vie professionnelle ?L’objectif de ce papier est de recueillir, en provenance de femmes leaders, destémoignages en profondeur afin de noter leur singularité. Soulignons que le but ultime n’estpas de propposer une typologie de « style de leadership » ou d’apporter des élèments deréponses à l’interrogation qui subsiste encore sur le lien entre « leadership et genre ». Cepapier, se veut une contribution modeste et indirecte à une réfélexion générale, qui est celle de« la rareté des femmes dans des postes de hautes responsabilités ».L’originalité de la démarche adoptée réside dans la volonté de croiser le regard dequatre chercheuses sur quatre parcours de femmes à travers un échange volontaire, permanentet critique sur le contenu et la posture de chaque récit de vie.La première partie de ce papier est une présentation succincte du leadership et du lienentre leadership et genre. Cette volonté de raccourcir le champ théorique est liée à l’objectifinitial de ce travail : se focaliser sur des parcours de vie pour en saisir les ressorts, sanshypothèses théoriques préétablies.La deuxième partie présente la méthodologie de la recherche ainsi que les profils desinterviewées. Une troisième partie est polarisée sur l’analyse des récits de vie au travers dethèmes présentés et discutés par la suite.1. Leadership et genre« Le leadership est un phénomène à la fois omniprésent, ambigu et fuyan. Le conceptlui-même est flou, fourre-tout, trop à la mode. Il en est question dans le monde politique, dansle milieu des affaires, dans les activités sportives, dans la vie culturelle, bref, partout. »(Lapierre, 2008, p12). Les frontières, les connexions les distinctions entre managers et leadersse font minces, floues voires dépassées. Les nouveaux discours sur le leadership appellent àun changement d’orientation. A l’instar de Mintzberg (2008) qui souligne l’importance desleaders mais rappelle combien en se fourboie « en mêlant les leaders et le leadership » (p.16)et en distinguant leader et manager, comme il y a un demi-siècle Drucker distinguait lesgestionnaires des administrateurs.Participer à ses réflexions sur le rôle du leadership ou du leader dépasse les objectifsde ce papier, d’autant plus que le sujet du leadrship et le genre est loin d’être un sous-thèmeaux contours bienn limités.En effet, à la manière de Saint-Michel (2010), devant la multitude de définitionsproposées pour le leadership – Bennis et Nanus (1985) en recensent plus de trois cents ! –,nous en choisissons une qui a le mérite de ne pas soulever la polémique par son caractèrepurement descriptif et dépourvu d’engagement : nous définirons ici le leadership comme « unprocessus par lequel un individu influence un groupe d’individus dans le but d’atteindre unobjectif organisationnel » (Northouse 2007).De nature plutôt positivistes, de très nombreuses études se sont attachées à classer lesleaders. Citons à titre d’exemple quelques classifications parmi les plus évoquées :- leadership centré sur les personnes ou leadership centré sur la tâche (Blake etMouton 1964),- leadership transactionnel (motive les subordonnés pour les aider à atteindre lesobjectifs) et le leadership transformationnel (pousse les subordonnés à transcender leursintérêts personnels pour le bien commun) (Bass 1985),91


- leadership formel (personne exerçant un poste hiérarchique de leader) et leadershipinformel (personne ne possédant pas de légitimité liée à un poste hiérarchique) (Lusthaus et al.1999).- …La plupart de ces premières études ont été menées indépendamment de la notion degenre, la place des femmes dans les positions hiérarchiques supérieures n’étant pas unphénomène suffisamment prégnant pour être discuté. Cependant, depuis une vingtained’années, et surtout depuis la dernière décennie, avec une représentation accrue des femmesdans les positions de leaders, les études combinant leadership et genre se sont multipliées.La recherche sur le leadership et le genre ne permet pas, à l’heure actuelle, de dégagerdes conclusions sur les différences entre les leaders femmes et les leaders hommes (Cornet etBonnivert 2008, Fortier 2008). Le consensus n’est pas de mise, certaines études concluant àl’absence totale de différences, d’autres à des différences certaines. Dans ce vif débat, Cornetet Bonnivert (2008) ont identifié les chercheurs « partisans du ‘non’ » (non, il n’existe pas dedifférences entre hommes et femmes dans l’exercice du leadership), et les « partisans du‘oui’ ». Dans cette classification, il est remarquable qu’aucune tendance ne se dessine : Cornetet Bonnivert(2008) ont dénombré autant de recherches concluant à l’existence d’un leadershipféminin que de recherches concluant l’inverse.Selon les partisans du ‘oui’, le style de leadership féminin serait plus relationnel,interactif, émotif, tandis que le style de leadership masculin serait plus directif, transactionnel,centré sur la carrière et l’accomplissement personnel. L’absence de consensus peuts’expliquer par des raisons d’ordre méthodologique. En effet, selon Saint-Michel (2010), ainsique Cornet et Bonnivert (2008), si ces études divergent cruellement dans leurs résultats, lesdifférences dans les méthodes mobilisées seraient un facteur explicatif. Ainsi :- les méthodes sont très diverses (entretiens, questionnaires, méta-analyses),- la mesure du leadership varie (auto-évaluation du leadership par le leaderlui-même ou évaluation par les supérieurs hiérarchiques, par les collègues pairs ou par lessubordonnés),- les outils de mesure quantitatifs du leadership ne sont pas consensuels,- les études confondent tous les « niveaux » de leadership possible,- les études sont réalisées dans des contextes divers (en laboratoire, publicd’étudiants ou sur le terrain dans les organisations).Au-delà de ces redoutables, mais cependant classiques problèmes méthodologiques,l’absence de consensus dans les résultats prouve surtout, s’il en était besoin, la complexité dusujet étudié, et légitime des recherches supplémentaires sur la question.Notre intention n’est pas d’apporter notre petite note de musique, forcémentdissonante dans cette cacophonie ambiante ; notre méthode de travail excluant a prioril’apport de validation ou de conclusions définitives, nous visons plutôt à porter le projecteursur la vision particulière d’individus singuliers.2. Méthodologie et profils des interviewéesAfin de suivre le parcours de femmes singulières mais ayant le point commun de seretrouver dans une situation commune, soit à la tête d’une institution, nous avons choisi uneméthode d’accès au réel particulièrement adaptée aux phases exploratoires sur un terrainencore peu étudié : la méthode des récits de vie. Selon Sanseau (2005), la méthode estd’ailleurs particulièrement utile quand la connaissance se limite à « des stéréotypes, des92


préjugés et des représentations collectives du sens commun » (p.41). Comme le préciseOzcaglar-Toulouse (2008), la méthode des récits de vie est centrée sur l’individu.Contrairement aux entretiens semi-directifs, le chercheur ne pose pas de questions précises, sice n’est de demander à l’interviewé de faire part de son parcours personnel. Le chercheurgarde en tête les thèmes de l’interview faisant référence à la problématique. Cependant, il neles aborde pas dans un ordre précis. L’interview est composée de deux phases (Bertaux, 1997,in Sanseau, 2005) : dans un premier temps, il faut amener l’interviewé à raconter son histoire ;dans notre cas, nos interlocutrices étaient invitées à révéler « tout leur parcours, de leurnaissance à aujourd’hui ». Dans un deuxième temps, il s’agit de traiter des thèmes nonévoqués spontanément jugés importants a priori. C’est ainsi que nous avons demandé parexemple aux répondantes de s’exprimer sur leur mode de management ou sur leur lien avec lahiérarchie…L’échantillonnage est un aspect crucial des récits de vie. La taille est très variable carcertaines recherches se limitent à un cas précis (Fossé-Poliak, 1990) en ayant éventuellementrecours au préalable à des questionnaires et entretiens pour bien le choisir (Baroni etJeanneret, 2008) quand d’autres reposent sur un échantillon plus vaste allant jusqu’à unequarantaine d’entretiens (Joyeau, Robert-Demontrond et Schmidt, 2010) dans l’objectifensuite de réaliser des profils-types (Tatu-Colasseau et Vieille-Marchiset, 2010). Nous avonsfait le choix ici de nous concentrer sur le récit de quatre femmes, dont nous savions aupréalable qu’elles présentaient des profils différents. En effet, nous avons pris soin de fairevarier leur âge (de 40 à 70 ans, sachant qu’il est difficile de trouver une femme plus jeune ausommet) et le type d’institutions qu’elles dirigent (une mairie, une université, une entreprisedans le secteur financier et une entreprise privée dans le secteur de la traduction ayant unevocation sociale).Les entretiens, ayant duré de deux à quatre heures selon les situations, se sont déroulésdans le lieu familier choisi par l’interviewée afin de créer un climat de confiance (dans lebureau ou au domicile). Ils ont été intégralement retranscrits afin d’en faciliter l’analyse.Une analyse thématique a été réalisée en quadruple codage : chaque chercheuse a codéles quatre interviews en fonction d’une grille proposée au préalable mais qui pouvait évolueren fonction des thèmes apportés de façon spontanée par les répondantes.3. Analyse des récits de vieNous présentons ici quatre thèmes majeurs ayant émergé de l’analyse thématique :- leur représentation quant à la raison de leur présence au sommet,- le modèle valorisé pendant l’enfance,- l’organisation entre vie professionnelle et vie privée,- leur motivations pour accéder au sommetCes différents thèmes sont présentés un à un, après avoir exposé brièvement les profilsdes interviewées et les raisons de leur présence au sommet.3.1. Présentation des profils et des parcours jusqu’au sommetLes femmes interrogées évoluent toutes dans des domaines ou le leadership est trèsclairement dominé par la présence masculine :93


- Agnès 27 , médecin urgentiste de métier, est la première femme maire de la ville X,une des 49 communes de plus de 100.000 en France, en sachant que seuls 7 parmi les 49maires sont des femmes (14%) ;- Brigitte est la première femme Présidente de l’Université Y, seules 12 femmesoccupant cette fonction sur les 81 universités françaises (14,8% de femmes) ;- Claude a été la plus jeune directrice de distribution d’un très grand groupe financierde banque privée et évolue dans un monde professionnel totalement dominé par les hommes ;- Dorothée a créé une entreprise qui dénombre aujourd’hui 19 salariés. Elle estactuellement présidente, dans son département, d’une réseau d’entreprises (comptant plus de1000 entreprises) d’échange de pratiques Diversité/RSE et lutte contre la discrimination.Les histoires de ces femmes sont développées en annexe.3.2. Raisons de leur présence au sommetAgnès et Brigitte ont connu toutes deux des phases clés dans leur carrière où, ayant étépoussées par une force extérieure à prendre des responsabilités, elles ont positivementrépondu à ces opportunités. Agnès considère qu’elle doit sa place de maire en grande partie auhasard de deux lois importantes en France : celle de la parité et celle du non cumul desmandats. Quant à Brigitte, elle a été poussée à plusieurs reprises par ses pairs à prendre desresponsabilités lorsqu’il s’agissait d’unir différentes parties en situation conflictuelle. Elle doitces plébiscites à sa personnalité : ouverte et fortement tournée vers les autres, elle a toujourssu écouter les avis de tous ses pairs sans se faire des ennemis. Avant d’occuper des postes deresponsabilité, elle a accepté de d’œuvrer dans l’ombre pour d’autres (hommes) occupant leposte en vue, tant qu’elle n’osait pas encore se trouver en pleine lumière. C’est ainsi qu’elle asouvent accepté la place de « sous-directrice » d’entités différentes. Elle ne regrette cependantpas cette période car le travail qu’elle a entrepris alors a montré toute sa légitimité auxcollègues.Quant à Claude, elle assume ouvertement sa position de leader, et ce dès son plusjeune âge. L’attitude de leader étant selon elle quasiment représentée dans les gènes, puisdéveloppée ou non par l’entourage, elle considère être presque née leader, et revendique avecforce et passion sa capacité et volonté à diriger et contrôler. Claude et Dorothée,contrairement à Agnès et Brigitte, semblent œuvrer tactiquement en toute conscience et sanscomplexe pour gravir les échelons et occuper des positions de leadership.Une raison de leur présence au sommet les réunit cependant : elles ont toutes beaucouptravaillé pour y accéder !3.3. Modèles valorisés ou identifiés dans l’enfance3.3.1. Une forte représentation du modèle matriarcal pour trois répondantes sur lesquatrePour Agnès, Brigitte et Claude, les modèles féminins, en particulier à travers lapremière personne avec laquelle l’enfant entre en interrelation à son arrivée, sont très forts(voir tableau 1). Si Agnès n’évoque pas la personnalité de ses grands-mères, Brigitte etClaude les décrivent comme des femmes de tête, qui dominaient visiblement dans la vie decouple ; Claude n’hésite pas à évoquer un « modèle matriarcal » répandu des deux côtés de sa27 Les prénoms ont été modifiés afin de conserver l’anonymat des répondantes.94


C.«CC'est ma mère qui fait la pluie et le beau temps... au grand damne de mon père... Il aurait fallulaqu'il soit un peu plus affirmé… Il ne sait pas se faire respecter ».ud« Chez nous c'est matriarcal... Pourtant normalement les Portugais c'est hyper macho ».e « A la fois du côté de mon père et du côté de ma mère, ce sont les bonnes femmes qui ontmené leur barque ».« C'était une femme de tête aussi (la grand-mère paternelle)... en tout cas de gueule… unegrande gueule... donc du coup ça te donne l'image d'une femme forte ».Dorothée « J’ai eu…des parents très ouverts d’esprit »« …et donc une ambiance familiale – je dirais – propice à ce que je suis certainement devenueen quelque sorte »« On se fait influencer positivement (par ses parents), là je me suis dit j’espère si je suischef d’entreprise un jour j’aimerais faire la même chose comme il a fait (mon père)…jevoudrais tendre la main… »« Ce coté un peu paternaliste dans le bon sens, c’était avant la RSE… »3.3.2. Position de force dans la fratrieIl est remarquable que, dans la fratrie, les quatre répondantes ont eu des frères soitfragiles, soit absents : Agnès est fille unique, Brigitte est née après un frère décédé, Claude atoujours pris le dessus sur son frère qui était pourtant l’aîné et Dorothée avait un frère plusjeune, dyslexique au parcours décrit comme étant « plus chaotique ».Tableau 2 : Verbatims sur la place du frère« Je n’ai pas de frères ni de sœurs. Donc j’ai un seul référent. De plus des deux côtés, monpère et ma a) mère A n’avaient pas non plus de frères et sœurs. Donc je n’avais qu’un seulréférent, c’était g ma mère. »nèsBrigitteClaudeDorothée« Alors sinon mes parents ont eu 4 enfants, 2 filles, et 1 garçon qui est décédé à 7 moispendant la guerre, la deuxième guerre mondiale, et moi qui suis née en 1947. Et quelquechose d’important, après le décès du seul garçon… un garçon dont mes parents étaient trèsfiers, ma mère mais surtout mon père et voilà, je suis arrivée et j’étais une fille ! Je ne saispas si ça a influencé, mais quand même… »« Mon frère aîné manque affreusement de confiance en lui alors qu'il a eu la mêmeéducation...(…) ça a été dur pour mon frère car il y a eu la comparaison, tout le temps,pendant toute son enfance et autant lui était timide, réservé et sensible, autant moi j'étais unbulldozer... d'emblée... et j'ai tout de suite pris l'ascendant sur lui, même physiquement… »« Je sui l’aînée, j’ai un frère de moins de un an et demi et une soeure de moins d'un an etdemi de mon frère… je n’aimais pas du tout ça, d’imaginer que parce qu’on était masculinféminin, on était différent… »« Mon frère a eu un parcours plus chaotique, j’étais un peu plus facile… il était dyslexique,plus de difficultés à l’école, un parcours plus dur à plusieurs niveaux, difficile de comparerles deux… »96


Ainsi, bien que les quatre interviewées aient vécu des situations familiales variées, àdes époques différentes, aucune d’entre elles n’a souffert de discrimination liée au sexe ausein du foyer dans son enfance. Si certaines se sont battues pour des raisons particulières(Brigitte a lutté contre une maladie grave, Claude contre un manque de revenu de sesparents…), aucune n’a eu à endurer la domination masculine dans l’environnement familial.3.4. Organisation vie privée/vie professionnelleLa maternité est un frein ressenti pour trois femmes sur quatre pour conduire unecarrière. Agnès et Brigitte, aujourd’hui divorcées, ont été mariées. Brigitte n’a jamais eud’enfants ; d’après elle, elle n’aurait pas accompli le parcours professionnel qui est le sien sielle avait connu la maternité. Quant à Agnès, si elle a eu trois enfants, elle ne se serait jamaisinvestie en politique si la demande était venue quand ils étaient en bas âge. Le mari d’Agnèsne s’investissait pas dans les tâches ménagères et familiales ; globalement c’est elle quiassurait « plusieurs vies dans une vie ». Très clairement, pour ces deux femmes, leur positionhiérarchique élevée est directement reliée à l’absence d’enfants dont il faut s’occuperpleinement.A l’inverse, Claude, aujourd’hui mère de deux enfants, a pensé à progresser dans sacarrière avant d’avoir des enfants. Malgré cette bonne gestion de la maternité, elle n’enressentait pas moins de culpabilité, à ne pouvoir se consacrer à 100% ni à son travail ni à sesenfants. Le fait d’installer ses parents chez elle pour leur confier ses enfants lui procureaujourd’hui une certaine tranquillité d’esprit.Quant à Dorothée, elle n’a pas évoqué de difficultés particulières sur la conciliationvie privée/vie familiale. Cela provient sans doute du fait qu’elle a toujours géré ce phénomèneavec ses salariés avant de devenir mère à son tour. Elle estime cependant que sa maternité luia permis de ressentir ce qu’elle n’avait qu’intellectualisé auparavant, laissant entendre unevision naturaliste : la mère reste la plus à même de s’occuper de ses enfants.Tableau 3 : Verbatim sur l’organisation vie privée/vie professionnelleAgnès « La vie de médecin, ce n’est pas… surtout au bloc. On est pris. Je me rappelle, il y a despériodes où je prenais mon fils avec moi, je le mettais dans un coin du bloc opératoire et jelui disais tu ne bouges plus. Car je n’avais personne pour le garder et je ne savais pas où lemettre. Mon fils aîné s’en rappelle ! ».« C’est parce que mes enfants étaient grands que je me suis investie en politique ». « S’ilsavaient été petits, je n’y serais pas allée. Petits, ce n’est pas possible, je ne l’aurais pas fait ».D. « B… mais si j’avais eu des enfants, je n’aurais pas fait tout ça, comme je me connais, je m’enri serais occupée et je n’aurais pas pu faire tout ça ».git « En vacances, je tourne en rond et, au bout de quelques jours, je préfère retourner danste mes dossiers, c’est comme ça, c’est une vraie passion. Mon mari ne comprenait pas. »« Moi j’aime le changement. Je crois que c’est pour ça aussi que j’ai pas eu d’enfants, j’aimeque ça bouge. J’ai toujours repoussé, repoussé, le moment pour en avoir, j’avais toujours uneautre tâche à accomplir, et après c’était trop tard de toute façon ».« Si je prends une semaine de vacances par an, c’est le grand maximum ».« Je travaille quand même, bien sûr tous les jours » [cf week-end compris].Claude « Nous contrairement à un mec, on culpabilise à mort...on culpabilise quand on estavec eux (les enfants), en se disant « putain merde j’ai 2-3 trucs à faire pour le boulot »et quand on est au boulot et non avec eux... ce qui n’effleure pas... Eric [son conjoint] ,il ne voit pas du tout ses enfants la semaine, ça ne l’emmerde pas... »97


Dorothée«Je savais qu’en tant que femme il y avait des choses que je devais avoir faites avantd’avoir des gamins...j’avais 26 ans à l’époque »« l’essentiel de ma carrière chez R, j’étais célibataire [mais en couple] sans enfant ; jem’éclatais... je progressais... mais quand tu as des enfants tu ne raisonnes pas de lamême manière... avant j’étais du genre à bosser le soir, j’aimais mon métier, j’avaisenvie de développer... je me suis éclatée ; mais cette contrainte horaire tu l’as quand tuas des enfants.. »« (avec mes parents près de chez moi), je m’offre une tranquillité » « Quand j’ai besoinde travailler plus tard, aucun stress, c’est une souplesse fantastique qui n’a pas deprix....ça diminue mon sentiment de culpabilité... j’ai l’impression d’avoir trouvé unéquilibre »« La parentalité est venue avec la maternité...y’a pas photo. j’avais intellectuellementabordé le sujet... avant d’avoir les enfants (quand) une femme m’appelait « il faut queje parte, mon fils a de la fièvre », je l’acceptais mais dans ma tête, je me disais « où ilest le papa, le mari ? Pourquoi il prend pas le relais? » c’est presque sexiste!! Quandj’ai eu mes enfants, même si le papa le voulait, avec un enfant à 40 de fièvre, unemaman... on ne peut plus travailler.... () j’ai compris avec les tripes, pas avec la tête. Onne peut s’attendre à ce qu’une maman délègue ces choses-là... ()... l’égalité avant lesenfants, c’est une chose, après c’en est une autre »3.5. La motivation pour accéder au sommetPour être au sommet, il faut avoir suivi un parcours particulier… Or, les quatrefemmes ont pris des responsabilités parce qu’elles désiraient fortement œuvrer pour lechangement, améliorer le quotidien, proposer leur vision des choses au lieu de subir celledes autres. Claude revendique avoir toujours voulu prendre le dessus, et ce dès l’enfance,même sur son frère aîné. Elle assume, en outre, avoir été motivée dans son cursus par le gainfinancier afin de ne pas avoir à subir de « frustrations » comme ce fut le cas par le passé. Enrevanche, Brigitte sourit à cette idée : elle a fait ses choix surtout par plaisir. Elle dit s’êtrerégalée dans les études entreprises et se délecter dans son travail, à « garder la tête dans sesdossiers ».Si Agnès aurait ri, plus jeune, si on lui avait dit qu’elle serait un jour maire de la villede X, Brigitte a pu envisager par le passé, occuper la fonction de Présidente d’Université : ellea en effet toujours envié la position de la personne qui dirige et s’imaginait aisément dans cerôle, de la maîtresse d’école, puis du directeur de la clinique où elle était soignée, duprofesseur qu’elle a admiré à l’université, jusqu’au président d’université…Dorothée a été motivée par l’envie de changer le monde en créant une entreprise quiconcilie rentabilité économique et « action sociale ». Par extension, le fait d’être légitime d’unpoint de vue économique semble renforcer ses convictions et sa force de persuasion afin demontrer auprès d’autres acteurs que la conciliation « rentabilité - responsabilité sociale » estpossible et souhaitable.98


1. Tableau 4 : Verbatims sur les motivations pour accéder ausommet« Ce qui me fait avancer ce n’est pas mon ego, quand je serai un tas de poussière, jeE. serai A un tas de poussière… voilà, la vie c’est comme ça. Par contre ce qui me faitgn avancer c’est d’améliorer le quotidien ».ès « Je me suis investie car je suis capable encore aujourd’hui, s’il y a une injusticequelque part, je suis capable de descendre dans la rue. Comme dit Kessel « indignezvous! ». J’ai toujours cette capacité de révolte. C’est cette motivation qui fait que j’aiavancé. Et puis le hasard…».Brigitte « Ah non, c’est sûr que c’est pas pour l’argent !!! (Rires). Pas du tout ».« Je crois que je fais ça vraiment pour le plaisir. J’aime ça, c’est un plaisir ». « J’aimepouvoir apporter ma vision. J’aime participer au changement ».« Ce qui m’a motivée dans mes choix, c’est le défi justement, j’aime qu’il y ait des choses àmonter, la gestion de tous les jours, ça ne m’intéresse pas ».« Avec le recul, je me suis rendue compte que je voulais toujours être à la place du chef, je leregardais, je l’admirais. A l’école, je voulais être maîtresse. Après, au préventariumj’admirais le directeur et je voulais être directeur… et c’était toujours comme ça ».Claude « Je n'ai pas pu faire de tennis [enfant] parce que ça coûtait cher... J'ai quand même eudes frustrations... ça m'a donné un énorme moteur ».« Moi, quand j'étais au collège, j'étais déléguée de classe et déléguée de collège. Il fautvouloir se mettre en avant. Moi c'était comme ça, j'avais envie. Le fait d'être manager, il fautvouloir avoir ce leadership ».« La meilleure façon de pouvoir les mettre en pratique c'est d'être à la tête ».« J’aurais pu finir à la limite dans l’humanitaire… Mais quand j’étais en Inde, j’aiF. Dorothéeréalisé que travailler dans une ONG c’est merveilleux, mais on a l’impression depédaler dans le vide. Tu pourrais ne pas dormir du tout, travailler 24/24... et tu feraismême pas une goutte d’eau dans l’océan par rapport aux problèmes. Et ça, ça a étéfrustrant de voir ça ».« Allez, je veux faire une entreprise. Cette entreprise, je veux la faire différente. Jeveux que ça fonctionne économiquement évidemment... mais je veux que les gens quitravaillent pour moi travaillent avec plaisir, avec bonheur ; et quand ils viennenttravailler le matin, qu’ils soient contents, heureux... ».Conclusion - discussionEn dépit de l’absence de conjecture au départ de la recherche, deux profils types sesont dessinés au travers de ces récits. En effet, Claude et Dorothée, plus jeunes et travaillantdans le privé, présentent un profil plutôt proactif : elles considèrent être parvenues au sommetpar leur propre volonté, au mérite, et en se battant. Ainsi, elles ne doivent leur succès qu’àelles-mêmes. En revanche, Brigitte et Agnès, plus âgées et travaillant dans le public,présentent un profil davantage réactif, leur présence au sommet étant due en partie au faitd’avoir été poussées par les pairs ou un responsable hiérarchique. Même si la reconnaissancede leur talent et de leur compétence n’est pas à prouver, elles expliquent leur réussite par unesuite de circonstances. Précisons que seule Agnès se retrouve au top précisément parcequ’elle est une femme (grâce à la loi sur la parité : ce qui lui fait justifier sa présence ausommet par une part de hasard).Est-ce une coïncidence que les secondes aient dépassé la soixantaine alors lespremières sont encore dans la quarantaine ? L’âge serait-il un élément explicatif de la99


différence de perception de sa légitimité en tant que leader ? Une autre piste d’analyse de cesdifférences de perception pourrait se faire sous l’angle du « leadership dans le mondepolitique ou économique ». En effet, les deux femmes qui estiment être là car elles l’ont vouluet mérité ont pu naturellement s’appuyer sur la réussite économique de leur entreprise quiapparaît comme un critère de légitimité indiscutable. A l’opposé, les femmes au sommets’inscrivant dans des carrières plus politiques (le cas de l’université ou de la mairie), estimentêtre là, plus par « hasard » ou parce que de tierces personnes les ont plébiscitées. Auraientellesplus de difficultés, en tant que femmes, à percevoir et à mettre en avant leur légitimitépour revendiquer un leadership en politique, où les critères de légitimité sont plus diffus etdiscutables ?Par ailleurs, il semble que ces femmes leaders ont eu un modèle familial dans leurenfance peu classique : soit qu’il ait été exclusivement féminin soit qu’il ait été parental. Uneconstance dans ces profils : aucune répondante n’a subi de domination masculine. Ces quatrefemmes semblent donc ne pas avoir subi dans leur éducation des limites (ou des interdits)implicites ou explicites qui soient liées à leur genre. Sur ce sujet, nos résultats rejoignent lescourants théoriques sur les antécédents du leadership présupposant un lien entre lasocialisation primaire, la petite enfance et la motivation ou l’accès à des postes de leaders(Caffarella and Olson, 1993; Hennig and Jardim, 1977). Si être leader nécessite une grandevariété de compétences, et que ces aptitudes et compétences sont généralement développéestout au long de la vie d'un individu (Adler, 1998), alors l’enfance est une étape de la vie desfemmes, pendant laquelle « elles pourraient » développer de la confiance en soi et desaptitudes au leadership (Madsen, 2007). Cette littérature stipule que tous les typesd'expériences dans l’enfance ont une importance cruciale pour la croissance et ledéveloppement d'un individu. Caffarella et Olson (1993) ou Henning et Jardim (1977) ontparticulièrement insisté sur l’importance que requiert la socialisation précoce dans la vie pourles femmes.Nos constats rejoignent donc ainsi ceux de Henning et Jardim (1977), les premierschercheurs qui, ayant interrogé des femmes leaders pour comprendre leur motivation et la cléde leur réussite, ont observé que les événements survenus et les expériences vécues dansl'enfance et l'adolescence jouent un rôle essentiel dans leur vie d’adulte et notamment dansleur trajectoire professionnelle.En revanche, contrairement aux résultats de Hennig and Jardim (1977), les quatrerépondantes ne voyaient pas autour d’elles des exemples de femmes inférieures aux hommeslorsqu’elles étaient enfants, bien au contraire. En outre, toujours contrairement aux résultatsde ces auteurs, trois d’entre elles n’admiraient pas non plus profondément leur père et leuractivité professionnelle, mais baignaient plutôt dans un modèle maternel, un modèleparticulier car emprunt de leadership, les mères de nos interviewées étant toutes décritescomme des femmes singulières, avant-gardistes, fortes, leaders à leur façon… Etant donnéque nos quatre interviewées n’adoptent pas, contrairement à ce qui est généralement présentédans la recherche sur le genre, un type de comportement masculin pour parvenir au sommet,la question suivante se pose : est-ce que le fait, dans la petite enfance, d’être exposée à desmères leaders, et de ne pas subir, enfant, de discrimination (en particulier dans la fratrie)pourraient (conjointement ou séparément) expliquer le fait que ces filles devenues femmes necherchent pas à imiter leurs homologues masculins pour parvenir au sommet ?II.100


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ANNEXE(a)Fiche signalétique d’AgnèsAgnès, 71 ans, divorcée, 3 enfants.Niveau d’études : Doctorat.Agnès occupe la fonction de Maire d’une des plus grandes villes françaises depuis 7ans. C’est la première femme maire de cette ville, après 59 hommes qui s’y sont succédésdepuis 1790.Agnès fut médecin urgentiste jusqu’à prendre sa retraite il y a peu.Agnès est fille unique, ainsi que ses père et mère. Ses parents ayant divorcé alorsqu’elle avait 13 ans, elle dit n’avoir, enfant, eu qu’un seul référent : sa mère.Dans son enfance, la notion de modèles féminins exceptionnels et novateurs est trèsprésente : modèle de la mère exemplaire d’une part, à travers sa mère, une des premièresfemmes à oser le divorce à une époque où cette pratique était d’une grande rareté. La mère deAgnès travaillait durement, occupait une position de leader dans son travail et militait enpolitique.D’autre part, Agnès a été marquée dans son enfance par le modèle de femmesengagées politiquement. Une des meilleures amies de sa mère a été une des premières femmesjamais élues sur une liste municipale dans la ville évoquée, vers 1946.Selon Agnès, elle doit sa carrière politique totalement au « hasard » de deux loisimportantes. Premièrement, la loi sur les quotas hommes-femmes : une personnalité politiquede l’époque lui demande de rentrer sur sa liste municipale. Nous sommes en 1982, Agnès a 42ans et ne s’est, jusque là, jamais investie en politique, et n’y songe d’ailleurs absolument pas.Selon elle, la raison pour laquelle la personnalité politique lui demande de participer à la listeest liée au fait qu’elle est alors Présidente d’une association de femmes médecin, ce qui,d’après elle, fait « chic ». Sans la loi sur les quotas Hommes-Femmes en politique, Agnès estpersuadée qu’elle ne serait jamais devenue Maire de cette grande ville.Deuxièmement, Agnès évoque la loi sur le non cumul des mandats, qui l’a fait devenirMaire en 2004 à la place de la même personnalité politique locale qui l’avait faite rentrer danssa liste en 1982. Cette personnalité politique ne pouvant cumuler deux fonctions devenues dèslors non additionnables, lui cède la place. En 2008, elle est élue maire sur son propre nom.(i)Fiche signalétique de BrigitteBrigitte, 64 ans, divorcée, sans enfant.Niveau d’études : Doctorat.Brigitte a deux grandes sœurs et un frère décédé très jeune quelques années avant sanaissance. Sa mère, bien que n’ayant pas longtemps travaillé, afin de se consacrer à sesenfants, était la personne forte du couple. Ni ses parents, ni ses sœurs aînées n’ont faitd’études longues, pourtant Brigitte a suivi un cursus exemplaire pour l’époque. Toujoursbonne élève, elle a dû interrompre longuement ses études à plusieurs reprises en écoleprimaire pour de graves raisons de santé. A chaque retour à l’école, elle se maintenait dans lesbons éléments mais elle garde aujourd’hui l’image d’avoir été vexée de ne pas avoir obtenu lepremier prix (comme c’était son habitude jusque-là) à cause de ses absences. Son parcoursest sans embuche par la suite : collège, lycée, bac technique, études d’économétrie (obtention103


des premiers prix) puis formation pour être professeure assistante à l’université, DEA, thèse,poste de maîtresse de conférences, puis professeure des universités. Bien qu’ayant vécu encouple pendant son ascension professionnelle, Brigitte n’a pas eu d’enfant, par choix, car ellea préféré s’impliquer à 100% dans sa vie professionnelle. Elle a accédé au sein des universitésà différents postes à responsabilité : sous-directrice de deux laboratoires de recherchedifférents, vice-présidente du Conseil Scientifique à l’université avant d’accéder au poste dePrésidente qu’elle occupe actuellement. Toutes ses ascensions présentent un point communtroublant : des collègues l’ont plébiscitée quand deux équipes (avec à leur tête, des hommes)s’affrontaient. Elle était choisie par ses pairs, sans se présenter, car incarnant une alternativecrédible pouvant réunir les différents partis. Il n’est pas étonnant alors qu’elle déclare que leleadership repose avant tout sur l’écoute et le respect des autres.(ii)Fiche signalétique de ClaudeClaude, 39 ans, mariée, 2 enfants.Niveau d’études : Master.Ses parents sont des enfants d’immigrés portugais et sont de condition modeste. Elle aun grand frère de 13 mois de plus qu’elle et une sœur d’un an et demi sa cadette. Son modèlefamilial est clairement de type matriarcal : les femmes de sa famille (grands-mères et mère) ysont les éléments moteurs. Elle-même a toujours eu l’ascendant sur son frère et estime que sasœur s’est d’emblée positionnée comme la petite dernière, fragile et féminine là où elle étaitun garçon manqué.Bien qu’ayant vécu dans une banlieue « difficile » elle a eu la chance d’intégrer desbonnes écoles et a toujours été bonne élève. Après une école de commerce, elle a achevé soncursus par un DESS « gestion de patrimoine ». Le choix pour ce type de formation a étémotivé par son aspect généraliste, par le fait que c’était une formation assez courte et parl’aspect pécuniaire ; gagner beaucoup d’argent était un moyen pour elle de prendre sarevanche (eu égard aux moyens financiers limités de ses parents).Elle est restée une année dans une petite société de gestion spécialisée dans le conseilaux indépendants, marché qui démarrait à l’époque. Faisant partie des rares conseillés forméssur ce marché en pleine explosion, elle a alors intégré une banque d’affaires renommée ausein d’une petite équipe et a accompagné le fort développement de son marché jusqu’à endevenir directrice au bout de neuf ans. S’étant beaucoup investie dans ses fonctions, elle s’esttoujours estimée légitime dans sa progression sachant qu’elle améliorait considérablement lesgains de l’entreprise.Ayant toujours eu conscience que l’essentiel de sa progression de carrière devait avoirlieu avant d’avoir des enfants, elle a, selon ses propos « géré sa maternité ». Très travailleuse,elle aime être à la tête pour prendre des décisions car elle estime avoir de bonnes idées. Leretour de son premier congé maternité s’est correctement passé, contrairement au second. Elleest entrée en conflit ouvert avec le nouveau DG et a négocié son départ...elle a réalisé qu’ellerecherchait alors un meilleur équilibre entre sa vie professionnelle et sa vie familiale et aintégré une plus petite entreprise où cet équilibre est respecté, voire encouragé.(iii)Fiche signalétique de Dorothée104


Dorothée, 45 ans, naissance à Londres, mariée, 2 enfants.Niveau d’études : Bachelor.Dorothée est issue d’une famille « mixte » cosmopolite, sa mère est canadienne et sonpère est d’origine mexicaine. Elle est l’aînée d’une famille de 3 enfants, comptant 2 filles etun garçon (au milieu de la fratrie). Son frère a eu un parcours jugé difficile et chaotique.Elle a poursuivi des études linguistiques et de sciences politiques, en sachantprécisément qu’elle créerait une entreprise après ses études. Elle estime qu’il n’existe pasforcément de parcours idéal pour devenir entrepreneur et affirme avoir un peu appris « sur letas ». Ses motivations pour y parvenir ont été liées au fait que cela s’inscrivait dans unecertaine lignée et normalité familiale et également que c’était un bon moyen d’être actif sur leterrain pour donner vie à des engagements personnels tels que la lutte contre lesdiscriminations, sujet qui lui tient à cœur et ce, dès sa plus tendre enfance. Elle n’a pas étéconfrontée directement à des discriminations ni au sexisme, ni au foyer familial où frères etsœurs ont été élevés de façon identique, ni dans le milieu professionnel car elle ayant créé sonentreprise, elle n’a jamais connu ou subi de plafond de verre dans le déroulement de sacarrière. Elle a surtout été marquée par une certaine forme de paternalisme bienveillant de sonpère vis-à-vis de ses employés. Pour ces raisons, elle a souhaité créer une entreprisedifférente, certes rentable économiquement, mais où les employés viennent travailler avecplaisir. Elle a également souhaité prolonger ses activités de bénévolat qu’elle a toujours eues,en prenant la tête d’une association-groupement d’entreprises qui considère que l’entrepriseest un acteur majeur dans la lutte contre les exclusions et discriminations. Ainsi, ens’appuyant sur la légitimité économique de son entreprise, elle peut montrer qu’il est possiblede concilier « rentabilité et responsabilité sociale » et elle peut également diffuser ces valeursen dehors de son entreprise par la voie associative. Ancrée dans la conduite du changement,elle ne se dit pas prête pour autant à s’engager en politique car sa vie de famille est sacrée,mais elle explore une autre voie au travers d’un « think tank ».105


Pratiques RH et plafond de verre au Maroc : entredémarche stratégique et pratiques intuitives.Doha SAHRAOUI BENTALEB, Ecole de Management/Université Privée de Marrakech.Résumé :Face au plafond de verre et aux impératifs d’égalité, les entreprises adoptent différentsdispositifs afin de promouvoir les femmes dans les postes de décision. Les écrits et recherchessur les pratiques égalitaires mettent en avant les démarches de gestion de la diversité et/ou lespratiques d’égalité professionnelle. Au Maroc, en l’absence de lois claires en faveur de laprésence des femmes dans les comités de direction, les pratiques égalitaires se déclinent soiten démarche stratégique, soit en pratiques intuitives. Sur la base de six études de cas, nousanalysons dans cet article les différences entre les pratiques égalitaires des filiales demultinationales et celles des entreprises marocaines. Ces entreprises brisent le plafond deverre, mais en fonction de la nationalité et des objectifs de l’entreprise, ce plafond est brisédifféremment.Mots clés :Plafond de verre, Etude de cas, Femmes cadres au Maroc, Pratiques égalitaires.IntroductionDe plus en plus, les femmes accèdent au marché de l’emploi et aspirent à des carrières,or la rareté des femmes au sein des postes de direction interpelle les pratiques des entreprises(Laufer, 1993). Ces dernières se trouvent héritières de structures sociales, qu’elles doiventdépasser dans un souci d’équité, de performance et de conformité aux lois.D’un point de vue justice sociale, l’intérêt moral et éthique de la GRH va à l’encontrede toute sorte de discrimination (Igalens, 2007). Au regard de différents impératifs del’entreprise, et face au plafond de verre, il découle que la prise en compte des femmes par laGRH est une évidence. Or, La mise en place de règles formelles, pour permettre l’égalitéprofessionnelle entre hommes et femmes, n’est pas suffisante (Milewski, 2004).Aujourd’hui, de par leur nature et leur vocation, qui visent à garantir la performance socialetout en respectant une certaine justice distributive entre les salariés (Igalens, 2007), lespratiques RH sont dans les premières lignes pour concilier l’économique et le social dans lesentreprises (Cornet et al., 2005). Une conciliation qui passe par la mise en place de pratiquesadaptées permettant aux entreprises de répondre aux différents impératifs qui visent à briser leplafond de verre.106


Au Maroc, le rôle la GRH est encore plus important dans un contexte où les objectifs 28égalitaires de l’état ne se traduisent pas toujours par des législations qui contraignent lesentreprises à briser le plafond de verre. La responsabilité de la GRH devient dès lors double.D’une part, répondre à des impératifs légaux et économiques, et d’autre part, forcer desmentalités dans un contexte où les traditions sociales pèsent encore lourdement sur le statutdes femmes.Une responsabilité qui s’insère dans l’évolution que connaissent les pratiques RH ausein des entreprises marocaines (DIORH, 2004). Des pratiques qui se veulent de plus en plusmodernes, et qui intègrent rapidement des problématiques actuelles. La profusion des prix etlabels dédiés à ces nouvelles problématiques, démontre de cet intérêt. La prise en compte duplafond de verre par les pratiques RH dans les entreprises marocaines, est en adéquation d’unepart avec la quête de modernité, et d’autre part avec les exigences de performance.Dans ce sens, nous posons la question de savoir les configurations GRH que les entreprisesadoptent afin de briser le plafond de verre au Maroc. Nous tentons de comprendre la manièredont s’articulent et se présentent les pratiques RH qui permettent aux femmes cadresd’accéder aux instances de direction.Dans une première partie, nous passerons en revue les écrits et recherches qui ont traité despratiques RH égalitaires et notamment les deux modèles d’égalité professionnelle et degestion de la diversité. Dans une seconde partie nous présenterons notre recherche empirique,qui nous a conduites vers 6 entreprises marocaines ayant réussi le défi de briser le plafond deverre. En nous appuyons sur la stratégie de l’étude de cas, nous analyserons et discuterons lesconfigurations RH qui ont permis à ces entreprises d’intégrer les femmes dans les instances dedirection dans un contexte marocain.I. Pratiques RH et femmes : Vers quelles configurations théoriques?Dans le cadre des leviers que l’organisation peut utiliser pour rétablir la parité entre leshommes et les femmes, la GRH représente le levier à l’égalité. Les opportunités des femmessont influencées par la GRH au sein des organisations (Truss, 1999). Les pratiques RH sontles principales garantes de l’évolution ou de la discrimination des femmes au sein desentreprises (Laufer, Fouquet, 1998). Elles jouent un rôle indéniable dans l’intégration desfemmes dans les postes de décision (Laufer, 1993 ; Pigeyre, 2001).28 Rapport national du gouvernement marocain sur les objectifs du Millénaire de développement édité en 2008.107


Il demeure toutefois important d’appréhender les biais par lesquels ces pratiques degestion sociale influent sur le plafond de verre. Intégrer le genre dans la GRH, ou trouver lebon modèle suggère que la GRH travaille sur les processus internes et externes del’organisation qui ont un impact sur la progression des femmes.Or, le modèle pour adopter et adapter ces pratiques aux impératifs d’égalité n’est pas toujoursclair. Entre recherches théoriques et pratiques empiriques, plusieurs options s’offrent auxentreprises. Parmi ces options, deux voies traditionnelles s’offrent aux entreprises : l’égalitéprofessionnelle, ou la gestion de la diversité. Egalité professionnelleConscients des discriminations structurelles que présentent les organisations, et del’intérêt de la présence des femmes au sein du top management, plusieurs perspectives se sontdéveloppées pour garantir l’égalité professionnelle à travers des pratiques RH équitables visà-visdu genre. Dans ce sens, les institutions publiques via un dispositif légal exigeant, furentles premières à forcer l’égalité au sein des entreprises.Le dispositif légal varie d’un pays à l’autre. Selon Bender et Pigeyre (2003) lespréoccupations concernant le traitement équitable de tous les employés remontent aux années1960 aux USA. Le « Civil Right Act » a mis en place les rails de l’égalité professionnelle.Depuis que les employeurs aux USA sont dans l’obligation de mettre en œuvre des politiquesvisant l’égalité des chances. L’égalité professionnelle se base sur un impératif légal et moralet s’appuie sur la négation à priori de toute différence pour justifier et imposer la parité entreles genres. Ces politiques mettent en place des programmes censés conduire à des prises dedécision non discriminatoires et/ou des mesures de discrimination positive.En France, le dispositif législatif relatif au travail féminin a évolué peu à peu pourmieux s’adapter à l’impératif égalité. Laufer (2003) décrit les différentes logiques qui ontcaractérisé la législation française quant au travail féminin.La première logique du droit des femmes au travail fut « une logique de protection »,où la femme est considérée comme un être vulnérable faible, et où son rôle de maternité estprimordial. Cette logique, ne fit que contribuer à dévaloriser le travail féminin et renforcer lerôle des hommes en tant que décideurs possédant la force physique. La législation est ensuitepassée selon Laufer (2003) à une « logique égalitaire », dont l’objectif est de prôner uneégalité des droits entre les hommes et les femmes. Cet objectif est accompagné de sanctionspour les entreprises ne respectant pas ce principe d’égalité. Toutefois, ainsi que le signalel’auteur, les lois n’arrivent pas à rétablir des inégalités sociologiques reproduites. Les femmes108


continuent à être embauchées dans des emplois dévalorisants justifiant les rémunérationsinférieures.« La logique de traitement » (Laufer, 2003) survient pour pallier les défaillances de lalogique uniquement égalitaire. L’égalité n’est pas dans les lois, l’égalité est une égalité deréalité. Cette logique fait apparaître la notion de discrimination indirecte «Une discriminationindirecte existe lorsqu’une disposition, un critère ou une pratique apparemment neutre affecteune proportion plus élevée de personnes d’un sexe, à moins que cette disposition, ce critèreou cette pratique ne soit approprié(e) et nécessaire et puisse être justifié par des facteursobjectifs indépendants du sexe des intéressés» (Lanquetin, 1995) 29 . L’objectif est dequestionner toutes les pratiques (formation, recrutement, gestion de carrière,rémunération,etc.). Même si ces pratiques sont considérées comme neutres, elles peuventinduire des discriminations. Elles doivent donc être revues pour atteindre la parité.Pour ce faire, les actions positives ont été mises en place dans les organisations.Toutefois, elles ont engendré des difficultés notamment en ghettoïsant les minorités qui enbénéficient. Dans ce contexte, la stratégie du «gender mainstreaming», «approche intégrée del’égalité » a été développée en vue de « l’intégration d’un objectif d’égalité à toutes lesactions, à toutes les politiques, à toutes les négociations, que l’on soit au niveau d’un état ouau niveau d’une organisation. Ainsi, toute politique d’éducation, de temps de travail maisaussi de recrutement, de formation, de promotion, ... ne saurait être élaborée et évaluée sansque ses effets en matière d’égalité hommes-femmes ne soient pris en compte, explicitement »(Laufer, 2003, p.161).La finalité de ces actions est de s’assurer que les différentes décisions prisesconduisent à l’embauche, à la promotion, et à la fidélisation dans l’entreprise des membresdes groupes protégés (Femmes, handicapés, minorités ethniques) (Bender, Pigeyre ; 2003).Au sein de cette perspective égalitaire, une distinction peut s’opérer. Bender et Pigeyre(2003) distinguent entre une approche libérale (Egalité des conditions de départ) et uneapproche plus « radicale » (Egalité devant être présente dans les résultats) en réponse auprincipe de discrimination indirecte. Une deuxième catégorisation (Konrad, Linnehan ; 1995),reprise par French (2001) oppose les pratiques « Indentity Blind » ou « pratiquesuniverselles » et les pratiques « identity conscious » ou « pratiques catégorielles ». Lespratiques universelles ont pour objectif l’égalité des chances et la lutte contre les29 In Laufer J. (2003), « Entre égalité et inégalités : le droit des femmes dans la sphère professionnelle »,L’année sociologique, vol 53, N°1, p.146109


discriminations. Elles incluent les pratiques de recrutement, d’évaluation de compétences etde gestion de la carrière traditionnelle, effectuées sur la base de critères objectifs. Lespratiques catégorielles quant à elles identifient les groupes protégés et déterminent desobjectifs de représentation de ces groupes dans les recrutements et les promotions, dans uneoptique semblable à celle de la discrimination positive. Les mêmes auteurs avancent, que lespratiques universelles n’ont aucun impact sur l’évolution des femmes.Malgré leur finalité égalitaire, les politiques d’égalité professionnelle ont suscitébeaucoup de controverses. Elles seraient la cause de la stigmatisation des catégoriesminoritaires, de la baisse des standards de recrutement et de promotion (Thomas, Ely, 1996).Ces politiques, dont l’objectif est de garantir l’égalité, discrimineraient les catégoriesmajoritaires des « blancs », et seraient dans ce cas mal accueillies par le groupe dominant carelles seraient en contradiction avec les logiques de méritocratie. De même, elles peuventdéplaire aux groupes minoritaires, qui se sentiraient en présence alibi (Thomas, Ely, 1996).Dans le cas des femmes, Cassel (1996) attire l’attention sur cette présence de « femmesalibis» où ce que Kanter nomme « social window dressing », qui sont mises en place pourrépondre aux politiques d’égalité professionnelle sans que la situation de la majorité change.Par ailleurs, la présence de quotas ne peut être qu’une mesure limitée dans le temps,car elle est insuffisante pour assurer un changement de comportements discriminatoires, etpeut même conduire à une résistance au partage du pouvoir du groupe majoritaire (Lord,Delaney ; 1999). Thomas et Ely (1996) nomment les mesures de quotas le « paradigmediscrimination et justice », car elles entraînent des conflits et des difficultés entre les minoritéset les « dominants ». Ensuite, les quotas empêchent les entreprises de tirer profit de la variétéde ses composantes et des idées de la minorité. D’autres travaux comme ceux de Heilman etal. (1991,1992) démontrent même que les personnes recrutées via des quotas sont perçuescomme des personnes dont les compétences sont inférieures aux compétences de la majorité,et moins qualifiées que la position qu’ils occupent (Summer, 1991).Ces limites égalitaires ont poussé les entreprises à adopter des pratiques plusvolontaristes et stratégiques. L’irruption de la RSE reste jusqu’à aujourd’hui un des facteursdéterminants dans le revirement de la conception égalitaire d’un impératif légal à un impératifmoral. Selon Igalens (2007), la GRH a connu un nombre important d’évolutions sousl’influence de la RSE, parmi les évolutions importantes citées par l’auteur, on note ladiversité. Au-delà de son aspect légal, qui exige des entreprises des pratiques nondiscriminantes, « la RSE dans sa version diversité demande des efforts pour embaucher despersonnes issues de minorités visibles ou repérables telles que les jeunes habitants dans les110


anlieues défavorisées. De même, le principe de parité demande aux entreprises derééquilibrer la part des femmes dans les catégories cadres et dirigeants, c'est-à-dire de casser« le plafond de verre » qui souvent les empêche de progresser au-delà d’un certain niveauhiérarchique. » (Igalens, 2007, p.381). Pour l’auteur, au cœur de la RSE figure, la convictionque les dirigeants de l’entreprise doivent à la société bien plus que des profits et ont desobligations vis-à-vis d’autres groupes d’intérêt que les seuls actionnaires. Cette conviction amené les conceptions et pratiques de l’égalité professionnelle issue du droit vers la gestion dela diversité qui est basée sur une morale et un idéal de gestion. Gestion de la diversitéLe terme « Gestion de la diversité » ou « Diversity Management » date de 1987,lorsque l’institut Hudson publia son rapport « Work Force 2000 » (Lorbiecki, Jack ; 2000). Cerapport informait les Américains qu’à partir des années 2000 la majorité des travailleursaméricains seraient issues des groupes minoritaires (Beasly, 1996). Cette nouvelle fut un deséléments déclencheurs de l’intérêt de la communauté des chercheurs et praticiens pour lemanagement de la diversité.La gestion de la diversité ne répond pas à un impératif légal, mais va au-delà des lois.Elle répond à un idéal, qui vise l’intégration de tous les individus quelles que soient leurscaractéristiques au sein des entreprises dans un objectif de business case (Cox et Blake, 1991 ;Ross et Schneider, 1992).Le management de la diversité est un concept complexe. Le saisir revient à ouvrirplusieurs portes d’entrées au vu des impératifs qu’il intègre. D’abord légal, car c’est unnouveau paradigme d’égalité professionnelle. Il intègre donc, de manière globale, l’obligationde garantir un traitement équitable pour toutes les catégories au sein de l’entreprise. Endeuxième lieu, Le management de la diversité va au-delà de l’obligation légale, il répond àune exigence morale et éthique, conforme aux principes de la RSE. Il englobe également ladimension économique, en intégrant les minorités de l’entreprise au vu de meilleuresperformances économiques. La discrimination positive « met de l’essence dans les tanks,pousse les nouvelles personnes vers la porte d’entrée, mais quelque chose d’autre doit lesmettre dans la place du conducteur » (Thomas, 1990, p.7, traduction libre).Dans ce sens, le management de la diversité regroupe un champ plus large que lespratiques d’égalité professionnelle. Selon Barth et Falcoz (2007), la gestion de la diversitén’est pas un concept juridique, mais une démarche managériale. Son objectif est de faireévoluer les représentations afin d’éliminer tout comportement discriminatoire. Dans cette111


optique, il représente un concept qui intègre l’idée que la force de travail soit une populationdiverse. Il est basé sur la prémisse que mettre à profit ces différences, créerait unenvironnement productif dans lequel chaque personne se sente valorisée, et où les talents sontpleinement utilisés dans une optique où les objectifs de l’organisation convergent (Kandola etFullerton, 1994).L’intérêt de la gestion de la diversité est de mettre l’accent sur l’individu et non sur legroupe auquel il appartient, et il est reconnu à chaque individu d’être différent de la culturedominante (Bender et Pigeyre, 2003).Pour Harvey et Allard (1995), l’apport de la gestion de la diversité, est quel’organisation réalise que les différences individuelles qui peuvent créer de la valeur externede créativité, une meilleure compréhension des clients et des marchés. De manière générale,Cabral-Cardoso (2002), avancent que la gestion de la diversité met l’accent sur les différencesplutôt que sur les ressemblances ; il s’agit de valoriser les contributions individuelles àl’organisation de chaque individu au regard de ses capacités et de ses mérites. Cescontributions varient sur la base des différences visibles et invisibles telles que ; le sexe, l’âge,la race, l’origine sociale et scolaire, les handicaps, la personnalité et la façon de travailler(Wirth, 2001) 30 .En résumé, Le management de la diversité a pour but que chaque employé maximiseson potentiel et sa contribution à l’entreprise. Ainsi, les politiques de gestion de la diversité,valorisent les différences et justifient que l’on utilise les femmes là où leur présence estsupposée apporter un réel avantage. Bender et Pigeyre (2010), avancent que chaqueentreprise, doit comprendre le type de diversité qu’elle veut mettre en place. La manière del’appréhender et les enjeux soulevés différent selon les cas. Prasad et al. (2002) et Kirton(2003), précisent que la gestion de la diversité s’inscrit dans une logique de différenciationperçue comme un acte de gestion réactif où il s’agit, de réduire les dysfonctionnements liés àla main d’œuvre de plus en plus hétérogène, ainsi que la peur et la menace de cettehétérogénéité. En second lieu, c’est un acte de gestion proactive qui crée de la valeur ajoutéeinterne et externe et agit dans une logique RSE.Si le management de la diversité est présenté comme un idéal à atteindre par lesentreprises, plusieurs travaux critiquent ses fondements. Frédérique Pigeyre, fait remarquerqu’il existe des risques à prendre en compte quant à l’application des politiques de gestion dela diversité. C’est une minimisation de l’enjeu que de mettre les femmes dans les postes où30 In Landrieux Kartochian S. (2003), Au-delà du plafond de verre ? Une introduction de la dimension genredans les politiques de ressources humaines, Cahiers du CREGOR.112


elles sont jugées comme plus douées que les hommes. L’auteur signale que ces politiquesrisquent de conduire à une « ghétoisation » des femmes au sein de fonctions exclusivementféminines.Barth et Falcoz (2007), avancent que les discours sur la diversité noient des fois lesdiscriminations contre les femmes et les minorités dans des différences anodines comme lestyle vestimentaire ou l’origine géographique.Landrieux-Kartochian (2004), avancent que la mixité et la diversité sont une source deperformance pour l’entreprise, se contraindre à intégrer des femmes pour des raisonséconomiques, s’apparenterait à justifier leur présence au sein des entreprises.Au Maroc, rares sont les études qui portent sur la réalité des pratiques de la gestion dela diversité. Une étude exploratoire menée par Safi-eddine et Bentaleb (2010), renseigne sur laperception favorable accompagnée d’une faible prise de conscience de son importance et sesenjeux. Chacun prétend pratiquer une gestion équitable à l’égard des différentes catégories,toutefois, les outils utilisés sont intuitifs et restent davantage tributaires d’initiativesindividuelles que le résultat d’un projet social. Les conclusions de l’étude sont les suivantes : « Peu de sensibilisation sur le sujet de l’égalité et les risques de discrimination directeet indirecte, Faible vulgarisation des textes et lois, les statuts et les extraits de textes de loi ne sontgénéralement ni affichés ni diffusés, Absence d’entités de veille sur la diversité qui pourrait conforter les initiativesindividuelles. Rare prise en considération du sujet de l’égalité et de la lutte contre les discriminationsau travail dans les plans de formation. » (Safi-eddine, Bentaleb, 2010, p.12).Pour conclure sur les paradigmes d’égalité professionnelle et de gestion de la diversité,un article de Meyerson et Fletcher (2000) démontre l’incapacité des politiques de gestion dela diversité et de l’égalité professionnelle à elles seules de permettre une intégration complèteet équitable des femmes dans l’entreprise. Ils assimilent cette situation à un monde de petitespersonnes où tout d’un coup des personnes de grande taille font leur apparition, ces petitespersonnes se trouvent obligées de les intégrer dans leur monde. Pour faciliter leur intégration,ils installent des barres en face desquelles les grandes personnes doivent se courber afin d’êtreà égalité avec les petites personnes à chaque fois qu’elles rentrent dans un espace. Meyersonet Fletcher (2000) associent les politiques d’égalité professionnelle dans les entreprises à ces113


arres qu’on installe, pour permettre une égalité des chances entre hommes et femmes. Alorsque les politiques de gestion de la diversité seraient assimilées à une situation où les petitespersonnes n’attribueraient aux grandes personnes que les tâches dont eux ne peuvents’acquitter vu leur taille. Les auteurs concluent en avançant que l’intégration réelle desfemmes ne peut se faire qu’à travers une refonte totale des structures et pas uniquement àtravers les politiques d’égalité des chances et de gestion de la diversité.En réalité, les mesures prises par les entreprises combinent souvent les politiquesd’égalité des chances comme dimension formelle et les formes de la gestion de la diversité quiprennent en compte les besoins des individus et de communication interne (Townsend, 1996,Solomon, 2000) 31 .Dans la pratique, et afin d’intégrer les femmes et leur permettre d’atteindre les postesde décision, les pratiques RH adoptées varient de l’égalité professionnelle à la gestion de ladiversité dans des configurations qui diffèrent d’une entreprise à une autre. Il est à noterégalement que passer d’une entreprise unisexe à une entreprise avec des femmes ne peut sefaire du jour au lendemain ; les entreprises passent par des phases dans l’objectif d’atteindrel’égalité.Dans ce sens, nous tentons de comprendre ces configurations dans un contextemarocain, où les enjeux culturels et sociaux rendent l’application stricte de ces paradigmesdélicates. D’abord aucune loi n’imposent aux entreprises marocaines d’intégrer les femmesdans les instances de direction, il devient dès lors délicat d’aborder une égalité professionnelledans le contexte marocain. Ensuite, il serait difficile d’avancer que les pratiques RHégalitaires au Maroc s’apparentent à la gestion de la diversité. La loi marocaine condamnel’homosexualité, il est dès lors difficile de parler de diversité quand une catégorie minoritaireest exclue de prime abord.Pourtant certaines entreprises réussissent à intégrer des femmes et à briser le plafondde verre au Maroc. Cette seconde partie de l’article, tente par une recherche empiriqued’analyser et d’éclairer les configurations RH adoptées, qui permettent aux femmesd’atteindre les postes de direction dans les entreprises marocaines.II. Pratiques RH et plafond de verre : Cas des entreprises marocainesPour répondre à notre problématique nous avons opté pour une méthodologiequalitative inductive, une méthodologie qui est la plus en adéquation avec le contexte31 In Pigeyre F. (1999), « Les carrières des femmes cadres- vers une gestion des ressources humainessexuées ? », Revue Française de Gestion, Numéro 126, P47-55114


exploratoire marocain. Dans ce sens nous avons retenu la stratégie des cas. Cette stratégienous permet d’éclairer l’ensemble des relations mises en jeu et d’analyser en profondeur lesdifférentes configurations RH.Nous avons retenu essentiellement des entreprises qui présentent des signaux deplafond de verre brisé, notamment des entreprises qui ont une proportion intéressante defemmes dans les postes de direction.Les entreprises qui ont été favorables à notre recherche sont au nombre de 6, dontquatre multinationales et deux entreprises marocaines. Ces entreprises opèrent dans dessecteurs divers, deux des entreprises multinationales opèrent dans le secteur énergétique A etB, une entreprise multinationale opère dans le secteur pharmaceutique C, une autre dans lesecteur de l’hôtellerie D. L’entreprise E, une entreprise nationale opère dans le secteur destélécommunications, et la dernière entreprise nationale F opère dans le secteur du BTP.Pour le recueil des données au sein des entreprises, nous avons construit 3 différents guidesd’entretien, l’un destiné au Directeur général ou un responsable opérationnel, un seconddestiné au DRH et le troisième aux femmes managers. De plus des entretiens nous avonsprocédé à une étude documentaire au sein et à l’extérieur des entreprises, afin de nousappuyer dans nos analyses. L’objectif est de nous éclairer sur les configurations ainsi quemotivations des entreprises qui mettent en place des pratiques en faveur des femmes dans uncontexte marocain.Sur la base de ces données nous avons procédé à une analyse intra-cas, puis une analyse intercas(Miles et Huberman, 2003). Nous présenterons les résultats globaux afin de rendre comptede manière synthétique des pratiques RH ainsi que leurs contextes d’application au sein desentreprises retenues. Analyse des résultatsIl ressort de l’analyse de nos six études de cas une multiplicité de configurationsprésentes pour briser le plafond de verre. Les entreprises exercent dans des secteurs d’activitédifférents, sont de tailles différentes et les objectifs en terme de présence féminine varient.Malgré la spécificité des applications, ces entreprises réussissent à faire avancer les femmesjusqu’aux postes de management. Afin de rendre compte au mieux des différentesconfigurations, nous présenterons d’abord le contexte organisationnel qui a joué en faveur del’adoption de pratiques paritaires, ensuite nous décrirons et analyserons la nature etconfiguration des pratiques RH mises en place en faveur des femmes.1. Le contexte organisationnel115


Nous pouvons avancer que la mise en place de politiques RH en faveur de la parité nese fait pas indépendamment d’une conscience de l’environnement de l’entreprise. Il s’avèreque nos six cas de recherches ont amorcé des stratégies sociales et sociétales qui intègrent leurenvironnement immédiat, et agissent en tant qu’entreprises citoyennes 32 . Les six cas, à desniveaux différents et en fonction de l’activité de l’entreprise, mènent des actions en faveur desdifférentes parties prenantes qui constituent leur environnement.D’autre part, ces organisations se caractérisent par une forte implication de la directiongénérale ainsi que des départements RH dans le dossier parité. Dans l’ensemble des cas derecherche, l’implication de la direction générale dans la parité est importante. A travers nosentretiens, on retrouve une implication et une volonté d’intégrer les femmes. Cette convictionest fondée sur l’apport des femmes au Management et à l’entreprise. Le Business Case, estomni présent dans les discours.‣ « Je suis vraiment persuadé qu’en arrivant à la parité dans l’encadrement et ladirection de l’entreprise, on aura probablement une entreprise plus efficace et c’estce que recherchent toutes les entreprises et les actionnaires de l’entreprise »Responsable opérationnel N°1‣ « Nous sommes dans une société patriarcale et nous on ne l’est pas du tout et je suisexactement dans l’anti-patriarcal ……, travailler avec des femmes est une idée plusprofonde et elle est devenue beaucoup plus une stratégie »Responsable opérationnel N°6Toutefois, l’implication de la direction générale se décline différemment en fonctiondes entreprises. Elle est soit une action volontariste de l’entreprise, soit une obligation de lamaison mère pour les multinationales.Dans le cas des entreprises marocaines, l’implication dans les politiques de parité est laconséquence d’une prise de conscience volontariste. Les deux entreprises nationales n’ontaucune obligation institutionnelle à mettre en place des politiques de parité. Le code du travailest très maigre en matière d’égalité professionnelle et les syndicats et l’inspection du travailne mettent pas en priorité ces différentes pratiques. Les entreprises sont dans des phases dedéveloppement qui les conduisent à intégrer toutes les compétences, et notamment lesfemmes.« Ca remonte à mes débuts de carrière, donc j’ai vu des équipes ou il y’avait des hommes etdes femmes et c’est là ou j’ai commencé à comprendre et à me rendre compte que les femmesrendent le travail plus intéressant. Aujourd’hui intégrer des femmes c’est devenu uneconviction profonde et une stratégie » Responsable Opérationnel N°632 Responsable ne renvoie pas directement à la RSE, car le statut de responsabilité sociale de ces entreprises nepeut être vérifié.116


Pour les entreprises multinationales de notre échantillon, la mise en place de pratiquesparitaires est essentiellement à l’initiative de la maison mère, qui opère dans des pays où lesobligations institutionnelles ainsi que les actions des ONG sont plus fortes. Les maisonsmères fixent des quotas à atteindre et les vérifient à travers des reporting annuels.Toutefois, l’impact de la maison mère diffère. Pour A et B, la féminisation devient unprojet propre des filiales où les dirigeants s’impliquent personnellement pour la mise en placede la parité. Par ailleurs, les stratégies de diversité se déclinent clairement en faveur desfemmes. Ces deux entreprises, respectent les canevas paritaires des multinationales maisn’hésitent pas à mettre en place d’autres pratiques pour promouvoir les femmes managers.Elles ont l’obligation d’atteindre des objectifs chiffrés en termes de féminisation, mais ellesdécident par elles mêmes des moyens pour y parvenir.« Je crois dans le bien fondé de l’intégration des femmes, au contraire je souhaiterai intégrerplus de femmes, on se bat pour ça d’ailleurs » Responsable opérationnel N°1« La moitié de la société est composée de femmes, pourquoi il en serait autrement ici ?moi jesuis un fervent partisan des femmes, je les aide je les soutiens. Je me mets à leur place carmoi aussi j’ai une épouse, et je ne voudrai pas que quelqu’un soit injuste vis-à-vis d’elle. Ici,à… tout est mis en place pour que les femmes aient toutes leurs chances » Responsableopérationnel N°2Dans le cas de B et C, l’égalité professionnelle fait partie du projet plus générique dela gestion de la diversité. Les filiales appliquent les directives de la maison mère en termes deparité, mais, les grandes décisions stratégiques (Nomination des femmes dirigeantes, Nombrede femmes dans l’encadrement), se font au niveau de la maison mère ou dans des forums quiréunissent une grande partie des filiales.« C’est une volonté du président directeur général de promouvoir la femme mais en tout casil n’y a pas de blocage des femmes, une femme capable qui a des compétences je dirai qu’ellerentre tout naturellement voilà et on lui confie des fonctions importantes » Responsableopérationnel N°3« La diversité dans le groupe est assez présente, c'est un axe, c'est à dire dans mes objectifspersonnels, dans les objectifs du directeur général, et de toutes l'équipe managérial il y a unobjectif de diversité. Dans les forums du groupe on essaye de voir quelles sont les faiblesseset là on décide ce qu’on va faire pour telle ou telle région » Responsable opérationnel N°4Toutefois, si la finalité est de permettre aux femmes d’avancer, les objectifs derrièrecette finalité diffèrent. Pour chaque entreprise, les objectifs se déclinent différemment, soiten objectifs d’égalité, de diversité, ou d’aveugle au genre.L’objectif égalité, se vérifie dans le cas de A et B où le business case de l’intégration desfemmes est complètement intégré. Le débat ne porte plus sur le bien fondé d’intégrer lesfemmes, mais porte sur le meilleur moyen de les intégrer et d’atteindre la parité avec leshommes dans tous les postes et dans toutes les fonctions. Même si, le projet et la stratégie au117


niveau Groupe portent sur la gestion de la diversité, la priorité est clairement accordée auxfemmes au sein des filiales. Cette priorité accompagnée de quotas rapproche plus cespratiques de l’égalité professionnelle que celles de la gestion de la diversité.L’intégration des femmes transparaît dans l’ensemble des politiques et des objectifsvisés, et s’avère comme un objectif primordial pour l’entreprise. Des évaluations régulièressont mises en place pour évaluer les résultats de ces politiques. Les pratiques déployées dansces entreprises en faveur des femmes sont les plus intenses de nos cas de recherche, et lesdirecteurs des ressources humaines s’impliquent personnellement dans le projet égalitéHommes/Femmes.L’objectif diversité, est présent dans le cas C et D, où l’intégration des femmes fait partied’un projet plus global de diversité. Les pratiques au sein de ces entreprises découlent de lagestion de la diversité où l’objectif est d’intégrer toutes les catégories en fonction descompétences. Le groupe femme fait partie de l’ensemble des groupes que l’entreprise vise àintégrer. Les pratiques RH se déclinent dans un objectif de performance et d’équité, mais pasforcément pour favoriser les femmes. La finalité est d’intégrer les meilleures compétences enétant équitables vis-à-vis de toutes les catégories du personnel.Enfin, l’objectif aveugle au genre porte sur la mise en place des pratiques paritaires dans lecas des entreprises nationales (E et F), pratiques relevant d’une démarche intuitive guidéepar le business case de l’intégration des femmes. Ces entreprises sont en pleine croissance etdéveloppement, et ont entamé des actions sociales en faveur de leurs différentes partiesprenantes. L’intégration des femmes et la mise en place de pratiques paritaires se situent dansla lignée de la démarche stratégique de l’entreprise. L’objectif est d’intégrer toutes lescompétences, afin d’accompagner la croissance de l’entreprise. Cet objectif est appuyé par laconviction de l’apport des valeurs féminines de management. Toutefois, il serait difficiled’avancer que les pratiques de ces entreprises découlent de la gestion de la diversité car ellesconcernent les femmes de manière spécifique. De même, on ne peut considérer que cespratiques découlent de l’égalité professionnelle. En l’absence d’obligation institutionnelle, cespratiques ne correspondent pas aux modèles de l’égalité professionnelle, et les entreprises nemettent en place aucun quota en faveur des femmes. Ces entreprises opèrent dans une optiquede non discrimination de compétences, et non pas de promotion spécifique des femmes.2. Les configurations des pratiques RH paritairesEn fonction des analyses, nous pouvons regrouper les pratiques RH en faveur des femmes entrois catégories: les pratiques de recrutement et d’attraction qui lient l’entreprise à son118


environnement externe ; les pratiques d’accompagnement qui visent à intégrer les femmeset à les suivre dans leurs parcours au sein de l’entreprise et les pratiques de gestion deconflit travail /famille, dont l’objectif est la conciliation entre la sphère privée et les chargesprofessionnelles.Pratiques de recrutement et d’attractionOn peut noter que les pratiques de recrutement diffèrent d’une entreprise à une autre.Les entreprises dont l’objectif est l’égalité, fixent des quotas, afin de féminiser lesrecrutements, ces quotas mettent les supérieurs hiérarchiques face à l’obligation de recruterdes femmes même dans des postes perçus comme masculins. Mais, notons également que lesquotas de féminisation permettent de forcer les changements de mentalités en intégrant desfemmes afin de démontrer les capacités de celles-ci à exercer tous les métiers. Les pratiquesd’intégration inculquent dès le départ une culture d’égalité, qui met l’entreprise avant lespersonnes. L’ensemble des collaborateurs s’imprègne des cultures et des valeurs del’entreprise, mettant au second plan les individus, chose qui renforce la culture de parité.Les entreprises dont l’objectif est d’être aveugle au genre, mettent en place despratiques de recrutement objectivantes pour intégrer les meilleurs. En parallèle, les femmes nesont pas discriminées et sont même favorisées au regard de leur apport. De même, face à unestratégie de développement, ces organisations sont conscientes que discriminer les femmesserait une perte de ressource pour des entreprises en croissance.Cette logique est semblable aux entreprises qui adoptent un modèle de diversité. Lespratiques d’intégration ne visent pas l’intégration d’une catégorie bien précise, mais visel’intégration de toutes les catégories sur la base de compétences. Les critères objectifsd’évaluation en fonction des besoins de l’entreprise permettent d’intégrer ces compétences.Il est à noter que, malgré les objectifs de parité, les entreprises ne communiquent quetrès rarement sur leurs pratiques. Pour la majorité, le process de recrutement n’intègre pas larecherche de compétences féminines dans les universités ou les écoles, ou des publicités surleurs objectifs de recrutement féminins. La communication sur ces pratiques par l’ensemblede ces entreprises ne correspond pas à une stratégie ; elles saisissent des opportunités qui seprésentent, pour communiquer sur la présence des femmes.Pratiques d’accompagnementCes pratiques regroupent essentiellement les pratiques de gestion de carrière, deformation, d’évaluation, de promotion et de rémunération. Elles sont les plus développéespour les six études de cas. Ces pratiques permettent d’accompagner les femmes en palliant lesdiscriminations organisationnelles.119


Pour les entreprises dont l’objectif est l’égalité, une gestion de carrière formelle estdéveloppée via des pratiques de mentoring et de sponsoring officielles. Pour les autresentreprises, le parrainage informel est encouragé par les DRH et les DG.La formation représente aussi un axe prioritaire pour développer les compétences desfemmes. Au sein des entreprises dont l’objectif est l’égalité, un reporting sur le nombre defemmes formées est mis en place pour le suivi des candidatures féminines. En parallèle, dansl’ensemble des entreprises, des formations en leadership, en langues ou en management sontmises en place pour développer les compétences féminines et les préparer pour les postes demanagement.L’évaluation est basée pour l’ensemble de ces entreprises sur des critères qualitatifs etla réalisation d’objectifs. Le temps de présence ne parait pas comme un facteur discriminant.La promotion qui permet d’assurer l’avancement des femmes, est déclinéedifféremment au sein des entreprises. Pour les entreprises dont l’objectif est l’égalité, desquotas sont mis en place pour favoriser les candidatures féminines. Au sein des entreprisesdont l’objectif est la diversité, la représentativité de toutes les catégories est importante.Néanmoins, les nominations pour les postes de décision sont faites par ou en concertationavec la maison mère. Au sein des entreprises, dont l’objectif est d’être aveugle au genre, lescandidatures internes sont avantagées et les DRH et la DG assurent la non discrimination desfemmes pour des postes de décision.Concernant la rémunération, même si les entreprises affirment qu’il n’y a pas dediscriminations salariales entre les hommes et les femmes, il est difficile pour nous deconfirmer ou d’infirmer ce point, car, nous n’avons pas eu accès aux fiches de paie.Néanmoins, certains responsables avancent qu’ils tentent pour certains postes ou métiers derevoir et réduire les écarts salariaux.Pratiques de conciliationPour les entreprises dont l’objectif est l’égalité, les pratiques de conciliation ont pourobjectif de permettre aux femmes de gérer le conflit travail/famille en sensibilisant lessupérieurs hiérarchiques aux problématiques féminines de maternité et de charges familiales.L’objectif est de permettre une certaine flexibilité officieuse, aux femmes managers. Cetteflexibilité leur permet de réaliser leurs objectifs professionnels, tout en maintenant unéquilibre travail-famille. D’autres programmes sont mis en place par les maisons mères, quipermettent de travailler de chez soi comme le « diversity manager » ou le « working fromhome », mais ces programmes ne sont pas très développés au sein des filiales.120


En parallèle, dans les entreprises où l’objectif est la diversité ou d’être aveugle augenre, les pratiques de conciliation de travail/famille n’existent pas. Elles ignorent lesspécificités féminines afin de ne valoriser que les compétences et les objectifs réalisés. Cetype d’organisation se veut aveugle au genre ; elles intègrent les femmes dans la lignée d’unraisonnement objectif visant la performance et la compétence. Les pratiques RH visent lavalorisation, l’accompagnement et même la protection des femmes, mais sans aller jusqu’àforcer les pratiques de l’entreprise à intégrer les problématiques familiales ou féminines. Cesdifférentes spécificités qui concernent le conflit travail/famille sont considérées comme descontraintes personnelles qui ne sauraient être intégrées car elle ne pourrait permettre unegestion équitable vis-à-vis de tous les collaborateurs.De manière générale, les pratiques de gestion du conflit travail / famille demeurentfaibles et la gestion des contraintes privées relève de la dimension personnelle des femmesmanagers.Sur la base de nos analyses, il ressort qu’ à l’instar de la littérature les pratiques RH jouentun rôle fondamental dans l’avancement hiérarchique des femmes au sein des organisations.Ces pratiques permettent aux femmes cadres marocaines d’avancer au sein de la hiérarchiedans certains contextes et dans certaines conditions. Ces contextes et conditions dépendentdes entreprises, leur vision et la perception des personnes qui les composent. En fonction deces critères les configurations RH se déclinent différemment. DiscussionNotre recherche empirique par étude de cas, au sein d’entreprises qui ont réussi à faireavancer des femmes, nous a permis de relever les facteurs qui favorisent l’adoption depratiques en faveur des femmes et les caractéristiques de ces configurations RH.1. Les facteurs organisationnels pour briser le plafond de verre au MarocAu Maroc, l’absence de pression institutionnelle accompagnée de sanctions, pose la questionde l’identification des facteurs qui favorisent l’adoption de pratiques RH d’égalité et ou dediversité en faveur des femmes. A l’issue de notre recherche deux facteurs paraissentdéterminants : le contexte organisationnel de la mise en place des pratiques dédiées auxfemmes et l’attitude des acteurs clés à l’égard de la diversité et de l’égalité.Le contexte organisationnel de mise en place des pratiques dédiées aux femmesTraditionnellement, pour expliquer le rôle du contexte organisationnel dans l’adoptionde pratiques d’égalité et/ou de diversité, les déterminants micro-économiques sont utilisés(Becker, Arrow, 1972, 1973). D’autres auteurs comme (Chênevert, Tremblay, 1994)121


distinguent le secteur public du privé, et précisent que les pratiques en faveur des femmes sontplus fertiles dans le public en raison de la législation contraignante. Dans notre recherche quiporte sur le secteur privé, conduite auprès d’entreprises exerçant des activités différentes, lecontexte organisationnel de mise en place des pratiques dédiées aux femmes doit êtreinterprété davantage en fonction de la nationalité de l’entreprise.Pour les filiales des multinationales, la mise en place des pratiques d’égalité et/ou dediversité est essentiellement la conséquence de l’obligation de la maison mère. Dans unerecherche de performance et d’homogénéisation, les multinationales ont tendance à transférerleurs pratiques RH vers les filiales (Powell et Dimagio, 1991). Une enquête de DIORH(2004), portant sur les pratiques RH au Maroc, démontre la sophistication de ces pratiquesdans les filiales marocaines des multinationales. Ce transfert de « bonnes pratiques » estégalement confirmé par les recherches de Frimousse et Peretti (2005). Dans les pays duMaghreb et notamment au Maroc, un nombre important de pratiques issues desmultinationales sont transférées aux filiales (Frimousse et Peretti 2005). La maison mèretransfère non seulement des activités mais un modèle de gestion (Frimousse et Peretti, 2005).Dans le cas de la parité homme/femme, les multinationales retenues appuient ce transfert pardes quotas et/ou des reporting chiffrés, qui obligent les filiales non seulement à adopter unmode de gestion, mais d’en assurer également la performance. Cet apprentissage forcéconduit les filiales marocaines à intégrer des pratiques en faveur des femmes dont les lignesdirectrices ont été décidées par la maison mère.Pour les entreprises nationales : L’adoption de pratiques en faveur des femmes se présentecomme une démarche proactive et volontariste. Ces entreprises sont en recherche deressources, et leur stratégie de développement s’accompagne de l’intégration de toutes lescompétences masculines ou féminines. Ces entreprises adoptent des pratiques qui se veulentautant que possible aveugles au genre, pour accompagner cette démarche de développement etêtre des structures aptes à accueillir les ressources féminines. Au plan théorique, l’importancedes politiques de féminisation parmi les équipes dirigeantes peut être rapprochée pour lesentreprises nationales par la théorie de la ressource (Selznick, 1957 ; Demsetz, 1989 ;Penrose, 1959). Selon Penrose (1959), les ressources sont tout ce qui génère des flux deservice en vue de la création de la valeur. Ces ressources conditionnent les opportunitésproductives qu’elles génèrent pour croître et aussi pour innover à travers les combinaisons quel’entreprise contrôle. Dans cette perspective, certains travaux s’attachent à définir les actifsstratégiques de l’organisation susceptibles de mener à une performance organisationnelledurable. Nombreux sont les textes théoriques qui soulignent l’importance stratégique des122


actifs intangibles, car ils sont au cœur de l’avantage concurrentiel. Parmi ces ressourcesintangibles, le capital humain a suscité l’intérêt de nombreux théoriciens comme base d’unecompétence-clé de succès (Barney, 1991). De même, l’héritage Penrosien nous apprend quequelle que soit la ressource, elle n’a jamais d’importance en elle-même, mais toujours enfonction de son insertion dans un agencement. C’est donc le système de ressources qu’il fautgérer et pour cela, il faut dépasser les idées reçues quant aux agencements possibles. Cetteaffirmation se vérifie dans les entreprises nationales où l’intégration des femmes se rattache àun Business case (Cassel, 1996). Pour accompagner leur développement, ces entreprisesdoivent élargir le vivier de recrutement et fidéliser leurs ressources. Elles revoient alors leurspratiques afin de mieux intégrer les femmes, et répondre à leurs besoins et objectifs.L’introduction de ces pratiques en faveur des femmes peut être assimilée à un nouvelagencement, afin de mieux introduire les ressources féminines qui se révèlent stratégiquespour des entreprises en croissance.Au-delà du contexte organisationnel au sein des entreprises, l’intégration despratiques dédiées aux femmes dépend des individus en charge de leur application. Nousdétaillerons dans le second point l’importance de l’attitude de ces acteurs dans l’adoption despratiques en faveur des femmes.L’attitude des acteurs clés à l’égard de l’égalité et de la diversitéLes modes de gestion liés à la diversité ou l’égalité sont récents dans le quotidien desentreprises au Maroc. La perception des acteurs devient dès lors primordiale dans l’adoptionde ces outils et pratiques (Frimousse, Peretti, 2005). Nos résultats au sein des six cas derecherche confirment que les perceptions et convictions des acteurs clés (DG, DRH etsupérieurs hiérarchiques), quant à la question de la parité Homme/Femme, jouent un rôleimportant dans la mise en place de ces pratiques au sein des entreprises.La position de ces acteurs a un impact non seulement sur l’application des pratiquesen faveur des femmes, mais également dans leur adoption et leur intégration dans la gestionquotidienne de l’entreprise. Ce résultat rejoint les écrits de (Cornet, Warland, 2008). En effet,les auteurs expliquent que le style de management des responsables a un impact direct sur laréussite des politiques de diversité. Les auteurs présentent ce facteur comme un facteur clé aucœur des politiques de diversité dont la réussite « dépend donc de la façon dont lesresponsables gèrent et pilotent ce processus de transformation organisationnelle susceptibled’affecter les modes d’organisation du travail » (Cornet, Warland, 2008 ; p.122).De même, Bernard et Silva (2007) insistent sur l’appui du conseil d’administration etde la direction d’une institution, en tant qu’impératifs à l’amélioration de l’égalité123


professionnelle. Il est essentiel que la direction d’une institution s’implique et dans le cascontraire, la situation serait vouée à l’échec. Les auteurs précisent également la nécessité detenir compte de la spécificité de l’organisation et la volonté d’inclusion.L’importance des perceptions des responsables convergent également avec les travauxde Powell (1999), qui utilise la notion de l’attitude organisationnelle à l’égard de la diversitéet de l’égalité, attitude qui renvoie aux actions et perceptions des acteurs en faveur de ladiversité et de l’égalité.Les perceptions et convictions des acteurs influent sur la priorité accordée à la paritéHomme/Femme. En fonction de ces perceptions, les pratiques d’égalité ou de diversitépeuvent se traduire par un respect strict des obligations de la maison mère et des prérogativesde performance ou se transformer en projet stratégique de l’entreprise.2. Les caractéristiques des pratiques RHNos résultats démontrent que le modèle RH appliqué dans les entreprises relève d’uneadéquation entre les configurations conceptuelles des modèles de la parité, des facteursorganisationnels des entreprises, et du contexte social. Ces résultats rejoignent les affirmationsde nombreux auteurs qui déclarent qu’en réalité, les mesures prises par les entreprisescombinent souvent les politiques d’égalité des chances comme dimension formelle et lesformes de la gestion de la diversité qui prennent en compte les besoins des individus et decommunication interne (Townsend 1996, Solomon, 2000).Chaque entreprise interprète différemment ces modèles. En fonction du contexte et del’attitude organisationnels, il existe une différence majeure quant au sens donné à la présencedes femmes dans les postes d’encadrement. Le Business case (Cassel, 1996) se comprend ets’interprète différemment.Les entreprises A et B sont dans des modèles qui s’apparentent plus au modèle del’égalité professionnelle. Au regard de l’expérience des maisons mère et du degré deconviction des acteurs de la présence des femmes, l’apport des femmes au management estune évidence ainsi que tous les efforts sont alors concentrés sur les moyens de les intégrer.Ces entreprises mettent en place des quotas, et affichent clairement leur soutien pour lacatégorie des femmes.L’entreprise C et D s’approchent plus des modèles de gestion de la diversité etl’objectif est d’intégrer toutes les compétences. Toutefois ces entreprises pour certainespratiques comme la promotion ou la formation en leadership ciblent spécifiquement lesfemmes.124


Les entreprises nationales sont dans une approche aveugle au genre ; l’objectif est degarantir l’équité des pratiques vis-à-vis de toutes les catégories afin d’intégrer et de fidéliserles ressources humaines disponibles. Les pratiques tentent de ne faire aucune référence ausexe, à la vie privée des collaborateurs. Toute la sphère personnelle est occultée au sein de cesorganisations où il n y’a aucune différence entre les hommes et les femmes. Les pratiquesignorent l’identité féminine pour mieux valoriser la compétence.La catégorisation de Konrad et Linnehan (1995), permet un cadre d’analyse adéquataux pratiques des entreprises que nous avons retenues. On peut avancer que les entreprisesadoptent des pratiques « Identity conscious » (Pratiques catégorielles) ou des pratiques« Identity Blind » (Pratiques Universelles).« Les pratiques universelles ne font aucune mention d’un groupe particulier : Elless’appliquent à tous, théoriquement de la même façon et sans discrimination ; ellesconsidèrent que les décisions prises le sont sur la base de critères non socialement biaisés ;elles renvoient en cela à l’idéal bureaucratique weberien. Les pratiques catégorielles visentun groupe spécifique, dans une optique de discrimination positive. » (Bender, Pigeyre, 2003,p.65).La catégorisation de Konrad et Linnehan (1995) permet de résumer les différences despratiques RH adoptées entre les pratiques universelles et catégorielles, ces pratiques rendentcompte des modèles adoptés par les entreprises de notre recherche. Les pratiquescatégorielles (IC), identifient les groupes prioritaires. Elles visent un suivi de ces personnesavec des objectifs de représentation des groupes définis dans le recrutement et la promotion.Les pratiques universels (IB), mettent en place des politiques officielles d’égalité des chances,et veillent à mettre en place des règles non discriminantes dans l’ensemble de ces process.Nous avons distingué trois groupes de pratiques (Recrutement et attraction,accompagnement et gestion du conflit travail/famille). Ces catégories dans leur logiquecorrespondent à celles avancées par (Chiu et Ng ; 2001, 1999). Néanmoins, nous avons tenu àspécifier à travers cette catégorisation la faiblesse des process tournés vers l’extérieur del’organisation par rapport à ceux qui sont tournés vers l’interne. Alors que les pratiquesd’accompagnement sont les plus intenses, et s’avèrent comme celles qui ont le plus d’impactsur l’avancement des femmes. Les pratiques de recrutement et d’attraction, et celles destinéesau conflit travail famille s’avèrent comme les frontières du champ d’action des pratiquesparitaires.125


Indépendamment du modèle adopté, certains groupes de pratiques sont plus intensesque d’autres. En se basant sur la catégorisation de (Chiu et Ng ; 2001, 1999) qui établit ladifférence entre les politiques « family friendly » destinées à la famille, et les politiques« women friendly » destinées à soutenir les femmes dans leur milieu professionnel, on peutavancer que dans nos cas de recherche, les pratiques destinées aux femmes sont plusdéveloppées que celles destinées à la famille.ConclusionSur la base de nos analyses, on peut avancer que dans les entreprises qui réussissent à faireavancer des femmes et à briser le plafond de verre au Maroc, des spécificités etcaractéristiques ressortent. Les filiales des multinationales bénéficient de l’expérience de lamaison mère et des autres filiales dans le monde. Le projet de la parité devient alors un projetstratégique où les objectifs, les actions et les pratiques sont définis et clairs. Ces filialesinnovent an fonction du contexte marocain, afin d’adapter les pratiques de la maison mère,mais également pour répondre aux objectifs de parité qui rentrent dans leur cahier de charge.Dans les filiales, les pratiques RH paritaires font partie d’un projet stratégique plus important,celui de la maison mère.Dans les entreprises nationales, si le taux de féminisation est comparable à celui desmultinationales, la démarche et les pratiques sont différentes. La parité n’est pas la finalité,c’est un objectif dans une finalité de survie qui s’impose à l’entreprise. Elles tentent alors demanière intuitive de fidéliser, d’attirer et promouvoir ces ressources dont la survie et lacroissance de l’entreprise dépend. Les pratiques se déclinent alors en faveur des femmes, maisc’est une construction au fur et à mesure. Les entreprises nationales mettent en place leurspratiques en fonction de leur contexte et de leur propre vision.Toutefois, si les multinationales adoptent une démarche stratégique globale pour la parité,cette démarche risque de se heurter à des limites, notamment les spécificités contextuelles duMaroc. Les entreprises nationales, gagneraient à structurer leurs démarches intuitives etvolontaires. Dans les deux cas les écrits théoriques ne permettent pas une nouvelle lectureglobal et contextualisé afin d’améliorer les pratiques. De nouvelles recherches seraientnécessaires pour mettre en place la cadre adéquat dans l’objectif de permettre aux pratiquesRH de briser le plafond de verre au Maroc de manière stratégique, contextualisé et durable.Malgré les apports de notre recherche certaines limites sont à noter, notamment les limitesinhérentes à la démarche étude de cas. Ces démarches ne permettent pas une généralisation, niune validité externe des résultats, elles posent également le problème de l’objectivité du126


épondant ainsi que des analyses. Malgré ces limites, au regard du contexte exploratoiremarocain, ces résultats permettent d’éclairer et de proposer de nouvelles perspectives quant àla question du plafond de verre au Maroc.BibliographieBarney J.B. (1991), «Firm resources and sustained competitive advantage», Journal ofManagement, n°17, p.99-120.Barth I., C. Falcoz (2007) (Coord.), Le Management de la diversité : enjeux, fondements etpratique, L’Harmattan.Beasly M.A.(1996), «Keys to managing diversity», Food Management, n°31, vol 7.Becker G.(1985), «Human Capital, Effort and the Sexual Division of Labor», Journal oflabour economics, n°3, S33-S58.Bender A.F., Pigeyre F. (2003), L’égalité professionnelle entre hommes et femmes commeresponsabilité sociale de l’entreprise, 5ème université de printemps de l’audit social.Bender A.F., Pigeyer F. (2010), Mieux conceptualiser la diversité: un enjeu de gestion, InI.Barth, C. Falcoz (2010) (Coord.), Nouvelles perspectives en management de la diversité,EMS, p.83-102.Bentaleb C., B. Safieddine (2010), Gestion de la diversité au Maroc et représentations :Quelques résultats exploratoires, 3 ème dialogue Euro-méditerranéen de Management public,Tunisie.Bernard P., Silva F. (2007), La lutte contre les discriminations subies par les minoritésvisibles, In Peretti J.M. (2007) (dir.), Tous différents : gérer la diversité dans l’entreprise,Eyrolles, p.85-94.2. Cabral-Cardoso C. (2002), «Perspective in diversity on feminineculture: HR managers and the political game», in M. Davidson, R.J. Burke,Women in management worldwide: facts, figures and analysis, Business &Economics.Cassell C. (1996), « A fatal attraction ? Strategic HRM and the business case for women’sprogression at work», Personnel Review, n°5, vol.25, p.51-66.Chênevert D., M. Tremblay (1998), Predictors of Hierarchical Success for Male and FemaleCanadian Managers, Serie Scientifique du CIRANO, n° 98s-10.Chiu Warren C.K. (1999), «Women friendly HRM and organizational commitment: a studyamong women and men organizations in Hong Kong, Journal of occupational andorganizational psychology», n°72, p.485-502.Chiu Warren C.K., C. W. NG (2001), «The differential effects of work and family-orientedwomen friendly HRM on OC and OCB: the case for single female employees in Hong Kong»,International Journal of human resource Management, n°12, vol. 8, 1347-1364.127


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Atelier 3 : Management des diversités culturelles« Le management de la diversité culturelle : Cas d’une entreprise multiculturelle installée auMaroc » Farid CHAOUKI et Imane Charhaddine (Université de Marrakech)……………….« La compétence interculturelle comme réponse aux défis de l’internationalisation desentreprises» Désiré LOTH (l’Université de GRENOBLE 3)……………………………………« Développement humain et développement durable au Cameroun. Le vivre-ensemble à lacroisée des chemins, entre diversité et replis identitaires » L. R. Kemayou (Université deDouala)…………………………………………………………………………………………« Manager la diversité dans le monde du travail :La gestion des cadres étrangers dans lesentreprises Françaises » Farés FOUAD (IAE de Corse ).« Développement d’un Management International des Ressources Humaines Responsable auMaroc via l’intégration des connaissances développées à l’étranger » Abdelkarim YAOU (IAE deCorse).130


Le management de la diversité culturelle : Cas d’une entreprise multiculturelle installéeau MarocFarid CHAOUKI, (NPG), Professeur Faculté des Sciences Juridiques, Economiques et Sociales, Marrakech, MarocImane Charhaddine, doctorante, (NPG), Faculté des Sciences Juridiques, Economiques et Sociales, Marrakech, MarocRésumé :La diversité culturelle est aujourd’hui considérée comme l’un des principaux axes inspirant laréflexion sur les méthodes de travail et la gestion des ressources humaines. Enjeu imposé parla conjoncture mondiale aux organisations de façon récurrente, elle est devenue une questionprimordiale relevant de l’ordre stratégique des entreprises.Interpellant des différences sur les plans identitaires et ethnoculturels sur les milieux detravail, la diversité culturelle est une arme à double tranchant : elle peut être une opportunitéde performance tout comme elle peut se convertir en une source de conflits et de malaiseprofessionnel, d’où la nécessité de bien la gérer.Le management interculturel est venu répondre aux questions et exigences qu’évoque ladiversité culturelle. Dans ce travail nous présenterons une synthèse de revue de littératurebalayant les principaux travaux du management interculturel, suivie d’une étude de casd’entreprise dont le personnel est multiculturel.Mots Clés : Culture, management interculturel, diversité culturelle, équipe.131


IntroductionReprésentant un enjeu récurrent depuis plusieurs dizaines d’années déjà, la gestion de ladiversité culturelle se manifeste aujourd’hui sous mille et une formes, aussi bien au sein qu’endehors des organisations. La diversification croissante, les accords de libre échange et departenariats, les délocalisations incessantes, les curiosités alimentant les mobilitésinternationales et les internationalisations des méthodes et stratégies de travail sont toutes desraisons qui favorisent la création de contextes interculturels où il fait bon de vivre quand lasynergie est au rendez vous.La diversité culturelle, notre sujet d’examen dans ce travail, s’aligne dans la richesse qu’offrela diversité en général. Elle se base sur la multitude des différences que l’on peut constater ausein des organisations et qui peuvent se conjuguer en tant que freins à la performance et audéveloppement, ou au contraire, un facteur clé de succès pour l’organisation tout comme pourses collaborateurs. Le management interculturel, avec ses différentes écoles, constitue unepierre angulaire en matière de stratégies dédiées à la diversité, dans la mesure où il répond auxquestions interpellées par les différences culturelles sous toutes leurs formes : nationalité,race, religion, origine ethnique etc. Il apporte également une profonde analyse des originesdes différences, un richissime apprentissage sur les dynamiques de groupes où la diversitéculturelle est constatée, et une inspiration généreuse en matière de stratégies de ressourceshumaines.Dans ce travail, nous essayons dans un premier temps de survoler la revue littéraire enabordant le concept de la culture, les différentes théories et écoles du managementinterculturel ainsi que les travaux relatifs à la gestion de la diversité dans l'entreprise. Dans unsecond temps nous présenterons une étude empirique effectuée dans l'entreprise MarocYachting, dont l'équipe attestait d'une diversité culturelle intéressante (4 nationalités).I. Conceptualisation de la cultureConcept ayant connu à la fois évolution, à travers l’Histoire, et prolifération, selon lespositionnements épistémologiques et disciplinaires qui l’ont abordé, la culture jouitaujourd’hui de plus de 164 définitions d'après le recensement exaustif qu'a fait Journet (2002)dans l'ouvrage qu'il a dirigé intitulé "La culture". S’il y a un point en commun que l’on peutretenir des différentes définitions, il sera sans doute celui de l’unanimité des chercheurs quantà admettre qu’elle est le fruit de tout rassemblement d’êtres humains : « Nous nousretrouvons, nous communiquons, nous interagissons et par là même nous créons descultures ». (Durkheim, 1893)La culture fait référence à la fois à la structure acquise (généralement par transmission)définissant à la fois la pensée, le ressenti ainsi que les réactions (Klukhohn et Kelly, 1972) ; àla programmation mentale généralement due à la cohabitation des uns avec les autres(Hofstede, 1994) ; au système de sens affectant les pratiques et influençant le contexted’interprétation (d’Iribarne, 1998).Toutefois, dans le contexte d’analyse multiculturelle, il nous est semblé judicieux de retenir ladéfinition de l’anthropologue Fons Trompenaars, abordant la culture comme étant « une sériede règles et de méthodes qu’une société humaine élabore pour maîtriser et résoudre lesproblèmes récurrents auxquels elle doit faire face. Ces règles et méthodes sont devenues aussifondamentales que la respiration : on ne les perçoit plus. Ainsi, résout-on les dilemmes desrelations interpersonnelles, des relations avec notre environnement, ou avec le temps… Ainsitrouve-t-on des solutions diversifiées à des problèmes universels ». (Trompenaars, 1994)Analysée sur un fondement de convergence universel (Hall, 1979 ; Hofstede, 1980; Soussi etCôté, 2006), la culture semble être la résultante d’un processus de construction alliantdifférentes composantes, tantôt abordées par niveaux d’arborescence graduelle (Adler, 1994),132


tantôt abordées sous un angle linéaire (Singh & Parashar, 2005). La première approche aconnu plusieurs travaux, dont on note essentiellement la métaphore l’oignon proposée parHofstede (1980) pour faire allusion aux couches qui se succèdent : Valeurs, Rituels, Héros etSymboles. La même métaphore fut reprise par Schein (1985) sous la proposition de nouvellescomposantes : Valeurs, Normes, Attentes, Manifestations sociales et Productions culturelles.La seconde approche, quant à elle, a abordé la culture sous un angle de décomposition sousforme systémique. Selon Singh et Parashar (2005), les composantes de la culture peuvent êtreprésentées selon les catégories suivantes :Contexte historique Géographie Identité sociale Paramètreséconomiques• Mythes• Mémoire collective• Territoire ou patriehistorique• Colonisation• Ampleur des influencesexternes• Climat• Topographie• Langage• Religion• Instruction• Rapport de sexe• MobilitéterritorialeTableau 1 : Les antécédents de la culture (Source : Singh & Parashar, 2005)• Systèmeéconomique• Développementéconomique• Développementtechnologique• Industrie principaleFacteursinstitutionnels• Système degouvernance• Système légal• Droits et devoirs• Règles et loisOn peut rajouter à ces éléments d’autres composantes: l’ethnie (Breton, 1992 ; Poutignat etStreiff-Fenart, 1995), l’Histoire (Lowie, 1937 ; Djaït, 1994 ; Equilibey, 2004 ; Krylov, 2008),la famille (Equilibey, 2004), l’éducation (Friedberg et Crozier, 1963) et les relations depouvoir (Bernier, 1982 ; Hofstede, 1980).On reconnaît aux cultures, aussi disparates qu’elles puissent être, la validité de certainséléments universels, notamment les caractéristiques de toute culture et ses fonctions.Pour les caractéristiques, plusieurs travaux en ont nourri l’énumération. On peut en citer : La culture est un phénomène social, elle est collective et résulte d’un rassemblementhumain (Klukhohn et Kelly, 1972) ; Elle s’apprend, elle est acquise et non innée, ce qui facilite la construction decommunauté, la transmission de la culture à travers ses générations successives ainsiqu’aux étrangers qui l’intègrent (Murdock, 1940) ; La culture est évolutive, elle n’est pas figée dans le temps et se laisse influencer pardifférents facteurs, à la fois internes et externes (Kluckhohn, Strodtbeck, 1961 ; Loth,2006) ; La culture entraîne un processus de production de significations partagées (normes,valeurs, comportements) (d’Iribarne, 1998; Prime et Usunier, 2003) ;La culture a une dimension pragmatique et permet d’apporter des solutions émanantd’une structure réflexive et logique (Trompenaars, 1994 ; Prime et Usunier, 2003)Les fonctions, quant à elles, permettent de comprendre la complexité du concept de la culturesur le plan utilitariste, dans la mesure où ces dernières apportent à la fois réponses, solutionset organisation du système interne. Elles permettent également de nourrir le sentimentd’appartenance des membres de la communauté qui la partagent. On reconnait à toute cultureles fonctions suivantes : représentationnelle (d’Iribarne, 1998 ; Journet, 2002) ; constructive(Malinowski, 1944) ; directive (Hofstede, 1980) et évocative (Journet, 2002).L’orientation du système des valeurs est considérée comme l’un des principaux systèmesinfluencés par la culture, consciemment ou inconsciemment (Adler, 1994). Subissantl’influence de la culture tout en l’influençant par interaction, le système de valeurs dessineainsi un cercle infini à travers lequel la culture influence les attitudes, qui à leur tourinfluencent les comportements, ces derniers façonnés et façonnent par réciprocité le systèmede valeurs des individus, qui à son tour, influence la culture.133


ValeursComportementCultureAttitudesFigure 1 : L’influence de la culture (Source : Adler, 1994)Le système de valeurs fut largement étudié par Kluckhohn et Strodtbeck (1961) à travers lerapport des individus avec la nature, aux autres, aux croyances vis-à-vis la nature humaineainsi qu’aux activités. Plusieurs managers se basent sur cette grille d’analyse, essentiellementaprès l’interprétation qu’a donnée Adler (1994), à chaque réponse à la lumière descomportements organisationnels des collaborateurs.Perceptions de… Dimensions culturellesL’être humain Bon Bon et mauvais MauvaisLe monde et la nature Domination Harmonisation SoumissionLes relations humaines Individus Groupes étendus Groupes structuréshorizontalementhiérarchiquementL’activité humaine Agir, faire Se maîtriser EtreLe temps L’avenir Le présent Le passéL’espace Privé Privé et public PublicTableau 2 : Les dimensions de l’orientation culturelle (Source : Kluckhohn et Strodtbeck, 1961)II. Les modèles théoriques du management interculturelDéfini comme étant une « science de gestion fondée sur l’analyse des différences culturelles »(Chevrier, 2000), le management interculturel est venu répondre aux besoins desorganisations quant à la gestion de l’interculturalité. Bien que la mondialisation ait sollicitédeux courants de positionnements, endogène (ou convergent) et exogène (dit divergent), lesthéoriciens et praticiens du management interculturel (Gauthey et Xardel, 1990) se sontdonnés pour but de faire des différences culturelles une plateforme d’opportunité à optimiser,tout en les gérant au lieu de tenter de les effacer ou de les unifier pour résulter d’unehomogénéisation (Levitt, 1983).Gauthey et Xardel (1990) considèrent qu’il est important de distinguer en la matière troisprincipaux volets :• Le management interculturel, qui se réfère essentiellement à la culture, et ce, àl’échelle de la nation, du pays, voire de la région, ce qui évoque la notion de culturenationale comme variable principale d’analyse; (Hofstede, 1980)• La culture organisationnelle propre aux organisations, institutions et entreprises;• Les sous cultures organisationnelles des établissements, unités ou services. (Equilibey,2004)Le management interculturel une démarche rigoureuse dans la mesure où son application resteà prendre avec beaucoup de vigilance. Sa mise en œuvre suppose une grande capacité àremettre en question des méthodes de gestion qui ont pourtant fait leurs preuves ainsi qu’às’ouvrir à de nouveaux modèles de société et donc aussi à d’autres modèles d’économie et demanagement. (Durpiez et Simons, 2002)Les modèles théoriques du management interculturel se distinguent selon deux modèles : lemodèle de références nationales, dont le postulat de départ n’est autre que le déterminisme des134


cultures nationales sur les stratégies d’organisation, d’où son fondement sur des critèresnationaux (Côté et Soussi, 2006) ; et le modèle de références sociétales, quant à lui, posecomme postulat le départ la considération de la culture comme étant un système de sensaccordant aux individus leurs interprétations des réalités qui les entourent (d’Iribarne, 1998).a. Le modèle de références nationalesConsidéré comme le plus dominant en termes d’orientation d’études axées sur le managementinterculturel, le modèle de références nationales est caractérisé par une perspectiveépistémologique traditionnelle et fonctionnaliste. Il vise essentiellement à étudier les culturesdans une logique universelle, en les comparant les unes aux autres grâce aux items, critères etgrilles d’évaluation que propose la théorie.On reconnaît plusieurs travaux s’inscrivant dans le modèle de références nationales, dont lesplus importants sont : Le modèle d’Edward HallAyant une approche ethnologique classique, Hall (1984, 1971) aborde la culture en tantqu’univers de communication et y analyse les différents canaux qui s’y opèrent. (Côté etSoussi, 2006)Selon Hall, la communication s’opère selon deux modes : le verbal, concrétisé par les mots, etle non verbal, concrétisé par les comportements, les signes et les symboles.La communication non verbale, principal indicateur de la nature de la culture selon le modèlede Hall, se définit selon trois critères : Le contexte : s’il est riche ou pauvre ; Le rapport au temps : s’il est monochronique ou polychronique, Le rapport à l’espace : s’il est proxémique ou disparate. Le modèle de Geert HofstedeAyant un positionnement purement universaliste, Hofstede (1980) a établi une grille decritères à travers laquelle toutes les cultures peuvent répondre, selon les degrés d’affirmationdes critères suivants : Masculinité/féminité : en fonction de l’interchangeabilité des rôles et des valeursrespectées dans la société ; Collectivisme/individualisme, en fonction du rapport qu’ont les individus avec legroupe ; Le rapport à l’incertitude ; Le rapport à la distance hiérarchique.En 1991, Hofstede a intégré une cinquième variable suite à de nouvelles études, qui est :l’orientation sur le court ou long terme. Le modèle de Fons TrompenaarsS’étant basé sur les études antérieures dans le modèle de références nationales, Trompenaars(1993) a tenté de les enrichir davantage en apportant de nouveaux critères susceptibles dedégager une vue plus claire sur les caractéristiques de chaque culture. Son modèle propose deconsidérer les cultures selon les critères suivants : Universaliste / particulariste ; Individualiste/ collectiviste ; Affectives / neutres ; Spécifiques / diffuses ; Séquentielles/synchrones ; Statutattribué / statut acquis ; Contrôle / rythme de la nature.b. Le modèle de références sociétalesDéfini selon une approche épistémologique essentiellement interprétativiste, le modèle deréférences sociétales pose comme postulat de départ la dimension explicative et interprétativede la culture. Le précurseur de ce modèle n’est autre que Philippe d’Iribarne (1993, 1996,135


1998, 2002, 2010). Selon lui, la culture est un système de sens qui affecte les pratiques dansun contexte d’interprétation particulier qui recadre les significations (d’Iribarne, 1998).En effet, les individus attribuent des significations précises à leur réalité à travers ce que leurréférentiel des sens leur a inspiré. Cette unité de système de sens est relative à deuxprincipaux processus :‣ Le processus individuel : dans la mesure où l’interprétation est basée essentiellementsur la perception personnelle de l’individu, perception qui peut ne pas être partagée avecles autres membres du groupes culturel ;‣ Le processus social : dans la mesure où l’interprétation est dictée par ce que laconvention sociale inspire et ce qui est partagé entre les membres du groupe culturel.Les modes de régulation au sein d’une société sont récurrents aux niveaux d’un espacenational. Ainsi, on parle d’une convention institutionnelle et sociale partagée et constatée‘généralement’ dans cet espace et que d’Iribarne appelle « logique nationale ». Dans cemodèle, on distingue trois principales variables liées par des liens de causalité : les référents,les conduites et les manifestations.RéférentsConduitesManifestationsFigure 2 : Le modèle d’analyse de d’Iribarne (Source : d’Iribarne, 2002)Ce modèle, précisons le, constitue dans sa démarche une combinaison entre les sciences degestion et l’ethnographie. L’approche culturaliste de son auteur, socio historique depuis sonpositionnement jusqu’à sa démarche et ses résultats, est considérée comme idiographiquedans la mesure où elle traite d’une culture indépendamment des échelles internationales.Chaque culture est étudiée en profondeurs selon les évènements ayant marqué son histoire, lesmœurs, habitudes, croyances, convictions, valeurs et organisation, et ce dans le but de définirdes logiques nationales expliquant les modes d’interprétation des individus issus de chaqueculture.D’Iribarne (1998) a dégagé trois logiques nationales selon les pays étudiés : La logique de l’Honneur en France ; La logique du Contrat aux Etats Unis ; La logique du Consensus aux Pays Bas.III. La gestion de la diversitéLa diversité culturelle est devenue une intégrale préoccupation des managers partout dans lemonde. En effet, avec l’essor de la mondialisation, les possibilités de mobilité internationaleet l’internationalisation des entreprises au-delà les frontières du pays d’origine, lesdiversifications ne manquent pas de marquer les milieux du travail. (d’Iribarne et al., 2002 ;Chevrier, 2003) Que ce soit sur le plan identitaire, ethnoculturel ou encore national, lesdifférences constatées entre les collaborateurs rendent la stratégie de les manager des plusdélicates, d’où l’importance de bien appréhender la gestion des équipes multiculturelles.Plusieurs auteurs se sont penchés sur la question de la diversité culturelle, de par l’importancequ’elle représente pour les entreprises, aussi bien en termes d’éventuelles opportunités(Bartlett, 1994; Adler, 1994) qu’en termes de risques encourus en cas de mauvaise gestion dupersonnel. (Adler, 1994 ; Mayrhofer, 2001, 2007)La gestion de la diversité a théoriquement deux portes d’entrées :‣ La première étant économique, et ce via le marketing : la diversité constatée auprès desconsommateurs au niveau local exigerait forcément une diversité culturelle au niveau de136


la main d’œuvre, afin de pouvoir répondre correctement aux besoins et exigences desclients ;‣ La deuxième étant d’ordre social, et ce via la lutte contre les discriminations racialesquant au recrutement de personnes issues de races, ethnicités, religions, ou pays précis.(Cornet, 2002)Ces deux logiques se joignent l’une à l’autre afin d’apporter aux managers dans un premiertemps, la prise de conscience qu’il faut pour une meilleure gestion des ressources humainesinternationales, et dans un second temps les outils qu’il convient d’adapter aux situations afinde tirer profit de cette diversité et pouvoir en faire un levier de performance.Les entreprises sont aujourd’hui appelées, aussi bien par les contraintes législatives,économiques, compétitives et sociétales, à recruter du personnel étranger. Ainsi, seconstituent donc des équipes multiculturelles dont les membres sont amenés à collaborerensemble afin d’aboutir, ensemble, à l’aboutissement des missions assignées par lesmanagers. La diversité culturelle représente ainsi un enjeu stratégique dans le cadre de lagestion de l’entreprise, et plus précisément dans la gestion de son personnel. (Cornet etDelhaye, 2007)Plusieurs auteurs ont abordé la diversité culturelle comme étant une situation de changementorganisationnel devant lequel l’entreprise est supposée témoigner la flexibilité quant auxnouvelles modalités de gestion. D’autres auteurs ont réduit la donne de la diversité culturelle àun simple cas de gestion que l’on peut considérer comme conforme aux cas ordinaires etdevant lequel il n’est pas très important de s’attarder. Cox (1993) a présenté la diversitéculturelle comme étant un programme de changement organisationnel (Prasad et al., 2006)dans laquelle s’inscrit l’entreprise afin d’améliorer son efficacité organisationnelle. Il a doncproposé un modèle de gestion de la diversité culturelle où il a mis l’accent sur les facteursimportants (individuel, organisationnel et collectif) à prendre en considération.Climat de la diversitéFacteurs sur le plan individuel‣ Structure identitaire ;‣ Préjugés ;‣ Stéréotypes ;‣ PersonnalitésFacteurs liés aux groupes et auxrelations intergroupes‣ Différences culturelles ;‣ Ethnocentrismes ;‣ Conflits intergroupes.Facteurs sur le planorganisationnelEvolution de la carrièrePerception‣ Satisfaction (emploi, carrière)‣ Identificationorganisationnelle ;‣ Engagement au travail.Accomplissement‣ Ratio de rendement au travail ;‣ Indemnités ;‣ Progression dans la carrière etpromotionEfficacité organisationnelleEffet direct‣ Présence et assiduité ;‣ Taux de roulement ;‣ Productivité ;‣ Qualité du travail ;‣ Recrutement réussi.Effet indirect‣ Parts des marchés ;‣ Accomplissement des objectifsformels de l’entreprise ;‣ Profits.‣ Culture d’entreprise etprocessus d’acculturation ;‣ Intégration culturelle ;‣ Intégration formelle ;‣ Pratiques de gestion desressources humaines.Figure 3 : Modèle de gestion de la diversité culturelle (Source : Cox, 1993)La stratégie adoptée par l’entreprise devant la diversité culturelle de son équipe dépendessentiellement de son approche par rapport à la différence et à la perception de la137


problématique qui découle de cette diversité. On distingue quatre principales stratégies de lagestion de la diversité que Dass et Parker ont élaboré (1991) et que Lorbiecki (2001) a adaptépar la suite.Stratégie Approche Problématique Résultat recherchéRéactive Résistance Différences comme Maintenir le statu quo et renforcer l’homogénéitémenaceDéfensive Discrimination Différences comme Habiliter légalement les membres des groupeset équité problèmesystématiquement et historiquement discriminésAccommodante Accès et Différences comme Obtenir accès et légitimité auprès de nouveauxlégitimité possibilitémarchés (employés et consommateurs)Proactive Apprentissage Différence comme Encourager l’apprentissage individuel etoccasion d’apprentissage organisationnel à partir d’une perspective de longtermeLes équipes multiculturelles sont réputées pour être des équipes à tendances extrémistes : soitelles sont au sommet de l’échelle d’efficacité, soit elles sont à son plus bas niveau, tandis queles équipes homogènes ont souvent tendance à rester dans la moyenne. (Kovach, 1976)Ceci dit, la diversité n’est pas le facteur déterminant de la productivité, contrairement à ce quel’on pense. C’est plutôt la gestion de la diversité qui conditionne la productivité d’une équipemulticulturelle. (Adler, 1994) Ainsi, une diversité bien exploitée peut être le principal facteurde l’efficacité de l’équipe. (Chevrier, 2003) Dans le cas contraire, on assistera à desdysfonctionnements, des conflits entre collaborateurs et par conséquent une productivitémodeste voire médiocre de l’équipe.Adler présente un modèle selon lequel l’efficacité d’une équipe peut être atteinte, et ce enfonction des conditions prises en considération :Gestion efficaceTableau 3 : Les stratégies de gestion de la diversité culturelle (Source : Lorbiecki, 2001)Nature de la tâcheNovatriceStade d’évolution du groupePremiers stades : divergenceConditions• Choix des équipiers en fonction de la tâche• Reconnaissance des différences• Poursuite d’un objectif supérieur• Partage équitable du pouvoir• Respect mutuel des membres• Rétroaction venue de l’extérieurGestion inefficaceTableau 4 : Gestion de la diversité culturelle (Source : Adler, 1994)Nature de la tâcheRoutinièreStade d’évolution du groupeDerniers stades : convergenceConditions• Choix des équipiers en fonction de l’origine ethnique• Méconnaissance des différences• Poursuite d’objectifs individualistes• Prédominance d’une des cultures• Ethnocentrisme• Autonomie complète, absence de rétroactionIV. L’étude empirique : L’entreprise Maroc YachtingNotre étude empirique, dans le cadre de ce travail autour de la gestion de la diversitéculturelle, s’est portée sur le cas d’une entreprise française installée au Maroc, « MarocYachting » de son nom, ayant pour activité le tourisme fluvial et maritime en Europe et auxEtats Unis, dont l’équipe commerciale est multiculturelle.Choix théorique et justificationComme modèle d’analyse, nous avons choisi pour modèle d’analyse le modèle de référencesnationales, étant donné l’universalité de son approche et donc sa comptabilité avec lescontextes multiculturels. Cette universalité nous a semblé convenable à l’équipe sujette del’étude empirique, composée de collaborateurs italien, allemand, marocain et français.138


Voici donc une grille d’analyse des dimensions culturelles que nous allons prendre enconsidération dans notre approche du terrain, en fonction des modèles des auteursprécédemment cités :Le modèle d’Edward Hall Le modèle de Geert Hofstede Le modèle de Fons Trompenaars• Le contexte : Riche ou pauvre • Individualismeou • Individualisme ou collectivisme• L’orientation du temps : collectivisme• Temps séquentiel ou synchronePolychrone ou monochrone • La distance hiérarchique : • Affectivité ou neutralité• La gestion de l’espace : Privéou publicFaible ou forte• Masculinité ou féminité• Contrôle de l’incertitude• Spécificité ou diffusion• Statut attribué ou acquis• Contrôle du rythme de la natureChoix épistémologique et méthodologique, et justificationLa méthodologie de la recherche adoptée pour ce travail relève de trois principaux volets : lepremier, que l’on peut éventuellement qualifier de « général », concerne le positionnementépistémologique positiviste et la démarche qualitative adoptée, ce qui est fréquemmentadoptée dans les recherches en sciences de gestion. Le deuxième, qui se veut plus spécifiqueau management interculturel, distingue entre deux principales approches : ETIC et EMIC,dont on va retenir l’ETIC, qui est inspirée de l’approche universaliste. Et le troisième etdernier volet, le plus pointu et le plus spécifique à notre thématique de recherche, concerne laméthodologie proposée par le modèle de références nationales.Phase de contextualisation du cas marocainLa phase de contextualisation du cas marocain nous a semblé importante avant d’entamer lecas empirique, et ce dans le but de subvenir au manque de littérature publiée dans ce sens.Après avoir effectué des entretiens de contextualisation avec anthropologue, sociologue,historien, consultant et DRH, il nous a été possible de dessiner le cas marocain de façonapproximative selon les composantes suivantes :L’Histoire : qui a témoigné d’une succession d’évènements ayant forgé le profilmarocain à l’hybridité et l’acceptation des différences, essentiellement dans certainesrégions du Royaume. Les différentes civilisations (Carthaginois, Phéniciens etc.) ayantparcouru la terre marocaine a créé une ouverture à la différence et a diminué laréticence face à l’Etranger. La stabilité politique fut également abordée par l’Histoire,et ce à travers moult évènements l’ayant remise en question (colonialisme, exil du Roietc.) et a nourri chez les marocains un profond patriotisme.La famille : Les familles marocaines ont souvent un profil d’une maman bienveillanteet d’un père patriarche relativement autoritaire (structure inspirée de l’organisationtribale). La famille définit également la dimension des valeurs chez une personne,d’où l’importance de demander à propos de la réputation de la famille avant d’épouserune fille. Cette dimension de valeurs est à observer dans la langue dialectale lorsqu’onveut parler d’une personne correcte, on dit c’est un « weld ou bent nas » : « fils ou fillede bonne famille ».La religion : Les religions qui font l’identité mystique au Maroc sont l’Islam et leJudaïsme. Chez les deux communautés, la dimension religieuse est très présente, aussibien au niveau de la pratique qu’au niveau du discours. La cohabitation de ces deuxreligions a davantage renforcé la notion de tolérance précédemment explicitée.Puisque l’on partageait des intimités avec des voisins d’un culte religieux différentsans aucune retenue, surtout dans les années 50 – 60.Le métier : On reconnaît en fonction des régions, les influences des métiers exercéspar leurs habitants. Les villes impériales sont les plus intéressantes à étudier à ce139


niveau là, notamment avec les différences des activités qui s’y exercent. On notetoutefois trois principaux axes déclinés du métier : l’artisanat, le commerce etl’agriculture.‣ Artisanat : L’artisanat demande, pour être bien maîtrisé, une certainespériode d’apprentissage. Cet apprentissage se passe dans un cadrerelativement semblable à celui de la tribu (ou de la famille) où l’on trouvele « maâllam » : « maître » et le « mataâllam » : « l’apprenti ». Cetteorganisation sociale sous forme d’un système solaire inspire déjà àl’apprenti des notions relatives au groupe, comme l’implication, lesrapports de force, la hiérarchie etc., ceci d’une part. D’une autre part,l’artisanat apprend à son pratiquant certaines disciplines qui influencent parla suite sa personnalité, comme le calme, la rigueur, la patience, le goût, lesens de la perfection etc. ;‣ Commerce : Le commerce fait appel en général à des compétencescommunicationnelles, qui permettent au commerçant de faire des affairesfacilement. Ces compétences développent une certaine aisance dans lelangage, une certaine confiance en soi, un certain sens de l’observation etsurtout un certain sens de négociation. Tous ces éléments donnent une idéesur un autre profil inspiré d’un métier fréquemment pratiqué au Maroc etdont les marocains sont imprégnés ;‣ Agriculture : Le contact avec la nature évoque dans la représentationmarocaine une dimension différente du rapport avec le divin. Il s’agit d’uneforme à part de spiritualité, à travers laquelle un franc pari se joue en totaleconfiance quant à la richesse de la moisson. On reconnaît chez les régionsdistinguées par la culture agricole une forme spéciale de générosité, defestivité, de spontanéité mais aussi d L’éducation : L’importance de l’éducation découle essentiellement de la religion :que ce soit chez les musulmans ou chez les juifs, l’apprentissage religieux se faisaitd’abord dans une école coranique ou une école talmudique. Ainsi, tout disciple dereligion est également appelé à apprendre les règles de la langue, les sciences exactesetc. Aujourd’hui, les établissements scolaires ont de moins en moins cette orientationvers l’éducation, on remarque davantage un souci académique plutôt qu’un savoirvivre et un système de valeurs appris. Ceci en ce qui concerne l’éducation dans lesinstitutions. En ce qui concerne l’éducation reçue à la maison, au Maroc les familleséduquent souvent leurs enfants à répéter, à obéir et à accepter certaines choses, sanspour autant avoir le droit de poser des questions ou demander des arguments. Ainsi,même la prise de position devient parfois difficile, puisque la réflexion n’est pasentièrement développée (à cause du manque de dialogue) et l’esprit critique encoremoins.La société : La société a un très grand poids dans la culture marocaine, d’où le poidsdes considérations sociales, des peurs du jugement, des dualités entre l’honneur et lahonte etc. En effet, le poids du milieu social trouve son origine dans le sentimentd’appartenance qu’éprouvent les marocains (et qu’ils ont constamment besoin denourrir) envers la communauté. Le rejet de la famille ou du milieu social pourrait êtrela pire sanction que l’on puisse décider à l’égard de quelqu’un qui a enfreint une règle,une coutume ou une loi. Cette peur de la sanction définit justement la grande prise enconsidération des rapports de force et du pouvoir par les marocains.Présentation de l'entreprise Maroc YachtingL'entreprise Maroc Yachting est une entreprise française créée en juillet 2007 à Marrakech(au Maroc). Elle compte trois principales activités dont le développement au fil des années en140


a fait des domaines d'activités stratégiques distingués: Filovent (Location des voiliers et debâteaux à l'international); Proxisailing (Commercialisation d'un logiciel de navigation) etVillanouveau (Locations de villas et riads au Maroc). Elle compte un effectif de 18 personnes(de 5 nationalités: italienne, française, marocaine, allemande et tunisienne) organisées selonune structure matricielle. On en distingue trois équipes: une administrative, une commercialeet une technique. Notre travail s'est focalisé sur l'équipe commerciale composée de 6personnes: trois marocains, une italienne, un français et un allemand. Tous résidents auMaroc, ils ont tous des diplômes de bac+3 et plus. Excepté deux marocaines, les autresmembres de l’équipe sont tous mariés et ont entre un et trois enfants chacun.Résultats de l’étude empiriqueAprès avoir passé une phase d’observation (non participante puis participante) au sein del’entreprise, nous avons entamé des entretiens semi directifs avec les collaborateurs, et avec ladirectrice des ressources humaines. Les interviews effectuées ont dégagé différents résultatsdont on retient les axes suivants : Les langues parlées au sein de l’équipeNous avons relevé les langues parlées au sein de l’équipe, en fonction des personnes qui lesparlent, ce qui expliquait en grande partie les pôles de collaboration entre les membres del’équipe. Globalement, les marocaines de l’équipe parlent arabe, français parfaitement, tandisque certains d’entre elles ont des difficultés en Anglais. La collaboratrice italienne parlearabe, français, anglais, italien et espagnol avec fluidité ; le français parle français et anglaiset le collaborateur allemand n’a de commun avec l’équipe que l’anglais, en revanche il parlelatin et allemand, et est en train d’apprendre l’arabe. Les différences constatées chez les collaborateurs :Plusieurs différences sont constatées chez les collaborateurs, relevant autant de l’origineculturelle de ces derniers que d’autres facteurs. Les principales différences sont au nombre dequatre : la sociabilité, la réactivité, l’organisation et la communication.‣ La sociabilité : Le niveau de sociabilité diffère entre les collaborateurs, ainsi, l’intégrationau sein de l’entreprise a dû prendre plus de temps pour certains que pour d’autres. Enréférence au modèle des relations sociales de Goffee et Jones (Goffee &Jones, 1998), onreconnaît une solidarité et une sociabilité élevée entre les collaborateurs, sauf pour certainscollaborateurs issus de cultures fragmentées où le communautarisme est peu observé.‣ La réactivité : La réactivité par rapport à certaines situations diffère chez lescollaborateurs, certains sont très réactifs, d’autres prennent les choses plus calmement ets’accordent du temps avant de manifester de réaction ;‣ L’organisation : La DRH met l’accent sur les qualités organisationnelles de certains plusque d’autres, qui se constate à travers la gestion des dossiers, l’organisation des opérationsetc ;‣ La communication : La communication au sein de l’équipe diffère d’une personne àl’autre. Certains, selon la DRH, sont « plus expressifs, plus émotionnels et parlent plusforts que d’autres ». Les différences se constatent également au niveau des non dits. Les enjeux et avantages de la diversité culturelle de l’équipeLa DRH est consciente que la diversité culturelle de l’équipe commerciale ne représente pasque des avantages. Elle implique autant des avantages et des points forts que des enjeux àcourir et des points faibles qu’il faut savoir gérer.Le premier avantage que la DRH souligne est relatif à la bonne gestion des marchésinternationaux. Ceci accorde un grand avantage concurrentiel à l’entreprise dans la mesure où,malgré la délocalisation, la gestion de demandes des clients est bien optimisée.141


Le deuxième avantage relève de l’apprentissage. La diversité culturelle de l’équipe a permis àchacun d’apprendre de l’autre dans la mesure où les différences stimulent les curiosités etapportent de la nouveauté, aussi bien sur le plan personnel que sur le plan organisationnel. Ence qui concerne les enjeux, la DRH souligne que les différences culturelles peuvent engendrerdes malentendus au sein de l’équipe. Les interférences culturelles peuvent découler aussi biendes réactions dans certaines situations que des interprétations de ces réactions.Les relations entre les collaborateursLes collaborateurs ont de bonnes relations entre eux. Leurs relations professionnelles sontbasées sur la confiance, la collaboration et la coopération. Certes les poids de clichés existent,mais la cohésion du groupe fait en sorte à ce qu’il n’y ait pas de jugement ou de prise deposition préétablie de la part de l’un concernant les autres.En ce qui concerne la communication, certains collaborateurs communiquent avec certainsplus que d’autres. Plusieurs facteurs expliquent cela : premièrement les langues étrangères (lecas de l’Allemand qui ne parle qu’Allemand et Anglais) qui ne sont pas maîtrisées par tous lescollaborateurs, ce qui diminue le contact avec certains collaborateurs, deuxièmement ensuiteles relations extra professionnels entre les collaborateurs, puisque certains collaborateurspartagent des activités entre eux après les heures de travail.Les conflits qui ont déjà eu lieu ont été davantage d’ordre organisationnel (le temps, la gestiondes dossiers) ou d’ordre socio émotifs (tensions familiales ou personnelles, certaines étapes dela vie). La considération culturelle est certes présente, mais elle n’a jamais été source deconflits entre les membres de l’équipe.Nous avons distingué certains items en fonction desquels nous avons interrogé lescollaborateurs afin qu’ils donnent des scores à chaque item. Après avoir pondéré les scoresobtenus, voici les résultats :Les itemsLes scores pondérésLe sentiment d’appartenance 100%La résistance au stress 75%Le sens de l’initiative 75%Le sens de la responsabilité 100%La vitesse d’exécution 83%L’autonomie 92%Tableau 4 : Les items abordés dans les entretiens avec les collaborateurs• Le sentiment d'appartenance: Il était question d'évaluer par comparaison le degréd'appartenance (ainsi que d'identification) des collaborateurs à l'entreprise MarocYachting, indépendamment des dates d'intégration de cette dernière (certains étaientnouvellement recrutés tandis que d'autres étaient au démarrage);• La résistance au stress: Le stress était largement constaté au sein de l'équipecommerciale étant donné le continuel contact avec la clientèle. Le niveau de stresss'accentuait davantage lors de haute saison où il était question de gérer moultopérations en même temps. Certaines exigeaient des collaborations tandis qued'autres non;• Le sens de l'initiative: Sur le plan théorique il est constaté que certaines culturesfavorisent la prise d'initiative plus que d'autres. Il était question d'évaluerglobalement l'étendue de ce sens au sein de l'équipe avant de prendre enconsidération le croisement avec la variable culturelle;• Le sens de responsabilité: L'activité commerciale exigeait beaucoupd'autonomie, elle s'étalait sur trois étapes: le contact du client, l'accompagnement142


durant la procédure, et la conclusion du contrat. Lors de la dernière phase la DRHacceptait de répondre aux sollicitations d'aide mais préférait voir les collaborateurstémoigner d'autonomie et assumer toutes les étapes notamment les plus délicatesd'entre elles (contentieux, non paiement etc.);• La vitesse d'exécution: Indicateur d'efficacité dans le cadre de l'activitécommerciale, la durée moyenne de conclusion d'un contrat de location ou de venteest une donnée importante quant à l'évaluation du déroulement du travail;L'autonomie: Item rejoignant le sens de la responsabilité dans la mesure où cedernier permettait aux collaborateurs de mener à bien leurs opérationsindépendamment de l'aide de la DRH.Les plus grands scores sont constatés au niveau du sentiment d’appartenance, du sens de laresponsabilité et de l’autonomie de chacun des collaborateurs. Ces items confirment lespropos de la DRH quant à l’autonomie et l’appartenance éprouvée au sein de l’équipe. Ilsindiquent également, spécialement l’item relatif au sens de la responsabilité, l’aboutissementde la stratégie des ressources humaines en ce qui concerne la mobilisation des collaborateursen les responsabilisant, et leur donnant l’autonomie dont ils ont besoin. La perception des collaborateurs de la diversité culturelleTous les collaborateurs, sans exception admettent que la diversité culturelle de leur équipe estune réelle opportunité. Ils trouvent cela très enrichissant en termes d’expériences de vie, desensibilisation sociale par rapport à d’autres cultures etc. Pour eux, il s’agit d’une « parfaite »occasion d’apprentissage.4 sur 6 des collaborateurs considèrent que la diversité culturelle del’équipe est parmi les avantages que leur offre leur travail. Ils considèrent le rapport avec lesgens différents, aussi bien au niveau de l’équipe qu’au niveau des marchés traités d’un grandapport pour leurs propres évolutions.Le principal point négatif que l’on peut percevoir dans les discours des collaborateurs relèveessentiellement de la variable de « communication ». Les collaborateurs non anglophones, ouqui ont un niveau d’anglais modeste, admettent que la langue constitue une réelle barrièrequant à leur échange avec le collaborateur. Ce dernier, de son côté aussi, avoue qu’il necomprend pas tout, et que des fois pour lui c’est difficile de se faire comprendre par certainsde ses collaborateurs. Les non dits et les formes non verbales de la communicationconstituent aussi un facteur d’hésitation pour les collaborateurs dans certaines questions : « Ilfaut toujours se poser la question comment ceci pourrait être pris par la personne issue d’uneautre culture ». La stratégie de la diversitéLa stratégie des ressources humaines est essentiellement marquée par la prise de consciencede la diversité culturelle de l’équipe, et du fait que la gestion ne doit différencier entre lesmembres de l’équipe. L’équité et l’égalité sont donc des valeurs essentielles au sein del’entreprise, d’ailleurs, les objectifs se répartissent équitablement entre les collaborateurs. Dessystèmes de commissions, de primes, de gestion de carrière sont également prévus afin demotiver les collaborateurs à s’impliquer davantage.Il faut préciser que ce qui distingue la gestion des ressources humaines à Maroc Yachting estessentiellement l’absence du poids de la hiérarchie. L’autonomie est très présente chez chacundes collaborateurs. Même si la DRH ou le directeur général sont là, et formellementconstituent les niveaux supérieurs de l’organigramme (avec les directeurs des autres projets),les collaborateurs gardent tout de même une grande marge de manœuvre quant à leursmarchés, leurs clients et leurs méthodes d’organisation des projets. Cette autonomie, selon laDRH, responsabilise davantage les collaborateurs et facilite le travail d’équipe.143


Dans le cas d’une nouvelle recrue, certaines démarches d’accompagnement se mettent enplace pour faciliter son intégration. Dans l’équipe commerciale, on procède souvent parsystème de parrainage, où les stagiaires ou les nouvelles recrues se font parrainer par lesanciens afin d’apprendre le métier avant de disposer d’une autonomie dans la gestion desdemandes de clients.Le management des ressources humaines à Maroc Yachting, bien que modeste de par lastructure de la PME, mais en perpétuelle construction. La prise de conscience de l’opportunitéde l’apprentissage qui découle de la diversité culturelle de l’équipe fait en sorte que lesméthodes de travail sont au fur et à mesure développées, affinées et mieux adaptés auxcontraintes de l’activité et des conditions internes de l’équipe. L’esprit d’équipe est très misen avant dans la stratégie de Maroc Yachting, tout se fait en groupe : les réunions, les prisesde décisions, les orientations stratégiques sur les marchés. Cette notion de partage favorisel’implication des collaborateurs puisqu’ils se sentent davantage sollicités dans les orientationsstratégiques de l’entreprise et ont une visibilité et un avis dessus.La DRH s’occupe également d’organiser des activités extraprofessionnelles entre lescollaborateurs afin de développer cet esprit d’équipe. Des séances de sport sont organiséesrégulièrement (les matchs de football deux fois par semaine), ainsi que des programmes desortie que la DRH planifie en prenant en considération les contraintes des membres del’équipe (les foyers, les enfants, les conditions de santé etc.) Synthèse de l’étude empiriqueDans les propos et affirmations des collaborateurs, nous retrouvons l’aboutissement de lastratégie des ressources humaines en ce qui concerne la gestion de la diversité de l’équipe,mais également la prise de conscience du côté positif de cette diversité. La DRH conçoit ladifférence comme étant une occasion d’apprentissage, d’où l’orientation de la gestion de ladiversité au sein de l’équipe commerciale.En suivant le modèle présenté dans la partie théorique de Parker, on retrouve l’orientationstratégique de Maroc Yachting dans l’apprentissage.Cette considération de la différence comme occasion d’apprentissage oriente donc la stratégiede l’entreprise vers une approche proactive, qui se concrétise par l’encouragement del’apprentissage à la fois individuel et organisationnel, dans le but de développer uneperformance sur le long terme. D’après les entretiens avec les collaborateurs, nous avonsconstaté la prise de conscience de ces derniers de la richesse que peut apporter la diversitéculturelle. Ils ont un avis unanime quant à l’occasion d’apprentissage que leur apportes lesdifférences qu’il y a entre eux.Selon le modèle d’Adler, on reconnaîtra l’entreprise Maroc Yachting en tant qu’entreprise destyle synergique, où la diversité est considérée comme étant prometteuse à la foisd’opportunités et de risques. Suggestions et recommandationsA travers l'étude au sein de l'entreprise Maroc Yachting, nous avons pu formuler quelquesrecommandations selon lesquelles la gestion de la diversité pourrait être davantage optimisée: Prévoir des cycles de formation continue pour accompagnement des collaborateurs surle plan linguistique, afin d'optimiser la collaboration entre les membres de l'équipecommerciale grâce à un meilleur échange; Prévoir des cycles de formation continue axés sur les représentations sociales et leurdépendance du contexte d'origine (milieu social, culture d'origine, pays, racines, éducationetc.) en abordant différents aspects pour prévenir en cas de conflits ou de quiproquos;144


Prévoir des séjours culturels en guise de motivation du personnel tout en visant à lerapprocher davantage des cultures urgentes à connaître et à comprendre; Etablir une stratégie d'accompagnement pour les nouvelles recrues afin de les aider àréussir leurs intégrations plus facilement, en prévoyant des séjours d'immersion, desmodules de formation, des tests etc.Bibliographie1. Adler N., Le comportement organisationnel, une approche multiculturelle, ReynaldGoulet, Ottawa, 1994.2. Adler N., International dimensions of organizational behaviour, Thomson Learning,Cincinnati, 20023. Braudel F., Les civilisations actuelles, Madrid, 1966.4. Braudel F., Civilisation matérielle, économie et capitalisme, Armand Colin, 1979.5. Breton R., L'ethnopolitique, Paris, PUF, 1995.6. Cazal D., « Culturalisme, comparaisons internationales et GRH : une analyse entermes de réflexivité», Revue de Gestion des Ressources Humaines, n°37, novembre2000.7. Chevrier S., Le management des équipes multiculturelles, PUF, Paris, 2000.8. Chevrier S., Le management interculturel, PUF, Paris, 20039. Côté A. et Soussi S.A., « La diversité culturelle dans les organisations : Analysecritique des fondements théoriques du management interculturel », ASAC, Banff,Alberta, 2006.10. Crozier M. et Friedberg E., L’Acteur et le Système, Editions du Seuil, Paris, 197711. Cuche D., La notion de culture dans les sciences sociales, La Découverte, 2001.12. Dupriez P. et Simons S., La résistance culturelle : Fondements, applications etimplications du management interculturel, De Boeck, Bruxelles, 2000.13. Durkheim E., De la division du travail social, 1893 (Edition lue : PUF, Paris, 2007)14. Equilibey N., Le management interculturel, Editions EMS, Colombelles, 2004.15. Frimousse S. et Peretti J.M., « L’émergence d’une gestion des ressources humaineshybride au Maghreb », Revue Française de Gestion, vol 32, 2006.16. Frimousse S., « La mobilité internationale, cadres locaux et DRH dans lesmultinationales marocaines : diversité des représentations et des interactions », RevueInternationale sur le Travail et la Gestion, vol 5, n° 3, 2007.17. Gauthey F., Leaders sans frontiers: le défi des differences, McGraw Hill, 1988.18. Goffee, R., Jones, G., The Character of a Corporation: How Your Company’s CultureCan Make or Break Your Business, Harper Collins Business, New York, NY, 1998.19. Hall E.T. et Hall M. R., Understanding cultural differences: Gemans, French andAmericans, Intercltural Press, Yarmouth, Maine1990.20. Hall E.T., La dimension cachée, Editions du Seuil, Paris, 1971.21. Hall E.T., Le langage silencieux, Seuil, Paris, 1984.22. Hofstede G., Culture’s consequences: International differences in work related values,CA: Sage Publications, Beverly Hills, 1980.23. Hofstede G., Bollinger D., Les différences culturelles, comment chaque pays gère-t-ilses hommes ?, Editions des Organisations, Paris, 1987.24. Hofstede G., Culture and Organizations: Sofware of the Mind, MacGraw Hill,London, 1991.145


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LA COMPETENCE INTERCULTURELLECOMME REPONSE AUX DEFISDE L’INTERNATIONALISATION DES ENTREPRISESDésiré LOTHMCF à l’Université de GRENOBLE 3Membre de la l’AGRHINTRODUCTIONL’accélération du mouvement d’internationalisation des entreprises cesdernières années, l’augmentation des coopérations, acquisitions et fusionsd’entreprises posent avec une intensité croissante des problèmes que l’on peutqualifier d’interculturels.En effet, des salariés issus de contextes nationaux différents vont être de plus enplus amenés à travailler ensemble dans des groupes multiculturels. Lesdifférences culturelles ont une influence sur les perceptions des acteurs et leurcompréhension de l’organisation, ce qui complexifie la tâche des managers.La communication est essentielle dans le management des équipesinterculturelles et c’est à ce niveau que sont détectés de nombreux facteurs demésentente et de dysfonctionnement.Les malentendus résultant des différences culturelles peuvent affecter laperformance de l’entreprise.147


Il est ainsi nécessaire de former les managers pour prévenir lesdysfonctionnements que peuvent occasionner les chocs culturels. Cela passe parle développement de compétences interculturelles chez les managersinternationaux leur permettant ainsi de rassembler les énergies des acteursautour d’une gestion plus performante.Pour comprendre la culture et les différences culturelles, il est utile decomprendre quelques positionnements théoriques existants ce sera l’objet de lapremière partie ou seront présentées les principales approches théoriques dumanagement interculturel.L’assimilation des différences culturelles semble ouvrir une voie prometteuse. Ils’agit ainsi de développer la compétence interculturelle auprès des managers.Nous définirons et verrons les principales caractéristiques de la compétenceinterculturelle dans une deuxième partie.1. PRINCIPALES APPROCHES SCIENTIFIQUES SUR LESDIFFERENCES CULTURELLES ET LEUR IMPLICATION ENMANAGEMENTUn certain nombre de paradigmes scientifiques s’intéressent auxdifférences culturelles et leurs conséquences en gestion dans un milieuinternational. Ces recherches servent de références aux managersinternationaux. Ces approches ont mis l’accent sur les différences entreles cultures par observation des valeurs et pratiques et par des mesures desdimensions culturelles ( Hofstede, Hall ), ou encore par des études plus enprofondeur des classes socioprofessionnelles (d’Iribarne).Elles constituent des éléments utiles au décodage des comportements maisprésentent néanmoins des limites.1.1. L’approche interactionniste de HallE. T. Hall est un anthropologue américain dont les recherches ontabouti à l’élaboration de certains concepts permettant de mettre enlumière les traits distinctifs de différentes cultures. Il va appliquerces concepts aux relations d’affaires entre les Etats-Unis, le Japon,la France et l’Allemagne.Les concepts ou critères de différenciation de la culture sont : lesrapports au contexte, au temps et à l’espace.148


La façon de se référer au contexte va varier selon les cultures. C’estainsi que dans une culture à bas contexte de communication, lesindividus ont tendance à préciser un maximum d’éléments et vontprivilégier un mode de communication explicite. Tout le contrairedans une culture à contexte riche où le mode de communicationsera implicite.E. T. Hall identifie également deux conceptions opposées du temps.Il s’agit du temps M ou monochrome et du temps P ou tempspolychrone le temps M est géré de manière linéaire, il estprogrammé avec précision, les individus sont soucieux du respectdes horaires et des délais. Dans les cultures polychroniques, letemps est vécu de façon moins concrète, le respect des délais esttrès relatif, les individus attachent plus d’importance aux relationsinterpersonnelles qu’au respect du programme. Ces différences dusystème temporel vont avoir un incidence sur le comportement autravail des managers. Il s’agit bien évidemment de tendancesgénérales de comportement.1.2. Le modèle de HofstedeGeert Hofstede a montré, dans une célèbre enquête statistique,menée dans 72 filiales IBM dans le, monde, que contrairement auxapparences, il n’y a pas une convergence des cultures, on diraitaujourd’hui une mondialisation grandissante, mais au contraire unmaintien de la diversité des cultures nationales.Geert Hofstede élabore ainsi un modèle d’analyse comparée desspécificités nationales autour de quatre variables : l’individualismepar opposition au collectivisme, la distance hiérarchique forte oufaible, le fort ou le faible contrôle de l’incertitude, la masculinitépar opposition à la féminité. La culture d’un pays se trouve ainsidéfinie par quatre dimensions bipolaires indépendantes les unes desautres et pouvant servir à décrire les styles de management propresà chaque culture nationale. Une cinquième dimension sera intégréeultérieurement l’orientation temporelle elle est censée rendrecompte des valeurs prévalentes en ChineCe dimensions sont considérées avoir une influence sur le style dedirection des entreprises, la motivation des salariés, les structuresorganisationnelles.149


1.3. L’approche ethnographique de d’IribarneDans l’approche de d’Iribarne et son équipe du CNRS, la culture nerenvoie ni à un ensemble de conduites stéréotypées, visionprivilégiée par Hall, ni à une moyenne de valeurs d’une populationqui est la vision d’Hofstede, mais des processus d’interprétation.Le but de P. D’Iribarne est de mettre à jour ce que les culturesnationales ont de permanent et qui s’exprime de façon contingenteaux travers des comportements de travail et des pratiques degestion. Il a mené ses recherches avec une approche d’ethnographesur des échantillons réduits en vue d’obtenir une compréhensionplus fine et plus concrète des fonctionnements organisationnels.Dans son ouvrage fondateur « La logique de l’honneur »,l’observation du fonctionnement de trois usines appartenant aumême groupe industriel, réalisant des productions identiques,implantées au Pays-Bas, aux Etats-Unis et en France, lui permet decerner trois modèle différents qu’il explique par l’attachement descitoyens de ces trois pays à trois manières de vivre en sociétéLe modèle américain serait fondé sur la logique du contrat passéentre égaux. Cette manière de vivre s’exprimerait au travers desrapports hiérarchiques, des relations entre services. Les entreprisesaméricaines sont considérées comme un emboîtement de relationscontractuelles qui exige que chaque personne soit jugée sur desfaits concrets et non des opinions.Quant au modèle français, il est fondé sur la logique de l’honneurissu des traditions propres aux trois états de l’époque monarchiqueen France. Les individus s’en servent pour définir la bonne manièrede se comporter à l’égard des supérieurs ou des subordonnés.Enfin, le modèle néerlandais correspond à une logique deconsensus. Par rapport, aux manières françaises et américaines devivre en société les néerlandais accordent une importance capitaleau compromis pour faire fonctionner leurs organisations.Ces différentes approches arrivent toutes au même constat : la cultureinflue sur la compréhension et les actions des individus.Elles sont complémentaires et permettent ainsi de parvenir à une meilleurecompréhension de l’Autre.150


Nous sommes en présence d’une diversité d’approches pour analyser lesdifférences culturelles. Hofstede arrive par voie statistique à créer despoints de différenciation quantitative entre cultures.D’Iribarne par l’approche ethnologique explique les différencescomportementales en faisant un détour par l’Histoire.Hall a démontré que les individus réagissent dans l’organisation du tempset l’organisation de l’information selon des schémas acquisculturellement.Pour être aptes à travailler dans l’interculturalité, les entreprises doiventdévelopper les compétences interculturelles de leurs managers, celapermettra de réduire les dysfonctionnements et d’accroître les synergiespermettant ainsi un management plus performant.2. LA COMPETENCE INTERCULTURELLE2.1. Définitions : la compétence et la compétence interculturelleQu’est ce qu’une compétence ? Les débats sur cette notionmontrent une difficulté de la définir (Le Boterf, 2002 ; Zarifian,1999, 2001 ; Pichault et Nizet, 2000 ; Cadin, Gérin et al. 2007 ;Peretti, 2003). Il existe de nombreuses définitions proposées aussibien par les chercheurs (Zarifian, 1999), que par les consultants (LeBoterf, 2012) qu’il est difficile de la conceptualiser et de la définird’une manière opératoire.De nombreuses définitions insistent sur le caractère personnel etcontextualisé de la compétence.Selon le Boterf, 2002, « lorsqu’une action se réalise en présence detrois niveaux, le savoir-agir, le pouvoir-agir et le vouloir-agir, il enrésulte une manifestation de la compétence sur le terrain.Le savoir agir synthèse de savoir professionnel d’un individu. Il vaau-delà des connaissances empiriques, du savoir-faire, pour mettreen avant la capacité de cet individu à agir dans son environnementde travail (cela comprenant la gestion d’imprévus ou d’incidents).Le savoir-agir peut être développé par la formation, l’expérience,l’apprentissage.151


Le pouvoir agir dépend de l’organisation dans laquelle s’exerce unindividu.Ce pouvoir agir dépend du contexte créé autour de la personne : ildoit avoir des moyens à disposition et occuper un poste lui donnantla capacité d’agir dans un contexte facilitateur.Le vouloir agir peut être encouragé par les ambitions personnelleset par le sens donné à l’acte. Pour cela, une image de soi, réaliste etpositive, est essentielle. Selon le contexte, la reconnaissance et laconfiance peuvent jouer comme des facteurs clés pour atteindre sesobjectifs. »La compétence interculturelle doit permettre aux managersd’exercer un savoir-agir, vouloir-agir et un pouvoir-agir sans causerde dysfonctionnements, ni de conflits dans le système culturelcomplexe de l’organisation.La compétence interculturelle est donc une compétence clé.Néanmoins, il n’existe pas de définition consensuelle de ce concept.Selon Bartel Radic (2002, P. 37), « la compétence interculturelleest la capacité de comprendre les spécificités d’une situationd’interaction interculturelle et de s’adapter à cette spécificiténotamment à travers l’empathie, l’ouverture d’esprit et la stabilitéémotionnelle, de manière à produire un comportement qui permetd’atteindre les objectifs poursuivis. »Certains auteurs insistent davantage sur le volet cognitif. Lacompétence interculturelle équivaut alors à une compréhension ouune connaissance (Bender 1996, Bolten 1998, Funke 1995).Il s’agit principalement de la connaissance sur la notion de cultureen général ou sur une culture spécifique et sur sa propre culture.D’autres auteurs insistent plutôt sur les aspects comportementaux(Barmeyer 2004, Bittner et Reich 1994, Flye St Marie 1997,Gersten 1990, Opitz 1997, Thomas 1996). Dans ce cas, lacompétence interculturelle se rapproche de traits de personnalité(Bolten 1998) qui se traduisent dans le comportement.Trois dimensions essentielles ressortent de ces quelquesdéfinitions : une dimension cognitive, émotionnelle etcomportementale.152


2.2. Quelques caractéristiques de la compétence interculturelleLa première dimension cognitive correspond aux connaissancesrelatives aux orientations de valeurs, aux normes, à la civilisation, àl’histoire, à la religion.Cette prise de connaissance pourra se faire par l’utilisation desgrilles d’orientation sur les pratiques et les valeurs culturellesdéveloppées par les chercheurs en management interculturelcomme par exemple la relation au temps, à l’autorité, au contextede la communication (Hofstede, Hall). Cela rendra compréhensiblescertains modes de comportement jugés bizarres.En plus de la composante cognitive qui prend la plupart du temps la premièreposition dans toute formation interculturelle, se trouve également unecomposante affective et émotionnelle.En effet, face au stress, à l’incertitude souvent générés par l’interactioninterculturelle, la mobilisation des aspects cognitifs et une bonne gestionémotionnelle jouent un rôle primordial dans la réussite interculturelle.Cette composante émotionnelle est l’énergie qui nous permet en quelque sortede sortir de notre « zone de confort » et d’accomplir les efforts nécessaires pourcomprendre les autres et contrôler les émotions négatives envers ces derniers enraison des différences culturelles.Cela suppose que l’individu dispose à la fois d’un certain degré de confiance ensoi et d’ouverture aux autres.Enfin la troisième dimension est d’ordre comportementale, elle est essentielle.Le savoir cognitif et les attitudes émotionnelles doivent se combiner de manièreopératoire en situation interculturelle. Une personne ne peut faire preuve decompétence interculturelle que dans la mesure où elle est capable d’appliquerces savoirs et de s’adapter à une situation interculturelle.Il s’agit donc d’adopter le comportement en situation interculturelle en vued’atteindre les objectifs plus facilement.CONCLUSIONIl faut bien admettre que, du fait de l’internationalisation des entreprises, lacompétence interculturelle est une compétence clé à développer pour des cadresexpatriés, des dirigeants ou pour des responsables d’équipes multiculturelles.153


De nombreux travaux empiriques (Barmeyer, Mayrhofer2002, Mayrhofer,Poulingue2011) viennent confirmer l’importance de cette compétence dans laréussite de projets internationauxBien qu’utile, elle reste mal connue, a travers cet article certainescaractéristiques de cette compétence ont été développées.Néanmoins, elle reste une compétence complexe et difficile à acquérir.Comment la développer ? Quels sont les modes de formation ? Les modesd’apprentissage permettant d’améliorer cette compétence fondamentale pour lesmanagers impliqués dans l’international ?Cela reste à ce jour problématique et devrait constituer un champ à explorer.BIBLIOGRAPHIEBarmeyer C, MayrhoferU (2002) « Le management interculturel : facteurde réussite des fusions-acquisitions » Gérer et comprendre numéro 70Barmeyer C. (2004) : « Peut-on mesurer les compétences interculturelles ?Une étude comparée France-Allemagne-Québec des styles d’apprentissage »Congrès AGRH Montréal.Bartel-Radic A. (2002) : « L’apprentissage organisationnel de lacompétence interculturelle ». Thèse en Gestion, Université Pierre MendèsFrance de Grenoble.Bender D. (1996) : « Intercultural competence as a competitive advantage »HSMAI Marketing Review.Bittner A. et Reisch B. (1994) : « Interkulturelles Personalmanagement :internationale Personalentwicklung, interkulturelles Training », Wiesbaden.Bolten J. (1998) : « Interkulturelle Kompetenz » Landeszentrale fürpolitische Bildung, Thüringen.Cadin L., Guérin F. (2007) : «Gestion des ressources humaines », EditionDunod.D’Iribarne P. (1989) : « La logique de l’honneur », édition du Seuil.154


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Développement humain et développement durable au Cameroun.Le vivre-ensemble à la croisée des chemins, entre diversité et replis identitairesLouis Roger Kemayou, Chargé de cours,Département de communication, Université de DoualaBP. 1595 Douala, Tél. + (237) 99 78 21 94, Résumé :Cet article pose le problème pour les bénéficiaires du développement fût-il humain ou durable, decommunication quant à leurs perceptions de tels concepts dont les référents auxquels ils renvoient, se situenthors du contexte socioculturel et/ou de la vision du monde de ces derniers. Dans une perspective théorique qui seveut pluridisciplinaire, notre approche constructiviste convoque à la fois, socio-anthropologie, socio-économie,géo-économie, communication des organisations. Elle nous permettra de faire une lecture critique des aspectscontextuels, culturels, territoriaux, spatiaux et identitaires des modalités et dispositifs du développement, àtravers une étude de cas notamment dans la région dite du Mungo dans le ‘’littoral’’ camerounais, où se poseavec acuité la problématique diversité/identité comme une menace du vivre-ensemble et en conséquence, sur ledéveloppement. Aussi entendons-nous face aux incertitudes, suggérer les voies et moyens pour parvenir à laconvergence, et au développement humain et durable.Mots-clés : développement humain/durable, contexte socioculturel, diversité/identité, vivre-ensemble, replisidentitaires, communication des organisations.Introduction :En cette ère dite de mondialisation et/ou d'économie de l'information, les transformationssupposées être induites par cette nouvelle donne sur la gouvernance des États et les économiesnationales, en termes de progrès – qu’ils soient politique, économique, social, technique etculturel –, sont très diversement perçues selon les continents en regard des enjeuxsocioculturels et des perspectives nationales. En effet, des visions du monde non partagéespar tous, infèrent ici et là, et singulièrement au Cameroun auquel est consacrée cette réflexion– terrain sensible par excellence s’il en est, quand il faut y évoquer la question del’identité/diversité –, des comportements contradictoires, mieux, paradoxaux sous le rapportdu vivre-ensemble. En effet, ce pays à la réputation uni et paisible, en quête dedéveloppement socioéconomique dès son accession à l’indépendance, semble avoir du mal àtirer le meilleur parti des capitaux humains et autres richesses du sol et du sous-sol dont ilregorge pourtant, pour ce faire. C’est que les institutionnels fécondent des postures etidentités conceptuelles, qui n’ont pas toujours en commun la même résonnance auprès despopulations en attente de développement. Cette situation paradoxale nous amène àquestionner la notion de développement dont on ajoute davantage à la confusion sémantiqueen lui adjoignant des attributs tels que local, participatif, communautaire, humain, voire,durable, en souhaitant en préciser la signification. L’hypothèse-problématique retenue suite àla définition des termes de ce problème d’ordre communicationnel est : les tentatives dedéveloppement socioéconomique hors contexte territorial local, peu soucieuses de l’identitélocale quoique de portée nationale et dans la perspective du développement durable, mêmesarticulées autour de stratégies de communication comme c’est souvent le cas au Cameroun,seraient vouées à l’échec aussi longtemps que ne serait pas réglée la question du vivreensemble.L’ethnométhodologie nous a permis de comprendre les logiques de sens commun,mises en œuvre par les ‘’membres de la société’’ – loin d’être des ‘’idiots culturels’’ –, pourdonner éventuellement un sens aux situations de développement et comprendre lacompréhension qu’ils en ont au quotidien.156


1. La question de la diversité en regard des essais de développement au CamerounLe Cameroun 33 , véritable kaléidoscope aux plans physique, végétal, climatique, et humain,revendique le titre d’Afrique en miniature. Le territoire camerounais comprend une mosaïquede peuples 34 qui vivent dans une relative stabilité, depuis l’accession du pays àl’indépendance politique en 1960, nonobstant les violences 35 ayant jalonné les périodes pré etpost indépendance – 1955-1960 ; 1960-1971 –, et celles ayant marqué le retour aumultipartisme depuis 1990, notamment à la veille des consultations électorales.1.1. Une opportunité de développement humainLoin d’être neutres, les concepts de développement, de développement humain et/ou durablecharrient une kyrielle de significations, d’obligations et d’engagements, aux relentseuropéocentrique et autre accent universaliste, dont il suit une mise en œuvre de logiques nonsociologiquement ancrées. En effet, depuis les premières théories développementalistesexclusivement tributaires de postures économiques apparues en 1950, anthropologues etsociologues ont investi ce champ consécutivement aux mutations à l’œuvre dans les sociétésjusque-là considérées comme étant ‘’archaïques’’. Et ce, dès lors qu’il leur est apparu qu’ellesn’étaient pas des systèmes immobiles. Ceci a donné lieu à une remise en cause des acceptionseuropéocentriques du développement.« […] La perspective économique du concept de développement réfère tantôt àl’idée de développer les productions agricoles 36 , tantôt à celle de l’améliorationdu milieu et des conditions de vie des populations 37 . […] Les économistessemblent n’avoir aucune peine à appréhender ce qu’ils entendent pardéveloppement. En effet, à partir d’indicateurs, indices, caractères et autrescritères 38 dont ils croisent les variables à l’envi 39 , ils en ont une perceptionparadigmatique de laquelle ils déduisent les représentations concrètes dudéveloppement et du sous-développement » 40 .Le développement humain concept met lui aussi en exergue une batterie d’indicateurs, etrepose sur trois éléments : la durée de vie, mesurée d’après l’espérance de vie à la naissance ;le niveau d’éducation, mesuré par un indicateur combinant pour 2/3, le taux d’alphabétisationdes adultes et pour 1/3 le taux brut de scolarisation combiné, tous niveaux confondus ; leniveau de vie, mesuré d’après le PIB réel par habitant.Enjeu de société, le développement, ses divers paradigmes et modèles relatifs à lamodernisation, la dépendance et l’auto-développement ayant butté face à la dure réalité dusous-développement, un changement de perspective s’imposant, recours est fait à l’initiative33 État d’Afrique centrale d’une superficie de 475 442 km 2 , la République du Cameroun est délimité par la Républiquefédérale du Nigeria à l’Ouest, la République du Tchad au Nord, la République centrafricaine à l’Est, et au Sud, par lesRépubliques de Guinée équatoriale, du Gabon et du Congo.34 Dont en fonction de leur mode d’organisation politique, les historiens les classent en trois catégories : DanielAbwa, in Atlas du Cameroun, Paris, Les Éditions J. A., aux Éditions du Jaguar, 2006. P. 72.35 Les premières sont dues à la rébellion portée par l’Union des Populations du Cameroun (UPC) ayant pourbastions, les pays Bamiléké, Mungo et Sanaga maritime, et dont nous verrons plus loin qu’il s’en trouve qui en gardeencore sinon les stigmates, du moins, en payent le prix au nom de stéréotypes malveillants pour le vivre-ensemble.36 L’État escomptant en effet, des devises issues des exportations de ces productions agricoles rentières, en vue desinvestissements en infrastructures et autres équipements publics : voies de communications, écoles, hôpitaux,adduction d’eaux, électrification, etc.37 Pour avoir obtenu des revenus substantiels de leurs exploitations agricoles38 Dans le désordre et sans que la liste soit exhaustive : les quotients de consommation d’énergie, de production deciment, d’acier, du niveau de vie, les taux d’urbanisation, d’alphabétisation, d’équipements électroménagers, lescaractéristiques démographiques, les volumes de la mobilité sociale, de la classe moyenne, la condition sociale desfemmes, le travail des enfants, l’espérance de vie…, le nombre de scientifique, d’ingénieurs et d’ordinateurs, etc.39 C’est ainsi que peuvent être croisées les variables relatives au taux de consommation d’énergie et celuid’urbanisation, d’alphabétisation et d’équipements, etc.40 Louis Roger Kemayou, in « Tensions méthodologiques entre théories développementalistes et pratiques derecherche contextualisées en regard de l’environnement socioculturel africain » (à paraître).157


du PNUD 41 , à une optique plus anthropologique du phénomène. Entendu que l’importancequelque peu disproportionnée accordée à l’économie ayant réduit la vie sociale aux seulesrelations économiques, il convenait de tenir compte en matière de développement, del’ensemble des relations de la réalité sociale 42 , et cesser d’appréhender le sous-développementsimplement à l’aune du sous-développement économique.Pays de forte migration tant externe qu’interne, le Cameroun présente dans ses principalesvilles et campagnes environnantes, un visage très cosmopolite, caractéristique de la diversitécensée en garantir le dynamisme. Le choix de la zone géographique du Mungo 43 – dont leslimites territoriales se situent entre les fleuves Mungo et Nkam –, est d’une part et à plus d’untitre, typique de cette diversité et d’autre part, de la menace qui pèse sur le vivre-ensembleobjet de cette réflexion. Cet espace géographique comprend les unités administratives dont lesplus significatives sont dans l’axe Sud-Ouest, les suivantes : Souza 44 , Mbanga, Njombé-Penja 45 , Loum, Manjo, Nkongsamba et Mélong. La caractéristique principale de cette zone, enest la forte immigration à différentes époques, de populations ‘’étrangères’’ qu’elle a connueet ce, notamment depuis la colonisation 46 . Cette diversité a eu en partage, le pidjin-anglais 47comme langue véhiculaire et ce, jusque vers la fin des années 1990. Ce facteur de cohésionsociale, a permis la construction de liens sociaux forts 48 au sein de cette mosaïque qui alorspeuplait – pour ne pas dire cohabitait ou vivait ensemble harmonieusement –, favorisant ainsipar ricochet, la prospérité de cette zone agricole par excellence, jadis considérée comme leprincipal grenier alimentaire 49 du pays.41 Programme des Nations Unies pour le développement. Au milieu des années 1990, cette institution onusienneentreprend de faire évoluer les conceptions économicistes du développement vers une appréhension plus humaine,qui prennent en compte outre ‘’l’approche par les manques’ – la pauvreté –, mais aussi les ‘’capacités’’– référencefaite aux potentialités que les individus sont en mesure ou non de réaliser eu-égard aux possibilités qui leur sontoffertes –. De là, à son initiative, les indicateurs suivants : de pauvreté humaine, de p c, de développement Humain…42 Les relations familiales, affectives, amicales, religieuses, de parenté, de voisinage, etc.43 Cette zone constitue un ensemble de montagnes et de plateaux aux atouts agricoles et pastoraux immenses (solsvolcaniques, bon niveau de précipitation, végétation riche, etc.). Dès le début du XX è siècle, en raison de sesopportunités socioéconomiques certaines (son versant Sud-ouest et un cours d’eau – le Mungo –, y portel’ethnonyme, côtoie les sols volcaniques au pied du Mont-Cameroun et la proximité du port de Douala), en a fait lelieu de prédilection des premières plantations coloniales, dont un grand nombre rachetées plus tard par lesimmigrants nationaux.44 Première circonscription d’une activité économique importante, à une trentaine de kilomètres de Douala.45 Antérieurement deux localités administrativement distinctes et dépendantes de la commune rurale de Loum.46 Dans l’optique des travaux forcés ces premières migrations elles-mêmes forcées, avaient pour objet de satisfaire aubesoin de main-d’œuvre dans les chantiers infrastructurels de l’administration coloniale d’une part, et des plantationsdes privés européens d’autre part. Les migrations n’ont toutefois pas eu la même importance dans tous les secteursdu Mungo. À l’est, le canton Pongo (Bomono-gare et Bomono Ba Mbengue) et à l’ouest de l’arrondissement deDibombari (Nkapa, Souza-gare, etc.), sont respectivement investis par les populations en provenance et en grandnombre des Grassfields, suivies des Bétis (Éwondo et assimilés), Bassa, etc, qui s’établissent alors le long de lanationale n° 5 et du chemin de fer (Douala-Nkongsamba), deux infrastructures ayant entre autres, constitué l’attraitde cette zone. Les Igbo du Nigeria voisin se sont installé quant à eux côté sud-ouest, à proximité du Wouri et duMungo pour y exercer leur activité halieutique.47 Léonie Metangmo Tatou & Henry Tourneux, « Ethnies et langues », in Atlas du Cameroun, Paris, Les Éditions J.A.,aux Éditions du Jaguar, p. 78.48 Cette communauté de langue a pu briser les barrières ethniques et favoriser les situations de face à facecommunicationnel, renforçant ainsi les solidarités mécaniques à travers des échanges préférentiels de biens etservices et autres échanges symboliques au sens de Lévi-Strauss49 À l’époque coloniale, dans un contexte de pénurie alimentaire due aux effets boomerangs de l’immigration forcéeaux fins de pourvoir à la forte demande de main-d’œuvre dans les chantiers routiers, ferroviaires, forestiers etplantations agricoles des produits de rente européennes, afin de mettre un terme à l’insécurité et aux tensions qui endécoulaient, l’administration coloniale impulsa une politique en faveur de l’intensification des cultures vivrières. Pource faire, des terres furent octroyées aux ouvriers (souvent allochtones) qui y développèrent en marge de leurs activitésprincipales, des plantations individuelles pour satisfaire trois finalités : se nourrir, avoir à partir de la vente du surplusde leurs productions, de quoi s’acquitter de leurs impôts de capitation et, assurer un complément aux exportationsdes unités de production capitalistes permettant de faire face à la demande du marché européen.158


Le Mungo concentre en outre les plantations industrielles 50 parmi les plus importantes du paysdont les propriétaires 51 ‘’bunkhérisés’’ au milieu de leurs ‘’patrimoines’’ fonciers vivent àl’occidentale, sans pour ainsi dire, d’autres liens avec les populations alentour, que ceux durapport au travail. De ce qui précède, il ressort que si la zone du Mungo a prospérééconomiquement, les populations, elles, n’ont paradoxalement pas tiré avantage, ou si peu, del’économie de rente qui a pourtant participé à la croissance économique nationale etl’enrichissement d’une minorité, mais sans la création de richesses et des changementssignificatifs de leur milieu 52 . Ce qui a aujourd’hui pour effet d’y exacerber plus que par lepassé, les tensions identitaires et la problématique du vivre-ensemble entre ‘‘autochtones’’ et‘’allochtones’’. Les dissensions ethno-politiques de ces vingt dernières années, contribuentnon seulement à l’affaiblir au plan économique et mutatis mutandis, à faire la démonstrationd’un gâchis au plan de la cohésion sociale, de ce qui aurait pu apparaître comme uneopportunité de développement humain. Le développement durable, prolongement dudéveloppement humain, prendrait en compte :« […] trois piliers (« social », « environnement », « économie »), à l’intersectiondesquels se situeraient à leur tour les trois composantes de l’« équitable », du «viable » et du « vivable » […],dans le cadre d’actions liées à l’Agenda 21,certaines collectivités territoriales assurent la promotion conjointe du“développement durable” et de la « culture » (et/ou de la « diversité culturelle») en proposant que la « culture » (ou que la « diversité culturelle ») soitreconnue comme un « quatrième pilier » du développement durable. D’autresacteurs estiment que la « communication », la « communication publique », la «gouvernance » ou bien encore la « connaissance » devrait faire l’objet d’unereconnaissance en tant que ‘’ quatrième pilier’’ » 53 .Sous ce rapport, l’on comprend bien que l’auteure des lignes ci-dessus citées, mette enexergue l’enjeu de légitimation doublé d’une valeur d’injonction que cristallise la formule“développement durable”, dont elle rappelle qu’ils sont, également, l’indice de la plasticitésémantique caractéristique des formules.1.2. À propos du développement durable et du potentiel de richesse régionale à tous égardsBastion du mouvement coopératif dans la période coloniale, la zone du Mungo, dontNkongsamba est le chef lieu du département, fut la seule région où une bourgeoisie rurale fitson apparition. Jadis troisième ville économique la plus importante du pays après Douala etYaoundé, du fait de son activité agro-industrielle entretenue par des personnalitésétrangères au nombre desquelles, des exploitants grecs – Tzouvelos, Gorzouniang et autresVacapoulos –, aux Bamiléké – Yimo Timothée Ledoux, Yimgna Moise et Nansi –, enpassant par les Français 54 Aubriet, Caplain, etc. Celles-ci, en créant ou en rachetant les vastesplantations de café et autres usines à café sont devenus les ‘’maîtres’’ des terres très vastes et50 La Cameroon Development Corporation (‘’propriété’’ du Groupe Unilever), de la Société Camerounaise des Palmeraies (enl’occurrence à Nkompina ‘’appartenant’’ au Groupe Bolloré), des Plantations du Haut Penja ayant aujourd’hui pourraison sociale, Société des Plantations Nouvelles de Penja (suite à la fusion de PHP en 2004 avec l’Organisation Camerounaisede la Banane, le groupe français de la Compagnie Fruitière et associés et le groupe américain ‘’Dole’’ ), alliée de la sociétéCaplain dans la production horticole.51 Qu’ils soient occidentaux ou nationaux, car il faut noter ainsi que l’affirme Richard Joseph : « Déjà en 1930, lesBamiléké de la région du mungo avaient tendance à s’établir directement comme producteurs capitalistes à l’imitationdes colons blancs, et pas seulement à pratiquer l’agriculture […] » in Le mouvement nationaliste au Cameroun, Paris,Éditions Karthala, trad. française, p.159.52 En dehors de la nationale qui traverse la région, très peu d’équipements de base y ont été édifiés qui auraient puinduire une amélioration significative du cadre de vie et ainsi favoriser le développement humain.53 Alice Krieg-Planque, « La formule “développement durable” : un opérateur de neutralisation de la conflictualité »,mai 2010, p. 8.54 Ces derniers s’étant surtout investis dans les grandes plantations de Njombé-Penja.159


les plus fertiles de la zone 55 , avant de voir leur empire s’écrouler au fur et à mesure del’effondrement des cours du café sur le marché international 56 . Nonobstant le travail hardi etacharné des populations dans le Mungo, force est de constater que les conditions del’accumulation n’y ont pas toujours été réunies pour ces dernières. Les filiales des firmesmultinationales implantées dans cette zone n’ont presque pas participé au développementlocal : réalisant très peu d’investissements dans le social, malgré leurs dizaines de milliards dechiffres d’affaires. Les riches propriétaires nationaux à l’instar de leurs homologueseuropéens n’ont pas eux non plus, participé au développement collectif de la zone ; organisésen coopérative, ils ont tiré avantage de leurs positions dans une perspective essentiellementindividualiste.Des témoignages nostalgiques récurrents font état de ce qu’autrefois, dans cette zone, on nedistinguait pas les Bamiléké des Dibom, Bamenda, Banyangué, Bassa, Bétis, des autochtonesBalong, Bafung, Bonkeng, Bakaka, Mbo, dont le pidgin-anglais passait pour cette diversité,pour être la langue la plus usitée 57 dans les rapports domestiques, commerciaux etprofessionnels. Richard Joseph a pu écrire :« Le fait que les bamiléké aient pu immigrer dans la région du Mungo, puis s’yinstaller et obtenir des terres des indigènes et développer une agriculture demarché, prouvait bien qu’il n’y avait guère d’hostilité envers eux au départ » 58 .En février 2008 cependant, une crise d’une rare violence a révélé le mécontentement de cespopulations qui ont profité des mouvements sociaux contre la vie chère, déclenchés à Doualaavant d’embraser le pays, pour s’attaquer aux intérêts de la SPNP 59 . En effet, dans un récentarticle, nous indiquions à propos du développement économique dans le Mungo, ce qui suit :« Les effets conjugués des activités anthropiques et des lois du marchéinternational 60 ont fait échec à une politique de développement non-intégré auxcultures locales, néfastes pour l’environnement. Il s’en est suivi en conséquencedans le Mungo, la déforestation en vue des cultures extensives et la dégradationdes sols, l’appauvrissement des masses paysannes, la détérioration del’agriculture vivrière, l’accroissement du chômage. Dans le même temps, dansles zones urbaines de Nkongsamba, on a assisté à une aggravation desfrustrations » 61 .On le voit, en dépit du potentiel existant et de la richesse de celui-ci, les conditionspolitiques du développement ont fait défaut, preuve si besoin était de convenir que toutdéveloppement quel qu’il soit devrait avant tout être centré sur l’homme, au début,pendant et au terme du processus, car avant tout, c’est de son bien-être qu’il s’agit audemeuraznt.55 Respectivement de Nkongsamba, Baré, Mélong56 En 1980 le sac de café est passé de 60 000 F. CFA à 45 000 (1982), 30 000 (1987), 12 000 (1992), 10 000 (2000),jusqu’à atteindre l’année dernière 6 000 F. CFA. (1 euro vaut 655 F CFA)57 Au point que même certains européens y avaient recours.58 Richard Joseph, (1986), Le mouvement nationaliste au Cameroun, Paris, Éditions Karthala, trad. française, p. 164.59 Preuve s’il en était besoin, d’une révolte consécutive à la paupérisation des populations locales face àl’enrichissement des entreprises d’origine étrangère, et reflet d’une image négative qu’ont les populations de cesmultinationales (dont la Société des Plantations Nouvelles de Penja en a particulièrement fait les frais), qui pour elles,prolongent le système colonial.60 La fin des années 1980, voit la colère des exploitants agricoles nationaux (petits et grands) se traduisant par ladestruction par eux-mêmes de leurs plantations de café et faisant le vœu de se détourner désormais de cette cultured’exportation au profit des cultures vivrières. Cette tendance s’est poursuivie depuis lors dans le Mungo où denombreux hectares hier dédiés aux caféiers ont soit été brûlés volontairement, soit sont tout simplement à l’abandon.Et la timide reprise actuelle des cours sur le marché international, laisse indifférents beaucoup d’entre les planteurs dece secteur qui connaissent une précarisation accrue de leur condition d’existence.61 Louis Roger Kemayou, « Tensions méthodologiques entre théories développementalistes et pratiques de recherchecontextualisées en regard de l’environnement socioculturel africain » à paraître.160


2. L’identité nationale à l’épreuve des discours et pratiques politiques« Le concept d’identité désigne communément aussi bien la construction d’undiscours – souvent par les élites – que l’auto-affirmation individuelle, conduittrop souvent le chercheur à prendre les discours des institutions d’encadrementpour les pratiques des identifiés » 62 .De l’indépendance du Cameroun à ce jour, les discours de mobilisation relativement àl’identité nationale semblent ne pas être perçus comme une menace sur le vivre-ensemble,tant les gouvernements successifs se sont préoccupés de propos incantatoires sur le pays depaix et d’unité qu’est le Cameroun. Dans cette optique, recours à l’effet d’effacer oppositions,tensions et autres conflits, a été régulièrement fait à des formes routinisées qui opèrent encontexte contraint et portent la trace des enjeux sociopolitiques et institutionnels, pourreprendre l’expression de Alice Krieg-Planque 63 . Le propos étant d’organiser la polyphonie,réduire la dissonance, produire la cohérence. La neutralisation de l’opposition politique aprocédé de cette stratégie et des dispositifs mis en branle à cette fin.2.1. Des dispositifs de construction de l’identité nationale/replis identitaires à l’œuvre …« Le vocabulaire de l’identité en plaçant prioritairement le regard du côté desdiscours, de la production, fait l’économie des pratiques, de l’intériorisation, dela réception des discours et des représentations » 64 .À l’opposé de cette tendance lourde, il s’agit ici, au regard de quelques cas, de montrercomment les dispositifs de l’ingénierie identitaire nationale/régionale, par les discours et lespratiques politiques, travaillent en profondeur le Mungo en particulier et la sociétécamerounaise en général, et de rendre compte de leurs effets sur le vivre-ensemble et lacohésion sociale. Les dispositifs institutionnels à l’égard du territoire, du foncier, del’autochtonie, de la minorité et de l’identité, constituent sommairement ici, les corpus de nosobservations :- Souza quoique la circonscription la plus importante de par son activité économique etsa position géographique – traversée par la nationale n° 5 –, il lui a été préféré Bonaléa– situé à l’intérieur des terres et d’accès difficile –, comme chef-lieu d’arrondissement,ce qui a été perçu par les populations autochtones, immigrés Bamiléké et anglophonesdu sud-ouest et du nord-ouest, en très grand nombre à Souza, comme une injustice entreautres raisons due, à l’absence d’une élite autochtone fiable, pouvant peser de son poidséconomique ou politique.- l’érection de Njombé-Penja en arrondissement en 1994, a été perçue par lespopulations comme conçue pour tirer les conséquences de la victoire des partisd’opposition aux élections municipales de 1991 par le parti au pouvoir. L’enjeu étantpar ce moyen, de fragiliser financièrement les élus des partis d’opposition dans la zone.- Face à la pression croissante du sous-développement, la diversité ne disposant plus deressources suffisantes pour mobiliser les pouvoirs publics sur la question dudéveloppement, suite à la chute des cours des produits de l’agriculture de rente, cespersonnalités du Mungo – plus hauts citées – ont pour nombre d’entre elles connu lafaillite.- La perte de ‘’leurs’’ terres par les ‘’autochtones’’, au profit des immigrés Bamilékédevenus propriétaires fonciers et majoritaires aussi bien au plan démographique qu’àcelui de leur poids économique, perçus comme une menace pour l’intégrité géo-spatiale62 Alice Krieg-Planque, « Discours institutionnels. Perspectives pour les sciences de la communication. Trente ansd’étude des langages du politique (1980-2010) », Mots. Les langages du politique, n° 94 novembre 2010, Mots. Les langagesdu politique, p. 94, [en ligne], 94 | 2010, mis en ligne le 06 novembre 2012. URL :http://mots.revues.org/index19870.html63 Alice Krieg-Planque, idem.64 ibidem.161


et culturelle, qui s’entendent sommés par des groupes se réclamant désormais de laminorité et de l’autochtonie, ‘’de rentrer chez eux’’.- Le recours au concept d’identité, aux fins des revendications remettant ainsi en causeles accords antérieurs ayant favorisé le vivre-ensemble, sous prétexte d’envahissementde leur région, par des allochtones Bamiléké et autres Anglo-Bamiléké 65 notamment.Le retour au multipartisme et les actions des politiques en quête de positionnement vontmettre à mal la cohésion sociale dans laquelle vivait la diversité. En conséquence, la région vaparticulièrement se dégrader à tel point que Nkongsamba donnera d’elle, l’image d’une villemorte 66 . Il ne peut y avoir de développement qu’il soit humain et/ou durable sans participationcitoyenne que dans un tel contexte, questionne la problématique de la participationcommunautaire – reprise en chœur par les politiques et autres universitaires –, en tendant àdénier à l’évidence ses droits. C’est que, pour le dire avec les mots de Alice Krieg-Planque :« […]la formule appelle l’assentiment, engage à l’adhésion, décourage lacontradiction. Par là, elle inhibe les contre-discours possibles et tend à escamoter lesoccasions d’affrontement. Symétriquement, la minoration des désaccords et des conflits,la valorisation du consensus, s’accomplissent plus aisément par le truchement deformulations stéréotypées, de tournures convenues » 67 .Nous ajouterons auxquels les tenants de tels discours n’y croient pas eux mêmes dès lors queles faits qu’ils refusent de voir, ou feignent de ne pas voir, ou encore ne veulent pas voir,témoignent d’une menace du vivre-ensemble dans la mesure où la communauté nationale nefait pas le poids face aux communautés ethniques.2.2. … Et face aux incertitudes, un besoin de convergence nationale« Émile Durkheim avait déjà évoqué une solidarité qui existerait en vertu denos différences plutôt qu’en vertu de nos similarités. Cette proposition peut setransposer, en termes plus contemporains, dans l’idée que la reconnaissance denos différences est précisément celle qui peut le mieux nous unir », dit Alain deBenoist 68 .Ce propos met en lumière ce qu’il en coûte pour réaliser le vivre-ensemble. Plutôt que de nepas valoriser la diversité et les particularités au profit d’une approche homogénéisante de lasociété à des fins inavouées, le pays tout entier gagnerait à mettre en débat les ressentis etcraintes des uns face à l’incertain, ainsi que les perceptions des autres relativement auxmenaces pesant sur la construction de l’identité nationale et la consolidation du vivreensemble.Pour ce faire, éviter de faire dans la langue de bois, mettre en concurrence l’intérêtgénéral – raccourci que prennent les institutions publiques camerounaises pour promouvoir enréalité la rhétorique de l’universalisme des institutions onusiennes 69 –, et confronter grâce àune volonté politique, les problèmes concrets spécifiques à la société.Il en a pris des siècles pour construire l’État-nation en Europe sous le rapport de symbolesculturels tels la langue, le drapeau, le folklore, la musique, la gastronomie, etc., pour faire denos jours, nonobstant d’importants moyens de socialisation mis à contribution, le constat amerde la menace sur un pays comme la France, où le vivre-ensemble est contestée par la65 Terme désignant les membres et sympathisants d’un parti d’opposition créé par un ressortissant du nord-ouestanglophone ne se réclamant pas Bamiléké mais en raison de l’adhésion massive de ces derniers aux idéaux dudit parti,le vocable leur a été attribué comme pour sceller leur coalition contre le part au pouvoir.66 Quasi disparition de l’activité économique (fermeture des banques, des usines à café jusqu’à la prestigieuse etlégendaire compagnie d’assurance : Chanas etc.)67 Alice Krieg-Planque, idem, p.94.68 À la faveur d’une conférence prononcée à Barcelona.69 Lesquels n’ont d’autre ambition que de priver du pouvoir les populations locales et de définir pour elles qui ellessont, ce qu’elles sont et comment elles devront agir politiquement et culturellement.162


problématique électoraliste de l’identité nationale des citoyens-nationaux et des citoyensétrangers70 !Le Cameroun à l’instar des autres pays d’Afrique, en adoptant le modèle sociétaire européende l’État-nation, aux référents socioculturels aux antipodes de la vision communautaire dumonde de l’Africain, pouvait-il réussir là où les inventeurs du concept semblent avoiréchoué ? En l’occurrence quand les présupposés de sa propre culture sont marginalisés auprofit d’intérêts individuels, il y a de fortes chances qu’il y ait méprises relativement auxattentes des populations que l’on veut servir par le haut, sous le mode occidental de gestionbureaucratique. Les gouvernants ont donc le choix entre ces deux logiques 71 : la rationalitégouvernementale de type wébérien/rationalité tropicalisée. C’est au terme d’un tel choix quepourrait être promue une vision du monde rassurante.3. Des exigences de gouvernance nationale de la diversitéLa gouvernance, tout comme le territoire, l’identité, le développement, le patrimoine, sont desnotions polysémiques promues par les institutions internationales auprès des organisationspubliques et privées des pays en développement, comme alternative à leurs pratiquesgouvernementales n’ayant produit que marginalement la croissance et très peu, sinon pas dedéveloppement.3.1. Pour la promotion d’une vision rassurante du mondeLa politique de décentralisation participe de ce mouvement dit, de la modernisation desadministrations publiques 72 , dont on était en droit d’en attendre par exemple, une meilleuregestion de la diversité. Il s’agirait donc en l’espèce, de relever le défi consistant à transformerles pesanteurs d’une bureaucratie lourde, autocentrée, par une organisation capabled’adaptations rapides, de réponses instantanées et de compréhension des attentes de cettediversité. Comprendre comment ethnie, région, nation – toutes des constructions sociales etnon des données objectives –, se perçoivent comme un principe de définition de soi pour ungroupe d’individus, selon un rapport d’opposition aux autres, c’est déjà concevoir que tout cequi est construit, peut faire l’objet de déconstruction. La notion de territoire par exemplesignifie espace sous son contrôle 73 , hors logique de l’État, elle est ni plus ni moins perçue parles populations 74 , en rapport avec l’idée d’un espace d’enracinement historique, en lien avecleurs investissements qu’ils soient immatériels ou matériels. L’identité est intimement liée àun lieu ou un territoire, quoique de plus en plus, des identités plurielles « libèrent désormaisl’homme mobile d’un jeu de contraintes géographiques et sociales trop étroites » 75 . D’où ilsuit de notre point de vue, que promouvoir le vivre-ensemble dans un contexte d’identitésfloues et multiples, c’est favoriser par une volonté politique, des identités collectives quiprocèdent de territoires fabriqués par les communautés elles-mêmes. Et non plus seulementsous l’angle administratif relevant souvent de l’arbitraire ou du calcul politique, mais aussisuivant les (re)configurations dues aux évolutions historiques qui commandent que lesterritoires soient appréhendés plus socialement, et en accord avec la modernité.Sinon comment comprendre, les cris de désespoir en réaction à la ségrégation, aux tentativesd’exclusion, de marginalisation, de la part de populations ayant vécues une vie durant, dans70 Problématique au cœur des propos de certains candidats dans la campagne présidentielle 2012, comme ce fut le casdans les précédentes, notamment depuis la montée en puissance du Front National.71 La première évoquant : rigueur, mérite, liens impersonnels, contrats, postes avec obligations de résultats en faveurde l’efficacité. La seconde, synonyme de : laisser-faire, faveur, liens personnels – népotisme, clientélisme, corruption,etc. –, contrats fantaisistes, postes arbitraires, au service d’un système politique des élites, des équilibres régionaux,des liens personnels, peut encline à la performance.72 Question quelles soient en phase avec la vague néolibérale à l’effet de délégitimer l'État-providence dans cettenouvelle donne socioéconomique pensée par les experts des institutions de Bretton Woods.73 Au sens géographique et géopolitique du terme.74 Qu’elles soient autochtones ou allochtones telle est l’impression qui s’est dégagées de nos observations.75 Guy Di Méo & Pascal Buléon, (dir.), L’espace social. Lecture géographique des sociétés, Paris, Armand Colin, p.46.163


un espace donné auquel elles se sont mentalement attachées, où elles ont investi des capitaux,inhumé leurs morts, etc. ? La question de la diversité et du vivre-ensemble dans un pays, nes’aurait être analysée en termes hégémonique entre autochtones/allochtones, et encore moinssous le mode conflictuel envahisseurs/envahis, car au fond les uns et les autres participent duprocessus du développement humain qui au final profite à biens des égards à tous. Et c’estalors que des pratiques communicationnelles valorisantes de la diversité comme richesse,devrait accompagner la gouvernance dans le projet de construction d’une identité nationaledans lequel toutes les composantes communautaires verraient leurs apports pris enconsidération. Ces communications assumant un choix de société acquis démocratiquement,devant être assumé historiquement et culturellement, parce qu’étant sociologiquement ancrédans la dynamique de l’espace socioculturel et donc contextuel camerounais.3.2. Le vivre-ensemble, plus qu’un vœu, une nécessitéQuand les politiques d’un pays adoptent pour stratégie gouvernementale, de freinerl’émergence de davantage d’entrepreneurs, de talents, d’intellectuels, qui accèdentrespectivement à la puissance financière via leurs activités économiques, à la notoriété, aumotif qu’ils seraient déjà très nombreux, quels signaux sont donnés ainsi aux populations ?Quand par une politique tendant alors à équilibrer cette influence acquise aux planséconomique et intellectuel, l’État en vient suite à un bricolage juridique à légiférer sur lanécessité d’une politique d’équilibre régional, qui accorderait ses chances à chacun, quelsmodèles promeut-on ? Qu’importe en effet, que les ressortissants d’une région soient trèsentreprenants, n’est-ce pas en définitive aussi au profit du pays entier dès lors qu’ilsparticipent à la croissance, laquelle peut induire le développement dont l’implémentationincombe à l’État ? Des terres qui ne sont pas mises en valeur à quoi servent-elles et en quoiprofiteraient-elles à tous et à chacun s’il ne s’en trouve pas parmi les nationaux pour en faireune exploitation ? Autant de questions qui confrontent quotidiennement le Cameroun auproblème de sa diversité ainsi que nous l’avons montré plus haut.Jamais pays n’a accédé au développement, si tant est qu’il ait été du reste réalisé, par desétrangers. Le développement requérant dans son processus des efforts permanents et continusdes acteurs qui en ont la charge, devraient être encouragées toutes les initiatives endogènessusceptibles d’y contribuer. La perspective de l’anthropologie culturelle africaine favorable àla communauté, au partage et à la solidarité spécifiques à ce continent, s’opposant àl’approche instrumentale de la vision individualiste, productiviste, concurrentielle etcalculatrice occidentale, s’accommodent mal de l’optique du vivre-ensemble à l’occidental.Les valeurs de la culture africaine, constituent à n’en point douter, les vraies bases surlesquelles l’imagination des Africains devraient s’investir pour penser à l’africaine, non sousla forme tropicalisée à laquelle nous avons fait mention tantôt pour la dénoncer, une optiquecontextualisée de l’unité de la diversité, aux fins du développement humain et durable. Sanscet effort, point ne sera besoin d’espérer la participation populaire aux projets pensés dudehors, avec les référents socioculturels du dehors, pour satisfaire les attentes inconnuesdudedans.ConclusionL’essor de la mondialisation et des modes de gouvernance marquant ainsi la fin de l’Étatemployeur,a suscité de nouvelles normes de management aux antipodes des représentationset valeurs socioculturelles locales, et ont eu des effets sur le vivre ensemble des camerounais.Ici et là, des mouvements d’humeur et autres tentatives de replis identitaires attestent d’unmalaise que nombre d’acteurs de la diversité, imputent à leurs différentes approchesculturelles de gestion des hommes. Le pays s’est engagé dans la modernité économique et dela mondialisation, sans préparation de ses populations à la problématique nouvelle. Lesannées passées de 1960 à ce jour, à feindre de construire l’unité nationale alors même que lespolitiques mises en place, condamnaient l’État à l’échec, atteste de ce qu’en cette matière,164


point n’est besoin de recourir aux approches conflictuelles et/ou de violences fussent-ellessymboliques, pour espérer réaliser le vivre-ensemble.Bibliographie :AVANZA, M., & G. Laferté, (2005), « Dépasser la construction des identités » in Genèses,n° 61, p.134-149.BONNEVILLE L. & S. Grosjean, – Dir –, (2011), La communication organisationnelle :approches, processus et enjeux, Montréal, Chenelière Éducation, 346 p.BOUDON R., (2007), Essais sur la théorie générale de la rationalité, Paris, PressesUniversitaires de France, Quadrige, 333 p.BOURDIEU, P., (1980), « L’identité et la représentation. Éléments pour une réflexioncritique sur l’idée de région », <strong>Actes</strong> de la recherche en sciences sociales, n° 35 : 63-72.BOUZON A., – Dir –, (2006), La communication organisationnelle en débat : champs,concepts, perspectives, Paris, L’Harmattan, 2011, 294 p.BOUZON A. & V. Meyer, (2006), La communication organisationnelle en question :Méthodes et méthodologies, Paris, L’Harmattan, 212 p.BOUZON A. & V. Meyer – Dir –, (2011), La communication des organisations entrerecherche et action, Paris, L’Harmattan, 232 p.CARAYOL V., (2004), Communication : une perspective allagmatique, Paris, L’Harmattan,235 p.COUSSERAND Is. & D. Blin, – Coord. –, (2010), La communication à l’épreuve desmutations économiques, Bordeaux, Presses Universitaires de Bordeaux, 193 p.DELCAMBRE P., (2000), Communications organisationnelles : objets, pratiques, dispositifs,Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 330 p.GIDDENS A., (2009), Les conséquences de la modernité, Paris, L’Harmattan, 185 p.JOSEPH R., (1986), Le mouvement nationaliste au Cameroun, Paris, Éditions Karthala, trad.française, 414 p.KEMAYOU L. R., (2005), « Construction identitaire en Afrique : communication stratégiqueet changement de comportement citoyen », in <strong>Actes</strong> du Colloque : 1945-2005 ; 60 ans decommunication pour le développement : politiques, approches, acteurs, stratégies, pratiques.Bilan et perspectives, Douala, 26-30 avril, pp. 83-89.KEMAYOU L. R., (2005), « Pour la communication des organisations au Cameroun » inAnnales de la Faculté des Lettres et Sciences Humaines, Université de Douala, vol 3, n° 6 &7,pp. 242- 258.KEMAYOU L. R. & J. P. Mbaha, (2012), « Construction médiatico-identitaire autour del’élément culturel du ‘’Ngondo’’ au Cameroun », Colloque international « Usages etpratiques des publics dans les pays du Sud : Des médias classiques aux TIC », Agadir-Maroc,4 - 6 avril 2012.KRIEG-PLANQUE A., & C. Oger, « Discours institutionnels. Perspectives pour les sciencesde la communication. Trente ans d’étude des langages du politique (1980-2010) », Mots. Leslangages du politique, n° 94 novembre 2010, ouvrage coordonné par Paul Bacot, MarlèneCoulomb-Gully, Jean-Paul Honoré, Christian Le Bart, Claire Oger, Christian Plantinin Mots.Les langages du politique [en ligne], 94 | 2010, mis en ligne le 06 novembre 2012. URL :http://mots.revues.org/index19870.htmlOGER C., & C. Ollivier-Yaniv, « Analyse du discours institutionnel et sociologiecompréhensive : vers une anthropologie des discours institutionnels », Mots. Les langages dupolitique [en ligne], 71 | 2003, mis en ligne le 05 mai 2008. URL :http://mots.revues.org/index8423.htmlOLLIVIER B., (2007), Les sciences de la communication : théories et acquis, Paris, ArmandColin, 284 p.165


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Développement d’un Management International des Ressources HumainesResponsable au Maroc via l’intégration des connaissances développées àl’étrangerABDELKARIM YAOUDOCTORANTIAE DE CORSEyaou@univ-corse.frJEAN MARIE PERETTIPROFESSEURESSEC BUSINESS SCHOOLIAE DE CORSEperetti@univ-corse.frRESUMEL’objectif de notre communication consiste en une contribution visant à explorer lesconnaissances et pratiques développées à l’international dans le cadre d’un managementinternational plus responsable des ressources humaines. L’internationalisation des entreprises,la mobilité internationale des acteurs et l’interaction des personnes appartenant à des universculturels différents ont fait émerger de nouvelles exigences en termes de connaissances, decompétences et de pratiques. De ce fait, l’ouverture sur la diversité des connaissances etpratiques des jeunes diplômés marocains formés à l’étranger revêt une réponse cruciale enmatière de la recherche de meilleures pratiques. Cette politique s’avère cohérente avec lechangement initié par le Maroc dans le cadre de la politique de l’ouverture sur le marchémondial qui s’accentue jour après jour.L’objectif de la présente communication est d’explorer et de comprendre la diversité desconnaissances et pratiques développées par les jeunes diplômés marocains formés àl’international. Des spécificités des acquis cognitifs seront mises en lumière notamment dansle cadre de la mobilité internationale. Elles seront explicitées par les responsables d’entrepriseau Maroc au travers d’une étude qualitative. L’étude porte également sur les démarchesentreprises pour les attirer et les intégrer par la suite.MOTS CLESManagement International des RH Responsable, jeunes diplômés formés à l’étranger,diversité des connaissances, Maroc.INTRODUCTIONCes dernières années, la Fonction Ressources Humaines a considérablement évoluée auMaroc. Néanmoins, cette évolution s’est traduite par une course à deux vitesses. De ce fait, unfossé s’est creusé entre les structures organisées et les structures non organisées (Baayoud M.et Zouanat H., 2006, Baayoud M., 2005). D’après les auteurs, l’évolution de la FRH au Marocse résume en 3 étapes majeures. La première concerne la période coloniale ; elle se caractérisepar une gestion d’une ressource humaine très flexible. La seconde étape s’étend de167


l’indépendance aux années quatre-vingt dix ; elle se décrit par une dualité des pratiques deGRH. La troisième étape débute dans les années 1990 avec l’éclatement du modèle dual sousl’effet de la mondialisation.Cependant, les changements suscités par la mondialisation des économies etl’internationalisation des entreprises ont inventé de nouvelles règles pour que les entitéséconomiques restent compétitives sur le marché. Parmi ces règles, l’exigence de profils et deconnaissances à trait international. Les entreprises ont accompagné ces changements par lamise en œuvre des politiques de recrutement destinées spécifiquement aux profils dotés decomposantes internationales, en l’occurrence le Maroc. Dans cette perspective, la volonté desdeux protagonistes, entreprises et jeunes diplômés formés à l’étranger, se converge en termesdes actions entreprises. De ce fait, les entreprises au Maroc élaborent des politiques derecrutement destinées spécifiquement aux jeunes diplômés formés à l’étranger à travers laparticipation aux forums de recrutement organisés à l’étranger (ex. forum Rhône-Alpes,France). De leur part, les jeunes diplômés manifestent une volonté remarquable pour le retourau Maroc. D’après l’étude réalisée par l’association Maroc entrepreneurs (Bensouda L. et al.,2006), portée sur 1823 jeunes étudiants et diplômés marocains d’ailleurs, 86,40% envisagentde rentrer au Maroc. Pour ceux retournés au Maroc, l’étude apporte un éclairage sur leursatisfaction qui concerne 335 individus. En fait, 61,79% des sondés déclare leur satisfactionpar rapport à leur retour au Maroc au niveau personnel et professionnel.L’intérêt de notre recherche porte sur le rôle des jeunes diplômés marocains formés àl’étranger dans la contribution au développement des connaissances internationales au seindes entreprises au Maroc. Il porte également sur les actions adoptées par les entreprises pourles attirer et les recruter dans le cadre d’un management international des RH responsable. Cefaisant, la problématique de recherche a pour objectif d’explorer, d’identifier et d’expliciterles apports spécifiques des jeunes diplômés formés à l’étranger en termes de diversité deconnaissances et de pratiques. Elle vise également à identifier l’intérêt porté par lesresponsables d’entreprise à leur égard. Pour répondre empiriquement à cette problématique,nous avons interrogé 32 experts et responsables d’entreprise. Les interviewés sont préoccupéspar le phénomène du retour et d’intégration de ces catégories socioprofessionnelles. A titre deprécision, nous avons retenu les énoncés qui sont en relation avec la thématique des 8 èmesRencontres Internationales de la Diversité centrée sur Diversité(s), RSE et Solidarité.I.DIVERSITE DES CONNAISSANCES INTERNATIONALES ET POLITIQUEDE RECRUTEMENT DES JEUNES DIPLOMES FORMES A L’ETRANGER1.1. Diversité des connaissances développées à l’internationalLa notion de connaissance est étroitement liée à celle de compétence. Les définitionsclassiques renvoient le concept de compétence à l’ensemble des savoirs, savoir–faire etsavoir–être. La notion de savoir–faire englobe deux termes essentiels : le « savoir », qui estreprésenté par l’acquisition d’une forme de connaissance et le « faire », qu’est l’art de mettreen action cette connaissance au service d’un objectif déterminé (Bück J. Y., 1999, p.13). Cecheminement contribue à l’amélioration de la performance de l’organisation (Igalens etScouarnec, 2001).Les recherches menées sur la catégorisation des connaissances relevant de la mobilitéinternationale ont permis d’identifier une typologie diversifiée. Lundvall et Johnson (1994)ont retenu 4 types de connaissances : connaissances sur les faits (Know what); connaissances168


scientifiques (Know why); connaissances sur les rapports sociaux (Know who); connaissancessur les capacités à faire une tâche (Know how). Une classification quasi analogue à laprécédente a été proposée par Alavi et Leidner (1999) : connaissances déclaratives (Knowabout); connaissances procédurales (Know how); connaissances causales (Know why);connaissances conditionnelles (Know when); connaissances relationnelles (Know with). Letableau ci-après illustre cette diversité.Type de connaissances CaractéristiquesConnaissancesdéclarativesEnglobent l’ensemble des connaissances concrètes (Anderson J.R., 1983). Elles sont une voie supplémentaire pour découvrir denouvelles pratiques professionnelles.Correspondent aux connaissances tacites, implicites (Cohen etConnaissancesprocéduralesBacadayan, 1996). Elles sont acquises par l’apprentissage sur letas. D’après Nonaka et Takeuchi (1995), les connaissances tacitessont difficilement transférables.Correspondent aux connaissances scientifiques (axiomatiques).Elles s’efforcent d’expliquer les causes finales d’un évènement(Sackmann, 1992). Elles permettent également de comprendrepourquoi il existe des différences entre cultures (Smida, N., 2003).Connaissances causales A titre d’illustration, la culture d’entreprise permet de dépasser cesdifférences culturelles (Fondanaiche E., 2006). Chemin faisant,l’apprentissage seul n’est plus suffisant et il faut alors songer àapprendre à apprendre c’est-à-dire comprendre comment acquérirde nouveaux comportements (Lorrain N. et Sylvestre, 1999).Précisent les conditions d’application des connaissancesConnaissancesconditionnellesdéclaratives et procédurales (Smida N., 2003). A titre d’exemple,le choix du moment d’application d’une nouvelle connaissance parles expatriés ou les jeunes diplômés formés à l’étranger estdécisif « timing ».De manière générale, le travail, les stages et les rencontres qui seConnaissancesrelationnellesfont à l’étranger permettent de développer un réseau international.Ce réseau a un impact positif et très important sur l’acquisition etle transfert des connaissances (Smida, N., 2003, 2006).Typologie des connaissances développées dans le cadre de la mobilité internationaleEn guise d’extrapolation, Pitfield M. (1998) préconise certaines compétences pour devenir unmanager international ; à savoir : une connaissance pluri-culturelle, une véritable expériencemulticulturelle, accepter la mobilité, la sensibilité et la flexibilité culturelle, la connaissancedes langues et la maîtrise de l’informatique comme outil de communication. De manièregénérale, ces compétences se conforment avec les connaissances acquises par les jeunesdiplômés formés à l’étranger notamment dans certains domaines.1.2. Les défis stratégiques de la gestion des connaissancesD’après Ermine J. L. (2003, p.21) « la véritable révolution de la gestion des connaissances estla prise de conscience que l’entreprise détient un capital de connaissances qui lui est propre etqui est une ressource précieuse et stratégique ». Cette ressource stratégique est un élément cléet un enjeu majeur pour garantir un avantage compétitif à long terme (Drucker, 1993). Selon(Reix, 1995), « la connaissance détenue par une entreprise est un élément majeur de sonavantage concurrentiel ». De ce fait, la gestion des connaissances est un processus de création169


de valeur qui s’appuie sur l’intégration des connaissances actuelles à l’intérieur desorganisations (Wiig, 1997).Les recherches en sciences de gestion ont abordé deux types de connaissances : lesconnaissances tacites et les connaissances explicites (Nonaka, 1991; Polanyi, 1966). Sur leplan stratégique, Ermine J. L. (2003, p.21) énumère trois défis stratégiques de la gestion desconnaissances : la capitalisation des connaissances, le partage des connaissances et la créationdes connaissances. Le tableau ci-après en présente les principales caractéristiques.Défis stratégiquesde la gestion des CaractéristiquesconnaissancesLe mot capitalisation est dérivé du mot « capital ». Il s’agitd’accumuler ce capital pour le valoriser par le stockage, lapréservation, la protection et le maintien de son niveau de valeur.Quant à la capitalisation des connaissances, il est très délicat d’attribuerCapitalisation desconnaissancesla même formule à ce concept managérial. Sur le plan stratégique, lacapitalisation des connaissances se manifeste sous forme de « savoir ceque l’on sait ». Il correspond à l’analyse du patrimoine de l’entreprisedans ce qu’il a de valorisable, le structurer, le rendre visible etaccessible, le stocker de manière sûre, faire en sorte qu’il ne sedéprécie pas.Partage desLe partage des connaissances ne se réduit pas à faire circuler dedifférentes informations. Il s’agit d’une fertilisation croisée entre lesdivers acteurs de la connaissance en développant leur collaboration etleurs échanges. Au niveau stratégique, le partage des connaissancess’oriente vers la notion de « passer de l’intelligence individuelle àconnaissances l’intelligence collective ». Il se met en œuvre en faisant « collaborer lesacteurs du savoir dans des objectifs communs, répondant aux finalitésde l’entreprise, afin d’optimiser l’apport des connaissances à laproduction de l’organisation ».Création desAfin de créer et/ou acquérir de nouvelles connaissances, les firmesmettent en place des stratégies adéquates pour atteindre cet objectif(Frimousse S. et Peretti J. M., 2005). Cependant, La création desconnaissances est une dimension qui s’est développée rapidement cesdernières années. Sa source de développement est fortement liée auconcept d’innovation. La capacité d’innovation d’une entreprise estconnaissances inhérente à sa capacité de création qui s’effectue par ses acteurs. De cefait, la créativité est une production de connaissances inspirées dupatrimoine de connaissances de l’organisation. Sur le volet stratégique,la création des connaissances correspond au terme « innover poursurvivre ». Il concerne la survie des entreprises « dans un marchéconstamment en mouvement, de plus en plus concurrentiel, en étantréactif, voire « proactif », et en étant constamment une force deproposition innovante dans son domaine de compétence ».Défis stratégiques de la gestion des connaissances (d’après Ermine J. L., 2003, p.22-23).1.3. Les politiques de recrutement et d’affectation du personnel international170


Dans le cadre du développement international des entreprises, la gestion de la relation entre lesiège social et ses filiales est devenue une donné majeure. Dès les années 1970, la composanteculturelle commencèrent à s’introduire dans des recherches académiques managériales demanière exponentielle. Les travaux de Schein E. H., (1983,1985), Hall E. T. (1976), HofstedeG. (1980, 1982), Trompenaars F., (1994), D’Iribarne P. (1986, 1989), et autres en témoignentsignificativement. De tels changements contextuels ont accéléré la période de la gestation dumanagement interculturel pour répondre aux enjeux et aux défis que posent la relation entre lesiège social de l’entreprise et ses filiales à l’étranger notamment au niveau d’affectation dupersonnel. D’après l’étude de Perlmutter H. V., (1969), quatre approches d’affectation dupersonnel se dégagent en décryptant les politiques des multinationales. Ces approchestiennent leur dénomination des modèles qui s’en inspirent : l’approche ethnocentrique,l’approche polycentrique, l’approche géocentrique et l’approche régiocentrique. Le tableau ciaprèsrésume les principales tendances de chaque approche.APPROCHES DE MANAGEMENT INTERNATIONALEthnocentrique Polycentrique Géocentrique RégiocentriqueSiège : décisions Filiales : traitées Interdépendance Interdépendancestratégiques par le siège globale régionaleSiège/filiales Filiales : pas ou comme despeu d’autonomie entitésnationalesMIRHCelui du paysd’originedistinctesBasée sur leparticularismelocaltransnationalrégionalGestion des Centralisée Décentralisée Globale RégionaleCarrières Carrière des (localement) Indépendante de Mobilité descadres du siège Expatriation : la nationalité cadres dans lesprivilégiée mot sanslimites d’unecontenu,région.Locaux : postesclés des filialesRares transfertsdes régions ausiège social.Résumé des quatre politiques d’affectation du personnel (Cerdin J. L., 1996, p.17).Opter pour une telle approche n’est pas une décision efficace pour toute entreprise. Denombreux facteurs interviennent pour déterminer et adopter la meilleure façon d’agir.Néanmoins, la confrontation de ces quatre approches avec une panoplie de fonctions et demétiers qui se développent à l’international permet de tirer quelques conclusions. D’aprèsPeretti J. M., Cazal D. et Quiquandon F., (1990, p. 55), il ne faut pas surestimer ledéveloppement du recrutement international notamment quand celui-ci opère dans des métiersoù des limites commerciales et culturelles jouent un rôle cruciale. Néanmoins,l’internationalisation des équipes dans certains domaines telle la recherche s’impose de plusen plus. L’internationalisation rapide des équipes opérant dans des métiers plus techniquestelle la finance s’explique par l’uniformité des outils et des pratiques au niveau international.Tandis que les métiers du marketing et du commerce nécessitent souvent des cadresoriginaires des pays sur lesquels ils travaillent. Par conséquent, la confrontation d’approches,de formations et de cultures différentes apparaît comme un facteur clé de succès (Peretti J. M.,Cazal D. et Quiquandon F., (1990, p. 55).171


1.4. Les entreprises opérant au Maroc et le recrutement des jeunes diplômésformés à l’étrangerAfin de mieux assurer la qualité d’un recrutement et rationaliser la manière d’agir, desarbitrages purement logiques s’imposent. Ils sont liés par exemple à des objectifs de coûts, detemps, de pyramide des âges, de compétences déjà disponibles ou à trouver (Louart P., 2002).A cet égard, de différentes méthodes sont mobilisées pour répondre aux besoins spécifiquesdes entreprises. Dans cette tendance, on constate, ces dernières années, l’émergence et ledéveloppement des forums de recrutement à l’échelle nationale et internationale. Sur le planinternational, jusqu’au début des années 1990, le recrutement paraissait limité (Peretti J. M.,Cazal D. et Quiquandon F.1990, p. 54). Pourtant, l’accélération du processus del’internationalisation des entreprises a valorisé la scène des professionnels sans frontières. Lemanagement des personnes au niveau international a accompagné ce changement à bonescient. De ce fait, l’émergence de nouveaux postes au sein de la fonction RH (direction de lamobilité internationale, direction de la diversité…) en témoigne parfaitement.Dans cette optique, le carrefour Maghrébin occupe la position leader de recrutement desjeunes diplômés maghrébins en Grandes Écoles et Universités françaises dans le cadre desactivités organisées annuellement par le Forum Rhône-Alpes (2006, 2010). A travers sesdifférentes éditions, davantage d’entreprises opérant dans le contexte marocain sont souventau rendez-vous de cet événement ; telles ONA, PROCTER & GAMBLE, OCP, ATTIJARI WAFABANK,BMCE BANK, BMCI, CRÉDIT DU MAROC, CRÉDIT AGRICOLE DU MAROC, ONCF, TOYOTA MAROC, ROYALAIR MAROC, LAFARGE MAROC, LYDEC, REGIE DES TABACS, CENTRALE LAITIÈRE, UNILEVER MAROC,GROUPE ADDOHA, ERNST & YOUNG..Etc. Dans cette tendance, l’internationalisation des politiquesde recrutement est devenue un enjeu crucial pour améliorer la performance des entreprises.D’après Peretti J.M., Cazal D. et Quiquandon F. (1990, p.55), la politique de recrutement doitprivilégier les candidats, jeunes diplômés, jeunes cadres confirmés, ayant une ouverture et uneexpérience internationales. Elle doit également réserver une place aux compétences étrangèreset permettre d’attirer les meilleurs potentiels d’autres pays. Comme le confirme leur actionau-delà de leur frontière, cette politique est pratiquement adoptée par la majorité des grandesentreprises implantées au Maroc. Dans cette optique, Gabsi A., (2000, p.326) recommande lesentreprises privées du Maghreb d’admettre que leur recrutement des jeunes diplômés formés àl’étranger est investissement en soi, notamment dans des secteurs porteurs tels quel’immobilier et le tourisme, surtout quand il s’agit des diplômés de haut niveau.II. METHODOLOGIE ET COLECTE DES DONNÉES2.1. Choix méthodologiqueNous rappellerons que la problématique de notre recherche est d’explorer, d’identifier etd’expliciter les apports spécifiques des jeunes diplômés formés à l’étranger en termes dediversité de connaissances et de pratiques. Elle vise également à identifier l’intérêt porté parles responsables d’entreprise à leur égard dans le cadre d’un management international desRH responsable. Cependant, nous avons opté pour réaliser une étude qualitative quipermettrait de comprendre plus ce phénomène peu traité par la littérature. D’après brabet J.(1988), « Il est classique de lier l’exploration à une approche qualitative et la vérification àune approche quantitative ». Dans le cas où l’objectif est d’apprécier l’importance des thèmesdans le discours plutôt de la mesurer, l’approche qualitative offre plus de garantie sur lavalidité interne des résultats. Cette approche tolère au chercheur de bénéficier généralementd’une plus grande flexibilité dans le recueil des données (Thiétart R.A. et Coll., 2003).172


D’après Bentaleb Ch. (2002), l’étude exploratoire permet de circonscrire le problème, degénérer les hypothèses, de préciser la problématique et de clarifier certains concepts. Ainsi,une recherche exploratoire permettrait d’éviter de nombreuses entraves liées aux recherchesquantitatives (Igalens J. et Roussel P., 1998).2.2. Collecte des donnéesLa collecte des données s’est centrée sur des questions ouvertes. Les répondants sont appelésà éclairer leur point de vue sur différents axes liés à la mobilité internationale des jeunesdiplômés formés à l’étranger. Dans cette recherche, nous avons retenu les énoncés qui sont enrelation avec la thématique des 8 èmes Rencontres Internationales de la Diversité centrée surDiversité(s), RSE et Solidarité. L’aspect qualitatif de cette recherche a bien été entretenu afinde pouvoir tirer des orientations stratégiques principales des grandes entreprises opérant auMaroc. De ce fait, nous avons interrogé 32 experts et responsables d’entreprise. Lesinterviewés sont préoccupés par le phénomène du retour et d’intégration de ces catégoriessocioprofessionnelles. La collecte des données a été effectuée à partir des entretiens d’environune heure. Cependant, les interviewés ont fourni leurs pistes de réflexion inspirées desorientations stratégiques de leur entreprise.2.3. Technique d’analyse des entretiens : l’analyse de contenuD’après Bardin L. (1996, p.47), l’analyse de contenu est « un ensemble de techniquesd’analyse des communications, par procédures systématiques et objectives de description ducontenu des messages, à obtenir des indicateurs (quantitatifs ou non) permettant l’inférence deconnaissances relatives aux conditions de production/réception (variables inférées) de cesmessages ». Dit autrement, ce type d’analyse consiste à réduire les informations permettant deles catégoriser et de les mettre, ensuite, en relation. Cette procédure permet d’aboutir à unedescription ou une explication (Aktouf, 1992, Wacheux, 1996). Cependant, le recours àl’analyse de contenu peut être retenu à des finalités de comparaison, de description oud’explication. Les entretiens réalisés sont traités en appliquant la procédure de déchiffrementstructurel qui consiste à traiter entretien par entretien (analyse verticale). Ensuite, nous avonsprocédé à une analyse inter-entretiens (analyse transversale) comme le préconise la méthodede traitement des informations qualitatives (Bardin, 1996, Giannelloni et Vernette, 2002).III. RESULTATS DE L’ETUDEL’analyse de contenu nous a permis d’identifier les thèmes et les sous-thèmes permettant decomprendre mieux la diversité des connaissances et pratiques spécifiques des jeunes diplômésmarocains formés à l’étranger et d’identifier l’intérêt porté par les responsables d’entreprise àleur égard dans le cadre d’un management international des RH responsable. Cependant, nousavons mis l’accent plus sur les connaissances et les pratiques développées dans le cadre de lamobilité internationale. Ainsi, l’analyse thématique nous a permis de déterminer différentsaxes extraits des énoncés des interviewés.3.1. L’intérêt porté par les responsables d’entreprises à l’égard de la mobilitéinternationale des jeunes diplômés formés à l’étranger : participation aux forumsde recrutements organisés à l’étrangerDe manière concrète, les réponses obtenues manifestent une réelle attention portée par lesresponsables d’entreprises pour attirer et recruter les jeunes diplômés formés à l’étranger àtravers des actions concrètes ; « Ce qui est nouveau dans cette histoire, c’est que les173


ecruteurs et les responsables d’entreprise partent eux-mêmes à l’étranger à la recherche desjeunes ingénieurs et jeunes diplômés pour leur proposer des offres plus attractives »(Conseiller en Ressources Humaines). A titre d’exemple, les diplômés formés en France ontété les premiers à profiter des initiatives et de l’intérêt porté par les responsables d’entreprisesopérant au Maroc. De ce fait, « Leur participation à des rencontres et forums de recrutementen France par exemple date de plus de dix ans. Dernièrement, c’est Montréal qui a été ciblécomme endroit pour rencontrer les compétences marocaines de l’Amérique du nord.Maintenant, les recruteurs n’attendent plus le retour des marocains qui se forment ettravaillent à l’étranger. C’est là qu’il faut se poser la question sur l’ampleur du phénomène etsurtout sur les profils et les compétences recherchés par les recruteurs » (Conseiller enRessources Humaines). Ces démarches établies par les responsables d’entreprise trouvent deséchos chez les jeunes diplômés qui se trouvent à l’étranger qui se manifestent à travers leurvolonté de retourner travailler au Maroc ; « Personnellement, j’étais étonné lors de mapremière participation à un forum de recrutement organisé en France. Dernièrement, on estparti également au Canada pour rencontrer et, par la suite, recruter quelques jeunes pleinsd’enthousiasme et de volonté de retourner chez eux pour travailler » (Responsable derecrutement).3.2. L’importance du vécu à l’étranger dans la maîtrise des langues étrangères etle développement d’une synergie culturelleEtudier et vivre à l’étranger facilite l’apprentissage et la maîtrise de la langue du paysd’accueil. Vivre au quotidien dans un contexte linguistique différent du sien favorisel’acquisition de la langue de la population d’accueil ; « Tout le monde sait que la languefrançaise par exemple est indispensable pour occuper le moindre poste d’encadrement dansla plupart des entreprises au Maroc » (Conseiller en Ressources Humaines). En complémentdes acquisitions académiques et professionnelles, les jeunes diplômés formés à l’étrangeracquièrent et tirent d’autres bénéfices de leur mobilité internationale. Le vécu au quotidiendans des sociétés étrangères leur offre une opportunité exceptionnelle de se doter d’une visionplus large sur maints éléments de la société d’accueil. La rétention de ces acquisitions taciteset implicites est conditionnée par la volonté d’avoir une ouverture culturelle facilitantl’interaction et le contact positif ; « Certes, ils sont partis pour étudier, apprendre et seperfectionner professionnellement. Mais, ces aspects complémentaires (les apports del’ouverture sur les différents composants spécifiques du pays de formation) sont des élémentsà ne pas ignorer car ils font partie du surplus qui accompagne leur formation à l’étranger »(Responsable administratif et financier d’une institution bancaire).Les jeunes diplômés formés à l’étranger tirent en partie leurs forces du rayonnementinternational des pays où ils ont vécu leur mobilité internationale. Ce rayonnement valorise laqualité de leurs acquis notamment les acquis linguistiques ; « Ils profitent de la renomméeinternationale de ces pays après leur retour, en l’occurrence la qualité de formation etl’expérience professionnelle. Je peux vous confirmer aussi qu’il y a une autre réalité quiattire l’attention des recruteurs marocains en faveur de ces jeunes, c’est leur maîtrise dediverses langues surtout le Français, l’Anglais et l’Espagnol » (Conseiller en RessourcesHumaines). Dans cette optique, leurs acquis dépassent le développement du savoir-faire pourdévelopper un savoir-être aménagé à leur façon de concevoir les acquis ; « Ils acquièrent leurpremière expérience au sein des entreprises appartenant à de différentes cultures. Bien sûr,ils développent un savoir-faire qui a une valeur ajoutée majeure. Mais, ce savoir-faire estaccompagné d’un savoir-être inspiré des comportements et des attitudes appartenant à dedifférents modèles culturels. D’abord, c’est une richesse pour eux ; ils enrichissent leur174


culture d’origine par des éléments qui sont propres à des modèles culturels de ces pays».(Dirigeant d’entreprise).3.3. Les connaissances et pratiques acquises à l’étrangerDe façon générale, les qualités, les connaissances et les compétences développées dans lecadre de la mobilité internationale des jeunes diplômés formés à l’étranger sont très diverses :des compétences techniques, managériales, relationnelles et de communication,interculturelles, des compétences en ingénierie de pointe et en high-tech, des compétencescommerciales, l’ouverture d’esprit et la réactivité ; « Ils disposent de diverses compétences etqualités supplémentaires. Je peux vous citer par exemple ; des compétences techniques plusactualisées, des compétences managériales très avancées qui sont inspirées des travaux et despratiques européennes et américaines, des compétences relationnelles et de communication,des compétences interculturelles, des compétences en ingénierie de pointe et en high-tech, descompétences commerciales, ils sont dotés d’une ouverture d’esprit, de réactivité ; bref, descompétences et qualités très variées » (Conseiller en Ressources Humaines). D’autres qualitésattirent plus les convoitises des dirigeants d’entreprise au Maroc, telles : l’espritd’avancement, le travail par objectifs, l’actualisation de leur profil ; « Ils n’ont pas l’esprit destagnation et de rester dans leur poste et leur statut toute leur vie (…), ils renouvellentconstamment leurs objectifs en fonction des opportunités offertes ; ils gardent toujours leurscompétences et leur profil à jour. Cette attitude est utile, et pour eux et pour leur entreprise,car les entreprises procèdent souvent à des promotions pour créer le dynamisme au sein del’entreprise, et pour minimiser le recours au recrutement à l’externe de l’entreprise »(Conseiller en Ressources Humaines).Etudier et travailler à l’international permet également de développer d’autres qualitéspersonnelles et professionnelles. Sur le terrain, elles se manifestent par des actions etcomportements leur permettant d’être habile, enthousiaste, d’avoir un esprit d’initiative, d’êtreponctuel, rigoureux, méthodique, ouvert, responsable, flexible et d’avoir un esprit d’équipe ;« Et sur le terrain, ils sont plus débrouillards, plus enthousiastes. Quand ils se retrouvent faceà une situation nouvelle, ils essayent d’apporter leur réponse et leur solution avant de faireappel à un supérieur hiérarchique ou à leurs collègues de travail. L’esprit d’initiative semanifeste plus chez eux. Quant au respect des horaires, ils sont ponctuels, et le tauxd’absentéisme est très faible chez eux. Ils sont rigoureux, méthodiques, plus ouverts,responsables, flexibles, apportent du soutien à leurs collègues » (Chargé de recrutement). Cesqualités sont d’autant plus valorisantes qu’elles sont exprimées par les responsablesd’entreprise à maintes reprises. En plus, ces expressions sont tirées des conclusions faites surle terrain.En définitive, les compétences techniques et managériales, l’attachement au travail, le travaild’équipe, l’esprit d’équipe, l’écoute, l’esprit de responsabilité, l’esprit de dialogue etd’échange d’informations, ont été retenues pour signaler les différences existant entre laformation à l’étranger et la formation à l’intérieur de son pays d’origine ; « On peut citerd’autres valeurs et d’autres apports supplémentaires qui font la différence entre les jeunesdiplômés formés à l’étranger et les jeunes diplômés formés au Maroc tels les compétencestechniques bien maîtrisées et bien spécialisées liées à la qualité de la formation qu’ils ontacquis, les compétences managériales performantes et en parfaite qualité, les qualitéspersonnelles et professionnelles permettant d’aimer son travail, d’unifier l’équipe de travail,de rassembler les collègues de travail autour des valeurs assurant l’échange d’informationsutiles, le travail en équipe, écouter son collègue de travail, résoudre les conflits en favorisant175


le dialogue, s’impliquer dans son travail et veiller pour assurer sa responsabilité et non passeulement des tâches à effectuer » (Directeur Général).3.4. Le transfert des connaissances et pratiques développées à l’internationalL’introduction de meilleures pratiques permet d’alimenter l’entreprise par de nouvellesconnaissances et lui offrir, par la suite, une image attractive auprès de sa clientèle et àl’ensemble des parties prenantes ; « La valeur précieuse des compétences de ces jeunesdiplômés formés à l’étranger est bien réelle ; l’introduction de nouvelles pratiques, letransfert des connaissances et des qualités performantes, le développement d’un espritinterculturel et international et l’ancrage du travail par objectif » (Responsable de formationet Coach). Dans la même tendance, ils contribuent à l’amélioration des anciennes pratiquesdes entreprises en agissant sur le processus de l’apprentissage organisationnel à traversl’ajustement des pratiques techniques et managériales; « Il est à noter que ces jeunes diplômésformés à l’étranger ont un rôle très important dans l’amélioration des pratiques techniques etmanagériales des entreprises. Ils contribuent favorablement à l’apprentissageorganisationnel de ces entités économiques » (Consultant en Ressources Humaines).De manière générale le transfert et le partage des connaissances développées à l’internationalreste l’une des valeurs convoitées par les responsables des entreprises au Maroc. Leurprésence au sein des entreprises contribue favorablement au processus de l’apprentissageorganisationnel des entreprises à travers la création, le partage et la circulation desconnaissances. En plus, l’interaction de ces connaissances développées à l’international aveccelles de l’entreprise et des collègues formés localement permet de développer desconnaissances propres à l’entreprise ; « Dans un tel contexte chacun participe consciemmentou inconsciemment au partage et à la circulation des connaissances spécifiques qui ont étéacquises à l’étranger. L’interaction entre les connaissances locales et celles internationales àtravers la diversité du staff travaillant dans la même entreprise, permet aux entreprises decréer et de développer des compétences et des connaissances stratégiques propres à elles.Bref, ces gens stratégiquement parlant ont montré, à travers leur façon de s’impliquer, qu’ilsont leur poids dans l’apprentissage organisationnel au Maroc » (Consultant en RessourcesHumaines).Ce climat engendre une énergie supplémentaire contribuant à la réactivité et à la compétitivitédes entreprises. Dans le cas des secteurs caractérisés par une forte concurrence, le rôle desjeunes diplômés formés à l’étranger dans la création de nouvelles connaissances devient unfacteur stratégique. La mise en synergie de ces connaissances permet de créer desconnaissances et des compétences transversales et stratégiques. Ainsi, c’est tout le tissuéconomique du Maroc qui en tire des retombées avantageuses de cette création de richessescognitives ; « Ce qui nous intéresse plus c’est les nouvelles solutions et les nouvellespratiques qui font circuler dans l’entreprise par le biais de transfert de leurs connaissances àleurs collègues qui sont formés ici au Maroc. Je ne vous cache pas les intérêts apportés parles personnes qui reviennent de l’étranger pour notre entreprise, surtout qu’on a des cadreset des ingénieurs relativement jeunes dans différents départements qui ont étudié dansmultiples pays occidentaux. Chacun apporte sa contribution dans son domaine despécialisation. Et quand on fait croiser ces contributions multiples, on se trouve dans unclimat de création de nouvelles connaissances pour l’entreprise. C’est très bénéfique pournous surtout qu’on opère dans un secteur où la concurrence est morose et les clients sont trèsexigeants » (Chargé de recrutement).176


IV. DISCUSSION ET LIMITES DE RECHERCHES4.1. DiscussionL’enjeu porté par les entreprises opérant au Maroc sur ces catégories socioprofessionnelles seconfirme par des démarches entreprises notamment dans le cadre de la participation auxforums de recrutement qui s’organisent à l’étranger. Les résultats de notre étude qualitativeaffirment, de manière générale, l’importance exprimée par des acteurs opérationnels etstratégiques d’entreprise à l’égard de la diversité des connaissances et pratiques développées àl’étranger. L’intérêt porté à l’égard des jeunes diplômés marocains formés à l’étranger s’étendvers la quête du surplus culturel développé à l’international, des meilleures pratiques, dutransfert des connaissances et compétences les plus performantes et également et de lamaîtrise des langues des affaires. Chemin faisant, la maîtrise des langues internationales desaffaires reste un élément clé dans l’évaluation et l’audit de la mobilité internationale. Cettepratique consiste à porter un jugement sur les principaux éléments de la mobilitéinternationale des personnes (Cerdin J. L., 1999). L’adoption de cette attitude par lesresponsables d’entreprise au Maroc s’explique par le changement de l’environnementconcurrentiel. La nouvelle conjoncture contraint les acteurs économiques de faire face auxeffets de la mondialisation des économies et de l’internationalisation des entreprises. Danscette perspective, le rôle crucial du facteur culturel dans l’amélioration des pratiques et desperformances des entreprises occupe une position majeure dans notre analyse. Ceci s’expliquepar l’aptitude des jeunes diplômés formés à l’étranger à formuler des réponses aux défis etaux contraintes liées à l’environnement culturel national qui influe, selon le modèle proposépar Hofstede (1982), sur le style de direction des entreprises, la motivation des salariés, lesstructures, ainsi que sur la manière d’appréhender et de gérer l’incertitude au sein desorganisations. D’autres travaux ont largement analysé l’influence des différences nationalessur les styles de management des organisations notamment Trompeenaars (1993), Kluckhonet Strdtbeck (1961) et Hall (1976). Les compétences culturelles développées à l’internationalpourraient générer des réponses facultatives pour mieux concevoir et reformuler lacomposition de la culture d’entreprise en s’inspirant des best practices à l’échelleinternationale. Les managers s’inspirent de ces composantes culturelles pour mettre l’accentsur l’importance du facteur humain dans le processus de production ; à travers la mise enaction du processus d’acculturation planifiée visant à favoriser le développement del’entreprise (Berset A., et al., 2000).Les réponses portées sur les qualités spécifiques 76 des jeunes diplômés formés à l’étrangerfont l’objet d’une interprétation plus rigoureuse. De tels actes s’expliquent en partie par latransformation des données économiques et environnementales. La nouvelle conjonctureoblige les responsables d’entreprises d’être armées d’une cohorte de compétences stratégiquespour renforcer leur compétitivité et leur performance. Ces valeurs se convergent avec lesexigences du contexte actuel des entreprises au Maroc. Les entreprises ont tendance àvaloriser, de plus en plus, leur politique de développement des meilleures pratiques, enl’occurrence le développement des compétences. D’après l’étude menée par DIORH (2004) surla fonction Ressources Humaines au Maroc, on constate que 85,4% des entreprises implantéesau Maroc ont déclaré que le développement des compétences est un enjeu actuel contre 27,2%ayant considéré que la mise en œuvre du développement des compétences sera ultérieurementmis en pratique dans le cadre de la politique générale de leur entreprise.76 Elles sont à l’origine de leur contact avec des cultures étrangères, des modes particuliers d’organisation dutravail, des conceptions différentes de l’autorité et de la prise de décision dans les entreprises et lesadministrations (Geisser V. et Ben Sedrine S., 2000).177


Par conséquent, la convergence des tendances et des intérêts entre les responsables desentreprises au Maroc et les jeunes diplômés formés à l’étranger pourrait aboutir audéveloppement d’un Management International des Ressources Humaines Responsable auMaroc. Il s’alimente en permanence par des pratiques les plus performantes à l’échelleinternationale. Cette conception sera d’autant plus valorisante qu’elle s’étend à d’autrescatégories socioprofessionnelles plus expérimentées et plus talentueuses. Dans la mêmetendance, la convergence qui se développe au Maghreb, en l’occurrence le Maroc, sousdifférentes formes engendre des pratiques qui renvoient à un modèle nommé « glocal » ausens de Louart P. et Scouarnec A. (2005). Sous l’effet de la conjoncture contextuelle, cemodèle est jugé profondément adapté aux entreprises maghrébines. Son intérêt porte sur unecohabitation exclusive du modèle global et du modèle local. Au sein du modèle glocal, onassiste à des pratiques prenant en considération les impératifs d’une économie globalisée,mondialisée et la spécificité du contexte et des facteurs locaux.4.2. Limites et perspectivesNotre étude vise à explorer la diversité des connaissances et pratiques spécifiques des jeunesdiplômés formés à l’étranger dans le cadre d’un management international des RHresponsable à travers le discours des responsables d’entreprise au Maroc. Néanmoins, cetravail possède quelques limites qu’il convient de dévoiler.L’investigation empirique s’est centrée 32 entretiens auprès des responsables d’entreprise. Ilaurait été préférable d’élargir la taille de l’échantillon en interrogeant les jeunes diplômésmarocains formés à l’étranger pour que la représentativité soit fiable. Il aurait été souhaitablede porter plus de précision sur d’autres éléments de l’enquête. Cela pose, également, uneinterrogation sur la validité externe. De plus, Il aurait été important de segmenter plus lechamp d’étude afin d’apporter plus d’éclairage sur le sujet étudié. De ce fait, les résultatsobtenus restent relatifs et non significatifs concernant ce travail de recherche.Dans une étude future, nous prendrons en considération ces limites afin de mener à biend’autres travaux et éléments de recherche : enrichir les notions conceptuelles et apporter plusde richesses et de précisions au cadre empirique.CONCLUSIONPosséder les connaissances requises au moment adéquat contribue parfaitement à laperformance des entreprises. Au Maroc, l’intégration des jeunes diplômés formés à l’étrangerest une pratique très convoitée par certaines entreprises. Ce constat est bien le cas du Percal-Développement, qui s’est implantée à Rabat en 2003, spécialisée dans le Support Techniquelogiciel et l’ingénierie informatique. Le personnel formé à l’étranger de cette entrepriseconstitue près de 80% de son effectif (Mouaatarif Y., 2006). A titre d’illustration, lephénomène du développement de la formation à l’étranger destiné aux jeunes diplômés estune méthode précédemment mise en pratique par le groupe REXEL (Lesaux A., 2006).Lors de leur séjour à l’étranger, les jeunes diplômés marocains acquièrent et développent denouvelles connaissances. Après leur retour, ils pourraient générer de nouvelles approches etde contribuer à l’amélioration des pratiques des entreprises intégrées. La transformation desconnaissances individuelles en connaissances organisationnelles se concrétise en présence de178


motivation de la part des jeunes diplômés et d’engagement de la part des entreprises (Smida,N., 2003).En effet, la substance de la présente recherche illustre la volonté des entreprises opérant auMaroc de contribuer au développement d’un management international des RH responsablevia l’intégration progressive des pratiques internationales responsables et plus performantes.Les jeunes diplômés formés à l’étranger disposent des qualités, connaissances et compétencesspécifiques. Ils occupent une place importante qui leur permet de fournir des réponsesadaptées au changement opérationnel, voire stratégique pour faire face à l’introduction etl’application des pratiques performantes dites « best practices ». En d’autres termes, lescadres confirmés, les jeunes cadres et les jeunes diplômés formés à l’étranger constituent unfacteur crucial au cœur de cet aménagement managérial. L’enjeu porté sur les jeunes diplôméssera plutôt stratégique et compétitif qu’opérationnel sous réserve de déployer des profilsadéquats aux besoins et aux attentes majeures du monde des entreprises au Maroc. Parconséquent, faire réussir ce défit managérial à grande échelle est un enjeu qui ne répond passeulement aux acteurs dirigeants, mais à l’ensemble des parties prenantes. Par conséquent,cette vision pourrait s’inscrire dans le cadre d’un management responsable des ressourceshumaines en intégrant les connaissances et pratiques spécifiques développées à l’internationaldans la politique des RH et de l’audit social au Maroc.BIBLIOBRAPHIEAktouf O., (1987), « Méthodologie des sciences sociales et approche qualitative desorganisations », Presse de l’Université du Québec.Alavi M. et Leidner D., (1999), « Knowledge management and knowledge managementsystems: Conceptual Foundations and Research issues », Working Paper INSEAD.Anderson J. R., (1983), « The architecture of cognition », Cambridge, Massachusetts:Harvard University Press.Baayoud M. et Zouanat H., (2006), « Evolution de la Fonction Ressources Humaines auMaroc », In SILVA F., (Coord.), Collection « Méditerranéité », Editions Euromed Marseille.Baayoud M., (2005), « La gestion des ressources humaines au Maroc »,», in Yanat Z. etScouarnec A. (coord.), « Perspectives sur la GRH au Maghreb » Vuibert, pp. 85-92.Bardin L., (1996), « L'analyse de contenu », PUF, 8ème Edition, Paris.Bensouda L., Bouzoubaa M., Kadiri H. et Khalil A., (2006), « Retour au Maroc », Enquêteréalisée par l’association MarocEntrepreneurs, Octobre.Bentaleb Ch., (2002), « La motivation des cadres dans l’entreprise marocaine », UniversitéCadi Ayyad, Marrakech, Maroc.Berset A., Weygold S. –A., Crevoisier O. et Hainard F., (2000), « Main–d’œuvre étrangèreet diversité des compétences : quelle valorisation dans l’entreprise », L’Harmattan, paris.Brabet J., (1988), « Faut-il encore parler d’approche qualitative et d’approchequantitative ? », Recherches et Applications en Marketing, Vol.3, n° 1, pp. 75-89.Bück J. Y., (1999), « Le management des connaissances : Mettre en ouvre un projet deknowledge management », Editions d’Organisation, Paris.Cerdin J. L., (1999), « Expatriés dans le monde : audit de la performance », Personnel, N°397, pp.41-48, Février-Mars.Cerdin J. L., (1996), « Mobilité internationale des cadres : adaptation et décisiond’expatriation », Thèse de doctorat en Sciences de Gestion, Université Toulouse 1.Cohen M. D et Bacdayan P., (1996), « Organizational Routines are stored as proceduralMemory: Evidence from a laboratory Study », in: MD. Cohen and L.S. Sproull (eds.),Organizational learning, London:Sage publications, PP.403-429.179


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Manager la diversité dans le monde du travail :La gestion des cadres étrangers dans les entreprises FrançaisesAuteurFouad FARESDoctorant à l’ IAE de CorteAvenue Jean Nicoli BP 52 –20250- Corte - FranceFares.fouad@gmail.comRésuméL’internationalisation est devenue une option stratégique difficilement évitablepour les entreprises qui veulent conserver et développer leurs avantagescompétitifs. Les entreprises recherchent et intègrent des cadres étrangers pourdévelopper leurs stratégies globales ou pour répondre à des besoins denouvelles compétences l’intérêt des responsables d’entreprises pour l’étude duphénomène de l’intégration des cadres étrangers dans l’entreprise est donccroissant.La diversité est devenue donc un sujet prioritaire pour les entreprises. Lemanagement de la diversité concourt également à la performance del'entreprise: elle permet en effet d’optimiser la gestion des compétences eninterne et de fidéliser les salariés. Elle nourrit la capacité d'innovation del'entreprise, lui permet de répondre aux attentes d'une clientèle de plus en plusdiversifiée, et contribue à améliorer sa réputation.Le management de la diversité consiste à connaître et reconnaître lesspécificités de chaque salarié, et de promouvoir des politiques tenant comptede ces spécificités dans l'organisation de l'entreprise.Cette recherche empirique examine les facteurs déterminants de l’intégrationde cadres étrangers dans l’entreprise. Ceux-ci nous permettra ensuited’analyser les problèmes rencontrés et de discuter les mesures et solutions quipeuvent favoriser l’intégration de cadres étrangers dans l’entreprise.Mots clés : Intégration, Mobilité, Diversité.182


IntroductionLe travail est un lieu fondamental d’insertion sociale, de manière générale mais plus encorepour les migrants puisqu’il constitue pour eux le lieu premier de légitimation de leur présencedans leur nouveau contexte, la société d’immigration (Sayad 1991). Mais le lieu de travail estégalement un levier d’insertion sociale important puisque s’y tissent des relations, s’yapprennent les codes, s’y créent des statuts sociaux.Ces constats doivent nous amener à nous intéresser davantage à l’importance que le lieu detravail a pour l’intégration et la prévention des tendances à la désintégration des migrants. Or,si la place de travail comme important lieu d’intégration est admise, il n’existe pratiquementaucune étude qui s’intéresse à la façon dont se fait cette intégration. Pourtant, on peut partir del’idée qu’une bonne intégration des cadres étrangers sur le lieu de travail favorise leursatisfaction personnelle et leur insertion sociale tout en contribuant à améliorer lefonctionnement de l’entreprise (par exemple par une motivation accrue, une diminution desconflits due à un meilleur climat de travail, un fléchissement du taux de rotation du personneletc.).Ces individus mobiles, sont considérés comme faisant preuve d'un sens de l'ouverture, d'uneréelle curiosité envers l'autre, voire même d'un certain courage quand le degré d'altérité àfranchir est très élevé ou quand les conditions de la mobilité sont dangereuses.Enfin, on leur attribue une capacité d'adaptation et de compréhension des situations. En effet,il s'agit pour eux d'habiter temporairement ou plus longuement des lieux qui leur sont a prioriinconnus et dont ils doivent intégrer les coutumes.La migration d'actifs étrangers formés et hautement qualifiés est un phénomène ancien. Ilconnaît aujourd’hui un développement particulier. Le développement de ce phénomènes’explique par des facteurs inhérents à l’environnement professionnel, économique, social etpolitique. D’aucuns distinguent trois formes de migration intellectuelle (Moatassime, 2000): la migration de convenance, réalisée par des diplômés issus de familles privilégiées,qui sert souvent à préparer un retour plus prometteur au pays. La mobilitéinternationale permet au cadre de progresser dans sa carrière, de développer sescompétences. Elle favorise transfert de connaissances (Inkson et al., 1997) etd’expertise (Cerdin, 2004); la migration de nécessité, intéressant les diplômés issus de familles modestes, frappéspar le chômage. Leur migration est considérée par certains comme une bouée desauvetage eu égard à l’incapacité des marchés nationaux à les employer; la migration de recherche scientifique, engendrée par l’existence d’un environnementdéfectueux qui se prête souvent mal à une recherche de niveau international.L’intégration des cadres à l’international passe par l’adaptation (Berset et al., 2000). Laréussite des cadres étrangers sur le lieu du travail passe essentiellement par une intégration.Les entreprises doivent donc comprendre les différents éléments influant sur l’intégration decadres étrangers.183


De ce fait l’objectif de notre étude est de mettre en lumière ce phénomène. Notre propos estde porter le regard sur les pratiques de l’intégration adoptées par les entreprises. Une autrepartie est consacrée à une étude réalisée au deuxième semestre 2011 en France auprès decadres d’origine maghrébine.Manager la diversité interculturelle apparaît un élément principal de l’intégration.1- Les cadres étrangers dans la littératureLe terme de cadre pourrait également sembler inadéquat. Parler de cadres étrangers est unparadoxe quand on sait que la catégorie doit à l’histoire des rapports sociaux français (LucBoltanski, 1992). Le terme correspond à un mode de représentation du mode social spécifiqueà l’hexagone et reste strictement intraduisible dans les autres pays (Michel Pinçon et MoniquePinçon-Charlot, 1992).Il faut certes tenir compte de l’importance sociale de la catégorie de manager, une notionutilisée par les Anglo-saxons, parce qu’il s’agit là d’un des aspects de la diffusion d’uneculture internationale. Cependant, si l’on se réfère aux positions dans les entreprises parexemple, le terme de manager semble d’un usage aussi flou que celui de cadre, et n’apportedonc pas beaucoup en précision.On a préféré s’en tenir au terme de cadre parce qu’il présente à nos yeux deux avantages. Lepremier avantage c’est que le terme évoque aujourd’hui presque immédiatement une réalitésociale qui ne va pas de soi et le deuxième avantage c’est qu’il conduit à situer la populationpar rapport aux systèmes de classification français, et donc dans l’espace social français.Les cadres sont souvent considérés à priori comme une entité homogène. Bournois (1991)exprime la notion de cadre en termes historiques et sociologiques, et fait apparaître différentesdéfinitions. Pierre (1994) définit la notion de cadre en ces termes :« Une première définition limite le titre du cadre aux membres dupersonnel qui exercent une fonction de commandement. Une autredéfinition, sans rejeter la première englobe tous ceux qui remplissent unefonction demandant un niveau de formation supérieure ou uneexpérience équivalente. Ceci permet d’englober les fonctionnels parmiles cadres, en raison de leur implication dans l’élaboration et ledéveloppement des politiques et stratégies, ainsi que de leur autorité decompétence. »Notons qu’en français, le terme « cadre » ne représente pas une fonction, mais plutôt un statut.Le statut de cadre est associé à un poste avec un certain niveau de responsabilité, que le postesoit de management ou de haut niveau technique, qu’il requière, ou non, des capacitésd’encadrement des hommes.Pour notre étude, on va s’intéresser aux cadres selon cette dernière définition, on vas’intéresser donc aux cadres qui exercent une responsabilité importante d’encadrement ou dehaut niveau technique.184


2- La spécificité des cadres étrangersLe cadre étranger peut être caractérisé et défini au regard de ce qui le distingue des autrescadres nationaux. D’après la littérature, il existe deux facteurs qui sont très importants quicaractérisent le cadre immigré, il s’agit de la distance géographique et l’environnementsocioculturel international.La distance géographique oblige le cadre étranger à avoir une bonne volonté et une grandecapacité de prendre des décisions sans l’appui de personne.Les caractéristiques socioculturelles du pays d’accueil et du pays d’origine du cadre étantdifférentes, donc il peut exister un risque d’incapacité d’intégration pour le cadre étranger.Ces deux facteurs influent sur la fonction du cadre étranger et nécessitent de sa part desqualités particulières et différentes de celles qui sont requises dans un environnement national.On peut noter autres facteurs qui distinguent le cadre étranger des autres cadres nationauxpar : Sa nationalité étrangère et la durée d’affectation dans le poste. Son initiative d’acquérir une expérience étrangère.3- Notion de l’intégration sur le lieu de travailQuand on parle de l’intégration au travail, deux dimensions se présentent. Premièrementl’accès à l’emploi et deuxièmement l’intégration sur le lieu de travail.Dans ce papier on va s’intéresser à l’intégration dans les entreprises en enquêtant auprès decadres étrangers déjà insérés professionnellement.Nous avons définit l’intégration sur le lieu de travail comme suit :l’adaptation réciproque entre les migrants et leur nouveau cadre de travail, tellequ’elle se manifeste par le biais des relations interpersonnelles, du climatorganisationnel, des conflits (Marsan, 2005) et des modes de communication(Kostenbaum et Ricci 2001:22) ;la reconnaissance de la légitimité de leur présence dans l’entreprise et la société(Berset et al., 2001);la parité de traitement et d’opportunités.4- Méthode de recherche4.1- ProblématiqueDe nombreux travaux de recherche ont étudié l’adaptation interculturelle des expatriés(Parker et McEvoy 1993; Cerdin 1999; Waxin 2000; Yamazaki et Kayes 2005), le185


management interculturel (Brameyer et Mayrhofer 2002 ; Meier 2004). Néanmoins, peu derecherches ont exploré les facteurs d’adaptation des étrangers (Inkson 1997; Suutari etBrewster 2000, 2003 ; Selmer 2002 ; Abdeljalil et Dine, 2005). La plupart de ces recherchesont basées sur les motivations pour une expérience étrangère. Or, il semble nécessaired’approfondir le phénomène de la réussite d’intégration de cadres étrangers dans lesentreprises françaises.Les recherches menues sur la socialisation organisationnelle affirment qu'une fonctionessentielle de la socialisation est de créer chez les membres un sentiment de loyauté etd'engagement envers leur organisation (Schein, 1968). La socialisation a des implicationsnombreuses sur les attitudes et les comportements des employés : performance au travail,satisfaction, loyauté organisationnelle, implication (Jones, 1986), perception des conflits etdes ambiguïtés de rôle (Ashforth & Saks, 1996). Néanmoins, la socialisation n'est pas unprocessus que l'organisation contrôle entièrement. En effet, les individus y jouent un rôleessentiel (Jones, 1983).D’une manière générale, la socialisation c’est un processus par lequel le cadre étrangers'intègre à l'environnement social et assume son rôle dans l’organisation.D’où l’intérêt d’étudier la dimension personnelle et donc les procédures d’intégrationindividuelles.4.2- Les variables explicatives de l’intégrationLa littérature sur l’intégration interculturelle retient trois facettes : l’intégration au travail,l’intégration à l’interaction et l’intégration générale. Le modèle de recherche présenté retienttrois groupes de variables : Communication, Formation et Reconnaissance et Politiqued’entrepriseLa communication est abordée selon cinq points : Autonomie dans le rôle, conflits de rôle,soutien du supérieur, soutien des collègues et maîtrise de la langue. La variable Formation etReconnaissance contient cinq sous variables : Expérience professionnelle, reconnaissance desacquis professionnels, acquisition de l’information accès à la formation et le respect descultures. La dernière variable c’est la Politique d’entreprise qui est abordée selon deux points :Gestion de conflits et l’organisation du travail.CommunicationPolitique d’entrepriseIntégrationFormation&Reconnaissance186


4.3- MéthodologieCompte tenu du grand nombre de cadres d’origine étrangère travaillant ou souhaitanttravailler en France, nous avons choisi cette population à forts enjeux pour mener notrerecherche.Parmi les nombreuses techniques liées aux méthodologies qualitatives, notre choix s’est portésur l’entretien individuel. Ce dernier a pour fonction de mettre en lumière les aspects duphénomène auxquels le chercheur ne peut penser spontanément, et de compléter les pistes detravail suggérées par ses lectures.Nous avons mené des entretiens semi-directifs auprès des cadres étrangers travaillant dans desentreprises privées et publiques.Notre guide d’entretien est constitué des questions suivantes:Quelles sont les difficultés vécues dans votre organisation ?Quelles sont les stratégies que vous avez appliquées personnellement pour faciliter votreintégration ?Quelles sont les mesures que les entreprises mettent en place pour rendre l’organisation de lastructure de travail optimale? Ces mesures sont-elles favorables à l’intégration?Quels sont les principaux obstacles intrinsèques et culturels qu’il vous a fallu surmonter pourréussir votre intégration ?Notre échantillon fut de 25 cadres de différentes nationalités situé dans la tranche d’âge 25-40ans.Poste occupé Sexe Nombre TotalIngénieur InformatiqueHomme 7Femme 310ComptableHomme 3Femme 25Chef de rayon dans les grandes surfacesHomme 3Femme 25Responsable MarketingHomme 2Femme 13Employé de BanqueHomme 0Femme 22187


5- RésultatsL’analyse de contenu thématique réalisée a permis de dégager des éléments de réponse quantà la problématique retenue.CommunicationSur l’échantillon global, le test du modèle montre que les variables de communication(l’autonomie dans le rôle, conflits de rôle et le soutien organisationnel) sont des élémentsimportants pour l’intégration de cadres étrangers dans l’entreprise.« Dès mon entrée en poste, j'étais responsable d'un projet, et pourtant, on ne m'a pas assignéd'adjoint et cela a rendu plus difficile le processus initial d'intégration »« Décider dans votre travail et avoir une responsabilité, cela vous donne une grandemotivation ».« Mon supérieur a joué un rôle de premier plan en m'évitant d'être submergé par la tâche àaccomplir. Il m'a permis de m'initier aux aspects de ma nouvelle fonction ».Formation et ReconnaissanceLa réalité d’une personne ne s’arrête pas au seuil de l’entreprise où elle travaille. Si le lieu detravail est soumis à l’impératif de la production et fait donc en partie abstraction de ceséléments individuels, tout responsable des ressources humaines sait qu’on ne peut totalementignorer la dimension personnelle. Au contraire, la reconnaissance de l’individu et de sonapport est un facteur décisif de satisfaction pour le salarié, ainsi que de motivation pour lapoursuite de son travail. Ce besoin de reconnaissance est d’autant plus important quand latâche que l’on est amené à accomplir est répétitive et met peu en valeur la personnalité dutravailleur.« Je compte beaucoup sur mon expérience, c’est grâce à laquelle je me suis adaptérapidement».Il ressort clairement des discussions qui ont eu lieu dans le cadre de notre recherche que l’undes principaux obstacles qu’ils rencontrent les cadres étrangers cependant sur la route de leurintégration dans la vie professionnelle et, de manière spécifique, dans l’entreprise où ilstravaillent, concerne la reconnaissance des expériences, compétences et diplômes acquis avantleur arrivée en France. C’est-à-dire une partie du leur capital humain.« Il est nécessaire qu’une loi oblige les employeurs à informer les personnes de ce qu'est cefonds de formation auquel l'entreprise enlève. Et comme ces personnes peuvent profiter. ».« En ce qui concerne la formation, on est les dernier à en profiter ».« Je connais des gens qui ont eu des difficultés avec leur directeurs à cause de ces traditions.Quand on accepte quelqu’un, on doit l’accepter pour tout.».188


Politiques d’entrepriseNous nous sommes intéressés, dans le cadre des discussions qui ont eu lieu, à la manière dontsont perçus les conflits les plus fréquents, leurs sources et les manières de les gérer. Il est utilede mentionner que les thèmes qui sont abordés ici relèvent du conflit individuel.Nous avons donc vu que l’entreprise est un lieu dont les sources potentielles de conflits sontnombreuses, variées, et dont l’explication réside dans des variables culturelles et égalementstructurelles.Les cadres étrangers considèrent en effet que les conflits les plus fréquents sont liés à lacommunication et à des questions de statut dans l’entreprise.« Je crois que les grandes entreprises ont déjà une personne comme un psychologue du travailqui s’occupe psychologiquement des gens, de l’emplacement et d’essayer de créer uneharmonie. Je pense qu’il faut généraliser cela. Pour les petites entreprises, il n’y a pas besoind’être là toute la journée ».La politique générale d’entreprise exerce, nous l’avons donc vu, une influence importante surla création d’un climat de travail agréable et propice à la communication. De même, lamanière de gérer l’organisation du travail est un facteur extrêmement important pour lesconditions de travail et, partant, pour l’intégration des cadres étrangers dans l’entreprise.La manière dont est gérée la structure des services ou des équipes est un élément central dansle potentiel d’intégration offert au personnel.« Je pense que les employeurs doivent gérer leur personnel de façon à éviter beaucoup dechoses. Par exemple, j’ai un de cinq personnes dans un rayon et je fais très attention àéquilibrer les nationalités, sinon certaines personnes ne s’intègrent pas aux autres »6- Le management de la diversité et l’intégrationLes conditions sociales et économiques de notre époque font de la diversité dans un groupe detravail une composante inévitable.La diversité dans un groupe, une fois intégrée et gérée, peut avoir de nombreux effets positifspour l’entreprise tout particulièrement. En effet, une organisation internationale doit savoirtirer profit de son personnel diversifié. Le marché d’aujourd’hui rend nécessaire l’observationdes minorités.Par voie de conséquence, de plus en plus d’entreprises prennent au sérieux l’idée dediversifier leur personnel autant selon un point de vue démographique que psychologique ouencore culturel. La globalisation des marchés et de l’économie injecte en quelque sorte unediversité dans les entreprises. La diversité ne doit donc plus être aujourd’hui perçue commeun poids pour un groupe de travail, mais bien plus comme une caractéristique positive etenrichissante du groupe.189


La gestion de la diversité insiste sur la nécessite de connaître et reconnaître les spécificités dechaque salarié, et de promouvoir des politiques tenant compte de ces spécificités dansl'organisation de l'entreprise. Donc faire vivre la diversité doit nous amener à une bonneintégration de cadres étrangers et de personnels en générale dans l’entreprise.ConclusionIl est souhaitable d’améliorer les conditions qui permettent une meilleure intégration decadres étrangers dans les entreprises, cela influence directement sur les organisations.Les résultats de cette étude suggèrent que les cadres étrangers utilisent des stratégiesd'intégration en réponse aux procédures mises en place par l'organisationDans cette étude, on a pu identifier des facteurs déterminants de l’intégration des cadresétrangers en France : Communication, Formation et Reconnaissance, Politique d’entreprise etProcédures individuelles d’intégration.Cette étude sera poursuivie sur un échantillon d’entreprises plus large et particulièrement surles filiales des multinationales implantées en France.Les implications managériales de cette revue de littérature se situent surtout dans le domainedu recrutement et la gestion des cadres étrangers ou de toute personne concernée par laréussite de cadres étrangers sur le lieu de travail.D’autres études empiriques seraient utiles pour compléter notre démarche visant à étudier lesfacteurs qui ont conduits à une mauvaise intégration.BibliographieAbdeljalil M. et Dine S. (2005), Diversité culturelle : du conflit à l’avantage compétitif ?actes des 1 ère rencontres internationales de la diversité, IAE, Corte.APCE (Agence Pour la création d’Entreprises.) et MRH (Maghreb Ressources Humaines):«Création d’entreprise par les entrepreneurs issus de l’immigration : l’exemple desentrepreneurs d’origine maghrébine ».Collection Focus, avril. 2002.Arthur M.B., Khapova S.N., Wilderom C.P.M. (2005), « Career success in a boundarylesscareer world », Journal of organizational behavior, vol. 26, n°2, p. 177-202. Barmeyer C. etAshford, Susan J. & Black, J. Stewart. (1996), "Proactivity during organizational entry: theroleof desire for control", Journal of Applied Psychology, Vol.81, No.2, 199-214.Berset A., Weygold S., Cervoisier O. et Hainard F. (2000), Main-d’oeuvre étrangère etdiversité des compétences : quelle valorisation dans les entreprises? Paris,Montréal:L'Harmattan.Berset A., Weygold S., Cervoisier O. et Hainard F. (2001), La politique d’admission de lamain-d’oeuvre étrangère : désirabilité, acceptabilité, intégrabilité. Revue suisse de sociologie,Revue, 27, 1 : 117-129.Carr S.C., Inkson K., Thorn K. (2005), « From global careers to talent flow: Reinterpreting‘brain drain’ », Journal of World Business, vol. 40, n°4, p. 368-398.Cerdin J.L., Dubouloy M. (2005),« Expatriation et responsabilité sociale de l’entreprise : uneapproche psychanalytique », Revue de Gestion des Ressources Humaines, n°55, p. 36-56.190


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Développement d’un Management International des Ressources HumainesResponsable au Maroc via l’intégration des connaissances développées àl’étrangerABDELKARIM YAOUDOCTORANTIAE DE CORSEyaou@univ-corse.frJEAN MARIE PERETTIPROFESSEURESSEC BUSINESS SCHOOLIAE DE CORSEperetti@univ-corse.frRESUMEL’objectif de notre communication consiste en une contribution visant à explorer lesconnaissances et pratiques développées à l’international dans le cadre d’un managementinternational plus responsable des ressources humaines. L’internationalisation des entreprises,la mobilité internationale des acteurs et l’interaction des personnes appartenant à des universculturels différents ont fait émerger de nouvelles exigences en termes de connaissances, decompétences et de pratiques. De ce fait, l’ouverture sur la diversité des connaissances etpratiques des jeunes diplômés marocains formés à l’étranger revêt une réponse cruciale enmatière de la recherche de meilleures pratiques. Cette politique s’avère cohérente avec lechangement initié par le Maroc dans le cadre de la politique de l’ouverture sur le marchémondial qui s’accentue jour après jour.L’objectif de la présente communication est d’explorer et de comprendre la diversité desconnaissances et pratiques développées par les jeunes diplômés marocains formés àl’international. Des spécificités des acquis cognitifs seront mises en lumière notamment dansle cadre de la mobilité internationale. Elles seront explicitées par les responsables d’entrepriseau Maroc au travers d’une étude qualitative. L’étude porte également sur les démarchesentreprises pour les attirer et les intégrer par la suite.MOTS CLESManagement International des RH Responsable, jeunes diplômés formés à l’étranger,diversité des connaissances, Maroc.INTRODUCTIONCes dernières années, la Fonction Ressources Humaines a considérablement évoluée auMaroc. Néanmoins, cette évolution s’est traduite par une course à deux vitesses. De ce fait, unfossé s’est creusé entre les structures organisées et les structures non organisées (Baayoud M.193


et Zouanat H., 2006, Baayoud M., 2005). D’après les auteurs, l’évolution de la FRH au Marocse résume en 3 étapes majeures. La première concerne la période coloniale ; elle se caractérisepar une gestion d’une ressource humaine très flexible. La seconde étape s’étend del’indépendance aux années quatre-vingt dix ; elle se décrit par une dualité des pratiques deGRH. La troisième étape débute dans les années 1990 avec l’éclatement du modèle dual sousl’effet de la mondialisation.Cependant, les changements suscités par la mondialisation des économies etl’internationalisation des entreprises ont inventé de nouvelles règles pour que les entitéséconomiques restent compétitives sur le marché. Parmi ces règles, l’exigence de profils et deconnaissances à trait international. Les entreprises ont accompagné ces changements par lamise en œuvre des politiques de recrutement destinées spécifiquement aux profils dotés decomposantes internationales, en l’occurrence le Maroc. Dans cette perspective, la volonté desdeux protagonistes, entreprises et jeunes diplômés formés à l’étranger, se converge en termesdes actions entreprises. De ce fait, les entreprises au Maroc élaborent des politiques derecrutement destinées spécifiquement aux jeunes diplômés formés à l’étranger à travers laparticipation aux forums de recrutement organisés à l’étranger (ex. forum Rhône-Alpes,France). De leur part, les jeunes diplômés manifestent une volonté remarquable pour le retourau Maroc. D’après l’étude réalisée par l’association Maroc entrepreneurs (Bensouda L. et al.,2006), portée sur 1823 jeunes étudiants et diplômés marocains d’ailleurs, 86,40% envisagentde rentrer au Maroc. Pour ceux retournés au Maroc, l’étude apporte un éclairage sur leursatisfaction qui concerne 335 individus. En fait, 61,79% des sondés déclare leur satisfactionpar rapport à leur retour au Maroc au niveau personnel et professionnel.L’intérêt de notre recherche porte sur le rôle des jeunes diplômés marocains formés àl’étranger dans la contribution au développement des connaissances internationales au seindes entreprises au Maroc. Il porte également sur les actions adoptées par les entreprises pourles attirer et les recruter dans le cadre d’un management international des RH responsable. Cefaisant, la problématique de recherche a pour objectif d’explorer, d’identifier et d’expliciterles apports spécifiques des jeunes diplômés formés à l’étranger en termes de diversité deconnaissances et de pratiques. Elle vise également à identifier l’intérêt porté par lesresponsables d’entreprise à leur égard. Pour répondre empiriquement à cette problématique,nous avons interrogé 32 experts et responsables d’entreprise. Les interviewés sont préoccupéspar le phénomène du retour et d’intégration de ces catégories socioprofessionnelles. A titre deprécision, nous avons retenu les énoncés qui sont en relation avec la thématique des 8 èmesRencontres Internationales de la Diversité centrée sur Diversité(s), RSE et Solidarité.I.DIVERSITE DES CONNAISSANCES INTERNATIONALES ET POLITIQUEDE RECRUTEMENT DES JEUNES DIPLOMES FORMES A L’ETRANGER1.1. Diversité des connaissances développées à l’internationalLa notion de connaissance est étroitement liée à celle de compétence. Les définitionsclassiques renvoient le concept de compétence à l’ensemble des savoirs, savoir–faire etsavoir–être. La notion de savoir–faire englobe deux termes essentiels : le « savoir », qui estreprésenté par l’acquisition d’une forme de connaissance et le « faire », qu’est l’art de mettreen action cette connaissance au service d’un objectif déterminé (Bück J. Y., 1999, p.13). Cecheminement contribue à l’amélioration de la performance de l’organisation (Igalens etScouarnec, 2001).194


Les recherches menées sur la catégorisation des connaissances relevant de la mobilitéinternationale ont permis d’identifier une typologie diversifiée. Lundvall et Johnson (1994)ont retenu 4 types de connaissances : connaissances sur les faits (Know what); connaissancesscientifiques (Know why); connaissances sur les rapports sociaux (Know who); connaissancessur les capacités à faire une tâche (Know how). Une classification quasi analogue à laprécédente a été proposée par Alavi et Leidner (1999) : connaissances déclaratives (Knowabout); connaissances procédurales (Know how); connaissances causales (Know why);connaissances conditionnelles (Know when); connaissances relationnelles (Know with). Letableau ci-après illustre cette diversité.Type de connaissances CaractéristiquesConnaissancesdéclarativesEnglobent l’ensemble des connaissances concrètes (Anderson J.R., 1983). Elles sont une voie supplémentaire pour découvrir denouvelles pratiques professionnelles.Correspondent aux connaissances tacites, implicites (Cohen etConnaissancesprocéduralesBacadayan, 1996). Elles sont acquises par l’apprentissage sur letas. D’après Nonaka et Takeuchi (1995), les connaissances tacitessont difficilement transférables.Correspondent aux connaissances scientifiques (axiomatiques).Elles s’efforcent d’expliquer les causes finales d’un évènement(Sackmann, 1992). Elles permettent également de comprendrepourquoi il existe des différences entre cultures (Smida, N., 2003).Connaissances causales A titre d’illustration, la culture d’entreprise permet de dépasser cesdifférences culturelles (Fondanaiche E., 2006). Chemin faisant,l’apprentissage seul n’est plus suffisant et il faut alors songer àapprendre à apprendre c’est-à-dire comprendre comment acquérirde nouveaux comportements (Lorrain N. et Sylvestre, 1999).Précisent les conditions d’application des connaissancesConnaissancesconditionnellesdéclaratives et procédurales (Smida N., 2003). A titre d’exemple,le choix du moment d’application d’une nouvelle connaissance parles expatriés ou les jeunes diplômés formés à l’étranger estdécisif « timing ».De manière générale, le travail, les stages et les rencontres qui seConnaissancesrelationnellesfont à l’étranger permettent de développer un réseau international.Ce réseau a un impact positif et très important sur l’acquisition etle transfert des connaissances (Smida, N., 2003, 2006).Typologie des connaissances développées dans le cadre de la mobilité internationaleEn guise d’extrapolation, Pitfield M. (1998) préconise certaines compétences pour devenir unmanager international ; à savoir : une connaissance pluri-culturelle, une véritable expériencemulticulturelle, accepter la mobilité, la sensibilité et la flexibilité culturelle, la connaissancedes langues et la maîtrise de l’informatique comme outil de communication. De manièregénérale, ces compétences se conforment avec les connaissances acquises par les jeunesdiplômés formés à l’étranger notamment dans certains domaines.1.2. Les défis stratégiques de la gestion des connaissancesD’après Ermine J. L. (2003, p.21) « la véritable révolution de la gestion des connaissances estla prise de conscience que l’entreprise détient un capital de connaissances qui lui est propre etqui est une ressource précieuse et stratégique ». Cette ressource stratégique est un élément cléet un enjeu majeur pour garantir un avantage compétitif à long terme (Drucker, 1993). Selon195


(Reix, 1995), « la connaissance détenue par une entreprise est un élément majeur de sonavantage concurrentiel ». De ce fait, la gestion des connaissances est un processus de créationde valeur qui s’appuie sur l’intégration des connaissances actuelles à l’intérieur desorganisations (Wiig, 1997).Les recherches en sciences de gestion ont abordé deux types de connaissances : lesconnaissances tacites et les connaissances explicites (Nonaka, 1991; Polanyi, 1966). Sur leplan stratégique, Ermine J. L. (2003, p.21) énumère trois défis stratégiques de la gestion desconnaissances : la capitalisation des connaissances, le partage des connaissances et la créationdes connaissances. Le tableau ci-après en présente les principales caractéristiques.Défis stratégiquesde la gestion des CaractéristiquesconnaissancesLe mot capitalisation est dérivé du mot « capital ». Il s’agitd’accumuler ce capital pour le valoriser par le stockage, lapréservation, la protection et le maintien de son niveau de valeur.Quant à la capitalisation des connaissances, il est très délicat d’attribuerCapitalisation desconnaissancesla même formule à ce concept managérial. Sur le plan stratégique, lacapitalisation des connaissances se manifeste sous forme de « savoir ceque l’on sait ». Il correspond à l’analyse du patrimoine de l’entreprisedans ce qu’il a de valorisable, le structurer, le rendre visible etaccessible, le stocker de manière sûre, faire en sorte qu’il ne sedéprécie pas.Partage desLe partage des connaissances ne se réduit pas à faire circuler dedifférentes informations. Il s’agit d’une fertilisation croisée entre lesdivers acteurs de la connaissance en développant leur collaboration etleurs échanges. Au niveau stratégique, le partage des connaissancess’oriente vers la notion de « passer de l’intelligence individuelle àconnaissances l’intelligence collective ». Il se met en œuvre en faisant « collaborer lesacteurs du savoir dans des objectifs communs, répondant aux finalitésde l’entreprise, afin d’optimiser l’apport des connaissances à laproduction de l’organisation ».Création desAfin de créer et/ou acquérir de nouvelles connaissances, les firmesmettent en place des stratégies adéquates pour atteindre cet objectif(Frimousse S. et Peretti J. M., 2005). Cependant, La création desconnaissances est une dimension qui s’est développée rapidement cesdernières années. Sa source de développement est fortement liée auconcept d’innovation. La capacité d’innovation d’une entreprise estconnaissances inhérente à sa capacité de création qui s’effectue par ses acteurs. De cefait, la créativité est une production de connaissances inspirées dupatrimoine de connaissances de l’organisation. Sur le volet stratégique,la création des connaissances correspond au terme « innover poursurvivre ». Il concerne la survie des entreprises « dans un marchéconstamment en mouvement, de plus en plus concurrentiel, en étantréactif, voire « proactif », et en étant constamment une force deproposition innovante dans son domaine de compétence ».Défis stratégiques de la gestion des connaissances (d’après Ermine J. L., 2003, p.22-23).1.3. Les politiques de recrutement et d’affectation du personnel international196


Dans le cadre du développement international des entreprises, la gestion de la relation entre lesiège social et ses filiales est devenue une donné majeure. Dès les années 1970, la composanteculturelle commencèrent à s’introduire dans des recherches académiques managériales demanière exponentielle. Les travaux de Schein E. H., (1983,1985), Hall E. T. (1976), HofstedeG. (1980, 1982), Trompenaars F., (1994), D’Iribarne P. (1986, 1989), et autres en témoignentsignificativement. De tels changements contextuels ont accéléré la période de la gestation dumanagement interculturel pour répondre aux enjeux et aux défis que posent la relation entre lesiège social de l’entreprise et ses filiales à l’étranger notamment au niveau d’affectation dupersonnel. D’après l’étude de Perlmutter H. V., (1969), quatre approches d’affectation dupersonnel se dégagent en décryptant les politiques des multinationales. Ces approchestiennent leur dénomination des modèles qui s’en inspirent : l’approche ethnocentrique,l’approche polycentrique, l’approche géocentrique et l’approche régiocentrique. Le tableau ciaprèsrésume les principales tendances de chaque approche.APPROCHES DE MANAGEMENT INTERNATIONALEthnocentrique Polycentrique Géocentrique RégiocentriqueSiège : décisions Filiales : traitées Interdépendance Interdépendancestratégiques par le siège globale régionaleSiège/filiales Filiales : pas ou comme despeu d’autonomie entitésnationalesMIRHCelui du paysd’originedistinctesBasée sur leparticularismelocaltransnationalrégionalGestion des Centralisée Décentralisée Globale RégionaleCarrières Carrière des (localement) Indépendante de Mobilité descadres du siège Expatriation : la nationalité cadres dans lesprivilégiée mot sanslimites d’unecontenu,région.Locaux : postesclés des filialesRares transfertsdes régions ausiège social.Résumé des quatre politiques d’affectation du personnel (Cerdin J. L., 1996, p.17).Opter pour une telle approche n’est pas une décision efficace pour toute entreprise. Denombreux facteurs interviennent pour déterminer et adopter la meilleure façon d’agir.Néanmoins, la confrontation de ces quatre approches avec une panoplie de fonctions et demétiers qui se développent à l’international permet de tirer quelques conclusions. D’aprèsPeretti J. M., Cazal D. et Quiquandon F., (1990, p. 55), il ne faut pas surestimer ledéveloppement du recrutement international notamment quand celui-ci opère dans des métiersoù des limites commerciales et culturelles jouent un rôle cruciale. Néanmoins,l’internationalisation des équipes dans certains domaines telle la recherche s’impose de plusen plus. L’internationalisation rapide des équipes opérant dans des métiers plus techniquestelle la finance s’explique par l’uniformité des outils et des pratiques au niveau international.Tandis que les métiers du marketing et du commerce nécessitent souvent des cadresoriginaires des pays sur lesquels ils travaillent. Par conséquent, la confrontation d’approches,de formations et de cultures différentes apparaît comme un facteur clé de succès (Peretti J. M.,Cazal D. et Quiquandon F., (1990, p. 55).197


1.4. Les entreprises opérant au Maroc et le recrutement des jeunes diplômésformés à l’étrangerAfin de mieux assurer la qualité d’un recrutement et rationaliser la manière d’agir, desarbitrages purement logiques s’imposent. Ils sont liés par exemple à des objectifs de coûts, detemps, de pyramide des âges, de compétences déjà disponibles ou à trouver (Louart P., 2002).A cet égard, de différentes méthodes sont mobilisées pour répondre aux besoins spécifiquesdes entreprises. Dans cette tendance, on constate, ces dernières années, l’émergence et ledéveloppement des forums de recrutement à l’échelle nationale et internationale. Sur le planinternational, jusqu’au début des années 1990, le recrutement paraissait limité (Peretti J. M.,Cazal D. et Quiquandon F.1990, p. 54). Pourtant, l’accélération du processus del’internationalisation des entreprises a valorisé la scène des professionnels sans frontières. Lemanagement des personnes au niveau international a accompagné ce changement à bonescient. De ce fait, l’émergence de nouveaux postes au sein de la fonction RH (direction de lamobilité internationale, direction de la diversité…) en témoigne parfaitement.Dans cette optique, le carrefour Maghrébin occupe la position leader de recrutement desjeunes diplômés maghrébins en Grandes Écoles et Universités françaises dans le cadre desactivités organisées annuellement par le Forum Rhône-Alpes (2006, 2010). A travers sesdifférentes éditions, davantage d’entreprises opérant dans le contexte marocain sont souventau rendez-vous de cet événement ; telles ONA, PROCTER & GAMBLE, OCP, ATTIJARI WAFABANK,BMCE BANK, BMCI, CRÉDIT DU MAROC, CRÉDIT AGRICOLE DU MAROC, ONCF, TOYOTA MAROC, ROYALAIR MAROC, LAFARGE MAROC, LYDEC, REGIE DES TABACS, CENTRALE LAITIÈRE, UNILEVER MAROC,GROUPE ADDOHA, ERNST & YOUNG..Etc. Dans cette tendance, l’internationalisation des politiquesde recrutement est devenue un enjeu crucial pour améliorer la performance des entreprises.D’après Peretti J.M., Cazal D. et Quiquandon F. (1990, p.55), la politique de recrutement doitprivilégier les candidats, jeunes diplômés, jeunes cadres confirmés, ayant une ouverture et uneexpérience internationales. Elle doit également réserver une place aux compétences étrangèreset permettre d’attirer les meilleurs potentiels d’autres pays. Comme le confirme leur actionau-delà de leur frontière, cette politique est pratiquement adoptée par la majorité des grandesentreprises implantées au Maroc. Dans cette optique, Gabsi A., (2000, p.326) recommande lesentreprises privées du Maghreb d’admettre que leur recrutement des jeunes diplômés formés àl’étranger est investissement en soi, notamment dans des secteurs porteurs tels quel’immobilier et le tourisme, surtout quand il s’agit des diplômés de haut niveau.II. METHODOLOGIE ET COLECTE DES DONNÉES2.1. Choix méthodologiqueNous rappellerons que la problématique de notre recherche est d’explorer, d’identifier etd’expliciter les apports spécifiques des jeunes diplômés formés à l’étranger en termes dediversité de connaissances et de pratiques. Elle vise également à identifier l’intérêt porté parles responsables d’entreprise à leur égard dans le cadre d’un management international desRH responsable. Cependant, nous avons opté pour réaliser une étude qualitative quipermettrait de comprendre plus ce phénomène peu traité par la littérature. D’après brabet J.(1988), « Il est classique de lier l’exploration à une approche qualitative et la vérification àune approche quantitative ». Dans le cas où l’objectif est d’apprécier l’importance des thèmesdans le discours plutôt de la mesurer, l’approche qualitative offre plus de garantie sur lavalidité interne des résultats. Cette approche tolère au chercheur de bénéficier généralement198


d’une plus grande flexibilité dans le recueil des données (Thiétart R.A. et Coll., 2003).D’après Bentaleb Ch. (2002), l’étude exploratoire permet de circonscrire le problème, degénérer les hypothèses, de préciser la problématique et de clarifier certains concepts. Ainsi,une recherche exploratoire permettrait d’éviter de nombreuses entraves liées aux recherchesquantitatives (Igalens J. et Roussel P., 1998).2.2. Collecte des donnéesLa collecte des données s’est centrée sur des questions ouvertes. Les répondants sont appelésà éclairer leur point de vue sur différents axes liés à la mobilité internationale des jeunesdiplômés formés à l’étranger. Dans cette recherche, nous avons retenu les énoncés qui sont enrelation avec la thématique des 8 èmes Rencontres Internationales de la Diversité centrée surDiversité(s), RSE et Solidarité. L’aspect qualitatif de cette recherche a bien été entretenu afinde pouvoir tirer des orientations stratégiques principales des grandes entreprises opérant auMaroc. De ce fait, nous avons interrogé 32 experts et responsables d’entreprise. Lesinterviewés sont préoccupés par le phénomène du retour et d’intégration de ces catégoriessocioprofessionnelles. La collecte des données a été effectuée à partir des entretiens d’environune heure. Cependant, les interviewés ont fourni leurs pistes de réflexion inspirées desorientations stratégiques de leur entreprise.2.3. Technique d’analyse des entretiens : l’analyse de contenuD’après Bardin L. (1996, p.47), l’analyse de contenu est « un ensemble de techniquesd’analyse des communications, par procédures systématiques et objectives de description ducontenu des messages, à obtenir des indicateurs (quantitatifs ou non) permettant l’inférence deconnaissances relatives aux conditions de production/réception (variables inférées) de cesmessages ». Dit autrement, ce type d’analyse consiste à réduire les informations permettant deles catégoriser et de les mettre, ensuite, en relation. Cette procédure permet d’aboutir à unedescription ou une explication (Aktouf, 1992, Wacheux, 1996). Cependant, le recours àl’analyse de contenu peut être retenu à des finalités de comparaison, de description oud’explication. Les entretiens réalisés sont traités en appliquant la procédure de déchiffrementstructurel qui consiste à traiter entretien par entretien (analyse verticale). Ensuite, nous avonsprocédé à une analyse inter-entretiens (analyse transversale) comme le préconise la méthodede traitement des informations qualitatives (Bardin, 1996, Giannelloni et Vernette, 2002).III. RESULTATS DE L’ETUDEL’analyse de contenu nous a permis d’identifier les thèmes et les sous-thèmes permettant decomprendre mieux la diversité des connaissances et pratiques spécifiques des jeunes diplômésmarocains formés à l’étranger et d’identifier l’intérêt porté par les responsables d’entreprise àleur égard dans le cadre d’un management international des RH responsable. Cependant, nousavons mis l’accent plus sur les connaissances et les pratiques développées dans le cadre de lamobilité internationale. Ainsi, l’analyse thématique nous a permis de déterminer différentsaxes extraits des énoncés des interviewés.3.1. L’intérêt porté par les responsables d’entreprises à l’égard de la mobilitéinternationale des jeunes diplômés formés à l’étranger : participation aux forumsde recrutements organisés à l’étrangerDe manière concrète, les réponses obtenues manifestent une réelle attention portée par lesresponsables d’entreprises pour attirer et recruter les jeunes diplômés formés à l’étranger à199


travers des actions concrètes ; « Ce qui est nouveau dans cette histoire, c’est que lesrecruteurs et les responsables d’entreprise partent eux-mêmes à l’étranger à la recherche desjeunes ingénieurs et jeunes diplômés pour leur proposer des offres plus attractives »(Conseiller en Ressources Humaines). A titre d’exemple, les diplômés formés en France ontété les premiers à profiter des initiatives et de l’intérêt porté par les responsables d’entreprisesopérant au Maroc. De ce fait, « Leur participation à des rencontres et forums de recrutementen France par exemple date de plus de dix ans. Dernièrement, c’est Montréal qui a été ciblécomme endroit pour rencontrer les compétences marocaines de l’Amérique du nord.Maintenant, les recruteurs n’attendent plus le retour des marocains qui se forment ettravaillent à l’étranger. C’est là qu’il faut se poser la question sur l’ampleur du phénomène etsurtout sur les profils et les compétences recherchés par les recruteurs » (Conseiller enRessources Humaines). Ces démarches établies par les responsables d’entreprise trouvent deséchos chez les jeunes diplômés qui se trouvent à l’étranger qui se manifestent à travers leurvolonté de retourner travailler au Maroc ; « Personnellement, j’étais étonné lors de mapremière participation à un forum de recrutement organisé en France. Dernièrement, on estparti également au Canada pour rencontrer et, par la suite, recruter quelques jeunes pleinsd’enthousiasme et de volonté de retourner chez eux pour travailler » (Responsable derecrutement).3.2. L’importance du vécu à l’étranger dans la maîtrise des langues étrangères etle développement d’une synergie culturelleEtudier et vivre à l’étranger facilite l’apprentissage et la maîtrise de la langue du paysd’accueil. Vivre au quotidien dans un contexte linguistique différent du sien favorisel’acquisition de la langue de la population d’accueil ; « Tout le monde sait que la languefrançaise par exemple est indispensable pour occuper le moindre poste d’encadrement dansla plupart des entreprises au Maroc » (Conseiller en Ressources Humaines). En complémentdes acquisitions académiques et professionnelles, les jeunes diplômés formés à l’étrangeracquièrent et tirent d’autres bénéfices de leur mobilité internationale. Le vécu au quotidiendans des sociétés étrangères leur offre une opportunité exceptionnelle de se doter d’une visionplus large sur maints éléments de la société d’accueil. La rétention de ces acquisitions taciteset implicites est conditionnée par la volonté d’avoir une ouverture culturelle facilitantl’interaction et le contact positif ; « Certes, ils sont partis pour étudier, apprendre et seperfectionner professionnellement. Mais, ces aspects complémentaires (les apports del’ouverture sur les différents composants spécifiques du pays de formation) sont des élémentsà ne pas ignorer car ils font partie du surplus qui accompagne leur formation à l’étranger »(Responsable administratif et financier d’une institution bancaire).Les jeunes diplômés formés à l’étranger tirent en partie leurs forces du rayonnementinternational des pays où ils ont vécu leur mobilité internationale. Ce rayonnement valorise laqualité de leurs acquis notamment les acquis linguistiques ; « Ils profitent de la renomméeinternationale de ces pays après leur retour, en l’occurrence la qualité de formation etl’expérience professionnelle. Je peux vous confirmer aussi qu’il y a une autre réalité quiattire l’attention des recruteurs marocains en faveur de ces jeunes, c’est leur maîtrise dediverses langues surtout le Français, l’Anglais et l’Espagnol » (Conseiller en RessourcesHumaines). Dans cette optique, leurs acquis dépassent le développement du savoir-faire pourdévelopper un savoir-être aménagé à leur façon de concevoir les acquis ; « Ils acquièrent leurpremière expérience au sein des entreprises appartenant à de différentes cultures. Bien sûr,ils développent un savoir-faire qui a une valeur ajoutée majeure. Mais, ce savoir-faire estaccompagné d’un savoir-être inspiré des comportements et des attitudes appartenant à de200


différents modèles culturels. D’abord, c’est une richesse pour eux ; ils enrichissent leurculture d’origine par des éléments qui sont propres à des modèles culturels de ces pays».(Dirigeant d’entreprise).3.3. Les connaissances et pratiques acquises à l’étrangerDe façon générale, les qualités, les connaissances et les compétences développées dans lecadre de la mobilité internationale des jeunes diplômés formés à l’étranger sont très diverses :des compétences techniques, managériales, relationnelles et de communication,interculturelles, des compétences en ingénierie de pointe et en high-tech, des compétencescommerciales, l’ouverture d’esprit et la réactivité ; « Ils disposent de diverses compétences etqualités supplémentaires. Je peux vous citer par exemple ; des compétences techniques plusactualisées, des compétences managériales très avancées qui sont inspirées des travaux et despratiques européennes et américaines, des compétences relationnelles et de communication,des compétences interculturelles, des compétences en ingénierie de pointe et en high-tech, descompétences commerciales, ils sont dotés d’une ouverture d’esprit, de réactivité ; bref, descompétences et qualités très variées » (Conseiller en Ressources Humaines). D’autres qualitésattirent plus les convoitises des dirigeants d’entreprise au Maroc, telles : l’espritd’avancement, le travail par objectifs, l’actualisation de leur profil ; « Ils n’ont pas l’esprit destagnation et de rester dans leur poste et leur statut toute leur vie (…), ils renouvellentconstamment leurs objectifs en fonction des opportunités offertes ; ils gardent toujours leurscompétences et leur profil à jour. Cette attitude est utile, et pour eux et pour leur entreprise,car les entreprises procèdent souvent à des promotions pour créer le dynamisme au sein del’entreprise, et pour minimiser le recours au recrutement à l’externe de l’entreprise »(Conseiller en Ressources Humaines).Etudier et travailler à l’international permet également de développer d’autres qualitéspersonnelles et professionnelles. Sur le terrain, elles se manifestent par des actions etcomportements leur permettant d’être habile, enthousiaste, d’avoir un esprit d’initiative, d’êtreponctuel, rigoureux, méthodique, ouvert, responsable, flexible et d’avoir un esprit d’équipe ;« Et sur le terrain, ils sont plus débrouillards, plus enthousiastes. Quand ils se retrouvent faceà une situation nouvelle, ils essayent d’apporter leur réponse et leur solution avant de faireappel à un supérieur hiérarchique ou à leurs collègues de travail. L’esprit d’initiative semanifeste plus chez eux. Quant au respect des horaires, ils sont ponctuels, et le tauxd’absentéisme est très faible chez eux. Ils sont rigoureux, méthodiques, plus ouverts,responsables, flexibles, apportent du soutien à leurs collègues » (Chargé de recrutement). Cesqualités sont d’autant plus valorisantes qu’elles sont exprimées par les responsablesd’entreprise à maintes reprises. En plus, ces expressions sont tirées des conclusions faites surle terrain.En définitive, les compétences techniques et managériales, l’attachement au travail, le travaild’équipe, l’esprit d’équipe, l’écoute, l’esprit de responsabilité, l’esprit de dialogue etd’échange d’informations, ont été retenues pour signaler les différences existant entre laformation à l’étranger et la formation à l’intérieur de son pays d’origine ; « On peut citerd’autres valeurs et d’autres apports supplémentaires qui font la différence entre les jeunesdiplômés formés à l’étranger et les jeunes diplômés formés au Maroc tels les compétencestechniques bien maîtrisées et bien spécialisées liées à la qualité de la formation qu’ils ontacquis, les compétences managériales performantes et en parfaite qualité, les qualitéspersonnelles et professionnelles permettant d’aimer son travail, d’unifier l’équipe de travail,de rassembler les collègues de travail autour des valeurs assurant l’échange d’informations201


utiles, le travail en équipe, écouter son collègue de travail, résoudre les conflits en favorisantle dialogue, s’impliquer dans son travail et veiller pour assurer sa responsabilité et non passeulement des tâches à effectuer » (Directeur Général).3.4. Le transfert des connaissances et pratiques développées à l’internationalL’introduction de meilleures pratiques permet d’alimenter l’entreprise par de nouvellesconnaissances et lui offrir, par la suite, une image attractive auprès de sa clientèle et àl’ensemble des parties prenantes ; « La valeur précieuse des compétences de ces jeunesdiplômés formés à l’étranger est bien réelle ; l’introduction de nouvelles pratiques, letransfert des connaissances et des qualités performantes, le développement d’un espritinterculturel et international et l’ancrage du travail par objectif » (Responsable de formationet Coach). Dans la même tendance, ils contribuent à l’amélioration des anciennes pratiquesdes entreprises en agissant sur le processus de l’apprentissage organisationnel à traversl’ajustement des pratiques techniques et managériales; « Il est à noter que ces jeunes diplômésformés à l’étranger ont un rôle très important dans l’amélioration des pratiques techniques etmanagériales des entreprises. Ils contribuent favorablement à l’apprentissageorganisationnel de ces entités économiques » (Consultant en Ressources Humaines).De manière générale le transfert et le partage des connaissances développées à l’internationalreste l’une des valeurs convoitées par les responsables des entreprises au Maroc. Leurprésence au sein des entreprises contribue favorablement au processus de l’apprentissageorganisationnel des entreprises à travers la création, le partage et la circulation desconnaissances. En plus, l’interaction de ces connaissances développées à l’international aveccelles de l’entreprise et des collègues formés localement permet de développer desconnaissances propres à l’entreprise ; « Dans un tel contexte chacun participe consciemmentou inconsciemment au partage et à la circulation des connaissances spécifiques qui ont étéacquises à l’étranger. L’interaction entre les connaissances locales et celles internationales àtravers la diversité du staff travaillant dans la même entreprise, permet aux entreprises decréer et de développer des compétences et des connaissances stratégiques propres à elles.Bref, ces gens stratégiquement parlant ont montré, à travers leur façon de s’impliquer, qu’ilsont leur poids dans l’apprentissage organisationnel au Maroc » (Consultant en RessourcesHumaines).Ce climat engendre une énergie supplémentaire contribuant à la réactivité et à la compétitivitédes entreprises. Dans le cas des secteurs caractérisés par une forte concurrence, le rôle desjeunes diplômés formés à l’étranger dans la création de nouvelles connaissances devient unfacteur stratégique. La mise en synergie de ces connaissances permet de créer desconnaissances et des compétences transversales et stratégiques. Ainsi, c’est tout le tissuéconomique du Maroc qui en tire des retombées avantageuses de cette création de richessescognitives ; « Ce qui nous intéresse plus c’est les nouvelles solutions et les nouvellespratiques qui font circuler dans l’entreprise par le biais de transfert de leurs connaissances àleurs collègues qui sont formés ici au Maroc. Je ne vous cache pas les intérêts apportés parles personnes qui reviennent de l’étranger pour notre entreprise, surtout qu’on a des cadreset des ingénieurs relativement jeunes dans différents départements qui ont étudié dansmultiples pays occidentaux. Chacun apporte sa contribution dans son domaine despécialisation. Et quand on fait croiser ces contributions multiples, on se trouve dans unclimat de création de nouvelles connaissances pour l’entreprise. C’est très bénéfique pournous surtout qu’on opère dans un secteur où la concurrence est morose et les clients sont trèsexigeants » (Chargé de recrutement).202


IV. DISCUSSION ET LIMITES DE RECHERCHES4.1. DiscussionL’enjeu porté par les entreprises opérant au Maroc sur ces catégories socioprofessionnelles seconfirme par des démarches entreprises notamment dans le cadre de la participation auxforums de recrutement qui s’organisent à l’étranger. Les résultats de notre étude qualitativeaffirment, de manière générale, l’importance exprimée par des acteurs opérationnels etstratégiques d’entreprise à l’égard de la diversité des connaissances et pratiques développées àl’étranger. L’intérêt porté à l’égard des jeunes diplômés marocains formés à l’étranger s’étendvers la quête du surplus culturel développé à l’international, des meilleures pratiques, dutransfert des connaissances et compétences les plus performantes et également et de lamaîtrise des langues des affaires. Chemin faisant, la maîtrise des langues internationales desaffaires reste un élément clé dans l’évaluation et l’audit de la mobilité internationale. Cettepratique consiste à porter un jugement sur les principaux éléments de la mobilitéinternationale des personnes (Cerdin J. L., 1999). L’adoption de cette attitude par lesresponsables d’entreprise au Maroc s’explique par le changement de l’environnementconcurrentiel. La nouvelle conjoncture contraint les acteurs économiques de faire face auxeffets de la mondialisation des économies et de l’internationalisation des entreprises. Danscette perspective, le rôle crucial du facteur culturel dans l’amélioration des pratiques et desperformances des entreprises occupe une position majeure dans notre analyse. Ceci s’expliquepar l’aptitude des jeunes diplômés formés à l’étranger à formuler des réponses aux défis etaux contraintes liées à l’environnement culturel national qui influe, selon le modèle proposépar Hofstede (1982), sur le style de direction des entreprises, la motivation des salariés, lesstructures, ainsi que sur la manière d’appréhender et de gérer l’incertitude au sein desorganisations. D’autres travaux ont largement analysé l’influence des différences nationalessur les styles de management des organisations notamment Trompeenaars (1993), Kluckhonet Strdtbeck (1961) et Hall (1976). Les compétences culturelles développées à l’internationalpourraient générer des réponses facultatives pour mieux concevoir et reformuler lacomposition de la culture d’entreprise en s’inspirant des best practices à l’échelleinternationale. Les managers s’inspirent de ces composantes culturelles pour mettre l’accentsur l’importance du facteur humain dans le processus de production ; à travers la mise enaction du processus d’acculturation planifiée visant à favoriser le développement del’entreprise (Berset A., et al., 2000).Les réponses portées sur les qualités spécifiques 77 des jeunes diplômés formés à l’étrangerfont l’objet d’une interprétation plus rigoureuse. De tels actes s’expliquent en partie par latransformation des données économiques et environnementales. La nouvelle conjonctureoblige les responsables d’entreprises d’être armées d’une cohorte de compétences stratégiquespour renforcer leur compétitivité et leur performance. Ces valeurs se convergent avec lesexigences du contexte actuel des entreprises au Maroc. Les entreprises ont tendance àvaloriser, de plus en plus, leur politique de développement des meilleures pratiques, enl’occurrence le développement des compétences. D’après l’étude menée par DIORH (2004) surla fonction Ressources Humaines au Maroc, on constate que 85,4% des entreprises implantéesau Maroc ont déclaré que le développement des compétences est un enjeu actuel contre 27,2%ayant considéré que la mise en œuvre du développement des compétences sera ultérieurement77 Elles sont à l’origine de leur contact avec des cultures étrangères, des modes particuliers d’organisation dutravail, des conceptions différentes de l’autorité et de la prise de décision dans les entreprises et lesadministrations (Geisser V. et Ben Sedrine S., 2000).203


mis en pratique dans le cadre de la politique générale de leur entreprise.Par conséquent, la convergence des tendances et des intérêts entre les responsables desentreprises au Maroc et les jeunes diplômés formés à l’étranger pourrait aboutir audéveloppement d’un Management International des Ressources Humaines Responsable auMaroc. Il s’alimente en permanence par des pratiques les plus performantes à l’échelleinternationale. Cette conception sera d’autant plus valorisante qu’elle s’étend à d’autrescatégories socioprofessionnelles plus expérimentées et plus talentueuses. Dans la mêmetendance, la convergence qui se développe au Maghreb, en l’occurrence le Maroc, sousdifférentes formes engendre des pratiques qui renvoient à un modèle nommé « glocal » ausens de Louart P. et Scouarnec A. (2005). Sous l’effet de la conjoncture contextuelle, cemodèle est jugé profondément adapté aux entreprises maghrébines. Son intérêt porte sur unecohabitation exclusive du modèle global et du modèle local. Au sein du modèle glocal, onassiste à des pratiques prenant en considération les impératifs d’une économie globalisée,mondialisée et la spécificité du contexte et des facteurs locaux.4.2. Limites et perspectivesNotre étude vise à explorer la diversité des connaissances et pratiques spécifiques des jeunesdiplômés formés à l’étranger dans le cadre d’un management international des RHresponsable à travers le discours des responsables d’entreprise au Maroc. Néanmoins, cetravail possède quelques limites qu’il convient de dévoiler.L’investigation empirique s’est centrée 32 entretiens auprès des responsables d’entreprise. Ilaurait été préférable d’élargir la taille de l’échantillon en interrogeant les jeunes diplômésmarocains formés à l’étranger pour que la représentativité soit fiable. Il aurait été souhaitablede porter plus de précision sur d’autres éléments de l’enquête. Cela pose, également, uneinterrogation sur la validité externe. De plus, Il aurait été important de segmenter plus lechamp d’étude afin d’apporter plus d’éclairage sur le sujet étudié. De ce fait, les résultatsobtenus restent relatifs et non significatifs concernant ce travail de recherche.Dans une étude future, nous prendrons en considération ces limites afin de mener à biend’autres travaux et éléments de recherche : enrichir les notions conceptuelles et apporter plusde richesses et de précisions au cadre empirique.CONCLUSIONPosséder les connaissances requises au moment adéquat contribue parfaitement à laperformance des entreprises. Au Maroc, l’intégration des jeunes diplômés formés à l’étrangerest une pratique très convoitée par certaines entreprises. Ce constat est bien le cas du Percal-Développement, qui s’est implantée à Rabat en 2003, spécialisée dans le Support Techniquelogiciel et l’ingénierie informatique. Le personnel formé à l’étranger de cette entrepriseconstitue près de 80% de son effectif (Mouaatarif Y., 2006). A titre d’illustration, lephénomène du développement de la formation à l’étranger destiné aux jeunes diplômés estune méthode précédemment mise en pratique par le groupe REXEL (Lesaux A., 2006).Lors de leur séjour à l’étranger, les jeunes diplômés marocains acquièrent et développent denouvelles connaissances. Après leur retour, ils pourraient générer de nouvelles approches etde contribuer à l’amélioration des pratiques des entreprises intégrées. La transformation desconnaissances individuelles en connaissances organisationnelles se concrétise en présence de204


motivation de la part des jeunes diplômés et d’engagement de la part des entreprises (Smida,N., 2003).En effet, la substance de la présente recherche illustre la volonté des entreprises opérant auMaroc de contribuer au développement d’un management international des RH responsablevia l’intégration progressive des pratiques internationales responsables et plus performantes.Les jeunes diplômés formés à l’étranger disposent des qualités, connaissances et compétencesspécifiques. Ils occupent une place importante qui leur permet de fournir des réponsesadaptées au changement opérationnel, voire stratégique pour faire face à l’introduction etl’application des pratiques performantes dites « best practices ». En d’autres termes, lescadres confirmés, les jeunes cadres et les jeunes diplômés formés à l’étranger constituent unfacteur crucial au cœur de cet aménagement managérial. L’enjeu porté sur les jeunes diplôméssera plutôt stratégique et compétitif qu’opérationnel sous réserve de déployer des profilsadéquats aux besoins et aux attentes majeures du monde des entreprises au Maroc. Parconséquent, faire réussir ce défit managérial à grande échelle est un enjeu qui ne répond passeulement aux acteurs dirigeants, mais à l’ensemble des parties prenantes. Par conséquent,cette vision pourrait s’inscrire dans le cadre d’un management responsable des ressourceshumaines en intégrant les connaissances et pratiques spécifiques développées à l’internationaldans la politique des RH et de l’audit social au Maroc.BIBLIOBRAPHIEAktouf O., (1987), « Méthodologie des sciences sociales et approche qualitative desorganisations », Presse de l’Université du Québec.Alavi M. et Leidner D., (1999), « Knowledge management and knowledge managementsystems: Conceptual Foundations and Research issues », Working Paper INSEAD.Anderson J. R., (1983), « The architecture of cognition », Cambridge, Massachusetts:Harvard University Press.Baayoud M. et Zouanat H., (2006), « Evolution de la Fonction Ressources Humaines auMaroc », In SILVA F., (Coord.), Collection « Méditerranéité », Editions Euromed Marseille.Baayoud M., (2005), « La gestion des ressources humaines au Maroc »,», in Yanat Z. etScouarnec A. (coord.), « Perspectives sur la GRH au Maghreb » Vuibert, pp. 85-92.Bardin L., (1996), « L'analyse de contenu », PUF, 8ème Edition, Paris.Bensouda L., Bouzoubaa M., Kadiri H. et Khalil A., (2006), « Retour au Maroc », Enquêteréalisée par l’association MarocEntrepreneurs, Octobre.Bentaleb Ch., (2002), « La motivation des cadres dans l’entreprise marocaine », UniversitéCadi Ayyad, Marrakech, Maroc.Berset A., Weygold S. –A., Crevoisier O. et Hainard F., (2000), « Main–d’œuvre étrangèreet diversité des compétences : quelle valorisation dans l’entreprise », L’Harmattan, paris.Brabet J., (1988), « Faut-il encore parler d’approche qualitative et d’approchequantitative ? », Recherches et Applications en Marketing, Vol.3, n° 1, pp. 75-89.Bück J. Y., (1999), « Le management des connaissances : Mettre en ouvre un projet deknowledge management », Editions d’Organisation, Paris.Cerdin J. L., (1999), « Expatriés dans le monde : audit de la performance », Personnel, N°397, pp.41-48, Février-Mars.Cerdin J. L., (1996), « Mobilité internationale des cadres : adaptation et décisiond’expatriation », Thèse de doctorat en Sciences de Gestion, Université Toulouse 1.Cohen M. D et Bacdayan P., (1996), « Organizational Routines are stored as proceduralMemory: Evidence from a laboratory Study », in: MD. Cohen and L.S. Sproull (eds.),Organizational learning, London:Sage publications, PP.403-429.205


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Atelier 4 : Faire vivre la diversité« Couple à double carrière : Une catégorie spécifique des salariés ? » Chafik BENTALEB etAsmaa FARAH (Université de Marrakech)……………………………………………………« Perception de la diversité au sein d’un grand groupe financier Ou Comment lescollaborateurs vivent-ils la diversité mise en œuvre au sein de leur entreprise ? » LidwineMAIZERAY (Paris II Panthéon-Assas) et Armelle SCIBERRAS (crédit agricole)…………..« La grande firme à l’heure du néo-fordisme : Valorisation de la diversité ou normalisation descomportements ? » Amélie Seignour et Florence Palpacuer (Université Montpellier 1)………208


Couple à double carrière : Une catégorie spécifique dessalariés ?Chafik BENTALEB , GREGO, Université Caddi Ayyad , MarrakechAsmaa FARAH , GREGO, Université Caddi Ayyad , MarrakechAdresse Professionnelle : Ecole Nationale de Commerce et de Gestion - ENCG Marrakech -Avenue Allal El Fassi, Marrakech-MarocEmail : cbentaleb@gmail.com & farah.asmae@gmail.comTéléphone : 00212 6 67901893Résumé:Martin (2010) considère que la diversité repose sur plusieurs facteurs qui peuvent êtreimmuables comme l’ethnie et la race ou bien variables si l’on prend en compte le lieud’habitation, l’éducation voir le statut marital. Entre des salariés célibataires, ceuxmariés et ceux mariés avec enfant des différences existent mais aussi un point commun :ils ont tous deux sphères de vie : une professionnelle et une autre personnelle.Dans ce sens, Dumas (2008) stipule qu’une plus grande attention et prise en compte desresponsabilités personnelles et familiales de l’ensemble des salariés ainsi qu’une bonnearticulation vie privée-vie professionnelle constituent une source de diversité et deperformance pour les entreprises. Toutefois pour profiter de cette diversité, il faudraitcommencer par la comprendre, connaitre ses sources pour pouvoir la gérer.Dans notre recherche nous portons le regard sur une catégorie spécifique des salariés àsavoir les personnes en situation de « couple à double carrière ». Nous nousinterrogeons au regard de la littérature dans un premier temps sur leurs spécificités etsur la manière dont ils arrivent à articuler entre vie professionnelle et vie familiale etensuite la place de l’entreprise dans ce processus.Mots clés : Couple à double carrière, carrière, articulation travail-famille,IntroductionSi l'on suit le sens commun, manager la diversité renvoie au fait d’intégrer et faire coopérer demanière efficace des personnes présentant des caractéristiques sociologiques différentes,considérées comme légitimes. ( Bruna et Chauvet, 2010)209


La diversité est un concept polymorphe et transversal apparu aux Etats-Unis aux débuts desannées 1990 pour contrer les critiques adressées à l’égard des politiques d’égalité des chanceset d’ « affirmative action » (Bender, Pigeyre, 2004).Milliken et Martins (1996) distinguent deux formes de diversité selon qu’elles reposent surdes critères « visibles » observables et identifiables (genre, âge, origine ethnique) ou sur desattributs sous-jacents tels l’origine sociale, les compétences scolaires, techniques et culturellesou l’ancienneté organisationnelleLa conception même des différences va être plutôt centrée sur les modes de vie et les cultures,ne renvoyant donc pas au principe de communauté mais à des critères beaucoup plus variéstels que la profession, le lieu d’habitation, l’orientation politique, la situation familiale, etcDifférents auteurs ont travaillé sur la classification des critères de diversité. Nous pouvonsciter la classification d’Arredondo (1996) qui sépare les dimensions de la diversité selon troiscatégories : (a) les éléments qui sont directement liés à la naissance de l’individu, définis parl’auteur comme immuables et irréversibles ; (b) les caractéristiques définies comme « lesconséquences » de celles situées dans les deux autres catégories où il cite la situation marital ;(c) et les éléments en relation avec l’«environnement » dans lequel chacun naît.Une deuxième classification est celle de Loden et Rosener (1991). Ces derniers ont décidé deséparer les différentes dimensions de la diversité en deux grandes catégories : les dimensions« primaires » qui sont invariables et les dimensions « secondaires » qui peuvent évoluer au fildu temps. Il s’agit d’une classification fréquemment utilisée, même si elle souffre de certainsbiais assez similaires à la précédente. Les dimensions primaires « invariables » regroupent :l’âge, la race, l’origine ethnique, le genre, les qualités et aptitudes physiques et l’orientationsexuelle. Les dimensions secondaires « variables » sont : le revenu, le statut marital,l’expérience militaire, les croyances religieuses, la localisation géographique, le statutparental, l’éducation, l’expérience de travail .Plus récemment, Cornet et al (2005) ont proposé une autre classification plus exhaustive encinq rubriques pour classifier les caractéristiques de la diversité à savoir : les caractéristiquesphysiques visibles tel que l’âge ou la couleur de la peau, les caractéristiques physiquesfonctionnelles comme le handicap, les caractéristiques individuelles liées à l’histoire de vie del’individu, les caractéristiques organisationnelles et enfin les caractéristiques sociales où ontrouve la situation familiale.Ainsi dans les différentes classifications précédentes nous retrouvons un consentement parrapport au statut marital comme critères de diversité.En effet, comme le souligne Robbins(1996), la diversité n’existe comme telle qu’à partir du moment où elle introduit un élément «différent » dans un ensemble perçu comme homogène. Autrement dit, elle n’existe commediversité que par rapport à une norme consciente ou inconsciente. Elle est donc le résultatd’un processus de construction sociale (Singh & Point, 2004).En croisant les deux critères : le statut marital et la situation professionnelle, les couples àdouble carrière se retrouvent ainsi comme une catégorie différente d’individus qui a sesspécificités, ses problèmes et ses implications à la fois individuelles et organisationnelles.Nous allons justement essayer à travers ce papier de présenter les différents types de couple àdouble carrière (CDC) recensés dans la littérature ainsi que les stratégies possibles pourarticuler entre travail et famille.I-Couple à double carrière : Définition et TypologiesAvant d’analyser la spécificité des couples à double carrière en termes d’implicationspersonnelles et surtout organisationnelles, nous allons consacrer cette première partie à laprésentation des de la définition et des différentes typologies des couples à double carrière.210


1-1 Carrière et Couple à Double Carrière :Nous avons choisis pour notre recherche de focaliser le regard sur une catégorie bienparticulière de salariés à savoir les couples à double carrière. On ne peut traiter une notionpareille sans évoquer le concept de carrière.1-1-1 Concept de la CarrièreLa carrière a été définie par les professeurs de l’Université de Chicago comme étant unesuccession de statuts et de postes bien définis dans une entreprise structurée.Hall (1976) pour sa part la définit comme : « la perception individuelle des attitudes etcomportements associés aux expériences et aux activités professionnelles tout au long de lavie. Le paradigme dominant aujourd’hui considère les carrières comme des trajectoires géréespar des sujets autonomes à la recherche du succès subjectif. (Pralong, 2009)Les recherches sur la carrière sont divisées en deux approches : on trouve dans un premiertemps les approches objectives qui se focalisent sur le parcours professionnel de l’individu, etdans un deuxième temps les approches subjectives qui s’intéressent aux perceptions de sonpropre parcours par l’individu lui-même.Ces recherches ont permis de tracer différents modèles de carrière qui sont regroupés en deuxgrandes catégories. D’un côté, nous avons les modèles des étapes de carrières quiconceptualisent les choix professionnels dans une perspective dynamique et déterministe.D’un autre côté, nous avons les modèles d’ancres de carrières qui se focalisent sur l’étude desmotivations dominantes qui sont à la base d’une orientation de carrière. Schein (1978, 1990) adéfini huit ancres de carrière qui correspondent à ce qu’un individu n’est pas prêt à négocierlors du choix de carrière à savoir : la compétence technique, la compétence managériale,l’autonomie, la sécurité, la créativité entrepreneuriale, le service, le défi et enfin le style devie. L’idée fondatrice de ce modèle est que les ancres exercent une force qui pousse l’individuà travailler dans un contexte lui permettant d’être en accord avec son ancre.Aujourd’hui le concept de carrière connait un changement très remarquable passant de lacarrière traditionnelle vers un nouveau type nommée carrière nomade. Des critères de réussitenouveaux sont pris en compte, loin de l’avancement professionnel linéaire, tels que laconciliation vie privée-vie professionnelle, la satisfaction dans la vie ou encore ledéveloppement des compétences. Le tableau ci-dessous permet de faire la comparaison entrela carrière traditionnelle et celle nomade (Boudaryless career) à travers différents critères telque la formation, la mesure du succès, etc.Critères Carrière traditionnelle Boudaryless careerRelations d’emplois Sécurité contre fidélité Employabilité contreperformance et flexibilitéFrontières De l’entreprise De plusieurs entreprisesCompétences Compétences spécifiques Compétences transférablesMesure de succès Salaire, promotion et statut Intérêt du travailResponsabilité dans la L’organisationL’individugestion de la carrièreFormation Programme formel Formation permanenteEtape Liée à l’âge Liée à l’apprentissageComparaison de la carrière traditionnelle et de la boudaryless career (Slluvian 1999)Comportement organisationnel Volume 2 P153211


1-1-2 Le Couple à double carrière (CDC)Le développement de l’homogamie (Mariage entre des personnes d’un même groupe socialselon Le Robert) due notamment à la montée des diplômés hommes et femmes a poussé à lamultiplication des études et recherches sur la question des couples à double carrière.Le concept de couple à double carrière a été créé par Rapoport et Rapoport dès 1969. Ils lesont définis comme des individus qui ont un travail qui requière un degré élevé d’engagementet qui ont un caractère de développement continu.« Dual-career couples are individuals whohave jobs which require a high degree of commitment and which have a continuousdevelopmental character »Il s’agissait alors des couples qui ont chacun une carrière. Les auteurs ont décrit la famille àdouble carrière comme une famille où les deux chefs du ménage poursuivent une carrièreprofessionnelle par choix et en même temps maintiennent une vie familiale ensemble.On peut aussi définir le CDC comme deux personnes engagées dans un style de vie où chacunpoursuit une carrière distincte en parallèle d’un engagement dans une relation amoureusecommune. (Parker, Peltier et Wolleat, 1981). Pour ces auteurs le terme carrière désigne laséquence de travail qui requiert un degré élevé d’engagement (temps, énergie et formation),très préoccupant au niveau personnel, et qui connait un développement continu (avancementen terme de responsabilité, pouvoir, salaire et statut).Hall et Hall (1980) interprètent les termes couple et carrière de façon plus large. Pour eux, uncouple n’est pas nécessairement marié, monogame ou hétérosexuel. Une carrière inclutl’attitude liée au travail et les expériences pendant toute la vie d’une personne. Ainsi, ilsconsidèrent que le couple à double carrière est composé de deux personnes qui partagent unstyle de vie incluant (a) la cohabitation, (b) le rôle au travail (c) et une relation amoureuse quisupporte et facilite les deux précédentes caractéristiques.Une distinction devrait être faite ici entre le concept de couple à double carrière et celui decouple à double revenu. Ce dernier regroupe tous les couples dans lesquels les deux conjointsoccupent un emploi rémunéré quel que soit le type de cet emploi. Par contre le couple àdouble carrière pourrait être considérer comme un sous-groupe du couple à double revenu. Lacarrière étant une notion qui reflète que le couple exerce non seulement un travail permettantun gain d’argent mais un travail qui nécessite un haut niveau d’implication, d’investissement,de formation et de temps et qui offre en plus des possibilités de progression (Challiol, 2004).Comme le précise Cerdin (2004) les couples à double carrière sont caractérisés par une doubleimplication : professionnelle et familiale.Ces différenciations d’appellations ont pour objectif de lever l’ambigüité sur le concept decouple à double carrière et de le différencier des autres concepts avec lesquels il peut êtreconfondu.1-2 Couple à double carrière : TypologiesEn dépassant la simple différenciation entre couple à double revenu et couple à doublecarrière, certains théoriciens ont proposé des typologies de couple à double carrière en sebasant sur différents éléments.On trouve des typologies prenant en compte plusieurs aspects tels que : la compatibilité desattentes et de rôles, la répartition des rôles maritaux, les stades de la vie familiale et de la vieprofessionnelle ou encore les règles d’échange du couple212


Les types des couples à double carrière sont discutés par Hall et Hall (1980), Rapoport etRapoport (1971) et plus récemment Hunt et Hunt (1982) (In Cherpas,1985). Nous allonsprésenter en ce qui suit ces différentes typologies.Hall et Hall (1980) ont identifié 4 types de couples à double carrière :1-Accomodateurs, 2-Adversaires, 3-Alliés, 4-AcrobatesLes accommodateurs : dans ce couple l’engagement de l’un des partenaires est typiquementélevé dans la carrière et bas à la maison avec des priorités inversés pour le partenaire. Lesaccommodateurs ressemblent un peu à la famille traditionnelle. Hall et Hall (1980) stipule quecet arrangement minimise le conflit et permet à chaque partenaire d’être satisfait sansengendrer des pertes excessives.Les adversaires : les deux partenaires sont très engagés dans leur carrière et moins à lamaison, la famille ou dans le rôle support du conjoint. La première identité de chacun estdéfinit par sa carrière. Hall et Hall (1980) estime que c’est la combinaison la plus stressante.Les alliés : dans cette catégorie les partenaires sont très engagés soit dans la carrière soit dansla famille mais pas dans les deux à la fois.Les deux partenaires peuvent être fortement orientés famille avec peu d’identification parrapport à la carrière. L’inverse peut aussi être vrai. Cette structure facilite la mise en place despriorités et minimise le conflit.Les acrobates : les deux partenaires sont très engagés dans tous les rôles. Les acrobatesvoient leurs rôles dans la relation et la famille comme aussi important que la carrière.Toutefois, les partenaires acrobates sont tous les deux concernés par la famille de façonégalitaire. Leur satisfaction émane des deux sphères : maison et carrière. Ils vivent un certainconflit car ils essayent de répondre à toutes les demandes.Hall et Hall (1980) ont précisé que la répartition des rôles à travers les quatre types n’est pasfixe. Les partenaires peuvent changer de catégorie.Rapoport et Rapoport (1971) ont décrit aussi quatre types de couple à doubla carrière : lesfamilistes, les carriéristes, les conventionnels et les coordinateurs.Pour les familistes, les deux partenaires sont engagés dans la sphère domestique. Ils sontcomme les alliés orientés maison.Contrairement aux familistes, les carriéristes s’investissent en premier lieu dans leur carrière.Ils correspondent aux alliés orientés carrière et aux adversaires.Le 3éme type, les conventionnels, représente la famille traditionnelle où la femme estresponsable de la maison et l’homme est le pourvoyeur de fonds. Ils ressemblent auxaccommodateurs, excepté que ces derniers ne reflètent pas une restriction des rôles par legenre.Enfin, le 4éme type est formé d’un mari carriériste coopérant dans la sphère domestique etune femme centrée sur la famille avec une orientation carrière, ils ressemblent au typeacrobates d’Hall et Hall (1980).Hunt et Hunt (1982) ont présenté aussi trois types de couples ou « style de vie » : lestraditionnels, les priotaristes et les intégrateurs.Les traditionnels représentent un couple où le chef de ménage est conventionnel et où il y aune répartition des rôles basés sur le genre. La responsabilité du foyer est associée à la femmealors que l’homme est le gain-pain. Les priotaristes sont des couples qui rejettent l’idée desrôles prescrits selon le genre. Ils se voient comme ayant le choix entre la famille et le travail.Ils peuvent donner la priorité à la carrière ou à leur relation (qui n’est pas forcément lemariage) et peuvent reporter ou éviter la parentalité. D’autres peuvent limiter l’engagement autravail vu que leurs enfants représentent la plus grande priorité. Selon Hunt et Hunt(1982),213


ces différents styles de vie définie par les priorités centrales de la vie créeront des groupesd’intérêts séparés.Finalement, les intégrateurs sont des couples qui aditionnent leurs rôles de conjoint et parent àleur rôle au travail. Ils travaillent aussi en des occupations similaires. Ils peuvent être descollègues dans la même entreprise, des propriétaires ou entrepreneurs de leurs affaires oucombiner plusieurs rôles.II-Implications individuelles et organisationnelles du CDC:Après avoir présenté les différentes typologies des couples à double carrière recensé dans lalittérature, nous allons discuter en ce qui suit les implications à la fois individuelles etorganisationnelles de la situation du couple à double carrière.2-1 Implications individuelles :La littérature pointent plusieurs bénéfices que le couple à double carrière peut avoir :empathie mutuelle et compréhension des obligations du travail et de la maison, desressources financières considérables, sentiments d’accomplissement et de contentement (Holmstrom 1972 ; Rapoport et Rapoport 1971), partage des ressources , du savoir et des idéesliées au domaine du travail ( Martin, Beny et Jacobsen ,1975), distribution équitable desressources , pouvoir d’influence dans la relation, égalité des chances pour les deux d’atteindreune réussite ultime, réaliser un travail utile et avoir des relations sociales. (In Cherpas, 1985)L’avantage majeur de la structure du couple à double carrière reste tout de même le côtéfinancier qui est important pour plusieurs raisons dont l’accroissement des standards de vie.En plus, quand les deux membres du couple travaillent, ils sont tous les deux reconnus commecontribuant à la société, ce qui accroit leur estime de soi.Le second avantage du couple à double carrière est que les deux partenaires peuvent opérer endehors des restrictions d’activité qui existent dans la famille traditionnelle.Le troisième atout est l’accroissement du niveau de l’interaction sociale que l’épouse reçoit autravail (en comparaison avec les femmes qui s’occupent du foyer à plein temps). Elle n’a plusbesoin de revenir vers son mari pour la majorité de ses interactions sociales (Hall et Hall,1979). Les deux auteurs stipulent aussi que le fait de travailler dans le même endroit peut êtretrès avantageux pour le couple dans la mesure où cela permet à chacun des partenaires demieux comprendre les pressions et responsabilités que l’autre conjoint ressent.Toutefois, il y a aussi des « coûts » associés à la structure du couple à double carrière. Lesépouses ne possèdent pas un « plein temps conjointe » pour prendre soin des affaires de lamaison et des services support. Cette situation crée une pression temporelle qui n’existe pasdans la famille traditionnelle car l’énergie doit être divisée entre la carrière et la maison. Celacrée un conflit inter-rôles et un stress.Un second point concerne les aspirations de carrière qui sont affectées par la restriction entermes de mobilité mais aussi les contraintes de temps qu’impose la structure de la famille àdouble carrière. Cela affecte le couple à double carrière de deux façons. La première : sans unchef de ménage à plein temps, le couple est moins compétitif car une partie de son énergie estconsacrée à la famille. La deuxième : ils accentuent le problème de coordination entre leschemins de carrières des conjoints. Il est difficile de combiner l’avancement d’une carrièresans induire une régression de l’autre au sein du couple. (Green et Zenisek , 1983)214


La situation de couple à double carrière a ainsi plusieurs implications sur les partenaires etnotamment sur leurs chemins de carrière, mais elle a aussi des implications organisationnellesque nous allons présenter dans le paragraphe suivant.2-2 Implications organisationnelles :Problématique du transfert et de la relocalisation :La plus grande problématique qui se pose pour les entreprises dans le cas du couple à doublecarrière est lié à la mobilité. Dans l’un de nos entretiens exploratoires le DRH d’un grandgroupe marocain nous révèle : « pour nous la problématique du couple à double carrière ne sepose que lorsqu’on doit relocaliser l’un de nos salariés dont la femme travaillent aussi ».L’une des décisions les plus difficiles à prendre par le CDC est ce qu’ils peuvent faire quandun membre reçoit une promotion situé dans un autre endroit ou une autre ville.Il existe 4 cas de figures ou solutions possibles (Hall et Hall, 1979) : L’offre est déclinée,l’offre est acceptée et toute la famille déménagera, l’offre est acceptée et des solutionscréatives sont mises en place (assistance dans la recherche d’emploi pour le conjoint, transferttemporaire..), l’offre est acceptée et un seul membre déménage.Dans sa thèse de doctorat, Merignac a justement travaillé sur l’effet du profil familial sur ladécision de l’expatriation. Il a montré que les niveaux et les processus d’adaptation des cadresvarient grandement d’une situation familiale à l’autre et que les cadres non accompagnés,privés du soutien de leur famille, rencontrent des difficultés d’adaptation plus sévères que lesautres.Employeur et CDC :En plus de cette question de la mobilité, Hall et Hall (1979) ont identifié dix autres impacts ducouple à double carrière sur la gestion de l’organisation.Le premier concerne le recrutement, selon ces auteurs les recruteurs sont devenus plusconscients du rôle de l’épouse dans les décisions relatives à la carrière. Le second concerne laquestion de la flexibilité, la situation de couple à double carrière devrait pousser l’entreprise àréfléchir à une planification plus flexible en prenant en compte les vacances scolaires desenfants. Le troisième point est celui du transfert ou mobilité et qui a le plus grand impact surl’entreprise. Le quatrième impact est relatif à la promotion, pour Hall et Hall (1979),beaucoup de couple à double carrière veulent avoir plus de temps libre, moins de pression autravail et de responsabilité. Le cinquième point concerne les déplacements dans le cadre dutravail qui deviennent plus complexes quand les salariés sont en situation de couple à doublecarrière surtout pour des métiers comme les ventes ou le conseil qui nécessitent beaucoup dedéplacements. Le septième point concerne la question des conflits d’intérêts. Les salariés encouple à double carrière travaillant dans des entreprises concurrentes ou des métiers sensiblesconstituent un risque pour l’entreprise. Aussi, dans le cas où ils travaillent dans la mêmeentreprise, l’un des conjoints peut avoir une information qui ne devrait pas être connu par ledépartement où travaille l’autre. Le huitième impact concerne le développement de carrière dechacun des conjoints. L’avant dernier impact est le risque de se retrouver avec des salariésimproductifs. La combinaison de la résistance à la mobilité, avec la baisse des aspirations etde la volonté de se déplacer présentent un problème pour les entreprises. Enfin, la dernièreimplication organisationnelle possible est la négociation de carrière. Il s’agit de négocier pourdes considérations qui résultent directement de la carrière du conjoint. Par exemples le fait dedemander une assistance particulière pour trouver un nouveau poste quand le conjoint va êtreenvoyé à un autre endroit. .215


Les spécificités du couple à double carrière suscitent de l’entreprise une réflexion sur cesdifférents volets.III- Problématique de l’articulation travail-famille chez le CDC :Dans cette dernière partie nous allons présenter la spécificité des couples à double carrièrequant à la problématique de l’articulation entre vie professionnelle et vie privée. Nousprécisons ici que l’objet de notre recherche est d’étudier comment les couples à doublecarrière articule entre vie privée et vie professionnelle et comment cela influence leurtrajectoires de carrière.3- 1 Famille /Travail : Quels liens chez le CDC ?La majorité des travaux ayant traité le problème de l’articulation sont généralistes et portentsur différentes catégories de salariés. Nous avons choisis pour notre recherche de focaliser leregard sur une catégorie spécifique de salariés à savoir le couple à double carrière. Pourquoice choix ? Par ce que nous estimons que c’est la catégorie qui souffre le plus de ce problèmeet où les effets sont doubles.Duxbury et Mills (1990) (In Belghiti, 2003) ont analysé 359 couples, où les conjoints sedéfinissent tous les deux comme carriéristes. Ils ont trouvé que les femmes plaçant leurcarrière avant celle de leurs maris ou à égalité avec eux, subissent plus de conflits dans leurvie privée que les femmes plaçant leur carrière en seconde position. Autre résultat intéressant:les femmes ramenant du travail à faire à la maison doivent faire face à de plus nombreuxconflits familiaux que les hommes agissant de même.Aussi, l’une des études ayant traité en profondeur le cas spécifique des couple à doublecarrière a abouti à la proposition d’un modèle de l’articulation vie privé-vie professionnelle oùles auteurs Christin et Colle (2008) expliquent les sources du conflit et leurs effets sur lesalarié dans le cadre de son travail. Un lien positif a été trouvé avec le stress, l’absentéisme etl’intention de départ alors que l’effet est négatif sur la satisfaction et la performance autravail.Dans le même registre, un recensement théorique a été fait par différents chercheurs dans lecadre d’une étude menée par l’institut national de santé publique au Québec en Mars 2005, oùAllen et al (2000) cite la diminution de l’entente conjugale en tant qu’effet du conflit travailfamillesur le couple. Burley (1995) a trouvé un lien entre le conflit et l’insatisfaction dans lavie conjugale. L’ensemble de ces études ont insisté sur l’importance du soutien du conjoint etson aide dans les taches familiales. Plusieurs autres effets seront présentés dans les lignes quivont suivre.• Effets sur la relation conjugaleSelon Coverman (1989) (In Allen et al, 2000) , le conflit travail-famille est relié à uneplus faible satisfaction envers la vie conjugale chez les hommes mais pas chez les femmes.Alors que deux autres études démontrent l’inverse, c’est-à-dire que la tension entre la viefamiliale et la vie professionnelle est reliée à une insatisfaction de la relation de couple pourla femme et non pour le conjoint.L’étude de Burley (1995) auprès de 275 psychologues américains faisant partie d’uncouple où les deux conjoints travaillent, identifie un lien entre le conflit travail-familleet une insatisfaction de la vie conjugale chez les deux conjoints.En effet, les multiples rôles qu’occupent les parents/conjoints/travailleurs amènent cesderniers à devoir jongler avec les diverses exigences et responsabilités de chacun deces rôles. De façon claire, ils en ont trop à faire en trop peu de temps.216


Ces personnes se sentent tellement sollicitées dans différentes sphères de leur vie,qu’elles ne peuvent répondre aux demandes de la vie conjugale. Il s’agit pour elles, par cescomportements de retrait, de tenter d’alléger leur sentiment de surcharge (St-Amour, et al2005). D’autres par contre, vont réagir aux conflits famille-travail/travail-famille par un étatdépressif qui induit des comportements colériques envers le partenaire (Ewen et Barling,1994).Le conflit entre les deux sphères a ainsi des conséquences négatives à la fois sur l’individu etsur sa relation avec son conjoint, mais non seulement. Les effets peuvent toucher aussi lesenfants.• Effets sur l’enfant :Galambos, Sears, Akmeida et Koleric (1995) ( in St Amour et al, 2005) ont constaté que lesconflits entre parents et adolescents sont plus importants dans les familles où le père et lamère vivent du stress. En croisant leur constat avec ce que nous avons présentéprécédemment comme effets du conflit travail-famille, nous pouvons dire que la présence deconflit travail-famille risque d’influencer les relations des parents avec leurs enfants, enpremier lieu en réduisant le temps passé avec ces derniers.Toutefois, des recherches suggèrent que c’est davantage la nature du temps passé avec lesenfants (temps de qualité), et ce, pour les deux parents, qui aurait un effet déterminant sur lecomportement des enfants et sur leurs résultats scolaires. (Cook et Hertzman, 1998) 78Zick, Bryant et Österbacka (2001) notent qu’encore très peu de recherches démontrentempiriquement le lien entre la nature du temps passé avec les enfants et les comportements etleurs résultats scolaires. Ces auteurs, dans une étude dont les données sont issues duNational Survey of Families and Households américain , constatent que dans les famillesoù la mère occupe un emploi à l’extérieur du foyer, les deux parents vont plus souventpartager du temps avec leurs enfants, lire et les aider dans leurs travaux scolaires. Seloneux, cette observation confirme que les mères compensent la diminution du tempsqu’elles consacrent aux soins physiques et non physiques à leurs enfants par d’autrestypes d’activités susceptibles d’enrichir la relation parent-enfant (temps de qualité) (Manseau,et al. 2005). Ces données confirment également l’hypothèse que les pères augmententleur implication auprès des enfants quand la mère occupe un emploi rémunéré. Cetteétude, dont les données ont été recueillies à deux moments distincts, soit entre 1987 et 1988et entre 1992 et 1994 indique que l’implication des parents dans ce type d’activitéspendant la période préscolaire diminue les problèmes de comportement et augmente lesrésultats scolaires de leurs enfants.3-2 Stratégies d’articulationNous estimons que le couple à double carrière est une catégorie spécifique de salariés qui ontdes contraintes particulières compte tenu des exigences des deux sphères du travail et de lafamille. Pour mener à bien leur carrière ils peuvent mettre en place des stratégies individuellesmais ont aussi besoin de l’aide des entreprises.Au sein des couples à « double carrière » des bricolages précaires et des tentatives decontournement de la norme de disponibilité permettent aux femmes d’optimiser un parcoursprofessionnel, au prix de certains renoncements (moindre exigence dans le contenu du poste,78 In Conseil canadien sur le développement social (avril 1999). Travail, famille et collectivité :questions-clés et orientations pour la recherche à venir. Ottawa : Développement des ressources humainesCanada. 1999217


célibat géographique, refus de certaines mobilités…). Selon l’étude québécoise de St-Onge etal (2002) ,auprès de 1 306 employés, l’appui offert par le conjoint constitue une variabledéterminante qui permet de réduire le conflit travail-famille.Les résultats d’une enquête multisectorielle au Québec menée par Tremblay (2003),confirment ces résultats en précisant que le soutien concret du conjoint, c’est-à-dire saparticipation aux tâches familiales contribue de façon significative à diminuer le conflittravail-famille.Confirmant les études existantes (Konrad, Mangel, 2000 ; Goff, Mount et Jamison, 1990),les variables sociodémographiques, genre, âge, statut de parent, nombre et âge des enfants etstatut familial, influent sur le conflit travail – hors travail. (In Barel et Fremeaux, 2005)Katter (1988), a travaillé sur les différentes stratégies possibles à mettre en place pour que lecouple à double carrier arrive à bien vivre au travail et à la famille et a proposé les troisstratégies suivantes :Stratégie 1 : Accroitre les aptitudes à la communicationUne bonne communication est la clé pour manager n’importe quel système complexe et lecouple à double carrière est certainement un système complexe.Le développement d’une communication effective fournit les bases pour la planification de lavie mutuelle. Le CDC réussi incluent quatre facteurs dans sa planification : 1’engagementmutuel dans les deux carrières 2- flexibilité 3- mécanismes d’adaptation 4- management del’énergie et du temps (Rapoport et Rapoport, 1969). La planification à la fois à court et longterme sont importante.Stratégie 2 : Réduire la surcharge des rôlesSurcharge et problème d’allocation du temps sont une préoccupation immédiate qui requièreune planification à court terme. Pour réduire les crises de surcharge, les couples peuvent avoirbesoin de partager la responsabilité des activités du ménage et des activités de garde desenfants, accroitre leurs capacités de gestion de temps, développer des normes plus réalistes,embaucher quelqu’un pour les aider, donner l’attention aux activités de loisirs de chacun.Le partage des responsabilités domestiques est un idéal qui peut nécessiter une introspectionet une exploration considérable des problèmes relationnels.Travail et loisir ne sont pas simplement des activités différentes mais elles sont basées surdifférentes attitudes (Rohrlich , 1980). Les deux sont importantes pour une vie équilibrée etpour une recréation ou maintien de l’énergie et l’enthousiasme pour un style de vie incluantun engagement continu dans la carrière et la famille.Stratégie 3 : Réduire les multiples cycles de rôlesLa planification couple peut se faire comme pour la vie le. Cela inclut la planification de lacarrière pour chaque partenaire, la planification familiale et la négociation des points detransition conflictuels. Chaque partenaire peut être encouragé à s’engager dans l’évaluation dela carrière personnelle, en incluant une clarification des valeurs, une identification des intérêtset compétences et la fixation des objectifs de carrière.Avec ces objectifs individuels, chaque partenaire opère à partir d’une position claire quifournit une base à partir de laquelle on peut négocier les objectifs équitables et mutuels ducouple. La qualité de la négociation par rapport au degré de mutualité de la négociation.Le calendrier de transition entre carrière et famille pour chaque partenaire est important pourrésoudre les dilemmes des multiples rôles.218


Christin et Colle (2008) se sont aussi focalisé sur le couple à double carrière et ont essayéd’étudier les stratégies organisationnelles qui peuvent permettre au couple de mieux articulerle travail et la famille. Ils ont menée pour cela une étude qualitative auprès de 40 cadresfrançais. Cette étude leur a permis de recenser l’ensemble des stratégies souhaitées et nonsouhaitées par les salariés en situation de couple à double carrière.En ce qui concerne les stratégies souhaitées. Nous trouvons quatre divisées en deux sousgroupes.Le premier est relatif aux aides centrées sur la sphère professionnelle où on trouve lapossibilité de choisir les horaires du travail et la possibilité de choisir les modalités demobilité. Le second sous-groupe regroupe les aides centrées sur la sphère privée et qui sont :les aides à la garde d’enfant et l’offre de services à la personne.Les autres stratégies proposées pour les couples ne reçoivent pas leur approbation. On trouvedans cette catégorie : la réduction du temps de travail, le travail à domicile et ledéveloppement du congé parental.ConclusionNous avons essayé à travers ce papier de présenter les spécificités de cette catégorie desalariés qui a connu une croissance pendant les dernières années. Ces spécificités posentaujourd’hui pour les chercheurs et les professionnels en ressources humaines des questions deréflexion pour pouvoir déterminer comment gérer ces salariés ? Comment maintenir leurniveau de performance quand tenue de leurs engagements familiaux et comment gérerl’influence de ces engagements sur leur carrière.Les développements théoriques présentés ici nous ont servi de base pour brosser le portrait ducouple à double carrière. En se basant sur ces construits théoriques nous avons construit notremodèle de recherche que nous allons poser à l’épreuve du terrain à travers une étudeempirique qualitative basée sur la méthodologie des récits de vie.Nous espérons à travers notre étude du cas marocain pouvoir vérifier l’existence desdifférentes typologies des couples à double carrière au Maroc et étudier comment le DRHpeuvent gérer au mieux cette catégorie de salarié en tenant en compte leur spécificité quant àla problématique de l’articulation travail-famille.Bibliographie :Alis D, Dumas M, (2005) , « 35 heures, conciliation vie familiale – vie professionnelle etégalité : le cas d’une conciliation inégalitaire », 16e Conférence de l'AGRH- Paris Dauphine-15 et 16 Septembre 2005Allen, T. D., Herst, D. E. L., Bruck, C. S., & Sutton, M. (2000). “ Consequences associatedwith workto-family conflict: A review and agenda for future research”, Journal ofOccupational Healt Psychology, Vol 5, 2000.Barel et Fremeaux (2005), « Perceptions par les salariés des mesures d’aide à la conciliationtravail – hors travail », AGRH 2005Belghiti-Mahut S. (2003), « La relation entre le conflit vie professionnelle- vie familiale et lasatisfaction au travail : une investigation empirique», AGRH 2003Bender Anne-Françoise, 2004, Egalité professionnelle ou gestion de la diversité : quels enjeuxpour l’égalité des chances ?, Revue Française de Gestion, n°151, juin-août, pp. 205-217.Burley, K. (1995). Family variables as mediators of the relationship between work-familyconflict and marital adjustment among dual-career men and women. The Journal of SocialPsychology, 135(4), p. 483-497.Cerdin , JL (2004), « les carrières dans un contexte global »,revue management etavenir,n°1,P155-175, 2004219


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Lidwine MAIZERAY, doctorante à Paris II Panthéon-Assas (sous la direction deCatherine Voynnet Fourboul) et chargée d’études diversité au sein du groupe CréditAgricole SA.Adresse : Lidwine Maizeray, 3 rue de Bourgogne 91380 Chilly-Mazarin,lidwine.maizeray@gmail.comTel : 06 72 37 20 32Armelle SCIBERRAS, responsable de la mission diversité et handicap du Groupe CréditAgricole SAPerception de la diversité au sein d’un grand groupe financierOuComment les collaborateurs vivent-ils la diversité mise en œuvreau sein de leur entreprise ?RESUMEForce est de constater que la vaste littérature sur le thème de la diversité laisse entendrequ’elle revêt de multiples réalités et s’avère difficile à définir. Pour autant, c’est devenu enquelques années un incontournable pour les entreprises, relayé par les aspects légaux : la loihandicap en 2005, la loi égalité femmes/ hommes effective à compter de janvier 2012, pour neciter que les principales obligations. La diversité telle qu’elle est aujourd’hui pratiquée et miseen œuvre correspond réellement à ce que peuvent en attendre celles et ceux qui fondent cettediversité, c’est-à-dire les collaborateurs. En effet, comment cette partie prenante de ladiversité la perçoit-elle et la vit-elle? Ce papier s’intéressera donc dans le cadre d’une étudeexploratoire aux attentes des collaborateurs d’un groupe financier français. En premier lieu,nous présenterons la problématique du lien existant entre la diversité et la responsabilitésociale d’entreprise. Nous procéderons en un second temps à une analyse des entretiens d’unéchantillon de collaborateurs et proposerons des solutions au décalage constaté entre leursattentes et ce que leur organisation met en œuvre en termes de gestion de la diversité.INTRODUCTION221


Force est de constater que la vaste littérature sur le thème de la diversité laisse entendrequ’elle revêt de multiples réalités et s’avère difficile à définir. Nous pouvons comprendre ladiversité selon deux angles principaux. D’un point de vue strictement légal, la diversitéconsiste uniquement à respecter la loi L.1132 du Code du travail et n’est donc que l’autrevisage de ce que l’on appelle la non-discrimination. La diversité sous sa forme la plusrestrictive de non discrimination est devenue, pour les entreprises, un incontournablenotamment avec la loi sur l’égalité femmes/hommes ou encore le renforcement de la loihandicap en 2005. Ainsi en quelques années, les organisations ont cherché à prouver qu’ellesétaient non-discrimantes. Peu à peu elles ont cherché à dépasser ce simple cadre légal et àœuvrer en faveur d’une diversité plus globale et moins restrictive, celles des différencesvisibles (âge, sexe, handicap, origine ethnique,…) et parfois plus ou moins invisibles(affiliation politique, orientation sexuelle, croyances, lieu d’habitation, religieuses,…) [Point,2007]. Ainsi les organisations ont commencé à prendre en compte la multiplicité impliquéepar la diversité. Les organisations ont ainsi engagé des actions en faveur de telle ou telledifférence, comme par exemple favoriser le recrutement de jeunes issus de zones urbainessensibles (ZUS) ou des contrats urbains de cohésion sociale (CUCS), favoriser la mobilité desseniors,... Mais une question plutôt légitime se pose dès-lors, à savoir si la diversité tellequ’elle est aujourd’hui pratiquée et mise en œuvre au sein de ces-dernières correspondréellement à ce que peuvent en attendre celles et ceux qui fondent cette diversité, à savoir lescollaborateurs. En effet, comment cette partie prenante de la diversité la perçoit-elle et la vitelle?1. REVUE DE LITTERATURE : GESTION DE LA DIVERSITE ET RSE1.1 De la gestion de la diversité par obligation à une véritable responsabilité del’entrepriseAu sein de la gestion des ressources humaines, la gestion de la diversité est devenue unincontournable pour les entreprises. Ainsi, « la gestion de la diversité vise à faire évoluer lesreprésentations pour éliminer tout comportement discriminatoire dans l’entreprise et instaurerune culture de la tolérance, qui permette l’inclusion de chacun avec ses apports et sesdifférences » [Bender, 2007]. Autrement dit, si les entreprises tendent à gérer les différences,cela peut être pour des raisons légales. Elles cherchent à se prémunir contre des représailles etla saisie du Défenseur des droits de la part des personnes potentiellement discriminées euégard à l’un des 18 critères de la loi L. 1132 du Code du travail. En gérant la diversité, ellestendent donc à montrer qu’elles sont impliquées vis-à-vis de leurs ressources humaines,qu’elles veillent à la prise en compte de la spécificité de chacune des personnes quicontribuent à leur existence. Ce souci de respecter chaque individu participant à la vie del’entreprise ou qui y participera semble aller au-delà du simple respect de la loi. Les sitesinstitutionnels d’ailleurs mettent de plus en plus en avant les actions réalisées en matière derespect de la diversité et les rapports annuels des entreprises assujetties à la loi NRE 79décrivent de plus en plus les bonnes actions entreprises. La gestion de la diversité, qui étaitl’affaire des ressources humaines pures et des processus qui y sont liés dont notamment leprocessus recrutement, est devenue peu à peu en l’espace de quelques années un enjeu de laresponsabilité sociale d’entreprise. C’est donc essentiellement face aux parties prenantesextérieures que les entreprises ont commencé à démontrer qu’elles étaient engagées enmatière de diversité et plus particulièrement en matière de lutte contre les discriminations.79 Loi sur les Nouvelles Régulations Economiques de 2001, article 116222


Mais toutes les données indiquées sont disparates et peu précises [Garner-Moyer, 2006].Comment en ce cas, savoir si les parties prenantes ont bien tous les éléments pour juger dubien-fondé de la gestion de la diversité telle qu’elle est pratiquée en tel lieu et à tel moment ?Avant même de pouvoir répondre à cette interrogation, il est nécessaire de comprendrequelles parties prenantes sont concernées par la diversité.223


1.2 La gestion de la diversité et la théorie des parties prenantesL’approche des parties prenantes suppose que les entreprises ne se limitent pas à répondreseulement aux exigences de leurs actionnaires, mais qu’elles cherchent à répondre égalementéquitablement aux différents groupes ayant un rapport avec celles-ci. La théorie des partiesprenantes a donc une dimension normative moralement exigeante [Donaldson et Preston,1995] et qui implique que la firme soit responsable vis-à-vis « des individus ou groupespouvant être affectés par la réalisation d’objectifs organisationnels » [Freeman, 1984].L’entreprise rend aussi bien compte à ses actionnaires qu’à ses clients de tout ce qu’elleaccomplit et qui a un impact pour et sur eux, y compris en matière de diversité.Par là-même, on peut comprendre que les collaborateurs sont à compter parmi les partiesprenantes en question. Car selon Post, Preston et Sachs [2002], les parties prenantes sont « lesindividus et éléments constitutifs qui contribuent de façon volontaire ou non à la capacité dela firme à créer de la valeur et à ses activités et qui en sont les principaux bénéficiaires et / ouen supportent les risques ». En toute logique, la partie prenante principale en matière dediversité est avant tout celles et ceux qui la fondent, à savoir les collaborateurs. Nonseulement, ils sont ces individus différents que l’entreprise est censée respecter, au nom desaspects légaux, mais aussi ceux à qui elle doit rendre compte de ses actes en matière de nondiscriminationau minimum car ils contribuent à son existence. Les entreprises respectent dansun souci utilitariste la diversité parce que ceux qui sont cette diversité peuvent potentiellementcréer des bénéfices utiles pour assurer leur pérennité comme cela a pu être développé par lesthéories de la performance sociale à ce sujet [Cox et Blake, 1991]. Cependant, la théorie desparties prenantes va au-delà du simple raisonnement utilitariste qui consiste parfois àcautionner de mauvaises actions pour une minorité, dans la mesure où elles sont utiles à unemajorité [Greenwood, 2004]. En matière de gestion de diversité, cet utilitarisme est censéégalement être dépassé dans la mesure où il s’agit de traiter avec égalité ou tout du moinsavec équité chaque différence rencontrée. La gestion de la diversité va donc au-delà de lasimple non-discrimination. Autrement dit, lorsqu’il est question de montrer, démontrer sonengagement en termes de responsabilité sociale à ses parties prenantes, y compris à sescollaborateurs, l’entreprise doit pouvoir répondre de ses actes comme étant des actes à la foisbons pour elle, mais aussi bons pour l’ensemble des personnes ayant à partie avec elle.L’approche des parties prenantes apporte donc une mise en perspective, tant d’un point de vuethéorique que pratique, pour instaurer une relation équilibrée entre l’organisation et lescollaborateurs quelles que soient leurs différences. Or, le propre même de la différence, c’estque les attentes des collaborateurs sont diverses [Peretti et Colle, 2007], et ce même enmatière de gestion de la diversité.Est-ce qu’il est possible dès lors qu’en matière de diversité les collaborateurs aient desattentes communes ? Et surtout nous pouvons nous demander si leurs attentes correspondentréellement à ce que les entreprises mettent en œuvre en matière de diversité.2. METHODOLOGIE : ANALYSE EXPLORATOIRE DES ATTENTES DE COLLABORATEURS D’UNGROUPE BANCAIRE PAR RAPPORT AUX ACTIONS REALISEES PAR LEUR ENTREPRISE ENMATIERE DE DIVERSITEComprendre les attentes réciproques des différents acteurs concernés par la diversité enentreprise et notamment de ceux qui fondent cette diversité s’avère essentiel afin de savoir si,au final, l’entreprise répond toujours de ses actes par souci de responsabilité sociale et tientbien compte de toutes ses parties prenantes. Pour ce faire, nous avons choisi de procéder à une224


analyse exploratoire des attentes des collaborateurs d’une entreprise et donc de nous intéresserà la partie prenante la plus concernée par les actions diversité.2.1 Choix méthodologiquePour répondre à la question de la correspondance des attentes des collaborateurs par rapportaux actions des entreprises en matière de diversité, nous avons choisi une méthodologiequalitative au sein d’un groupe bancaire engagé en matière de diversité et soumis à la loiNRE, à savoir le Groupe Crédit Agricole SA fortement engagé dans une démarche deresponsabilité sociale notamment autour de l’acronyme « RESPECT »incarnant lesprincipales valeurs humaines auxquelles il tient. Ces valeurs sont les suivantes : laReconnaissance des salariés, l’Egalité des origines, des âges, entre les hommes et les femmes,la Sécurité au travail, la Participation et un dialogue social, l’Equité des rémunérations, laCohérence de l’image du groupe et une implication des collaborateurs et la participation àl’amélioration de la santé, de la culture, de l’éducation sur le Territoire d’implantation.Inscrite dans une posture épistémologique interprétativiste, cette recherche exploratoire a étéeffectuée à l’aide principalement d’entretiens semi-directifs d’1 heure en moyenneintégralement retranscrits auprès de salariés travaillant dans ce groupe et d’une observationparticipante d’une année en tant que promoteur de la politique diversité du groupe. A cecis’est ajoutée l’étude de toutes les informations possibles sur les actions réalisées en matière dediversité par l’entreprise (documentations institutionnelles, sites internet et intranet, rapportsannuels, bilans sociaux,...) et étude de la démarche de responsabilité sociale du groupe encours de redéploiement.Le choix d’échantillonnage par proche en proche a cependant respecté le principe de diversitéafin de recueillir une grande variété de situations pour capturer le plus de concepts possibles[Voynnet Fourboul et Point, 2006]. L’objet a été d’établir des contrastes à partir d’une variétéd’échantillon portant aussi bien sur le sexe, l’âge, le parcours professionnel, la filiale, lemétier, le sentiment d’appartenance à la diversité ou non et en tenant compte descaractéristiques sociales de l’entreprise (cf. tableau ci-après). En effet, par exemple, dans cegroupe bancaire, la part de représentation des femmes étant plus importante, nous avons doncveillé à tenir compte de la proportion.Age Répartition par âge Hommes Femmes51 et+ 3 1 250-41 5 2 340-31 4 2 230-21 3 0 3Total 15 5 10Tableau 1 : caractéristiques de l’échantillon en fonction des critères de diversité les pluscommuns aux interviewés, à savoir l’âge et le genre.225


SEXE AGE ANCIENNETE POSTE OU STATUTen annéeshomme 31-40 ans 10 RHhomme 31-40 ans 14 Directeur des marchéshomme 41-50 ans 10 Responsable informatiquehomme 41-50 ans 20 Directeur relations clientèleshomme 51-60 ans 35 Managerfemme 21-30 ans 1 RHfemme 21-30 ans 2 RHfemme 21-30 ans 5 mois Gestionnairefemme 31-40 ans 13 RHfemme 31-40 ans 13 Gestionnairefemme 41-50 ans 25 Gestionnairefemme 41-50 ans 8 Ingénieurefemme 41-50 ans 19 RHfemme 51-60 ans 38 Représentante du personnelfemme 51-60 ans 10 Relations socialesTableau 2 : caractéristiques de l’échantillon selon les variables ancienneté et fonctions.Les quinze entretiens semi-directifs portant principalement sur la vision qu’avaient lescollaborateurs sur la diversité en contexte d’entreprise et plus précisément au sein de leurentreprise ont été analysé avec un logiciel d’aide à l’analyse de données qualitatives ( QDAminer) qui a permis de faire émerger des catégories et de mettre en évidence des attentescommunes aux collaborateurs ainsi qu’un contraste entre leurs attentes et les actions réaliséespar l’entreprise et un sentiment de décalage entre les discours de leur organisation et cesactions. L’analyse a été de type Grounded Theory [Strauss et Corbin, 1990] avec un codageaxial.2.2 Les principaux résultatsL’analyse de la documentation émise par le groupe sur ses actions tant en interne qu’enexterne ainsi que la méthodologie qualitative suivie ont permis de révéler que lescollaborateurs avaient, malgré le fait qu’ils étaient tous différents, des attentes communes enmatière de diversité. Nous avons pu également relever un fort sentiment de décalage entreleurs attentes et les actions réalisées par un groupe fortement engagé et signataire de la chartede la diversité depuis 2008.2.2.1 Des attentes communes des collaborateurs et un contraste assez fort entre leursattentes et les actions réalisées.Le tableau ci-après résume les principaux points mis en exergue par l’analyse qualitative et lacomparaison de cette-dernière avec les informations relatives aux actions menées en matièrede diversité au sein du groupe.226


Catégories Verbatims AttentesAffichage/image"Je trouve que c'est bien qu'il existe une missiondiversité et handicap au sein du groupe, je trouveque c'est encore mieux si c'est porté par une vraievolonté délibérée et que ce ne soit pas la recherche,mais j'en doute évidemment, d'un bénéfice d'imageou d'un étendard qu'on porte." (directeur relationsclientèles)Respect de tout un chacun et unenon instrumentalisation de ladifférenceObligation/Simplerespect de la loi"Dans la diversité, il y a l'aspect égalité hommesfemmes. Chaque année il y a un bilan. Une foisqu'on a vu que les femmes étaient moins payées queles hommes, on remplit le truc et voilà. C'est del'information. Je pense que les effets sont plusintéressants que les intentions. C'est plus intéressantde savoir à quoi on utilise un budget que de savoirqu'on a le budget." (représentante du personnel)"Dans un avenir idéal, la diversité existeraitnaturellement." (chargée de mission RH)Une diversité la plus naturellepossibleRenforcement dela stigmatisation/discriminationpositive excessive"Attention au travers qui serait faire de la contreproductivité en essayant coûte que coûte de placerune personne dans une situation d'échec finalementparce qu'elle n'aurait pas les compétencestechniques [...] n'a que des individus en face de soiet si on va vers une catégorisation à l'infini, on serendra compte qu'on n'a pas deux personnespareilles." à propos de l'intégration des personneshandicapées. (Responsable informatique).Eviter une focalisation tropimportante sur certainesdifférences"Quelque part l'égalité professionnelle est un sujettarte à la crème.[...]Et, être facilitateur par rapportà ça, c'est être contre-productif parce que ça met enavant une différence qu'on ne veut pas forcémentafficher donc demander aux gens de faire attention,c'est leur mettre la puce à l'oreille et à la limitedesservir l'intégration de la personne arrivante."(directeur des marchés)227


Tableau 2 : Principaux résultats de l’analyse qualitativeLes entretiens ont tous mis en avant 3 craintes partagées par les répondants malgré leursparcours différents, et qui avaient pour seul véritable point commun d’appartenir soit au genremasculin soit au genre féminin. Ces craintes se sont exprimées au sujet des actions liées à ladiversité qu’ils avaient vécues ou dont ils avaient eu connaissance. Ces dernières étaient liéesessentiellement au processus de recrutement et à la communication.Ils ont tous unanimement exprimé de façon plus ou moins explicite une premièreappréhension : que leur entreprise œuvre en faveur de la diversité afin d’obtenir uniquementune image positive. L’idée d’une entreprise à l’esprit calculateur sans une once d’altruismeles fait également craindre par cause à effet une instrumentalisation excessive des individus etmême une instrumentalisation de leurs éventuelles différences. Quelque part, dans leur esprit,si la différence est source de richesse, de valeur et de respect de tout un chacun, en jouantavec son image responsable et d’organisation bienfaisante, l’entreprise perd une certaineforme de richesse et ses valeurs pour une richesse artificielle. L’attente des collaborateurs estdonc simple, à savoir que leur entreprise respecte réellement toute différence pour ellemême,sans arrière pensée. Ils souhaitent quelque part que les valeurs de respect, dereconnaissance, d’égalité, d’équité soient en totale cohérence avec les actions menées.Finalement ils aimeraient que l’entreprise ne cherche pas à faire de profit avec la diversité etque si un avantage naît de la diversité, ça puisse être naturel.Une diversité plus naturelle : il s’agit là d’une attente récurrente de la part des collaborateurs.A la question même de savoir comment serait la diversité au sein de leur entreprise etcomment elle se déclinerait idéalement, ils ont tous répondu : « la diversité existeraitnaturellement ! » L’impression que les collaborateurs ont actuellement, c’est que les actionsmenées sont toutes plus ou moins des réponses à des contraintes légales et necorrespondent pas forcément toujours aux discours et bonnes intentions affichées parleur organisation. Parmi les actions les plus visibles et les plus citées, 10 des collaborateursinterrogés ont parlé d’eux-mêmes du sujet de l’égalité femmes/ hommes d’actualité dans legroupe et les 15 ont spontanément évoqué la loi handicap ainsi que les actions liées à cettedernière.Si leur jugement à propos de ces actions a été assez contrasté, en revanche tous ontexprimé une peur certaine, à savoir que leur entreprise gère la diversité par son aspectuniquement légal et ne s’intéresse donc qu’au pan de la diversité qu’est la non-discrimination.Ainsi cela a induit leur dernière peur, celle d’un renforcement de la différence.Cette crainte d’une stigmatisation de certaines différences comme la question du genre, duhandicap n’apparaît pas comme égoïste, bien au contraire. Ils n’ont pas exprimé dans leurspropos une peur que des différences autres que celles qui les constituent soient plus prises encompte, mais il s’agit là d’un réel souci que les personnes porteuses de diversités mises enavant par leur groupe ne deviennent pas victimes de plus de discriminations que si rien n’avaitété accompli en leur faveur. Plus encore, en stigmatisant une différence et l’observation228


participante a permis de le confirmer dans plusieurs cas, les personnes porteuses d’unedifférence mise en avant finissent par être démotivées et deviennent dès lors l’objet deréflexions qui laissent à penser que c’est à cause de leur différence qu’elles ne sont plus oupas assez performantes alors que c’est la situation de mise en avant excessive de leurdifférence qui a créé cet effet. Ils attendent donc de l’entreprise qu’elle trouve un plus justeéquilibre et une plus juste mesure dans la mise en œuvre d’actions en faveur de telle ou tellecatégorie de la diversité. Ils veulent qu’elle ne se focalise pas exclusivement sur telle ou tellecatégorie, en somme qu’elle prenne le problème de la différence sous un angle plus global etmoins compartimenté tel qu’ils le perçoivent. Ce souhait est ressorti d’autant plus qu’il étaiten total contradiction avec les discours très positifs de leur entreprise au sujet d’actionsaccomplies ou à venir.Mais que doit-on comprendre de ce décalage entre les attentes des collaborateurs corroboréespar l’observation participante ainsi que des entretiens libres avec d’autres collaborateurs queceux interrogés et les discours et intentions affichées par leur entreprise qui ne sont pas lesmêmes? Que pouvons-nous penser de ce regard qui révèle un découplage certain entre lesintentions de leur entreprise qui se veut socialement responsable et la façon dont cesintentions se traduisent en acte à leurs yeux ; décalage qui leur donne l’impression que leurentreprise est hypocrite ?2.2.2 Une tentative d’explications du décalage entre les attentes des collaborateurs et lesactions diversité : une nécessaire hypocrisie ?Le fait qu’il existe un découplage entre la perception des collaborateurs, partie prenante de ladiversité et les discours sur ses actions réalisées en la matière de la part du groupe ne signifiepas qu’une des deux parties a plus raison que l’autre. Un décalage entre le discours del’organisation et la perception que les collaborateurs ont de la diversité est inévitable. Il s’agitd’une nécessaire hypocrisie [Brunsson, 1993], une réponse fonctionnelle de la part del’organisation face à la variété des demandes contradictoires auxquelles elle est soumise.Entre les revendications de telle ou telle minorité qui tend à faire entendre sa voix, lesexigences des lois, gérer la diversité est une affaire complexe. Cela l’est d’autant plus que ladiversité est une notion contradictoire en elle-même, tant par son sens étymologique de« contradiction » que par le fait qu’elle exige à la fois une prise en compte de chaquedifférence et une unité. Ceci est d’autant plus difficile à réaliser que la structureorganisationnelle est complexe : de nombreuses filiales avec des gestions de ressourceshumaines différentes, plus ou moins autonomes appartenant à un groupe censé impulser unevision commune auprès de ces-dernières. Ainsi les discours relevés à propos des actions enfaveur de la diversité ne seraient qu'une expression rhétorique destinée à donner un peu desens à quelque chose, qui au final, n’en a pas ou peut tout au moins revêtir plusieurssignifications. Il n’est donc pas si étonnant que les collaborateurs aient le sentiment que leurentreprise joue un jeu hypocrite lorsqu’elle s’occupe de diversité. La diversité est à la foiscontradictoire et le système organisationnel l’est également et ne peut être autrement. Mais sicette nécessaire hypocrisie est mal vécue, c’est que le sujet concerne particulièrement les229


collaborateurs. Ils ne peuvent pas faire abstraction du décalage comme ils le feraient parexemple sur un sujet de développement durable et une question environnementale car cela lestouche beaucoup plus. Ils sont cette diversité et ne peuvent donc pas avoir envie de fermer lesyeux. Au contraire, cette hypocrisie peut devenir source de démotivation, de frustration de nepas être impliqué, d’être l’objet de décisions et d’actions aléatoires et non plus sujet de leurvie professionnelle. La partie prenante des collaborateurs est importante car il ne s’agit pasd’une partie prenante totalement passive. Bien au contraire, et c’est ce que l’analyse a permisde révéler, elle demande à être actrice, à participer. Quelque part, les collaborateurs exprimentle souhait que leur organisation remette au goût du jour un management participatif, devenuquelque peu passif ces dernières années. Le groupe par le redéploiement de sa démarche deresponsabilité sociale va dans ce sens au travers de sa valeur Participation et dialogue sociale.Il a donc pris conscience de ces attentes. Mais comment, au final, trouver un équilibre entreles attentes des collaborateurs et la spécificité de l’organisation ? Comment éviter à cettedernièrede passer pour utilitariste alors qu’elle déploie moults efforts pour ne pas l’être et êtresocialement responsable ? Comment éviter un sentiment d’hypocrisie trop grand quandl’intention du groupe est de prendre en compte les attentes du corps social ; attentes qui sontmultiples et parfois contradictoires ?3. PISTES MANAGERIALES POUR QUE L’ENTREPRISE RETROUVE LE CHEMIN DE LARESPONSABILITE ET N’APPARAISSE PLUS COMME UTILITARISTE : PRENDRE DES RISQUESCes constats amènent à une réflexion sur des propositions managériales visant à dépasser lesaspects purement légaux de la diversité et redonner la voix aux collaborateurs tout en veillantà rééduquer leurs regards.3.1 Dépasser le légalL’un des reproches adressé par les collaborateurs à leur entreprise est le fait qu’elle nes’intéresse aux différences que pour des raisons légales et ne s’intéresse donc par-là mêmequ’aux différences protégées par ces lois. Pour éviter aux collaborateurs d’avoir l’impressionque l’organisation a une politique réactive plutôt que proactive en la matière, deux possibilitéspeuvent être envisagées. La première consiste à repenser les budgets dont elle dispose pouraider telle ou telle différence.« On voit que pour équiper un bureau, la mission handicap a capacité à dépenser énormémentd'argent, mais ça vaudrait le coup de réfléchir si cet argent ne pourrait pas être utilisé d'unemeilleure façon pour l'ensemble des collaborateurs qui vont se retrouver dans des open spacecomme ceux qu'on voit ici et qui vont engendrer du stress. » (Représentante du personnel)Ce verbatim d’une collaboratrice pourtant touchée par la question du handicap est une pisteintéressante. Elle n’exclut pas la prise en compte de la différence, mais au contraire montreque cette différence est porteuse de quelque chose qui pourrait être utile à un plus grandnombre. Les budgets ne sont pas extensibles, mais repensés et compris comme des coûtsd’opportunités [Green, 1894] à réinjecter dans les processus ressources humaines, celapourrait s’avérer être la source même de la performance tant recherchée par les organisations.230


Il est même possible d’aller plus loin en envisageant directement de ne plus rentrer dans lecercle vicieux des budgets attribués par les lois ou des coûts d’évitements, mais de prendre lerisque d’investir pour la différence d’une autre façon, en réalisant que les avantages dévolus àtels individus de l’entreprise sont aussi des avantages pour l’ensemble des collaborateurs quidemandent que l’on fasse aussi attention à eux, que l’on prenne soin d’eux, que leur entreprisesoit bienveillante à leur égard. En somme l’entreprise peut repenser sa distribution de budgeten prenant en compte dans chacun des processus auxquels elle attribue des sommes la part dela diversité. Comprendre que la diversité est un coût d’opportunité et non pas une contraintelégale ou sociale est peut-être l’une des premières pierres d’achoppement permettant deconstruire une politique diversité qui aie un sens quasi-similaire et pour l’organisation et ceuxqui contribuent à son existence et sa pérennité. En se détachant de l’aspect légal et de sescontraintes, l’organisation y gagnera en liberté de manœuvre et rendra ainsi la nécessairehypocrisie bien moins importante. Mais cette solution n’est pas évidente à prendre car il s’agitlà d’un pari osé et en contexte de crise, comme c’est le cas, c’est prendre le risque de sepositionner dans une démarche « d’exploration ». [March, 1991]3.2 Redonner la voix aux collaborateurs tout en rééduquant leur regard : faire le pari deleur faire confiance.Si l’entreprise souhaite pouvoir réellement prendre en compte l’avis de sa partie prenante« collaborateurs », la prise de risque est la solution la plus logique. La première solution quenous venons d’aborder est certainement la meilleure des deux, mais aussi la plus compliquée àmettre en œuvre. Il existe une solution alternative et qui peut éviter à l’organisation deprendre un risque trop important. La seconde possibilité afin de réduire l’écart entre la visiondes collaborateurs et celle de l’organisation consiste à leur faire confiance et à leur donnerl’occasion d’être impliqués sur le sujet de la diversité. Il s’agit là d’un risque également, maisd’un autre ordre. En redonnant la voix aux collaborateurs, l’organisation prend le risque queles minorités prônent la reconnaissance de toutes différences en espérant que l’on reconnaissela leur et qu’une fois gain de cause obtenu changent de point de vue une fois en situation depouvoir. [March et Weil, 2003]. Pourtant, ce pari osé constitue un coût d’opportunité plusraisonnable que notre première proposition car il y a moyen de maîtriser ce type de risque outout du moins de le réduire en maintenant un dialogue constant et une écoute bienveillante despropositions de tout un chacun. Le groupe étudié souhaite redonner la parole auxcollaborateurs qui, et c’est le cas pour la question de l’égalité femmes/ hommes, se sontorganisés en une communauté pour discuter du sujet. Cette communauté ou réseau a la libertéd’échanger sur une des dimensions de la diversité, et cela va permettre de faire remonter à ladirection des ressources humaines des idées, des solutions, des attentes susceptiblesd’intéresser l’ensemble des collaborateurs. Nous pouvons donc imaginer un ensemble decommunautés échangeant chacune librement sur les thèmes qui les intéressent et qui feraientremonter leurs attentes. La direction des ressources humaines auraient alors matière àdialoguer et à mettre en place des actions qui intéresseraient ces collaborateurs, mais aussicomme le verbatim présenté peu avant le laissait entendre, seraient susceptibles d’amener desactions positives pour l’ensemble des collaborateurs. Le tout étant de veiller à garder l’espritde dialogue pour qu’aucune des communautés n’aient l’impression d’une prise de pouvoirexcessive par une autre. On pourrait également imaginer que cela débouche sur des231


interactions entre les différents réseaux et qu’une réflexion transversale et efficace en matièrede diversité puisse voir le jour de façon durable.CONCLUSIONL’étude de l’organisation bancaire présentée dans ce papier a pu révéler que cette dernière,malgré son engagement en matière de responsabilité sociale et son envie de lier la question dela diversité à cet engagement ne parvient pas à donner entière satisfaction à sa partie prenanteessentielle. Si elle veut réellement faire preuve de son engagement en matière de diversité pardelàla mise en application des aspects légaux en matière de diversité, cela implique desefforts conséquents pour prendre en compte le corps social et son avis en la matière. Même sil’intention de cette organisation est altruiste et pas seulement utilitariste, cela ne va pas de soiet ne transparaît pas forcément au travers des actions et des discours portés par l’entreprise surle sujet de la différence. D’autres causes au sentiment de décalage vécu par les collaborateurssont certainement plausibles. Cela nécessite donc de la part de l’organisation une plus grandecohérence pour traiter du sujet en commençant sans doute par prendre le risque d’écouter unpeu plus celles et ceux qui composent cette diversité et comme a commencé à le faire leGroupe Crédit Agricole.Ce changement de façon de gérer la diversité implique donc de trouver ce qu’il y a de pluscommun à tous ces individus différents qui travaillent au sein de l’entreprise. Sans pour autantaller vers une entreprise à la carte- solution pour l’instant trop prématurée compte tenu de laculture même et la structure organisationnelle du groupe en question – il est possibled’éliminer les dualités en réduisant l'hypocrisie organisationnelle en donnant la possibilitéd’agir aux collaborateurs.L'adhésion des salariés par leur participation à la politique diversité qui les concernedirectement, à défaut de réduire toutes les différences et donc de potentielles prises de pouvoirsuite à revendications, garantirait dès lors une paix sociale propice pour gagner les vraisbénéfices recherchés par l’organisation à travers son intérêt pour la diversité. Il n'en reste pasmoins que cette recherche délimitée à un cas d’entreprise est un signal faible [Bournois etBourion, 2009], mais permet tout de même de souligner des points d’attention utileségalement pour d’autres entreprises. Il reste peut-être néanmoins à creuser l’idée de savoir ceque serait réellement une diversité naturelle telle qu’évoquée par les collaborateurs ainsiqu’explorer plus en profondeur les raisons du sentiment de décalage vécu par lescollaborateurs et qui n’est peut-être pas du uniquement à l’intention de l’entreprise.BIBLIOGRAPHIEBender A.-F. (2007), « Les politiques d’égalité et de diversité, dans les pays anglo-saxons eten France? », <strong>Actes</strong> du colloque Ethic, Tours, ESCEM, p. 44-53Bournois F., Bourion C. (2009), « Les apports irremplaçables des dispositifs qualitatifs pourétudier époques et phénomènes humains très perturbés », Revue internationale dePsychosociologie, Vol. XV, p. 13-28Brunsson N. (1993), « The Necessary Hypocrisy », The International Executive, vol. 35 (1),p. 1-9232


Cox T. (Jr), Blake S. (1991), «Managing cultural diversity: Implications for organizationaleffectiveness. », Academy of management Executive, 13 (2), 68-80Garner-Moyer Hélène, « Gestion de la diversité et enjeux de GRH», Management & Avenir,2006/1 n° 7, p. 23-42.Green D.I. (1894), « Pain Cost and Opportunity Cost », Quaterly Journal of Economics, 6,page 218Greenwood M. (2004), « Ethics and Human Resource Management », Supplement toAccompany Human Resources Management in Australia.Donaldson T., Preston L.E. (1995), « The stakeholder theory of the corporation: concept,evidence and implication », Academy of Management Review, 20(1), p.65-91.Freeman R.E. (1984), Strategic Management: A Stakeholder Approach, Boston, PitmanFreeman R.E. (1994), « The Politics of Stakeholder Theory: Some Future Directions»,Business Ethics Quarterly, 4, p. 409-421.March J. G. (1991), «Exploration and exploitation in organizational learning», OrganizationScience, vol 2; p. 71–87.March J.G., Weil T. (2003), Le leadership dans les organisations, Paris, Les Presses, pages52-53Peretti J-M., Colle R. (2007), « “L’entreprise à la carte” : une réponse à la diversité », Tousdifférents, Paris, Eyrolles, p.265-278Post J.E., Preston L.E., Sachs S. (2002), Redefining the Corporation: StakeholderManagement and Organizational Wealth, Stanford University Press, p.8Point S. (2007), « La diversité des définitions de la diversité : comparaisons européennes »,Le management de la diversité : enjeux, fondements et pratiques (sous la direction d’I. Barthet C. Falcoz), Paris, L’HarmattanStrauss A., Corbin J. (1990), Basics of Qualitative Research, Thousand Oaks, SagePublicationsVoynnet-Fourboul C., Point S. (2006), « Le codage à visée théorique », Recherche etApplications en Marketing, vol. 21, n° 4, p. 61-78233


La grande firme à l’heure du néo-fordisme :Valorisation de la diversité ou normalisation des comportements ?Amélie SeignourMCF, Université Montpellier 2, MRM-ERFIamelieseignour@wanadoo.frFlorence PalpacuerPU, Université Montpellier 1, MRM-ERFI234


Ainsi qu’en témoignent en 2004 la signature de la Charte de la diversité par trente-septdirigeants d’entreprises - dont trente-quatre d’entreprises du CAC 40 - ainsi que la signatureen 2007 par le patronat et les syndicats de l’Accord national interprofessionnel relatif à ladiversité dans l’entreprise, depuis une décennie, nombre de directions d’entreprises prennentdes mesures afin de reconnaître et de promouvoir la diversité de leurs personnels, postulantqu’une gestion efficace de la diversité permet une amélioration de la performance del’entreprise.Toutefois, parallèlement à ces prises de conscience et à ces actions centrées sur la promotionde la différence, il nous apparaît que les grandes firmes contemporaines tendent, commel’entreprise fordiste en son temps, à adopter un modèle de gestion des ressources humainesnormatif, visant à standardiser le travail de leurs salariés dans le double objectif de s’assurerde la qualité et de l’homogénéité des produits et des services qu’elle crée et de limiter, en lesdéqualifiant, le pouvoir de négociation de leurs personnels. Ce qui est nouveau, dans cettefirme que nous qualifions de « néo-fordiste » (voir infra), c’est, d’une part, que cettestandardisation concerne également les personnels qualifiés, d’autre part que ces mécanismesde normalisation s’appliquent non seulement aux procédés de travail mais aussi aux résultatsobtenus par les salariés, appréciés à partir de critères de performance définis ex ante.Il apparaît en outre que, loin de permettre l’expression de propositions alternatives émanantde salariés plus « hétérodoxes » un troisième type de normes, plus complexes et plusinsidieuses, caractérise ces firmes. Ces normes ont pour objectif de standardiser lesreprésentations et les comportements au travail des salariés à partir de la diffusion récurrented’une rhétorique managériale présente dans les supports de communication interne etvéhiculée lors de sessions de formation des personnels. C’est cette normalisation, que nousnommons « normalisation culturelle ou symbolique » 80 , visant à acculturer les salariés àl’idéologie managériale dominante de leur entreprise, que cette communication analyse, en enmontrant le contexte d’émergence, la nature ainsi que les finalités et les effets pervers.Ainsi, la thèse qui sous-tend cette communication est que, contrairement à l’imagerie d’unegrande entreprise décentralisée, accordant autonomie et pouvoir de décision à des acteurslocaux émancipés des hiérarchies de l’époque fordiste et promouvant la diversité de leursressources humaines ainsi que de leur dispositifs de management, les grandes firmescontemporaines sont de nouvelles formes de bureaucraties puissamment normatives, ayantadopté pour la plupart un modèle de management fondé sur la standardisation du travail, desrésultats et du comportement des salariés, qu’ils soient ou non qualifiés (Seignour etPalpacuer, 2012).La première partie de cette communication présente les mécanismes de normalisation dans lesfirmes néo-fordistes, que nous définissons comme de nouvelles formes bureaucratiques ayantintégré des logiques marchandes. La deuxième partie propose une analyse de lacommunication interne et de la formation professionnelle continue en tant que dispositifsd’acculturation des salariés. La troisième partie vise, quant à elle, à illustrer nos propos àpartir d’investigations menées entre 2010 et 2011 sur la « normalisation culturelle » dans unegrande entreprise française de télécommunications.80 Terminologie que nous ont inspirée les travaux de Bourdieu sur la « violence symbolique » et ceuxde Mintzberg sur les modes de coordination dans les bureaucraties.235


Nous fondons nos analyses sur trois études menées au cours des dix dernières années. Lapremière, centrée sur les mutations des modes de gouvernance, de la stratégie et dumanagement des firmes multinationales de l’agro-alimentaire en Europe, repose sur l’analysedes rapports d'activité et des sites internet des firmes étudiées, ainsi que d'un ensembled'entretiens réalisés en France entre 2001 et 2002 auprès de neuf cadres dirigeants etfonctionnels, de onze représentants syndicaux et vingt experts des industries agroalimentaires.La deuxième, visant à étudier les transformations de la relation d’emploi dansles grandes entreprises, est basée sur quelque soixante témoignages, recueillis en 2004 et2005 auprès de quatre types d'acteurs, cadres, directeurs des ressources humaines, déléguéssyndicaux et « experts» - juristes, syndicalistes, représentants de l’APEC et de l’ANPECadres, consultants, inspecteurs du travail et conseillers prud’homaux. La troisième étudesur la « normalisation culturelle » et la rhétorique managériale dans une grande entreprisefrançaise de télécommunications repose sur l’analyse thématique de six entretiens menésauprès de syndicalistes de l’entreprise, d’allocutions prononcées par le dirigeant de la firmeainsi que sur l’étude de supports d’une formation au management dispensée en 2007-2008aux cadres supérieurs de l’entreprise.Précisons toutefois que cette communication ne saurait constituer un réquisitoire réducteurcontre les dirigeants des grandes entreprises, ceux-ci étant eux-mêmes « pris » par uneidéologie dont ils sont prescripteurs et, sans doute, convaincus de la légitimité - voire de lamoralité - de leurs actions. En aucun cas, nous ne souscrivons à la thèse d’un vaste complotauxquels adhéreraient cyniquement les puissants de ce monde. Ainsi, notre objectif, bien qu’ilsoit de nature politique –au sens étymologique du terme - n’est pas de porter des jugementsde valeur sur des personnes mais, de déconstruire une rhétorique managériale enchâssée dansune rhétorique libérale omniprésente depuis plus de trente ans dans la quasi-totalité desmédias et, de montrer dans quelles dynamiques systémiques ces discours managériauxs’insèrent.Enfin, la violence, notamment symbolique et langagière, qui a existé dans l’entreprise surlaquelle nous fondons nos analyses dans la seconde partie de cette communication n’est pasgénéralisable à l’ensemble des grandes firmes. Toutefois mais, étant caricaturale et« grossissant » les traits et les effets pervers de la « normalisation culturelle » dans les grandesentreprises, elle nous semble avoir un rendement pédagogique intéressant. Nous nousinscrivons ainsi dans une approche contingente des organisations.1. La normalisation : au cœur de la firme néo-fordisteNous montrons dans cette première partie que la firme néo-fordiste articule des dimensionsbureaucratiques et marchandes, conduisant à un renforcement de la normalisation desprocédés de travail, des résultats et des comportements des salariés.Bureaucratie et management par le marchéEn raison de divers facteurs tels que la libéralisation financière, la globalisation des échangesou l’émergence d’un nouveau contexte institutionnel, de nouvelles firmes transnationalesapparaissent dans les années 1990, dirigées, contrôlées et managées autrement que par lepassé (Gomez et Korine, 2009, Palpacuer, 2000). Ces grandes entreprises centralisentfortement les prises de décision dans les sièges sociaux, accroissent la division internationaledu travail et contrôlent les différentes entités qui les composent à partir de systèmes de236


eporting de plus en plus précis et fréquents (Seignour et Palpacuer, 2005) 81 . Elles tendentégalement à gérer leurs salariés, tant de façon désincarnée - à partir d’une relationmanagériale que la mobilité des cadres globaux tend à dépersonnaliser -, qu’univoque - enoccultant les spécificités managériales locales - à travers des progiciels de gestion desressources humaines macro-régionaux ou mondiaux. Ces diverses caractéristiques nousconduisent à qualifier ces firmes de « néo-bureaucratiques » 82 .Par ailleurs, ces entreprises gèrent leurs personnels à partir d’un « management par lemarché » conduisant à une individualisation et à une contractualisation accrues d’une relationd’emploi désormais inscrite dans le court terme (Cappelli, 1999). Des dispositifs decoordination marchande, s’appuyant sur diverses pratiques de gestion des ressourceshumaines telles que la fixation contractuelle d’objectifs à atteindre, la mobilité érigée enprincipe, ou la mise en œuvre d’une rémunération individualisée, s’immiscent alors dansl’espace organisationnel de ces entreprises, désormais pensées comme des lieux de mesure dela performance individuelle et de mise en compétition des salariés (Palpacuer, Seignour etVercher, 2007) 83 .Ces grandes firmes, articulant bureaucratie et modèle du marché, nous apparaissent en outrecomme puissamment normatives, ces deux dimensions se conjuguant pour créer de nouvellesnormes comportementales. C’est que nous montrons dans le paragraphe suivant.Le « management par les ratios », une normalisation des procédés de travail, des résultats et des mentalitésDepuis environ deux décennies, la grande « entreprise moderne » (Chandler, 1977) des trente glorieuses se transforme en unestructure financiarisée et globalisée, intégrant des myriades de filiales et de larges réseaux de sous-traitants auxquels elleexternalise certaines activités jugées périphériques ou peu créatrices de valeur. Remplaçant les structures nationales de sonorganisation multi-domestique par des structures transnationales organisées par branches, elle s’apparente à uneconfiguration matricielle dans laquelle les directions fonctionnelles, regroupées dans des grandes villes dédiées, déploientdes stratégies globales ou macro-régionales.Cette mutation organisationnelle repose sur un contrôle de gestion performant, techniquement fondé sur l’utilisation deprogiciels intégrés permettant d’homogénéiser et de normer les applications dans un système de reporting unique. Ainsi, afinde consolider plus facilement leurs comptes et de répondre aux exigences des lois de sécurité financière, la plupart desgrandes firmes se sont dotées dans les années 1990-95 d’un logiciel de type SAP 84 . Cette centralisation du pilotagestratégique s’accompagne en premier lieu d’un contrôle grandissant des sièges sociaux sur la gestion opérationnelle desdiverses entités du groupe. Loin de reconnaître et de renforcer certaines spécificités nationales ou locales, elle conduit à une81 Nos analyses vont ainsi dans le même sens que celles de Durand (1993) et de Coutrot (1999) qui,s’inscrivant en faux par rapport à la doxa économique et gestionnaire, remettent en question l’idéed’un nouveau modèle productif et concluent à un renforcement de l’organisation scientifique du travaildans les grandes entreprises. C’est la raison pour laquelle nous qualifions celles-ci de « néo » et non« post » fordistes.82 Nous utilisons le terme de « bureaucratie » dans le sens employé par Max Weber puis par HenryMintzberg. Il désigne une organisation coordonnée en premier lieu, par des règles conduisant à uneformalisation des comportements, en second lieu, par une double standardisation, des procédés et desqualifications. Le travail y est divisé verticalement et horizontalement entre des salariés spécialisés,dotés d’un statut spécifique et stable. Nous reprenons à notre compte l’assertion suivante : « Nousdirons qu’une structure est bureaucratique si son comportement est prédéterminé et prévisible c’est-àdirestandardisé » (Mintzberg, 1982, 102).83 Ce management par le marché transforme substantiellement la relation d’emploi qui prévalait dansles marchés internes de l’époque fordiste (Piore et Doeringer, 1971) en la précarisant et en lacontractualisant.84 Nom d’une firme qui commercialise des progiciels de gestion intégrés parmi les plus utilisés dans lemonde aujourd’hui, à tel point que “SAP” désigne le produit lui-même.237


standardisation des modes de gestion, les directions locales devant gérer leurs unités en conformité avec des instructionsprécises et normées de la société-mère. Elle tend enfin à remettre en question l’autonomie dont disposaient jusqu’alors lesdirections de filiales ou d’établissements (Boyer et Durand, 1993). Ainsi, le paradigme d’une entreprise décentralisée,accordant un rôle majeur à l’autonomie, la créativité ou aux caractéristiques culturelles et nationales des salariés résiste mal àcette analyseCe durcissement des modalités de pilotage, de type bureaucratique, est lié au rapprochement entre les marchés financiers,exerçant des pressions croissantes sur les firmes cotées, en matière de rendement des capitaux investis, et les dirigeants desgrandes firmes qui obéissent aux injonctions de la « shareholder value » en rendant compte aux actionnaires, de façondétaillée et dans un horizon temporel raccourci, des performances de leur entreprise. Dans le but de « rationaliser » laproduction et de réduire les coûts, ces directions centralisent et formalisent de façon croissante les processus de décision,durcissent les objectifs de performance des salariés et des sites, multiplient les indicateurs de productivité et accroissent lafréquence du reporting. Ce « management par les ratios », fondé sur les notions de performance et de compétitivité qu’uneidéologie gestionnaire naturalise (De Gaulejac, 2005), est en fait, au-delà de sa dimension strictement comptable, un« formidable outil disciplinaire » (Coutrot, op.cit.), visant à transformer les représentations et les comportements au travaildes salariés, en leur rappelant la finalité économique de leurs actes de gestion.Les organisations néo fordistes font ainsi fortement évoluer leur organisation et leur relationd’emploi. Elles imposent à leurs membres, au nom de la réduction des coûts et de la créationde valeur pour l’actionnaire, des décisions stratégiques - telles que la suppression d’emploisdans les pays du nord 85 ou l’intensification et la précarisation du travail (Théry, 2006) - quis’apparentent pour nombre d’entre eux à des régressions sociales (Bothuan, 2004). Certainesd’entre elles, et plus particulièrement les (anciennes) organisations publiques, imposentégalement à leurs salariés – au nom d’un « New Public Management » occultant bien souventles spécificités du secteur public - un changement parfois radical de leurs raisons d’être et deleurs finalités, remettant largement en question leur culture originelle.C’est dans le but de légitimer ces mutations stratégiques, organisationnelles et managériales etde limiter ainsi les différents modes de résistance des salariés – de la posture individuelle deretrait (Sainsaulieu, 1977) à la contestation collective des décisions prises - que ces firmesdiffusent massivement en interne des discours managériaux. Ces discours ciblentprincipalement une double population : d’abord les salariés qui assument des missionscomplexes et difficilement normables, réclamant non seulement leur compétence mais aussileur engagement ; ensuite les managers locaux qui, tout à la fois sujets et objets des nouvellespratiques managériales, en sont les véritables destinataires. La communication interne, maisaussi la formation des salariés, peuvent alors être utilisées comme des dispositifs denormalisation et de justification des pouvoirs en place.2. Communication interne, formation des salariés et normalisation culturelleDans les grandes firmes, la communication interne formelle, initiée par les fonctionsCommunication, est traversée par des objectifs pluriels voire parfois contradictoires. Elle visetout à la fois à informer, motiver, forger un sentiment d’appartenance et faire adhérer lespersonnels aux « valeurs » de la firme.Une logique d’influence85 L’étude que nous avons menée en 2004-2005 sur les licenciements pour motif personnel dans lesgrands groupes montre que, malgré une rhétorique affichant la nécessité de valoriser la diversité desressources humaines, dans un contexte de pressions permanentes à la réduction des coûts, cettemodalité de licenciement touche tout particulièrement les « seniors », les femmes - notamment lesjeunes mères -, certains cadres jugés « hors normes » au regard des prescriptions comportementales del’entreprise, ainsi que les délégués syndicaux.238


Son développement dans les années 1980 serait dû à une accélération du changement quevivent les organisations, changement qu’il faut expliquer aux salariés pour qu’ils puissents’impliquer dans de nouvelles stratégies d’entreprises (Decaudin et Igalens, 2009).Elle s’inscrit alors dans une logique d’influence visant à « expliquer un environnement de plusen plus complexe », à « faire passer la stratégie de la direction générale », ou à « permettreaux salariés de s’approprier le changement » 86 . Elle repose ainsi sur la gestion de finalitésantinomiques se traduisant par la double volonté de reconnaître le pouvoir des personnels etd’infléchir leurs comportements. Elle est de ce fait adaptée à l’organisation néotayloriennedans laquelle elle fonctionne comme un instrument de domination (Courpasson,2000), qui opère moins par le biais de la contrainte explicite que par celui de la normalisationdes représentations des salariés, de façon à ce que ceux-ci intériorisent l’idéologie dominante.Discours managériaux prononcés lors de conventions, films d’entreprise à destination dessalariés, presse interne, … sont autant de dispositifs visant à « donner du sens » aux stratégiesdécidées par les directions afin que les salariés, et en particulier le management local, puissentse les «approprier » et y « adhérer » (Crozier, 1984). La culture organisationnelle, fruit d’unehistoire commune et de normes informelles, se voit alors instrumentalisée, la finalité –ouplutôt le rêve de démiurge- de certains praticiens étant en effet de jouer avec ses rituels etvaleurs afin d’infléchir voire de « créer » une culture d’entreprise (Amado, 1994).Selon cette acception de la communication interne, le management local - « dont l’adhésionau capitalisme est particulièrement indispensable à la marche des entreprises et à laformation du profit, mais dont le haut niveau d’engagement requis ne peut être obtenu par lapure contrainte et qui, moins soumis à la nécessité que ne le sont les ouvriers, peuventopposer une résistance passive, ne s’engager qu’avec réticence, voire miner l’ordrecapitaliste en le critiquant de l’intérieur. » (Boltanski et Chiapello, 1999, 51) - est lui-mêmeconsidéré non comme un acteur mais comme un destinataire auquel il faut inculquer lesreprésentations des directions afin qu’il les démultiplie ensuite auprès de ses collaborateurs.Ainsi, en raison de son rôle potentiel de leader d’opinion, il constitue bien souvent le cœur decible de la rhétorique managériale. En témoignent les multiples kits de communication qui luisont adressés, lui apportant certes une aide logistique, mais aussi et surtout un argumentairestandardisé, véhiculant ce que l’on appelle dans le champ du marketing politique des« éléments de langage » à partir d’une « novlangue » (Orwell, 1949) managériale. Entémoignent également les nombreuses sessions de formation qui lui sont réservées, et qui,sous couvert d’accroître ses compétences, ont pour finalité ultime de l’acculturer à l’idéologiedominante de son entreprise. En effet, alors que la communication interne peut aisément êtreperçue par les salariés comme une pratique au service de leur endoctrinement, la formationprofessionnelle a, quant à elle, un statut tout autre : elle est appréhendée comme un dispositifd’apprentissage au dessus de tout soupçon, ce qui lui confère un potentiel manipulatoired’autant plus fort qu’il est insidieux. Sa capacité d’influence repose ainsi sur l’illusion que cequi y est enseigné, de surcroit par des personnes extérieures à l’entreprise, est un savoir neutrequ’il convient aux personnels consciencieux d’acquérir.Il serait toutefois réducteur d’appréhender ce processus d’acculturation comme une logiqued’influence de type mécaniste et behavioriste. S’il existe dans les grandes entreprises unedémultiplication des discours dominants émanant des directions, c’est parce que bon nombre86 Ces propos ont été prononcés lors d’entretiens par des responsables de la communication internetravaillant dans de grandes entreprises.239


de salariés - et notamment les cadres 87 , fortement socialisés à accepter la servitude volontaire(Courpasson, op. cit.) - intériorisent ces normes, y adhèrent et « se sur-adaptent à ce qui estattendu » (Brunel, 2004, 114) afin de réduire toute dissonance cognitive. Pour que cette« normalisation culturelle » puisse être efficiente, encore faut-il que la rhétorique déployéesoit mobilisatrice. Ce sont les ressorts de cette rhétorique que nous allons à présent tenter dedéfinir.Rhétorique managériale et violence symbolique« L’on peut agir sur le monde social en agissant sur la connaissance qu’ont lesagents de ce monde. Cette action vise à produire et à imposer desreprésentations du monde social qui soient capables d’agir sur ce monde enagissant sur la représentation que s’en font les agents. » (Bourdieu, 1982, 195)Les discours managériaux ont pour objectif de convaincre l’ensemble du corps social del’entreprise d’accepter les décisions stratégiques des directions, qu’il s’agisse deréorientations stratégiques, de restructurations ou de l’adoption de nouvelles pratiques. Leurenjeu est ainsi de véhiculer explicitement ou implicitement une idéologie à laquelle ilconvient que les allocutaires adhèrent. Ces discours appartiennent à la classe des textesargumentatifs, visant à modifier « les opinions, attitudes ou comportements d’un interlocuteurou d’un auditoire en rendant crédible ou acceptable un énoncé (Adam, 1992, 104) ».Afin de convaincre les salariés d’adhérer à l’idéologie dominante de l’entreprise, les managersutilisent alors principalement – sans doute parfois de façon inconsciente - une double stratégiediscursive. Ils s’appuient en premier lieu sur une rhétorique de la dramatisation. Ilsconstruisent alors, à travers leurs énoncés, un environnement hostile, jouant sur la peur ou lesentiment d’impuissance de leurs collaborateurs. Ils peuvent en second lieu donner à leursdiscours l’apparence d’un énoncé démonstratif, en naturalisant les prises de position qu’ilsvéhiculent. Leurs positions idéologiques sont alors masquées par le statut d’expert dudécideur. Dans cette stratégie discursive, les présupposés de l’argumentation sont occultés etses prémisses sont présentées de façon neutre comme autant d’évidences, afin que lesconclusions du propos semblent indiscutables 88 . Ces discours relèvent alors de ce que PierreBourdieu nomme « violence symbolique », expression qui désigne la capacité qu’ont lesacteurs en position de domination d’imposer leurs productions culturelles et symboliques enen occultant l’arbitraire – par exemple en les rationalisant a posteriori-, afin de les faireadmettre comme légitimes.87 Nous pensons en effet que, même s’il existe dans les entreprises des managers purementmanipulateurs, ne recherchant que leur intérêt personnel, la plupart ont besoin de croire et d’adhérer àla rhétorique qu’ils transmettent à leurs équipes.88« Le raisonnement d’Aristote est le suivant : pour convaincre un interlocuteur, il faut mettre celuicien position telle qu’il se trouve dans l’impossibilité de refuser les propositions avancées. Pour allerdans le sens d’une telle impossibilité, il faut que ces propositions soient aussi proches que possible dequelque opinion ou autorité générale [...] Assurément, les prémisses choisies trahissent l’idée que lelocuteur se fait des représentations de son interlocuteur. » (Adam, op.cit, 116)240


C’est pourquoi de nombreux managers présentent la prise de décision non comme larésultante d’une représentation ou d’un choix, mais comme une démonstration ne comportantpar définition aucun présupposé 89 . « Il faut que les gens connaissent la réalité de ce qui estvécu par l’entreprise. » expliquait l’un d’eux. Le changement est alors présenté commeinéluctable et/ou « naturel ». Il est la conséquence d’une profonde mutation del’environnement à laquelle il convient de s’adapter. « Progressivement les gens comprennentqu’il faut accepter les évolutions, elles correspondent aux mutations de l’environnement. »commentait un manager. La plupart d’entre eux rejettent ainsi l’idée qu’ils puissent manipulerleurs collaborateurs : ils ne font qu’expliquer, certes en la martelant, et en l’adaptant à chaquesegment de leur cible, la « réalité ». Dans cette logique, et puisque les discours relèvent d’une« culture de l’évidence » et non d’une « culture de l’argumentable » (Breton et Proulx, 1993),tout refus de la part des salariés est perçu comme une incompréhension devant entraîner unacte de communication et/ou une action de formation.Nous allons à présent illustrer ces propos à partir de l’exemple de dispositifs decommunication et de formation des salariés dans une grande entreprise française detélécommunications.3. La « normalisation culturelle » au cœur de cette grande entreprise en mutationAu cours des vingt dernières années, cette grande entreprise a connu un processus detransformation radicale, de sa gouvernance, de sa stratégie et de son management. Pour queles salariés acceptent de s’inscrire dans cette mutation, la direction a mis en œuvre despratiques visant à faire évoluer la culture technocratique de l’entreprise vers une culturecommerciale. Elle a ainsi créé des « challenges » dans le but de créer un esprit de compétitionentre les salariés et mis en place des modules de formation destinés aux managers afin de lesacculturer à cette nouvelle idéologie. Afin de marquer une rupture sémantique et culturelleentre l’ancienne et la nouvelle institution, ces dispositifs se sont accompagnés d’unerévolution langagière. Ce sont ces techniques et cette rhétorique que nous présentons etanalysons dans cette partie.Culture d’entreprise et socialisation des salariésDans ce contexte de transformation, la direction de la communication, rebaptisée en 2007,direction « culture, changement et communication », joue un rôle majeur pour « expliquer »les mutations en cours, c’est-à-dire pour tenter de normaliser les comportements au travail dessalariés.La culture technologique de l’entreprise, fondée sur les notions d’intérêt général et desolidarité, ne correspond plus aux nouvelles « valeurs » en vigueur dans le groupe. Souscouvert de réduire les différences entre filiales, il s’agit dés lors, pour le management, de créerune culture managériale commune, de valoriser les notions de changement, de dynamisme etd’autonomie, de promouvoir de nouveaux comportements au travail des salariés, plus89 Rappelons que les présupposés sont des informations inscrites dans l’énoncé, qui ne constituent apriori pas le véritable objet du message mais son point d’ancrage. Ducrot et Kerbrat-Orecchionimontrent que le présupposé, marginal par rapport à l’argumentation explicite du discours peut, soit nepas être identifié comme tel par l’allocutaire et donc accepté, soit enfermer celui-ci dans un cadreargumentatif de sorte qu’il ne peut que souscrire à la thèse proposée ou bien « la récuser par desmoyens polémiques si véhéments qu’il hésite souvent à y recourir car c’est alors l’acte d’énonciationlui-même et non plus seulement les contenus énoncés, qui se trouve frappé de nullité. »241


individualistes et plus offensifs. C’est le but des « challenges », sortes de jeux, parfoissportifs, organisés entre salariés et équipes de travail. L’un des syndicalistes interviewésraconte : « Ils ont fait chanter les salariés, ils les ont fait se déguiser en Père Noël, les ont faitjouer au foot pour créer une concurrence entre les équipes … C’était tellement caricaturalque l’on n’imaginait pas que les gens allaient tomber dedans. C’était pris comme unerécréation, nos collègues ne voyaient pas ce qu’il y avait derrière et ce que cela entraînait. »Un deuxième syndicaliste apporte un témoignage similaire : « Dans des centres d’appels, on afait décorer par des salariés qui avaient la cinquantaine, très pétris de culture service public,l’ensemble du plateau avec du papier crépon, des scoubidous. Il y avait des espèces degrottes, des choses bizarroïdes. Ils devaient jouer pour placer des produits de l’entreprise etils gagnaient des billets de tac au tac, qu’ils devaient gratter devant les autres… » Il analysela raison d’être de ces dispositifs: « Auparavant on avait un système public égalitaire et quandon parlait de défi, on parlait de défis de toute l’entreprise, … Maintenant, ils veulent arriver àdes défis individuels, alors on valorise l’individualisation autour de challenges commerciaux,de concours, de choses aberrantes. »Il s’agit aussi de nier l’ancienne identité de l’individu lors de rituels aux allures sectaires : « Jeme souviens d’une formation pour des techniciens qui devaient changer de métier. Ils étaientune quinzaine et le premier jour de la formation, ils devaient tous écrire leur curriculumvitae, donc ce qu’ils savaient faire et ensuite ils devaient les mettre dans une corbeille et tousles CV étaient jetés au feu et ils étaient brûlés devant eux. » ajoute ce syndicaliste.Pour qu’ils acceptent de mettre en place ces techniques, les managers bénéficiaient de cyclesde formation. Ainsi, en 2007 et 2008, pendant une vaste opération de restructuration, ladirection de l’entreprise a mis en place un cursus de formation de dix jours, obligatoire pour4000 managers de l’entreprise afin de les « aider » à inciter leurs collaborateurs à rejoindredes services plus stratégiques ou à partir de l’entreprise. « On était une cinquantaine dans lasalle, nous explique l’un deux. On était le petit groupe restreint qui avait été sélectionné.Cela joue sur la fierté et sur le sentiment d’élitisme. » Il ajoute : « Vous êtes soulagé parceque vous vous sentez protégé de l’insécurité ambiante. On vous a reconnu et en plus on vousdonne des outils pour travailler et pour justifier ce que vous faites au quotidien. La formationest faite de telle sorte que vous intériorisiez les outils que l’on vous enseigne. » Là encore,sous couvert d’écoute ou d’accompagnement des équipes de travail, des techniques demanipulation, masquées par un vocabulaire euphémistique et lénifiant, ont été enseignées àdes responsables hiérarchiques sans qu’ils aient toujours conscience de ce qui se jouait alors.Quel système de rhétorique ?Pour atteindre cet objectif, trois techniques sont utilisées.Tout d’abord, la création d’une « novlangue » (Orwell, op. cit.) managériale permet de jeterun voile entre le vocabulaire utilisé et le référent auquel ce vocabulaire renvoie, afin de« neutraliser » la violence du propos. Sont employés des termes flous, connotés positivement,et fonctionnant comme des mots écran dont le sens exact n’est pas questionné. La dimensionperformative de ces énoncés est ainsi masquée. Le recours à l’anglais fait également partie decette stratégie de « dé-réelisation » du langage. Selon l’un de nos interlocuteurs syndicaux,« La question du vocabulaire est importante : après les années 2000, l’anglais a commencé às’imposer dans les notes de service. Le bon cadre doit parler anglais. Le mot « manager » sesubstitue à « cadre », la logique anglo-saxonne s’imprime dans les réunions avec « coaching,« debriefings », « benchmarking », … Au niveau d’une direction de multinationale, jecomprends, mais porter cette terminologie jusqu’à des salariés de base qui n’ont même pas le242


ac… il y a une volonté de rupture sémantique. Le message c’est : on bascule dans un autremonde, celui de la firme multinationale. »La rhétorique en vigueur repose ensuite sur la dramatisation de la situation de l’entreprise.Lors d’une allocution prononcée en 2006 devant les membres d’une association des cadressupérieurs et dirigeants, six mois après le démarrage d’un nouveau plan de restructuration,l’ancien PDG de l’entreprise déclarait : « Il faut bien se dire qu’on ne peut plus protéger toutle monde. (…) En 2007, je ferai les départs d’une façon ou d’une autre ». Quant au DRH,il expliquait alors : « On est dans une situation critique. D'où le discours très direct duPrésident. Il m'a demandé de présenter lundi au comité de direction générale, un crashprogramme pour accélérer ACT 90 . Donc on ne va plus être dans un discours basé sur unvolontariat un peu mou, on va être beaucoup plus systématique ».La violence –assumée - de ces méthodes est justifiée par l’affirmation selon laquellel’entreprise est en guerre. C’est cette rhétorique guerrière qui introduit le module deformation « Piloter la transformation ».C’est ainsi l’allégorie de la bataille d’Angleterre durant la deuxième guerre mondialequi introduit le module de formation « Faire face à des situations difficiles », destiné auxcadres de l’entreprise: bien que l’Angleterre soit moins bien armée que l’Allemagne, elledominera dans les combats aériens grâce à la capacité d’anticipation et d’innovationd’aviateurs « galvanisés » par Churchill, telle est la teneur du message délivré. Ainsi,grâce à cette allégorie, le présupposé « l’entreprise est en guerre » n’est pas interrogé.Tout comme l’Angleterre en 1943, l’entreprise est présentée comme étant menacée pardes ennemis impérialistes venant piller ses parts de marchés. Sa seule riposte possible estla résistance et la contre-offensive. Le message implicite n’est-il pas de promettre auxtroupes, comme Churchill en son temps, « du sang et des larmes » en vue d’une ultimevictoire ? Cet argumentaire permet en effet de justifier les « sacrifices » demandés auxsalariés. C’est ce que nous nommons la rhétorique du « mal nécessaire ». L’un desmanagers ayant suivi cette formation témoigne : « Pendant deux jours, le business estabordé sous l’angle guerrier. On nous endoctrine à partir de métaphores militaires : on doit« se mettre en ligne » ou « en ordre de marche ». C’est une façon de nous mettre souspression : C’est la guerre, on va se battre. Or, dans une guerre, il y a des morts, c’estnormal. » 91Enfin, la naturalisation des énoncés rend les transformations de l’entreprise logiques etincontournables. La rhétorique du changement est alors fondée sur la double idée selonlaquelle, d’une part, les mutations de l’entreprise et les réactions des salariés face à cesévolutions sont « naturelles », et d’autre part les réponses apportées face à cestransformations, sont « rationnelles » et « objectives ». «La rationalisation dans une boîtetechnologique peuplée d’ingénieurs, ça trouve une certaine légitimité.» explique ce déléguésyndical. Focaliser l’attention des managers sur les modes opératoires permet d’éviter qu’ilsne réfléchissent au sens de leurs actes. C’est pourquoi les procédures sont mises en placeselon une approche froide et rationalisée. Ainsi, « Le manager ne se vit jamais commebourreau, il applique un processus. Il est convaincu qu’une personne qui n’est pas d’accordse trompe et il est convaincu qu’après ces différentes étapes, elle sera d’accord. » disait un90 « ACT » est le volet social du programme de restructurations.91 Ce manager ajoute : « Quand on voit le niveau des dividendes distribué aux actionnaires, on sedemande où est la guerre et qui est l’ennemi. »243


manager interviewé. C’est sur le fonctionnement et sur les effets pervers de cette mécaniqueque nous concluons nos analyses.ConclusionCette étude de cas montre qu’a existé chez les dirigeants de cette entreprise detélécommunications la volonté de normaliser les représentations et les comportements de leurscollaborateurs, notamment cadres. « On vient de se faire reformater le disque dur »déclaraient certains d’entre eux conscients de ces mécanismes, lorsqu’ils sortaient du bureaude la DRH. Or, en tentant de bannir toute pluralité dans l’entreprise afin de privilégier uneorthodoxie comportementale, cette volonté d’assujettir les salariés à une norme dominante et àdes « bonnes pratiques » peut non seulement s’avérer contre-productive mais elle questionneégalement d’un point de vue éthique les pratiques et les finalités des dirigeants.Ainsi, si l’on ne peut que souscrire aux initiatives des directions d’entreprises visant àsupprimer tout type de discrimination dans les organisations qu’ils dirigent, l’on souhaiteraitégalement que les modes de gestion des hommes et des femmes encouragent le pluralisme desreprésentations au travail des salariés et valorisent propositions et débats, au lieu deprivilégier des normes comportementales dont la dimension monolithique renforce la divisionverticale du travail, l’obéissance et la culture du retrait.REFERENCESAdam J.-M. (1992), Les textes : types et prototypes, Paris, NathanBolstanski L. et Chiapello E. (1999), Le nouvel esprit du capitalisme, Paris, GallimardBothuan T. (2004), La gestion de l’inaptitude des cadres, rapport de recherche, IRES-CFECGCBoyer R. and Durand J.-P (1993), “L’après-fordisme”, Paris, SyrosBreton P et, S. Proulx S. (1993), L’explosion de la communication, Paris, La DécouverteCappelli P. (1999), The New Deal at Work: Managing The Market Driven Workforce, Boston,Harvard Business School PressChandler A.D. (1977), The visible hand. The managerial revolution in the American business,Boston, Harvard University PressCourpasson D. (2000), L’action contrainte – Organisations libérales et domination, Paris,Presses universitaires de FranceCoutrot T. (2002) Critique de l’Organisation du Travail. Paris : La DécouverteCrozier M. (1989), L’entreprise à l’écoute, Paris, Inter-Editions244


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Atelier 5 : Recrutement et intégration des personnes en situation d‘handicap« Quelle d’une démarche « diversité en entreprise » pour réussir l’intégration des personnesen situation de handicap au Maroc ? » Hasnaa ALAMI (Université Chouaib Doukkali) et Khadija ELMAHJOUBI (ENCG El Jadida)…………………………………………………………………………………«Insertion des personnes en situation de handicap dans l’enseignement supérieur : cas d’uneécole de management » Sana HENDA et Nathalie BERTIN BOUSSU (ESC Amiens)……..246


Quelle d’une démarche « diversité en entreprise » pour réussirl’intégration des personnes en situation de handicap au Maroc ?Hasnaa ALAMI 92Khadija EL MAHJOUBI 93LERSEM 94Université Chouaib DoukkaliEcole nationale de commerce et de gestionEl Jadidaalamihasnaa@gmail.comk.elmahjoubi@yahoo.frIntroductionSi l’idée de RSE était encore marginale Il y a quelques dizaines d’années, elle est devenueaujourd’hui la sagesse conventionnelle des milieux d’affaires. Le Livre Vert publié en 2001par la Communauté Européenne définit la RSE comme « l’intégration volontaire despréoccupations sociales et écologiques par les entreprises à leurs activités commerciales etleurs relations avec leurs parties prenantes ». Avec cette approche Les entreprises adoptent uncomportement socialement responsable en allant au-delà des prescriptions légales et elless’engagent dans cette démarche volontaire parce qu’elles jugent qu’il y va de leur intérêt àlong terme. La RSE n’est pas une option à rajouter aux activités centrales de l’entreprise, ellea trait à la gestion même de l’entreprise. L’entreprise doit montrer qu’elle est non seulementéconomiquement viable et environnementalement vivable, mais aussi socialementresponsable. Aussi, face à la rareté des dispositifs législatifs et réglementaires en matière92 Enseignant chercheur en science de gestion93 Enseignant chercheur en économie de développement94 Laboratoire d’Etudes et de Recherches en Sciences Economiques et de Management.247


d’égalité professionnelle au Maroc, les pratiques de RSE sont donc susceptibles d’apparaitrecomme une solution possible pour réduire ces inégalités.Le management de la diversité fait partie intégrante de la Responsabilité Sociétaled’Entreprise (RSE). La prise de conscience des enjeux (Jean-Marie Peretti, 2007a ; MurielJasor, 2008) de la diversité est désormais affirmée comme une certitude. Le contexte tantréglementaire (nouvelle loi sur le handicap de 2005) que sociétale (création de la HALDE1etcharte de la diversité en 2004 ; création de l’AFMD2) est favorable aux initiatives visant àpromouvoir la diversité dans les organisations privées et publiques.Dans cette communication, et face aux différentes discriminations envers les personneshandicapées, nous chercherons après avoir traité les notions de la responsabilité sociale desentreprises et celle de la diversité, à mettre en évidence les difficultés d’intégration despersonnes handicapées en entreprise, et par la suite, nous proposons une démarche diversitépermettant l’intégration réussie de ces personnes handicapées au monde du travail.I/ Responsabilité sociale des entreprises : Notion et contenuAujourd’hui, le développement durable, l’éthique, la bonne gouvernance, la flexibilité dudroit du travail, le rôle des organisations non gouvernementales sont ainsi devenus enquelques années des facteurs déterminants qui influent sur la compétitivité et la réputationdes groupes mondialisés. Dans ce cadre, la Responsabilité Sociale de l’Entreprise estdevenue un axe essentiel de travail pour grands nombres d’entreprises multinationales.Les entreprises font sans cesse face à de s choix difficiles dont les conséquenceséconomiques, sociales et environnementales sont regardées et jugées par l’opinion publique(Mercier S., 2004). Depuis une dizaine d’années, de nombreuses entreprises sontrégulièrement confrontées à des pressions venant de toute part et les poussant à prendredavantage en compte des considérations éthiques dans la réalisation de leurs activités(Xhauflair V., Zune M., 2004).« Les entreprises semblent donc redécouvrir la nécessité de mieux gérer leur responsabilitésociétale, qui peut se définir en première analyse comme une prise en compte plus explicitedes parties prenantes dans la stratégie » (Dejean F., Gond J.-P., 2004, p.6).Bowen définit déjà la responsabilité sociale des hommes d’affaires comme une prise encompte volontaire dans le management des valeurs mises en place dans la société. D’après248


l’auteur, ce comportement permettrait un meilleur alignement entre objectifs économiques etsociétaux (Acquier A., Gond J.-P., 2005).La Responsabilité Sociale des Entreprises (RSE) est un concept qui désigne l’intégrationvolontaire, par les entreprises, de préoccupations sociales et environnementales à leursactivités commerciales et leurs relations avec leurs parties prenantes. Les entreprises ontun comportement socialement responsable lorsqu’elles vont au - delà des exigenceslégales minimales et des obligations imposées par les conventions collectives pourrépondre à des besoins sociétaux. La RSE permet aux entreprises, quelle que soit leurtaille, de contribuer à concilier les ambitions économiques, sociales et environnementalesen coopération avec leurs partenaires.La RSE a fait l’objet de définitions et interprétations différentes aux Etats- Unis et enEurope. Du coté anglo- saxon la RSE est perçue comme un engagement éthique,transparent et volontaire alors qu’une approche plutôt latine prévaut en Europe laquellemet en valeur la démarche contraignante induite par le concept de « responsabilité sociale ».La norme ISO 26000 adoptée en 2011 sur la responsabilité sociale de l’entreprise aproposé une définition de la RSE qui cherche également à satisfaire les Etats- Unis etl’Europe : « Responsabilité d’une organisation vis - à - vis des impacts de ces décisionset de ces activités sur la société et l’environnement, par un comportement transparent etéthique qui :• Contribue au développement durable, à la santé, et au bien – être ;• Prend en compte les attentes des parties prenantes ;• Respecte les lois en vigueur et est compatible avec les normes internationales decomportement ;• Est intégré dans l’organisation et mis en œuvre dans ses relations. »Au Maroc, la Confédération Générale des Entreprises Marocaines a été l’acteur principal del’évolution des PME marocaines vers la voie de la RSE en adoptant une charte de laresponsabilité sociale, et en se dotant d’un label auquel peuvent postuler les entreprises, auterme d’une procédure d’évaluation conduite par un bureau indépendant. L’objectif estd’améliorer l’attraction économique du Maroc et à soutenir la mise à niveau des PMEmarocaines.249


La charte présente les objectifs principaux de la RSE qu’elle structure autour de 9 axesthématiques :Respecter les droits humainsAméliorer en continu les conditions d’emploi et de travail et les relationsprofessionnellesProtéger l’environnementPrévenir la corruptionRespecter les règles de la saine concurrenceRenforcer la transparence du gouvernement d’entrepriseRespecter les intérêts des clients et des consommateursPromouvoir la responsabilité sociale des fournisseurs et sous-traitantsDévelopper l’engagement sociétalLa prise de conscience de la notion de Responsabilité sociale semble être accélérée par lethème d’actualité de la gestion de la diversité en entreprise. La Commission Européenne adéclaré l’année 2007 : Année européenne de l’égalité des chances pour tous. Les quatreobjectifs clés promulgués sont les droits, la représentation, la reconnaissance et le respect.Cette année vise àSensibiliser des personnes à leur droit à l’égalité de traitement et à une vie exempte dediscrimination c’est-à-dire soutenir la lutte contre toutes sortes de discriminations,qu’elles soient liées au genre, à l’âge, au handicap, aux croyances ou à la religion, àl’origine ethnique ou à la race, ou encore à l’orientation sexuellePromouvoir l’égalité des chances etLancer un débat sur les avantages de la diversité tant que pour les sociétéseuropéennes que pour les individus.II/ Qu’est ce que la diversité ?Apparue aux Etats-Unis dans les années 1960 sous l’angle de l’égalité des chances, lemanagement de la diversité s’est récemment arrimé à la RSE (Annie Cornet et PhilippeWarland, 2008) dans l’optique d’une valorisation des différences (Thierry Picq, 2005).Selon Anne-Françoise Bender (2007), « la gestion de la diversité est une démarchemanagériale […] (qui) vise à faire évoluer les représentations pour éliminer tout comporte250


ment discriminatoire dans l’entreprise et instaurer une culture de la tolérance, qui permettel’inclusion de chacun avec ses apports et ses différences. »Véritable enjeu de société inscrit dans une dimension stratégique de l’entreprise (Muriel Jasor,2008), la diversité regroupe de nombreux thèmes comme la parité homme/femme; l’emploides seniors ou l’insertion professionnelle des handicapés.Elle a déplacé la logique de l’égalité des capacités entre groupes, vers une logiqueindividuelle de reconnaissance et de valorisation des différences, présentées commeprofitables à l’entreprise en matière de performance commerciale et économique. Par la suit,les entreprises Françaises, en raison de la situation des femmes qui demeurent victimes defortes inégalités sur le marché du travail, en matière d’accès à l’emploi, à la formationprofessionnelle, de salaires ou de carrière et que la pression juridique subie par les entreprisesest moindre qu’aux États-Unis, abordent la question de la diversité sous l’angle de la mixitépour favoriser et promouvoir l’emploi des femmes « programmes de féminisation ». Souventconsidérée comme peu stratégique, la diversité semblerait inciter davantage les entreprises àse saisir de la question de l’égalité professionnelle en raison de sont intérêt managérial. Traiterles individus, sans aucune distinction, ne devrait-il pas être le cours normal des choses ? (Y.SABEG et C. CHARLOTIN, 2006).« La diversité et la mixité du corps social constituent pour l’entreprise un levier de modernité,d’ouverture et d’innovation » déclare le préambule de l’accord du 8 mai 2006 de la SNCF (J-M PERETTI, 2007).Véritable enjeu de société inscrit dans une dimension stratégique de l’entreprise (Muriel Jasor,2008), la diversité regroupe de nombreux thèmes comme la parité homme/femme; l’emploides seniors ou l’insertion professionnelle des handicapés.Donc, à la différence de la notion d’égalité, qui raisonnait en termes de régulations entregroupes, la diversité met l’accent sur l’individu et non sur le groupe. Il ne s’agit pas de dire« les femmes souhaitent… », ou « les noirs pensent… » mais de soutenir tous ceux quicontribuent à la performance de l’entreprise. Celle-ci doit s’engager à permettre à chacund’exprimer ses différences de besoins et de manières de travailler. Les différences entreindividus ne sont plus niées mais reconnues voire valorisées (Cornet, 1998).En sciences de gestion, des auteurs comme Cox, Blacke, Jackson et Ervin, la définissentcomme étant la différence en terme de race, de genre, de nationalité, d’origine, d’ethnie,etc., aussi comme les différences au niveau des visions, les différences comportementales251


entre deux groupes d’individus dues à des différences socioculturelles, ousocioéconomiques.Ils ont distingué les différentes variables de la diversité en les catégorisant sous deuxprincipales catégories. Les attributs observables comme la race, le genre, l’âge et l’ethnie.Les attribues non observables tels que la formation, la discipline, la spécialité, la place del’individu au sein de l’organisation, les caractéristiques personnelles ou encore les valeurs.Selon le centre Australien des affaires internationales, il existe deux composantes majeuresdans le concept de diversité :Donc, une entreprise qui reconnaît l’existence de ces différences et qui dispose de dispositifsde gestion adaptés peut puiser dans le bassin d’idées et d’aptitudes des gens et rassembler lessimilitudes pour construire une façon de faire des affaires à l’image de la diversité de sonpersonnel, de ses clientèles et de ses partenaires.III/ La gestion de la diversité, c’est savoir tirer parti des différencesLa gestion de la diversité semble susciter un consensus fort dans les entreprises dans lamesure où elle serait un gage de la performance de l’organisation (Jacqueline Laufer, 2008).La gestion de la diversité s’appuie sur des pratiques anciennes liées à l’égalité des chances,même si certaines actions ciblées sur le recrutement et la formation des minorités sontsouvent abandonnées. Il s’agit de mettre en place des plans d’action pour la diversité, larévision des systèmes d’évaluation des performances, la sensibilisation à la diversité dessalariés et du management, le soutien à des réseaux, etc.252


La gestion de la diversité cherche donc à promouvoir respect et tolérance, et de sensibiliseraux différences possibles au regard du travail. L’objectif est aussi de lutter contre lesstéréotypes en prenant conscience de ses propres représentations, et en incitant à une écouted’autrui en tant que personne. L’environnement du travail doit être adapté à tous lestravailleurs, femmes, hommes, âgés ou handicapés en particulier.Elle exige une culture organisationnelle dans laquelle chaque salarié peut poursuivre sacarrière sans être gêné par son handicap, par son sexe, sa race, sa nationalité, sa religion. Ellenécessite la mise en place des dispositifs permettant à la main-d'œuvre diversifiée des’accomplir pleinement dans un milieu de travail équitable où aucun groupe n’est privilégiépar rapport à un autre.IV/ Diversité au MarocAu Maroc, la justice et l'égalité de traitement au sein de l'entreprise apparaissent comme desattentes exprimées par les salariés (N. El AOUFI, 2000). Ceux-ci, et particulièrement lescadres, attendent également de leurs employeurs un comportement attentif à leur égard et uneadaptation à leurs besoins, par exemple par le biais d'aménagements relatifs aux temps detravail et la recherche d'un meilleur équilibre entre la vie privée et la vie professionnelle (P.RA BINOV, 1973). La rapidité des évolutions fait qu'aucune valeur traditionnelle ne peut plusêtre aujourd'hui tenue pour acquise et la technologie a rendu l'information infiniment plusaccessible à l'ensemble de la population. Le monde des entreprises doit donc se préparer à la «gestion de la diversité ». Le nouveau code du travail a permis de revisiter un certain nombrede questions qui ont fait l’objet de plusieurs années de négociations entre les représentantsdes salariés et les employeurs. De même La législation marocaine en matière de travail etd’emploi accorde encore peu d’importance aux « catégories sociales fragiles ». D’ailleurs,l’acception juridique de cette notion reste sommaire. Avec ce regroupement catégoriel, on neparle que des femmes en état de grossesse, des enfants mineurs de moins de 18 ans et deshandicapés (K. DAMI).Le nouveau Code du travail invite les employeurs à « assurer » une égalité des chances auxdifférentes catégories sociales fragiles sans véritablement mettre en place les mesures assurantla bonne application de ses préceptes. Devant l’absence ou l’impuissance de ces instances, leshandicapés ayant un diplôme supérieur, ont du mal à intégrer le secteur privé et passent ainsiune bonne partie de l’ « âge d’or » à organiser des manifestations devant le Parlement. Pour lafonction publique, bien que la loi exige que le quinzième recrutement soit réservé pour une253


personne handicapée, on trouve plusieurs voies de contournement pour ne pas respecter ces «impératifs » comme les dérogations ou les autorisations particulières.V/ Les personnes handicapées au Maroc : contexte et définitions Contexte :Lorsqu’on se penche sur les droits de l’Homme, on oublie souvent les personneshandicapées. Or, environ 600 millions de personnes dans le monde sont en situationd’handicap, dont 80% vivent dans les pays en développement. (Selon la déclaration de M.Mourad WAHBA, représentant-résident du PNUD au Maroc).Au Maroc, les personnes handicapées représentent 5,12% de la population soit un ménage sur4 est concerné par le handicap. Ce potentiel humain exerce fatalement une influence directe etindirecte sur la scène politique et économique et au-delà, sur le développement humain.La prise en compte des opinions et des besoins des personnes handicapées se trouve àl’ordre du jour depuis quelques années, du fait de l’ouverture de notre pays sur lesconventions et les pactes internationaux. En effet, le 13 décembre 2006, la ConventionRelative aux Droits des Personnes Handicapées a été adoptée par l’Assemblée Générale desNations Unies. Elle a été signée par le Maroc le 30 mars 2007. Le Maroc a ratifié cetteconvention, ainsi que le protocole facultatif en date du 8 Avril 2009, suite à la décision de saratification par Sa Majesté le Roi Mohamed VI, le 10 Décembre 2008. Ceci constitue unimportant tournant pour la question du handicap au Maroc.La décision de SM le Roi Mohammed VI de ratifier cette Convention, affirmée par lalettre Royale adressée au Conseil Consultatif des Droits de l'Homme, le 10 décembre2008, traduit l'intérêt qu'accorde Sa Majesté à cette catégorie sociale, aussi bien auniveau des politiques publiques qu'à celui des textes nationaux ou internationaux. Cetteconvention est entrée en vigueur le 8 avril 2009. En adoptant le protocole facultatif decette convention, le Maroc approuve les dispositions organiques quant aux mécanismes demonitoring et de suivi de la mise en œuvre de cette convention.L’enquête nationale sur le handicap de 2004 a révélé l’extrême vulnérabilité despersonnes handicapées : alphabétisation de 29,7% chez les personnes handicapées de 10ans et plus, contre 60% pour la population générale de 15 ans et plus ; scolarisation de92,6% chez les enfants de 6 à 11 ans, de 69,3% pour les 12 à 14 ans, contre 32,4% chez lesenfants handicapés de 4 à 14 ans. Près de 156.000 enfants handicapés sont exclus du systèmescolaire. Le taux d’activité professionnelle des personnes handicapées de 15 ans et plus est254


quatre fois inférieur à celui de la même population sans handicap (11,4% / 51,9%). Plus de1.160.000 personnes handicapées de 15 ans et plus sont sans activité génératrice derevenu. Ainsi, ces citoyens rencontrent de nombreuses difficultés en matière d’accèsaux soins, à l’éducation, à la formation professionnelle, à l’emploi...etc. En plus, desefforts déployés par le gouvernement, le tissu associatif joue un grand rôle dans la promotiondes droits de personnes handicapées en vue de l’amélioration de leur qualité de vie.Désormais, la question de l’handicap fait partie des priorités gouvernementales du Royaume.D’abord, à travers la mise en œuvre des chantiers de l'Initiative Nationale pour leDéveloppement Humain (INDH), qui vise la lutte contre les disparités régionales, lapauvreté, la précarité et l’exclusion sociale. Mais aussi, à travers la ratification de laCIDPH qui marque l’engagement du Maroc dans un processus d'amélioration des droitsdes personnes handicapées. Cette convention est la référence principale pour la prise encompte des besoins socio-économiques de ces personnes et l’abandon de l’approche purementmédicale de la problématique de l’handicap. Elle permet l’adaptation d’un cadre juridiqueapproprié et la mise en place des dispositifs et des pratiques basés sur l’approche inclusive del’handicap dans les domaines de la santé, de l’éducation, de l’action sociale, del’emploi, de l’intégration socioprofessionnelle, du sport et des loisirs, etc.Ceci dit, faut-il souligner que beaucoup de chemin reste à parcourir pour que l’handicap soitaccepté dans le cadre de la diversité humaine et que les personnes handicapées soientappréhendées non pas par le biais de leurs déficiences, mais par celui de leurs potentialités etde leurs capacités. Mais d’abord, qu’est ce qu’on n’entend par « handicap » ? A-t-on la mêmecompréhension de l’handicap?Définition du handicapPour définir le handicap, l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) a fait la distinction entretrois situations : Déficience :Toute perte de substance ou altération d’une structure ou fonction psychologique,physiologique ou anatomique (aspect biomédical); Incapacité :255


Toute réduction (résultant d’une déficience) partielle ou totale, de la capacité d’accomplir uneactivité d’une façon ou dans les limites considérées comme normales pour un être humain(aspect fonctionnel); Désavantage :Résulte d’une déficience ou d’une incapacité qui limite ou interdit l’accomplissement d’unrôle normal en rapport avec l’âge, le sexe, les facteurs sociaux et culturels (aspect social).S’inspirant de cette définition, le législateur marocain a défini la Personne Handicapée commesuit :« Est considérée comme handicapée au sens de la présente loi, toute personne se trouvantdans un état d’incapacité ou de gène permanent ou occasionnel résultant d’une déficience oud’une inaptitude l’empêchant d’accomplir ses fonctions vitales, sans distinction entrehandicapés de naissance et ceux souffrant d’un handicap acquis » (Article 2 de la loi 07-92relative à la protection sociale des personnes handicapées)Répondre aux besoins des personnes handicapées nécessite d’adopter une démarcheintégrée et transversale (mainstreaming). Le développement inclusif implique que lespolitiques, programmes, et projets de développement soient conçus et évalués en fonctionde leur impact sur les conditions de vie des personnes handicapées comme sur touteautre personne. Il garantit aux personnes handicapées de pouvoir bénéficier des mêmesdroits que n’importe quel autre membre de la société et d’être des acteurs ressources dans lesprocessus et leur mise en œuvre.La spécificité des personnes handicapées et la diversité de l’handicap nécessitent uneapproche inclusive qui tienne compte des actions spécifiques en faveur de certainespersonnes handicapées tout en garantissant une réponse transversale à la majorité. Ils’agit là d’adopter l’approche des chemins jumeaux (Twin Track Approach). Cettedernière vise à l’intégration de l’handicap dans tous les secteurs et toutes les actions dedéveloppement avec le but d’améliorer la prise en compte de l’handicap. L’approches’adresse aussi bien aux personnes non handicapées qu’aux personnes handicapées; cesdernières ne sont généralement pas conscientes de leurs droits et se perçoivent ellesmêmesen fonction des modèles médical et charitable.VI/ L’intégration des personnes en situation d’handicap en entrepriseQuelles sont les difficultés d’intégration des personnes handicapées en entreprise et quelledémarche diversité à proposer pour réussir cette intégration ?256


‣ Les difficultés d’intégration : Un processus particulier de recrutement qui s’apparente à un parcours du combattant.Il faut d’abord préciser les angles choisis dans le processus de recrutement, trouver labonne candidature, appréhender la personne handicapée en entretien de manièreparticulière et convaincre le manager d’intégrer une personne handicapée à sonéquipe. Des moyens spécifiques sont mis en place pour recruter les personneshandicapées. Cela passe souvent par la création d’une Mission Handicap (dans lesgrandes entreprises) dédiée à cette problématique. L’organisation de travail n’est pas adaptée à des personnes en situation de handicap.Les postes de travail ne semblent pas être adaptés aux spécificités des travailleurshandicapés. En période de crise l’insertion des personnes handicapées n’est pas une actionprioritaire. L’adaptation du poste de travail et l’aménagement de l’entreprise pourra être unobstacle dans l’embauche, d’une personne à mobilité réduite. la crainte d’une séparation plus difficile sur le plan légal au cas où que cela se passemal. l’adaptation difficile à l’évolution de l’entreprise.‣ Quelle démarche de diversité pour réussir l’intégration des personnes handicapéesen entreprise ? Première phase : instaurer une culture ouverte à la question de l’handicapLa culture d’entreprise est un facteur d’intégration interne : elle vise à mobiliser despersonnes à priori différentes autour d’objectifs communs, générateurs de performanceéconomique et sociale. Elle leur donne des fondements communs qui vont leurs permettrede travailler ensemble au-delà des différences. La culture d’entreprise est utile lors del’intégration des personnes handicapées en leur permettant d’acquérir rapidement lespratiques de l’entreprise et ainsi s’intégrer en équipe. Elle permet à travers l’élaborationdes mécanismes de coordination et des normes de conduite, d’impliquer cognitivement etémotionnellement les acteurs au projet de l’entreprise. Dans ce cadre, sensibiliser et àinformer les salariés en entreprise afin de changer le regard sur le handicap et de lutter257


contre les clichés et stéréotypes. Cette étape montre les enjeux d’une gestion de ladiversité pour l’entreprise : faire évoluer les mentalités. Des exemples pour faire changerles représentations pourront être les slogans suivants : « valoriser les différences » et « noussommes tous des handicapés potentiels » ou « à chacun son handicap ». Ainsi la cultured’entreprise peut être moteur dans l’insertion des travailleurs handicaps. Deuxième phase : démontrer la valeur ajoutée pour l’entreprise d’un recrutement despersonnes handicapéesL’intégration des intérêts économiques à la diversité peut convaincre plus facilement desindividus qui sont sensibles à ce sujet. L’approche diversité est considérée comme uneapproche réfléchie à partir des enjeux business de l’entreprise. Un autre argument peutêtre l’intérêt social car un projet commun comme la gestion de la diversité favorise lamobilisation des salariés. La gestion de la diversité peut mener à une collaborationconstructive entre les organisations syndicales et les employeurs pour renforcer ainsi ledialogue social. Il s’agit d’ancrer la diversité dans le dialogue social. Troisième phase : mettre en place un plan d’action avec des objectifs.C’est aboutir à une signature de la charte de la diversité. Dans cette phase, il est égalementrecommandé de travailler en coordination avec les organismes externes spécialisés et deprendre connaissance de l’environnement légal pour comprendre les contraintes et lesopportunités. Cette phase permet de créer des partenariats pour pouvoir profiter de lacomplémentarité de tous les acteurs internes et externes à l’entreprise. Quatrième phase : informer, communiquer, sensibiliser et former.Cette phase permet de bénéficier des retombées positives pour l’image en interne et enexterne par exemple d’une entreprise responsable. A ce stade, il est important de donneraux salariés une possibilité de s’exprimer. Cinquième phase : changer les pratiques.Cette phase est caractérisée par la mise en œuvre du projet et des outils. Les pratiques RH :l’objectivation des procédures de recrutement, un processus de recrutement révisé et bienformalisé, un « sourcing diversifié » avec l’aide des associations spécialisées, un suivi du258


développement de la personne pour maintenir son employabilité grâce à un système detutorat en période d’intégration et des actions de formation, une veille en ce qui concernela gestion de la carrière, une éventuelle révision des outils d’évaluation comme l’entretienannuel d’appréciation, etc. La sixième phase : le suivi du projetIl s’agit d’établir un bilan qui permet de valoriser les réussites et de traiter les difficultésrencontrées.Conclusion :Ecrits et rencontre se multiplient, et la diversité ne cesse d’être un sujet principal quisuscite l’intérêt croissant aussi bien des chercheurs que des praticiens. Si ce concept a éténégligé pendant la période où l’importance n’est accordée seulement qu’aux dimensionséconomiques : efficacité, efficience, qualité,…, aujourd’hui, il devient un pilierfondamental de la performance des entreprises. Comme le déclare le préambule del’accord PSA sur « la diversité et la cohésion sociale dans l’entreprise » du 9 septembre2004, « La diversité des salariés représente un atout pour l’innovation, la créativité etl’accompagnement du changement ». La diversité, dans son ensemble, introduit unenouvelle approche qui écarte toute forme de discrimination pour assurer un traitementégale des individus quels que soient les critères de distinction : l’origine étrangère, legenre, l’âge, l’ethnie.Bibliographie :ACQUIER A., GOND J.-P., 2005, Aux sources de la responsabilité sociale de l'entreprise.(Re)Lecture et mise en perspective d’un ouvrage fondateur : Soc ial Responsibilities of theBusinessman d'Howard Bowen (1953), Conférence Inte rnationale de ManagementStratégique (AIMS), Journées développement durable, mai, Aix en ProvenceBender Anne-Françoise, 2007, « L’approche diversité dans les pays anglo-saxons », in BarthIsabelle, Christophe Falcoz, 2007, Le management de la diversité – Enjeux, fondements et ,Paris, L’Harmattan, p.215-233.Cornet Annie, Philippe Warland, 2008, GRH et gestion de la diversité, Paris, Dunod.DEJEAN F., GOND J.-P., 2004, La responsabilité sociétale des en treprises : enjeuxstratégiques et mét hodologie de recherche, Finance Contrôle Stratégie, vol.7, no 1, mars,pp.5-31El AOUFI.N. (sous la direction de), L’entreprise côté usine. Les configurations sociales del’entreprise marocaine, Rabat, GERRHE, 2000.259


Jasor Muriel, 2008, « Mieux gérer la diversité dans l’entreprise », Les Echos, 22-23 février.Laufer Jacqueline, 2008, « Egalité et diversité dans l’entreprise », in Le Management –Fondements et renouvellements , Paris, Editions Sciences Humaines.Peretti Jean-Marie (Dir.), 2007a, Tous différents Gérer la diversité dans l’entreprise , Paris,Eyrolles.Picq Thierry, 2005, « La gestion des ressources humaines face au défi de la diversité », <strong>Actes</strong>de la 7ème Université de Printemps de l’Audit Social , Marrakech.RABINOV. P, Un ethnologue au Maroc. Réflexions sur une enquête de terrain , Hachette,1973.K. DAMI, Le contrat de travail en dr oit marocain. Réalités et perspectives , Thèse dedoctorat.« Convention Internationale des Droits des Personnes Handicapées » UN. 13 dec. 2006« Stratégie du Ministère du Développement Social, de la Famille et de La Solidarité » 2008« Enquête Nationale sur le Handicap 2004» Secrétariat d’Etat chargé de la Famille, del’Enfance et des Personnes Handicapées.XHAUFLAIR V., ZUNE M., 2004, L’évaluation de la responsabilité sociale des entreprises :contribution méthodologique à l’approche par les parties prenantes, 15ème congrès annuel del’AGRH, 1-2 se ptembre, tome 4, Montréal, pp.2521-2541260


«Insertion des personnes en situation de handicap dans l’enseignement supérieur,cas d’une école de management »ParSana HendaProfesseur France Business School (fBS),Responsable Pôle Leadership et RessourcesHumainessana.henda@gmail.comNathalie Bertin-BoussuDirectrice des Admissions etde la Diversité,France Business School (fBS)nathalie.bertin-boussu@supco-amiens.frRésuméAujourd’hui nous nous rendons compte que l’accès à l’enseignement supérieur notammentl’accès aux grandes écoles rencontre plusieurs obstacles tels que les inégalités territoriales, lesystème d’orientation, l’autocensure, le discours autour de la méritocratie et lesdiscriminations sociales. C’est pour ces raisons là que les grandes écoles tentent depuisquelques années d’intervenir en amont en développant le tutorat. Afin d’illustrer nos propos,nous nous sommes focalisés sur la place de la mission handicap dans une école demanagement qui par ses stratégies fait d’elle une référence dans le domaine de l’insertionprofessionnelle. Cette communication s’intéresse à l’insertion des jeunes handicapés dansl’enseignement supérieur. Il n’y a pas eu beaucoup de recherches sur l’accès des jeuneshandicapés à l’enseignement supérieur et leur devenir professionnel sont encore incertain etlimités en France. L’objectif de cet article est d’étudier le processus d’insertionprofessionnelle des étudiants handicapés dans une institution universitaire et la capacité àréduire les situations de handicap pour des étudiants présentant des déficiences diverses.261


Introduction :De grandes avancées sociales existent aujourd’hui en matière de handicap, améliorantconstamment les droits fondamentaux des personnes handicapées. Nous passons d’unelogique d’exclusion (Cagnolo, 2009), où l’infirme perdurait en dehors de la communauté, àune logique sociétale, bien plus moderne, qui assure le lien social selon le principe d’égalitéde droit.Avec la loi du 11 février 2005 « pour l'égalité des droits et des chances, la participation et lacitoyenneté des personnes handicapées », nous entrons dans une logique de participation.Nous nous ne suffisons plus de prévenir ou de compenser le handicap, l’objectif est d’offrir deréelles opportunités de participation aux personnes en situation de handicap. Malgré la miseen place de réformes institutionnelles nous remarquons qu’il n’y a pas eu de vrai progrèsmoral concernant le handicap et les préjugés liés à ce sujet constituant ainsi une barrièresociale.Une des réponses envisagées par certaines entreprises à cette problématique est lemanagement de la diversité. Les entreprises misent sur la diversité sociale (Cornet, Warland,2008) pour trouver une dynamique technologique, économique et sociale. La diversité estdonc synonyme d’efficience et d’efficacité, améliorant les processus et la performance àcondition de tirer la meilleure partie de la diversité de ses employés.En France, les entreprises ont été longtemps indifférentes à la diversité et aux discriminations.L’intérêt grandissant des entreprises pour la diversité s’explique (Zannad, Stone, 2009) parl’aspect légal (la loi du 11 février 2005 qui se durcie, et celle du 17 décembre 2008 avec lamise en place de plans d’actions pour les seniors). La pénurie de main-d’œuvre dans certainssecteurs d’activités et les départs en retraite des baby boomers ont amené les entreprises à seremettre en question pour recruter des candidats jusqu’alors ignorés. Le handicap est au cœurde la diversité, en même temps que l’égalité professionnelle homme/femme ou les originesethniques.La mise en œuvre de ces actions conjuguées a montré qu’un effort de définition et declarification des notions utilisées (diversité, non-discrimination…) est nécessaire afin demieux orienter les pratiques et les comportements en entreprises (Henda, Broussillon, 2011).Face à la loi du 11 février 2005, les entreprises réagissent de deux manières (Point, Charles-Fontaine, 2010). Celles qui préfèrent payer l’amende et refusent de recruter des handicapés etcelles qui ont une approche proactive qui consiste à créer une politique d’intégration et degestion du handicap.En ce qui concerne l’accès à l’enseignement supérieur notamment l’accès aux grandes écoles,plusieurs obstacles ont été identifiés : les inégalités territoriales, le système d’orientation,l’autocensure, le discours autour de la méritocratie et les discriminations sociales. C’est pources raisons là que les grandes écoles tentent depuis quelques années d’intervenir en amont endéveloppant le tutorat. Afin d’illustrer nos propos, nous nous sommes focalisés sur la place dela mission handicap dans une école de management qui par ses stratégies fait d’elle uneréférence dans le domaine de l’insertion professionnelle. Cette communication s’intéresse àl’insertion des jeunes handicapés dans l’enseignement supérieur. Cette loi instaure denouveaux aménagements pour garantir une égalité des chances entre les étudiants handicapéset les autres.Il n’y a pas eu beaucoup de recherches sur l’accès des jeunes handicapés à l’enseignementsupérieur et leur devenir professionnel sont encore incertain et limités en France.Afin d’illustrer nos propos, nous nous sommes focalisés sur la place de la mission handicapdans une école de management qui par ses stratégies fait d’elle une référence dans le domainede l’insertion professionnelle. Cette communication s’intéresse à l’insertion des jeunes262


handicapés dans l’enseignement supérieur. Il n’y a pas eu beaucoup de recherches sur l’accèsdes jeunes handicapés à l’enseignement supérieur et leur devenir professionnel sont encoreincertain et limités en France. L’objectif de cet article est d’étudier le processus d’insertionprofessionnelle des étudiants handicapés dans une institution universitaire et la capacité àréduire les situations de handicap pour des étudiants présentant des déficiences diverses.III.L’acces à l’enseignement supérieur et l’égalité des chancesLe constat qui se fait aujourd’hui concerne le faible taux de présence des enfants issus desclasses « populaires » et des minorités discriminées parmi les élèves des classes préparatoireset des grandes écoles. Les grandes écoles essaient dans ce sens de mettre en place despolitiques de diversité afin de réduire l’inégalité sociale.Le nombre d’élèves quittant l'école sans aucune qualification est assez important. Le fait dedonner de l’importance au modèle de la méritocratie scolaire fragilise la fonction de l'écoleelle-même. Dans cette réflexion l'école est seule capable de définir le mérite et l'efficienceprofessionnelle des individus, et le diplôme fixe le statut professionnel. Or, plus les diplômesdéterminent les parcours professionnels, plus ils ont une forte emprise, plus les élèves et leursfamilles accentuent la compétition scolaire afin de creuser les petites différences scolaires quiferont les grandes différences sociales. En France, les diplômes fixent les positions sociales etles revenus au nom de la méritocratie, plus l’existence des inégalités sociales est réelle.Pour Dubet (2009), l'école permet de faire la différence entre le mérite des élèves. Ainsi leparcours scolaire s'apparente à une longue compétition. C’est pour cette raison que le modèlede l'égalité des chances méritocratique prend de l’ampleur dans le débat scolaire. On ne parleque des dispositifs de l'égalité des chances et que des mesures de soutien et de rattrapageétalonnés sur cette norme.Selon Meuret (2000 ), nous constatons que beaucoup d’obstacles existent comme les originessociales et familiales, la structure familiale, des situations vulnérables, l’autocensure, lasituation financière, les professions des parents, l’influence des diplômes (Bac), la barrière desfrais de scolarité, le manque de modèle, le manque d’information, le système d’orientation, leterritoire et le lieu de résidence, etc.Pour permettre la réussite et l’accès aux grandes écoles il est nécessaire de favoriser unecapacité d’analyse des contenus des concours d’accès aux écoles de commerce, desconnaissances dans les matières scientifiques, les langues étrangères et la culture générale(Amadieu, 2006; Bourdieu (1980) et (1986)). Même s’il existe des programmes en classepréparatoire, le bagage culturel transmis par l’environnement familial peut être considérécomme une valeur ajoutée indéniable pour passer la barrière sélective des concours d’accèsaux grandes écoles. D’autres facteurs clés du succès concernent les compétencescomportementales, les attitudes ou encore l’apparence.Cas des personnes en situation de handicapComme nous l’avons déjà signalé la loi du 11 février 2005 semble jouer un rôle dansl'insertion scolaire, sociale, et professionnelle des personnes concernées. En réaffirmantcertaines contraintes de recrutement pour les entreprises, cette loi nous amène à porter uneréflexion sur la formation et l'employabilité des personnes handicapées. Un dispositif d’aidepédagogique, variable selon les établissements, est proposé dans de nombreuses universités etécoles. Cette aide joue un rôle dans le domaine de l’insertion scolaire, sociale etprofessionnelle de ce public.263


En 2010, l’INSEE dénombre 7 500 étudiants handicapés inscrits dans un établissementd’enseignement supérieur en France, et le ministère de l’enseignement supérieur et de larecherche en recensent pour sa part 10259 (Choin, 2011).Des mesures spécifiques sont également prises en compte dans l’organisation du parcours deformation. Selon le degré de son handicap, l’étudiant bénéficie de différents aménagements,cependant les établissements et les enseignants n’ont pas toujours les outils suffisants etadéquats pour répondre aux besoins spécifiques de chaque handicap. Ils n’ont pas aussi lesconnaissances suffisantes sur les pathologies suite à un manque de confrontation avec lapersonne handicapée.Le recensement des étudiants handicapés et/ou en situation de handicap dans lesétablissements d’enseignement supérieur est difficile à mesurer puisque les formalitésd’inscription et la reconnaissance du handicap diffèrent selon les établissements. Cettereconnaissance du handicap est effectuée par la MDPH (Maison Départementale desPersonnes Handicapées) par le biais des CDAPH (Commissions des Droits et de l'Autonomiedes Personnes Handicapées) ou par la Commission Départementale de l’EducationSpécialisée (CDES) pour les jeunes de moins de 18 ans. Elle est en général validée par lesétablissements qui n’en ont pas toujours connaissance et procèdent à leurs propresreconnaissances par les services de médecine préventive. Ainsi, certains étudiants ne sontidentifiés qu’au moment où ils demandent un « tiers temps» pour leurs examens. A cecis’ajoute le fait de ne pas vouloir signaler leur handicap par crainte d’être marginalisés. Ceproblème de recensement soulève la question de l’acceptation du handicap par la personneconcernée s’inscrivant dans un contexte ou la définition du handicap est très diverse selon lespoints de vue. Ainsi du point de vue social, s’opère une véritable confusion entre ces deuxtypes de reconnaissance, mais dans les deux cas ces personnes ont des besoins spécifiquesnécessitant une modification environnementale ou matérielle.L’enquête de recensement des étudiants handicapés 2009/2010 constate que les étudiantshandicapés sont toujours plus nombreux à s’inscrire dans le supérieur (plus à l’Université quedans les Ecoles supérieures). Il convient désormais de renforcer l’accompagnement de cesétudiants afin de consolider leurs parcours, d’élever leur niveau de qualification et de lesconduire plus sûrement à la certification, atout à une meilleure insertion professionnelle doncsociale (Le Roux, Marcellini, 2011).La loi du 11 février 2005 réaffirme la possibilité de prévoir des aménagements afin que lesétudiants handicapés puissent poursuivre leurs études, passer des concours, etc. Du côté desentreprises, l’obligation d’emploi des personnes handicapées est fixée à 6 %. La loi prévoittoutefois une sanction plus sévère pour les entreprises ne respectant pas cette obligation enaugmentant le montant de la contribution à l’AGEFIPH. Les universités sont donc conduites àréfléchir à l’accessibilité des différents locaux aux étudiants ayant différents typesd’incapacités et aux aménagements permettant d’assurer un accès équitable aux savoirs.Le constat fait que les étudiants handicapés se dirigent plus facilement vers les filièreslittéraires et les sciences humaines. Ils sont moins nombreux à s’inscrire dans les EcolesSupérieures de Commerce, mais le chiffre augmente petit à petit grâce au travail desensibilisation des référents Handicap et des divers dispositifs mis en place.Si certains facteurs semblent faciliter l’insertion professionnelle des diplômés, notamment lefait d’avoir pu accumuler une expérience professionnelle pendant les études au travers destages ou de « petits boulots »7, il existe en revanche des facteurs aggravant les difficultés.Walter (2005) souligne les diagnostics, notamment réalisés par l’AFIJ et le CEREQ mettanten évidence l’existence de discriminations à l’embauche et d’un cumul de handicaps dansl’insertion des jeunes diplômés issus de l’immigration en particulier les jeunes originaires du264


Maghreb (Frickey et al., 2002), de sexe féminin (Joseph et Lemière, 2005) et/ou handicapés.Ces derniers s’inscriraient, indépendamment de la prise en compte de leurs compétences, dansune problématique particulière d’accès à l’emploi, liée entre autres facteurs à la nécessité dedémystifier au préalable la représentation du handicap que peuvent avoir les employeurs.Nicole- Drancourt et Roulleau-Berger (2002) mettent l’accent sur la nécessité de ne pasdissocier la question de l’insertion professionnelle des jeunes d’une problématique plusgénérale qui englobe les rapports que ceux-ci entretiennent avec la société et le travail.L’accès à l’autonomie notamment peut se poser de manière spécifique pour des jeunes ayantvécu des situations de handicap tout au long de leur scolarité.IV. Engagements des grandes écoles : les dispositifs d’ouverturesocialeGeorget et Mosnier (2006) mettent en évidence l’existence d’une grande diversité dans lespolitiques menées d’un établissement à un autre. L’insertion professionnelle des jeunes et desdiplômés est un processus complexe.En France, les classes préparatoires et les Grandes Ecoles 95 constituent une voie d’excellenceinternationalement reconnue et un formidable gage d’insertion professionnelle. Depuis desannées, elles sont régulièrement montrées du doigt comme des vecteurs de reproductionimmuable des clivages et inégalités sociales.A l'heure où la question de la démocratisation de l'enseignement supérieur fait polémique, lesentreprises attendent des grandes écoles davantage de profils diversifiés. Selon un sondageréalisé par l’IFOP, les entreprises feraient preuve d'une réelle volonté de recruter des jeunesdiplômés issus de la diversité (entendue comme des jeunes handicapés, des « minoritésvisibles », des classes sociales défavorisées). Pour 86 % des recruteurs interrogés, la diversitéau sein de l'entreprise « représente un atout » et 79 % des entreprises déclarent avoir mis enplace une politique de recrutement spécialisée, avec, tout de même, des variations selon lesprofils. Près de la moitié des entreprises sondées estiment que les profils proposés par lesgrandes écoles ne sont pas encore assez variés. Par ailleurs, si l'enquête confirme que lesstages et expériences professionnelles restent les éléments les plus examinés par lesrecruteurs, devant le niveau des diplômes, elle montre qu'à diplôme d'ESC égal les profils lesplus plébiscités sont ceux qui ont réalisé avant l'école un BTS, devant les classes préparatoireset le master. (Les Echos, 1 er mars 2010).Stratégies d’une école favorisant l’insertion professionnelle via l’insertion socialeNous avons étudié et observé une école de management mettant en place une stratégied’insertion des étudiants handicapés.La population présente dans les Ecoles Supérieures de Commerce (ESC) n’est pasreprésentative de la diversité de notre société. Les jeunes en situation de handicap y sont sousreprésentéspuisque peu d’étudiants handicapés poursuivent leurs études dans le supérieur. Denombreux jeunes ne s’y trouvent pas pour des raisons liées à leur état de santé qui nécessitedes aménagements particuliers. Et pourtant, ils ont le niveau et les compétences requises poury étudier ; ils y trouveraient une façon d’exploiter pleinement leur potentiel et y acquerraientun diplôme garantissant une bonne insertion professionnelle. Ce constat est doublement95 L’école de management ESSEC était parmi les premières grandes écoles qui avaient lancédes programmes d’ouverture sociale notamment « Une Grande Ecole : Pourquoi pas moi ? ».Les actions interviennent à plusieurs niveaux notamment en amont (modèle « outreach »),dans la phase du recrutement et pendant les études.265


dommageable : les Grandes Écoles ne sont pas représentatives de la diversité de la société,garante de richesse intellectuelle, tandis que de nombreux jeunes doutent de leur avenir dansune société qui ne semble pas leur faire de place, sous prétexte de leur situation de handicap.L’objectif de mettre en place cette politique d’accueil de jeunes en situation de handicap estde rompre cette auto-censure et de permettre à des jeunes ayant des capacités et desperspectives de projet professionnel en phase avec les formations proposées en Ecole deCommerce, d’accéder à ce savoir.Consciente de toutes ces réalités qui renforcent l’inégalité des chances scolaires, cetteinstitution souhaite poursuivre ses efforts dans la construction d’un monde éducatif plus justeet solidaire, en favorisant l’intégration d’étudiants en situation de handicap au sein desprogrammes proposés.Convaincue que la différence n’est pas un handicap, cette institution propose une nouvellevoie d’admission à niveau bac, en partenariat avec la formation Bachelor du Groupe. Cela aimpliqué de se regrouper avec d’autres Ecoles Supérieures de Commerce au sein du réseauPasserelle ESC pour proposer le Dispositif Handicap Passerelle.En quoi cette école de management par une collaboration avec l’Agefiph est-il un acteur dansle domaine de l’insertion professionnelle de ce public ?Le moment de transition entre le statut Étudiant et Salarié soulève la question desaménagements de postes à réaliser (à l'école et dans l’entreprise). Les aménagements se fontavec l'aide financière de l'AGEFIPH ou du FIPHFP (Fonds d'Insertion des PersonnesHandicapées dans la Fonction Publique). Bien qu’elles soient quatre fois plus nombreusesqu’il y a vingt ans, les personnes handicapées sont encore trop peu à suivre des études postbacsuite à un problème d’accessibilité de l’enseignement. Seul un bachelier handicapé surcinq poursuit ses études selon l’INSEE. Ainsi, ce projet s'inscrit dans la démarche d'ouverturesociale de cette école, un des leaders dans le domaine de la Diversité.Pour renforcer son ambition d'ouvrir l'emploi aux personnes handicapées, l'Agefiph proposeune nouvelle offre de services à destination des étudiants handicapés picards et des entreprisesqui souhaitent les accueillir. Ces étudiants peuvent ainsi consolider leur projet professionnel etraccourcir le délai d'entrée dans la vie active. De leur côté, les entreprises trouvent là une aidecomplémentaire dans leurs recrutements et la mise en œuvre de leur projet au titre de lapolitique d'emploi des travailleurs handicapés.De nombreuses actions ont été mises en place visant à favoriser la rencontre entre desétudiants handicapés et des entreprises. Elle s'appuie sur le savoir-faire et l'expérience de cetteécole en matière de relations avec les entreprises. Au niveau des outils pédagogiques, desateliers CV et lettre de motivation sont organisés ainsi qu'un service comportementsprofessionnels (mise en situation, coaching), des conférences thématiques (sensibilisation auHandicap) et interventions de professionnels, la MDPH, l’association Hanploi, la Caissed'Epargne.... Des forums entreprises et apprentissage donnent accès à des propositions destages et d'emplois spécifiques et dédiés aux étudiants handicapés (Handicafé).De nombreuses actions de sensibilisation au Handicap ont été menées comme le fait de fairevenir une troupe de théâtre composée de jeunes valides et de jeunes handicapés poursensibiliser ses étudiants au monde du handicap : Oser « aller vers l'autre ».Engagement d’une politique « Diversité »Les actions pour la diversité visent à :266


a) S'engager :L'engagement vise à la fois le personnel du groupe mais aussi les étudiants.Le groupe a toujours prôné les valeurs d'égalité des chances et tout particulièrementl'ascenseur social et l'intégration d'étudiants handicapés. Par ascenseur social, il faut entendrela démarche auprès des lycéens dans les quartiers sensibles pour les inciter à la poursuited'études. Des actions de sensibilisation sont menées auprès de l'ensemble des étudiants faceau handicap, mais aussi des actions pour l'emploi des étudiants handicapés sur l'ensemble dela région. Des réflexions sont menées sur la question de l’adaptation des parcourspédagogiques de ces étudiants handicapés.b) Sensibiliser et former :Au travers diverses manifestations telles :- Des conférences de sensibilisation- Des journées de parcours "motricité" et "déficience visuelle"- Un raid sportif avec équipes mixtes (valides et non valides)- Un passeport étudiant (Cordée de la Réussite) dans les lycées- Un concours Ascension pour la Réussite- Un concours Handicap- La participation au groupe de travail de l'AFMD : "mettre en place une politique diversité"- La participation au groupe de travail Ouverture Sociale de la CGE (Conférence des GrandesÉcoles)- La participation au groupe de travail Handicap de la CGE- La participation au groupe de travail Ascension pour la Réussite de la banque Passerelle- La responsabilité du groupe de travail Handicap de la banque Passerellec) Objectiver ses process :- recrutement au niveau des étudiants- actions vis à vis des étudiants boursiers (gratuité des concours, première année d'étudesgratuite pour les prépas boursiers)- concours ascenseur social- accessibilité des examens et adaptation aux étudiants handicapésd) Communiquer :- conférence pour la signature de la charte diversité- actions de sensibilisation au handicap- plaquettes pour l'action pour l'emploi des étudiants handicapés- un onglet + des pages du site internet- des interviews radio et TV sur ces évènementse) Instaurer un dialogue social :- information auprès du CE- participation à la signature de la charte diversitéf) Évaluer et faire connaître ses actions :- bilan "diversité" établi par la personne en charge de la diversité.267


Selon la responsable Diversité et référente Handicap, "nous nous engageons aux côtés de1900 entreprises signataires de la Charte de la Diversité à lutter contre les discriminations et àpromouvoir la diversité au sein de notre organisation. Notre conviction est que la diversitéconstitue pour notre groupe un enjeu économique. En la plaçant au cœur de notre stratégie,elle devient un avantage dont l'impact se fait sentir sur notre créativité et sur notrecompétitivité." L’engagement est donc reconnu en matière de Diversité, elle est d'ailleursl'école leader pour le Handicap pour l'ensemble des écoles du concours "Passerelle".Actions menées et engagement dans le domaine de la DiversitéLa mission Handicap favorise l’insertion professionnelle de vingt trois étudiants, issus detoute la région. « Il faut surtout les coacher, leur expliquer qu’ils doivent valoriser leurscompétences avant de parler de l’aménagement de poste », assure la responsable diversité.Afin de réaffirmer la différence de statut entre les étudiants handicapés, et ceux « en situationde handicap ».Au sein de l’école, le référent handicap ou diversité accompagne l’étudiant, lui donne lesmoyens de son autonomie et de sa réussite. Il l’aide, par exemple, à choisir une filière enadéquation avec son handicap, le sensibilise.L’action menée par la mission handicap de cette école dans le domaine de la Diversité estrécompensée dans la catégorie « plus forte valeur ajoutée ».Les domaines de l’ouverture sociale et la diversité sont des axes stratégiques du groupe qui secaractérisent par une multitude de dispositifs à l’instar des Cordées de la Réussite dontl’objectif est d’accompagner les jeunes de milieux sociaux modestes, ou de milieux ruraux,vers les études supérieures. Il est également à préciser l’Adhésion du groupe à l'AFMD :Association Française des Managers de la Diversité, qui affirme son engagement dans cedomaine.D’autres mesures témoignent de cet engagement comme le dispositif « Ascenseur pour laréussite », par lequel les lycéens des ZEP ont la possibilité d’entrer, via le concours « Post-Bac » et après deux années de DUT, en première année de cette école, ou encore par ledispositif « Prépas boursiers » dont les élèves des classes préparatoires bénéficiant d’unebourse peuvent de suivre la totalité du cursus (3 ans) sans frais de scolarité.Pour renforcer son ambition d'ouvrir l'emploi aux personnes handicapées, l’AGEFIPHpropose une nouvelle offre de services à destination des étudiants handicapés de la région etdes entreprises qui souhaitent les accueillir. Ces étudiants peuvent ainsi désormais consoliderleur projet professionnel et raccourcir leur délai d'entrée dans la vie active, à la sortie del'enseignement supérieur. Les entreprises trouvent dans ce dispositif une aide complémentairedans leur recrutement et une mise en œuvre de leur projet au titre de la politique d'emploi destravailleurs handicapés.Fort de la relation qu’elle entretient avec des centaines d’entreprises, la mission handicap decette école, se dote d’un large réseau de professionnels, lui permettant ainsi de s’affirmercomme médiateur dans le processus formation-emploi des étudiants handicapés. Ainsi, ens’entourant des grands groupes présents de la région, il devient un acteur conséquent dans cechamp de l’insertion, pouvant à travers le dispositif « action pour l’emploi des étudiantshandicapés » (mené avec l’AGEFIPH) se développer davantage. A ce jour la missionhandicap travaille en collaboration avec une centaine d’entreprises handi-accueillantes, maisce réseau pourrait considérablement se développer au vu du millier d’entreprises aveclesquelles le groupe collabore.268


Les aménagements pédagogiques relèvent le plus souvent d’une dynamique interne àl’organisme de formation. Ils peuvent être inspirés du bon sens, d’une expérience antérieureou encore provenir d’un réseau d’échanges (autres organismes de formation, partenairesspécialisés).Ils s’appuient sur les besoins et sur les demandes exprimés par les stagiaires handicapés.Certains aménagements font l’objet d’adaptations et d’améliorations progressives. Pourgagner en efficacité et en réactivité, il est utile que les organismes capitalisent leursexpériences.L’ensemble du personnel de l’organisme de formation peut jouer un rôle en matière decompensation du handicap. Les formateurs sont particulièrement concernés, étant, par leurfonction, en contact direct et récurrent avec les personnes handicapées et ayant la mission detransmettre les apprentissages. Tous les acteurs en lien avec des personnes en situation dehandicap sont susceptibles d’intervenir dans le cadre de la compensation de cette situation.C’est à eux qu’il revient le plus de s’adapter aux situations de handicap. Le « Handicap n’estpas synonyme de déficience. Le handicap est une situation particulière qui résulte de larencontre entre une personne et un obstacle (physique, social, culturel) ». Des facteurs à lafois techniques et humains sont susceptibles de limiter la compensation et de n’apporterqu’une réduction de la situation de handicap. Les techniques compensatoires « grand public »,les réponses « standard », ne sont pas toujours totalement adaptées à la situation de handicapparticulière d’une personne.Une des missions dans ce sens consistait en la réalisation d'un premier Handicafé enpartenariat avec la FEDEEH (Fédération nationale des Etudiants pour une Dynamique Etudeset Emploi avec un Handicap). Cet évènement permettant la rencontre entre employeurs etétudiants en situation de handicap. Plusieurs entreprises de différents secteurs et tailles étaientprésentes. Cet événement organisé dans cette école a mobilisé 31 candidats (étudiants oujeunes en recherche d’emploi, d’apprentissage ou de stage), 14 entreprises, et différentspartenaires, invités à la table ronde sur l’accès aux études. Parmi les institutions, l’événementa réuni les acteurs du monde du handicap à savoir : le Rectorat, la MDPH, AIP 80, AGEFIPH,Cap emploi, le Creda ainsi que l’Inspection Académique. Ce Handicafé a été organisé pour ladeuxième fois en avril 2012 et a permis de réunir 40 jeunes en situation de Handicap et unedizaine d’entreprises partenaires.L’organisation d’événements à l’instar de l’Handicafé facilite les échanges et alimente leréseau entre les différents acteurs de la « relation formation-emploi ». Devant un impératifd’obligation d’emploi fixé par un cadre juridique de plus en plus stricte, les entreprises sedoivent d’insérer professionnellement les publics handicapés.Cependant, la difficulté d’insertion réside en amont, c’est-à-dire lors de la formation, où ungrand nombre d’étudiants se démotive face à la complexité du parcours et de leurs problèmesde santé.Programme PHARES (Par delà le Handicap Avancer et Réussir des EtudesSupérieures)Le projet « PHARES » a été mis en place pour la première fois en 2008 par l’ESSEC afin defavoriser l’accès aux études des personnes en situation d’handicap et de limiter l’impact «discriminant » du Handicap dans les choix d’orientation des jeunes pour qu’à capacitésintellectuelles identiques, à motivation et travail identiques chacun puisse atteindre les mêmesambitions et réussites dans l’enseignement supérieur pour avoir les mêmes atouts dans la vieprofessionnelle.269


Face au succès rencontré et aux résultats positifs qui ont suivi, une politique d’ « essaimage »a été mise en place. Ainsi, depuis septembre 2010, l’association Handi-Ami(e)ns de cetteécole, en tant que membre de la FEDEEH (Fédération nationale des Etudiants pour unedynamique Etudes et Emploi avec un Handicap) fait partie des nombreuses Grandes EcolesNationales à avoir fait le choix de la diversité sociale et de l’égalité des chances.Les objectifs du programme illustrent le caractère pédagogique et montrent l’intérêt dedévelopper chez le jeune des compétences et des comportements nouveaux.- Accroître les chances des jeunes Handicapés scolarisés en milieu ordinaire de poursuivre desétudes supérieures en les accompagnants depuis la classe de troisième et jusqu’à leur entréedans le supérieur.- Développer l’autonomie et l’ambition des jeunes handicapés en offrant un développementpersonnel à chaque élève participant au programme, lequel lui sera utile quelque soit sonchoix d‘études post bac- Eviter de reproduire un système de recrutement qui les prive de talents du fait d’orientationsnon choisies par le jeune et bien souvent sous qualifiantes et qui empêchent ces étudiants debénéficier de la diversité sociale de notre société.- Permettre aux futurs diplômés une confrontation directe avec une réalité particulière de lasociété : Le Handicap avec lequel ils évoluent afin d’en favoriser une reconnaissance sousl’ensemble de ses facettes et une meilleure compréhension. Un accompagnement des jeunes de troisième jusqu’à l’entrée dans le supérieur- Le programme vise à accompagner les collégiens de la troisième et les lycéens dont leHandicap limite la possibilité de se projeter dans des études pour un avenir ambitieux. Il lesaide à appréhender la réalité en anticipant les obstacles pour mieux les surmonter.- Il ouvre les perspectives, notamment d’autonomie et valorise les efforts fournis par lesjeunes en situation de Handicap en offrant un développement personnel à chacun, qui lui serautile quelque soit son choix d’études.- Il donne confiance aux jeunes en leur permettant de prendre conscience de leur potentiel eten leur donnant envie de l’exploiter au mieux.- Il propose aux jeunes un ensemble d’activités qui ne relèvent ni du scolaire, ni du médical,ni du familial : Une aventure qui lui est propre et personnelle.Il constitue un réseau de relations qui les aidera à avancer.- Il repose sur un entraînement de fond, qui démarre en octobre de l’année de troisième, afinde préparer l’orientation de fin de collège, et se termine en terminale, à l’approche du bac. Leprogramme couvre donc un cycle de 4 années scolaires. Un enseignement conjoint Ecole de management- Enseignement spécialiséLa clé du voûte du programme porte sur le double accompagnement sur lequel reposel’encadrement des jeunes : Le tutorat –Etudiant d’une part et le suivi d’un enseignementspécialisé via les enseignants référents responsables du Projet Personnalisé de Scolarisation(PPS) de chaque jeune.Le suivi se fait par l’intermédiaire des enseignants référents qui lui communiquent lescomptes rendus des équipes de suivi de scolarisation. L’enseignant spécialisé faitrégulièrement le point sur la progression de chaque jeune et communique aussi auxenseignants référents leur évolution au sein du programme PHARES. En tant qu’enseignantspécialisé, ce dernier joue un rôle essentiel dans l’élaboration des objectifs des séances detutorat et dans la mise en place d’adaptations pendant les séances de tutorat, lesquelles270


s’avèrent nécessaires pour la mise en œuvre du programme en fonction des différentespathologies.Un binôme d’étudiants issus de l’école (étudiants tuteurs) prendra en charge chaque groupe dejeunes (entre 5 et 6), constitué d’une même classe si possible (troisième, seconde, première etterminale)Il faut souligner ici l’aspect important du travail en binôme d’une part pour les jeunes etd’autre part pour les tuteurs eux-mêmes. En effet, tout en favorisant l’animation et l’émulationdu groupe, il permet une confrontation des jeunes à des points de vue différents. Tout celacontribuera au développement de leur esprit critique et de leur libre pensée.Le travail de chaque équipe de tuteurs est très important à la fois pour stimuler la créativité etconfronter les expériences de chaque binôme.- Ils préparent et animent les séances hebdomadaires de 2h dans les locaux de cette école- Ils participent aux sorties culturelles- Ils représentent un stimulus pour les jeunes à travers leurs exemples, la richesse de leursdiscussions, l’envie des jeunes d’approfondir leurs connaissances, leurs réflexions- Ils assurent le fil rouge avec les jeunes sur l’ensemble du dispositif (sorties culturelles,intervenants extérieurs, tutorat…)Chaque groupe, constitué d’un binôme de deux étudiants tuteurs et de 6 élèves maximumtravaillera sur des ateliers différents d’une durée de 2h30 à chaque rencontre (jeux, débats,travaux en équipe, rencontres et échanges divers pour développer ces compétences et cesconnaissances)Pendant la période scolaire, de nombreux ateliers seront spécialisés : Ateliers d’expression,sorties culturelles, aide personnalisée à l’orientation, visites d’entreprises, stages, shadowing(minis stages ciblés) et témoignages d’étudiants et de professionnelsLe programme « PHARES » est un programme dont l’apport financier n’est point à négliger.Etant convaincu de la nécessité de mettre en place des équipements adaptés, nous sommes à larecherche de partenariats susceptibles de soutenir et de contribuer à la diffusion de nos actionsde sensibilisation du public face à la problématique de la scolarisation des jeunes en situationde handicap, et à leurs poursuite d’études.Par ailleurs, compte tenu des difficultés liées au transport pour certains jeunes habitant auxalentours de la métropole Amiénoise, il est prévu des moyens de transports adaptés auxpathologies de chacun.Dans cette partie, nous avons pu constater l’engagement dans le domaine de la Diversité et duhandicap. Fort de son expérience en faveur de l’intégration professionnelle de ses étudiants, lamission Handicap à travers son partenariat avec l’Agefiph œuvre dans un programmed’insertion professionnelle destiné aux étudiants handicapés. L’organisation d’événements àl’instar de L’Handicafé facilite les échanges et alimente le réseau entre les différents acteursde la « relation-formation-emploi ». Devant un impératif d’obligation d’emploi fixé par uncadre juridique de plus en plus stricte, les entreprises se doivent d’insérer professionnellementles publics handicapés.Cependant, la difficulté d’insertion réside en amont, c’est-à-dire lors de la formation, où ungrand nombre d’étudiants se démotive face à la complexité du parcours et de leurs problèmesde santé.ConclusionLe handicap s’inscrivant dans le grand domaine de la diversité n’est qu’un point parmid’autres, et favorise l’essor de ces nouvelles figures, qui à l’instar des pédagogues,accompagnent dans le but de mieux insérer. La relation formation - emploi qui s’opère pour271


les personnes en situation de handicap est accompagnée par une multitude de processus etmoyens mis en œuvre dont le principal objectif est de favoriser l’insertion sociale vial’insertion professionnelle des personnes handicapées.Comme nous l’avons précisé en étant jeune handicapé, cette personne peut rencontrer desdifficultés d’accès à l’emploi. L’insertion professionnelle des jeunes et des diplômés est unprocessus complexe, la dimension de la déficience ne faisant qu’ajouter à la complexité duphénomène (Le Roux, Marcellini, 2011). On pourrait penser que les transformationsconstatées des environnements universitaires et professionnels (incitées par la loi) devraient àterme participer à réduire les situations de handicap dans l’accès à l’emploi des jeuneshandicapés. C'est dans un mouvement de démocratisation et d'ouverture sociale que l’école demanagement étudiée s'inscrit aujourd'hui comme un leader dans la relation Handicap-Formation-Emploi qui se démarque par ses nombreuses initiatives pédagogiques, et à traversde nouveaux dispositifs et sensibilisation, tente de réduire les inégalités dans la formation.La plus grande des difficultés réside dans le fait de recenser les besoins en formation dus à unvéritable écart entre les attentes, les besoins et les capacités. Nous avons pu constater que desnouvelles procédures apparaissent dans les champs du handicap, accompagnant les acteurssociaux dans la complexité de mise en œuvre du cadre juridique. Ainsi, les référentshandicaps en entreprise, à l’université, dans les écoles ou autres institutions deviennent des «guides sociaux » s’inscrivant dans la grande famille des « acteurs sociaux ». Leur objectifpremier est de dynamiser cette insertion sociale, respectant des chartes, des politiquesd’entreprises, des accords de branche. ..La fonction de « référent » est importante d’un point de vue sociologique, tant cette nouvelleforme d’emploi par l’accompagnement est amenée à se développer.La relation formation - emploi qui s’opère pour les personnes en situation de handicap estaccompagnée par une multitude de processus et moyens mis en œuvre dont le principalobjectif est de favoriser l’insertion sociale via l’insertion professionnelle des personneshandicapées, suite à un taux de chômage touchant fortement cette population.La mission à cette institution confiée est en lien avec une remise en question d'unfonctionnement pédagogique, visant à optimiser les capacités d’adaptation, certes despersonnes handicapées, mais également des formateurs face à la diversité de son public.L’objectif sur une grande échelle participe à cette volonté d’insertion sociale pour ce public.Certaines revendications, concernant par exemple l'intégration scolaire, sont sans aucun douteexcessives, quand elles tendent à masquer les problèmes spécifiques que posent certainshandicaps. De nombreux jeunes ne s’y trouvent pas pour des raisons liées à leur état de santéqui nécessite des aménagements particuliers. Et pourtant, ils ont le niveau et les compétencesrequises pour y étudier ; ils y trouveraient une façon d’exploiter pleinement leur potentiel et yacquerraient un diplôme garantissant une bonne insertion professionnelle. Ce constat estdoublement dommageable : les Grandes Écoles ne sont pas représentatives de la diversité dela société, garante de richesse intellectuelle, tandis que de nombreux jeunes doutent de leuravenir dans une société qui ne semble pas leur faire de place, sous prétexte de leur situation dehandicap.L’objectif de mettre en place cette politique d’accueil de jeunes en situation de handicap estde rompre cette auto-censure et de permettre à des jeunes ayant des capacités et desperspectives de projet professionnel en phase avec les formations proposées en Ecole demanagement ou dans l’enseignement supérieur, d’accéder à ce savoir.Néanmoins, en focalisant l'attention sur les interactions entre la personne et sonenvironnement, en dénonçant des structures sociales handicapantes et quand elless'accompagnent d'une recherche de toutes les possibilités d'insertion, elles contribuent par uncertain forcing à faire reculer les limites de l'insertion sociale des personnes handicapées.272


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Atelier 7 : Autres regards sur les diversités………………………………………………………………………… « La simplicité volontaire, un concept peu exploré en marketing » Arwa YAZIDI et OlfaBOUFATH (IAE de Lille)………………………………………………………………………………………. « L’impact de l’information contre-attitudinale sur le scepticisme » Anis CHTOUROU (IAEde Lille)…………………………………………………………………………………………. « Un Hiver pas comme les autres : approvisionnement local en fruits et légumes des Restos duCœur 34, Campagne 2011-2012 » Olivier LAURO (MIN), Jean François BALLET(Mercadis), Alain CRINIER, Françoise VEZINHET, Matthias FATTET (Restos du cœur) etDominique PATUREL (INRA Montpellier)……………………………………………………275


La simplicité volontaire, un concept peu exploré en marketingArwa YazidiAllocataire de recherche à l’IAE de LilleOlfa BoufathAttachée temporaire d’enseignement et de recherche à l’IAE de LilleRésumé :A travers l’étude de la simplicité volontaire et de son sens profond, se dessinent desmodes de pensées, des philosophies et des tentatives d’explication complémentairesmais parfois divergentes. Ce travail cherche à contribuer à la clarification de la notion dela simplicité volontaire, au travers d’une synthèse de la revue de la littérature sur cesujet. Il vise également à explorer les motivations et les déterminants de choix desadeptes de la simplicité volontaire pour la location. Cette étude se conclura par uneproposition des voies futures à explorer.Mots clés : Simplicité volontaire, motivations, location.Introduction :Nos consommations polluent l’air, le sol, la mer, les nappes phréatiques et tat d’autreséléments de notre planète. Nul doute que notre mode de vie a un impact néfaste surl’environnement. Il est capital alors de repenser notre mode de consommation afin delimiter les dangers qu’encoure notre planète. Danger qui se veut réel, à l’heure où lesressources énergétiques tarissent sur notre terre, que les changements climatiques labalaient et que la surconsommation occupe tous les esprits. La terre vêtue de son plusbel apparat, met en scène une véritable tragédie face à des spectateurs de plus en plusimpuissants. Néanmoins ce spectacle révolte un groupe d’individus que l’on qualifie de« simplifieurs volontaires ». Comment ces « simplifieurs volontaires » se caractérisent-ils276


dans une société poussant sans cesse à la consommation ? Autrement dit, quel est cephénomène qui voit le jour à l’heure où la consommation prend le dessus sur l’individu ?Effet de mode passager, seule l’histoire le dira. Mais les besoins auxquels la simplicitévolontaire répond, eux, ne sont pas passagers, ils sont au contraire de plus en plusressentis par de plus en plus de gens. Avec la crise financière et économique majeureque nous traversons présentement, l’intérêt pour la simplicité volontaire est plus grandque jamais. La simplicité volontaire pourrait bien se révéler, à terme, l’une des avenuesincontournables de toute solution véritable à cette crise et l’une des conditions pour lasurvie de notre planète.Les travaux de recherche traitant ce phénomène ont servi à le définir et le comprendred’un point de vue sociologique (Andrews, 1997 ; Andrews et Holst, 1998; Daun, 1983;Elgin, 1981; Elgin et Mitchell, 1977; Etzioni, 1998; Leonard-Barton, 1981; O'Guinn etBelk, 1989; Ottman, 1995; Pierce, 1998; Schor, 1998; Shama, 1985; Shama et Wisenblit,1984) ou identifier la typologie des adeptes de la simplicité volontaire (Etzionni, 1998;Leonard-Barton, 1981), mais peu sont ceux qui ont essayé de cerner les implications dela simplicité volontaire sur la société de consommation et d’étudier son ampleur sur lecomportement du consommateur d’un point de vue marketing.La première partie de notre recherche expose donc un état de l’art relatif au concept dela simplicité volontaire, nous conduisant dans une seconde partie au profil des« simplifieurs volontaires » et de leurs motivations. Par la suite, nous explorons l’impactde la simplicité volontaire sur la location car à notre connaissance peu sont lesrecherches antérieures qui ont examiné les déterminants du choix des simplifieursvolontaires pour la location. Enfin, nous dressons en conclusion les contributions, leslimites et les perspectives de notre travail.Simplicité volontaire : présentation et définitionsLa simplicité volontaire n’a pas toujours porté ce nom. Non seulement elle prendd’autres appellations, mais bien des gens la pratiquent sans même lui donner un nom.D’où la difficulté d’en retracer une histoire précise. Certains font remonter l’origine de cemouvement à certains philosophes grecs de l’Antiquité ou à l’écrivain et militantaméricain Henry David Thoreau au 19e siècle. C’est le Quaker et disciple du MahatmaGandhi, Richard Gregg, qui le premier a associé les mots simplicité et volontaire eténoncé, en 1936, les grands principes connus aujourd’hui, dans un texte intitulé « TheValue of Voluntary Simplicity ». Selon Gregg (1936) le mouvement « simple living »remonte à Jésus, Bouddha, Lao Tse, Moïse, Mahomet, et à des plus récents commeFrançois d'Assise, hindoue rishis, prophètes hébreux, musulmans soufis, et même àLénine et Gandhi. Elgin (1981) suggère également que les principes de la simplicitévolontaire sont nés de la tradition des Quakers – un mouvement religieux fondé enAngleterre au XVIIe siècle –, des puritains transcendentalistes tels que Emerson etThoreau, et de diverses religions du monde qui fournissent des fondementsphilosophiques de vivre une vie simple.Le terme « simplicité volontaire » a été employé pour la première fois par Gregg (1936)dans un article du journal indien Visva Bharati Quarterly. Gregg (1936) définit lasimplicité volontaire comme étant « l'unicité de l'objectif, la sincérité et l'honnêteté,ainsi que l'évitement de l'encombrement extérieur et l’accumulation des possessionsinutiles à l’achèvement du but premier de la vie. Il s'agit d'une organisation et d'unegestion de notre énergie et nos désirs, une renonciation partielle dans certainesdirections en vue de garantir une plus grande abondance de la vie dans d'autres277


directions. Le degré de simplicité est une question à régler selon chaque individu ». Lasimplicité volontaire n’est donc pas la pauvreté ni le sacrifice, c’est un choix de viedélibéré, un style de vie qui implique non seulement la pratique de l’austérité et de lafrugalité mais également aspire à un bien être mental et spirituel tout endéveloppement une conscience écologique (Craig-Lees et Hill, 2002).Oubliée avec la croissance économique après la Deuxième Guerre Mondiale, la simplicitévolontaire est réintroduite dans les années 1970 avec la crise économique. L’expression« simplicité volontaire » sera redécouverte par deux chercheurs américains, Mitchell etElgin en 1977, puis popularisée aux Etats-Unis par le livre de Duane Elgin, « VoluntarySimplicity, Toward a way of life outwardly simple and inwardly rich », publié en 1981.Duane Elgin est le premier auteur à avoir publié un livre dédié à la simplicité volontaire,Voluntary Simplicity. Toward a Way of Life that is Outwardly Simple, Inwardly Rich en1981. Il soutenait que vivre intentionnellement de façon simple permettait de rompreavec les distractions occasionnées par les biens matériels et qu’une vie spirituellegratifiante pouvait alors prendre place. Ce livre a servi de base au développement dumouvement dit de simplicité volontaire.La simplicité volontaire est un courant social, un art de vivre ou une philosophie de viequi privilégie la richesse intérieure par opposition à la richesse matérielle manifestéepar l’abondance de la consommation. Elle s’est développée depuis le début des années80, d’abord aux Etats-Unis, puis partout dans le monde depuis la fin des années 90.C’est une approche multiforme, qui peut toucher tous les aspects de la vie, se manifesterde bien des façons et se pratiquer pour toutes sortes de raisons. C’est aussi une réalitéqui porte des noms multiples, selon les priorités et les pays : simple living, downshifting,mouvement slow, good life, consumerinden, austérité joyeuse, décroissance, etc.La limite de ce concept a été décrite dans les travaux d’Elgin et Mitchell (1977) et plustard popularisée par Elgin (1981). En effet Elgin et Mitchell (1977) proposent unedéfinition plus élaborée à travers cinq valeurs basiques, qui selon eux, sont le cœur de lasimplicité volontaire :– La simplicité matérielle : Elle consiste à consommer moins, acheter juste ce dont on abesoin et ne pas tomber dans la surconsommation.– L’autodétermination : C’est la nécessité d’avoir plus de contrôle sur sa vie et moinsde dépendance à l’égard des autres organisations y compris les entreprises, lescanaux de distribution, les installations de payement, etc.– La conscience écologique : Elle résulte de la réalisation que les ressources sontlimitées, la conservation est nécessaire, et la réduction de la pollution est unimpérative, ainsi les produits et pratiques écologiques sont de nouvellesopportunités du marketing.– L’échelle humaine : C’est la réduction et l’humanisation de l’environnement de vie etde travail, elle comprend la valeur de « small is beautiful » qui implique unepréférence pour tous ce qui est petit, par exemple les petits points de vente sontpréférables aux grands centres commerciaux.– La croissance personnelle : C’est le désire de libérer soi même de toutes influencesexternes et de développer sa propre vie psychologiquement et spirituellement.Leonard-Barton (1981), quant à elle, définit la simplicité volontaire comme étant lamesure dans laquelle un individu choisit un mode de vie destiné à maximiser soncontrôle direct sue ses activités quotidiennes et minimiser sa dépendance à laconsommation, tout en soulignant le caractère volontaire de ce choix. Ainsi ce mode devie simplificateur est généralement adopté par des individus financièrement capables des’offrir un mode de vie plus luxueux. Selon la définition de Shama (1985), la simplicité278


volontaire est un mode de vie avec une moindre consommation, des responsabilitésécologiques et une autosuffisance.C’est au cours des années 90 que le mouvement prendra vraiment son essor avec,notamment, la publication de nombreux ouvrages, l’apparition de groupes d’étude et desoutien, le développement de plusieurs organisations et réseaux (surtout aux États-Unis) et la présence de plus en plus fréquente de ces questions dans les médias.Etzioni (1998) décrit la simplicité volontaire comme le choix de la libre volonté delimiter les dépenses de biens et services de consommation et de cultiver des sources nonmatérielles de satisfaction. Il a ensuite identifié trois nivaux de simplicité: les« Downshifters » ou les personnes adeptes d’un « retour en arrière », c’est un niveau desimplicité modéré où les personnes diminuent leur consommation tout en maintenant lemême niveau de vie, les « Strong Simplifiers » autrement appelés les simplifieurssévères, dans ce cas le niveau simplicité est important, les adeptes de ce mouvementrestructure leur mode de vie, et finalement les « Holistics Simlifiers » constituant unniveau encore plus élevé de simplicité qu’on appelle le mouvement « simple living ».Rudmin et Kilbourne (1996) ont soutenu que la simplicité volontaire a été et sera uneexpression périodique de matérialisme délibérément nié. Certains chercheurs avancentqu’il peut être déraisonnable de s’efforcer à établir une définition stricte de la simplicitévolontaire. Pour Shi (1985) la vie simple est difficile à définir car elle dépond ducontexte. En effet, ce qui peut être simple et riche pour une personne pourrait être uneprivation et une souffrance pour un autre.Andrews et Holst (1998) décrivent la simplicité volontaire comme un "un examen de lavie" dans lequel les gens sont motivés à contrôler leur vie et tentés de retrouver leschoses qui leur semblent importantes. La simplicité volontaire est à la fois un systèmede croyance et une pratique qui inclut la culture de l’autonomie et le développement del’intellect (Zavestoski, 2002). Il n’existe pas une bonne et unique façon pour simplifier niun niveau sanctionné de richesse (Elgin, 1993; St. James, 1996). Elgin (1993) a identifiédix différentes approches de simplicité volontaire. Nous citons, par exemple, simplicitéde choix, simplicité commerciale, simplicité compatissante, simplicité frugale etsimplicité écologique. Craig-Lees et Hill (2002) la définissent comme étant un mode devie qui implique la pratique de l'austérité et de frugalité, et qui est liée au bien-êtremental et spirituel et à l'environnement. Zavestoski (2002) estime que la popularité dela simplicité volontaire reflète la crise existentielle et les limites du consumérisme enoffrant aux individus des satisfactions mentales. Les chercheurs insistent sur différentsaspects de la simplicité volontaire, tels que les valeurs environnementales (Moisander etPesonen, 2002), la réduction de la consommation (Cherrier et Murray, 2002) et lesprincipes éthiques (Newholm et Shaw, 2007). Cependant, comme la notion de laconsommation durable, la simplicité volontaire contient tous ces éléments à la fois(McDonald et al., 2006).Pour Besson-Girard (2005) la simplicité volontaire n’est pas une vie en arrière, mais unevie vers l’avant, moins de temps passé sur les marchandises matérielles signifie plus detemps passé avec la famille, les amis, la nature, ce qui permet de découvrir les réellesvaleurs de la vie.Craig-Lees et Hill (2002) ont examiné divers perspectives de la simplicité volontaire etont identifié les éléments suivants:– Le libre choix de mener une vie simple.– La réduction de la consommation matérielle (sans pauvreté).– L'accès aux ressources telles que la richesse, l'éducation et des compétences uniquesréservées aux individus ayant un revenu élevé.279


– Le contrôle et l'épanouissement personnel.– Les valeurs telles que l'humanisme, à l'autodétermination, la protection del'environnement, la spiritualité, et l'auto-développement.L’étude de Zavestoski (2002) a repéré d’importantes différences entre les recherchespubliées entre 1995 et 1998 concernant la simplicité volontaire et celles publiées entre1973 et 1994. Il a découvert que les valeurs spirituelles et religieuses de la simplicitévolontaire ont dominé les études parues avant 1995, par contre les écrits publiés entre1995 et 1998 semblent se concentrer sur le stress, l'immense désir de trouver un sens àleur consommation et à leur vie trépidante, ainsi que des stratégies en vue de simplifierleur mode de vie (McDonald et al., 2006).Qu’elle porte le nom de frugalité, mouvement alternatif, nouvelle économie,décroissance, groupe de créatifs culturels ou simplicité volontaire, cette façon d’être, devivre et de voir le monde intéresse de plus en plus. Selon les propos des auteursconsultés (Gregg, 1936 ; Elgin, 1977 ; Leonard-Barton, 1981 ; Shama & Wisenblit, 1984 ;Montagutelli, 1986 ; Mongeau, 1985, 1998 ; Iwata, 1996 ; Pradervand, 1996; Etzioni,1998 ; Burch, 2003 ; Ray & Anderson, 2001; Craig-Lees & Hill, 2002 ; Breen-Pierce, 2002; Jonhson, 2004), ce que nous appelons la simplicité volontaire réfère à des principes devie axés sur des valeurs de qualité de vie, d’équité, d’équilibre et de respect dans nosrapports avec nous-mêmes, les autres et la nature. Elle contribue à transformer lasociété en favorisant la réalisation de nouveaux comportements plus riches enexpériences humaines, plus équilibrés dans le développement des individus et descommunautés, débarrassés de l’inutile et du superficiel.Amitai Etzioni (1999) décrit la simplicité volontaire comme une contre-culture aucourant capitaliste et à la société de consommation. Leonard-Barton (1981) la définitcomme étant l’intensité avec laquelle chaque individu choisit volontairement son stylede vie dans le but d’avoir un contrôle sur sa vie et diminuer sa dépendance à laconsommation. Pour Shama and Wisenblit (1984), il s’agit d’un mode de vie incluant unefaible consommation, écologiquement responsable et autosuffisante. Malgré la diversitéde ces définitions, il n y a aucun doute que la simplicité volontaire est un mouvementsocial qui peut se révéler important pour les marketeurs, parce qu'il conduit à deschangements fondamentaux dans les préférences des consommateurs (Johnston etBurton, 2003). Ainsi les simplifieurs volontaires sont des hommes et des femmesadeptes d’une consommation réfléchie. Conscients des problèmes de la société, ilsprônent l’utile au futile et ils n’hésitent pas à réduire leur consommation en pensant augaspillage et à la pollution que cela provoquerait.Typologie des simplifieurs volontaires :Selon l’étude de Zavestoski (2002), les individus qui s’intéressent à la simplicitévolontaire sont souvent bien instruits et bien payés, travaillant en général dans lesecteur de services. Leurs motivations de choisir ce style de vie sont à la fois positives(augmenter leur satisfaction personnelle) et négatives (être fatigué de la pression de laconsommation, les préoccupations environnementales) (Young, 1991). La simplicitévolontaire est observable à différents niveau d’intensité, elle varie du niveau modéré (oùles individus rétrogradent leur mode de consommation, sans s’appauvrir), à un niveauplus important (où ils restructurent significativement leur vie) jusqu’à la simplificationglobale ou holistique (Etzioni, 1998).La segmentation des simplifieurs volontaires selon Etzioni (1998) :280


Etzioni (1998), segmente les simplificateurs volontaires selon leurs motivations et leurniveau d’engagement. On distingue alors les trois niveaux suivant :– Les « Downshifters » :Le downshifting est la forme la plus modérée de simplicité volontaire, pratiqué par desindividus économiquement aisés qui choisissent volontairement d’arrêter laconsommation de certains biens (généralement considérés comme biens de luxe) qu’ilspeuvent facilement s’offrir, tout en maintenant leur niveau de consommation qualifiécomme riche. Par exemple, ils s’habillent avec moins de recherche en t-shirts et en jeans,conduisent des vieilles voitures déglinguées, baissent leurs heures de travail, cherchentdes emplois moins rémunérés, voire ils quittent leur travail pour rester à la maison.Cette forme modérée de la simplicité volontaire est symbolisée par ceux qui portent unblazer cher avec des jeans usés ou conduisent une vielle voiture à leur yacht (Etzioni,1998). Les downshifters cherchent à baisser leur temps de travail pour s’adonner auxplaisirs non matériels de la vie. Ils ne se considèrent pas comme faisant partie d’unmouvement, mais simplement comme des individus souhaitant changer la balance deleur vie (Hamilton, 2003).– Les « Strong Simplifiers » :Ce groupe comprend les gens qui ont renoncé à leurs salaires élevés et leurs emploisstressants tels que certains avocats, hommes d’affaire ou encore des banquiers, afin devivre avec moins de revenu. Ces gens renoncent à leur revenu et leur statut socioéconomiqueélevés. Dans certains cas, les deux membres du ménage abandonnent leurtravail pour vivre uniquement de leurs économies et se consacrent à l’écriture ou à desactions volontaires. Selon Etzioni (1998), choisir d’acheter et de gagner moins, renoncerà un revenu élevé et à un succès rapide pour plus de temps libre et moins de stressimplique une révolte silencieuse contre la culture d’avoir et de dépenser.L’étude menée par Fortune (1989) suggère qu’une majorité des individus considèrentqu’une « heureuse vie familiale » est un plus important indicateur de succès que« gagner beaucoup d’argent ». Plusieurs femmes, ainsi que certains hommes, préfèrenttravailler mi-temps ou depuis chez eux, même si des emplois à temps complets mieuxrémunérés s’offrent à eux, afin de consacrer plus de temps à leurs enfants. Les gens quichangent de carrières plus lucratives à des carrières personnellement plus significatives,entrent aussi dans cette catégorie.Les individus qui réduisent, significativement et volontairement, leur revenu sont plusdes « strong simplifiers » que ceux qui modèrent leur mode de vie, car une réductionimportante de revenu conduit à une plus importante simplification qu’unerétrogradation sélective de certains biens de consommation.– Les « Holistics Simplifiers » :Ce sont les simplifieurs les plus dévoués. Les simplifieurs holistiques adaptent tout leurmode de vie selon l’éthique de la simplicité volontaire. Ils déménagent souvent desriches banlieues ou des chics parties de la ville à des petites villes, des fermes, desparties non urbanisées du pays voire la campagne, dans le seul but de mener une viesimple (Etzioni, 1998).Ce groupe diffère des « downshifters » et des « strong simplifiers » pas seulement par lechangement de leur conduite mais parce que ce changement est motivé par unephilosophie claire et cohérente du rejet de la société de consommation.La segmentation des simplifieurs volontaires selon Leonard-Barton (1981) :281


Leonard-Barton (1981) décrit trois types de simplifieurs volontaires selon leurscomportements et leurs motivations.– Les « Conservers », les économes :Les conservateurs sont des gens qui ont été élevés avec une forte notion d’interdictionde toutes formes de gaspillage, souvent l’un de leurs parents soit a vécu dans un pays endéveloppement soit a connu la pauvreté dans son enfance. La conservation et la frugalitéfont partie de leur coutume.– Les « Crusarders », les militants :Des militants qui proviennent d’un foyer avec éthique rigoureuse de la conservation desressources et un sens profond des responsabilités sociales. Leur motivation de s’engagerdans la simplicité volontaire est née d’un fort sentiment de responsabilité sociale plutôtque par soucis d’économie.Ces militants se considèrent comme un modèle à suivre. Ils pensent que le reste desconsommateurs ont besoin d’être éduqués sur l’amenuisement des ressourcesnaturelles. Ils sont assez auto-suffisants (jardinage, mise en conserve, fabrication demeuble, etc).– Les « Conformists », les conformistes :Les conformistes sont des gens qui se livrent à la simplicité volontaire pour des raisonsmoins bien définies et moins claires. Ils sont moins susceptibles d'acheter des vêtementsou bien d'occasion, mais ils recyclent consciencieusement leurs ressources, réduisentleur consommation de viandes, etc. Certains sont apparemment motivés par laculpabilité de mener une vie relativement riche, d'autres ont été influencés par lesadeptes de simplicité volontaire dans leur entourage. Généralement leur motivation àvivre la simplicité volontaire dépend de leur milieu de vie : tant que celui-ci démontreune forte cohésion et une grande conscience écologique, ils vont poursuivre mais s’ilssortent de ce milieu, ils risquent de cesser les comportements adoptés dans leurpratique de la simplicité volontaire.Finalement, pour Leonard-Barton, les comportements des adeptes de la simplicitévolontaire reposent manifestement sur des convictions personnelles de devoir réduirela consommation de l’énergie et sur des intérêts probants pour des technologies et desénergies alternatives.Le rapport des simplifieurs volontaires avec la possession et leur préférence pourla location:Les motivations et les freins de la location :Identifier les motivations de consommer sans posséder du simplifieur volontaire paraitparticulièrement délicat, puisque la motivation est une variable psychologique et elle estdonc non observable directement (Guichard et Vanheems, 2004).Le recours à la location a considérablement augmenté ces dernières années. Les biensloués étaient principalement les appartements, les véhicules et quelques équipementssportifs. Aujourd’hui la location comprend les vidéos, les caméras, la peinture (Dreyfus,1983), les habits de cérémonies, les fourrures, les joués, les meubles, les yachts, lesunités de stockage, les avions, les maisons de plaisance, les limousines, les équipementssonores, les appareils électriques, les plantes, les articles de fête, les instruments demusique, les équipements médicaux, les bijoux et de nombreux autres biens deconsommation courante (Wiley et Sons, 1995). Par exemple Avelle.com offre à ses282


clients des services de location pour les montres, les bagages, les tenues de soirée et decocktail, les sacs à main de luxe et même les bijoux. Ce site a rapidement vu sa clientèleaugmenter de 250.000 en 2007 à plus de un million en 2008 (Moeller et Wittkowski,2010). Un autre modèle réussi est celui développé par Erento.com, ce site n’est autrequ’un lieu d’échange entre internautes désirant louer leurs biens. Ayant été fondé en2003 en Allemagne, le site offre aujourd’hui plus d’un million de biens à louer à traversl’Allemagne, la Suisse, l’Australie, l’Angleterre et les Etats-Unis. La croissance de 10 % dumarché de la location de voitures entre 2005 et 2006 en France vient ainsi conforterune modification sensible du comportement du consommateur.Selon Lovelock et Gummesson (2004), ces évolutions sont dues au fait que les modes deconsommation incitant à la « non-propriété » représentent de nouveauxdéveloppements dans le paradigme des services marketing modernes.Les changements qu’a subit notre mode de vie ont donné de l’élan à l’approche de « lanon-propriété » de la consommation. Selon Berry et Maricle (1973) les consommateursprivés et commerciaux « private and business consumers » des années 70 louentprincipalement leurs biens pour des raisons utilitaires. Cependant, comme leconsommateur est devenu plus instruit, plus sophistiqué et plus aventureux, enconsommant son produit, il recherche, en plus du bénéfice utilitaire, un bénéficeexpérientiel et hédonique de sa consommation (Silverstein and Fiske, 2005). Parconséquent, un nombre croissant des consommateurs contemporains choisissent lalocation des biens comme une forme alternative de consommation (Watson, 2006).Selon Berry et Maricle. (1973) ce choix leur permet de ne pas assumer les charges de lapossession, à savoir les risques liés à l’altercation ou l’obsolescence du produit, lesrisques liés à la pertinence du choix, les charges de maintenance et de réparation ouencore la totalité du coût du produit qu’assume le consommateur même s’il ne l’utiliseque rarement. La perspective de ces charges induit probablement les simplifieursvolontaires à préférer la location à la propriété.Durgee et O’Connor (1995) ont essayé d’apporter une meilleure compréhension etconceptualisation de la consommation locative en étudiant un large éventail de thèmes àsavoir : la gratification instantanée, la dissonance d’après l’achat, l’explorationindividuelle, l’exploitation des articles loués ou encore les implications de la location parrapport au matérialisme.La préférence pour la location n’est pas seulement due à la restriction budgétaire,autrement pourquoi les consommateurs n’épargnent pas les sommes dépenséesmensuellement en location pour acheter directement le produit. Pour mieuxcomprendre les motivations des adeptes de la simplicité volontaire pour la location,nous étudions dans la partie qui suit de notre recherche les différents types demotivations de la location: les motivations utilitaires et les motivations hédoniques.– Motivations utilitaires :Les travaux menés par Berry et Maricle (1973) sur la possibilité de consommer sansposséder, montrent que louer présente deux avantages possibles : le premier est de nepas supporter les charges liées à la propriété comme le risque d’obsolescence duproduit, le risque lié au mauvais choix du produit, être responsable de la maintenance etde l’entretien du produit et subir le coût total de certains produits qui ne serviront quetrès rarement. Le deuxième avantage est de trouver un meilleur équilibre entre lessystèmes économique et écologique. Le consommateur est de plus en plus conscient queson environnement économique est en inadéquation avec son environnementécologique. Les pratiques de la location sont ainsi un moyen de freiner la course à lasurconsommation.283


Berry et Maricle (1973) suggèrent que les consommateurs choisissent de louer, enpartie pour éviter le risque d'obsolescence des équipements. Par exemple, le locataire nerisque pas d’être bouleversé en apprenant que l'année prochaine une nouvelle éditiondu même véhicule comprendra des airbags latéraux, car il sait que son actuel contrat debail expire dans un laps de temps relativement court.Un autre attrait potentiel de la location est la possibilité d’acquérir de l’expérience avecle produit sans être obligé de l’acheter s’il s’avère insatisfaisant.Finalement, la possession exige l’entretien et la maintenance permanents du bien, alorsque la location offre aux consommateurs plus de commodité et mois de risquemonétaire à subir (Trocchia et al., 2006).– Motivations hédoniques :Les motivations hédoniques ne sont pas directement liées aux performances du produitmais plutôt aux interprétations sociales et psychologiques qu’attribue le consommateurau produit. La source directe d'utilité est la satisfaction psychologique que leconsommateur perçoit par le biais de la propriété, l'utilisation et le prestige socialqu’offre le produit (Udell, 2001).Cocheo (1999) suggère que de plus en plus, les consommateurs considèrentl’automobile comme un but à atteindre et non comme un moyen à utiliser. Selon deschercheurs comme Trocchia et Beatty (2003) et Torcchia et al. (2006), les individus sontmotivés de louer par désir de gratification et d’approbation sociale, leur conception dutemps est définit selon l’optique d’« ici et maintenant » d’où l’épargne et l’achatremplacent l’emprunt et la location.Les déterminants du choix des individus pour la location :Les recherches antérieures nous ont permit de décrire les déterminants suivants dechoix des consommateurs pour la location :– L’importance de la possession :Les consommateurs qui attachent de l'importance à tous les droits liés à la possessiondes produits pourraient être réticents à l’idée de louer plutôt qu'à acheter (Moeller etWittkowski, 2010).– L’orientation expérientielle :Une consommation axée sur l’expérience est une consommation considérée commeétant une source de divertissement et de plaisir (Babin et al., 1994). Selon Hirschmanand Holbrook (1982) certains « produits hédoniques » comme les voitures sportives oules montres de luxe comblent le désir d’un plaisir expérientiel du consommateur. Ainsiquelques sites de location sur internet ont activement communiqué le coté expérientielet hédonique des produits qu’ils proposent comme avelle.com avec son slogan « y auraplus de sacs à main ennuyeux ». Le facteur temps est alors fortement lié à ce genre deconsommation expérientielle (Linder, 1970).– La sensibilité au prix :Selon Lichtenstein et al. (1988) la sensibilité au prix est définie comme étant le degréauquel le consommateur est sensible à payer ou sacrifier le prix d’un bien ou d’unservice. Bien que le prix global payé pour l’usage d’un produit dépende principalementdu temps et de sa fréquence d’utilisation, il est raisonnable de supposer que le prix seraun facteur déterminant de la préférence des consommateurs soucieux du prix pour lalocation (Moeller et Wittkowski, 2010).– Le désir de commodité :284


Morganosky (1986) caractérise le désir de commodité comme la prédispositiond’accomplir un travail en passant le moins de temps possible et en dépensant leminimum d’énergie. La notion de la commodité inclut ainsi deux importantesdimensions ; le temps et l’énergie (Seiders et al., 2007). La location offre alors auconsommateur un accès au produit sans encombrement avec les différentes chargesengendrées par la possession comme les charges d’entretien ou de maintenance (Berryand Maricle, 1973).La location est donc considérée comme une forme commode de consommation. Ilest donc raisonnable de supposer que la commodité a un impact important sur lapréférence du consommateur pour la location.– Le désir de variété :Les consommateurs ayant un degré élevé de désir de variété ou de changement sontceux qui consomment le plus de produits nouveaux et innovants (Moeller et Wittkowski,2010). La location offre alors aux consommateurs la possibilité d’accéder plusfacilement aux produits nouveaux.Conclusion et voies futures de recherche :Nous avons entrepris une recherche sur la simplicité volontaire dans le butd’approfondir nos connaissances sur le sujet et de comprendre les individus quiadhèrent à cette idéologie de vie. Au travers de cette synthèse, la simplicité volontaire,apparaît donc comme une notion riche, aux facettes multiples. Notre étude nous apermis de constater que les définitions de la simplicité volontaire varient d’un auteur oud’un groupe à l’autre et qu’elle est présente sous différentes appellations. Cependant, lesvaleurs qu’elle véhicule demeurent les mêmes.Dans toutes ces recherches et à travers toutes ces lectures, nous avons constatéqu’aucune enquête empirique n’a été effectuée pour étudier l’impact de la simplicitévolontaire sur l’adoption de la location comme mode de consommation. Nousentreprendrons dans nos recherches futures la validation empirique de la relation entresimplifieurs volontaires et la consommation sans possession. En effet, des recherchesfutures peuvent tester empiriquement l’impact de la simplicité volontaire sur l’adoptionde la location en intégrant d’autres pays non francophones et appartenant à différentesrégions du monde afin de pouvoir généraliser les résultats.Outre le fait que cette étude vise à mieux comprendre le phénomène de la simplicité, ellepermet de déterminer leurs motivations de possession et de location. Un intérêtmanagérial peut être aussi mis en exergue, vue la saturation du marché les marketeursont intérêt à s’occuper d’avantage des nouvelles niches de consommateurs, à savoir lessimplifieurs volontaires qui ne cessent de se multiplier, et ce en ciblant leurs actionsmarketing. Considérer la location comme une alternative à l’achat peut se révélerégalement un outil important pour les managers.Enfin, et toujours dans le but d’approfondir la connaissance du comportement desadeptes de la simplicité volontaire, il est possible d’étudier la relation qui existe entre lesmotivations, la simplicité volontaire et l’orientation temporelle du consommateur afinde comprendre leurs influences sur son choix entre location et achat à crédit.285


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Anis CHTOUROUIngénieur de recherche en marketinganischtourou@yahoo.frUniversité des sciences et technologies de LilleInstitut d’administration des entreprises104, avenue du peuple Belge59043 LilleL’impact de l’information contre-attitudinale sur le scepticismeRésumé :La compréhension de la réaction des consommateurs exposés aux informations sur desmarques concurrentes revêt une importance particulière dans le domaine de la persuasion.Cette recherche ambitionne de mesurer l’influence directe et indirecte de l’orientationrégulatrice du message contre-attitudinale sur le scepticisme. Les résultats ont montré que lesinformations orientés prévention engendrent davantage de scepticisme comparées auxinformations orientés promotion. Ainsi, l’adéquation entre l’orientation du message etl’orientation des individus, appelée congruence régulatrice, n’a permis de diminuer lescepticisme que dans le cas des messages orientés promotion.Mots clés : connaissance de la persuasion, scepticisme, orientation régulatriceThe impact of counterattitudinal information on skepticismAbstract :Understanding consumer response to information about competing brand is particularlyimportant in the field of persuasion. The aim of this research is to measure the direct andindirect effect of the regulatory focus of counterattitudinal information on skepticism.The results showed that prevention-oriented information generate more skepticism comparedto promotion-oriented information. Thus, the match between regulatory focus of message andself-regulatory focus, called regulatory fit, has reduced the skepticism only in the case ofpromotion-oriented message.Keywords : Persuasion knowledge, skepticism, regulatory focus289


L’impact de l’information contre-attitudinale sur le scepticismeINTRODUCTIONDans un marché compétitif, les consommateurs sont très souvent exposés à des informationsqui sontinconsistantes avec leurs préférences. Par exemple, ils peuvent recevoir des informations provenant des marquesconcurrentes et être amenés à tester leurs produits.Les informations contre-attitudinales engendrent une motivation défensive qui se traduit par desréactions intenses qui peuvent aller jusqu’à l’hostilité envers la marque concurrente (Kunda, 1990). Parconséquent, cerner la motivation des individus est primordial afin de mieux anticiper la réaction des individusaux tentatives de persuasion.La littérature a été dominée par les recherches sur l’implication et le besoin cognitif quireprésentent la partie consciente de la motivation (Chaiken et al., 1989). Néanmoins, lesmotivations inconscientes de l’individu, à l’instar des motivations d’approche-évitement, peuventinfluencer la perception de l’information contre-attitudinale et engendrer une interprétation biaisée dumessage (Pham et Higgins, 2005).La théorie de l’orientation régulatrice est au cœur du principe d’approche-évitement. Ellestipule que l’individu est motivé soit par l’obtention d’un résultat désiré soit par l’évitementd’un résultat non désiré (Higgins, 1997). Ainsi, un individu orienté prévention utilise une stratégiemarquée par la vigilance vis-à-vis de l’information publicitaire. En revanche, un individu orienté promotionutilise une stratégie d’approche et sera plus réceptif envers l’information (Higgins, 2002). Par ailleurs,l’orientation régulatrice est non seulement présente naturellement chez l’individu mais elle peut être déclenchéed’une manière contextuelle par la présentation du message qui prend une forme de prévention ou de promotion.Les recherches antérieures ont montré que l’adéquation entre les deux facettes de l’orientation régulatricetransfert à l’individu un sentiment de « bien-être » et provoque moins d’effort cognitif pour le traitement del’information (Wang et Lee, 2006). Par conséquent, la perception de l’information contre-attitudinale dépendnon seulement de l’orientation régulatrice de l’information mais également de la congruence régulatrice (Aakeret Lee, 2006). Cette recherche s’intéresse à l’influence directe et indirecte de l’orientationrégulatrice du message sur le scepticisme des individus. Ainsi, l’impact de la connaissancedes techniques persuasives sur le scepticisme sera testé. Selon le modèle de la connaissance de lapersuasion développé par Wright et Friestad (1994), le consommateur développe des stratégies alternatives afinde contrer les techniques publicitaires utilisées par l’annonceur. La connaissance des techniques commercialesest susceptible donc d’affecter la perception de la persuasion. A la suite de la présentation du cadreconceptuel de cette recherche, seront posés les hypothèses, la méthodologie utilisée et lesrésultats obtenus, la discussion et les voies de recherche envisageables possiblesCadre conceptuelLes recherches antérieures ont explicité comment les consommateurs réagissent suite à leursexpositions aux informations négatives particulièrement en psychologie (Ahluwalia et al.,2000). De ce fait, l'information négative est considérée comme ayant une plus grande capacitéà informer en comparaison avec l’information positive (Maheswaran et Mayers-Lévy, 1990).Les informations contre-attitudinales sont considérées comme négatives étant donné leurvocation à changer la structure cognitive de l’individu (Ahluwalia, 2000). Leur influence surle scepticisme des individus et la connaissance de la persuasion peut dépendre de l’orientationrégulatrice du message.Orientation régulatrice290


La théorie de l’orientation régulatrice proposée par Higgins (1997), est étudiée dans la littérature comme un étatmotivationnel ou comme une variable individuelle chronique.Elle évoque principalement deux besoins fondamentaux : le besoin d’accomplissement qui est associé àl’orientation promotion et au besoin de sécurité qui fait référence à l’orientation prévention (Gavard-Perret et al,2010). Cette théorie suggère que, les individus sont motivés par la recherche du plaisir et l’évitement de ladouleur (Higgins, 2002). Plus particulièrement, les individus ayant une orientation promotion dominantevont chercher à maximiser la présence de résultats positifs et minimiser les situations qui aboutissent à unrésultat négatif. Ils ont tendance à poursuivre leurs buts par une stratégie d’approche et derecherche de gain. Par conséquent, les individus ayant une orientation promotion dominantesont marqués par une forte tolérance au risque (Pham et Higgins, 2005).Inversement, les individus ayant une orientation prévention dominante sont plus sensibles à l’absence oula présence de résultats négatifs et vont probablement focaliser leur attention sur la « sécurité » et la «garantie » (Higgins, 1997). Ils vont percevoir les mêmes buts comme des obligations (Higgins et al.,2001). Ces individus adoptent donc une stratégie de vigilance caractérisée par l’évitement des pertes.Des recherches ont montré que le choix du type de message peut déclencher une orientation plutôt qu’une autred’une manière contextuelle (Aaker et Lee, 2001). Par exemple, les messages qui mettent en avant l’obtentiond’un résultat positif sont plus compatibles avec l’orientation promotion tandis que les messages qui mettent enavant l’évitement d’un résultat négatif sont plus compatibles avec l’orientation prévention.Les recherches antérieures se sont centrées principalement sur l’influence de l’orientation régulatrice sur leprocessus de traitement de l’information (Zhu, et Meyers-Levy, 2007). Il en ressort que les individus orientésprévention s’engagent dans un traitement systématique et plus détaillé de l’information. Ils se concentrentd’avantage sur les détails et traitent chaque élément d’une manière isolée. En revanche, les individus orientéspromotion s’engagent dans un traitement heuristique, créatif et global de l’information (Pham et Avnet, 2004).La congruence régulatriceLa congruence régulatrice a été introduite pour la première fois dans la littérature surl’orientation régulatrice par Higgins (2000). Elle représente l’adéquation entre l’orientationrégulatrice chronique de l’individu et l’orientation du message publicitaire « regulatory fit ».Elle engendre un sentiment de « bien-être » qui se traduit par une plus grande confianceenvers l’information et une amélioration nette de l’efficacité de la persuasion (Wang et Lee,2006). Par exemple, des recherches ont montré qu’un consommateur évalue plusfavorablement une publicité qui est congruente avec son état motivationnel et est prêt à payerplus cher un produit qui est en phase avec son orientation régulatrice (Avnet et Higgins,2006). D’autres recherches ont montré qu’un jus de raisin, mettant en avant l’obtention d’unrésultat positif, est évalué plus favorablement par les individus orientés promotion que lesindividus orientés prévention (Lee et Aaker , 2004).La congruence régulatrice peut aussi faciliter le traitement de l’information. De ce fait,l’individu à tendance à traiter l’information d’une manière superficielle quand cette dernièreest congruente avec son orientation régulatrice. A contrario, une information non congruentesuscite un traitement profond et analytique de l’information (Higgins, 2002).La congruence régulatrice influence considérablement la prise de décision du consommateurdans la mesure où elle lui procure le sentiment d’avoir fait la « bonne chose » (« feel right »).Ce sentiment se répercute sur l’évaluation d’un produit et affecte le jugement desconsommateurs (Higgins, 2000).Le scepticismeLe scepticisme a été étudié dans la littérature comme une variable situationnelle ou commeune variable individuelle chronique (Obermiller et Spangenberg, 1998). Il est définit commela tendance d’un individu à discréditer une publicité (Boyer, 2006). Le consommateur estsouvent sceptique à l’égard de la publicité non seulement parce qu’elle est perçue comme291


manipulatrice, mais aussi parce qu’elle est souvent perçue comme un outil commercial plutôtqu’un outil qui sert à informer les gens (Koslow, 2000).La majorité des travaux réalisés mettent en exergue l’impact du scepticisme sur l’efficacité dumessage publicitaire (Boush et al., 1994). Dans cette perspective, des chercheurs ont montréque plus l’individu est sceptique à l’égard de la publicité, plus son attitude et ses jugementssur la qualité du produit sont défavorables (Obermiller et Spangenberg, 1998). De même,d’autres chercheurs ont montré que l’individu sceptique fait de son mieux pour éviter unmessage publicitaire, voire résister à la tentative de persuasion (Maclachlan et al., 2005).Si les conséquences du scepticisme ont fait l’objet de nombreuses études, très peu de travauxempiriques se sont penchés sur les antécédents du scepticisme. Certains comme Obermiller etal. (1998) évoquent le cynisme et l’estime de soi comme des principaux antécédents duscepticisme.Connaissance de la persuasionLes connaissances de la persuasion représentent principalement la conscience duconsommateur des tactiques publicitaires utilisées par l’annonceur (Boyer, 2009). Leconsommateur se sert de ces connaissances afin de répondre à une tentative de persuasion(Friestad et Wright, 1994).Le modèle de la connaissance de la persuasion « persuasion knowledge model » a étédéveloppé par Friestad et Wright (1994). Il permet de comprendre comment les individusdécryptent les tactiques publicitaires. Il suggére que le consommateur qui connaît l’intentionde l’agent publicitaire, développe une stratégie alternative en réponse à la stratégie perçue. Eneffet, il essaie, dans un premier temps de mieux comprendre la tactique utilisée par leconsommateur. Ensuite, il va opter pour une stratégie pour faire face aux messagespublicitaires (Friestad et Wright, 1994). Avec une meilleure connaissance de la persuasion, lesconsommateurs sont plus aptes à distinguer une publicité mensongère d’une publicité honnête(Roux, 2007). Par conséquent, il devient plus difficile de les convaincre et de les amener àacheter le produit.La littérature sur les déterminants de la connaissance de la persuasion est riche. Par exemple,il a été montré que l’âge et le niveau d’éducation peuvent influencer les connaissances duconsommateur quant aux tactiques publicitaires utilisées (Boyer, 2006). D’autres recherchesont mis l’accent sur les interactions sociales et les expériences du marché afin de justifier uneplus grande connaissance des stratégies publicitaires utilisées (Wright et Friestad, 1994).Cependant, aucune recherche ne s’est penchée sur l’influence des caractéristiques du messagesur les connaissances de persuasion acquises.L’orientation du message (promotion/prévention) peut déclencher chez l’individu unemotivation d’approche ou d’évitement vis-à-vis de l’information publicitaire (Higgins, 1997).Cette motivation affecte l’effort cognitif consacré au traitement de l’information (Higgins,2002). De ce fait, le style de traitement de l’information est susceptible d’influencer laconnaissance de la persuasion.Le modèle conceptuel et les hypothèsesLa majorité des études empiriques traite la connaissance de la persuasion et le scepticisme entant que variables individuelles chroniques. De ce fait plus l’individu est âgé plus sa292


connaissance des techniques publicitaires est importante. Cette contribution propose d’étudierles deux variables affectées par l’orientation régulatrice du message sous un angle contextuel.L’influence directe de l’orientation régulatrice du messageFriedman et Föster (2001), ont montré que les messages orientés prévention sont pluscompatibles avec des stratégies de vigilance et de recherche de sécurité. Les individusexposés à des messages orientés prévention cherchent, avant tout, à prendre des décisionsraisonnables et moins risquées. Etant donné cette compatibilité, les messages orientésprévention vont nécessiter un plus grand effort cognitif, résultant d’un traitementsystématique et approfondi de l’information. En effet, l’information qui met l’accent sur unrésultat négatif est plus informative et a plus de poids que l’information qui en avant unrésultat positif (Ahluwalia, 2000). Dans cette perspective, les individus prennent plus detemps à étudier l’information orientée prévention, de peur de se tromper ou de commettre deserreurs d’omission (Chaiken et al. 1989). Ils seront probablement plus au courant destechniques publicitaires utilisées pour les convaincre. Ces individus privilégient plutôt la stabilité etle statut quo (Brodscholl et al., 2007). Par conséquent, ils sont d’emblé plus sceptiques à l’égard de la publicitésur une marque concurrente.A contrario, les messages orientés promotion, déclenchent un état motivationnel pluscompatible avec la prise de risque et la recherche de l’accomplissement (Higgins et Foster,2005). Par conséquent, les individus exposés aux messages orientés promotion vont s’engagerdans un traitement heuristique et rapide de l’information. Ils peuvent même faire plusconfiance aux avis des autres personnes (Chaiken et al., 1989). Ces individus fondent leursjugements sur le court terme. Ils sont donc moins soucieux des stratégies publicitairesutilisées pour les convaincre. De plus, les individus orientés promotion ont plus tendance à opter pour lechangement (Brodscholl et al., 2007). Par conséquent, ils sont moins sceptiques que les individus orientésprévention à l’égard de la publicité sur la marque concurrente.Deux hypothèses relatives à l’influence de l’orientation régulatrice du message sont avancées :H1 : La connaissance de la persuasion sera moins élevée pour les messages orientés promotion quepour ceux orientés prévention.H2 : Les individus seront plus sceptiques à l’égard des messages orientés prévention qu’auxmessages orientés promotion.Le rôle de la congruence régulatriceL’adéquation entre l’orientation régulatrice de l’individu et l’orientation du message génèreun sentiment de « bien-être » pour l’individu (Higgins et al., 2001). Ceci, va renforcer sonattitude et créer une réaction plus intense envers l’information. De plus, la congruencerégulatrice renforce la confiance du consommateur envers leurs choix et augmente lacrédibilité perçue du message (Higgins et Avnet, 2006). Par conséquent, l’individu, exposé àune information congruente avec son orientation régulatrice devient moins méfiant à l’égardde l’argument publicitaire et moins sceptique. De même, la congruence régulatrice facilité letraitement de l’information et engendre moins d’effort cognitif (Higgins et al., 2001). Elleconforte les individus dans leurs choix. Par conséquent, la conscience de la persuasion seramoins importante. L’individu aura donc moins de connaissances concernant les techniquespublicitaires.293


Les hypothèses avancées sur le rôle de la congruence régulatrice sont :H3 : La connaissance de la persuasion sera moins importante si l’orientation du message etl’orientation de l’individu sont congruentes que si elles ne le sont pas.H4 : Le scepticisme sera moins important si l’orientation du message et l’orientation de l’individusont congruentes que si elles ne le sont pas.L’effet de la connaissance de la persuasion sur le scepticismeLes consommateurs utilisent les connaissances de la persuasion afin de se défendre contre lapersuasion. Il interprète l’argument persuasif qui vise principalement à changer d’attitude touten se focalisant sur les stratégies publicitaire de l’annonceur (Campbell et Kirmani, 2000).Les consommateurs ayant une bonne connaissance des tactiques publicitaires utilisées sontprobablement plus difficiles à convaincre étant donné qu’ils sont plus au courant desintentions commerciales de l’annonceur (Boyer, 2006). Dans cette perspective, il peut déduireque la publicité a un unique objectif commercial plutôt que d’informer. Ceci peut engendrerune plus grande méfiance à l’égard de la publicité qui sera jugée moins crédible.De ce fait, plus la connaissance de la persuasion augmente, plus l’individu a tendance àémettre de contre-arguments à l’égard de l’information et avoir un plus grand scepticisme. Parconséquent, la connaissance de persuasion devrait être un antécédent du scepticisme.D’où :H5 : Plus la connaissance de la persuasion est élevée, plus le scepticisme est importantLe modèle conceptuel présenté dans la figure 1 reprend le corpus de nos cinq hypothèses de larecherche.294


Figue 1 : Modèle conceptuelOrientationrégulatricechroniqueH3H4Orientation dumessageH1Connaissancede la persuasionH2H5ScepticismeMéthodologieAfin tester les hypothèses, trois produits ont été sélectionnés : crème solaire NIVEA,dentifrice Colgate et jus d’orange JOKER. Pour chaque produit, deux messages publicitairesont été conçus : un message orienté promotion et un message orienté prévention.L’enquête a été menée sous forme d’un questionnaire en ligne. De ce fait, toute personneayant pour marque préférée différente que celle sélectionnée pour cette recherche peutparticiper à l’enquête. Chaque participant est exposé à une seule photo. Il répond, par la suiteaux questions relatives à son orientation régulatrice, la connaissance de la persuasion et lescepticisme. Seuls les individus ayant une unique orientation dominante ont été retenus danscette étude et ce afin de mieux faire ressortir l’effet de la congruence régulatrice.L’échantillon est composé de 190 individus ayant une orientation promotion dominante ouune orientation prévention dominante.Le tableau 1 résume le nombre de répondants pour chaque type de message.Tableau 1 : Répartition de l’échantillon selon le type de produit et du messageBProduitMessage Message Total« promotion » « prévention »Dentifrice Colgate 30 30 60Crème solaire NIVEA 29 34 63Jus d’orange JOKER 35 32 67Total 94 96 190Echelles de mesureAfin de mesurer l’orientation régulatrice des individus, nous avons décidé d’utiliser l’échellede Gavard-Perret et al. (2010). En effet, elle a déjà été testée dans le contexte français etprésente une bonne fiabilité ( = 0,81 et prévention= 0,76). Cette échelle est composée dePomotion295


4 items pour l’orientation prévention à l’exemple de « Je cherche à atteindre ce que les autresattendent de moi » et « Je pense souvent à ce que je ne veux pas faire de ma vie » et 4 itemspour l’orientation promotion à l’exemple de « Je pense souvent à comment atteindre ce que jedésire » et « Souvent, je m’imagine en train de vivre de bonnes expériences dansl’avenir ». Elle a été dichotomisée dans le but de sélectionner les individus ayant une seuleorientation dominante.Par ailleurs, deux échelles de mesure ont été développées et validées afin de mesurer lescepticisme et la connaissance de la persuasion (annexe). L’échelle de la connaissance de lapersuasion s’est inspirée de celle de Bearden et al., (2001) et de boyer (2006), tandis quel’échelle du scepticisme représente une version simplifiée de l’échelle de Obermiller etSpangenberg (1998).RésultatsAfin de tester les hypothèses 1 et 2 qui stipulent que le niveau de la connaissance de lapersuasion et du scepticisme sont différents selon l’orientation régulatrice du message, destests de student ont été utilisés. Les résultats montrent une influence significative del’orientation du message sur la connaissance de la persuasion (t = -22,09 ; p < 0,05). Plusparticulièrement, les messages orientés prévention engendrent une plus grande connaissancede la persuasion (M = 4,29) que les messages orientés promotion (M = 2,52). Dans ce sens,les messages orientés prévention amènent le consommateur à s’informer davantage ets’interroger sur le contenu du message publicitaire. Ainsi, les techniques publicitaires mettantl’accent sur l’obtention d’un résultat négatif semblent être plus connues par lesconsommateurs. Par conséquent, l’hypothèse H1 peut être validée.De même, les résultats mettent en évidence l’influence significative de l’orientation dumessage sur le scepticisme (t = -15,02 ; p < 0,05). En effet, le message orienté préventionengendre plus de scepticisme (M = 6,02), comparé au message orienté promotion (M = 4,71).Un message contre-attitudinal, orienté prévention, suscite un plus grand doute quant àl’argument publicitaire présenté. Par conséquent, l’hypothèse H2 qui met en évidencel’impact de l’orientation du message sur le scepticisme peut être validée.Un plan factoriel 2 (orientation du message) x 2 (orientation régulatrice de l’individu) a étéconduit dans l’optique de vérifier l’effet d’interaction entre l’orientation du message etl’orientation des individus sur la connaissance de la persuasion et le scepticisme. Les résultatsde l’ANOVA à deux facteurs ont montré que l’adéquation entre l’orientation du message etl’orientation des individus influence significativement la connaissance de la persuasion (F =4,40 ; p < 0,05) et le scepticisme (F = 11,09 ; p < 0,05). Néanmoins, en regardant de plus prèsles résultats, nous pouvons remarquer que la congruence régulatrice contribue largement à ladiminution de la connaissance de la persuasion quand le message promotion devientcongruent avec l’orientation des individus (M = 2,87 est passée à M = 2,38). À contrario,lorsque le message prévention devient congruent avec l’orientation régulatrice des individus,la connaissance de la persuasion a augmenté (M = 4,28 est passée à M = 4,30), ce qui estcontraire à nos attentes (Figure 2). Par conséquent, l’hypothèse H3 est partiellement validée.De même, lorsque le message promotion devient adéquat avec l’orientation des individus, lescepticisme a diminué (M = 5,22 est passée à M = 4,46). En revanche, la congruencerégulatrice augmente le scepticisme lorsque le message prévention devient adéquat avecl’orientation des individus (M = 5,88 est passée à M = 6,07) (Figure 3).L’hypothèse H4 est donc partiellement validée.296


Figure 2: Effet de l’interaction entre l’orientationdu message et l’orientation régulatrice des individussur la connaissance de la persuasionFigure 3 : Effet de l’interaction entre l’orientationdu message et l’orientation régulatrice des individussur le scepticisme.Finalement, le scepticisme semble être influencé par la connaissance de la persuasion(t = 14,21 ; p < 0,05) avec une importante part de variance expliquée par la variableindépendante (R² = 0,51). Ce résultat nous permet de valider l’hypothèse H5.Discussion et voies de rechercheÀ la lumière des résultats de l’analyse statistique, il convient maintenant de les interpréter etde les mettre en relief. Cette démarche a mis en exergue une influence significative del’orientation du message sur la connaissance de la persuasion. Les messages publicitairesorientés prévention mettent l’accent sur une conséquence négative. Ces derniers semblent plusinformatifs que les messages mettant en évidence l’obtention d’un résultat positif. En effet, lesmessages orientés prévention engendrent une certaine réticence et des stratégies de vigilanceenvers le nouveau produit. Dans cette perspective, le consommateur focalisera plus l’attentionsur ces messages et aura une plus grande conscience de la persuasion. Par conséquent, sesconnaissances quant aux techniques et stratégies publicitaires utilisées seront plusimportantes. En revanche, les messages orientés promotion ont une certaine tendance àfavoriser le changement (Higgins et al., 2001). Dans ce cas, le consommateur accordera moinsd’importance aux intentions commerciales de l’annonceur. Sa conscience de la persuasionsera donc moins importante. Il va probablement classer le message publicitaire comme unmoyen de communication qui vise uniquement à informer les gens.Ainsi, cette recherche a montré qu’un consommateur exposé à une information contreattitudinalesera plus sceptique lorsque cette dernière est orientée prévention. De ce fait, ilremet plus facilement en cause les promesses de l’annonceur. La littérature a montré qu’uneinformation mettant en évidence une conséquence négative retient plus l’attention duconsommateur et est considérée plus informative (Ahluwalia et al., 2000). Par conséquent, leconsommateur sera plus attentif à l’égard des messages orientés prévention, comparés auxmessages orientés promotion, ce qui provoque un plus grand scepticisme à l’égard del’information contre-attitudinale.Dans cette recherche, l’effet de la congruence régulatrice a été différent de nos attentes et denos prédictions théoriques. En effet, la connaissance de la persuasion et le scepticisme n’ontdiminué que dans le cas d’une adéquation entre l’orientation promotion et l’orientationrégulatrice des individus. La littérature a montré que la congruence régulatrice engendre unsentiment de « bien-être » pour l’individu (Wang et Lee, 2006). Ceci se traduit par une plusgrande facilité pour le traitement de l’information et une plus grande confiance envers la297


marque (Gavard-Perret et al., 2010). Néanmoins, les résultats de cette démarche ont montréque ceci n’est valable que pour les messages mettant l’accent sur une conséquence positive.Les raisons de ces résultats décevants peuvent être dues à une forte motivation défensiveassociée au contexte général de la recherche. La réaction du consommateur à une informationcontre-attitudinale est incontestablement guidée par sa structure attitudinale. Dans cetterecherche, nous avons interrogé des personnes qui sont déjà clients d’autres marques. Cecipeut engendrer une forte motivation défensive qui amène le consommateur à préserver cettestructure attitudinale, particulièrement lorsque le message contre-attitudinal met l’accent surun résultat négatif si le produit n’est pas acheté. Cette explication semble plausible tant Wanget Lee (2006) ont montré que l’effet de la congruence régulatrice ne peut être observé quedans le cas d’une faible implication. Dans ce cas, le consommateur se sert de la congruencerégulatrice comme une heuristique afin de former un jugement.Finalement, cette recherche converge avec la littérature quant à l’influence de la connaissancede la persuasion sur le scepticisme. En effet, Friestad et Wright (1994) ont suggéré que leconsommateur développe une connaissance de la persuasion qui le rendra plus attentif auxarguments publicitaires. Cette démarche a montré que plus la connaissance de la persuasionest importante, plus le consommateur est susceptible de connaitre les exagérations et lestromperies de la publicité. Ainsi, il sera plus capable de discerner une publicité honnête d’unepublicité mensongère. Par conséquent, son scepticisme sera plus important.Par conséquent, la persuasion a plus de chance d’aboutir à un changement d’attitude lorsquele message est orienté promotion, et ce, quelle que soit l’orientation des individus. Lorsque lamotivation défensive des individus est trop importante, l’entreprise peut cibler avec desmessages orientés promotion sans se préoccuper par la stimulation de la congruencerégulatrice étant donné sa mauvaise qualité prédictive.Les futures recherches peuvent s’intéresser davantage à l’effet de l’orientation régulatrice dumessage sur le processus de traitement de l’information contre-attitudinale. Par exempleévaluer l’effet de l’orientation régulatrice sur l’effort cognitif et la crédibilité perçue del’information publicitaire peut mieux cerner la réaction du consommateur à une informationcontre-attitudinale. Ainsi, il serait judicieux d’évaluer l’impact direct et indirect del’orientation régulatrice dans d’autres contextes comme le domaine de la santé. Par exemple,les recherches antérieures ont montré que les messages ayant un cadrage perte, qui est pluscompatible avec l’orientation prévention, sont plus persuasifs dans les campagnes anti-tabacet les campagne de vaccination (Zhao et Penchmann, 2007).CONCLUSIONCette recherche a eu pour ambition d’apporter un éclairage sur le traitement de l’informationcontre-attitudinale, tout en prenant en considération l’aspect motivationnel qui oriente lechoix des individus. En effet, la réaction du consommateur à une communication sur une marqueconcurrente peut être guidée par des motivations d’approche-évitement.Les résultats ont montré que l’orientation régulatrice du message influence considérablementle scepticisme et la connaissance de la persuasion. De ce fait, l’orientation prévention,marquée par l’utilisation d’une stratégie de vigilance, engendre un plus fort scepticisme et uneplus grande connaissance de la persuasion. Par conséquent, l’orientation prévention entraineune préférence pour le statu quo. A contrario, l’orientation promotion provoque moins descepticisme et de connaissance des techniques publicitaires utilisées. Par conséquent, lesclients de marques concurrentes, exposés aux informations orientées promotion sont plussusceptibles de changer d’attitude. Par ailleurs, la congruence régulatrice semble avoir unimpact limité dans un contexte qui fait ressortir une forte motivation défensive.298


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Olivier LauroDirecteur Général Mercadis-Sominonlauro@mercadis.netJean François BalletResponsable des filières agroalimentairesMercadis-Somimonjf.ballet@mercadis.netAlain CrinierResponsable entrepôt AD34alain.crinier@orange.frFrançoise VézinhetPrésidente Association Départementale Restos du Cœur 34francoise.vezinhet@restosducoeur.orgMatthias FattetDominique PaturelUMR 951 Innovationdpaturel@supagro.inraUn Hiver pas comme les autresapprovisionnement local en fruits et légumes des Restos du Cœur 34,Campagne 2011-2012Résumé :Les préoccupations actuelles autour du développement durable poussent à combiner diversesformes d’accès à l’alimentation : locale, régionale, nationale et internationale. Si les circuitslongs restent le modèle dominant, les circuits courts apparaissent de plus en plus comme unealternative qui permet, à certaines conditions, de répondre différemment aux trois dimensionsdu développement durable :- dimension économique, notamment l’équité sur les prix- dimension sociale, notamment dans la construction de cohésion sociale- dimension environnementale, notamment dans le développement de modes deproduction plus respectueux de l’environnement et la réduction du bilan carbone viales transports.Dans le cadre du Programme Régional d’Offre Alimentaire en Languedoc-Roussillon, nousavons proposé de travailler sur l’introduction des circuits-courts dans le dispositif d’aidealimentaire aujourd’hui essentiellement organisé en circuit long. Une étude de faisabilité aété effectuée durant la Campagne 2010-2011 ; un dispositif expérimental s’est construit pourla Campagne actuelle des Restos du Cœur de l’Hérault. Ce dispositif repose sur un partenariatentre les Restos du cœur, Mercadis (Le marché d’intérêt national de Montpellier) et l’Inra.Deux grossistes ont été choisis pour porter le projet et une quinzaine de producteurs sontengagés dans ce dispositif.Cette expérimentation permet de « forcer » la RSE non pas simplement au niveau d’uneentreprise mais en mêlant des petites et moyennes exploitations agricoles, des entreprisesintermédiaires comme celles de grossistes, une entreprise publique et une associationcaritative. L’objectif est double : permettre aux bénéficiaires des Restos du Cœur 34d’accéder à des fruits et légumes frais et soutenir l’agriculture locale. Néanmoins la solidaritéainsi construite va aussi bénéficier aux intermédiaires et au marché d’intérêt national deMontpellier.La communication proposée décrira le dispositif et présentera les premiers résultats.Mots clés : circuit-court, aide alimentaire, RSE, Développement Durable301


Un Hiver pas comme les autresapprovisionnement local en fruits et légumes des Restos du Cœur 34,Campagne 2011-2012VI.Introduction.Les préoccupations actuelles autour du développement durable poussent à combiner diversesformes d’accès à l’alimentation : locale, régionale, nationale et internationale. Si les circuitslongs restent le modèle dominant, les circuits courts apparaissent de plus en plus comme unealternative qui permet, à certaines conditions, de répondre différemment aux trois dimensionsdu développement durable :- dimension économique, notamment l’équité sur les prix- dimension sociale, notamment dans la construction de cohésion sociale- dimension environnementale, notamment dans le développement de modes deproduction plus respectueux de l’environnement et la réduction du bilan carbone viales transports.Dans le cadre du Programme Régional d’Offre Alimentaire en Languedoc-Roussillon, nousavons proposé de travailler sur l’introduction des circuits-courts dans le dispositif d’aidealimentaire, aujourd’hui essentiellement organisé en circuit long et ce, à partir du constatsuivant, initié à travers nos recherches et observations dans différents projets en partenariat 96 :- les productions locales peinent parfois à trouver des débouchés et le travail desproducteurs n’est pas toujours rémunéré correctement ;- les produits distribués dans le cadre de l’aide alimentaire sont issus de circuits longs. Ilest donc difficile de prendre en compte les conditions sociales et environnementales deproduction dans le choix du fournisseur ;- l’impact environnemental lié au transport et au mode de production peut être améliorégrâce à un approvisionnement local ;- dans la démarche d’amélioration de la qualité nutritionnelle, la présence de produitsfrais comme des légumes et des fruits est une piste intéressante ;Les Restos du Cœur sont le seul opérateur de l’aide alimentaire qui achète et distribue desdenrées alimentaires de façon conséquente ; leur organisation à la fois centralisée sur le plandes achats et décentralisée pour la distribution donne l’opportunité de proposer unapprovisionnement en circuit-court. L’Association départementale de l’Hérault a acceptéd’expérimenter cet approvisionnement, convaincue des effets sur le plan environnemental, dela solidarité envers les producteurs locaux et de l’amélioration de la qualité nutritionnelle pourles bénéficiaires.96 Projet régional PSDR Coxinel, Axe « Circuits courts et cohésion sociale » du groupe Agriculture etalimentation du Réseau rural français.302


C’est pourquoi le choix s’est porté sur l’AD34 comme partenaire pour l’expérimentation del’approvisionnement en circuits courts pour les fruits et légumes.1. / Dispositif d’aide alimentaire et Développement durableL'association nationale « Les Restaurants du Cœur-Les Relais du Cœur » est emblématique dela question de l’accès à l’alimentation des plus démunis. Fondée par l'humoriste et acteurColuche le 26 janvier 1985, celui-ci va médiatiser son action au cours des années 80. Au côtéd’associations caritatives plus anciennes (Secours populaire, Secours catholique, La CroixRouge, L’Armée du salut) les Restos du cœur font émerger une nouvelle forme de solidaritébasée sur l’appel aux dons via la mise en scène médiatique. Ils obligent les pouvoirs publics àles reconnaître comme interlocuteurs. C’est la notion d’ « urgence » qui propulse ce type delogique et va renforcer l’intervention sous la forme de l’aide alimentaire.En 1987, la législation européenne va se doter de moyens et d’organisation et conduira lespays qui le souhaitent à construire un dispositif: c’est la création du programme européend’aide aux démunis (PEAD).Cette législation européenne est l’occasion de rentrer dans un processus d’attribution de l’aidevia des associations caritatives auxquelles on demande de fonctionner comme des opérateurs :l’Etat français leur confie la distribution et s’engage sur des moyens. Les associationsretenues comme opérateurs lors de la mise en place du dispositif d’aide alimentaire en 1987sont Le Secours Populaire, les Restos du cœur (crée en 1985), la Fédération des banquesalimentaires (créée en 1984) et la Croix rouge. D’autre part Coluche soutenu par J.Delorsproposera à la Commission européenne que les surplus des stocks européens soient distribuésaux associations caritatives dans les pays européens qui le souhaitent. C’est le début dudispositif d’aide alimentaire européen qui, dans cette logique de récupération des surplus, faitpartie intégrante de la politique agricole commune (PAC).En 2004, ces associations ont alerté les pouvoirs publics, inquiètes de la réduction des stockseuropéens liée à la réforme de la PAC, alors que la demande dans l’UE s’accroît du fait de sonélargissement de 15 à 25 membres.Depuis 1992 en effet, les orientations de la PAC vont dans le sens d’une réduction des stocksd’intervention, ce qui met en péril le dispositif du PEAD. Depuis 2002, il n’existe plus destocks de viande bovine. En 2003, 2004 et 2005, les stocks de riz, de céréales, de poudre delait et de beurre sont insuffisants pour couvrir la demande des associations caritatives.Le Plan national d’aide alimentaire (PNAA) mis en place en 2004, a pour vocation derépondre aux besoins non pourvus par l’Europe et d’améliorer et de diversifier l’aidealimentaire (notamment par l’achat de produits carnés, de poissons et de fruits et légumes). LePNAA fait partie du Plan National pour l’Alimentation 97 dans son volet 1 intitulé « Mieuxmanger en situation de précarité ». C’est donc un complément quantitatif, qualitatif etorganisationnel au PEAD.Ainsi en 2010, la France a reçu une enveloppe de 78,1 millions d’euros du PEAD et a rajouté20 millions dans le cadre du Plan national d’aide alimentaire (PNAA) dont 17,6millions pourl’achat d’aliments.Les besoins des associations ont concerné 64 produits.97 Le Parlement a institué en 2010 un programme gouvernemental quinquennal relatif à la nutrition et à la santé(Code de la santé publique article L3231-1) ainsi qu’un programme gouvernemental pour l’alimentation (Coderural, article L230-1).303


- Produits laitiers : près de 6 millions de litres de lait UHT demi- écrémé, 2592 tonnesde beurre, 2 400 tonnes de fromage mais aussi des crèmes dessert, du chocolat, du rizau lait, des petits pots pour les bébés…- Produits à base de céréales : 3 058 tonnes de farines, 6990 tonnes de pâtes, céréalespetits déjeuner, biscuits, plats cuisinés comme le couscous royal…- Produits à base de riz : 2400 tonnes de riz- Produits à base de sucre : 504 tonnes de sucre en morceaux, confiture.Les produits fournis couvrent environ 60 % des besoins des associations caritatives (horsRestos du cœur : 20 %).De plus, les entreprises ont la possibilité de faire don de produits alimentaires ou de matériel(réfrigérateurs, camions...) ou de mécénat de compétences aux quatre associations opérateursde l’aide alimentaire. Elles bénéficient d’une réduction d’impôt égale à 60% du montant .Actuellement le dispositif est organisé comme le montre le schéma suivant :1. Schéma 1 : Dispositif de l’aide alimentaire auprès des plusdémunis en FrancePlan nationalaidealimentairePNAAGdedistributionPetitscommercesIAAProducteursSociété civile- collecte- donPlan européenaide auxdémunisPEADcollecteSecours Populaire79 associations deBanqueAlimentaireLes Restos du CoeurLa Croix RougedistributionLibre services5011 associationsde distribution740000 personnes185M repasANDESFédérationPaniers de la MerIAECCASPLATEFORMESASSOCIATIVES-Re-vivre dans lemonde (IDF)-Imagine84-GESMIP (31)--etc…IAE90 épiceriessociales2055 centreset annexes860000 personnes109M repasEpiceries sociales et solidaires (+ de 500)En 2008, la Commission Européenne engage les différents opérateurs et les états bénéficiairesdu PEAD à envisager une transformation du financement et faire des propositions.L’ensemble des propositions, soutenu par le Parlement, ne sera pas voté au Conseil del’Europe avec l’opposition de six pays. En décembre 2008, la République Fédéraled’Allemagne introduit un recours auprès de la Cour européenne contre la commissioneuropéenne. La Suède se joint à l’Allemagne en avril 2009. Ce recours a pour objet unedemande d’annulation partielle du règlement (CE) n° 983/2008 de la Commission du 3octobre 2008, relatif à l’adoption d’un plan portant sur l’attribution aux états membres de304


essources liées à l’exercice 2009 pour la fourniture de denrées alimentaires provenant desstocks d’intervention au bénéfice des personnes les plus démunis. L’arrêté de la Coureuropéenne du 13 avril 2011 statue en faveur de la RFA et de ses soutiens ; les subventions duPEAD sont réduites aux trois-quarts : elle passe de 500M d’euros à 113,5M d’euros ; cetarrêté sera applicable à partir du 1 er janvier 2014.43 millions de personnes en Europe sont dans l’incapacité de se nourrir correctement ; 13millions de personnes ont bénéficié du PEAD en 2007, dont 2,7 millions de Français. Ceprogramme est réparti entre 19 Etats membres.Les enjeux sociaux sont donc considérables pour l’ensemble des pays européens. Face à cesnouvelles questions de financement, n’est-ce pas l’occasion de questionner ce dispositif auregard des enjeux écologiques et notamment avec la grille du Développement durable ?Cependant, comme le montre le schéma 1, ce dispositif est entremêlé avec différents typesd’entreprises (agroalimentaires, distribution et exploitants agricoles) et les ONG, opérateursde distribution : la Responsabilité Sociale des entreprises n’est-elle pas non plus à interrogerau regard des buts de ce dispositif ?1.1/ Développement Durable (DD)Le développement durable s’est imposé sur les 20 dernières années à la fois comme projetpolitique mondialisé et comme mode de gestion des entreprises ( en interne et avec leursparties prenantes) ; il a fait l’objet d’une multitude de controverses avant d’être devenu unparadigme incontournable. : « Il repose sur la promesse d’un capitalisme oeuvrant à saréconciliation avec l’ensemble de la société en faisant siennes les préoccupations de cettedernière comme la responsabilité environnementale et l’équité sociale au sein du processusde développement économique. » (Aggeri, Godard, 2006).Le rapport Brundtland 98 se caractérise autour de l’évolution de la notion de développementqui ne peut plus être compris seulement dans sa dimension locale mais également à deséchelles qui devront être mondiales. D’autre part, il met en avant l’interrelation de troissphères : économique, sociale et environnementale. Le cœur du projet est de préserver lesressources naturelles et l’état de la planète dans un axe de développement pour l’Humanité.Dans la durée, le DD, objet de controverses, a dû évoluer notamment face aux critiquesconcernant les formes de régulations et de types d’actions engagées par les états au nom decelui-ci ; une des conséquences a été de comprendre que le DD n’était pas l’affaire seulementdes états via des politiques publiques mais aussi d’acteurs peu présents jusqu’alors : lesassociations, les ONG (la société civile), et les entreprises. Le réajustement de ces troisacteurs a transformé le DD en intégrant aujourd’hui la question de la gouvernancequi réinterroge les formes de démocratie représentative.Le DD a impulsé des coopérations et de partenariats entre l’ensemble des acteurs apparaissantdans l’arène des enjeux de développement, à la fois sur la diversité des acteurs maiségalement sur les diverses échelles.1.2./ Responsabilité Sociale de l’Entreprise (RSE)La RSE, traduction de Corporate Social Responsability, a une histoire bien différente du DD ;elle est historiquement liée au développement des entreprises nord-américaines et plusparticulièrement à l’éthique religieuse des dirigeants. La RSE se formalisera au fur et àmesure que la grande entreprise va s’actionnariser et que leurs dirigeants vont en être dessalariés, non-propriétaires. Le présupposé de la RSE repose sur un contrat implicite entre98 L’Union internationale pour la conservation de la nature a rendu un rapport à l’ONU en 1980 à propos de lastratégie mondiale de conservation à mettre en œuvre ; ce rapport , portant les fondements du développementdurable prendra le nom de sa présidente, Madame Gro Harlem Brundtland et se diffusera sous ce nom à partir de1988305


l’entreprise et la société : si les responsables d’entreprises ou d’affaires étaient en capacité devéritablement s’engager, l’ensemble des difficultés économiques et sociales pourrait êtrerésolu. H.R.Bowen écrit en 1953 un ouvrage qui représente pour de nombreux auteurs,l’ouvrage théorique fondateur de la RSE : Social responsabilities of the businessman. Il penseque l’engagement ne peut être suffisant et qu’il faut institutionnaliser une démarche qu’ildécline dans la RSE ; pour cela, il met en avant le fait qu’il faut à la fois créer de nouveauxoutils de gestion (audit social par exemple), les enseigner et faire bouger les lignes desrelations entre les entreprises et les autres acteurs concernés de la société en renouvelant lesformes de négociations.La notion de stakeholder vient renforcer la mise en visibilité de l’interrelation entrel’entreprise et la société. L’évolution de la RSE va se construire entre d’une partl’interpellation des entreprises face à des crises environnementales ou des accidents d’acteursnouveaux. Il s’agit alors de qualifier et de caractériser en quoi cette relation entre l’entrepriseet ses stakeholders permet ou pas la performance sociale de celle-ci. Cependant « la RSEn’est pas universelle ; elle est contingente et relative et s’exerce en fonction des stakeholdersconsidérés par l’entreprise comme légitimes. » (ibidem : 13)A partir des années 1990, sous l’influence de consultants britanniques, une hybridation seconstruit entre les tenants du DD et les fondements de la RSE ; l’Europe inscrira cettehybridation en 2005 dans le Livre sur la RSE.L’introduction du DD comme projet managérial s’appuie sur le présupposé que les enjeuxéconomiques, sociaux et environnementaux ne sont pas contradictoires et il semble possiblede créer de la performance socio-économique. Cela permet de prendre en compte des acteursde la société civile nouveaux comme les consommateurs, y compris des acteurs muets commecertaines minorités démunies.A partir de cette hybridation du Développement durable et de la RSE, comment le dispositifd’aide alimentaire, appuyé classiquement sur le modèle productiviste de l’agriculture peutintégrer des préoccupations sociales, environnementales et économiques ?2. / Le dispositif expérimentalLes Directions Régionales de l'Alimentation de l'Agriculture et de la Forêt (DRAAF) ont pourmission de coordonner, en partenariat avec les différentes directions régionales et lescollectivités, la déclinaison régionale du PNA 99 en l'adaptant aux spécificités régionales. L'undes axes stratégique du plan régional en Languedoc-Roussillon est d'« améliorer l'offrealimentaire pour les plus démunis ». C'est dans ce cadre que s’est construit ce dispositifd'approvisionnement en circuit court pour les Restaurants du Cœur.De plus, une étude 100 menée conjointement par l’Observatoire Régional de la Santé, l’Institutd’éducation à la santé et l’Inra en Languedoc-Roussillon en 2010-2011 donne des élémentsprécis sur les difficultés rencontrées par les structures d’aide alimentaire. Cette étude a mis enavant les freins à l'approvisionnement des structures d'aide alimentaire. Ainsi, pour 53,6% desstructures interrogées se sont les moyens matériels et humains et pour 24,6% l'accès auxdenrées. Pour ce dernier frein, l'étude précise:« Dans une région où le niveau de production de denrées alimentaires est important, uneréflexion est sans doute à mener pour penser d'autres modes d'approvisionnement. Pourchacun des acteurs - qu’ils distribuent directement ou indirectement les produits issus du99 Programme national pour l’alimentation100 Panorama des structures d’aides alimentaires306


PEAD/PNAA – ceci permettrait sans doute une diversification de la composition des paniersou colis distribués et permettraient de renforcer le côté qualitatif de cette aide au-delà de soncôté quantitatif, ô combien important. »2.1. / Les circuits courts alimentairesLes circuits courts alimentaires, rapprochant producteurs agricoles et consommateurs,suscitent depuis quelques années un engouement sans précédent dans les pays industrialisés eten France en particulier. Cet engouement est lié aux peurs alimentaires (vache folle…) maisaussi à la prise de conscience des limites du modèle agro-industriel (dans les années 60-0 auJapon et aux Etats-Unis)•En avril 2009, le ministère de l’agriculture à travers le plan Barnier donne une définition descircuits courts : 0 ou 1 intermédiaire entre le producteur et le consommateur.21% des exploitants agricoles font de la vente en circuits courts, soit un producteur sur 5 101 .L’enjeu de ceux ci est de permettre aux agriculteurs de diversifier la vente de leur productionet d’améliorer la captation de valeur à leur bénéfice. Les exploitations concernées sont demanière générale de plus petites tailles (3 sur 4 producteurs de légumes qui pratiquent lavente directe cultivent sur moins de 20 hectares) ; elles nécessitent aussi plus de travail, et cequelle que soit la taille de l’exploitation et le type de production.D’autre part, plus les régions sont spécialisées avec des productions concurrencées, moins lesproducteurs s’engagent dans les circuits courts. En effet, les producteurs des produitsconcernés se regroupent en filières ou coopératives, qui assurent traditionnellement unecommercialisation en filière longue : c’est le cas, par exemple en Languedoc-Roussillon, pourla production de fruits.Jusque là négligés par la statistique agricole, ils montrent aujourd’hui une très grandediversité, liée au renouvellement des formes traditionnelles (marché, vente à la ferme…) etaux innovations (AMAP, points de vente collectifs, approvisionnement direct des restaurantsscolaires…) qui a motivé leur reconnaissance par l’Etat en 2009. A ceux qui n’y voientqu’une forme de contestation du modèle dominant ou un simple effet de mode, s’opposent destravaux (Lamine,2008)(Chiffoleau, 2010) montrant que dans beaucoup de cas, s’invente àtravers ces circuits, une économie fortement encastrée dans le social, relationsinterpersonnelles et valeurs morales notamment, d’où elle tire sa force et même saperformance économique, mais aussi parfois ses limites.B. 2.2. /Le dispositif expérimentalLes circuits-courts semblent répondre à cette attente puisqu’ils pourraient permettred'améliorer la fraîcheur des fruits et légumes distribués, d'apporter une diversification despaniers et colis distribués et de créer de nouveaux modes d'approvisionnements basés sur laproximité entre production et consommation. Cette recherche de proximité est à la foisgéographique et relationnelle. De plus, elle permettrait de soutenir la production locale.Durant la Campagne 2010-2011 des Restos du cœur de l’Hérault, une étude de faisabilité a étéeffectuée 102 ; celle-ci a servi de base de proposition aux Restos du cœur de l’Hérault (AD34),pour expérimenter un approvisionnement en local des fruits et légumes pour la campagne del’hiver 2011-2012. Ce dispositif repose sur un partenariat entre les Restos du cœur, Mercadis(Le marché d’intérêt national de Montpellier) et l’Inra. Deux grossistes ont été choisis pourporter le projet et une quinzaine de producteurs y sont engagés.101 Recensement 2010102 Etude réalisée par UMR Innovation, Inra-Sad307


L’objectif est double : permettre aux bénéficiaires des Restos du Cœur (AD34) d’accéder àdes fruits et légumes frais et de soutenir l’agriculture locale.En parallèle, de mars à avril 2011, les différents partenaires, à savoir: l'AD34,Somimon/Mercadis les gestionnaires du Marché d'Intérêt National de MontpellierAgglomération (MIN) et les chercheurs élaborent conjointement un cahier des charges. Celuicistipule entre autre, les volumes et la gamme de produits, les exigences de conditionnementet les prix pratiqués lors de la campagne de distribution précédente.Entre avril et septembre 2011, deux démarches se sont menées en parallèle :- d’une part au niveau national, dans des échanges entre les chercheurs et l’associationnationale des Restos du cœur ; une rencontre avec l’acheteur, salarié de l’association et l’éluen charge de l’approvisionnement s’est déroulée dans le courant du 2ème trimestre. Leuraccord sur l’expérimentation était nécessaire ; ils ont fortement insisté sur le fait qu’il nepouvait y avoir de prise de risque sur l’approvisionnement pendant la campagne. Lepartenariat avec le MIN était la garantie de la faisabilité du projet.- d’autre part en local, l'AD34 a lancé l'appel d'offre au niveau du MIN. Le MIN a fait lechoix de passer par les grossistes. Sur les 12 grossistes en fruits et légumes présents sur leMIN, seulement deux ont répondu à l'appel d'offre. Les gestionnaires du MIN, en accord avecl'AD34, ont divisé en deux les volumes du marché proposé pour permettre aux deux grossistesde répondre à l'appel d'offre.De septembre en octobre 2011, l'association nationale des restaurants du cœur a donné sonapprobation pour la réalisation de ce dispositif. Dans la même période, l'AD34 a reçu lesenveloppes budgétaires pour la 27ème campagne de distributions alimentaires et les grossistesont été mis au courant des prix d'achat par l'AD34 des fruits et légumes. Les grossistes étaientalors en possession des principales informations techniques du dispositif (prix, volume) et ontfourni au MIN la liste des producteurs avec lesquels ils allaient travailler. Cette liste est restéeouverte tout au long de la campagne, afin d'intégrer de nouveaux producteurs au cours decelle-ci.Durant cette période de montage du dispositif, le MIN et l'AD34 ont été les principales partiesprenantes engagées dans cette réalisation. Le rôle des chercheurs a été d'accompagner cesacteurs, dans une démarche de recherche participative. Le schéma ci-dessous présentel'organisation de l'approvisionnement mise en place lors de ce dispositif.1. Schéma 2: Dispositif d'approvisionnement de proximité enfruits et légumes308


6 groupementsde producteurs4 producteursprésentsur le carreaudu MIN11 producteursabsentdu carreaudu MINDeux grossistesrattachés au MINGestionnaires duMarché d'Intérêt Nationalde MontpellierEntrepôt de l'associationdes Restaurants 34 centres du Cœur de distribution de l'HéraultBureau del'association départementaleet nationaledes Restaurants du CœurPersonnes accueillies parles Restaurants du Cœur de l'HéraultDe fin novembre 2011 à mi-mars 2012, la dynamique d'approvisionnement de la 27èmecampagne de distribution de l'AD34 a fait l’objet d'un suivi de l'amont à l'aval. La réalisationdu suivi s'est appuyée sur l'ensemble des acteurs, avec une attention particulière apportée auxproducteurs et aux personnes accueillies par l'AD34.Dès le début de la Campagne, une grille d’évaluation est élaborée et des entretiensalimenteront cette enquête. Nous retiendrons quatre dimensions qui nous semblent au cœur dece que pourrait être une hybridation entre Développement durable et RSE dans un dispositifqui va mêler à la fois des acteurs de la production agricole et des acteurs d’une associationcaritative. Il s'agit de la dimension technique (logistique), économique (plus value pour lesproducteurs et les grossistes), sociale (relation et circulation de l'information entre les partiesprenantes) et participative (implication des acteurs).Tableau 1 : Trame de la grille évaluationDimensions Sous-dimensions IntituléTechniqueFruits-légumesLe temps d'écoulement du produit au sein de la filière est-il réduit ?L'approvisionnement en fruits et légumes locaux à hauteur de 50% a-t-il été réalisé ?Travail des bénévoles Quels changements d'organisation a nécessité le dispositif à chaque niveau de la filière ?309


ÉconomiqueSocialeParticipativePlus valueproducteursPlus valuegrossistespour lesRelation entre lesparties prenantesCirculationl'informationLe dispositif a-t-il apporté un complément de production ? En quoi a-t-il été intéressantfinancièrement ?Le dispositif a-t-il permis aux grossistes de développer de nouveaux circuitspour lesd'approvisionnement/de commercialisation ? En quoi a-t-il été intéressant financièrement?deMis en commun decompétencesParticipation des acteursLe dispositif a-t-il permis d'améliorer la relation entre producteur/grossiste;producteur/acheteur; grossistes/acheteur; bénévoles/personnes accueilliesQuels sont les types d'informations échangées, leurs fréquences et la manière dont ellessont échangées entre les différents acteurs ?Quelles sont les ressources mises en commun par les différents acteurs ?Quelles sont les motivations/attentes de chaque acteur pour le dispositif ? Quels sont leursengagements ?Y a-t-il eu une évolution des savoirs et savoir-faire au cours du suivi ?Dans un premier temps l'analyse de ces dimensions sera appliquée à chaque type de fruits etlégumes approvisionné en local (région Languedoc-Roussillon). Dans un second temps, cesdimensions seront analysées d'abord en amont de la filière (producteurs, grossistes, entrepôtdes restaurants du cœur), puis en aval de la filière (entrepôt des restaurants du cœur, centresde distribution).3. / Analyse et préconisationsLes résultats de ce dispositif test sont attendus au niveau national par l'association nationaledes Restaurants du Cœur et par la Fédération Nationale des MIN. Il est alors nécessaire desoulever l'ensemble des questions issues de ce dispositif et pas seulement celles qui semblentpertinentes dans notre contexte local.3.1. / Premiers résultatsTrois points nous semblent importants après l’analyse à la fois pour chacun des acteurs etchacun des produits au regard des dimensions technique, économique, sociale et participative:1) Le dispositif d'approvisionnement améliore la qualité de la distributionLe dispositif limite à 15 jours, le délai entre la récolte et la distribution des légumespérissables (salades, céleri-branche, blette, navet, choux). C'est pour cette raison qu’il a étépossible de distribuer des salades fraîches, non conditionnées, aux personnes accueillies parles Restaurants du Cœur. La présence de ce produit est techniquement et symboliquementimportante ; en effet, cela n'était pas envisageable avec le mode d'approvisionnementprécédent. Contrairement aux craintes exprimées à plusieurs reprises par les responsablesbénévoles, la charge de travail des bénévoles a été réduite en réduisant le tri des fruits etlégumes. La qualité de la distribution, en terme de fraîcheur et de charge de travail desbénévoles, s’est améliorée par la mise en place d'un approvisionnement en fruits et légumeslocaux. Cependant, cet approvisionnement en fruits et légumes locaux repose sur deuxconditions :- Le contexte : une faible demande de certains produits et un hiver doux ont entraînéune diminution de la demande et une augmentation de l'offre. Les prix des produitsconcernés ont chuté et les producteurs ont orienté leur commercialisation vers lemarché proposé par l'AD34.310


- Un dispositif basé sur des relations historiques entre les producteurs et les grossistes:plus de 70% des producteurs ou groupements de producteurs ayant participé àl'approvisionnement en fruits et légumes locaux étaient en relation régulière avec l'undes deux grossistes. Les producteurs les plus proches de Montpellier ont favorisé leursrelations professionnelles locales, en vendant préférentiellement à ces grossistesprésents sur le MIN.2) Des points de vigilance pour la pérennisation d'un tel dispositif liés à sa réussiteLa réussite de ce dispositif, en terme d'approvisionnement en fruits et légumes locaux et doncd'amélioration de la qualité de la distribution, a cependant été confrontée à certains freins quisont directement liés aux conditions de sa réussite, précédemment cités.Les producteurs ayant participé au dispositif, ont travaillé avec les grossistes sur la base desmêmes rapports que dans le cadre de leurs autres marchés. Ces rapports sont caractérisés par:une faible circulation des prix, une pression en terme de calibrage des produits et une faibleplanification des livraisons.Le dispositif n'a pas fait évoluer ces rapports de forces entre producteurs et grossistes. Lesgestionnaires du MIN n'ont pas réussi à décloisonner ces relations en permettant un dialoguedirect entre les producteurs et les Restaurants du Cœur. Ce dialogue aurait pu porter, parexemple, sur la gamme des produits et sur les exigences de travail de chacun. De plus,certaines opportunités d'approvisionnement local n'ont pas été saisies simplement parce queles grossistes participants au dispositif avaient peu de relations professionnelles pour certainsproduits (choux, céleri-rave, poireau).Les producteurs n'ont pas été plus impliqués dans ce dispositif que sur un autre marché. Ilsont vendu leurs productions sur d'autres marchés, si cela leur était plus favorableéconomiquement et dans ce cas, ils n'ont pas participé au dispositif, si les grossistes ne leuront pas demandé. Afin d'assurer un approvisionnement régulier des Restaurants du Cœur, ilfaut porter l’attention sur la réduction de l'instabilité de l'offre et sur le renforcement de larelation entre les producteurs locaux et les grossistes.3) Le soutien aux producteurs locauxLe dispositif d'approvisionnement a favorisé le soutien aux producteurs locaux par deuxformes de valorisation :- Des productions en fonction des aléas climatiques mais de façon ponctuelle. Cela a étéle cas uniquement pour certains produits (salade, blette, céleri-branche, choux),représentant seulement 17% des volumes en fruits et légumes locaux approvisionnés.- Des produits de second choix, c'est à dire de gros calibres (carotte, pomme) ou depetits calibres (kiwi). Ces produits de second choix ont représenté 75% des volumesen fruits et légumes locaux approvisionnés. Cependant, pour qu’un seul producteurréponde à l'approvisionnement d'une seule livraison de second choix, la productiontotale de ce producteur doit être élevée. Ainsi, les pommes de second choix (31% desvolumes en fruits et légumes locaux) provenaient de groupement de producteurs et lescarottes de second choix (32% des volumes en fruits et légumes locaux) provenaientd'un producteur possédant 60ha pour cette production.Cependant, le dispositif a majoritairement fait participer des structures pour lesquelles lemarché de l'AD34 représentait peu en terme de volume, plutôt que des producteurs pourlesquels le marché de l'AD34 aurait représenté un marché de substitution en cas d'aléasclimatique. D’autre part, le dispositif a peu soulagé la charge mentale pesant sur l'amont de lafilière.Ces trois points indiquent qu’il y a encore du chemin à faire pour que cette hybridation DD etRSE soit une référence. Néanmoins, les marges de manœuvre sont visibles et possibles etpassent par une coopération en actes beaucoup plus construite. L'intérêt de l'expérimentation311


est de mettre au jour et dans le réel, un certain nombre de pratiques professionnelles etsociales sur lesquelles les évolutions sont faisables.VII. 3.2/ Les préconisations dans l’optique de RSE et DDL’objectif du dispositif était d’assurer une offre de meilleure qualité pour les personnesaccueillies (essentiellement en terme de fraîcheur) et de soutenir la production locale.La principale capacité d'évolution du dispositif se situe au niveau du soutien apporté auxproducteurs locaux. La pénibilité au travail, pour ces derniers, est largement liée à la chargementale imposée par les circuits de commercialisation. Étant donné que ce dispositif est basésur des approvisionnements planifiés à l'avance (en volume, en prix et en jours de livraison),il devrait pouvoir participer à diminuer cette charge mentale.La plupart des producteurs rencontrés lors du suivi de ce dispositif se disent prêts à mettre enculture spécifiquement pour l'AD34. Des producteurs seraient également prêts à mettre enculture des productions qu'ils ont abandonnées, dans le cas où ils posséderaient lescompétences techniques. La forme de contractualisation d'un tel marché est difficile à définir.Les relations historiques entre producteurs et grossistes insistent sur l'accord oral commeprincipale forme de contractualisation. L'accord entre le producteur et le grossiste sembleprendre cette forme en réponse à la grande variabilité du prix des fruits et légumes. Si lescours du marché ont trop changé entre le moment où l'accord est passé et le moment de lavente, l'accord peut être rompu sans recours juridique possible pour l'un ou pour l'autre.Dans le cas de notre dispositif, il s'agit d'un marché fixé à l'avance en terme de volume, dedates de livraison et de prix. La contractualisation écrite est tout à fait adaptée à ce type demarché. Cependant, la mise en place d'une contractualisation écrite pour le marché de l'AD34nécessiterait un dialogue entre producteurs et grossistes. Ce dialogue devra faire preuve detransparence, notamment en terme de prix, ce qui n'a pas été le cas dans ce dispositif. Il seraplus confortable, pour les différentes parties prenantes, de réaliser une contractualisationécrite pour certaines production dont les prix restent stables durant la saison d'hiver (carotte,navet, pomme, kiwi), plutôt que pour d'autres produits dont les prix varient fortement (salade,blette, céleri-branche).La contractualisation du marché est l'assurance pour l'AD34 d'un approvisionnement régulieren fruits et légumes locaux. Cette contractualisation ne pourra se faire que dans le cas d'uneforte implication des producteurs dans la démarche.Dans le dispositif, la faible implication des producteurs a été la cause d'un manqued'approvisionnement en fruits et légumes locaux (carottes en fin de campagne, poireau,choux). L'implication des producteurs locaux pourrait être une occasion pour l'AD34 deprofiter de dons de la part des plus gros producteurs ou des groupements de producteurs.Plusieurs leviers peuvent permettre d'impliquer davantage les producteurs :Leviers techniquesUn dialogue peut être mené entre l'association départementale des Restaurants du Cœur et lesproducteurs quant au choix des produits. Plusieurs producteurs ont fait preuve d'une force deproposition en matière d'approvisionnement durant cette 27ème Campagne ; cependant cetteforce de proposition a été confrontée aux exigences gestionnaires des Restaurants du Cœur età certaines barrières techniques :- Le respect d'un calibre inférieur à 1kg pièce (les courges de petits calibres font entre2 et 2,5kg la pièce) ;- L'équité des personnes accueillies nécessitant de distribuer les mêmes produits pourtous, à hauteur de 125g de fruits et 250g de légumes par personne (la barquette de légume de1kg ne peut pas être divisée en 4 portions équitables) ;312


- Le manque de temps et d'espace pour la découpe des plus gros légumes dans certainscentres de distributions.- Un temps d'écoulement trop long au sein de l'AD34, limitant l'approvisionnement deproduits, tel que des courges coupées en morceau.Mais l’ensemble de ces difficultés techniques et organisationnelles n’est pas insurmontable sila culture de gestion des uns et des autres évolue vers les conditions nécessaires à unapprovisionnement local.Leviers économiquesLe marché des Restaurants du Cœur est un marché peu attrayant économiquement pour lesproducteurs, à cause des faibles prix d'achat. Au-delà d'une forme de contractualisation dumarché, il est plus important de chercher les améliorations et innovations techniques etorganisationnelles que de se limiter à une argumentation économique. D’autre part, ladimension symbolique d’approvisionner les Restos du cœur a été peu utilisée. Certainsproducteurs, parmi les grosses structures ou les groupements de producteurs, pourraientvaloriser leurs actes de vente aux Restaurants du Cœur comme un argument marketing.Leviers sociauxLes producteurs participants à l'approvisionnement des Restaurants du Cœur seraient d'autantplus impliqués s’ils étaient sensibilisés à la démarche de solidarité avec les personnesaccueillies. Afin de faire participer des producteurs dans ce sens, les pistes suivantes sont àexplorer :- Il serait intéressant de s'appuyer sur l'expérience du dispositif d'approvisionnementde cette 27ème campagne, pour refaire participer les producteurs qui ont été les plus sensiblesà la démarche sociale.- Certains producteurs font régulièrement don de fruits et légumes directement auniveau des centres de distributions. Par exemple, un producteur livre au centre de Gignac,depuis plusieurs années, 0,5T de pomme, soit 1,5% de sa production. L'unique motivation dece producteur est l'acte de solidarité avec les Restaurants du Cœur ; il ne perçoit aucuneréduction d'impôt pour ce don. Dans le but de mettre en place une chaîne de solidarité, allantdes producteurs aux personnes accueillies, les Restaurants du Cœur devraient pouvoir soutenirces producteurs en les faisant participer au marché.- Des rencontres entre les producteurs et les bénévoles des Restaurants du Cœur ou lespersonnes accueillies, peuvent être l'occasion pour les uns d'être sensibiliser au travail desautres. Ces échanges sont importants pour la reconnaissance du travail du producteur, d'autantplus que le marché des Restaurants du Cœur peut difficilement leur apporter une réellereconnaissance économique. Ces échanges n'ont pas à inquiéter les gestionnaires du MIN oules grossistes, car ils ne pourront pas porter sur les prix étant donné que ceux-ci ne sont pasconnus par les bénévoles et les personnes accueillies.Les recommandations apportées par cette analyse portent essentiellement sur le soutien à laproduction locale et sur l'assurance de maintenir un approvisionnement local pour lesRestaurants du Cœur. Certaines recommandations pourraient également porter surl'implication des personnes accueillies, en indiquant par exemple, comme dans certainscentres, l'origine des produits lors de la distribution (pour cela les bénévoles se sont servis desétiquettes sur les cagettes de fruits et légumes).313


VIII. ConclusionCette première expérimentation s’est calquée sur une façon de faire déjà existante dans leshabitudes de travail entre les grossistes et les producteurs dans le cadre du MIN ; on peut lecomprendre compte tenu de la volatilité du marché des fruits et légumes ; il y a peud’innovation mais plutôt un renforcement de la coopération déjà présente. Sil’approvisionnement local a été respecté, cela ne s’est pas fait sur le modèle des circuitscourts. La nécessité pour les Restos du cœur d’assurer sans risque de rupture unapprovisionnement tout au long de la campagne demande d’ouvrir vers d’autres lieux deproduction. Cette complémentarité est en soi intéressante et sécurise le dispositif.Pour faire évoluer ce dispositif dans une boucle vertueuse davantage liée au Développementdurable, il faut ramener plus de dialogue, et de circulation de l’information. Le dispositif estcentré sur les grossistes, le MIN et quelques acteurs des Restos du cœur ; les producteurs sonttrop peu impliqués, les bénévoles des centres pas assez au courant des enjeux du dispositif etles personnes accueillies plutôt absentes. Cependant, d’autres expérimentations nous ontappris que l’appropriation par les personnes du « pourquoi » d’un tel dispositif, les engagecomme acteur. Ils sont alors force de propositions et participent à la résolution des difficultésrencontrées.Les marges de manœuvre pour améliorer l’approvisionnement en local sont nombreuses et laplupart relativement facile à organiser ; pour cela, le fait d’avoir l’engagement des Restos ducœur suffisamment en amont donnerait plus de latitude pour planifier les cultures et donnerune place centrale aux producteurs ; cela permettrait également d’engager un dialogue aveceux sur les enjeux d’accès à l’alimentation pour une partie de la population. Une approchetransversale et non sur le seul modèle de la filière, cherchant à faire du lien entre des acteurspas forcément habitués à travailler ensemble (ou au contraire, dans une routineprofessionnelle) est clairement la piste à creuser (Paturel, 2010). La présence du MIN commeétablissement public, assure une continuité dans l'approvisionnement et donne la confiancenécessaire au dispositif.L’évolution du financement européen pour l’aide alimentaire va obliger les opérateurs àtrouver des alternatives et probablement à entrer dans un modèle moins adossé au modèle del’agriculture productiviste. Même s’il est difficile d’imaginer aujourd’hui quelles formes celapourrait prendre, l’urgence de l’innovation est bien présente. De plus, faire sortir del'entreprise "classique", les modèles de réflexion sur le management de la Diversité porte ensoi une possibilité de travailler sur la dimension sociale, parent pauvre de la RSE et du DD: ils'agit bien d'imaginer les formes de coopération et d'hybridation renouvelant l'accès aumarché de populations exclues (ou en risque d'exclusion) tant du côté des consommateurs quedes producteurs et de leurs intermédiaires.Les personnes accueillies par les Restos du Cœur de l'Hérault durant cette 27 ème Campagneinterrogées par questionnaire, ont dit à une grande majorité qu’elles auraient bien aimé avoirdes…. bananes (fruit remplacé par les kiwis.) : comment concilier l’attachement à ce fruitpopulaire, symbole d’un certain réconfort et chercher à soutenir une production locale pourfaire en sorte qu’une activité économique continue ? C’est bien de ce défi là qu’il s’agit.Bibliographie:Aggeri.F, Godart.O (2006) Les entreprises et le Développement durable, Entreprises ethistoire, n°45, 6-19Bowen,H (1953) : Social responsabilities of the businessman, New York, Harper and Brothers314


Chiffoleau.Y, Degenne.A (2010) Le développement des circuits courts à l’épreuve del’analyse des réseaux sociaux, RES vol 68 n°4, 71-78de Raymond.AB (2004) La construction d'un marché national des fruits et légumes: entreéconomie, espace et droit (1896-1995), Genèses 56, 28-50Dubiano.C (1996) Les MIN provençaux face à l'évolution de la filière des fruits et légumes,Méditeranée 83, 7-17Hernandez.S, Messaoudène.L (2010) La territorialisation de la politique alimentairefrançaise : le regard des acteurs publics sur la gouvernance du PNNS, Management & amp ;Avenir, n°35, 235-253Hutin C (2009.) Le diagramme de la distribution 2008. Ctifl Infos, n° 255, 16-21Lamine.C, Perrot.N (2008) Les AMAP : un nouveau pacte entre producteurs etconsommateurs ? , éditions Yves Michel, ParisLebian.G, Ledesert.B, Paturel.D (2011) Panorama des structures d'aide alimentaire enLanguedoc-Roussillon,http://www.creaiorslr.fr/Documentation/Etudes-etpublications/Panorama-structures-aide-alimentaire-LR-2011Paturel D., Demarque F., Approvisionnement local pour les Restaurants du cœur del'Hérault, Avril 2011. Etude de faisabilité réalisé dans le cadre du PROA- LRhttp://draaf.languedoc-roussillon.agriculture.gouv.fr/Un-approvisionnement-local-pourPaturel.D (2010) Alimentation et lien social :les circuits courts comme alternative ?, RES vol68 n°4, 41-45, 61-70Rapport d’observations définitives de la Cour des comptes sur « Les Restaurants duCœur – Les Relais du Cœur : l’impact des recommandations de la Cour » , Juin 2009http://www.ccomptes.fr/fr/CC/documents/COFAGP/Resto-du-coeur-0609.pdRastoin JL (2010) Quel système alimentaire pour la planète Terre en 2050 ?, RES vol 68 n°4,45-52Temri.L, Fort.F (2009) Partage des bonnes pratiques de développement durable : le cas desPME agroalimentaires du Languedoc Roussillon, Innovations, n°29, 103-125315


Atelier 8 : Egalité des chances et non discrimination…………………………………………………………….. « Intégration des outils de communication web2.0 dans les stratégies de recherche d’emploi :quelles sources de diversité ? Comparaison des pratiques France – Maroc » AminaBENRAISS (Université de Marrakech), Laila BENRAISS et Catherine VIOT (UniversitéBordeaux 4)……………………………………………………………………………………. « Les contours du triptyque égalité, non-discrimination et diversité » Nathalie MONTARGOT(Université de Cergy) et Jean-Marie PERETTI (IAE de Corse)…………………………………………. « Gestion de l’égalité, de la non discrimination et de la diversité : le cas luxembourgeois »Stéphane LEYMARIE et Pascal TISSERANT (Université de Metz)…………………………. « L’influence des technologies numériques sr les préréfences, habitudes et consommationmédia. Les nouvelles segmentations induites par l’utulisation des « E-media », Marqueurs dediversité » Jacques DIGOUT, Sylvain SENECHAL et Stéphane ROCHARD (ToulouseBusiness School)………………………………………………………………………………… « Diversité et empoyabilité» Marhane HOLFAHOUI (ESSCA Angers)……………………….316


Intégration des outils de communication web2.0 dans les stratégiesde recherche d’emploi : quelles sources de diversité ?Comparaison des pratiques France - MarocAmina BenraïssEnseignant-chercheur, Faculté des Sciences Juridiques, Economiques et Sociales UniversitéCadi Ayyad, MarrakechMembre du groupe de recherche Nouvelles Pratiques de Gestion (NPG)Laïla Benraïss-NoaillesMaître de Conférences, IAE de Bordeaux, Université Montesquieu Bordeaux 4Membre de l’Institut de Recherche en Gestion des Organisations (IRGO)laila.benraiss-noailles@u-bordeaux4.frCatherine ViotMaître de Conférences-HDR, IAE de Bordeaux, Université Montesquieu Bordeaux 4Membre de l’Equipe de recherche en Marketing de l’IRGO (Institut de Recherche en Gestiondes Organisations)catherine.viot@u-bordeaux4.frRésuméCe papier pose la question de l’utilisation des réseaux sociaux dans le cadre du recrutement.Cette question devient primordiale à l’heure où la génération Y arrive sur le marché du travailet intègre des entreprises au sein desquelles, les personnes chargées du recrutement et lahiérarchie sont, dans une large proportion issues de générations plus anciennes (génération Xet Babyboomers). Deux études empiriques ont été réalisées auprès de futurs diplômés endernière année de formation (Masters 2 professionnels en gestion), la première en France et laseconde au Maroc.Cette communication apporte des réponses quant aux sources de diversité dans l’utilisationdes réseaux sociaux entre ces deux échantillons. Quels réseaux sociaux sont utilisés ? Dequelle manière ? Quels niveaux de connaissance (subjective et objective) des réseauxsociaux ? Quelle perception de l’atteinte à la vie privée ?Mots-clés : Web 2.0, Réseaux sociaux, Recrutement, France, Maroc317


Les internautes baignent aujourd’hui dans une culture web2.0. Ils ont adopté les technologieset les supports qui leur permettent d’être de plus en plus actifs et connectés au sein descommunautés virtuelles et des réseaux sociaux (RS). A titre d’exemple, plus des 3/4 desinternautes français ont consulté un blog ou un site communautaire en décembre 2010. Sur cesmêmes sites, les internautes restent de plus en plus longtemps : en moyenne, ils y passent5h30 par mois, en 2011, soit 1h20 de plus qu’en 2010 103 . Par ailleurs, selon les informationscommuniquées à la presse par le plus populaire des RS 104 , Facebook, compte en France plusde 25 millions de membres actifs, dont plus de 11 millions de manière quotidienne. 26% deces utilisateurs sont âgés de 18 à 24 ans, les 25-34 ans représentant également 26%. Latranche des 35-45 ans représente 15%. 51% sont des femmes, 49% des hommes et 91% des13-24 ans ont une page Facebook.Au Maroc, Facebook compte près de 4 millions d’utilisateurs, soit 12,3% de la populationtotale. 43% de ces utilisateurs sont âgés de 20 à 29 ans, les 30-39 ans représentant 11%. Latranche des 40-49 ans représente 5%, les 13-29 représentent 83%. Et 62% sont deshommes 105 .L’objectif de cette communication est de comprendre comment les jeunes diplômés utilisentles outils de communication web2.0 (réseaux sociaux) pour rechercher un emploi, puisconstruire des relations professionnelles tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de l’entreprise. Onévoque de plus en plus l’arrivée de la génération Y dans les entreprises, génération quisuccède à la génération X, popularisée par Coupland (1991). Nous cherchons à savoir si cettegénération composée des personnes nées après 1977, souvent opposée à la génération X entermes de valeurs, d’attitudes et de comportement, a intégré le web 2.0 dans sa démarche derecherche d’emploi.Sur le plan théorique, notre recherche permettra de connaître les variables qui peuventexpliquer des différences dans l’adoption des nouvelles technologies dans le cadre de larelation de travail et d’identifier des différences liées au secteur d’activité (spécialité duMaster 2 professionnel poursuivi), à la nationalité (française et marocaine), à l’âge, au genreet au niveau de connaissance subjective à l’égard du web 2.0.D’un point de vue managérial, il est important pour les employeurs de mieux comprendre lescomportements et les valeurs de la génération Y, notamment celui de l’intégration du web 2.0dans la recherche d’emploi ou de stage. En effet, une personne en recherche d’emploi disposedésormais, grâce au web 2.0, d’outils qui lui permettent de mieux promouvoir sa candidature.En outre, à notre connaissance, ces questions de recherche n’ont été que faiblement exploréesdu fait de la récence du sujet.Sur le plan méthodologique, une double collecte de données, relevant d’une démarchequantitative, a été réalisée en France et au Maroc.La première partie sera consacrée à une revue de la littérature consacrée à un bref rappel de ceque constitue le web 2.0 pour identifier les utilisations possibles du web 2.0 de la part desjeunes en recherche de stage ou d’emploi. Dans cette partie, il sera aussi question desdifférences culturelles entre le Maroc et la France. La méthodologie sera ensuite présentée.Elle sera suivie des résultats. Ceux-ci feront ensuite l’objet d’une discussion. En raison ducaractère exploratoire de cette recherche, nous n’avons pas formulé d’hypothèse de recherche,ni défini – à proprement parler – de cadre conceptuel.1. Cadre théorique103 Source Médiametrie, Mobilité & réseaux sociaux : le média Internet bascule dans la connexion permanente,Communiqué de presse du 15 mars 2011.104 www.arobasenet.com /2012/04/statistiques-reseaux-sociaux-avril-2012/105 http://lovop.com/fr/statistiques-sur-lutilisation-de-facebook-dans-les-pays-du-moyen-orient-et-d%E2%80%99afrique-du-nord/ 25 octobre 2011318


L’expression web 2.0 a été inventée en août 2004, au cours d’un brainstorming, par DaleDougherty, Directeur de la société O’Reilly Media, dans le but de trouver un nom accrocheurpour une conférence, programmée en octobre 2004, sur les avancées du web. Un an plus tardTim O’Reilly, de la même société, publiait en ligne un article dans lequel il précisait les septprincipes du web 2.0 (O’Reilly, 2005).Le web 2.0 est avant tout une culture partagée par la communauté des internautes quis’exprime au sein des médias sociaux composés de relations privées (amis) et/ouprofessionnelles et caractérisée par des éléments visibles, d’une part, un langage inventif etsimplifié de type SMS, des mythes, des technologies convergentes, des comportements et deséléments invisibles, d’autre part, un ensemble de valeurs, de croyances et de tabous (Auteur,2011). S’il n’existe pas de définition consensuelle du web2.0, la communauté des praticiens,des chercheurs et des journalistes s’entend à reconnaître sa double dimension sociale ettechnologique.1.1 RH et web 2.0Après avoir largement investi les usages individuels d'Internet, le Web 2.0 arrive dans lesentreprises, modifiant la pratique quotidienne de la gestion des ressources humaines. Dans uncontexte de marché du recrutement des cadres en tension, l’usage du Web 2.0 peut apporterdes outils inédits, légèrement décalés, à cheval entre espace professionnel et espace privé.Pour Balagué et Fayon (2010), le recrutement demeure l’activité, en matière de gestion desressources humaines, la plus touchée par l’engouement des entreprises pour les RS.L’utilisation des RS facilite le recrutement dans les entreprises. Les Directions des RessourcesHumaines peuvent effectuer des requêtes en choisissant des mots clés. Viadeo, par exemple,permet à chaque membre d’associer des mots clés à son profil. Les candidats peuvent aussiindiquer, sur leur CV, un lien vers leur profil LinkedIn, Viadeo, Twitter ou encore Facebook,ce qui permet aux entreprises de pré-évaluer les candidats et gagner du temps en entretien ouencore de ne pas convier inutilement un candidat en entretien.D’une manière générale, le web 2.0 est venu renforcer la « boite à outil du recruteur ». Avantd’intégrer l’entreprise, le profil de la future recrue est soigneusement examiné y compris lesinformations disponibles sur sa vie privée. Mais les différentes possibilités offertes pour ledépôt et la sélection de candidatures ne sont pas encore complètement exploitées, (Auteurs,2012b).En 2009, l’enquête menée par CareerBuilder 106 révèle que les recruteurs utilisent les RS pourrechercher des informations sur les candidats avant même l’entretien de recrutement. Lesinformations mises en ligne peuvent ainsi favoriser l’emploi ou avoir des conséquencesnéfastes sur la suite donnée aux candidatures. Elles peuvent aussi êtres fatales pour dessalariés en poste. En témoignent les employés de Michelin licenciés après avoir critiquéouvertement l’entreprise sur un RS.Tannier (2010) liste les pièges des RS, des forums et des blogs et revient sur les donnéespersonnelles relatives aux membres qui pourraient leur être reprochées par la suite : lesinformations que l’internaute donne sans le savoir et « les informations qu’on lui prend ».L’auteur cite l’exemple d’une québécoise en congés de longue maladie pour dépression qui avu son assureur lui supprimer ses allocations parce qu’elle avait diffusé sur Facebook desphotos la montrant en train de s’amuser, son assureur lui a dit qu’elle était « en mesure detravailler à cause de Facebook », la compagnie d’assurance a ainsi reconnu utiliser Facebookpour trouver des informations sur ses clients.106 CareerBuilder.com319


Balagué et Fayon (2010) quant à eux citent l’exemple d’un salarié suisse licencié pour avoirposté des informations sur son mur. En effet, il était en arrêt maladie à cause de migraines quil’empêchaient d’utiliser son ordinateur au travail. Un autre cas a fait l’objet de l’actualitéfrançaise, le 19 novembre 2010 le Conseil des Prud’hommes a jugé fondé le licenciement« pour dénigrement de leur hiérarchie » sur Facebook de trois salariés de la société Alten, uneentreprise d'ingénierie de Boulogne-Billancourt. Il leur était reproché d'avoir échangé despropos critiques à l'égard de leur hiérarchie et d'un responsable des ressources humaines del'entreprise, au sein du RS.En 2010, le collectif « A Compétences égales », auxquelles peuvent adhérer des agences derecrutement ou bien des professionnels du recrutement à titre individuel, a pris l’initiative demettre en place un cadre déontologique 107 , à respecter par ses signataires, afin de donner àtous les candidats des chances égales.Par ailleurs, d’autres activités de la Direction des Ressources Humaines se voient aussienrichies par l’avènement des RS. David Guillocheau Directeur de Talentys dans un entretienaccordé à lentreprise.com en 2009 108 , constate l'amorce d'un mouvement de fond. La tendanceactuelle à l'enrichissement des Systèmes d’Information RH en témoigne. Les entreprisesajoutent à leur système d'information des fonctionnalités qui favorisent l'interactivité prônéepar le web 2.0. De plus en plus d'éditeurs d'ERP ou de solutions RH en ligne proposent desmodules web 2.0 que les DRH peuvent ajouter à leur système existant.La grande nouveauté est de rendre plus efficace les discussions et l'entraide entre les acteursd'un processus RH. L'entreprise va favoriser par exemple la collaboration en ligne enpermettant d'échanger sur une définition de fonction ou un plan de carrière. En remplacementou en complément de réunions physiques, l'échange s'effectue en ligne. Chaque acteurimpliqué peut apporter sa contribution (un avis, un document). Cela peut aussi se matérialiserpar la mise en place d'espaces, de forums ou de Wikis 109 au sein du SIRH ou de l'intranet.“ Aujourd'hui, on possède davantage d'informations sur le parcours et les compétences d'unsalarié de son entreprise en se connectant sur Viadeo ou LinkedIn qu'en consultant certainsoutils de GRH d'entreprise » affirme le PDG d’une start up.1.2 Les RS, une atteinte à la vie privée ?Selon un sondage IPSOS réalisé pour la CNIL en octobre 2008, 71% des Français jugeaientinsuffisante la protection des données individuelles sur Internet ce qui les conduit àdévelopper des stratégies de réponse face à une sollicitation (Lancelot-Miltgen, 2008). C’estdire si les Français sont préoccupés par les questions relatives au respect de leur vie privée(RVP). Le RVP fait référence à plusieurs éléments comme le droit à l’information – c’est-àdirele droit pour une personne d’être informée de la collecte de données la concernant -, ledroit au consentement qui correspond à la possibilité de refuser la collecte de donnéespersonnelles, le droit de contrôle et d’utilisation ultérieure des données et le droit d’accès,c’est-à-dire la possibilité d’accéder aux informations et de corriger celles qui sont erronées.Les préoccupations des individus en matière de RVP sont nombreuses : collecte de donnéestrop nombreuses et trop personnelles, stockage non autorisé, erreurs, accès par des personnesnon autorisées, utilisation interne (par celui qui a collecté les données) ou externe suite au107 Cette charte invite son signataire à s'engager à respecter 6 points dont le détail est consultable sur ce lien :http://www.acompetenceegale.com/netkali/netkali.aspx?IdItem=106&IdDoc=71&IdLangue=1 – compte rendude la conférence « Comment les RH utilisent-ils les réseaux ? » organisée par NGRH, le 7 décembre 2010 àLormont.108 http://www.lentreprise.com/gerer-une-equipe/les-services-rh-se-mettent-au-web-2-0_19996.html109 Un wiki est un site Web dont les pages comportent des hyperliens les unes vers les autres et sont modifiablespar les visiteurs afin de permettre l'écriture et l'illustration collaboratives des documents numériques qu'ilcontient. Wikipedia dont est issue cette définition en est un parfait exemple.320


transfert des données à un tiers (Wang et Wang, 1998). Il semble donc logique que larecherche et l’utilisation d’informations personnelles trouvées par les professionnels durecrutement sur Facebook (mentionné par les deux lettres FB dans la suite de l’article) oud’autres RS soient au centre des préoccupations des internautes puisqu’elles peuvent êtreperçues comme un accès non autorisé et/ou une utilisation secondaire externe.Dans une étude réalisée en France, (Auteurs, 2012a) constatent que les recruteurs onttendance à rechercher des informations sur les candidats. Pour eux, cela ne constitue pas uneatteinte à leur vie privée, ils rejettent la responsabilité sur les candidats qui ont tendance à sedévoiler spontanément. Ces professionnels s’accordent pour dire que certaines informationsseraient susceptibles de les faire changer d’avis et de renoncer à un candidat.L’atteinte à la vie privée au Maroc a une toute autre signification. Le Code pénal marocain neconnaît pas le délit de l’atteinte à la vie privée, contrairement au Code pénal français. L’article226 du chapitre 6 considère comme des atteintes à la vie privée, la transmission,l’enregistrement des paroles prononcées en privé sans le consentement de la personne, ainsique l’enregistrement et la transmission de l’image de la personne se trouvant dans un lieuprivé sans son consentement. Dans le cadre des délits qui portent atteintes aux personnes,seules la diffamation et l’injure sont définies par le code marocain de la presse. L’article 46 decette loi (Code de la presse) n’a choisi de parler et de réprimer pénalement l’atteinte à la vieprivée, que lorsqu’il s’agit des injures qui visent les ministres, les fonctionnaires et agents del’autorité publique, les personnes chargées d’une fonction publique temporaire oupermanente, auxiliaires de justice ou témoins. Le Maroc a dernièrement publié au Bulletinofficiel un texte qui organise la protection des données personnelles. La jurisprudence a donnéplus de définitions à cette l’infraction 110 .1.4 Les dimensions culturelles d’Hofstede appliquées au deux pays de l’étudeLa comparaison des résultats des répondants français et marocains induit la question desdifférences culturelles entre les deux pays. Afin d’y répondre, nous avons eu recours au sited’Hofstede qui permet d’obtenir des scores pour les cinq dimensions dans les deux cultures(Figure 1).Figure 1 – Comparaison des scores des dimensions culturelles Maroc-France10080604020070 68 712553438668nd39MarocFranceSource Hofstede : http://geert-hofstede.comLa distance hiérarchique. Cette dimension exprime « la perception du degré d’inégalité depouvoir entre celui qui détient le pouvoir hiérarchique et celui qui y est soumis » (Bollinger et110 http://www.lesoir-echos.com/enquete-les-marocains-et-facebook/societe/11919/321


Hofstade, 1992) 111 . Les scores sont très rapprochés pour les deux pays. Bollinger et Hofstade(1992) 112 ont remarqué que cet indice est fortement dépendant du niveau d’instruction : ceuxqui n’ont suivi qu’un enseignement élémentaire, induisent un score élevé de distancehiérarchique. Au contraire, ceux qui sont allés à l’université ont un faible score de distancehiérarchique. Nos deux échantillons ont exactement le même niveau d’étude, master 2, cettedimension n’est pas à prendre en considération dans la présente étude car elle est peudiscriminante.L’individualisme. D’une façon générale, on peut dire que les sociétés communautairesvalorisent le temps passé pour le groupe (y compris l’entreprise); tandis que les sociétésindividualistes valorisent le temps passé par les individus pour leur vie personnelle. Il est utileaussi de constater que l’empiètement sur la vie privée est considéré comme tout à fait normaldans les sociétés communautaires alors que le souhait de garder un espace de vie privée est undroit pour les sociétés individualistes 113 .La France a un score élevé (71) sur l’indice individualisme, la préservation de la vie privée etfamiliale y est recherchée. Dans l'environnement de travail, la relation avec le travail estfondée sur la tâche et l'autonomie est favorisée. La communication est directe et chacun peutexprimer son opinion. La performance est aussi individuelle et les individus expriment un fortbesoin de reconnaissance de leur travail.On considère le Maroc, avec un score de 25, comme une société collectiviste. Les relationssont étendues au-delà de la famille. La fidélité dans une culture collectiviste est primordiale etignore la plupart des autres règles sociales et règlements. La société favorise des relationsfortes où chacun prend la responsabilité des membres du groupe. Les relationsd'employeur/salarié sont perçues en termes moraux (comme un lien familial) et les décisionsde promotion tiennent compte du cercle fermé du salarié, le management est plutôt tournévers le groupe.La masculinité. Il s’agit de la répartition sexuelle des rôles dans les sociétés. Plus cesderniers sont différenciés, plus la société montrera des traits nommés masculins, plus ils sontinterchangeables, plus la société montrera des traits féminins. Dans le premier type desociétés, l’homme doit s’imposer et montrer qu’il est le plus fort, tandis que la femme doits’occuper de la qualité de la vie. Dans les sociétés à traits féminins, les rôles sont moinsdifférenciés et hommes et femmes doivent s’occuper de la qualité de la vie 114 . Pour Hofstade,un score élevé sur cette dimension indique que la société sera conduite par la compétition,l'accomplissement et le succès. Un système de valeur qui commence à l'école et continue aucours de la vie professionnelle. Un score bas sur la dimension signifie que les valeursdominantes dans la société sont toutes autres et la qualité de la vie l’emporte. Une sociétéféminine est celle où la qualité de la vie est le signe de succès. La question fondamentale estici ce qui motive les personnes, vouloir être les meilleurs (masculin) ou aimer ce qu’ils font(féminin).Avec un score de 43, la France est une société relativement féminine (avec notamment soncélèbre système de sécurité sociale, ses 35 heures de travail hebdomadaire et ses 5 semainesde congés payés par an). La compétition parmi des collègues de travail n'est pas favorisée, lessociétés féminines ont plus de sympathie pour les opprimés. Les signes matériels de succès111 Bollinger D. et Hofstede G. (1992), les différences culturelles dans le management, les éditionsd’organisation, page 82.112 Op.cit., page 88.113 Op.cit., page 125114 Op Cita, page 137322


(tape-à-l'œil) ne devraient pas être trop visibles. Le management devrait être de soutien et ledialogue devrait aider à résoudre des conflits.Le Maroc, avec un score de 53 sur cette dimension, est une société plutôt masculine. Lesmanagers sont puissants et décisifs, l'accent est mis sur la compétition et la performance.Le contrôle de l’incertitude. Devrions-nous essayer de contrôler l'avenir ou le laisser justearriver ? Il s’agit du degré de tolérance qu’une culture peut accepter face à l’inquiétudeprovoquée par des événements futurs ; si la tolérance est faible, le contrôle est fort et viceversa 115 .Le score de la France est très élevé sur cet indice (86). Ainsi, dans l’entreprise, la planificationest favorisée, les règles et la sécurité sont les bienvenues et leur manquement crée du stress.Le Maroc (score de 68) est une société préférant éviter l'incertitude. Pour Hofstede, cessociétés ont tendance à maintenir des codes rigides de croyance et de comportement pouréviter l’incertitude. Dans ces cultures, il y a un besoin émotionnel de règles (même si lesrègles ne semblent jamais marcher) le temps, c'est de l'argent, les gens ont une forte envieintérieure d'être occupés et de travailler dur, la précision et la ponctualité sont la norme et lasécurité est un élément important dans la motivation individuelle.Orientation à LT. Il s’agit, dans cette dimension, d’examiner le degré auquel une sociétémontre une orientation d'avenir pragmatique plutôt qu'un point de vue à court terme historiqueet conventionnel.IX. Avec un score de 39, la France est une société orientée à court terme. Cela signifie ungrand respect de la tradition aussi bien qu'un besoin de normes. Dans l’entreprise, cetteorientation à court terme implique la valorisation des résultats à CT (trimestriels parexemple). La consommation est dictée par la satisfaction immédiate et une sensibilité auxtendances sociales. L'épargne n’est pas la règle. Le management y est basé surl'accomplissement personnel et on y juge le travail des managers sur des résultats à courtterme.X. Le site web d’Hofstede ne fournit pas d’évaluation du Maroc sur cette dimension.2. MéthodologieUne enquête par questionnaire a été administrée par courriel auprès de 78 étudiants inscrits enMasters 2 de sciences de gestion en 2011-2012 d’une université française. Sur ces 78questionnaires diffusés, 50 questionnaires ont été retournés soit un taux de réponse de64,10%. Le même questionnaire a aussi été diffusé auprès de 250 étudiants inscrits, la mêmeannée, en Masters 2 de la même section, d’une université marocaine et 200 questionnaires ontété retournés soit un taux de réponse de 80% (taux de réponses global : 72,05%). Sur les 250questionnaires ainsi collectés, 151 ont pu être exploités, du fait notamment de la suppressiondes nationalités autres que françaises et marocaines.Figure 2 – Répartition des deux échantillons par sexe115 Op Cita., page 103.323


100%80%60%40%HOMMESFEMMES20%0%FranceMarocFigure 3– Répartition des répondants par type de diplôme (en pourcentage)12,504,8615,28MarketingRH15,9713,1938,19Administration desEntreprisesTourismeFinanceLa première partie du questionnaire porte sur la notoriété et la participation aux RS. Laseconde partie s’intéresse à l’utilisation des RS dans un cadre professionnel alors que ladernière partie permet de dresser le profil du répondant, à la fois sur des critèressociodémographiques (âge, genre, nationalité, situation professionnelle) et sur des critèrespsychographiques, comme la connaissance subjective à l’égard du web 2.0. L’expertisedéfinie comme « the possession of a large body of knowledge and procedural skill » (Chi,Glaser et Rees, 1982) est un construit multidimensionnel comprenant la familiarité à l’égardde la catégorie de produit – qui résulte de l’expérience accumulée avec le produit (Alba etHutchinson, 1987) et de la connaissance du produit. La connaissance comprend unedimension subjective – ce que le consommateur croît savoir – et une dimension objective – cequ’il sait réellement – (Alba et Hutchinson, 2000). Dans notre étude empirique, laconnaissance subjective est mesurée à l’aide d’une échelle composée de quatre items. Cetteéchelle a déjà été utilisée dans différents contextes : pour mesurer la connaissance de lamarque (Korchia, 2004), la connaissance à l’égard du vin (Auteur, 2010) et la connaissance àl’égard du web 2.0 (Auteurs, 2012 a et b).Pour cette étude empirique, les plates-formes de RS retenues sont soit professionnelles(LinkedIn et Viadeo) soit généralistes (Facebook). Il s’agit des plates-formes les plusreprésentatives de ces deux sphères (tableau 1).Tableau 1 – Caractéristiques des RS retenus pour l’étudeCaractéristiques LinkedIn Viadeo Facebook (FB)Date et lieu de création 2003 2004 2004324


Californie(coté en boursedepuis mai 2011)FranceEtats-Unis(coté en boursedepuis mai 2012)Orientation Professionnelle Professionnelle GénéralisteChiffre d’affairesAudiencemillionsmembresendeMonde2012)FranceMaroc(début522,2 millions dedollars (2011)50 millionsd’euros(2011)*135 40 9003(janvier 2012)Données non disponibles4,5(janvier 2012)* Estimation selon Le Figaro (http://www.lefigaro.fr/), publié le 11 avril 2012.3. Résultats de la recherche3,71 milliards dedollars (2011)25(janvier 2012)4(fin 2011)Notoriété et appartenance. Sans surprise, Facebook est crédité de la plus grande notoriété(100% en France et 99,3% au Maroc), devant Viadeo (92,9% et 74,5%) et LinkedIn (90,5%,58,2%). En ce qui concerne l’appartenance, Facebook et Viadeo se dégagent nettement, avecpour Facebook 92,9% pour la France et 92,7% pour le Maroc et pour Viadeo 50% pour laFrance et 40% pour les répondants marocains (tableau 2). Ce sont également ces deux platesformesqui présentent les plus fortes anciennetés, en termes d’appartenance.Tableau 2 – Notoriété et participation aux RS par nationalité 116Notoriété assistée(en pourcentage)Appartenance(en pourcentage)Ancienneté(en mois)France Maroc France Maroc France MarocFacebook 100 99,3 92,9 92,7 43,85 40,68Viadeo 92,9 74,5 50 40 11,15 22,10LinkedIn 90,5 58,2 40,5 15,5 15,82 12,24Tableau 3 – Notoriété et participation aux RS par sexe 117Notoriété assistée(en pourcentage)Appartenance(en pourcentage)Ancienneté(en mois)Hommes Femmes Hommes Femmes Hommes FemmesFacebook 100 98,5 94,3 91,6 43,14 40,27Viadeo 82,9 76,8 51,4 35,4 18,09 18,04LinkedIn 77,1 58,5 28,6 17,1 18,75 7,29La notoriété, l’appartenance et l’ancienneté (hormis Viadeo) sont plus élevés chez lesrépondants masculins.Les comparaisons par diplômes ne sont pas exploitables du fait du faible nombred’observations pour certains d’entre eux (entrepreneuriat : aucun membre de LinkedIn et un116 Différences significatives : - notoriété Viadeo : khi-2 = 6,278 p < 0,05 (p = 0,012) pour1 ddl - notoriétéLinkedIn : khi-2 = 14,36 p < 0,05 (p = 0,012) pour1 ddl - appartenance LinkedIn : khi-2 = 10,959 p < 0,01 (p =0,001) pou r1 ddl - ancienneté Viadeo : différence moyenne de 10,9 mois (supérieure pour les répondantsmarocains) t = - 3,434 pour 59 ddl (p < 0,01)117 Notoriété LinkedIn : khi-2=5,922 p < 0,05 (p = 0,015) pour1 ddl - appartenance Viadeo : khi-2 = 3,981p


seul membre de Viadeo). Pour FB, RS pour lequel les observations sont plus nombreuses, iln’y a pas lieu de distinguer selon le diplôme.Utilisation des RS pour la recherche d’emploi 118 . Pour les étudiants français, Viadeoapparaît comme le réseau le plus utilisé : 45,2% des répondants l’ont utiliséoccasionnellement ou systématiquement, suivi de LinkedIn (31%). Le recours à FB (19,1%)est beaucoup plus modéré pour les futurs diplômés français. Les étudiants marocains, quant àeux, utilisent majoritairement FB (58,2%). Viadeo arrive en seconde place (32,4%), et enfin,LinkedIn est crédité de 9,8% des réponses de l’échantillon marocain.Les différences hommes femmes ne sont pas significatives.Pour ce qui est du diplôme, dans un contexte de recherche d’emploi ou de stage, les étudiantsen Master 2 Management des Ressources Humaines (MRH) et Master 2 Tourisme utilisentbeaucoup plus FB que les autres. Dans un contexte de recrutement, Viadeo est surtout utilisépar les étudiants en MRH, Administration des Entreprises (AE) et Marketing (mais dans unemoindre mesure pour ces derniers).Tableau 4 – Appartenance aux RS par diplômeMarketing MRH AE Tourisme Finance EntrepreneuriatKhi-2LinkedIn 31,8 9,1 36,9 5,6 20 0 NsFacebook 27,2 69,1 21 73,9 16,7 28,6 Khi-2 = 54,7215 ddl - P< 0,001Viadeo 40,9 56,4 42,2 11,2 6,7 14,3 Khi-2 = 28,6915 ddl - P< 0,05Lorsque les RS sont utilisés dans le cadre de la recherche d’emploi, il s’agit essentiellementd’une prise de contact avec des personnes en poste dans les entreprises ciblées (46%) et, dansune moindre mesure, de réponses à des offres d’emploi au sein des RS (44,4%). Pour la naturede l’utilisation, une distinction peut être opérée selon le diplôme mais uniquement pour laréponse à des offres publiées sur les RS : les étudiants en Tourisme utilisent d’avantage lesRS pour répondre à des offres que les autres (77%). Les étudiants de MRH également maisdans une moindre mesure. Il n’y a pas lieu de distinguer selon la nationalité et le sexe.Plus de 70% des répondants pensent que les RS constitueraient une aide à la recherched’emploi ou stage (principalement les étudiants en MRH, Tourisme et finance). Cetteproportion se monte à 84,3% des répondants marocains. Cela s’expliquerait par un plus grandoptimisme de ces étudiants ou par une plus grande efficacité des RS au Maroc.Acceptation de son patron comme « ami » dans un RS une fois embauché. Une foisrecrutés, les candidats marocains ont une plus forte propension à répondre favorablement àune invitation de leur patron à être leur « ami » dans les RS (Figure 4). Les jeunes françaisfont en revanche preuve de prudence. Ils sont 82,5% à répondre « non, certainement pas » ou« non, probablement pas ». Il n’y a pas lieu de distinguer entre hommes et femmes.Comme nous l’avions signalé plus haut, le Maroc est une société communautaire. Dans cessociétés, les relations d'employeur/salarié sont perçues en termes moraux (comme un lienfamilial) et l’empiètement sur la vie privée est considéré comme tout à fait normal, alors quele souhait de garder un espace de vie privée est un droit pour les sociétés individualistes.118 Les tests du khi-2 ont été réalisés pour toutes les modalités de réponse mais les pourcentages présentés dansles tableaux de synthèse ci-dessous reprennent uniquement les utilisations occasionnelle et systématique des RS(LinkedIn : Khi2 = 13,224, 3 ddl - p


Figure 4 – Acceptation de son patron comme « ami »100,0%80,0%60,0%40,0%20,0%0,0%17,5%France88%MarocOui probablement /Oui certainementNon certainement pas /Non probablement pasNous avons constaté des différences selon les diplômes (khi-2 = 65,97, 15 ddl, p


Tableau 6 – Répartition des répondants par nationalité- question : « En tant querecruteur, rechercheriez vous des informations sur les candidats : sur Internet engénéral ?»En tant que recruteur, rechercheriez vous des PourcentageTest khi-2informations sur les candidats : sur Internet en généralTotal France Marocnon certainement pas 9,2 % 4,8 10,9non probablement pas 20,4 % 21,4 20oui probablement 51,3 % 28,6 60oui certainement 19,1 % 45,2 9,1Khi-2 =27,9443 ddl, p


oui probablement 54,5% 65,5% 36,8% 47,8% 61,1% 42,9%oui certainement 18,2% 18,2% 52,6% 26,1% 5,6% ,0%Connaissance objective et subjective à l’égard des RS et du web2.0. Si les répondantsdéclarent un niveau de connaissance subjective relativement élevé à l’égard du web 2.0quelques questions de connaissances objectives mettent au jour un décalage entre ce qu’ilscroient savoir et ce qu’ils savent réellement. Ces questions portaient sur la nature desinformations publiées dans les RS et sur les droits des employeurs vis-à-vis des contenus etdes conversations entre « amis ».L’idée est largement répandue que l’employeur n’a pas le droit d’utiliser :- les informations publiées dans les RS par les salariés (81,5%) 17 ;- les conversations privées des salariés au sein des RS (82,9%) Q10.2 18 ;Il n’y a pas lieu de distinguer selon les hommes et les femmes. En revanche, il y a un effetsignificatif de la nationalité (tableau 9).Tableau 9 - Proportion des répondants en désaccord avec l’utilisation des informationset conversations sur les RSFrance Maroc Khi-2Q10.1 119 « pas du tout d’accord » et 64,3% 88,2% Khi-2 = 20,867, 3 ddl« plutôt pas d’accord »Q10.2 120 « pas du tout d’accord » et« plutôt pas d’accord »P


A la question, « Selon vous, les informations publiées sur un profil dans Facebook, Viadeo,LinkedIn ou toute autre plate-forme de RS sont des informations de nature publique, c’est-àdireaccessibles à tous les autres membres inscrits ? », les réponses confirment les résultatsobservés pour la question précédente. Les étudiants marocains ne sont pas du tout d’accord oupas d’accord à 54% contre 67% des français.Par ailleurs, au niveau de la connaissance subjective et objective, les hommes ont un niveaude CS à l’égard du web 2.0 supérieur à celui des femmes (tableau 10).Tableau 10 – Connaissance subjective par sexe 123N Moyenne Ecart-typeHommes 69 2,84 0,61Femmes 82 2,62 0,68Concernant le diplôme, la formation suivie a un effet sur le niveau de CS. Les étudiantsinscrits en Marketing ont un niveau de CS supérieur par rapport aux étudiants inscrits dansd’autres formations de gestion (tableau 11).Tableau 11 – Connaissance subjective par diplôme 124N Moyenne EcarttypeMarketing 22 2,98 0,617 >MRH 55 2,37 0,562 Tourisme 23 3,098 0,537 >Finance 18 2,72 0,776 =entrepreneuriat 7 2,82 0,534 >144 2,70Enfin, la nationalité n’a aucun effet sur le niveau de CS 125 .Position par rapport à lamoyenneAfin de vérifier s’il existe une correspondance entre la connaissance subjective (CS) et laconnaissance objective (CO) envers le web2.0, une analyse typologique a été réalisée. Dansun premier temps, une analyse hiérarchique, à l’aide de la méthode de Ward, a permis dedéterminer le nombre de classes, soit trois. Pour cela nous avons utilisé trois items permettantd’évaluer la CO vis-à-vis des RS :1) « votre employeur est en droit d’utiliser contre vous des informations publiées sur votreprofil au sein d’un RS »,2) « votre employeur est en droit d’utiliser contre vous des conversations avec d’autresmembres au sein d’un RS »,3) « les informations publiées au sein des RS sont de nature publique ».Les réponses à ces trois questions se faisaient sur une échelle d’accord de 1 (pas du toutd’accord) à 4 (tout à fait d’accord). Plusieurs analyses identiques réalisées à l’aide123 Méthode : test t, comparaison de moyennes sur échantillon indépendant ? t = 1,98 ; p < 0,05 ; 149 ddl.124 Méthode : Anova 1 facteur avec test de comparaisons multiples de moyennes.125 Hypothèse : les étudiants français ont un niveau de CS à l’égard du web 2.0 supérieur à celui des étudiantsmarocains, non validée. Méthode : test t, comparaison de moyennes sur échantillon indépendant. La différencen’est pas significative (p > 0,5) ; Moyenne France = 2,78 ( = 0,58) N = 42 ; Moyenne Maroc 2,70 ( = 0,70) N= 109.330


d’échantillons générés aléatoirement sur la base de l’échantillon complet ont confirmé lenombre de classes comme étant égal à trois.Pour définir le profil de chaque groupe, une analyse en nuées dynamiques a ensuite étéconduite. La première classe regroupe des individus qui ont une bonne CO en matière d’usagegénéral des RS mais une mauvaise CO en matière d’usage professionnel. Ils sont au courantdu fait que les informations sont de nature publique mais sont convaincus que l’employeur nepeut pas les utiliser à leur encontre. La deuxième classe est composée d’individus qui ont lameilleure CO des RS mais leur connaissance dans le cadre d’un usage professionnel estsupérieure à celle d’un usage plus général. Cette classe présente la plus faible taille avec 22 %des répondants. La troisième classe, réunit le plus grand nombre d’individus (plus de 50 %). Ils’agit de personnes qui ont une faible connaissance tant de l’usage général que de l’usageprofessionnel des RS (tableau 12).Tableau 12 – Profil de chaque classe (centre de classes après itérations)1) « Votre employeur est endroit d’utiliser contre vous desinformations publiées sur votreprofil au sein d’un réseausocial »2) « Votre employeur est endroit d’utiliser contre vous desconversations avec d’autresmembres au sein d’un réseausocial »3) « les informations publiées ausein des réseaux sociaux sont denature publique »EffectifTeststatistique FF = 124,44(p


classes 1 et 3 alors qu’on observe un équilibre entre Français et Marocains dans la classe 2.De même, il y a lieu de distinguer selon le diplôme préparé. Les étudiants en RH sont plusnombreux dans les classes 1 et 3 alors que la classe 2 réunit majoritairement des étudiantsinscrits dans un master généraliste en gestion (AE) et, dans une moindre mesure, enMarketing (Tableau 12).4. Discussion et ConclusionLa discussion générale des résultats est suivie des implications, essentiellement en termesmanagériaux, étant donné qu’aucune hypothèse de recherche n’avait été formulée a priori.Des voies de recherche seront ensuite proposées. Certaines d’entre elles permettront de leverles limites qui entachent la validité externe de cette étude.4.1. Discussion généraleCertains répondants (principalement marocains) font preuve d’une méconnaissance des droitsdes employeurs. Ils pensent majoritairement que ces derniers ne peuvent pas utiliser lesinformations privées de leurs salariés, en France, comme cela à déjà été rappelé supra, deslicenciements ont déjà eu lieu sur la base d’informations issues des RS.On ne peut nier ni l'intérêt, ni l'utilité des RS : ils sont particulièrement bénéfiques et efficacespour aider les personnes en recherche d'emploi à combattre l'isolement, à se rendre plusvisibles, et augmenter leur chance d'embauche. Cependant, avocats, psychologues etprofessionnels des RH s'entendent à recommander prudence et bonne mesure dans l'emploi decet outil incontournable.Avec les RS, les barrières entre vie publique et vie privée sont encore plus poreuses. L'accès àune vie privée éventuellement étalée sur FB, par exemple, est possible pour tous. Cesbarrières sont de toute façon de plus en plus difficiles à déterminer : le travail au forfait/jourpour les cadres et les commerciaux, le télétravail qui séduit de plus en plus, la fourniture detéléphones, smartphones et d’ordinateurs portables professionnels sont quelques exemplesqui illustrent l'élasticité du temps et du lieu de travail pour bon nombre de salariés.4.2 Implications managérialesCes résultats montrent qu’il est nécessaire d’informer les étudiants sur les utilisationspossibles de toutes les informations qu’ils publient au sein des RS. Cette remarque vautégalement pour les enfants qui investissent les RS, dès leur plus jeune âge.Au sein des entreprises, il semble nécessaire de rédiger une charte, en interne ou de manièrecollective, à destination des DRH, comme il en existe déjà une pour les consultants enressources humaines (collectif « A compétences égales »). Ce code déontologique devraitdéfinir les limites de ce qu’il est acceptable de faire ou de ne pas faire dans l’utilisation desinformations personnelles publiées dans les RS, par les salariés et par les futurscollaborateurs.4.3. Limites et voies de rechercheLa principale limite tient à l’utilisation d’échantillons de convenance. Les répondants sonttous inscrits en deuxième année de Master en gestion ce qui peut créer un biais dans lesrésultats obtenus. Cela rend difficile une généralisation à l’ensemble de la génération Y.La seconde limite est de nature méthodologique. La taille des échantillons diffère entreétudiants français (78) et marocains (151). De même, certaines disciplines de la gestion sontabsentes de l’échantillon français (tourisme et entreprenariat). La prudence s’impose en ce quiconcerne les résultats de la typologie. En effet, la surreprésentation des étudiants marocains etde certains diplômes dans l’échantillon peut être à l’origine de biais quant au profil332


« sociodémographique » de chaque classe. Ces limites pourront être levées par uncomplément de collecte. L’étude sera étendue à un public plus varié de jeunes diplômés engestion et au-delà de la gestion (profil d’ingénieurs par exemple) afin de conforter les résultatsobtenus.Il serait intéressant aussi d’étendre l’étude auprès de jeunes salariés. Ces derniers pourraientnous exposer l’impact qu’a pu avoir le web 2.0 sur leur démarche de recherche d’emploi et derecrutement. Cette étude permettrait également de mieux appréhender la portée des RS dans lecadre du travail comme facilitateur des relations sociales ou au contraire dans le cas où cesderniers poseraient des problèmes au niveau des rapports avec la hiérarchie ou les collègues etde faire ressortir les dimensions culturelles qui peuvent expliquer ces différences decomportements.BibliographieAlba J. W. et J.W. Huchinson (2000), Knowledge calibration: What consumers know andwhat they think they know; Journal of Consumer Research, 27 (September) 123-155.Alba J. W. et J.W. Hutchinson (1987), Dimensions of Consumer Expertise, Journal ofConsumer Research, 13 (March) 411-454.Auteur (2010), Le Marketing, Edition Gualino.1. Auteur (2011), Le E-Marketing À L'heure Du Web 2.0, Edition Gualino.Auteurs (2012a), Intégration des médias sociaux dans les stratégies de recherche d’emploi etde recrutement : quelle compatibilité avec la vie privée ? Revue Française de Gestion, àparaître, n°225, juin.Auteurs (2012b), Les jeunes, les recruteurs et les réseaux sociaux, Revue Personnel, numérospécial : DRH : ce que les jeunes attendent de vous. N°528, avril.Balagué C. et D. Fayon (2010), Facebook, Twitter et les autres… Intégrer les réseaux sociauxdans une stratégie d’entreprise, Edition Pearson, Collection Village Mondial.Bollinger D. et Hofstede G. (1992), Les différences culturelles dans le management, leséditions d’organisation.Chi M., R. Glaser et E. Rees (1982), Expertise in problem solving, in K. J. Sternberd (ed.),Advances in The Psychology of Human Intelligence, Vol. 1, Hisdale, NJ: Laurence ErlbaumAssociates.Coupland D. (1991), Generation X: Tales for an Accelerated Culture, New York, St. Martin.Florès L. (2008), Web 2.0 : des études ayant du répondant, Décisions Marketing, 50, Avril-Juin, 79-82.Korchia, M. (2004), The Effects of Brand Associations on Three Constructs, Proceedingsfrom the 30th EMAC Conference, Murcia, Spain.Lancelot-Miltgen C. (2008), Online consumer privacy concerns: an experimental approach,International Journal of Networking Virtual Organizations, vol. 6, n° 6.O’Reilly T. (2005), What is web 2.0? Design Pattern and Business Models for the nextgeneration of software, 30 septembre 2005, adaptation française de Guillaud R.http://wwwinternectactu.net/?p=6144Tannier X. (2010), Se protéger sur Internet, conseils pour la vie en ligne, Edition Eyrolles.Wang H. et Wang C. (1998), Consumer privacy concerns about internet marketing,Communication of the ACM, vol. 41, n° 3, 1998, p 63-70.333


Les contoursdu triptyqueégalité, non-discrimination et diversitéNathalie MONTARGOT (Université de Cergy) et Jean-Marie PERETTI (IAE de Corse)Résumé :La notion de diversité met en perspective la définition du collectif, et plus largement, durapport à la différence dans une communauté. L’étude des «différences» renvoie à l’usage detrois termes distincts : égalité, non-discrimination et diversité. Ces trois notions fondamentalespour affirmer le rôle et la place de chacun dans la société sont le point de départ de notrerecherche. Nous communication a pour but de mettre en perspective ce triptyque fondamentalet d’analyser le discours de ceux, qui en entreprise, sont chargés d’implémenter les politiquesde promotion de la diversité. Notre ambition est d’appréhender la façon dont les entreprisess’approprient ces trois notions. Quelles différences, quelles articulations perçoivent-ils entreces concepts ?Une première partie, met en évidenceles différences de paradigmes. Ainsi, lefondement républicain de l’égalité et l’approche plus récente de la non-discrimination et de ladiversité seront étudiées, tout comme différentes approches internationales. La deuxièmepartie restitue les principaux résultats d’une enquête conduite auprès de 15 responsables de ladiversité au sein de groupes de secteurs différents. Les groupes retenus ont un effectif comprisentre 8 000 et 400 000 collaborateurs et une présence marquée à l’international. LesResponsables de la Diversité nous révèlent leur perception des contours du triptyque, sesliens, ses articulations. Les résultats montrent que la diversité est perçue comme évolutive,proactive et souple et qu’elle permet de conjuguer performances économiques et éthique.Pourtant, pour les managers interrogés, une politique de promotion de la diversité ne pourraits’implémenter sans un socle solide. Ce fondement a donc pour base la non-discriminationperçue comme un préalable nécessaire mais largement insuffisant. Enfin, une notion apparaitmoins consensuelle : la notion d’égalité. Où placer le curseur ? Quel terme utiliser ? Egalitédes chances, égalité de traitement, équité ? Les avis divergent, les responsables s’interrogent.Pour certains, l’égalité de traitement, même assurée à tous les stades du processus de gestiondes ressources humaines ne permettrait pas d’assurer une vraie politique Diversité. Elle seraitinsuffisante pour lutter efficacement contre les processus discriminants toujours en œuvredans notre Société.Mots clés : Egalité, Non-discrimination, Diversité, Responsables de la Diversité, discours334


Les contours du triptyqueégalité, non-discrimination et diversitéLa notion de diversité met en perspective la définition du collectif et plus largement, durapport à la différence dans une communauté. L’étude des «différences» renvoie à l’usage detrois termes distincts: égalité, non-discrimination et diversité. Ces trois notions sont le pointde départ de notre recherche. En effet, les valeurs d’égalité, de non-discrimination et dediversité sont fondamentales pour affirmer le rôle et la place de chacun dans la société. Dansun monde parfait, accepter les différences, trouver une place dans la société pourraientsembler naturel. Il n’en est rien. L’idéal du vivre ensemble n’est jamais atteint spontanémentet suppose une permanence des efforts, un cadre, une démarche pour faciliter la coopération etl’inclusion. En France, pour refléter la réalité sociale, il faudrait ainsi pouvoir tenir compte« du caractère pluriethnique de la société française, des enjeux minoritaires, des phénomènesde ségrégation et de discrimination ethno-raciale » (Doytcheva, 2010).Notre communication a pour but de mettre en perspective les contours de ce triptyqueetd’analyser le discours de ceux, qui en entreprise, sont chargés d’implémenter les politiques depromotion de la diversité.Cette communication tente de montrer que ces concepts ne sont passubstituables. Ils s'inscrivent en effet dans des paradigmes bien distincts. La conception de lalutte contre les discriminations développée en France s'appuie en effet sur le principe del'égalité de traitement, tandis que les politiques de diversité renvoient eux à une valorisationdes caractéristiques individuelles. Notre ambition est d’appréhender la façon dont lesentreprises s’approprient ces trois notions. Quel est le discours des responsables de ladiversité à cet égard ? Quelles différences, quelles articulations perçoivent-ils entre cesconcepts ?La première partie, éclairera les éléments de contextes historiques qui permettentune compréhension de ces notions. Nous mettrons ainsi en évidence la différence deparadigmes entre le fondement républicain de l’égalité et l’approche plus récente de la nondiscriminationet de la diversité. La deuxième partie, nous permettrade restituer lesprincipaux résultats d’une enquête conduite auprès de 15 responsables de la diversité au seinde groupes de secteurs différents. Ces managers nous révèlent leur perception des contours dutriptyque, ses liens, ses articulations, ses failles. Les résultats montrent que la diversité estperçue comme évolutive, proactive et souple et qu’ellepermet de conjuguer performanceséconomiques et éthique. Elle ne pourrait cependant pas être mise en œuvre sans un socle fortconstitué par la non-discrimination qui apparaît nécessaire mais non suffisant. Enfin, la notiond’égalité semblemoins consensuelle, car où placer le curseur ? Egalité des chances, égalité de335


traitement, équité ? Les avis divergent, les responsables s’interrogent et nous livrent leurressenti.Afin de mieux appréhender dans un premier temps les enjeux des notions de diversité, nondiscriminationet égalité, nous proposons de revenir aux sources etde nous fonder sur deséléments contextuels.1. ELEMENTS DE CONTEXTES HISTORIQUESAfin de définir de manière pertinente le triptyque étudiénous proposons d’adopter uneapproche historique.En préambule, nous pouvons noter que contrairement à la discrimination,aucun texte juridique ne définit la diversité qui «renvoie à l’ensemble des caractéristiquespersonnelles, sociales et organisationnelles qui participent à la construction de l’identité et dela personnalité des individus. Derrière ce terme, se cache donc la capacité de l’organisation àtraiter de l’altérité dans ses ressemblances mais aussi dans ses différences et spécificités»(Cornet et Warland, 2008).En France, la diversité est une notion relativement récente et encore floue. À chaqueorganisation son point d'entrée, même si nous savons que les programmes de gestion de ladiversité se focalisent principalement sur quatre grands axes : égalité professionnelle (genre),âge, handicap et origine ethnique (Zannad et Stone, 2009).Nous proposons doncdecontextualiser ces notions en envisageant, dans un premier temps, la vision française,républicaine, égalitaire et centralisatrice pour ensuite envisagerla vision anglo-saxonne fondéesur le communautarisme et la reconnaissance des différences.1.1 Un des fondements de la république française : le principe d’égalité de traitementLes principes fondamentaux de la République française sont énoncés sur tous les frontons :« Liberté, Egalité, Fraternité ». Ils se traduisent par des droits politiques et sociaux, reconnusaux citoyens par les différents régimes républicains qui se sont succédés.1.1.1 Les textes fondateurs du vivre ensemble à la françaiseLe socle républicain reconnaît les droits fondamentaux individuels et prohibe lesdiscriminations. Inspirés par les philosophes du siècle des lumières, différents textesrappellentle principe universel d’égalité. Ainsi, l’article 1er de la constitution de la 5 èmeRépublique, stipule que « La France est une République indivisible, laïque, démocratique etsociale. Elle assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, derace ou de religion. Elle respecte toutes les croyances ». L’égalité a donc pour fondement uneégalité de traitement garantie par la République. L’affirmation de ce principe a pour objectifde contribuer à la cohésion sociale et de favoriser l’amélioration de la condition des plusdémunis. L’unité de la Nation ne se fondepas donc pas sur des différences communautaires,336


c’est l’égalité de traitement républicaineest chargée de transcender les différences.Malheureusement, sans traductiondans le droit positif, l’égalité est un leurre et lesdéclarations d’intentions égalitaires ne permettent pas dans la réalité de faire avancer uneSociététout entière vers l’égalité. Qu’en est-il de la lutte contre les discriminations ? Permetellede rétablir une égalité ? D’emblée, nous remarquons qu’en France, ces questionsont étéintroduites de façon beaucoup plus récente que dans les pays anglo-saxons.1.1.2 La lutte contre les discriminations, une compétence communautaireDiscrimination vient du latin discriminatio qui signifie séparation et comme le souligneLegault M.J. (2002), il en est question « lorsque les membres d’un groupe cible, àcompétence équivalente, ont des possibilités d’emploi inégales, des revenus moins élevés, desperspectives d’avancement limitées et sont proportionnellement moins nombreux ou absentsde certains emplois».Depuis la signature du traité d’Amsterdam en 1997, la lutte contre les discriminations estdevenue une compétence communautaire.Pour autant, malgré les principes affirmés de luttecontre les discriminations, nous constatons que la prise en compte de certainescaractéristiques est un sujet encore sensible en France.1.1.3 Une approche française frileuse avec les notions de minorités ethniques et racialesEn France contrairement aux USA et au Royaume-Uni, les questions d’égalité et de diversitéont été appréhendées récemment. Pour Kachoukh, Maguer et al. (2011), « l’histoire duprincipe d’égalité est traversée par l’affrontement de deux conceptions, l’uneattachée àl’abstraction généraliste de ses fondements initiaux, considérant que l’universalité est unensoi, qu’elle saisit et englobe à elle seule l’idée d’égalité, l’autre sensible au caractèrefortementdifférencié, hétérogène et inégal des réalités humaines et sociales, plaidant pour laprise en comptedes différences de situation, sous la triple réserve que la différence detraitement soit objective,nécessaire au but poursuivi, justifiée par la différence desituation ».Dès lors, est-il envisageable pour la France de prendre exemple sur les Etats-Uniset d’adopter des mesures de rattrapage ciblées ? Pour Bender, Klarsfeld et Laufer (2010) quiexaminent la situation française, les « affirmative actions » ne peuvent exister en France pourdes raisons à la fois culturelles et juridiques.Pour Cornet (2008), il peut toutefois exister unedérogation au principe d’égalité. «La lutte contre les inégalités peut passer par unedifférenciation des droits dès lors que l’intérêt général résultant de l’objectif de réduction desinégalités rend juridiquement possible une dérogation raisonnable apportée au principed’égalité des droits ».Force est de constater que les approches de la diversité et de la lutte337


contre les discriminations sont différentes selon les cultures et zones géographiques. AuxEtats-Unis, la diversité est un processus qui tente de mettre fin à des épisodes d’esclavagismeet de ségrégation. Différentes mesures tentent de « réparer » les traitements discriminatoiresenvers les minorités raciales. Elles font référence à une vision sociale et politique particulière,que l’on pourrait décrire comme une volonté de rééquilibrage vis-à-vis de populationshistoriquement etlégalement discriminées.Nous allons maintenant examiner une des voiesprises, la voie anglo-saxonne.1.2 Une approche anglo-saxonne fondée sur le communautarisme et la reconnaissancedes différencesLa question de la lutte contre les discriminations est abordée de longue date selon deux axes :l’égalité hommes/femmes, d’une part, l’origine « ethnique » d’autre part. Cette approchetranche avec le modèle français.1.2.1 L’émergence des politiques en faveur de l’égalité des chances aux Etats-Unis dansles années 60Les politiques d’égalité des chances sont issues des revendications des mouvementsd’émancipation de groupes socialement défavorisés, aux États-Unis et de manière plusinstitutionnalisée au Canada. Dès les années 60, la politique d’égalité des chances (EqualEmployment Opportunity) a instauré des procédures visant à enrayer les discriminations ausein des entreprises. Dans les années 70, le mouvement d’Affirmative action, s’attache àinstaurer des mesures plus volontaristes. L’objectif est de bannir toute discrimination etd’assurer des opportunités d’emploi équitables pour tous les individus, sans distinction derace, de couleur, de religion, d’origines nationales, ethniques, de sexe ou de handicap. Ladiscrimination positive ne consiste donc pas à fixer des quotas mais à s’employer à ce qu’ungroupe atteigne une «masse critique ». L’enjeu est une égalité de fait, visible dans lesrésultats » Bender (2004).Pourtant, les politiques d’égalité des chanceset d’affirmative actionvont marquer le pas dans les années 80.1.2.2 L’évolution vers la notion de diversitédes années 80Plusieurs facteurs ont concouru à changer de paradigme et à valoriser les caractéristiquesindividuelles. C’est sous l’ère du Président Reagan débutant en 1981, que le glissement s’estopéré. Dans le contexte des années 80, le poids économique croissant des minorités ethniqueset des femmes (deux tiers des nouveaux arrivants sur le marché du travail) est marqué par unediversité ethnique et culturelle de plus en plus prononcée.338


Au-delà de la correction d’un déséquilibre, il s’agit désormais de s’interroger sur l’intégrationet la mise en valeur de ces différences dans l’entreprise. Pour Bender (2004), « une nouvelleproblématique managériale, dénommée gestion de la diversité, émerge, susceptible, auxyeuxde ses promoteurs, de mieux concilier enjeux économiques des entreprises et enjeuxsociaux ». A des mesures quantifiées d’affirmative action, une version plus managérialeapparaît, pour laquelle « l’argument de réparation » est mis au second plan.1.2.3 Le glissement sémantique de la notion de non-discrimination à la notion de gestion dela diversitéPour Bereni (2009), «le travail d’adaptation de la diversité à la grammaire managériale s’estd’abord traduit par l’effacement symbolique des connotations juridiques et militantesinitialement dominantes dans la définition de l’antidiscrimination et jugées à la fois trop« rigides » et « ringardes » dans le monde de l’entreprise ».Certains mots ont ainsi quasimentdisparus des discours, « racisme », « sexisme », « homophobie » ont été inclus dans unesphère plus large et consensuelle qui finalement « gomme la figure du perpétrateur desdiscriminations » Groupes discriminants et discriminés sont donc absents des discours(Bereni, 2009). Pour Bender (2007), une certaine confusion peut donc rendre la démarcheambigüe. « Les principes mêmes et les pratiques de la gestion de la diversité soulèvent desinterrogations. Il est à craindre la perte de vue des objectifs d’égalité. Nous l’avons compris,la notion de diversité a pris une base plus large que celle des approches antidiscriminatoires.Elle s’est en quelque sorte éloignée des groupes ayant subi un préjudice historique. Le droit ades mesures de rattrapage pour « inclure » chaque citoyen, l’héritage historique et culturel ontété quelque peu été mis de côté.En conclusion, cette première partie nous a permis de contextualiser les contours des notionsd’égalité, non-discrimination et diversité.Notre seconde partie va nous permettre maintenantd’analyser les différentes perceptions du triptyque à travers une enquête conduite auprès deresponsables en charge de la promotion de la diversité.2. Analyse des discours de responsables de la diversitéLors de notre recherche, il a semblé intéressant de prendre comme terrain d’observation desgroupes qui ont choisi de promouvoir la diversité. Nous avons donc interrogéquinzeresponsables afin de connaître leur perception du triptyque égalité, non-discrimination etdiversité. Nous avons ensuite analysé leur discours.339


2.1 MéthodologieNotre enquête est qualitative. Nous souhaitions vérifier et approfondir les éléments identifiéslors de notre revue de littérature tout en permettant de mettre en évidence de nouvellesthématiques (Ghiglione et Matalon, 1978). Des entretiensont donc été menés jusqu’àatteindre le point de saturationGlaser et Strauss (1967). Nos critères étaient les suivants : lesgroupes retenus devaient avoir un nombre un effectif compris entre 8 000 et 400 000collaborateurs, ils devaient également être implantés à l’international et appartenir àdifférents secteurs d’activité. Nous avons sollicité 40 responsables de la diversité, de juin ànovembre 2011.La technique semi-directive a été retenue afin de recueillir les discours. Une grille d’entretienétablie, testée et validée, portait sur la justification d’une politique de gestion de la diversité,la nature des engagements ainsi que les priorités fixées par l’entreprise.Les entretiens ont été menés jusqu’à atteindre le point de saturation, soit quinze d’entretiensGlaser et Strauss (1967). Ils ont duré de 45 à 60 mn et ont fait l’objet d’une retranscriptionintégrale 24 heures au maximum après qu’ils aient été menés. Après 8 entretiens, une analysede mi-parcours a été menée qui a donné lieu à un premier pré-codage manuel Grawitz (1996).Notre connaissance du terrain et du contenu des entretiens nous a permis d’élaborer unepremière typologie « préliminaire », fondée sur notre observation. A partir de cette premièretypologie et en nous appuyant sur la retranscription intégrale de tous les entretiens, nousavons alors tenté de dégager un ensemble d’attributs propres à chaque typologie en nousappuyant sur la méthode dite « enracinée » Glaser et Strauss (1967). Afin de vérifier lapertinence de la typologie adoptée, nous avons essayé de classer le discours de chacun des 8responsables interviewés dans une des 3 classes identifiées.Afin de juger de la pertinence de notre segmentation nous avons demandé à un autrechercheur de tester notre typologie. Nous lui avons expliqué les attributs et les caractéristiquesde nos différentes classes. Une fois le protocole de codage défini, le même échantillon a étécodé indépendamment par les deux chercheurs. Suite à ce codage, un discours a fait l’objet dediscussion quant à son classement mais un consensus a fini par être trouvé. Nous avons doncpoursuivi nos entretiens jusqu’au point de saturation. Au total, 15 responsables de groupesappartenant à huit secteurs d’activités différents : Audit-conseil, Bâtiment-Travaux Publics,Banque-Assurance, Distribution, Energie, Hôtellerie-Restauration, Informatique et340


Télécommunications ont été interrogés. Nous précisons que ces groupes ontun effectifcompris entre 8 000 et 400 000 collaborateurs. Nous mettons à disposition en annexe A :lacomposition de l’échantillon et la nature des engagements et les axes prioritaires choisis parles groupes.Pour des raisons de confidentialité, demandées par les responsables eux-mêmes, nousnumérotons les groupes sans indiquer ni la taille, ni le nom de l’entreprise ou de la personneinterrogée. Nous reprenons le terme « responsable » sans indiquer le sexe du répondant. Seulle domaine d’activité reste disponible.2.2Présentation des résultatsLes résultats mettent en évidence des liens entre les notions que nous allons révélermaintenant.Les univers sémantiques nous permettent de formulertroisenseignementsprincipaux que nous allons détailler et illustrer par des extraits.2.2.1La diversité, une notion évolutive, proactivequi permet de conjuguer performanceséconomiques et éthiqueIl semble que la diversité soit ressentie comme une démarche souple, basée sur desengagements négociés ou unilatéraux, comme le formulent deux responsables représentatifsde l’échantillon.« C'est-à-dire que d’un côté, on va dire dans la promotion de la diversité onest plutôt dans une démarche volontariste, on va donner des coups de pouce, on va allerchercher la diversité faire de l’action positive, c'est-à-dire pas de la discrimination positivemais …à compétences égales effectivement, donner plus la chance donc à certaines personnesqui n’ont pas accès, qui ont moins de chance, qui ne sont pas au même niveau sur la ligne dedépart si on peut dire, mais qui ont quand même la compétence ou le potentiel ».Répondant2.« La diversité c’est un résultat euh…c’est une vision du monde, la promotion de la diversité…ça décrit la variété des profils quel que soit l’âge, le sexe , l’origine, la couleur de peau etc.mais il y a 3 petits points de suspension, il y a pas de définition de la diversité en tant quetelle, de définition juridique …ou complètement, je dirai actée donc c’est plutôt une vision dumonde, je parle de la promotion de la diversité c’est considérer que c’est une opportunité etque ça crée de la valeur pour l’entreprise, en termes RH, en termes ... vis à vis du client, visà-visde la performance d’entreprise donc on est sur une démarche beaucoup plusproactive ». Répondant 5.Pour les responsables, la diversité ne peut se concevoir sans une341


ase solide qui s’appuie sur la lutte contre les discriminations. Nous allons rendre compte deleur discours à cet égard.2.2.2 La non-discrimination perçue comme le volet défensif de la diversité : un soclenécessaire mais insuffisantPour l’ensemble des répondants, la lutte contre les discriminations est une base de travail, unpréalable qui permet de construire une politique ; comme l’illustrent trois extraitsreprésentatifs des discours. « La lutte contre les discriminations est le socle pour réussir unepolitique de diversité où toutes les différences sont valorisées ». Répondant 3.« Pour moi, lanon-discrimination, c’est en fait un préalable à la diversité ». Répondant 9. « Tout ce quiconcerne la discrimination doit être vu comme étant un angle d’attaque en interne pourmodifier en interne nos processus de fonctionnement ». Répondant 10.Le répondant 4 fait le lien également entre discrimination et inégalité. « La question dediscrimination est le côté négatif, il y a discrimination quand il y a inégalité de traitementbasée sur un critère illicite, ce n’est pas la performance qui est prise en compte maisl’origine, le genre.. ».Pour le répondant 11, la notion de discrimination est à clarifier. « Discriminations, je faisdeux distinctions : discrimination légale et au sens premier, traiter différemment quelqu’un enfonction de motifs. Et nous, on travaille dans la notion globale de la discrimination, on ne selimite pas à la loi. Si on se comporte différemment en fonction de la personne et de ce qu’ellereprésente, du coup il y a la discrimination légale. Mais le jour où la loi change, lespolitiques travailleront-ils sur ces choses ? Ce n’est pas clair ».La discrimination estégalement mise en opposition avec la notion de diversité, sur un plan juridique et stratégique.Ainsi, le répondant 2 affirme ainsi que « la discrimination, c’est plutôt un volet défensif, unvolet juridique. Ne pasexclure une personne, ne pas priver de l’accès à une entrée endiscothèque, à un emploi, à l’accès à la formation ». Globalement, les responsablesperçoivent que s’il est impératif de se conformer à la loi il faut aller bien au-delà pourpromouvoir une politique de promotion de la diversité. « La discrimination c’est traiterdifféremment en raison de critères cités par la loi de 2001, c’est juste interdit par la loi aucivil comme au pénal, la diversité c’est bien autre chose ».Répondant 7.Un autre responsables’interroge. La lutte contre les discriminationspeut-elle finalement aboutir à une diversité defait ? « Donc d’un côté, on a une vision du monde : la diversité, d’un autre côté on a plutôtune vision légale : la non-discrimination. On n’a pas une définition pour la diversité, c'est-àdireavec une limite définie de critères alors que dans la lutte contre les discriminations, on aune liste très précise des champs, des critères de discrimination. Alors après …on peut342


considérer qu’une politique de lutte contre les discriminations aboutie à une diversité de fait.Mais…il faudrait pour ça être dans un laboratoire et que ça se passe réellement et il faudraitdes dizaines et des dizaines d’années pour parvenir à la diversité si on ne discrimine pas pardéfinition. Sauf qu’on n’a pas le temps et qu’on est obligés de mettre en place des actionsbeaucoup plus, beaucoup plus volontaristes ». Répondant 2.La lutte contre les discriminations, pierre angulaire d’une politique de promotion de ladiversité passe indubitablement par la formation sur les processus psycho-sociaux en œuvredans le rejet de l’autre: catégorisation, préjugés et stéréotypes doivent être travaillés, commel’indique le répondant 10.« Maintenant les stéréotypes sont à l’œuvre partout, il y a unpremier pas à franchir, tout le monde discrimine, si on ne se donne pas les moyens d’uneprise de conscience, la norme sociale vient en plus, la nature, le milieu, la couleur de peau, lerapport homme/femme, il y a une norme sociale. Le sommet de la montagne est blanc etchauve. Le businessman est un homme blanc ». Des actions de formations sont doncproposées afin d’aboutir à une prise de conscience. Ainsi, le répondant 9 indique « notreenjeu : travailler sur l’évolution des mentalités les stéréotypes. On forme nos managers surles biais décisionnels, les décisions contreproductives. On a formé à l’aide de comédiens maispas seulement. On a raisonné par séquences, on a sensibilisé au problème de religion aussi ».Sur le plan de la formation, les avis sont unanimes « Il faut un changement de mentalité caron peut être pétri de bonnes attentions ». Répondant 13. Il faut donc former auxdiscriminations directes et indirecteset « procéder régulièrement à des piqûres derappel »Répondant 1.Rien n’est donc jamais acquis en matière de lutte contre lesdiscriminations.Lorsque nous analysons le discours des responsables sur l’égalité. Les avisdivergent quelque peu sur les contenus et les mots à utiliser. Nous allons l’exposermaintenant.2.2.3 L’égalité, une notion floue : où placer le curseur ? Egalité de chance, de traitement,équité professionnelle… ?Concernant le terme d’égalité, aucun consensus ne se dégage. Le terme même d’égalité doitêtre précisé, parle-t-on d’égalité de traitement ou d’égalité des chances ? Parle-t-on d’égalitéprofessionnelle ou envisage-on une égalité plus citoyenne ? Faut-il plutôt parler d’équité qued’égalité ? Nous illustrons ces divergences par quelques extraits.Pour certains responsables, l’égalité doit être clairement entendue comme égalité detraitement. « L’égalité en entreprise est synonyme d’égalité de traitement qui se retrouve àtoutes les étapes des processus RH, sur la base des seules compétences ». Ce que confirme lerépondant 3, « ce principe d’égalité de traitement nous l’intégrons à tous les stades, en343


matière d'accès à l’emploi, à la promotion, la formation professionnelle, les conditionsd'emploi et de travail et ce pour tous nos collaborateurs ».Pour d’autres responsables, le mot qui convient plutôt « équité », le terme égalité n’est pasemployé, comme l’exprime le répondant 10.« L’Egalité est un concept qui va plus loin quel’égalité professionnelle on appelle plutôt ça l’équité. Pour nous, il faut que chaquecollaborateur, client, fournisseur etc. ait droit au respect identique à l’autre et un traitementuniforme ». Le terme équité est également préféré par lerépondant 15, « En entreprise jeparlerais plutôt d’équité que d’égalité, en entreprise on est plus sur de l’équité, après c’estsûr, à travail égal, salaire égal mais moi, je parlerais plutôt d’équité ».Lorsque le terme égalité est employé, la question est de savoir vers quelle égalité tendre :égalité de traitement, égalité des chances ? De quelle égalité parle-t-on ? Pour le répondant5,l’égalité de traitement est insuffisante pour promouvoir la diversité. « Si on parle d’égalitéde traitement ça veut dire que tout le monde doit être traité au même niveau …mais …c’est lesens de la lutte contre les discriminations mais euh…comme tout le monde ne part pas aumême niveau sur la ligne de départ, l’égalité de traitement ne peut pas fonctionnerpuisque…si tout le monde ne part pas au même niveau sur la ligne de départ et qu’on mèneles mêmes actions sur tout le monde, on reproduit à l’infini tous les décalages et tous lesécarts que les personnes ont déjà. Donc l’égalité de traitement ne peut pas conduire àl’égalité ».Le répondant 14 considère également que l’égalité de traitement estinsuffisantepour garantir la diversité,« la notion d’égalité des chances est un conceptbeaucoup plus puissant puisqu’on considère que chacun n’a pas, tout le monde n’a pas lamême chance d’accéder aux mêmes postes. Et donc, on va effectivement redonner cetteégalité par des actions effectivement plus volontaristes.Et donc, dans ce sens-là, on rejointquand même la notion d’action positive si on considère qu’on reste quand même sur la notionde compétence et de potentiel. Sinon, ça nous confine à la discrimination positive qui seraitde recruter des personnes parce qu’elles sont noires, parce qu’elles sont des femmes enfaisant fi de leurs compétences ».ConclusionLes éléments de contexte historique nous ont permis de revenir aux fondamentaux : l’assiserépublicaine de la notion d’égalité. Cette valeur fondée sur une approche individuelle auraitdû suffire à écarter les discriminations et les différences de traitement. Or, nous avonsconstaté que cette notionqu’elle n’avait pu se traduire en égalité de fait. L’approche anglosaxonneque nous avons exposée n’a pas été reprise par la France, la voie communautaire n’apas été retenue et fait encore débat.Le discours des responsables de promotion de la diversité344


a confirmé que le triptyque égalité, non-discrimination et diversité recouvrait trois notionsdifférentes mais interconnectées. L’approche managériale met cependant en évidence lavolonté des responsables de promotion de la diversité, d’aller plus loin que la simple luttecontre les discriminations. La diversité envisagée comme un processus évolutif etsouplepermet aux entreprisesl’implémentation de politiques adaptées au contexte, sur la based’engagements. Gérer la diversité en entreprise de manière systémique passe donc par unedémarche proactive et transversale qui intègre le principe d’égalité de traitement à tous lesstades du processus de gestion des ressources humaines.Cette démarche, naturellement liée à la recherche de performances économiques de la part desentreprises ne permet pourtant pas de répondre à l’égalité de la société tout entière.Lafragmentation du concept de diversité fondée sur des critères (origines, âge, genre,handicap…) ne permet donc pas de traiter les multi-discriminations en œuvre dans notresociété. De même, une politique d’égalité de traitement n’est pas suffisante pour aboutir à uneréelle diversité, les situations de discrimination se situant bien en amont.Les défis de ladiversité sont donc encore nombreux, les responsables en sont conscients. Comme nousl’avons souligné dans cet article, les politiques de lutte contre les discriminations et depromotion de la diversité sont récentes. Le chemin vers la diversité réelle est encore long.BibliographieBarth I et Falcoz, C,Nouvelles perspectives en management de la diversité. Égalité,discrimination et diversité dans l’emploi. Éditions EMS management & société, Cormelles-leroyal,2010.Barth Iet Falcoz, C, Le management de la diversité. Enjeux, fondements et pratiques.L’Harmattan, Paris, 2007.Bender A-F,«Égalité professionnelle ou gestion de la diversité, Quels enjeux pour l'égalité deschances ? », Revue française de gestion, n° 151, p. 205-217, 2004.Bender A-F, « L’approche de la diversité dans les pays anglo-saxons » in Barth, I.et Falcoz,C. (Eds.) (2007). Le management de la diversité. Enjeux, fondements et pratiques. Paris:L’Harmattan., pp.215-232, 2007.Bereni L, « Faire de la diversité une richesse pour l’entreprise, la transformation d’unecontrainte juridique en catégorie managériale », Presses de Sciences Po., Raisons politiques,n°35, p.87-105, 2009.Cornet A, « Le genre et la diversité : les enjeux de l’intersectionnalité et de la transversalité »in Barth, I.; Falcoz, C., Le management de la diversité. Enjeux, fondements et pratiques.L’Harmattan, Paris, 2010.345


Cornet A et Warland P, La gestion de la diversité des ressources humaines dans lesentreprises et les organisations, Le guide pratique à destination des employeurs, ÉditionsUniversité de Liège, Belgique, 2008.Cornet A et Warland P, Gestion de la diversité des ressources humaines, Guide pratique,2ème Édition, Editions Université de Liège, Belgique, 2011.Cornet A et Warland P, GRH et Gestion de la diversité. Dunod, Paris, 2008.Doytcheva M, « Réinterprétations et usages sélectifs de la diversité dans les politiques desentreprises », Raisons politiques, no 35, août 2009, p. 107-124, 2009.Doytcheva M, « Usages français de la notion de diversité : permanence et actualité d’undébat ». Sociologie, n°4, vol. 1, 423-438, 2010.Doytcheva M et Hachimi Alaoui M, "Promouvoir la diversité en entreprise : genèse etambiguïtés d’une initiative patronale ", Revue Asylon(s), N°8, Radicalisation des frontières etpromotion de la diversité, 2010.Ghiglione R.et Matalon B, Les enquêtes sociologiques et pratiques, L’analyse de contenu.Paris, Armand Colin. 1978.Glaser B.G. et Strauss A, The discovery of Grounded Theory. Strategies for qualitativeresearch. Chicago: Aldine.1967.Grawitz M, Méthodes des sciences sociales, 10ème édition, Paris : Dalloz. 1996.Kachoukh F et Maguer A et al. « La discrimination multicritère à l’encontre des femmesimmigrées ou issues de l’immigration sur le marché du travail »,La Halde,2011.http://www.solidarite.gouv.fr/IMG/pdf/La_discrimination_multicritere_a_l_encontre_des_femmes_immigrees_ou_issues_de_l_immigration_sur_le_marche_du_travail_synthese_.pdfLegault M-J,« La situation des groupes cibles sur le marché du travail, au Québec et auCanada » in « Équité en emploi - équité salariale ». Québec : Télé-université, 2002.Peretti J.-M., Tous différents,Eyrolles Editions d’Organisations, Paris, 2010.Peretti J.-M, Gestion des ressources humaines, Vuibert.17ème édition, Paris, 2011.Zannad H Stone P, Mesurer la discrimination et la diversité. Éléments de réponse,Association Française des Managers de la diversité, Paris, 2009.346


Entretienn°Audit-Conseil2 DiversitéRecrutementChartes Labels Axes prioritaires Actions prioritaires6 Pacte mondial des Nations-UnisDiversitéCharte de la main verteCharte de l’apprentissageCharte de l’égalité des chances dansl’éducationBâtiment-Travaux Publics4 DiversitéParentalitéÉgalité professionnelleDiversitéÉgalité professionnelleDiversitéOrigines, H/F, Age, HandicapComité international diversté eCouncil)Engagement national pour l’inquartiersÉgalité professionnelle Origines, Égalité H/F, AgeCréation d’un logo diversitéHandicap, Conciliation vie privée/vie FormationsDiversité en coursprofessionnelle13 Diversité Diversité Raisonnement par les processus Priorité recrutement et formationBanque-Assurance3 Diversité Égalité professionnelle5 DiversitéParentalitéWomen’s empowerment principles desNations-UniesOrigines, Égalité H/F, Age, HandicapCV anonymeDiversitéFormation en modules diversitéDiversité Origines, Egalité H/F, Age, Handicap Partenariats banlieuesRéseau de femmes cadres sup.12 Diversité Diversité Age (seniors et jeunes), HandicapÉgalité H/F, Évolution et formation desmilitants syndicauxPartenariat avec une chaire univeCellule téléphonique d’écoute diDistribution7 Diversité Age (seniors), Handicap, Risques psychosociauxComité éthique et RSEAuto-testing sur CVEntretien Chartes Labels Axes prioritaires Actions prioritairesn°Énergie9 Diversité Diversité en cours Égalité professionnelle H/FAge (seniors et jeune), Handicaplutte contre les discriminations,10 Diversité Diversité(en cours)15 DiversitéCharte diversité groupeHôtellerie-Restauration1 DiversitéCharte internationale de la diversité14 Diversité Non pas en France maisDans d’autres pays européensdialogue social.Égalité professionnelle H/F, Age (seniors etjeune), HandicapHandicap,Parité hommes/femmes, Age (tous les âges),Pluralité des originesOrigines, Égalité H/F, Age, HandicapOrigines, Age (seniors et jeunes)Handicap, Formation et évolution de carrièresdes femmes, Orientation sexuelleLivre blanc diffusé à 100 000 exRéflexion en cours sur l’orientatiCellule téléphonique d’écouteperçuesComité diversitéCV anonymeFormation e-learningNewsletter diversitéPlan espoir banlieuesPartenariat avec l’Autre Cercle13 Diversité Diversité Raisonnement par les processus Priorité recrutement et formationInformatique11 DiversitéParentalitéCharte éthique groupeTélécommunications8 DiversitéCharte de déontologie groupeCharte de recrutement groupeÉgalité professionnelleGender Equality StandardsOrigineÉgalité professionnelleAge (seniors et jeune)HandicapÉgalité H/FHandicapAge (jeunes)Membre de l’IMS « Entreprendquartiers ont des talents »Serious gameTrain pour l’emploi et l’égalité dAnnexe A : Composition de l’échantillon et nature des engagements347


Gestion de l’égalité, de la non discrimination et de la diversité : le cas luxembourgeoisStéphane LeymarieMaîtres de Conférences en Sciences de GestionUniversité de LorraineUFR ESM-IAE1 Rue Augustin FresnelBP1510057073 Metz Cedex 3leymarie@univ-metz.fr06 14 40 39 76etPascal TisserantMaîtres de Conférences Psychologie SocialeUniversité de LorraineUFR SHAIle du SaulcyBP 3030957006 METZ cedex 1tisserant@univ-metz.fr06 11 64 05 26Résumé : La question de la diversité se situe au cœur des problématiques actuelles demanagement. Bien plus qu’un simple effet de mode, elle participe d’une préoccupation desorganisations de satisfaire d’abord une obligation légale. Cependant, l’existence d’unarsenal juridique de lutte contre les discriminations et de promotion des pratiques d’égaliténe suffit sans doute pas à développer de bonnes pratiques de gestion de la diversité dans lesentreprises si un important travail de sensibilisation des personnes n’est pas entrepris encomplément. Le Luxembourg, qui se caractérise à la fois par une économie florissante et unediversité culturelle importante, constitue un exemple relativement intéressant de cetteproblématique.Management of equality, non discrimination and diversity: the case of Luxembourg348


Abstract: The issue of diversity is at the heart of current issues of management. More thanjust a fad, it is part of a concern for organizations to meet a legal requirement first.However, the existence of a legal arsenal to fight against discrimination and promotingequality practices probably does not develop good management practices for diversity incompanies where a lot of work to raise awareness of people is not undertaken as asupplement. Luxembourg, which is characterized by both a growing economy and animportant cultural diversity, is a relatively interesting example of this problem.IntroductionLa Gestion de l'Egalité de la Non Discrimination et de la Diversité (GENDD) est uneapproche intégrative des notions d’égalité, de non discrimination et de diversité, ayant pourobjectif la réduction des inégalités de traitement et le respect des différences dans tous lesmilieux socioprofessionnels (entreprises, service public, collectivités, associations, école,etc.). La GENDD se situe au cœur des problématiques actuelles de management. Bien plusqu’un simple effet de mode, elle participe d’une préoccupation des organisations de satisfaired’abord une obligation légale. Le glissement sémantique de la notion de non discrimination àla notion de management de la diversité marque également la volonté de faire de celle-ci uneoccasion de pratiques managériales positives. On pourrait cependant s’interroger surl’authenticité des discours et l’effectivité de leur mise en œuvre (Barth, 2007). En effet,l’existence d’un arsenal juridique de lutte contre les discriminations et de promotion despratiques d’égalité ne suffit sans doute pas à développer de bonnes pratiques de « gestion dela diversité » dans les entreprises si un important travail de sensibilisation des personnesn’est pas entrepris en complément.Le Luxembourg, qui se caractérise à la fois par une économie florissante et une diversitéculturelle importante, constitue un exemple relativement intéressant de cette problématique.Nous évoquerons tout d’abord le contexte luxembourgeois qui paraît, de prime abord,particulièrement favorable au développement des pratiques de GENDD compte tenu de sescaractéristiques socio-économiques et démographiques (1). Nous présenterons ensuite lecadre légal relativement complet qui encadre et couvre la plupart des thématiques de ladiversité (2) ainsi que les principaux acteurs de la diversité (3). Enfin, en prenant appui surles premiers résultats d’une des rares études conduites sur la réalité des pratiques de gestiondans ce domaine au Luxembourg, nous soulignerons la nécessité de sensibiliser les managersaux enjeux de la diversité1. Le Luxembourg : un contexte a priori favorable à la diversité culturelleLa vitalité actuelle et à venir de l’économie du Luxembourg ainsi que les projections sur leplan de la démographie laissent entendre que la situation socio-économique du pays est toutà fait propice au renforcement de la diversité culturelle (1.1). Cette analyse doit cependantêtre nuancée en regard de certains éléments qui montrent que le développement ne profitepas de la même façon à toutes les catégories de la population active, comme le montrel’histoire des différentes vagues d’immigration qu’a connues le pays (1.2).1.1. Un contexte économique et démographique favorable349


En termes économiques, le Luxembourg peut s’enorgueillir d’un palmarès enviable. Iloccupe la première place au niveau européen par son PNB, seconde place au niveau mondial(après les U.S.A) dans le secteur des fonds d’investissements. Son PIB par habitant est del’ordre de 71 000 euros et le classe en tête des pays les plus riches (CCI, 2011).Tout comme ses voisins européens, ce petit pays a dû faire face à la crise de 2008. Mais avecun taux de chômage de 5,9% et un taux de croissance très élevé, le Luxembourg gardeaujourd’hui une position confortable. Une économie diversifiée rend le Grand-Duchécompétitif, solide et stable. Après la crise de la sidérurgie de 1975, ce ‘’miracle’’économique s’est principalement opéré grâce à un management étranger qui a su réaliser ladiversification économique qu’il fallait avec le développement du secteur bancaire (VonKunitzki, 2007).Certes, à l’identique de ses pays voisins, on observe au Luxembourg un processus devieillissement progressif de la population mais l’immigration et le recours à la main d’œuvrefrontalière ont permis jusqu’à présent d’en atténuer largement les conséquences. Grâce à laforte migration persistante du fait de la demande très importante de main-d’œuvre parl’économie luxembourgeoise, l’évolution démographique dans le Grand-Duché connaîtdepuis longtemps un dynamisme exceptionnel. La population totale au Luxembourg n’acessé de croître au cours des 50 dernières années passant de quelques 300 000 personnes en1950 à plus de 476 200 en 2007. Depuis 1970, la population a augmenté de plus de 110.000habitants, soit une hausse de presque un tiers. Les prévisions pour les années à venirmontrent que cette évolution va se poursuivre : d’après les prévisions démographiques deSTATEC et d’Eurostat, la population atteindra plus de 645.500 personnes en 2050. Pour2020, les prévisions parlent d’environ 516.000 habitants (Wille et Ohnesorg, 2005).1.2. Un Eldorado économique mais un marché de l’emploi inégalitaireTrois types d’immigration confirment l’attractivité du Luxembourg et illustrent laparticularité de la diversité culturelle sur ce territoire de 2586 km² où 174 nationalités secôtoient. Des années 1870 à 1950, le Luxembourg a connu une immigration traditionnelledue à l’essor de la sidérurgie où « les autorités luxembourgeoises ont prioritairement faitappel à une immigration culturellement ‘’proche’’ : européenne, de langue romane etcatholique » (Hartmann-Hirsch, 2007, p. 19). La deuxième catégorie concerne les frontaliers(50% de français, 25% d’allemands et 25 % de belges ; STATEC, 2009) qui sont arrivésmassivement à partir des années 1990, constituant aujourd’hui 44% des personnes employéessur la place luxembourgeoise. La dernière catégorie accentue les particularismes de ladiversité culturelle du Grand-Duché et concerne, l’immigration hautement qualifiée. Apropos de ces ‘’transnationaux’’ Weiss (2005) distingue ceux qui relèvent de la classemoyenne (comme des informaticiens), de ceux qui appartiennent à la classe la plus élevée etconstituent des décideurs économiques pour le pays conduisant à une forme de‘’transnationalisation’’ du capital culturel et économique de ce petit pays.Le niveau de vie très élevé, le chômage résiduel et la forte croissance expliquent l’absence deconflits majeurs liés à la diversité culturelle même si la part des nationaux sur le marché del’emploi diminue régulièrement (Hartmann-Hirsch, 2007). Cependant, certains auteurs notentla présence d’une forme de ségrégation du marché de l’emploi s’expliquant en partie par desrecrutements réalisés sur la base d’une similitude du capital social et culturel (formationprofessionnelle initiale, langue maternelle et véhiculaire, expériences professionnellesantérieures) contribuant à une homogénéisation des entreprises et des secteurs (Besch et al.,2005).350


De façon plus précise, Hartmann-Hirsch résume la situation en montrant que les emploishautement qualifiés et ceux de direction tendent à revenir aux étrangers de nationalités duNord, les emplois précaires et aux conditions difficiles aux étrangers, notamment aux noncommunautaireset les emplois moins bien rémunérés et les contrats intérimaires auxfrontaliers. Quant aux Luxembourgeois, ils « gardent les secteurs ‘sûrs’ et bien rémunérés(administrations publiques et services parapublics dans des secteurs à rémunérationintéressante, notamment en comparaison avec les niveaux d’éducation) au milieu del’échelle des salaires » (2007, p. 50).2. Un cadre légal qui prône les principes d’égalité et de non discriminationLe Luxembourg est doté d’un arsenal juridique et législatif très complet qui couvre bonnombre des aspects liés à l’égalité, la non-discrimination et la diversité à commencer par laConstitution du Grand-Duché qui met en avant le principe d’égalité (2.1). Une loi du 28novembre 2006 sur l’égalité de traitement modifie le Code du Travail et le Code Pénal pourinterdire toute forme de discrimination (2.2). Un point particulier renforce ce dispositif enmatière d’égalité homme / femme (2.3).2.1. La Constitution du Grand-Duché de LuxembourgAu sommet de la hiérarchie des normes se trouve la Constitution du Grand-Duché deLuxembourg du 17 octobre 1868 (INDR, 2011 ; Prüm, A. et Gerkrath, J., 2009). Le principed’égalité est consacré tout d’abord dans son article 10 bis paragraphe 1 er : « lesLuxembourgeois sont égaux devant la loi » à compléter par l’article 111 qui prévoit que «tout étranger qui se trouve sur le territoire du Grand-Duché, jouit de la protection accordéeaux personnes et aux biens, sauf les exceptions établies par la loi ». Pour les étrangers, uneloi pourra donc prévoir des exceptions limitées, par exemple en matière d’entrée et de séjour.Il résulte de ces dispositions qu’il existe un principe constitutionnel d’égalité entre lescitoyens au Luxembourg. Il existe en outre un principe constitutionnel d’égalité entre leshommes et les femmes, proclamé par l’article 11 paragraphe 2 de la Constitution en cestermes : « les femmes et les hommes sont égaux en droits et en devoirs. L’Etat veille àpromouvoir activement l’élimination des entraves pouvant exister en matière d’égalité entrefemmes et hommes ».2.2. La loi du 28 novembre 2006 sur l’égalité de traitementLa loi du 28 novembre 2006 transpose en droit luxembourgeois deux directives européennes,à savoir :- la première relative à la mise en œuvre du principe de l’égalité de traitement entre lespersonnes sans distinction de race ou d’origine ethnique (Directive 2000/43/CE) ;- la seconde portant création d’un cadre général en faveur de l’égalité de traitement enmatière d’emploi et de travail (Directive 2000/78/CE).Cette loi modifie le Code du Travail luxembourgeois (Livre II -Titre V relatif à l’égalité detraitement en matière d’emploi et de travail) ainsi que les articles 454 et 455 du Code pénalsur la discrimination raciale et la loi du 12 septembre 2003 relative aux personneshandicapées.351


Le principe d’interdiction des discriminations se retrouve à l’article L.251-1 du Code duTravail qui dispose que : « toute discrimination directe ou indirecte fondée sur la religion oules convictions, le handicap, l’âge, l’orientation sexuelle, l’appartenance ou nonappartenance, vraie ou supposée, à une race ou ethnie est interdite ».La loi (art. L. 251-2) s’applique à tous les travailleurs dont les relations de travail sont régiespar le statut de salarié privé, en ce qui concerne :- les conditions d’accès à l’emploi, les activités non salariées ou le travail, y compris lescritères de sélection et les conditions de recrutement, quelle que soit la branche d’activité et àtous les niveaux de la hiérarchie professionnelle, y compris en matière de promotion ;- l’accès à tous les types et à tous les niveaux d’orientation professionnelle, de formationprofessionnelle, de perfectionnement et de formation de reconversion, y comprisl’acquisition d’une expérience pratique ;- les conditions d’emploi et de travail, y compris les conditions de licenciement et derémunération ;- l’affiliation à, et l’engagement dans, une organisation de travailleurs ou d’employeurs, outoute organisation dont les membres exercent une profession donnée, y compris les avantagesprocurés par ce type d’organisations.Le Code pénal prévoit, lui aussi, la répression des discriminations dans ses articles 454 etsuivants. Selon l’article 454 du Code pénal : « constitue une discrimination toute distinctionopérée entre les personnes physiques à raison de leur origine, de leur couleur de peau, de leursexe, de leur orientation sexuelle, de leur situation de famille, de leur âge, de leur état desanté, de leur handicap, de leurs mœurs, de leurs opinions politiques ou philosophiques, deleurs activités syndicales, de leur appartenance ou de leur non appartenance, vrai ousupposée, à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée ».La liste des motifs de discrimination du Code pénal est donc plus longue que celle de la loi(civile) sur les discriminations. Constitue également une discrimination toute distinctionopérée entre les personnes morales, les groupes ou communautés de personnes, à raison deces mêmes motifs, des membres ou de certains membres de ces personnes morales, groupesou communautés. L’article 455 du Code pénal prévoit une peine d’emprisonnement allant dehuit jours à deux ans et/ou une amende allant de 251 à 25.000 euros en cas dediscrimination.Plusieurs différences existent avec le Code du Travail :- en matière pénale, il n’y a pas d’interdiction des discriminations en général, mais une listeprécise des comportements interdits, qui seuls, peuvent être poursuivis comme étantcontraires au Code pénal ;- pour qu’une infraction pénale puisse être retenue, il faudra que le Parquet (partiepoursuivante au nom de la société, suite à une dénonciation ou une plainte d’une victimesupposée), apporte la preuve d’une intention de la personne poursuivie ; un tribunalcorrectionnel ne pourra pas condamner un auteur présumé d’une discrimination sans avoirretenu cette intention de discriminer.La procédure pénale sera donc réservée à des cas graves ou systématiques, la plupart dutemps, les litiges seront tranchés par les tribunaux du travail.2.3. L’égalité de traitement entre les hommes et les femmes352


Selon l’article L. 241-1 du Code du Travail : « Le principe d’égalité de traitement au sensdes dispositions ci-après implique l’absence de toute discrimination fondée sur le sexe, soitdirectement, soit indirectement par référence, notamment, à l’état matrimonial ou familial estinterdite. »En général, l’interdiction de toute discrimination basée sur le sexe, encore appelé le genre,obéit aux mêmes règles que les autres discriminations. Les définitions des différentes sortesde discriminations sont similaires. Le champ d’application de l’interdiction est le même.3. Les principaux acteurs de la diversitéIl est possible d’identifier deux grandes catégories d’acteurs dans le champ d’interventionrelatif aux problématiques d’égalité, de non-discrimination et de diversité au Luxembourg.La première correspond aux acteurs institutionnels et gouvernementaux (3.1) : le Ministèrede l’2galité des chances, le Centre pour l’égalité de traitement et l’office luxembourgeois del’accueil et de l’intégration. La seconde regroupe les principaux opérateurs du mondeassociatif et professionnel (3.2).3.1. Les acteurs institutionnelsLe Ministère de l’Egalité des chances (MEGA)Les principales attributions du Ministère de l'Egalité des chances consistent à promouvoir età coordonner les politiques nationale et internationale menées en faveur de l’égalité entre lesfemmes et les hommes ainsi que les dispositifs de lutte contre la discrimination entre lessexes. Le MEGA coordonne un plan d’action national en matière d’égalité femmes / hommeset veille à ce que la dimension du genre soit intégrée à l’ensemble des actions politiques enpartenariat avec les autres ministères. Il réalise également des études sur l’impact desmesures législatives en matière d’égalité femmes / hommes.Le Centre pour l’égalité de traitement (C.E.T.)La loi a créé une institution destinée à recueillir les plaintes des victimes, qui peuvent trouverun soutien, autre que celui de la justice. Le chapitre 3 de la loi du 28 novembre 2006 lui estconsacré. Le Centre exerce ses missions en toute indépendance. Il a pour objet depromouvoir, d’analyser et de surveiller l’égalité de traitement entre toutes les personnes sansdiscrimination fondée sur la race, l’origine ethnique, le sexe, la religion ou les convictions, lehandicap et l’âge.Le Centre peut notamment :– publier des rapports, émettre des avis ainsi que des recommandations et conduire desétudes sur toutes les questions liées aux discriminations ;– produire et fournir toute information et toute documentation utiles dans le cadre de samission ;– apporter une aide aux personnes qui s’estiment victimes d’une discrimination en mettant àleur disposition un service de conseil et d’orientation visant à informer les victimes sur leursdroits individuels, la législation, la jurisprudence et les moyens de faire valoir leurs droits.353


Cependant, le Centre n’a pas le pouvoir d’assister les victimes en justice et ne pourra doncagir à la place de salariés qui se plaindraient d’une discrimination, sans vouloir eux-mêmesporter l’affaire devant un tribunal. Les membres du centre ont le droit de demander touteinformation, pièce ou document, à l’exception de ceux couverts par le secret médical ou parun autre secret professionnel, qui sont nécessaires à l’accomplissement de leur mission.L’Office luxembourgeois de l’accueil et de l’intégration (OLAI)Par la loi du 16 décembre 2008 concernant l'accueil et l'intégration des étrangers au Grand-Duché de Luxembourg a été créé l'Office luxembourgeois de l'accueil et de l'intégration(OLAI) rattaché au Ministère de la Famille et de l’Intégration. L'OLAI se substitue auCommissariat du Gouvernement aux étrangers (CGE). La mise en place de cette nouvelleadministration trouve sa source dans la déclaration gouvernementale du 4 août 2004 parlaquelle le Gouvernement a manifesté la volonté d'intégrer les non-luxembourgeois dans lasociété luxembourgeoise et d'éviter la naissance de sociétés parallèles.L’OLAI a pour mission de :- mettre en œuvre et coordonner la politique d’accueil et d’intégration- faciliter le processus d’intégration des étrangers- lutter contre les discriminations- faire le suivi des migrations- encadrer les demandeurs de protection internationale- gérer des structures d’hébergementLes principaux outils politiques de l'OLAI sont le plan d’action national pluriannueld’intégration et de lutte contre les discriminations et le contrat d’accueil et d’intégration.3.2. Les principales associationsLes associations qui suivent participent aux journées européennes de la diversité et sontprésentées par ordre alphabétique.- 4 Motion (association à but non lucratif) : elle œuvre au développement d’une sociétécoopérative, solidaire et inclusive à travers l’éducation à la participation citoyenne, à ladiversité et au risque.- Centre Jean-Baptiste Rock (JBR) : Le Centre JBR a pour mission d’aider les personnes à(re)trouver leur place dans le monde du travail à tout âge, aussi bien par des actionsdestinées aux personnes à la recherche d’un emploi que par des initiatives ciblées auprèsdes employeurs.- CEPS/INSTEAD (Centre d’Etudes des Populations, de Pauvreté et de Politiques Socioéconomiques/ International Network for Studies in Technology, Environment,Alternatives, Development) : CEPS/INSTEAD est une association active dans ledomaine de la recherche en sciences économiques et sociales. Ses travaux portentnotamment sur le racisme, la xénophobie, les politiques d’asile et de lutte contre lesdiscriminations dans les domaines de l’emploi, du logement.- CIGALE (Centre d’Information GAy et LEsbien) : Cigale est un centre de consultation etd’information qui s’adresse surtout à des personnes gays ou lesbiennes mais il estégalement ouvert à tout un chacun qui s’intéresse aux sujets de l’homosexualité ou del’orientation sexuelle en général. Le Centre fait à la demande, un travail de sensibilisationdans les écoles et les maisons de jeunes.354


- CLAE (Comité de Liaison des Associations d’Etrangers) : Le CLAE milite pour l’égalitédes droits entre tous les résidents, pour une citoyenneté de résidence, pour lareconnaissance et la valorisation des cultures issues de l’immigration, pour une politiqued’immigration ouverte et solidaire au Luxembourg et en Europe.- Confédération Caritas Luxembourg asbl : Les principaux objectifs de Caritas et de sesassociations membres sont de s’engager durablement auprès des personnes en détresse etde collaborer à la construction d’une société solidaire. L’inclusion sociale, l’engagementsocial durable, les prises de positions publiques, l’identité commune, la coopérationrenforcée, le soutien aux associations membres, la recherche et le développementconstituent les terrains d’action identifiés pour y parvenir.- ENAR (European Network against Racism) : ENAR est un réseau d’ONG européennesréparties dans toute l’Union européenne et fermement résolues à lutter contre le racisme,la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance qui y est associée, à promouvoirl’égalité de traitement entre citoyens de l’UE et ressortissants de pays tiers.- INFO-HANDICAP (Centre National d’Information et de Rencontre du Handicap) : Info-Handicap est un centre d’information pour toute question concernant le domaine duhandicap au Luxembourg, qui a principalement pour mission de systématiser et decentraliser la collecte de données en rapport avec le handicap et de fournir desrenseignements au sujet d’allocations, d’adresses, d’aides spécifiques pour personneshandicapées.- Service RBS (Réinsertion, Bildung, Schoulung) : Le Service RBS œuvre dans le secteurdes seniors. Il a notamment créé un institut de formation pour les professionnelstravaillant dans les maisons de retraite et propose également une académie seniors.- Tricentenaire : L’objectif de Tricentenaire est d’aider les familles des personneshandicapées en proposant un service d’accueils temporaires ou a durées indéterminées enfoyers et résidences. Tricentenaire s’est engagé à coordonner et à dispenser les aides etsoins relatifs aux actes essentiels de la vie, aux tâches domestiques, aux conseils, ainsiqu’aux actes et services infirmiers, autour de la personne handicapée physique.Il existe donc au Luxembourg un ensemble d’acteurs susceptibles d’intervenir sur la plupartdes critères de discrimination en appui des dispositions légales décrites précédemment. Pourautant, il convient de s’interroger sur la réalité de la mise en œuvre de bonnes pratiques enmatière de gestion de la diversité dans les entreprises.4. Des pratiques de GENDD encore peu présentes dans les entreprisesluxembourgeoisesLorsqu’elle est identifiée, la thématique de la diversité apparaît comme une notion quelquepeu diluée dans celle plus en vogue de Responsabilité Sociale des Entreprises (RSE), ce quine semble pas faciliter la mise en œuvre de démarches dédiées à cette question dans lespratiques d’entreprises (4.1.). Les premiers résultats d’une étude conduite par l’Institut pourle Mouvement Sociétal (IMS) confirme cette tendance et souligne le manque desensibilisation des managers aux problématiques et enjeux de la gestion de la diversité (4.2).4.1. La notion de diversité est diluée dans l’approche RSE355


L’Union des Entreprises Luxembourgeoises (UEL) a signé en date du 31 octobre 2003 unecharte portant sur le développement durable. Ce faisant, elle adhère aux principes dudéveloppement durable tel que défini par l’ONU comme étant la capacité des générationsprésentes à satisfaire leurs besoins tout en permettant aux générations futures de satisfaire lesleurs. Le développement durable nécessite partant une approche globale qui vise à mettre encohérence tant les stratégies économiques et sociales qu’environnementales. L’UEL promeutégalement le concept de la responsabilité sociale des entreprises (RSE) afin d’aider lesentreprises à renforcer leur compétitivité et à assurer leur pérennité. Pour ce faire, elle a créél’Institut national pour le développement durable et la responsabilité des entreprises (INDR).L’UEL s’attribue à travers son institut INDR un double rôle de facilitateur et d’acteur enmatière de responsabilité sociale des entreprises : facilitateur, en offrant une plateformed’échanges et de promotion de bonnes pratiques aux entreprises actives dans le domaine dela RSE ou désirant le devenir ; acteur, en promouvant des concepts transversaux dudéveloppement durable dans la gestion des entreprises, dont la mise en pratique repose sur lamise en œuvre de labels de qualité.C’est dans ce cadre que commencent à se développer un certain nombre de réflexions sur lagestion de la diversité. L’introduction de la non-discrimination dans plusieurs processus delabellisation qualité n’est certainement pas étrangère à l’inclusion de la diversité dans lesthématiques liées à la responsabilité sociétale des entreprises (Cornet et Warland, 2008).La plupart des entreprises au Luxembourg semblent encore peu concernées par la question dela diversité. Elle n’est pas intégrée à leur stratégie globale et ces dernières se sententégalement peu concernées par la discrimination. A l’histoire des différentes vaguesd’immigration s’ajoutent l’implantation massive de multinationales, notamment du secteurfinancier, et la position transfrontalière du pays. Ce contexte multiculturel semble dédouanerles entreprises d’une véritable politique en matière de gestion de la diversité. Vue sous cetangle, la diversité culturelle et linguistique apparaît comme une réalité qui s’impose commeune condition de l’activité économique luxembourgeoise mais sans apparaître comme unenjeu majeur à promouvoir en faveur de l’adaptabilité de l’entreprise, la réactivité et lacomplémentarité des équipes, ou encore la capacité d’innovation. Les enjeux de la diversitésont en général assez peu clairement identifiés y compris sur le plan strictement économiquede type business case selon lequel la diversité favoriserait la performance de l’entreprise(Bender et Pigeyre, 2010, p.87).4.2. La nécessité de sensibiliser les managers aux enjeux de la GENDDC’est ce qu’il ressort d’une étude initiée fin 2009 par l’Institut pour le Mouvement Sociétal(IMS) qui montre que seule la moitié des entreprises interrogées ont adopté une démarche enfaveur de la diversité (Moser, 2010). Cette étude porte sur un ensemble de dimensions quienglobent la variété des origines ethniques et géographiques, le genre, l’âge, l’orientationsexuelle, la situation familiale, le niveau de diplômes… considérés comme autant de facteursde différenciation dans l’entreprise. Elle s’intéresse donc à la diversité entendue en un senslarge qui va bien au-delà des aspects légaux relevant de la discrimination et qui intègre desvaleurs positives, humaines et sociales. Tout en s’appuyant sur les motifs discriminatoires, lanotion de diversité désigne ici un ensemble de différences individuelles visibles ou moinsperceptibles (Point, 2007, p.235).356


Afin de dresser un état des lieux des pratiques de GENDD au Luxembourg, l’IMS a réaliséune étude auprès de ses 69 membres afin de savoir où en étaient les entreprises sur cettequestion mais aussi afin de connaître leurs besoins pour tenter d’y répondre. Sur les 69entreprises interrogées, 38 seulement ont répondu, révélant une participation en demi-teinte.La moitié déclare avoir mis en place une démarche en faveur de la diversité. Dans la majoritédes cas, celle-ci est axée sur le genre, l’âge ou la nationalité mais se cantonne, le plussouvent, à une mention dans la charte éthique ou le règlement intérieur. Il existe cependant,dans 25% des cas, une démarche structurée qui fixe des objectifs à atteindre comme, parexemple, des quotas à l’embauche. Les principaux objectifs à atteindre sont de trois ordres :améliorer l’image interne, accroître la créativité et l’innovation au sein des équipes, et enfin,assurer la promotion externe via le développement d’une image citoyenne pour l’entreprise.L’étude révèle a contrario que les pratiques en faveur de la diversité demeurent relativementrares en interne.Parmi les freins à la mise en œuvre d’un réel management de la diversité, le plusfréquemment évoqué est l’absence de motifs économiques ou d’enjeu commercial (il est ànoter que l’IMS affiche une surreprésentation des secteurs financiers et des services). Unsecond frein au développement des pratiques de diversité identifié par l’étude est le manquede sensibilisation et de prise de conscience des managers. Il en ressort deux grandescatégories de managers : ceux qui estiment « que tout va bien et qu’il n’y a pas de problèmesliés à la diversité au Luxembourg » et ceux qui sont conscients d’un enjeu mais « ne saventpas par où commencer ». C’est autant la méconnaissance des dispositifs légaux que celle despossibilités d’actions concrètes qui freine la mise en œuvre de démarches en faveur de ladiversité.Sur la base de ces premiers résultats, l’IMS a organisé des ateliers de sensibilisation sur lesenjeux de la diversité et de l’inclusion en proposant des outils pratiques notamment sur lerecrutement.ConclusionAu vu des caractéristiques du Luxembourg et de sa situation géographique qui fait que 44%des emplois sont occupés par des frontaliers, il peut paraître surprenant de constater une sifaible prise de conscience des enjeux socio-économiques de la diversité, alors que la majoritédes entreprises doit aller chercher sa main d’œuvre en dehors des frontières.Comme nous venons de le voir, peu d’entreprises luxembourgeoises ont aujourd’hui prisconscience que la prévention des discriminations et la diversité ne se traduisent pas par desactions isolées mais participent de la stratégie globale de l’entreprise et contribuent àaffirmer sa vision. Mais il faut également souligner que si de nombreuses entreprises sontdésireuses d’avancer sur ces sujets, elles ne savent pas toujours comment. La mise en placed’une politique cohérente de gestion de la diversité conduit l’entreprise à définir sa proprevision de la diversité : souhaite-t-elle strictement respecter la législation de nondiscriminationet d’égalité de traitement ? Souhaite-t-elle également valoriser les spécificitésde chacun pour en tirer profit dans le cadre d’une approche de type business case ? Ou s’agitilfinalement pour l’entreprise de devenir un lieu où chacun trouve sa place, quelles quesoient ses caractéristiques identitaires ? Autant de questions qu’il conviendrait de l’aider àrésoudre par l’information, la sensibilisation, la formation et l’accompagnement.357


En somme, ce qu’il est permis d’affirmer au travers de l’exemple du Luxembourg, c’est quela présence d’une importante diversité culturelle, l’existence d’un arsenal juridiqueconséquent et d’acteurs impliqués, ne suffit pas pour encourager les entreprises à développerdes pratiques de gestion de la diversité. Tout cela doit être accompagné par d’autresdispositifs notamment en ce qui concerne la sensibilisation aux réalités et aux enjeux de ladiversité. Une approche par les outils de gestion ne suffira pas non plus à changer les chosesefficacement et en profondeur si parallèlement l’action ne porte pas également sur lesstéréotypes et préjugés, notions qui sont intimement liées à celle de discrimination (Légal etDelouvée, 2008). Ceci est autant valable pour les entreprises que pour la sociétéluxembourgeoise dans son ensemble pourtant caractérisée par un calme apparent dans lacohabitation des différences à l’intérieur d’un écrin économique doré.La demande croissante de compétences spécifiques en matière de GENDD voit se mettreprogressivement en place des actions de formation et de sensibilisation sur la placeluxembourgeoise. En janvier 2012, ouvrira un Diplôme d’Université en Gestion de l’Egalitéde la Non Discrimination et de la Diversité (DU GENDD) dans le cadre d’un partenariatentre l’Université Paul Verlaine – Metz et la Chambre des Salariés du Luxembourg. Cetteexpérience devrait permettre d’envisager des recherches complémentaires sur l’évolution despratiques de GDD dans les entreprises du Luxembourg.Références bibliographiquesBarth I. et Falcoz C (2007), Le management de la diversité. Enjeux, fondements et pratiques,L’Harmattan.Ben Aoun L. (2011), « Regards sur la diversité des nationalités dans les entreprisesluxembourgeoises », rapport STATEC, Luxembourg, février.Bender A.-F. et Pigeyre F. (2010), « Mieux conceptualiser la diversité : un enjeu degestion », in Barth I. et Falcoz C. (dir), Nouvelles perspectives en management de ladiversité. Egalité, discrimination et diversité dans l’emploi, EMS Management et Sociétés,pp. 83-100.Besch S., Bodson L., Hartmann-Hirsch C., Legrand, M. (2005), « Discrimination à l’emploi», CEPS/INSTEAD Differdange, Cahiers PSELL, No. 151.Chambre de Commerce (2008), « Luxembourg – Petit Pays, Grands Chiffres »,http://www.cc.lu.Cornet A. et Warland P. (2008), GRH et gestion de la diversité, Les Topos +, Dunod.Hartmann-Hirsch C. (2007), « Les étrangers et le marché de l’emploi : politiquesmigratoires et immigration », CEPS/INSTEAD Differdange, Cahiers PSELL. N°157.INDR (2011), « La prévention des discriminations au sein de l’entreprise », INDR.Légal J.-B. et Delouvée S. (2008), Stéréotypes, préjugés et discrimination, Les Topos,Dunod.Moser F. (2010), « La diversité en pratique », in PaperJam Management, mars, p. 24.358


Point S. (2007), « La diversité des définitions de la diversité : comparaisons européennes »,in Barth I. et Falcoz C (dir), Le management de la diversité. Enjeux, fondements et pratiques,L’Harmattan, pp. 233-256.Prüm, A. et Gerkrath, J. (2009), La constitution du Grand-Duché de Luxembourg, texte àjour au 1 er avril, Ministère d’Etat, Service Central de Législation, 74 pages.Von Kunitzki, N. (2007), « La compétitivité de l’économie luxembourgeoise : vers untroisième Koweït ? » in S. Allegrezza, M. Hirsch et N. Von Kunitzki (eds), L’immigration auLuxembourg : et après ?, Amsterdam : Dutch University Press.Weiss, A. (2005), “The transnationalization of social inequality. Conceptualizing socialpositions on a world scale” in: Schuerckens, U. (ed.): Current Sociology Thematic Issue“Transnational Migrations and Social Transformations”. Bd. 53 Ausg. 4, S. 707-728.Wille C. et Ohnesorg S. (2005), « Frontaliers et marché de l’emploi transfrontalier dans laGrande Région », cahier thématique dans le cadre du projet général - Etat d’avancement,perspectives et exigences d’action du marché de l’emploi dans la Grande Région,Observatoire interrégional du marché de l’emploi.359


Jacques DIGOUT Professeur Groupe ESC Toulousej.digout @esc-toulouse.frSylvain SENECHAL Professeur affilié Groupe ESC Toulouses.senechal @esc-toulouse.frStéphane ROCHARD, Dba - Professeur affilié Groupe ESC Toulouses.rochard@esc-toulouse.frL’INFLUENCE DES TECHNOLOGIES NUMERIQUESSUR LES PREFERENCES, HABITUDES ET CONSOMMATION MEDIA.LES NOUVELLES SEGMENTATIONS INDUITES PAR L’UTILISATION DES« E-MEDIA », MARQUEURS DE DIVERSITE.INTRODUCTIONL’arrivée massive du numérique dans la société a engendré une modification profonde de la communicationmedia, tant au niveau des acteurs du marché de l’information, que de ses annonceurs ou des segments et descomportements des consommateurs/auditeurs. Les medias ont connu davantage de bouleversements depuis ledébut du XXIème siècle que durant la seconde moitié du XXème siècle. Le sociologue canadien Marshall MacLuhan le pressentait, annonçant en 1964 que nous allions passer « d’une civilisation de medias chauds et despectateurs froids à une civilisation de medias froids et de spectateurs chauds ».Depuis quelques années, émergent de « nouveaux medias » qui interpellent les prévisionnistes quant à leurcapacité à se substituer aux supports dits traditionnels que sont la tv, la presse papier et la radio. La révolutionnumérique déstabilise ces medias traditionnels jusqu’à présent gérés par des marchés principalementoligopolistiques et isolés les uns des autres. Des sociologues spécialisés dans les medias, comme Jean-LouisMissika, ont prédit la fin des medias traditionnels. Des signes avant-coureurs peuvent leur donner raison,comme le passage de titres de la presse papier au numérique, dans un premier temps en juxtaposition, puisparfois en substitution, réduisant ainsi la diversité au niveau des contenus. A l’inverse, la « fracture »numérique est une source de marqueur de diversité sociale en introduisant de nouvelles variables desegmentation à travers les usages des technologies numériques.Au plan plus qualitatif de l’analyse en terme de typologie des medias numériques, les medias dits ‘possédés’sont toujours présents dans Internet : sites web créés à l’initiative d’une marque et donc propriété de celle-ci oude son leader, ils peuvent être multiples dans leurs déclinaisons, ouvrant ainsi plus largement le champ que danscelui des medias traditionnels où la législation règlemente la propriété des medias. Les medias ‘achetés’ sontégalement toujours présent dans l’environnement numérique avec des formats publicitaires plus nombreux queceux traditionnellement proposés par les supports non digitaux. En particulier avec des notions d’immédiateté etd’interactivité qui enrichissent les actions, amplifiant la diversité. Enfin, un troisième media, dit « conquis », estapparu. Il s’agit des conversations qui portent sur elle et des avis que la marque peut susciter dans les sites lessites communautaires pilotés des internautes, blogueurs influents. Nombreuses, les informations de ce type sontqui plus est plus efficaces en terme de persuasion des pairs autour d’une marque ou d’un produit. Au premierregard, la diversité profiterait du numérique. Ce qui interpelle car l’économie numérique est plutôt observéepour être une économie de concentration autour de quelques grands acteurs. De Google à Facebook en passantpar les opérateurs de 3G, les exemples sont légions.À court et moyen terme, les medias traditionnels prônent une stratégie basée sur la convergence numérique desactivités et ceci au travers de nombreuses actions qu’ils ont et qu’ils vont entreprendre pour permettre unemeilleure adaptation dans cet environnement.Cette convergence numérique est à l'origine de nombreux changements dans les medias traditionnels euxmêmes: dans la production des contenus, dans le métier de journaliste, dans les formes ou les contenus desprogrammes, dans les approches marketing des produits dérivés, mais aussi dans la vente d’espacespublicitaires et dans la façon de communiquer sur les medias. Ces mutations forment une convergenceéconomique qui a créé d’autres formes de media associant les télécommunications, la radiodiffusion, lesréseaux sociaux et le web 2.0.360


Dans ce contexte, la communication proposée se concentre sur l’émergence des « e-media ». L’objectif est demettre en lumière l’influence des nouvelles technologies sur l’univers des media et plus précisément les impactssur la diversité par la modification en profondeur des habitudes de consommation traditionnelles des media etpar le fonctionnement de ceux-ci. Les technologies numériques bouleversent les schémas traditionnels desegmentations, de nouvelles segmentations sociales apparaissent, marqueurs de diversité qu’il convientd’appréhender.Dans le cadre de la huitième édition des rencontres internationales de la diversité, trois niveaux d’interrogationont été identifiés :(1) quelles sont les conséquences de la fracture numérique sur l’environnement des media « traditionnels »?(2) comment appréhender la complexité des attitudes, des habitudes, des comportements et des préférencesde consommation d’écoute à l’égard des médias ?(3) quelles sont les nouvelles segmentations sociales induites de l’utilisation des « e-media » ?Figure 1 - L'objectif général de la communicationEnvironnementComportement à expliquerIdentification de la fracturenumérique sur l’environnement desmédia(3)?La modification des habitudes etdes préférences du mode deconsommation média(1)? (2) ?Pour étudier ces questions, le Maroc a été choisi comme le terrain d’étude. Pour des raisons historiques(invasion, colonisation et immigration) et économiques (tourisme de masse et ouverture internationale), ce paysprésente plusieurs signes de dynamique socioculturelle. Le Maroc est une bonne illustration des nouveauxmarchés internationaux qui s'ouvrent progressivement à l'économie mondiale et qui gardent des spécificitéspropres. Ce choix permet de privilégier une approche Emic, centrée sur les consommateurs du media d’un seulpays, véritable creuset, où des populations et des civilisations de la Méditerranée, d'Afrique et d'Europe se sontrencontrées et fondues ; ce brassage a façonné l'identité socioculturelle du Maroc.Le développement de cette communication est réalisé en trois parties. La première partie aborde une série dequestions relatives à l’influence des nouvelles technologies sur les medias traditionnels. La deuxième partie estconsacrée à l’analyse et à l’interprétation des résultats liés au mode d’écoute de l’enquête Radiométrie Maroc©réalisée entre le 09 janvier au 01 avril 2012 126 portant sur près de 12.000 répondants. Cette partie sera aussil’occasion de déterminer le profil sociodémographique et psychographique des consommateurs des mediasnumériques. Enfin, dans notre approche systémique, il sera aussi intéressant de comprendre dans quelle mesureces innovations et ces nouvelles habitudes de consommation peuvent devenir ou pas une opportunité dediversité et d’amélioration des contenus.-------------------------------------------------126 Enquête sous la coordination de M. Stéphane Rochard, Dba à titre de consultant – Directeur Recherche Média – Ipsos Media CT Maroc361


DIVERSITÉ ET EMPLOYABILITÉMahrane HOFAIDHLLAOUIProfesseur assistant ESSCA AngersAdresse personnelle :3 Rue Darwin49000 AngersTél : 06 21 45 76 46Mahrane.hofaidhllaoui@essca.frJean Marie PERETTIProfesseur des universitésProfesseur à l’IAE de Corse et àl’ESSEC Business GroupeRésumé :Cette recherche est centrée principalement sur la pertinence du concept d’employabilité dans ladéfinition des politiques et pratiques de management de la diversité. L’employabilité est un conceptpolysémique largement utilisé. Nous définirons le terme employabilité, terme à forts enjeuxpolitique, idéologique, social, sociétal et économique. Qui sont les acteurs de l’employabilité?L’objectif est-il l’employabilité de tous ? Quelle part laisse-t-on aux "inemployables" ? Quels sont lesoutils mis en place pour promouvoir l’égalité des chances et l’emploi des personnes habituellementdiscriminées ? Comment lever les freins organisationnels et permettre à chacun, dans l’entreprise, des’engager en faveur du respect de la diversité ?La notion d’employabilité s’évalue dans le cadre des transformations profondes et accélérées dumarché du travail dans le nouvel ordre économique mondial. Dans un contexte de crise, le niveaumoyen d’employabilité diminue et on peut s’interroger sur les chances d’accès à l’emploi ou demaintien des populations sensibles, fragiles, dont l’employabilité est peu reconnue. Les politiques enfaveur de la diversité peuvent-elles permettre de conserver l’égalité des chances et donc une« employabilité pour tous » au-delà des différences ?Mots-clés : Employabilité, Diversité, Flexibilité, Marché du travail, Populations défavorisées.Abstract:The research principally focuses on the employability concept pertinence following to the definitionsprovided by diversity management politics and practices. We will try here to give definition to theterm "employability", which is characterized by its strong political, social and economic stakes.Employability is a widely used flexible concept. Who are the employability actors? Do we targetemployability for every one? What is the share we provide for the employable persons? What are thetools we need to set up in order to sustain equity of chances and employ for those who are usuallydiscriminated against? What are the organizational incentives and the conditions provided foreveryone in the enterprise to take part into the respect of the diversity?"Employability" notion may be evaluated within the context of the profound and increasingly fast ratechange in the new-world-order economic market. Considering today's recession, the average level ofemployability has decreased and one can wonder about the employment access and tenure for all thedelicate and fragile populations of narrowly-recognized employability. Is it possible for the prodiversitypolitics to maintain equity of chances and therefore a free-from-differences employabilityfor every one?362


Key words: Employability, Diversity, Flexibility, Employment market, underprivileged people.IntroductionLes entreprises et les organisations sont sensibilisées aux enjeux croissants de ladiversité. Elles prennent des engagements (charte de la diversité…), obtiennent des labels(égalité, diversité), définissent et mettent en œuvre des politiques et des pratiques demanagement de la diversité, d’égalité des chances et de lutte contre les discriminations. Lemanagement de la diversité dans l’entreprise est aujourd’hui un des domaines importants dela gestion des Ressources Humaines. Garantir l’égalité des chances et l’absence de toutediscrimination est nécessaire et difficile. Des études montrent la permanence dediscriminations face à l’emploi. Les personnes n’ont pas toujours des chances égales sur lemarché de l’emploi selon leurs capacités physiques ou intellectuelles, leur origine sociale ouethnique, leur genre ou leur âge. Les différences ont souvent un impact direct ou indirect enmatière d’accès à l’emploi, de déroulement de carrière, de rémunération ou de formation.Les pratiques discriminatoires lors du recrutement peuvent prendre des formesdiverses. À diplôme et qualification égale, des études ont montré que certains jeunes ont étévictimes d’une discrimination liée à la consonance étrangère de leur nom, à leur origine, àleur adresse dans des quartiers en difficulté ou encore à leur nationalité. Cette discriminationtouche des jeunes issus de l’immigration, tout comme des jeunes originaires de l’Outre-mer.On a observé de plus des effets discriminants cumulatifs, mêlant la nationalité d’origine etl’appartenance géographique à tel ou tel quartier. Les études montrent également quel’handicap et le genre ont aussi un impact réel sur les chances d’accès à l’emploi.Les progrès réalisés ces dernières années sont réels. L’évolution contraignante de laréglementation avec la légalisation des testings a accéléré l’évolution des pratiques. Lasignature de la « Chartes de la diversité » et d’accords dans différents domaines de ladiversité (Emploi des personnes handicapées, égalité femmes- hommes, seniors), lescandidatures pour l’obtention de label (égalité, diversité), la préparation des rapports RSEqui incluent un volet diversité, le développement de la notation extrafinancière intégrant lapolitique diversité ont contribué à des progrès significatifs.La diversité d’employabilité des jeunes, non qualifiés ou diplômés, demeurecependant forte selon divers critères et constitue une source de discrimination indirecte.Après avoir montré l’intérêt de la notion d’employabilité et d’une approche en termesd’employabilité différentielle liée à certaines caractéristiques (âge, sexe, nationalité,spécialité professionnelle, capacités physiques et intellectuelles, etc.) nous examinerons seslimites et les politiques d’employabilité favorisant une diversité dans l’entreprise.I - La notion d’employabilité : Intérêt et limiteL’adjectif « employable » (« qui peut être employé ») remonte au XVIe siècle. « Lepotier fait des pots employables à services honnestes et honorables, et d’autres applicables àchoses indignes et vilaines», écrivait Pierre de Belloy, (citation extraite du « DictionnaireLittré de la langue française, Tome 2, 1994).Le sens moderne du vocable « employabilité » apparaît en Angleterre au début duXXe siècle et s’inscrit alors dans le cadre de la mise en place d’une politique sociale de priseen charge des «basses classes» de la société. Il vise à séparer les « employables » des« inemployables » pour «éviter que des pauvres non motivés, travailleurs occasionnels,indisciplinés et instables ne viennent constituer de faux chômeurs» (Gazier, 1990). Cette363


première acception sera reprise aux U.S.A. lors de la crise de 1930, avec la mise en placedes politiques d’emploi par le président Roosevelt.L’économiste Nixon (1940) distingue trois formes d’employabilité :- l’employabilité technologique, c’est-à-dire les qualités productives del’individu appréciées par les tests d’aptitudes ;travail;- l’employabilité économique qui correspond aux variations du marché du- l’employabilité socio institutionnelle regroupant les aspects conventionnels oulégaux qui régissent l’accès à l’emploi des diverses catégories de travailleurs.En France, le terme employabilité est utilisé en 1966 par le sociologue Ledrut (1966)dans le cadre de l’étude du chômage qui donne à ce concept une orientationfondamentalement statistique. C’est « l’espérance objective ou la probabilité plus ou moinsélevée que peut avoir une personne à la recherche d’un emploi d’en trouver un».L’employabilité dépend des conditions générales de l’économie et de la société quidéterminent une employabilité moyenne. Il existe aussi une employabilité différentielle liée àcertaines caractéristiques (âge, sexe, nationalité, spécialité professionnelle, capacitésphysiques et intellectuelles, etc.).L’employabilité est une notion complexe et évolutive. La première conception del’inemployabilité dans un contexte de plein emploi renvoyait à une connotation normative,.de nature socio médicale. Par la suite, le terme s’est élargi aux caractéristiquespsychosociales avec l’intégration de normes sociales, de «savoir être», qui traduisent lasocialisation d’un individu.Les critères d’«employabilité» généralement retenus sont : la présentation, laponctualité, l’assiduité, la motivation, les compétences...Selon Toffler (1991), pour êtrevraiment employable, un travailleur doit posséder des connaissances de culture générale etpartager certaines notions culturelles implicites concernant le temps, le vêtement, le savoirvivre,l’argent, la causalité, la langue et «par-dessus tout, il doit être en mesure d’échangerdes informations».Avec la crise des années 1990, et l’apparition de l’exclusion durable de certainschômeurs, les critères de définition de l’employabilité ont été étendus. « Développement etEmploi », (Sauret & Thierry, 1994), a imposé l’employabilité pour désigner : « la capacitéindividuelle à se maintenir en état de trouver un autre emploi que le sien, dans ou horsmétier exercé actuellement. Cette capacité fait appel à la fois au bagage accumuléd’expériences et de compétences utiles dans son métier actuel ou ailleurs, à la volontéd’anticipation et à l’autonomie que chacun doit manifester pour prendre le dessus d’unesituation de changement, à la largeur de l’information et du champ de vision dont il disposepour orienter ses choix». L’employabilité peut être définie comme la « capacité à êtreemployé sur le marché du travail. Elle dépend à la fois de l’origine et des conditions del’offre et de la demande sur ce marché. Le maintien et le développement de cette capacitérelèvent à la fois du salarié et de l’organisation » (Aubret et Gilbert, 2003).Pour Sauret et Thierry, les principaux «facteurs d’inemployabilité» observés aucours des deux décennies sont l’insuffisance de la formation continue, l’obsolescence descompétences; l’absence ou le refus de la mobilité professionnelle, l’incompréhension de lagestion anticipée des ressources humaines, la culture du non changement qui se traduit parune difficulté de transposition de ses aptitudes et compétences à un environnement différentet le cercle vicieux échec exclusion. Dans une entreprise, les salariés qui n’ont bénéficié sur364


plusieurs années ni de stages de formation ni de mobilité professionnelle sont ceux queguette l’inemployabilité.L’employabilité est liée autant aux compétences professionnelles qu’une personnepossède qu’à sa capacité à les faire connaître et à les faire évoluer. D’un point de vuedynamique, l’employabilité d’une personne s’évalue en fonction de sa capacité propre àfaire évoluer son portefeuille de compétences.Pour que l’employabilité reste un concept opératoire, il convient, avec Gautié(1993), de considérer deux points importants :- les critères sociodémographiques jouent dans la détermination del’employabilité mais ils ne suffisent pas à l’expliquer entièrement;- l’employabilité ne désigne pas seulement les caractéristiques ou l’histoirepersonnelle des travailleurs, elle renvoie indissociablement aux critères et pratiques derecrutement des entreprises, qui débouchent sur la stigmatisation et l’exclusion de certainsgroupes du marché du travail.Adopter ce point de vue, c’est reconnaître que l’inemployabilité n’est pas seulementl’affaire des travailleurs, mais aussi celle des employeurs à travers leur politique derecrutement et de développement des RH et leur capacité à rechercher et garantir l’égalitédes chances. La grande majorité des employeurs sont aujourd’hui convaincus de l’intérêtéthique, juridique, économique, social et démographique du management de la diversité et leproblème se situe au niveau du comment le mettre en œuvre. Lorsque AUCHAN en 2009décide de sélectionner des « managers de rayon » sans utiliser les CV mais en demandant derépondre anonymement à 27 questions telles que « comment un manager peut-il développerles compétences de son équipe ? » sur le site de l’APEC, certains profils peuvent être repérésparmi les 1300 personnes ayant répondu qui ne répondaient sans doute pas aux critèresusuels de présélection des CV. Ainsi, l’employabilité de certains candidatstraditionnellement exclus peut être décelée.Une authentique politique de diversité doit, dès le recrutement, rechercherl’employabilité des candidats au-delà des apparences et assurer l’égalité des chances.Prenons un exemple : faire du niveau de pratique de l’anglais un filtre lors du processus derecrutement est un facteur de discrimination indirecte. En effet les études montrent que lesenfants de milieux favorisés bénéficient davantage d’échanges et de séjours linguistiques àl’étranger, de voyages en Grande Bretagne et aux Etats-Unis et ont des opportunités plusnombreuses de devenir bilingue.Il est primordial que les pratiques en faveur de la diversité soient intégrées à un planglobal et cohérent qui comprend l’engagement de l’ensemble de l’entreprise et au premierchef des dirigeants, l’implication des partenaires sociaux et la déclinaison de l’ensemble duprocess RH (communication, formation mais aussi recrutement, évaluation et promotion) enfonction de l’objectif de diversité. Une politique de diversité doit éliminer les risques dediscrimination tant directe qu’indirecte.L’utilisation en GRH de la notion d’employabilité a suscité des réticences. Mathey-Pierre souligne la «naturalisation» du terme «d’employabilité». Le terme d’usageinitialement statistique, conçu «pour mesurer les chances objectives de retour à l’emploi decertaines catégories de demandeurs» a dérivé vers une utilisation à propos des personneselles-mêmes, qui selon leurs caractéristiques seraient plus ou moins «employables» ou«prêtes à l’emploi», abstraction faite du contexte économique (2007). Pour Ebersold «Eninstituant des systèmes de régulation propres aux populations définitivement condamnéesaux formes d’activités précaires les plus éloignées de la logique salariale, les politiques365


d’emploi ont rendu quasi ‘‘naturelle’’ l’idée qu’il existait des ‘‘inemployables’’irrémédiablement condamnées à des formes d’activités marginales, voire à unemarginalisation définitive loin du marché du travail» (2001).Un usage inconsidéré et hors contexte d’une notion dans l’air du temps peut êtredangereux. Culpabiliser les travailleurs en leur faisant supporter les efforts permanents pourl’entretien des compétences tout au long de l’existence constituerait une dérive. Lathématique de l’employabilité pose le problème de l’attribution de la responsabilité de samaintenance entre l’employeur et l’employé. Comme l’observe Beck, « Dans la sociétéindividualisée, chacun doit apprendre à se percevoir comme un bureau d’étude de sonpropre curriculum » (2001). En France la législation et la jurisprudence imposent auxentreprises un devoir d’adaptation de leurs salariés. Elles ont donc une responsabilité enmatière d’employabilité et doivent mettre en œuvre toutes les pratiques assurant à chacun desperspectives professionnelles dans l’entreprise ou en dehors. Elles doivent réduire aumaximum les risques d’inemployabilité et, au-delà, redonner de l’employabilité à ceux quil’ont perdu.Etre considéré comme «inemployable» n’est pas un état irréversible. On ne peutopposer les «employables» d’un côté, les «inemployables» de l’autre : «les gens sontélastiques, il n’y a pas à figer des inaptitudes au prétexte qu’elles seraient définitives... Il estvrai qu’une faible formation et l’obsolescence des qualifications débouchent désormais surdes processus d’exclusion qui sont devenus criants» souligne Gazier (1997). Inversement,des bilans de compétences, des actions de formations, des pratiques de validation d’acquisprofessionnels, les VAE (validation d’acquis de l’expérience), des périodes deprofessionnalisation, des actions de conversion sont susceptibles de réduire le risqued’inemployabilité.Pour lutter contre l’inemployabilité, il est nécessaire d’identifier la nature desqualités nécessaires pour être employé (e). L’inventaire reste cependant d’une grandeimprécision car les qualités sont liées au marché du travail, à l’importance numérique del’offre d’emploi, au type d’employeurs et aux caractéristiques des entreprises.La dégradation du marché de l’emploi depuis 2008 en France et en Europe accroîtpour de nombreux jeunes le risque de ne pas être « employable ». On peut faire l’hypothèseque la diminution de « l’employabilité moyenne », du fait de la forte diminution desrecrutements et en particulier de ceux des primo accédants au marché du travail, renforcel’importance des déterminants de « l’employabilité différentielle » (Ledrut, 1966). Dans cecontexte de moindre recrutement, on peut s’interroger sur la permanence des objectifsquantitatifs des volets recrutement des programmes de diversité. La pénurie de talents étaitl’une des raisons mises en avant pour justifier l’élargissement des viviers de recrutement.Elle semble moins actuelle en 2011. On peut aujourd’hui s’interroger : Que devientl’employabilité des populations moins favorisées sur un marché de l’emploi dégradé?Le «profil des compétences relatives à l’employabilité» proposé par des chercheurscanadiens (Morin, 1996) distingue trois registres principaux :• Les compétences issues de la formation, c’est-à-dire la capacité à communiquer,penser et apprendre, à ne jamais cesser d’apprendre;• Les qualités personnelles faites d’attitudes et de comportements positifs, d’espritde responsabilité et d’adaptabilité (créativité);• L’esprit d’équipe : savoir travailler avec les autres.366


Pour les jeunes à faible capital scolaire et/ou social, par exemple, les notions desavoir être (maîtrise de soi, présentation vestimentaire, politesse, respect des consignes) et dequalifications sociales renvoient à des formes de socialisation à développer. Dans le contexte2012 de chômage croissant des jeunes, le débat sur les déterminants de leur employabilité,quelles que soient les formes de diversité est essentiel.II - Diversité : Promouvoir l’employabilité ou favoriser l’adaptabilité ?L’employabilité, capacité d’évoluer de façon autonome à l’intérieur du marché dutravail, de façon à réaliser, de manière durable, par l’emploi, le potentiel qu’on a en soi,dépend des connaissances, des qualifications et des comportements qu’on a, de la façon donton s’en sert et dont on les présente à l’employeur.Une intervention précoce par la mise en place d’une aide personnalisée en matièred’orientation professionnelle peut éviter que les intéressés ne deviennent des exclus dumarché de l’emploi,. Dans la méthode du profilage, la qualification professionnelleindividuelle importe autant que le comportement social et l’adaptabilité. Les facteurs liés auxcaractéristiques psychologiques de l’individu sont le plus souvent évalués au cours d’unentretien avec un demandeur d’emploi. Ils comprennent les effets de recherche d’un emploiet la motivation à travailler, la volonté de s’adapter à de nouvelles conditions de travail et laconfiance en soi. L’approche individualisée et le suivi des personnes sont les deuxconstituants essentiels d’une orientation professionnelle accompagnée.Formation et orientation sont deux clés de l’employabilité future des jeunesscolaires. Or, observe Jean Pierre Boisivon 127 , «L’école française ne considère que lesenfants issus d’un bon milieu familial, nantis d’un solide héritage culturel et qui s’adaptentsans réticence au système scolaire qu’on leur propose. Les autres, tous ceux qui n’entrent pasdans ce schéma ont toutes les chances d’être rejetés. C’est le cas d’un grand nombred’enfants de milieux défavorisés ». Faute d’une formation initiale suffisante, ces jeunes issusde milieux défavorisés ont un risque fort d’inemployabilité.Les lacunes au niveau de l’orientation font que les jeunes diplômés issus de milieuxdéfavorisés ont souvent un handicap sur le marché de l’emploi. Les plus défavorisés sontceux qui ont choisi des filières à faible employabilité faute d’informations suffisantes et cesont souvent les jeunes issus de milieux défavorisés qui font les mauvais choix de filières. Ily a 2 à 3 fois plus de chances de « faire carrière » pour un fils de cadre que pour un filsd’ouvrier. L’effet réseau se cumule avec l’effet discriminant des origines. Bonne filièrescolaire, bons réseaux et origine sociale se conjuguent pour la réussite professionnelle.Pour les « groupes vulnérables » (personnes handicapées, populations immigrées ouissues de l’immigration, personnes à faible capital scolaire…), l’enjeu de l’employabilité –ou de « l’aptitude de l’homme à l’emploi », expression parfois préférée à celled’employabilité - est particulièrement fort tant au niveau individuel que collectif). L’emploiapporte la protection sociale car avoir un emploi donne accès à des « droits de tiragessociaux », droit au congé de reclassement, au conseil d’orientation, à l’informationprofessionnelle, au bilan de compétences.La notion d’adaptabilité est parfois préférée à celle d’employabilité. Le rapportGauron en donne les raisons : « L’employabilité renvoie à la seule responsabilité del’individu et à une régulation de l’accès à l’emploi par une variation (supposée à la baisse) du127 Interview de Jean Pierre Boisivon dans Le Pèlerin, n° 6610 bis, 6/08/2009.367


coût du travail. L’adaptabilité s’inscrit dans une démarche collective de développement descompétences qu’appelle la création des nouveaux emplois. La formation en constitue la clé.Elle doit viser un double objectif : donner à chacun un capital de formation initiale suffisantpour lui permettre d’évoluer et les moyens d’assumer les emplois qui feront la croissance etle plein emploi de demain. L’adaptation implique de ce fait un engagement fort des troisacteurs que sont l’individu, l’entreprise et l’Etat. Elle suppose une démarche commune dequalification des hommes et des emplois qui articule différents dispositifs de formation toutau long de la vie (…) Adapter les individus à un travail en évolution permanente, tel est, endéfinitive, le but qui doit être assigné à la formation tout au long de la vie » (2000).En France, le thème de l’employabilité est associé à une nouvelle orientation de lapolitique patronale et suscite des réserves des syndicats de salariés (Aubret et alii, 2002)dans la mesure où le salarié est tenu pour responsable du maintien de son employabilité dansla gestion de son processus de carrière. « On ne peut attendre des salariés qu’ils aient lapréoccupation de l’employabilité tout au long de leur vie professionnelle sans faciliter leurpositionnement par rapport aux évolutions générales de l’emploi, des qualifications et descompétences attendues dans leur entreprise et sur le marché du travail dans leur domaineprofessionnel (…) C’est donc une nouvelle forme de « compromis salarial » qui se dessine,liant non plus subordination contre sécurité de l’emploi mais employabilité contreengagement dans le développement des compétences et des performances de l’entreprise. »(MEDEF, 2002).L’entreprise recherche le maintien et le développement de l’employabilité de sessalariés par la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences. Nekka observe quel’approche des entreprises qui développent l’employabilité « consiste à éclairer leurs salariésà travers la communication sur leurs orientations stratégiques, les visions de l’évolution desemplois actuels, la situation des marchés internes de l’emploi, les moyens d’adaptation etd’évolution et les possibilités de la connaissance de soi. Cette approche est plus facile àmettre en œuvre dans les entreprises n’ayant pas de problème d’organisation (cloisonnement,jeux de pouvoir, etc.) » (2002).L’employabilité se manifeste par la capacité d’obtenir et de conserver son emploi ens’adaptant à ses évolutions de celui-ci et revêt des formes spécifiques :- l’employabilité moyenne d’un pays à un moment donné ;- l’employabilité catégorielle (femmes versus hommes, classes d’âge ;personnes handicapées) ;- l’employabilité individuelle en fonction des caractéristiques personnelles(nationalité, handicaps, comportements, formation).Dans le cadre d’une politique de diversité, l’entreprise veille à reconnaître etdévelopper pour chaque travailleur, candidat ou salarié, une employabilité satisfaisanteindépendamment des caractéristiques personnelles ou catégorielles. L’employabilité dépenddes critères d’évaluation par un employeur de l’efficacité productive d’une personne. Il estimportant de le faire sans filtres qui éliminent les « différents » au profit des « clones ». Lerecours au CV anonyme et certaines méthodes de sélection permettent de reconnaîtrel’employabilité de profils atypiques. La méthode des « habiletés » développée par l’ANPE etlargement utilisée dans la distribution spécialisée (IKEA) ou la grande distribution (Casino)conduit à retenir des personnes qu’une méthode classique aurait éliminées. La campagne depublicité, en 2011, d’une enseigne de distribution (« ce n’est pas votre CV qui nous intéresse,c’est vous ») illustre cette approche.368


Assurer à chacun une employabilité satisfaisante implique une politique diversitécentrée sur l’amont, favorisant les formations en alternance (apprentissage etprofessionnalisation) pour ceux qui ont le moins d’atouts en main. Pour les jeunes issus demilieux défavorisés, l’alternance, avec son taux élevé d’accès à l’emploi, est une voie pourl’employabilité. Il devient alors fondamental que les parcours professionnels offerts dansl’entreprise aux diplômés de l’alternance soient de même qualité que ceux dont bénéficientceux issus d’un parcours classique. Ceci nécessite que, par la formation dans l’entreprise, laformation initiale soit approfondie et élargie. Car, note l’OCDE « Il y a dans le capitalhumain les caractéristiques qui permettent à une personne de se structurer, de gérer et dedéployer ses compétences. Ces caractéristiques comprennent l’aptitude et la motivation àapprendre, des compétences efficaces pour la recherche d’emploi, ainsi que lescaractéristiques individuelles qui aident à bien travailler, de même que la capacité àharmoniser une vie personnelle réussie avec une bonne carrière » (2002). Le concept élargide capital humain aide à combler le fossé entre ceux qui insistent sur la mission économiquede l’éducation, et ceux qui mettent l’accent sur des bénéfices personnels et sociaux plusgrands.III- Les pratiques des entreprises : impératif de sélection et dérivesdiscriminatoiresLe concept d’employabilité est intéressant car il ouvre un cadre stratégique àl’action des entreprises condamnées à la performance. Il participe également d’un certainpragmatisme, qui se fixerait des objectifs atteignables. Dès lors qu’un employeur ne peutplus, en réalité garantir le plein emploi, ni l’emploi à durée indéterminée, qui faisaient l’un etl’autre partie, il y a peu du contrat social ordinaire, ne peut-il s’efforcer au minimumdévelopper de développer chez les travailleurs, la capacité à demeurer employable?Autrement dit, l’employeur veillera constamment à s’efforcer de maintenir,d’entretenir et de développer les compétences professionnelles.Dans cette perspective, il faudra "élaborer des politiques et des programmes quivisent à donner aux femmes et aux hommes les mêmes chances en matière d’emploi. Ilfaudra notamment des mesures spéciales pour renforcer l’employabilité des groupesparticulièrement exposés, tels que les travailleurs migrants en situation régulière, leshandicapés et les jeunes travailleurs, et pour faciliter la réinsertion des chômeurs de longuedurée sur le marché du travail (Conclusions concernant la poursuite du plein emploi dans uneéconomie mondialisée: responsabilité des gouvernements, des employeurs et des syndicats,83ème session de la Conférence internationale du Travail, Genève, juin 1996).Interrogées sur leurs pratiques de recrutement, les entreprises et notamment lesentreprises intermédiaires du marché de l’emploi (cabinet de recrutement, entreprises detravail temporaires,…) n’ont pas l’impression d’être critiquées par les chercheurs d’emploi.De fait, pour les recruteurs, les références limites repérées dans l’analyse des offresd’emploi portant sur l’expérience professionnelle n’ont pas comme objectif de donner unrenseignement sur l’âge du candidat mais plutôt d’informer sur son niveau opérationnel : nesouhaitant ou ne pouvant investir dans la formation d’un nouveau venu, les entreprisescherchent des individus immédiatement opérationnels qui idéalement ont déjà tenu le mêmeposte avec succès, dans le même secteur et dans une entreprise comparable…Cependant, au-delà de la nécessaire sélection sur la base de critères licites queconstitue l’acte de recrutement, on constate que certaines entreprises ont recours à descritères illicites de sélection.369


Ainsi, interrogées sur l’utilisation qu’elles font des éléments d’informationssociodémographiques qui figurent souvent sur un CV, les entreprises reconnaissent que sontdes critères de sélection importants :- la date de naissance (pour 16% très important et 54% plutôt important),- les noms et prénoms (22% très important et 22% plutôt important),- la photo (4% très important et 20% plutôt important),- la situation maritale (3% très important et 21% plutôt important),- le nombre d’enfants (1% très important et 12% plutôt important).Ces résultats inquiétants rejoignent ainsi les perceptions des individus et corroborentles études statistiques que peut mener l’APEC sur certaines populations de cadres :‣ ainsi l’analyse des résultats de l’enquête insertion des jeunes diplômés montreque les jeunes diplômés qui maîtrisent une langue d’Afrique du nord sont moins souvent enemploi que les autres (55% contre 75%),‣ que les taux d’emploi des jeunes diplômés de Seine Saint-Denis sontsignificativement plus faibles que ceux des jeunes diplômés habitant en Ile de France (67%contre 74%).Ces différentes études ont permis de mettre en évidence la persistance de pratiquesdiscriminatoires qui s’expriment n’ont pas dans la seule offre d’emploi mais tout au long duprocessus de recrutement.Dans ce contexte, on peut plaider en faveur du CV anonyme qui couperait l’accèsaux informations socio-démographiques. Mais on peut aussi se demander si une telleprocédure, imposée sans véritable sensibilisation ne ferait pas que retarder le moment de ladiscrimination au lieu de l’éviter.Dès lors, la juste attitude revient à ne pas se focaliser uniquement sur les aspectsvisibles des discriminations mais à tenir compte également de la diversité de leurs aspectsinvisibles afin de lutter efficacement contre les formes multiples de mise à l’écart. Dans lecas du handicap, par exemple, ne pas s’arrêter aux seules dimensions visibles maiscomprendre toutes les dimensions handicapantes: cécité, surdité, handicap moteur ; maisaussi troubles mnésiques, fatigabilité, défaillance de l’écriture, problèmes temporairesd’élocution…Le concept d’employabilité peut permettre de répondre à cette exigence, en armantles handicapés à développer leur polyvalence afin qu’ils puissent trouver un emploi productifplus facilement, tout en préservant la profitabilité de l’entreprise.Autrement dit, une vraie question posée aujourd’hui consiste à savoir si lespersonnes en charge de l’organisation des équipes et du recrutement, dimensions clés despolitiques de diversité, sont assez « armées » pour identifier d’autres profils et besoins, ce quirelève de cette compétence globale, à la fois technique et humaine, organisationnelle etmanagériale, qui est celle de la gestion de la diversité.Il s’agit également pour les entreprises de penser non pas aux seuls problèmes ouaux projets immédiats que les personnes recrutées ont à prendre en charge, mais à leurdéveloppement futur d’une part, toujours en lien avec celui plus large de leurs bassinsd’emploi, leurs pays et régions d’implantation.Le défi pour les entreprises actuelles consiste à traduire voire à convertir outransformer la « multiculturalité » de leurs collaborateurs ou partenaires externes -370


caractéristique de plus en plus fréquente des entreprises actuelles- et la contrainte juridiqueayant pour but de la circonscrire, en opportunités et en facteurs d’efficacité économique etsociale. Si l’attitude minimaliste ou purement « défensive » face à ce défi se limite à la nondiscriminationen recrutement (recrutement et intégration de personnes « différentes ») et aurespect du droit du travail, à partir trop souvent des seuls traits apparents, visibles, lesrecherches montrent que l’entreprise gagne à aller plus loin que ces deux éléments. En effet,il nous semble que celle-ci gagnerait à pratiquer véritablement le management de la diversité,en mettant en œuvre, dans l’intérêt bien compris pour elle-même -et pour ses différentspartenaires- une approche plus engagée, volontariste, qui mette réellement en valeur ladimension également non visible de la diversité des hommes et des femmes impliqués dansson projet.ConclusionSans la confiance, aucun État ne peut fonctionner. Pour faire face au défi modernede la diversité, nous devons savoir que la confiance est absolument indispensable. L’État abesoin non seulement de la confiance du peuple dans ses institutions et ses dirigeants, maisaussi de la confiance qui doit régner entre les différentes communautés.Il faut de ce point de vue tenir compte d’un facteur-clé, trop souvent négligé, àsavoir le manque de confiance entre ces différents acteurs que sont les employeurs et lespopulations moins favorisées, fondé certes d’une part sur la méconnaissance des réalitésauxquels ils sont confrontés les uns et les autres, mais aussi d’autre part, sur le fait qu’on nedonne pas toujours le temps aux « groupes vulnérables », ni de se révéler, ni de participerdirectement et durablement à un projet d’entreprise.Dans la cité comme dans l’entreprise, la communication est alors essentielle, pouramener les personnes concernées à s’impliquer dans un même combat, à en partager lesambitions. Mais cela doit se faire à leur rythme, celui d’une horloge intérieure qui épouseraprogressivement le temps nécessaire à l’établissement de la confiance réciproque et del’estime.La nécessité de la confiance implique alors que l’on s’interroge sérieusement sur lafaisabilité des moyens à mettre en œuvre et les marges de manœuvre qui pourraient êtredégagées pour agir ensemble. L’ambition est de rompre l’isolement et le repli sur soi desacteurs concernés et de provoquer des actes créateurs. Il peut s’agir de la mise sur pied d’uneassociation, du lancement de micro-projets, de coopératives ou de petites entreprises, ouencore de l’intégration dans une entreprise ou d’une nouvelle chance de progresser donnée àun travailleur discriminé à travers la formation.Références bibliographiques:AGOCS, C. et BURR, C. (1996). “Employment equity, affirmative action and managingdiversity: assessing the differences”, International Journal of Manpower, vol. 17, n° 4-5, p.30-46.AKOUN, A. et ANSART, P. (Dir), (1999). Dictionnaire de sociologie, Paris, LeRobert/Seuil, pp. 181-183.ALVESSON, M. (1997). Review Article: Competitive Advantage through Diversity andPeople, Organization, 4, 2, 279-302.371


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Atelier 9 : Entreprendre au féminin……………………………………………………………………………………..« L’entreprenariat au Féminin : cas du Maroc » Noura SALMAN (Université de Liège), SanaGUERFEL-HENDA (ESC Amiens) et Manal EL ABBOUBI (ESC LaRochelle)…………….« Les femmes responsables des PME. A l’épreuve du développement durable (DD). Etat deslieux » Caroline DEBRAY, Agnès PARADAS, Marion POLGE (Université deMontpellier)…374


« L’entreprenariat au Féminin : cas du Maroc »ParNoura SALMAN,Chercheure, doctorante,HEC Ecole de gestion de l’université de LiègeSalman.noura@doct.ulg.ac.beSana GUERFEL-HENDA, PhDProfesseur, Groupe Sup de Co Amiens,Responsable Pôle Leadership et Ressources Humainessana.henda@gmail.comManal EL ABBOUBI, PhDAssociate professorManagement & HR Department,Groupe Sup de Co La Rochelleelabboubim@esc-larochelle.frPersonne de contact : Sana HENDA, (sana.henda@gmail.com)Résumé : Cette étude qualitative descriptive de type exploratoire a pour but d’étudier lasituation des femmes chefs d’entreprises au Maroc, à travers différents indicateurs: leurprofil, les caractéristiques de leurs entreprises, leur style de gestion, leur choix definancement, leur implication dans les réseaux professionnels. Du même, d’autres élémentsont été analysés notamment au niveau des difficultés rencontrées autant que femmes activesau sein d’une société caractérisée par certains facteurs contextuels spécifiques. Cesdifficultés peuvent constituer un handicap sérieux face au développement de l’entreprenariatféminins au Maroc.Des entretiens semi-dirigées ont été réalisées auprès de 20 femmes chefs d’entreprisesactives dans divers secteurs d’activité. Les résultats montrent que les femmes entrepreneursmarocaines ont des particularités souvent engendrées par des facteurs socio-culturels liés àla société marocaine. Les résultats de cette étude devraient permettre aux différents acteursde mieux comprendre la situation de ces femmes ainsi que leurs besoins, en plus d’offrir desidées utiles permettant aux responsables de mieux soutenir l’entreprenariat féminin auMaroc.Mots clés: entrepreneurs féminins, genre, entreprise, culture.375


IntroductionAujourd'hui, avec la crise économique et les changements dans les sociétés, nous nousrendons compte que l’accès à l’emploi par les méthodes classiques devrait être dépassé etlaisser la place à la nécessité de créer d’autres possibilités d’emploi. Dans certains pays dessolutions au problème de l'emploi ont été l’encouragement intense à la création desentreprises. Ainsi, l’entreprenariat a connu depuis plusieurs années un développementremarquable.Après avoir investi différents métiers, les femmes ont décidé aussi de prendre d’autresrisques et de se lancer à leur tour dans d’autres défis professionnels et créer leur propreemploi. Par conséquent, la place occupée par la femme entrepreneur varie d'une société à uneautre.Au Maroc, la femme a été pendant longtemps reléguée à l’arrière-plan par les traditions et lescoutumes qui valorisaient l’homme par rapport à la femme et qui confirmaient sa supérioritépar rapport à elle, ainsi, la femme marocaine était réduite de ses capacités créatives (Agénoret El Aynaoui, 2003). Pour longtemps, cette discrimination envers la femme l’avait privé deson esprit d’initiative, et crée chez elle un esprit d’indépendance totale à l’homme. Ceci alimité considérablement ses facultés créatives qui sont indispensables pour sondéveloppement personnel ainsi que le développement de sa société. Mais la scolarisationmassive des femmes, leur entrée par la suite dans le marché de l’emploi (ménages à deuxrevenus) et l'apparition de nouvelles structures familiales (familles monoparentales) ontprovoqué un changement important sur le modèle familial marocain (Bargach, 2005; Mejjati,2004). Ceci a favorisé davantage une participation accrue de la femme à l'économie de leurfoyer (Beltrán, 2006).Depuis les années 90, l’évolution du contexte social et économique, des mentalités ainsi queles changements positifs au niveau juridique, ont favorisé l’émergence de l’entreprenariatféminin au Maroc. Avant les changements apportés au code du commerce en 2003, la libertéd’entreprendre pour les femmes était limitée. L’ancien code interdisait à la femme marocained’exercer une activité commerciale sans l’autorisation de son époux, et le code desobligations et contrats octroyait au mari le droit d’annuler le contrat de location d’un bienconclu par sa femme sans son accord (Hcp, 2000a; Paterno et al., 2006). Or, êtreentrepreneur nécessite un pouvoir de prise de décision et une indépendance pour pouvoircréer en toute liberté.Actuellement, et suite aux changements juridiques en faveur de la femme, l’entreprenariatféminin au Maroc est devenu plus visible, et de plus en plus encouragé. Ainsi, la femme chefd’entreprise, a investi de nombreux secteurs: le commerce, les services, le textile,l’agroalimentaire et la restauration. Contrairement aux idées véhiculées, les entreprisescréées par les femmes ne sont pas que dans le secteur informel. Ce sont aussi des entreprisesstructurées et établies dans un cadre légal, productives, compétitives et organisées demanière moderne et gérées de façon professionnelle. Néanmoins, l’entreprenariat féminin auMaroc demeure encore à un niveau très faible. La proportion de la création des entreprisespar les femmes ne dépasse pas 12% 128 . Alors que l’entreprenariat pourrait constituer uneperspective importante d’auto-emploi dans un pays où le problème des diplômés chômeurs,notamment les femmes, est posé de manière accrue (Barkalil, 2005; Walther et al., 2006).Malheureusement, trop peu de recherches abordent le sujet de l’entreprenariat féminin auMaroc. Cela nous pousse à nous pencher sur cette situation.128 Selon le rapport annuel 2009, OMPIC (de l’office Marocain de la propriété industrielle et commerciale).376


Dans ce travail, nous allons présenter la spécificité socioculturelle marocaine et les étudesdisponibles sur les femmes entrepreneurs au Maroc. Par la suite, nous présenterons laméthodologie du travail. Finalement, la présentation et l’analyse des résultats suivront lesthèmes suivants :- Le profil de la femme entrepreneur marocaine (âge, situation matrimoniale, parcoursscolaire, expérience);- Le profil de leurs entreprises (forme juridique, secteur d’activité, le style demanagement);- Les déterminants (motivations) principaux de la création d’entreprise par les femmesmarocaines;- Les sources de financement;- Le soutien familial et professionnel;- Les difficultés rencontrées: socioculturelles, financières et institutionnelles.L’intérêt principal de cette étude est de décrire et d’analyser l’expérience entrepreneurialeféminine au Maroc en regard de leur contexte social, économique et culturel. Les résultats decette étude serviront à formuler des recommandations, afin d’aider les responsables et lesdécideurs politiques à mettre en place des mesures appropriées aux besoins des femmesentrepreneurs marocaines.De ce fait, les questions de recherche sont les suivantes:Quel est le profil de la femme chef d’entreprise marocaine? Quelles sont lescaractéristiques des entreprises qu'elles ont créées?Comment se passe la relation des femmes entrepreneurs marocaines avec leurenvironnement économique, social et familial? Est-ce qu’elles considèrent lesfacteurs socioculturels comme des atouts ou des handicaps?Quelles sont les obstacles rencontrés par ces femmes en termes du financement, duchoix de secteur, de formation, de soutien familial et professionnel?1. Cadre de l’étudeCette première partie présente des éléments contextuels utiles pour la compréhension desinformations recueillies auprès des entrepreneurs femmes au Maroc. Elle contient troisparagraphes principaux: la situation des femmes au Maroc, le particularisme culturel et lesétudes sur l’entrepreneuriat féminin au Maroc.1.1. La position des femmes au MarocDiverses approches ont tenté de comprendre le rôle des femmes dans cette évolution, parmicelles-ci l’approche genre. Selon Benradi (2006, p:9): « une politique qui intègre la notion degenre est une politique qui examine de manière comparative la situation des hommes et desfemmes, identifie les sources d’inégalités entre les sexes et vise à les réduire. Elle met enévidence le caractère social des différences entre les hommes et les femmes et les inégalitésqui se construisent autour des stéréotypes et des rôles sociaux ».Au Maroc, depuis plusieurs années la femme est au centre des débats. Le sujet des rapportshomme/femme est devenu de plus en plus important et d’actualité. Bien que l’inégalité entreles hommes et les femmes soit une réalité universelle, la situation change d’un pays à l’autre(Cayado, 2008). Au Maroc, malgré les progrès enregistrés au niveau juridique, les disparités377


sociales et économiques demeurent un frein réel pour plusieurs catégories socialesnotamment les femmes (Hcp, 2000d). Néanmoins, la question féminine est au cœur dudynamisme socio-économique et des changements politiques qui s’opèrent au Maroc.L’évolution économique du pays a poussé les femmes marocaines à être un acteur actif, etnon pas passif, dans la société.Dans la société marocaine, les rôles et les responsabilités liés au sexe sont définis dansl’union matrimoniale. Selon la Charia islamique (la loi islamique), l’homme a l’obligation desubvenir aux besoins économiques de son ménage. En contrepartie, la femme doit lui obéir(le principe du Ta’a), elle est tenue en même temps à assurer divers rôles : épouse, femme aufoyer, mère et bonne gestionnaire des dépenses de son ménage (Naciri, 2001). L’imagetraditionnelle de la société marocaine a été basée sur le modèle suivant: ‘ les hommes sontresponsables à l’extérieur et les femmes à l’intérieur’ (Lynch, 2003; Sahraoui, 2010). Au fildes années, ces rôles et responsabilités liés au sexe ont changé dans la sphère économique.De plus en plus d’hommes sont devenus incapables de subvenir seuls aux besoins de leursfamilles à cause du chômage structurel et de la faible croissance des salaires, ce qui a pousséles femmes à investir de plus en plus le marché de l’emploi. Cette situation a contribué auxchangements de la structure familiale et à améliorer la condition des femmes dans la société.Néanmoins, cette participation élevée de la femme marocaine n’a pas conduit à une divisionéquilibrée des tâches au sein des ménages. Au contraire, l’homme maintient encore unegrande partie du pouvoir économique et de prise de décision au sein de la famille (Benradi,2006). Ce qui confirme l’existence accrue de la différenciation sexuelle dans la sociétémarocaine. La femme marocaine, même instruite, rencontrent encore des obstacles à exercerune activité en dehors de son domicile. Son premier rôle reste celui d’épouse et de mère.1.2. Le particularisme culturel au MarocLa société marocaine est encore dominée par des valeurs et des pratiques culturelles quicontraignent la participation active, responsable et autonome des femmes (Hcp, 2000c). Si lasituation de la femme a radicalement changé, les mentalités et les perceptions de la sociétémarocaine n’ont pas suffisamment évolué. La culture marocaine est une culture patriarcalequi a longtemps considéré l’homme comme celui qui commande et la femme doit lui obéir(Grey et Finley-Hervey, 2005). Ainsi, la femme a souvent représenté le modèle de l’épouseclaustrée et soumise, qui devait s’occuper de son foyer et jouer son rôle d’épouse,d’éducatrice, et de nourricière. Cette situation, renforcée par d’autres facteurs tels que lapauvreté et l’ignorance des droits et devoirs de chacun, a longtemps constitué un obstacleaux aspirations professionnelles des femmes marocaines. Néanmoins, cela ne signifie pasl’absence de mesures et de projets qui visent à renforcer la sensibilisation sur les femmes etleurs droits. Ce qui a contribué à une amélioration significative de leur situation au sein dela société, malgré que la réalité indique que le Maroc reste un pays traditionnellementmachiste. Dans la société marocaine, des valeurs traditionnelles telles que, la solidarité,l’honneur, l’obéissance, le respect, l’entraide sont encore présentes. Cependant, même si lesmarocains adoptent fortement ces valeurs traditionnelles, ils adhèrent aussi à des idéesmodernes dans le domaine économique et social. Ainsi, malgré la présence accrue desvaleurs et traditions dans la société marocaine, il faut admettre qu’une majorité de marocainsencourage un rôle plus ‘moderne’ de la femme marocaine dans le domaine économique etsociale. Galland (2005) met en évidence que les attitudes à l’égard du travail féminin auMaroc ne seraient pas corrélées au traditionalisme.Au Maroc comme dans d’autres pays arabo-musulmans, quand on évoque la culture c’estaussi souvent en association avec l’islam, avec parfois un amalgame entre culture et religion(Tozy et al., 2007). Ainsi, la situation de la femme dans l’islam est souvent évoquée. L’islam378


est la religion d’Etat au Maroc, par ailleurs, il occupe une place importante dans la société.La femme marocaine ne peut pas se dissocier de son identité arabo-musulmane. L’islam aoctroyé divers droits à la femme, comme le confirme plusieurs versets coraniques (ex: Sourat« Les femmes »). Il lui octroie le droit à l’instruction, le droit de faire des transactions, ledroit de vendre, d’acheter, d’être propriétaire, sans aucun contrôle du père, du mari, du frèreou au autre personne, ainsi que le droit à l’héritage à une époque où seuls les hommesavaient ce droit. En revanche, la part de l’héritage de l’homme est supérieure à celle de lafemme dans certains cas, mais le contexte social justifie cette règle coranique par le fait qu’àcette époque la femme ne travaillait pas et que l’homme a le devoir d’entretenir et subveniraux besoins de sa famille.1.3. Les femmes entrepreneurs marocainesDans la littérature, elles sont nombreuses les études qui ont traité l’entreprenariat féminin.Divers thèmes ont été analysés tels que: les motivations, le style de gestion, le réseautage,les modes de financement ainsi que les difficultés rencontrées par les femmes entrepreneurs.La littérature distingue généralement deux types de profils de femmes entrepreneurs à partirde leurs motivations à créer ou reprendre une activité: les femmes qui créent ou reprennentune activité par choix ou par opportunité (Zapalska et al., 2005; McClelland et al., 2005), etles femmes qui créent ou reprennent une activité par nécessité (DeMartino et Barbato, 2003;Bird and Brush, 2002).Le thème « style de leadership » des entrepreneurs a suscité un grand intérêt depuis quelquesannées. Certaines études affirment qu’il existe des différences significatives entre lesentrepreneurs masculins et féminins dans leur style de management (Eagly et al, 1990, 2001,Rosener, 1990, Mukhtar, 2002, Bruni et al., 2004). D’autres études par contre ont concluqu’il n y’a pas de différences de genre dans les styles de leadership (Xie et Whyte, 1997,Wajcman, 1998).Concernant le financement des entreprises gérées par des femmes, les travaux montrent queles femmes investissent généralement pour des montants moindres que les hommes, et d’unemanière générale, des sommes assez faibles au début de leur activité (Verheul et Thurik2001, Constantinidis et al., 2006). En outre, pour créer leurs entreprises, les femmespréfèrent recourir principalement à leurs économies personnelles, aux cartes de crédit, ou àdes emprunts auprès de la famille et des amis, plutôt que de recourir à des sources definancement externes tel que les prêts bancaires (Coleman, 2000, 2004, Constantinidis et al.2006).Au niveau du réseautage, plusieurs recherches en entrepreneuriat ont souligné l’importancedes réseaux relationnels dans le processus de création d’une activité économique (Llussá,2010; Minniti et al., 2004). De ce fait, le rôle des groupements sociaux ou professionnels aété considéré par certains comme un complément utile et déterminant aux différentsorganismes d’appui existants (Ponson, 2002). Ces réseaux peuvent être utiles pour obtenirdes conseils, profiter de nouvelles opportunités ou bénéficier de partenariats commerciaux(Baines et Wheelock, 1998; Doyle et Young, 2001). Par conséquent, appartenir à un réseau,devient pour plusieurs entrepreneurs une source de soutien psychologique et matériel pourréussir dans leur processus de création et de consolidation de leur projet (OCDE, 2004).Quel que soit leur statut familial, leur niveau scolaire, économique et social, les femmesrencontrent des difficultés non négligeables liées à des stéréotypes portant sur leur genre.379


La littérature évoque plusieurs obstacles et difficultés spécifiques que peuvent rencontrer lesfemmes entrepreneurs pendant la création ou l’exploitation de leur entreprise. Selon l’OCDE(2000), les femmes peuvent faire face à des contraintes particulières qui peuvent empêcher ledéveloppement de leurs entreprises. Du même, une telle situation peut également avoir desrépercussions sur l’environnement économique et la croissance de plusieurs pays. Parmi lesproblématiques spécifiques à l’entreprenariat féminin, certains évoquent l’accès aufinancement, l’accès aux réseaux et la conciliation vie privée et vie professionnelle.Néanmoins, ces difficultés diffèrent parfois d’un contexte à l’autre. Dans le cas du Maroc, lesfemmes entrepreneurs marocaines ont réussi à réaliser des progrès remarquables depuisquelques années, mais elles souffrent encore d'un certain nombre de problèmes que ce soitstructurels, économiques ou socioculturels qui l'empêchent de prendre leur envol. L’étude del'association des femmes chefs d'entreprises du Maroc en 2010, indique que les femmesentrepreneurs souffrent de trois principaux problèmes: l’accès aux réseaux, la corruption,puisque les femmes ont moins tendance à recourir à cette pratique pour avoir un marché, etl’accès au financement qui constitue parfois un sérieux obstacle pour les femmes ce quiexplique un attrait pour l’autofinancement ou l’utilisation des fonds en partenariat avec desmembres de la famille.L’entreprise marocaine a été connue pendant longtemps par son caractère familial etmasculin. Au Maroc, le phénomène des entreprises créées par les femmes est apparu dans lesannées 80-90 (SFI, 2005). Peu nombreuses sont les études qui se sont intéressées à cephénomène au niveau national. Ainsi, une étude récente de l’association des chefsd’entreprises au Maroc (Afem, 2010), indique que le nombre d’entreprises féminines s’élèveà 16 837 en 2009. La majorité de ces entreprises sont actives dans le secteur des services(48%) et du commerce (32%). Il s’agit souvent des entreprises de petite et très petite taille.Selon cette étude, les femmes marocaines ont été motivées à lancer leur entreprise suite auxmesures de soutien mises par les autorités marocaines: instruments de financements,sensibilisation et développement des compétences, réseautage et structures de solidarité.Selon un rapport du bureau d’étude McKinsey (2005), les entreprises marocaines, y compriscelles créées ou gérées par les femmes, sont de très petites entreprises (TPE) qui opèrentessentiellement dans l’informel (un secteur qui reste très féminisé mais il y a très peud’informations sur ce sujet), ainsi que des petites et moyennes entreprises (PME). De ce fait,sur 90 000 entreprises enregistrées au Maroc, 33% sont des PME (entre 10 et 50 salariés) et66% sont des TPE (moins de 10 salariés). Dans le même ordre d’idées, d’autres étudestraitant le sujet de l’entreprenariat féminin au Maroc, indiquent qu’au départ, la femmeintégrait l’entreprise familiale suite à une reprise, un héritage ou un mariage (Hcp, 2000b).Actuellement, la plupart des femmes entrepreneurs ont monté elles-mêmes leur projet. Aumilieu rural, les femmes sont plus présentes dans le secteur agricole et de l’artisanat. Parcontre, au milieu urbain, elles sont plus actives dans le secteur des services et du commerce,mais, elles investissent aussi dans le secteur industriel particulièrement dans la confection etle textile (Hcp, 2000d). Les femmes créent et/ou gèrent souvent des entreprises dans lesecteur des services ou du commerce (Rachdi, 2006; Hcp, 2000b; Afem, 2004), et à un degrémoindre, dans l’industrie notamment le textile et l’agro-alimentaire (Afem, 2010). De ce fait,l’entrepreneuriat féminin au Maroc est de moins en moins limité aux secteurs traditionnelscomme les services, le commerce ou l’artisanat (Bousseta, 2011). Du même, cette forteconcentration de femmes entrepreneurs dans le secteur des services a été expliquée parDenieuil (2005) sur l’entreprenariat féminin en Tunisie, un pays quasi identique au Maroc,par le faite du prolongement des obstacles socioculturels traditionnels qui lient la femme auxtâches domestiques (confection, couture, agriculture, artisanat...).380


Les femmes entrepreneurs seraient âgées de 30 à 39 ans (Afem, 2004). La majorité d’entreelles auraient un niveau d’instruction secondaire ou supérieur et une expérienceprofessionnelle considérable dans leur domaine d’activité. La quasi-totalité des femmesentrepreneurs auraient des associés parmi leurs proches ce qui confirme le caractère familialde l’entreprise marocaine. Les principales sources de financement seraient: l’épargnepersonnelle et le prêt familial. Comme le soulignent plusieurs études, notamment cellesréalisées en 2004 et en 2005 par l’AMAPPE (L'Association Marocaine d'Appui à laPromotion de la Petite Entreprise), les facteurs de blocage à la création de l’entrepriseféminine sont de plusieurs ordres. En plus des problèmes qui relèvent du domaineéconomique et financier (difficultés à l’accès au financement, l’appui aux compétences), lesproblèmes liés aux valeurs culturelles et règles sociales restent extrêmement importants (lamentalité des gens, difficultés en tant que femme etc) (Afem, 2010) 129 .2. MéthodologieNous avons choisi de mener notre enquête à l’aide de la méthode qualitative. Notre démarchese veut exploratoire et descriptive. Les approches qualitatives sont souvent inductives. Lerecours à l’induction se justifie par la rareté des travaux sur l’entreprenariat féminin auMaroc. L’objectif est de centrer la recherche sur le vécu, le réel et l’expérience des femmes,reflétant notamment leur univers mental conscient ou inconscient.Un guide d’entretien a été élaboré et couvre des axes à peu près similaires pour les femmesenquêtées, tout en leur laissant la possibilité de s’exprimer librement sur leur parcoursentrepreneurial.Notre échantillon est constitué de femmes chefs d’entreprises (20 femmes) qui ont créé,hérité ou repris une entreprise indépendante, structurée et formelle (enregistrée légalement),seule ou avec des associés (équipreneuriat). Elles doivent être réellement impliquées dans lagestion quotidienne de leurs entreprises, et détenir à titre personnel une part significative ducapital de l’entreprise (de 1 % à 100%). On a essayé de garantir une variété des secteursd’activité: services, commerce et industrie. La majorité des femmes entrepreneurs ont ellesmêmescréées leurs entreprises, alors que quelques-unes ont repris l’entreprise familiale.L’appui de la chambre du commerce et du réseau des femmes chefs d’entreprise au Maroc(Afem) a largement facilité l’identification des femmes entrepreneurs. Un groupe de femmeschoisi au début a été contacté par téléphone, et la plupart des femmes ont manifesté leurbonne volonté à participer à notre enquête. Néanmoins, certaines d’entre elles étaientindisponibles au moment des interviews. Nous nous étions amené à mettre nos interviewéesen confiance, en leur assurant l’anonymat de leur réponse. En même temps, par cettedémarche, nous visant à les encourager à fournir plus d’informations en toute fiabilité.Pour mieux comprendre la réalité des femmes chefs d’entreprises au Maroc, nous avonschoisi d’utiliser des entretiens semi-directifs pour permettre aux interviewées de s’exprimerlibrement sur des thèmes prédéfinis, afin de privilégier la richesse et la diversité des réponses(Wacheux, 1996). Vingt entretiens semi-directifs ont été réalisés (durée moyenne 2H). Lesentretiens en face à face se sont déroulés pour la plupart sur le lieu de travail des enquêtées,pour éliminer celles qui n’exerçaient encore aucune activité au moment de l’enquête. Cesentretiens ont été enregistrés intégralement, retranscrits et analysés. En vue de traiterl’ensemble des entretiens effectués, une analyse thématique de contenu a été réalisée. SelonBardin (2003): « L’analyse de contenu apparaît comme un ensemble de techniques d’analysedes communications utilisant des procédures systématiques et objectives de description ducontenu des messages ». Ainsi, nous avons procédé à une analyse horizontale (thème par129 L’étude ne prend pas en compte les femmes professions libérales et le secteur de la micro entreprise où les activités des femmes sont enconstante augmentation et sont soutenues par des programmes de développement nationaux et internationaux.381


thème), puis sous-thème. Cette méthode nous a permis de mettre en évidence certainsrésultats.3. Résultats et discussionPlusieurs critères peuvent être pris en compte pour caractériser le profil des femmes chefsd’entreprises au Maroc. Outre les indicateurs de base: l’âge et la situation familiale, le niveauscolaire, le choix d’un secteur particulier et l’expérience professionnelle demeurent aussi desindices d’une extrême importance, qui nous permettent d’avoir des informations sur leursconnaissances et les opportunités qui leur sont offertes. La spécificité de leurs motivations, lestyle de gestion et les modes de financement constituent également des volets fondamentauxpour comprendre et analyser l’entreprenariat féminin au Maroc. L’analyse de tous seséléments permettra sans doute de dégager des explications intéressantes sur les problèmesrencontrés, les défis et les caractéristiques spécifiques de ces femmes ainsi que leurscompétences et leurs capacités en termes de gestion quotidienne de leurs entreprises.3.1. Portraits de femmes chefs d’entreprisesLes femmes entrepreneurs enquêtées sont relativement jeunes. La majorité d’entre elles sontâgées de moins de 45 ans et elles sont mariées. La plupart de ces femmes pensent que lasituation matrimoniale a une influence sur leur activité entrepreneuriale. Ainsi, pour elles, lemariage semble être un facteur de stabilité sociale, et un élément d’encouragement pour unemeilleure gestion de leur projet. Néanmoins, trois femmes sont célibataires et assumaientcette situation. Des raisons socioculturelles sont à l’origine de la situation matrimoniale desfemmes entrepreneurs, puisque selon les traditions marocaines, la femme doit assumer enpremier lieu ses engagements familiaux (Boussetta, 2011). Dans le même ordre d’idées, lamajorité des femmes interrogées ont plus d’un enfant et elles déclarent avoir créé ou reprisleurs entreprises lorsque leurs enfants étaient encore très jeunes (l’âge de création / de repriseest entre 21 ans et 37 ans). Et ceci ne leur a pas posé de problèmes particuliers au début deleur activité entrepreneuriale. Cela peut être expliqué par l’existence de la solidarité familialequi caractérise encore la société marocaine où la famille et la belle-famille participentactivement à l’éducation des enfants.Au Maroc, l’enseignement est obligatoire et gratuit tant pour les garçons que pour les filles,jusqu’au niveau universitaire, pourtant, le pays enregistre des écarts parmi les plusimportants en termes d'éducation en fonction du sexe dans la région du MENA (Lynch,2003). La majorité des femmes entrepreneurs de notre échantillon ont un niveau d’instructionsupérieur. Douze femmes ont un diplôme d’enseignement supérieur long (enseignementuniversitaire), six d’entre elles possèdent un diplôme d’enseignement supérieur court (postuniversitaire)et deux ont mené à terme leurs études secondaires. Cela s'explique sans doutepar le fait que notre échantillon est constitué uniquement des entreprises enregistrées quiévoluent dans le secteur formel. On constate aussi qu’en plus de leur formation de base, lerecours à d’autres formations technique, juridique ou informatique est fréquent pour pouvoirrépondre aux exigences du marché et dans le but d’acquérir un savoir-faire plus pointu.Néanmoins, peu de femmes interrogées déclarent vouloir suivre de nouvelles formations.Comme disait l’une d’entre elles:382


« La volonté est là mais vue l’âge et le manque de temps, il est devenu difficiled’allier activité professionnelle, vie de famille et études » (Mme Khadija).Toutes les femmes interviewées ont déjà travaillé avant de créer leurs entreprises àl’exception de deux femmes qui ont été sans activité avant de décider de travailler à leurcompte. Dans l’ensemble, ces femmes étaient des salariées dans le secteur privé ou desfonctionnaires de l’état. La plupart des femmes rencontrées ont choisi de se lancer dans leurdomaine d’expertise, comme témoignait l’une des femmes:« J’ai choisi de lancer un projet dans le secteur que je maitrisais, car j’ai uneexpérience de plusieurs années dans le secteur scolaire, donc c’est mon domaine,j’estime pouvoir gérer mon projet facilement et le réussir » (Mme Aicha).L’expérience professionnelle semble constituer un tremplin à la création d’une entreprise.Ces résultats sont confirmés par d’autres recherches antérieures (Phillips, 2002, Macclelland,2004, Rachidi, 2006). Ainsi, on peut conclure qu’une grande continuité existe entrel’expérience antérieure d’un entrepreneur et son entreprise créée. De ce fait, il n’y a aucunerupture dans le parcours professionnelle des femmes entrepreneurs. Au contraire, cettecontinuité constitue un élément primordial qui pourrait permettre la réussite de leur projet.3.2. Caractéristiques des entreprises fémininesLes entreprises créées et/ou gérées par les femmes dans notre échantillon sont dans leurmajorité de petite taille, de type micro, très petites entreprises ou des PME, puisque lamajorité d’entre elles emploient moins de 20 salariés. Dans notre échantillon, les dates decréation des entreprises par ces femmes sont diverses. Néanmoins, leurs entreprises sontrelativement jeunes, puisque presque la moitié de celles-ci ont moins de 5 ans. La moitié deces femmes d'affaires sont des propriétaires uniques de leurs entreprises et l’autre moitié, cesont des propriétaires associées avec d'autres personnes. Cette dernière catégorie l’estsouvent avec des membres de la famille : conjoints dans la majorité des cas, frères et enfantsdans certains cas. Par ailleurs, la quasi-totalité des femmes interrogées sont défavorables àl’ouverture de la participation au capital à des associés hors le cercle familial. Cette tendancereflète l’influence des valeurs traditionnelles sur le comportement des entrepreneurs fémininsau Maroc qui sont souvent attachées à leur sphère familiale, et confirme d’une le caractèrefamilial qui caractérise généralement les PME.Une autre constatation, la forme juridique majoritaire est constituée par la SPRL. Lesfemmes ont déclaré avoir opté pour cette forme juridique, en premier lieu, suite au conseil deleur comptable, et en deuxième lieu, en raison de sa simplicité et de son adaptation aux PME,ainsi que la souplesse du statut et le capital social modéré nécessaire pour la création de cetype de sociétés (10.000 Dhs: ± 1000 Euros). De plus, ce choix peut être justifié par la naturede l’activité des entreprises créées par les femmes, qui est souvent une activité qui nedemande pas un capital élevé, ainsi que cette forme juridique répond bien au caractèrefamilial de leurs entreprises ou les associés sont souvent des membres de la famille et laprésence d’un commissaire en comptes n’est pas nécessaire.Dans le cas de cette étude, les femmes chefs d’entreprises interrogées sont présentent dansdivers secteurs, néanmoins, leur secteur de prédilection reste le secteur des services. Selonces femmes, il s’agit d’un secteur qui nécessite moins d’investissements ou de formationstechniques particulières et dont les barrières à l’entrée sont relativement faibles. Ainsi, lagrande majorité des entreprises sont liées au secteur des services (enseignement, conseils383


comptable et juridique, transport et transit, communication et publicité etc), peu sont dans lecommerce et l’industrie (notamment le textile et la confection). L'expérience antérieure dansle même domaine, est la première raison dans le choix des secteurs d’activités:« J’ai travaillé avec une société pendant 10 ans, alors un jour j’ai pris la décision demonter une société dans mon domaine d’expertise » (Mme Soumaya).La recherche d’une activité en conforme avec leur parcours scolaire une autre raison évoquéepar les femmes interviewées:« D’abord la nature de mon diplôme qui m’a poussé à choisir ce secteur d’activité età créer ma propre société, afin d’appliquer mes connaissances et mon savoir-faireque j’ai appris à l’école nationale de commerce et de gestion » (Mme Loubna).De plus, on constate que ces femmes n’ont pas d’appréhensions sexistes en ce qui concerneleur choix du secteur d’activité. On dénote du même qu’une forte majorité des femmes sontlargement à l’origine de la naissance de leur propre entreprise (18 femmes sur 20). Cetélément essentiel représente l’une des caractéristiques fondamentales de l’entrepreneuriatféminin dans un pays en développement tel que le Maroc (Boussetta, 2011).3.3. Motivations des femmes créatrices d'entreprisesLes trajectoires qui mènent à l’entrepreneuriat sont très variés. Des femmes choisissentd’entreprendre pour s’accomplir professionnellement et personnellement, pour unereconnaissance extérieure ou par insatisfaction au travail. Pour certaines, c’est un moyen deréintégrer le marché du travail. Pour d’autres enfin deviennent entrepreneurs en travaillantavec leur conjoint.Parmi les principales motivations des femmes entrepreneurs interrogées à se lancer enaffaires, le besoin d’autonomie et l’accomplissement personnel. Certaines études appuient cerésultat (Robichaud et al., 2006; Hughes, 2003). Néanmoins, dans notre cas ces motivationsse manifestent spécifiquement chez les femmes qui avaient antérieurement un statut desalariée. Certaines de ces femmes ont renoncé volontairement à ce statut pour lancer leurpropre projet:« Pour moi la raison pour laquelle j’ai créé ma propre entreprise était le fait devouloir s’évoluer et améliorer ma situation pour le meilleur, c’est un besoin enémancipation, je ne voulais pas stagner toute ma carrière professionnelle, donc je nepouvais pas rester toute ma vie professionnelle en travaillant au compte des autres,malgré que je gagnais bien ma vie autant que salariée et j’avais un bon poste »(Mme Aicha).Dans ce cas, l’entrepreneuriat est considéré comme une deuxième carrière dans la vieprofessionnelle de ces femmes. Des résultats mis en avant par d’autres études (Boussetta,2011; Cornet et Constantinidis, 2004; Ponson, 2002). Du même, l’insatisfactionprofessionnelle apparait bien l’une des causes principales qui a poussé certaines d’entre ellesà quitter leur statut de salariée et à se lancer dans le monde des affaires:« J’ai décidé de travailler à mon propre compte, et ne pas continuer à travailler avecd’autres patrons et d’être toujours exposée au risque de licenciement. Moi j’aitravaillé pendant dix ans sans arrêt, je ne prenais même pas mes congés, même le384


congé de maternité je l’abrégeais au maximum. Mon patron ne s’occupait de rien, àchaque fois il fait appel à moi, je travaillais jour et nuit et même les week-ends, j’aitout donné pour cette société, mais avec le temps je voyais que mes gains sontminimes par rapport à la charge de travail que j’avais, et les responsabilités que jetenais, et que les conditions de travail devenaient de plus en plus mauvaises aprèstout j’étais très frustrée » (Mme Naima).Une autre motivation évoquée par ces femmes est leur goût aux affaires et le désir d’être sonpropre patron appuyé par leur expérience antérieure dans le domaine d’activité ou leurdiplôme. Une autre dimension se situe au même rang, soit la flexibilité horaire:« Au niveau d’horaire il y a une liberté énorme quand vous êtes indépendant, vouspouvez voyager quand vous voulez, si vous avez un empêchement et que vous nepouvez pas être présente sur le lieu du travail, vous avez des comptes à rendre àpersonne, en plus travailler en toute autonomie m’arrange plus, au niveau de ma vieprivée autant que femme mariée et avec des enfants, surtout que mes enfants sontencore petits, donc avec ma situation actuelle, je suis plus à l’aise, par contre sij’étais salariée chez quelqu’un je n’aurais pas cette facilité » (Mme Fatima).Cette dimension a été mentionnée par de nombreuses études (Minnitti et Nardone, 2007;DeMartino et Barbato, 2003; Lambrecht et al., 2003), puisque les femmes assumentl’essentiel des responsabilités familiales, ainsi être entrepreneur pour plusieurs d’entre ellesleur permet une souplesse assez importante pour gérer facilement leur quotidien. Néanmoins,d’autres facteurs secondaires ont été évoqués par certaines femmes et qui ont une influencemoindre sur leur décision à entreprendre. À titre non exhaustif, ellesénumèrent: l’opportunité du marché, une perte d'emploi, le statut social, l’autonomiefinancière, le chômage, la reprise d’une entreprise familiale, les opportunités offertes parcertaines relations issues du dernier emploi. Quoique, la plupart de ces facteurs soient parfoiscommuns aux femmes et aux hommes, ils ont tendance, souvent, à être plus désignés chezles entrepreneurs féminins.3.4. Style du managementDans le cadre de notre étude la majorité des femmes entrepreneurs interrogées avouent queles tâches considérées comme étant les plus importantes sont la gestion quotidienne de leuractivité et la commercialisation de leurs produits et /ou services. Dans l’exercice de cestâches ces femmes déclarent disposer de divers atouts qui expliquent souvent leur réussite.La forte personnalité, le sérieux, leurs qualités d’écoute, ainsi que leur perfection dansl’exécution du travail sont citées par la majorité des enquêtées comme étant la qualitéprincipale de leur réussite. Par contre, aucune femme n’a évoqué le désir du gain facile et larentabilité immédiate du capital investi dans le projet, ce qui constitue la particularité desfemmes entrepreneurs dans d’autres régions (Lee-Gosselin et al., 2010).Autre constatation importante, est que les objectifs recherchés par un grand nombre desfemmes enquêtées ne concernent pas la croissance et la performance de leur entreprise. Lapréoccupation principale de ces femmes est de couvrir leurs charges et garantir un revenuminimum. Cette constatation est appuyée par le fait que les femmes interrogées pratiquentpeu ou pas une planification à long terme:« Non je ne planifie rien du tout, je laisse tout dans les mains d’Allah; j’estime qu’onne peut pas faire des objectifs de croissance à l’avance, c’est difficile de prévoir,385


c’est impossible car ce ne dépend pas que de nous, il y a d’autres facteurs externesqui influencent nos décisions, donc moi mon objectif principal est de pouvoir payermes salariés à la fin de chaque mois et avoir un revenu minimum pour moi, pour lereste c’est Allah qui sait et qui doit en décider » (Mme Najat).Cette attitude peut être expliqué par le fait que la majorité des marocains attachés à lareligion et certains croient profondément à la volonté devine, ainsi, ils considèrent queplanifier ne serait pas très utile puisque toute chose bonne ou mauvaise se réalisera en tempsvoulu. Néanmoins, certaines femmes ont révélé avoir des ambitions forts à développer aumaximum leur activité, et investir dans d’autres projets liés à leur activité.Généralement dans la littérature, les TPE sont caractérisées par un certain nombre despécificités de gestion du personnel, pouvant être qualifiées du «management de proximité»(Jaouen et Torrès, 2008). Selon l'expression du Hein (2002), les femmes ont tendances àtransférer leurs «expériences maternelles» dans leur travail (Riebe, 2005). Dans ce sens,toutes les femmes interrogées confirment cet aspect. Elles affirment gérer leurs équipes avecdavantage de valeurs humaines. Le contact direct est souvent privilégié par ces dirigeantesdans les relations professionnelles, ainsi que l’intervention dans la vie privée de leurs salariésdemeure une pratique courante dans leurs entreprises:« La vérité, j’essaye d’être toujours près de mes salariés, c’est peut être l’un de mesatouts forts, donc si quelqu’un à un problème personnel sérieux je vais le voir etdiscuter avec lui de cela spontanément, et essayer de trouver la solution ensemble, ilssavent que je suis là en cas d’un problème sérieux … , en fait, on est comme unegrande famille, moi mes salariés je les rencontre en dehors du travail, ça m’arriveplusieurs fois de les inviter à manger ou à boire un verre ensemble, et discuter denotre vie privée » ( Mme Boutayna).D’une manière générale, et en dépit d’être femme ou homme, cette pratique est l’une descaractéristiques principales du modèle de leadership dans les PME au sein des pays en voiede développement, comme mentionnait par Cornet et Bonnivert, 2008, p: 4): « Il impliqueque les managers s’intéressent à la vie privée des employés et à leur bien-être ce qui peuts’avérer tout à fait adéquat si on est face à un pays et à une culture basée plus sur desvaleurs collectivistes qu’individualistes, avec une importance accordée à la famille et augroupe et au respect de la hiérarchie ».Par ailleurs, malgré que ces femmes déclarent faire adhérer leurs collaborateurs à leursdécisions, on note du même, une certaine méfiance chez ces dirigeantes-propriétaires vis-àvisde leurs collaborateurs en ce qui concerne la participation aux prises de décisionsstratégiques. Khachani (1998) trouve que les chefs d’entreprises marocains, qu’ils soienthommes ou femmes, sont identiques à ce niveau. Ils ont tendance à conserver la totalité desfonctions au sein de leurs entreprises. Elles aiment être toujours consultées. Les femmeschefs d’entreprise interrogées n'aiment pas déléguer leurs pouvoirs à d’autres personnes dansleurs entreprises. Ils ont une grande méfiance vis à vis de leurs salariés, qui restent selonelles des étrangers. Dans des cas particuliers (absence, maladie, vacances, etc), elles peuventconfier uniquement des tâches secondaires à certains collaborateurs proches. Et lorsque cesfemmes sollicitent des conseils pour des décisions stratégiques importantes, la plupartd’entre elles affirment se tourner principalement vers leurs époux ou un autre membre de lafamille, après à leur comptable avant de s’adresser à un collaborateur clef dans leurentreprise. Cela peut s’expliquer par la structure des entreprises créées par les femmes et quisont dans la plupart des entreprises familiales, où le mari, le père ou les frères sont les386


principaux associés, et qui sont souvent impliqués, directement ou indirectement, dans lagestion quotidienne de l’entreprise.3.5. Sources de financement sollicitées par les femmesL’importance du financement dans le développement de tout projet, que ce soit au stade dudémarrage, de la consolidation ou de la croissance est incontestable. Généralement, lesrésultats de cette étude indiquent que les femmes préfèrent financer leurs entreprises parleurs propres capitaux. Ce qui appuie les résultats de certaines études précédentes (Coleman,2004; Constantinidis et al., 2006). D’après l’analyse détaillée de ces résultats, on constateque l’entourage familial des femmes intervient financièrement pour aider à la création del’entreprise. Plus d’un tiers des femmes rencontrées ont eu recours uniquement à leurséconomies personnelles ou à l’aide de la famille (mari, père ou frère) lors du démarrage deleur entreprise. Ainsi, l’autofinancement reste le mode de financement prédominant chez lesfemmes entrepreneurs marocaines dans notre échantillon. Ces femmes déclarent avoiraccumulé le capital nécessaire au démarrage pendant plusieurs années. Néanmoins, lesrésultats de l’enquête ont fait ressortir que les femmes recourent aussi au prêt bancaire afinde financer leur projet mais souvent en complément de l’épargne personnelle ou de l’aide dela famille. Dans la littérature, certains estiment que les femmes ont une peur et une aversionau risque élevée à l’égard de l’endettement ce qui explique leur attitude réticente vis-à-visdes prêts bancaires (Watson et Robinson, 2003; Watson, 2006). Quant à notre échantillon, lesfemmes qui n’ont pas eu recours au prêt bancaire (10 femmes sur 20), déclarent que ces deuxéléments ne sont pas les principaux motifs pour ne pas s’adresser aux banques. Selon cesfemmes, généralement, la méfiance de l’entrepreneur marocain, que ce soit homme oufemme, vis-à-vis des crédits peut être dû essentiellement à deux raisons:- le coût onéreux du crédit (taux de base, prime de risque, durée…) imposé auxentrepreneurs en général qu’ils soient hommes ou femmes.- les garanties exigées notamment hypothécaires et qui sont souvent importantes. Cesgaranties considérées souvent comme un critère déterminant en matière de décisiond’octroi de crédit.Dans le même sens, des études antérieures avaient affirmé que le système bancaire marocainest basé sur des exigences très élevées en termes de garanties même en cas de mise en placedes schémas de garantie du crédit par l’Etat (Jeune promoteur, Moukawalati etc) et qui peutfinancer jusqu’à 80% du capital d’un projet créé par un jeune entrepreneur (SFI, 2005;Mckinsy, 2005). Toutefois, dans le cadre de notre étude, les femmes interrogées justifientl’absence de démarches auprès des banques par le fait qu’elles n’avaient pas besoin definancement externe pour démarrer leur entreprise. Quant aux femmes qui ont eu recours àun prêt bancaire, à l’exception d’une seule femme, toutes réfutent toute discrimination baséesur leur sexe lors d’une demande de crédit auprès des banques, malgré les discriminationssexistes mise en cause dans plusieurs recherches (Orban, 2001; Coleman, 2000). Selon lesfemmes marocaines interviewées, les décisions bancaires sont fondées essentiellement sur lasolidité du dossier présenté (les garanties suffisantes et la solvabilité du demandeur) qu’il soithomme ou femme:« La banque demande toujours des garanties que ce soit pour un homme ou pour unefemme, si on a uniquement notre expérience, elle considère qu’on a rien et ce n’estpas suffisant. Ce qui explique que la plupart compte sur leurs propres moyens ou les387


moyens de leurs maris ou famille notamment les femmes entrepreneurs » (MmeKhadija).Quant au deuxième volet « croissance », les mêmes caractéristiques spécifiées ci-dessus seretrouvent en termes de financement de la croissance des entreprises créées et gérées par lesenquêtées. La majorité des femmes déclarent avoir réinvesti leurs bénéfices, plutôt qued’avoir recours au financement formel ou informel. Et même celles qui n’ont pas encoreréalisé d’investissement comptent le faire à partir de leurs bénéfices et non pas via un prêtbancaire.3.6. Conciliation vie privée/vie professionnelleCe thème a été considéré par plusieurs chercheurs comme une variable principale dedifférenciation entre les entrepreneurs féminins et les entrepreneurs masculins (Fitzgerald etWinter, 2001; Schindehutte et al., 2003). Ainsi, la difficulté à gérer l’activité professionnelleet la vie privée a été soulignée par la plupart comme un obstacle devant les femmesentrepreneurs en particulier (Ufuk et Ozgen, 2001).Au Maroc, comme dans d’autres pays du monde, la division du travail selon le genre fait quele travail domestique soit une tache affectée régulièrement à la femme (Cered, 1995). À cesujet, les femmes entrepreneurs interviewées ont fourni des réponses mitigées. Celles qui ontdes enfants assez grands affirment qu’elles n’ont pas de problèmes relatifs à la conciliationde leur vie professionnelle et de leur vie familiale, par contre celles qui ont des enfants assezpetits, la tâche s’avère plus compliquée. Néanmoins, la plupart des femmes déclarent quequelle que soit leur situation, concilier le travail et la vie privée demeure une questiond’organisation. Ce qui corrobore les résultats des autres études effectuées sur ce sujet auniveau de Maroc (Afem, 2009, 2010). En outre, ces femmes déclarent disposer des moyensfinanciers qui leur permettent d’engager une domestique qui s’occupe des tâches ménagèreset qui garde leurs enfants. D’ailleurs, solliciter les services d’une femme de ménage auMaroc ne coute pas cher. Une autre alternative évoquée par ces femmes est l’aide fourniesouvent par certains membres de la famille, notamment les parents et les beaux-parents, quigardent leurs enfants pendant les heures de travail:« C’est une question d’organisation, moi j’ai une domestique qui m’aide, j’ai troisenfants encore petits; je me réveille tôt le matin pour gagner du temps, doncj’explique à la femme de ménage tout ce qu’elle doit faire …, mais il y a ma mèreaussi qui habite près de moi, et qui m’aide souvent » (Mme Safae).Cependant, malgré ces alternatives, ces femmes affirment que l’éducation de leurs enfantsreste du même un sujet qui leur pose problème. Ainsi, elles trouvent que par rapport auxhommes, elles se sacrifient énormément, en abandonnant leurs divertissements et leurs loisirspour pouvoir gérer leur travail et leurs familles, notamment l’éducation de leurs enfants.Néanmoins, il est clair que la solidarité au sein de la famille marocaine reste un pilierextrêmement important dans la société. Pour la plupart des femmes marocaines, avoir leurfamille autour d’elles peut être un élément décisif pour leur réussite professionnelle.3.7. Influence de l’entourage sur le processus entrepreneurial des femmesConcernant le lien familial, plusieurs auteurs estiment qu’il joue un rôle important dansl’entreprenariat (Shabbir et Gregorio, 1996), puisque un pourcentage considérable de388


femmes entrepreneurs ont un père, ou un mari lui-même entrepreneur. Ce constat spécifiquene signifie pas pour autant l’inexistence de femmes qui créent leurs entreprises sans avoirbénéficier de leur entourage entrepreneurial. C’est le cas de notre échantillon dont plus de lamoitié ont indiqué ne pas avoir un entrepreneur dans leur entourage familial contre 6 ontindiqué le contraire. Quant au rôle joué par la famille en général dans la dynamiqueentrepreneuriale féminine, une bonne partie de la littérature soutient l’importance de ce rôle(SFI, 2005). Du même, la famille au Maroc continue à jouer un rôle très important danscette dynamique. Ainsi, elles sont rares les familles qui déconseillent à leurs prochesféminins de ne pas entreprendre. Suite à la situation économique de plus en plus difficile, lafamille marocaine est parfaitement consciente de la nécessité d’explorer d’autres possibilitéspour lutter contre le chômage. Ainsi, il apparait clair que l’encouragement de celle-ci à sesenfants, filles et garçons, dans leur démarche entrepreneuriale demeure de plus en plus fort.D’ailleurs, les résultats de notre enquête montrent que la totalité des femmes ont eu lesoutien moral ou financier de leurs proches pour créer leurs entreprises. Ce qui correspondaux résultats d’autres études (Paturel et Arasti, 2006). De plus, ces femmes affirment que lesoutien matériel et moral de leur famille notamment leurs maris était indispensable pourpouvoir concrétiser leurs projets. Certaines d’entre elles affirment même que l’appui et lerôle du mari était primordial pour réussir leur aventure. En plus de sa participation au capitalde l’entreprise, le mari participe souvent à la réalisation de certaines tâches au sein del’entreprise telle que la comptabilité. Également, leurs époux leur apportent des clients et leurfourni des conseils etc.On peut conclure, que certes l’idée d’entreprendre chez ces femmes reste une initiativepersonnelle, mais, il est indiscutable que la décision d’entreprendre demeure une aventurepleine de risques. Ainsi, ces femmes par prudence, préfèrent vivre cette expérience dans uncadre plus sécurisant, celui de la famille pour se sentir plus rassurées et confortées et demoins en moins seule face à leur projet.3.8. Réseautage et structures de soutienLes résultats de notre étude montrent que les femmes de notre échantillon peuvent êtredivisées en deux groupes. Celles qui ont des entreprises assez jeunes ou en croissance avaientplus tendance d’adhérer les réseaux sociaux ou professionnels que celles qui ont desentreprises en démarrage ou anciennes. Ainsi, plus de deux tiers des femmes interrogéesappartenaient à un ou plusieurs réseaux professionnels ou sociaux, néanmoins, très peu deces femmes sont impliquées effectivement dans ces groupements:« En fait, les activités de notre réseau professionnel m’intéresse mais la vérité je n’aipas vraiment assez de temps car je suis active dans le domaine associatif en plus demes charges professionnelles, j’ai un autre bureau à Agadir en plus de celui deTanger, donc je ne peux pas assister aux manifestations organisées par le réseau,donc moi je préfère donner la priorité à mon entreprise que d’aller assister à desréunions avec d’autres confrères, d’ailleurs, la majorité pense comme moi, notreactivité professionnelle passe avant les activités des réseaux ou des associations, enplus les femmes au sein des réseaux professionnels sont beaucoup moins nombreusesque les hommes, ces derniers sont toujours autoritaires vis-à-vis de nous les femmes,donc on préfère s’abstenir » (Mme Khadija).La méconnaissance des groupes de réseaux, le manque de temps et d’intérêt, la faibleconfiance dans les réseaux et la dominance masculine, constituent alors les principalesraisons évoquées par ces femmes pour justifier leur faible implication dans ce genre de389


structure. Certains de ces éléments ont été déjà mis en cause dans d’autres recherches surl’entreprenariat féminin (Lee-Gosselin et al., 2010; St-Cyr, 2001; Cornet et al., 2003; Paturelet Arasti, 2006).Malgré ce manque d’enthousiasme envers les réseaux, les femmes de notre échantillon,celles qui sont affiliées ou pas dans un réseau, ont comme même révélé leur besoin à unréseau qui tenait en compte leur spécificité autant qu’entrepreneur. Un réseau où ellespouvaient se sentir représenter effectivement et non pas nominativement. De même, selonces femmes, ces regroupements devaient assurer davantage la communication etl’information, ainsi que de former des pépinières pour des nouvelles entrepreneurs en leurassurant conseils et formations. Autre constatation intéressante, malgré l’existence de plus enplus des associations professionnelles féminines (d’ailleurs, certaines femmes chefsd’entreprise de notre échantillon y sont membres), telle que l’Association des Femmes Chefsd’Entreprises du Maroc (Afem), l’Association Marocaine pour la Promotion de l’EntrepriseFéminine (ESPOD), la majorité des femmes interrogées ne manifestent aucune préférence àadhérer uniquement à des regroupements féminins, au contraire, certaines d’entre ellespenchent pour les réseaux mixtes. Elles avancent comme argument, que l’entrepreneur, quece soit homme ou femme, partage les mêmes soucis et les mêmes problèmes, et que l’objectifprincipal pour elles et d’apprendre de l’expérience de l’autre et de tirer profit au maximumde ces structures.3.9. Les difficultés auxquelles font face les femmes chefs d’entreprisesDans notre étude, les contraintes indiquées par les femmes enquêtées sont de plusieurs ordresdont les principales s'expriment tel qu'il suit: les contraintes socioculturelles et les contraintesfinancières et institutionnelles.3.9.1.1. Contraintes socioculturellesLes femmes sont souvent appelées à vaincre des obstacles provenant des coutumes ettraditions encore prédominantes dans la société marocaine. La majorité des entrepreneursinterviewées déclarent être confrontées au quotidien à des pratiques sociales négatives quisont souvent basées sur la discrimination sexuelle, notamment au début de leur activité oulorsqu’elles sont jeunes et célibataires. Ainsi, la majorité des femmes affirment que leur sexeleur a posé ou leur pose des problèmes que ce soit vis-à-vis de leur entourage proche ou visà-visde l’extérieure. Plus de la moitié des femmes enquêtées avouent que le fait d’êtrefemme à une influence directe sur leur activité autant que entrepreneur:« Parfois je trouve des difficultés avec les clients locaux qui font appel à nos services,donc il y a des clients hommes qui ont du mal à accepter de s’entretenir avec unefemme patronne, parfois certains d’entre eux refusent même de me saluer par lamain, tellement ils ont beaucoup de préjugés sur la femme patronne, mais moi je faisavec, car c’est mon gagne- pain, et en affaires souvent on n’a pas trop le choix »(Mme Naima).D’un côté, malgré que légalement la femme marocaine ne doit plus demander la permission àses proches pour pratiquer une activité professionnelle, la réalité sur le terrain est totalementdifférente. Les femmes rencontrées considèrent qu’il s’agit encore d’une pratique courantedans la société marocaine. Beaucoup de femmes ont besoin, implicitement ou explicitement,d’une autorisation de leur famille pour pouvoir exercer leur activité sans problème.L’autorisation vient principalement de leurs époux comme témoignait l’une des enquêtées:390


« De temps en temps je dois demander l’autorisation de mon mari, au début jen’avais pas ce genre de problèmes mais après mon mariage oui. Moi j’essaye desurmonter ce problème, car j’ai un mari très compréhensible, mais selon lui, parfoisje dépasse les limites, car mon travail demande beaucoup de déplacements. À ceniveau, je trouve que les femmes souffrent plus que les hommes. Les hommes peuventse déplacer autant de fois qu’ils le souhaitent mais les femmes leurs déplacementsdoivent être limités pour des raisons familiales. Personnellement, j’ai des amiesentrepreneurs qui souffrent plus que moi, car elles ne peuvent pas se déplacer du toutà cause du refus de leur mari, ce qui ralenti énormément leur activité et limite leursopportunités » (Mme Amal).Cette situation limite beaucoup l’autonomie et l’indépendance entrepreneuriale de certainesfemmes, et les poussent souvent, lors de prise de décision, à demander conseil à leursproches. De l’autre côté, les femmes entrepreneurs rencontrées révèlent l’existence decertains freins vis-à-vis de leur entourage professionnel. Dans leurs rapports quotidiens, leharcèlement, le manque de crédibilité et la réticence des différents partenaires: clients etfournisseurs, sont les principales difficultés dont elles souffrent, notamment au début de leuractivité:« Il y a jusqu’à maintenant des personnes qui vous parlent en refusant de vousregarder dans les yeux ou parfois ils se dirigent vers l’un de mes salariés hommes oulieu de s’entretenir avec moi la patronne » (Mme Hind).En conséquence, il ne fait aucun doute que cette situation est commune dans la plupart despays arabo-musulmans, où les traditions et la religion ont tendance à être confondu.Certaines pratiques sociales issues des coutumes culturelles se justifient souvent par desinterprétations et des croyances ayant des fondements religieux. Cependant, les femmesrencontrées admettent qu’avec le temps, ces difficultés ont tendance souvent à diminuer.3.9.1.2. Contraintes financières et institutionnellesD’après les résultats de cette étude, le problème le plus aigu chez les femmes entrepreneursest la lenteur ou la lourdeur administrative. La quasi-totalité d’entre elles affirment avoir unproblème de confiance envers les autorités publiques caractérisées par la complexité de leurscircuits et leur attitude bureaucratique. Ces contraintes administratives prolongent la durée delancement d’un projet et absorbent l’énergie de l’entrepreneur. Cette situation hostile peutprovoquer l’abandon définitif du projet et la détérioration de la volonté d’entreprendre cheztout entrepreneur homme ou femme.Au niveau des institutions de soutien, généralement, ces structures sont méconnues ou nonsollicitées par la majorité des femmes entrepreneurs interrogées, comme déclarait l’uned’entre elles:« Un organisme d’appui à qui on peut s’adresser pour avoir toutes les informationsen même temps, je ne pense pas qu’il y ait au Maroc, en tout cas moi je n’en connaispas » (Mme Fatima K.).Celles qui ignorent ces structures justifient ceci par le fait que les responsables ne font pasd’effort pour diffuser largement l’information, et faire rapprocher ce genre de structure desentrepreneurs. D’autres qui en connaissent estiment qu’elles n’avaient pas besoin de recourir391


à de telles structures et préféraient se contenter de l’aide de leur entourage. Seulement deuxfemmes ont indiqué avoir bénéficié de l’aide des institutions d’appui. Une aide qu’elles ontestimé utile et importante dans leur parcours entrepreneurial, notamment en termes del’élaboration du business plan et la préparation en matière de gestion et d'entrepreneuriat,même si elles auraient préféré bénéficier de plus d’accompagnement et d’encadrement.Néanmoins, certaines femmes interrogées estiment que ces organismes d’appui ne sont passuffisamment sensibles à la situation de plusieurs femmes marocaines qui ont besoin d’unaccompagnement spécifique et que l’entreprenariat pourrait être une solution à leur précarité,comme témoignée l’une d’entre elles:« Il faut un organisme d’aide spécifiquement aux femmes. Il y a des femmes divorcéesavec des enfants qui n’ont pas la famille derrière elles pour les soutenir, et qui sontsouvent discriminées et elles ont vraiment besoin d’aide, donc pourquoi ne pas avoirune structure pour soutenir ces femmes, je veux dire un organisme qui ne doit pasêtre forcément destiné qu’aux grandes entreprises. Il faut qu’il soit à leur hauteur,pour monter des petits projets, pour ne pas se mettre à la prostitution, pour lesvaloriser, et assurer leur indépendance financière, …, dommage, dans notre pays lafemme est valorisé dans certaines situations dans d’autres non, bref, il y a du tout auMaroc » (Mme Chaibia).Dans notre enquête, le problème du financement vient, en dernier lieu. Malgré qu’ellesn’aient jamais sollicité les institutions financières, très souvent les femmes interviewéesévoquent qu’obtenir un prêt bancaire demeure une difficulté importante pour lesentrepreneurs hommes ou femmes. Selon elles, la décision des banques n'est pas lié à unediscrimination basée sur leur sexe, mais plutôt relative aux garanties demandées par celles-ci.Elles trouvent que les garanties exigées pour obtenir un prêt sont trop élevées, et que lesbanques ne prennent pas d’autres critères tels que l’expérience, les diplômes, lescompétences etc.Cependant, selon les résultats de l’étude d’autres problèmes ont surgi. Les femmesrencontrées déclarent aussi leur mécontentement de la qualité des services fiscaux en termesde la multiplicité des impôts. En outre, elles souffrent de la concurrence qui pose un doubleproblème: la difficulté à trouver des clients et la concurrence déloyale liée à la fraude ou à lacontrefaçon. Également, d’autres frustrations ont été soulignées mais à un degré moindre: lafidélisation du personnel formé au sein de l’entreprise et le manque de la main d’œuvrequalifiée.RecommandationsL’enquête sur le terrain a révélé que les femmes chefs d’entreprises font face à desproblèmes généraux relatifs au développement de l’entreprenariat (procédure administrative,structures d’appui…) et d’autres spécifiques (problèmes d’ordre socioculturels). Parconséquent, quelques recommandations peuvent être proposées :- au niveau des programmes de soutien, les services offerts par les structures d’appuidemeurent très insuffisants et que peu de femmes en bénéficient. L’une desprincipales causes de cette faible participation est le manque d’information sur cesstructures. Ainsi, celles-ci doivent communiquer davantage pour se faire connaîtreauprès des femmes notamment celles ayant l’intention d’entreprendre.392


- au niveau de l’administration, il faut faciliter, simplifier les procédures et réduire lesdélais de création. Ainsi qu’il faut alléger la charge fiscale et simplifier lesprocédures auprès l’administration fiscale.- la création d’une plate-forme sur l’entreprise féminine au Maroc est indispensable, enregroupant ainsi toutes les informations utiles sur cette catégorie au niveau régional,par secteur d’activité, etc. De ce fait, les femmes entrepreneurs pourront êtreinformées régulièrement, sur les nouveautés en matière de législation, deconventions, de subventions, de structures d’appui…. Elles pourront grâce à cesystème recevoir un feedback sur leurs idées, et pouvoir les présenter en échange deconseils ou aides.- mettre en place une structure d’incubateur pour les femmes porteuses de projets, etceci au niveau de chaque région, afin de mieux promouvoir l’entreprenariat àl’échelle régionale et nationale.- au niveau des banques et des organismes financiers, il faut une sensibilisation intensepour offrir des services répondants aux besoins spécifiques des entrepreneurs engénéral, et des femmes en particulier, en les incitant ainsi à la simplification desprocédures et à l’allégement des garanties exigées, et que la banque soit plusimpliquée autant que conseiller et associer.- sensibiliser davantage les femmes sur le rôle du réseautage qui pourrait être unmoyen efficace pour développer leur pouvoir de lobbying sur le plan local, régionalet national.Même si les femmes et les hommes sont égaux par la loi au niveau professionnel, il n’endemeure pas moins que de sérieux obstacles liés à leur genre font partie du quotidien desfemmes entrepreneurs marocaines, que ce soit au niveau de leur entourage proche (famille)ou leur entourage externe (clients, fournisseurs). À ce niveau, les responsables devraientmettre plus en avant la question du genre dans leurs programmes, afin d’encourager leschangements dans les attitudes, les pratiques et les structures à divers niveaux : politique,juridique, communautaire et familial dans le sens d’atténuer les inégalités liées au genre,ainsi :- agir pour une meilleure accessibilité des femmes aux services publics notammentl’accès aux structures d’appui à la création d’entreprise (la chambre de commerce, lescentres régionaux d’investissement, les agences nationales pour la promotion desPME etc).- mettre en valeur les avantages de l'entreprenariat féminin en accordant plus de valeurau rôle de la femme dans l'économie et la société et en permettant ainsi aux femmesde participer effectivement à des programmes de développement.- inscrire la question du genre dans la politique globale de développement, en élaborantdes stratégies opérationnelles pour que les femmes soient davantage représentéesdans les postes de prises de décisions et de responsabilité, afin de provoquer unimpact positif sur les conditions des femmes.- mener une révision majeure du discours pédagogique et éducatif en vue de l’abolitionde valeurs, d’images et de préjugés discriminatoires à l’égard des femmesConclusionL’entreprenariat féminin au Maroc a constitué l’objet de notre recherche. L’objectif principalde cette recherche était de déterminer le profil des femmes chefs d’entreprises, lescaractéristiques de leurs entreprises, leurs sources de financement, mais aussi les difficultés393


encontrées. Basé sur une enquête sur terrain concernant une vingtaine de femmes chefsd’entreprises opérant dans le secteur formel, notre étude révèle que les femmes chefsd’entreprises marocaines ont certaines caractéristiques spécifiques et d’autres similaires avecd’autres femmes entrepreneurs. Dans la grande majorité, elles sont assez jeunes, de niveaud’instruction supérieur et possèdent une expérience professionnelle considérable. Ellesaffirment avoir bénéficié d’un soutien inconditionnel de la part de leur famille que ce soitfinancier ou moral. Néanmoins, les femmes entrepreneurs déclarent aussi que la familleconstitue parfois un facteur négatif, puisque certains d’entre elles doivent obtenirl’autorisation de leur conjoint ou père pour pouvoir exercer leur activité (les déplacements àl’étranger, la rencontre des clients hors les horaires de travail etc). Ainsi, on conclut que lesfemmes marocaines sont plus dépendantes de leurs proches dans la concrétisation et lagestion de leurs projets, puisque dans la majorité des cas, elles sont associées avec unmembre de la famille. Également, les femmes choisissent une activité en relation avec leurdomaine d’expérience antérieure. Leurs projets sont souvent liés aux secteurs des services etdu commerce. Les femmes entrepreneurs motivent leur choix de se lancer dans le monde desaffaires par le désir d'indépendance qui domine largement sur les autres motivations decréation d'entreprise.D’autre part, nous notons qu’en termes de relations avec leur personnel, les femmesentrepreneurs se caractérisent par une gestion ‘paternaliste’ ou dite de ‘proximité’. Du même,leur style de gestion est basé sur une centralisation des décisions stratégiques et unedécentralisation des décisions opérationnelles.Le mode de financement le plus prédominant chez les femmes entrepreneurs marocaines estl'épargne personnelle ou du couple ainsi que l’aide de la famille. Cependant, elles utilisentégalement, les prêts bancaires qui viennent souvent en complément de l’autofinancement.La majorité d’entre elles ne se plaignent pas d’une discrimination basée sur leur genre de lapart des banques, néanmoins des études complémentaires et approfondies seraient utiles pourcomprendre ce problème délicat, vu qu’une partie des femmes interrogées n’ont pas fait dedémarches réelles pour obtenir de crédits, et l’autre partie, lors de la demande d’un prêt ellesétaient souvent accompagnées d’un membre masculin de leur famille (mari, père ou frère) enqualité de garant.Au niveau des réseaux professionnels et sociaux, les femmes sont peu impliquées dans cegenre de structure, souvent par manque de temps et aussi suite à une ignorance de leurexistence ou à une sous-estimation de leur rôle.Les difficultés auxquelles se heurtent les femmes chefs d’entreprises sont multiples. Engénéral, dans une société traditionnelle comme la société marocaine, elles restent confrontéesà un certain nombre de contraintes spécifiques, notamment des contraintes socioculturellesbasées sur les stéréotypes (harcèlement, sous-estimation de leur compétence, manque deconfiance de la part des clients etc).Malgré que notre étude apporte une contribution supplémentaire qui permettra d’améliorernos connaissances sur l’entreprenariat féminin au Maroc, nos résultats demeurent limités vuque l’étude a été basée sur un échantillon réduit. Par conséquent, nous jugeons que cesrésultats doivent être commentés avec prudences. D’un côté, les contraintes de temps et lataille limitée de l’échantillon ne peut pas couvrir toute la diversité entrepreneuriale féminineau Maroc, puisque les femmes entrepreneures ne constituent pas un groupe homogène. Del’autre côté, notre étude concernait uniquement une catégorie spécifique, celle des femmeschefs d’entreprises dans le secteur formel. Ce qui contraint la généralisation de nos résultatssur l’ensemble du pays.394


Pour cela, nous préconisons d’approfondir l’étude à d’autres catégories de femmes porteusesde projets. Il serait très intéressant de prendre en compte d’autres cas et d’autresexpériences, afin de dresser un portrait plus complet sur la réalité professionnelle desfemmes marocaines.De ce fait, et en termes d’implications futures, il est indispensable d’examiner l’activitéféminine sous d’autres statuts, par exemple: les femmes en profession libérale et les femmesen coopératives.AnnexeTableau : Présentation des femmes enquêtées.EntrepreneurAgeMme Naima 44ansMme Hanane 55ansMme Khadija 52ansMme Najat 44D.ansMmeSoumaya46ansMme Loubna 32ansMme Fatima 43K.ansMme Amal 35ansMme Habiba 40ansMme Aicha 32ansSituationfamilialeNombred’enfantsNiveaud’étudeSecteurd’activitéMariée 2 Bac+2 Service(Transportinternational)Mariée 2 Master Service(Evénementiel)Célibataire 2 Bac+2 Service(Transit)Mariée 3 Licence Commerce(Matérielsmédicaux)Mariée 3 Bac+2 Commerce(Articleslumineuxetdécoration)Mariée 1 Licence Service(Audit etcomptabilité)Mariée 0 Licence Service(Location)Mariée 3 Master Service(Communication)Mariée 3 NiveauBacCommerce(Produitscosmétiques)Mariée 0 Licence Service(enseignement privé)Année Nombrde e decréation salariés1999 262003 101994 301995 101995 52009 12009 02006 52000 152009 15Mme Safae 29 Mariée 3 Licence Service 2005 1395


ansMme Hind 27ansMme 34Boutayna ansMme Maria 55ansMme Fouzia 50ansMme Chaibia 32ansMme Malika 42ansMme Najat 50O.ansMme Fatima 37E.ansMme Hasna 37ans(recouvrement de dette)Célibataire 0 Master Service 2009 5(Publicité etEdition)Mariée 2 Master Industrie 2001 950(Confection)Mariée 3 Niveau Industrie 2004 40Bac (Textile)Célibataire 0 Licence Service 1994 20(Enseignement privé)Mariée 1 Master Industrie 2007 40(Métallurgie)Mariée 0 Bac+2 Service 2006 5(Immobilier)Mariée 2 Ingénierie Service (BTP 2011 1Mariée 1 Licence Service(Publicité-Infographie)Mariée 1 Licence Commerce(MatérielsBureautique)2010 12000 10RéférencesAFEM, (2004, 2005), «Etude sur l’Entreprenariat Féminin au Maroc: Présentationdes Résultats», 21 Mai, Casablanca.AFEM, (2009), «L’Entreprenariat Féminin au Niveau de l’Oriental: Synthèse del’Etude», Oujda, Maroc.AFEM, (2010), «Entrepreneuriat Féminin au Maroc: Bilan et Perspectives», ETUDEN°23 /Septembre, Association des Femmes Chefs d’Entreprises au Maroc,Casablanca.AGENOR, P. R. & El AYNAOUI, K., (2003), «Politiques du Marché du Travail etChômage au Maroc : Une Analyse Quantitative», Banque Mondiale, Washington DC20433 Version actuelle : 26 octobre, Classification JEL : C68, D58, O11.AMAPPE, (2005), «Deux Guides d’Appui et Accompagnement à la Créationd’Entreprises» (Edition 2005), www.amappe.asso.maBAINES, S., & WHEELOCK, J., (1998), «Working for Each Other: Gender, theHousehold and Micro-Business Survival and Micro-Business Survival and Growth»,International Small Business Journal, vol. 17, no 1, p. 17-35.BARDIN, L., (2003), «L’Analyse de Contenu», Paris, Puf.BARGACH, J., (2005), «Quels Horizons pour la Famille «Marocaine» de Demain?»,Prospective Maroc 2030, <strong>Actes</strong> du Forum II, la Société Marocaine: Permanences,Changements et Enjeux pour l’Avenir, les 25 et 26 Novembre, Casablanca.BARKALLIL, N., (2005), «Genre et Activités Economiques au Maroc, la Persistancede la Précarité dans l’Activité Féminine» – Livre Blanc, p.43, Maroc.396


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Huitièmes Rencontres Internationales de la Diversité"Diversité(s), RSE et Solidarité"Les 28 et 29 septembre 2012 à ESSAOUIRA, Maroc1. L’observation des valeurs de la sociétéLes femmes responsables de PMEà l’épreuve du développement durable (DD) : état des lieuxUne question majeure se pose aujourd’hui dans le champ de la recherche sur la ResponsabilitéSociale des PME (RSPME), définie comme l’application des principes du développement durable1dans la stratégie des organisations. Cette question est celle des représentations entrepreneuriales quipermettent d’adopter ces principes, et celle de leurs valeurs associées. Les valeurs pouvant êtredéfinies comme des croyances fortes de l’individu qui le poussent à l’action, elles semblentdécisives pour la compréhension des comportements des entrepreneurs. Cet élément est renforcépar le fait que le développement durable défend l’idée d’une mise en action volontaire de la partdes dirigeants. Et même si les observations montrent que les déterminants de l’implication peuventrelever de différentes MCF sources HDR plus sciences ou moins de gestion contraintes – MRM - comme ERFI Montpellier une obligation poursuivant unerecherche de conformité, une mise aux normes permettant davantage de légitimité, un calculfavorisant l’efficacité ou la simple recherche Polge de Marion bienfaisance et de satisfaction personnelle - c’esttoujours en dernier recours le dirigeant qui est libre de choisir (Paradas, 2007, 2011).MCF HDR sciences de gestion – MRM ERFI Montpellier1 La définition de la Communauté Européenne dans son livre vert de 2001 englobe les dimensions sociale, environnementaleet économique de long terme ainsi que la problématique des parties prenantes. En 2010, le Ministère choisit le terme deresponsabilité sociétale pour respecter cet aspect plus large que la simple CSR anglo-saxonne (Corporate SocialResponsability), plus ancienne que le concept de développement durable. Rappelons également que le sommet de Rio 1992énonce comme premier principe de sa déclaration : les êtres humains sont au centre des préoccupations relatives audéveloppement durable. Ils ont droit à une vie saine et productive en harmonie avec la nature.Contact :Agnes.paradas@univ-avignon.frTrois intérêts relevés dans la littérature et sur le terrain permettent de justifier l’orientation de notretravail.2 Luyckx (2002) cite deux recherches - l’une aux Etats-Unis et l’autre en Europe (1997) - qui montrent une évolution dusystème de valeurs implicites des citoyens vers des valeurs plus féminines.401


On peut ainsi admettre que ces valeurs, principalement humanistes, se retrouvent de manièrerécurrente dans les principes du DD. Avant de se demander si elles entrent en résonnance avec desvaleurs dites féminines4, il s’agit d’observer ces dernières.1.2. Doit-on parler de sexe ou de genre ?S’il est essentiel de s’interroger sur ce qui est entendu par valeur féminine, un préalable estnécessaire : celui de discerner quels éléments appartiennent fondamentalement au sexe.Catherine Vidal (2006) montre dans ses recherches sur le cerveau que sur 1000 études, seulement3% ont montré une différence entre les sexes. 88 % des connexions se faisant après la naissance,c’est l’interaction avec l’environnement qui influence ces connexions. Elle évacue ainsil’hypothèse biologique de différenciation entre les sexes. Cette position est relayée par Marsan(2007) qui indique que toutes les théories affirmant la différence structurelle et physiologique descerveaux entre les hommes et les femmes sont fausses. Nous avons, hormis déficit physiologiegrave, les mêmes dispositions biologiques et neurologiques à la naissance que nous soyons hommeou femme. D’après Vidal (2006), l’extension du cortex permet chez l’être humain d’échapper audéterminisme des gènes et des hormones. Cela met au centre des réflexions l’importance desfacteurs individuels, sociaux et culturels. Ce sont les cultures et les rôles sociaux qui ont fragmenténos comportements en les attribuant aux genres masculins et féminins. Ce sont essentiellement laculture, l’éducation et les stimulations biologiques (alimentation, conditions de vie et d’hygiène)qui vont avoir une influence sur le développement de notre cerveau, puis de notre pensée et de noscapacités d’apprentissage, de connaissance et donc notre intelligence (Marsan, 2007).L’influence des hormones sexuelles sur certains aspects du comportement entrepreneurial estrelevée dans plusieurs études qui démontrent que des taux élevés de testostérone favorisent uneprise de risque élevée5 afin d’atteindre une performance plus rapidement (Meulders, 2010), voireconduisent à des choix irrationnels motivés par l’appât du gain (Van Honk et al., 2004 ; Reavis etOverman, 2001). Ce court-termisme lié aux hormones masculines semble contraire à l’idée mêmede performance globale et développement durable et responsable de l’entreprise. Hormisl’influence des hormones sexuelles, deux autres facteurs fondamentaux peuvent égalementexpliquer certaines différences.Le premier, certainement durable, est celui de la maternité. Le rôle de mère impliquerait desreprésentations et des comportements différents. La fonction reproductive conduirait ainsi à unenature qui rendrait les femmes plus sensibles au devenir et à la vie des générations futures (Zuinen,2002) et même pour les femmes sans enfant, le lien entre le rôle de mère et le rôle de gestionnaireest un élément essentiel de leurs représentations, tendant à une satisfaction accrue lorsqu’elle estpartagée par les proches (Vier Machado et Rouleau, 2002, Salomon, 1991). De nombreux auteursont également constaté que la fonction maternelle induirait certaines difficultés dans l’exerciceentrepreneurial et un investissement moindre en temps consacré à l’entreprise (St-Pierre et al.,2011). Toutefois, pour certains auteurs, la conciliation travail-famille n’a pas d’influence sur laperformance (Carrier et al., 2006).Le second facteur, plus enclin à certaines évolutions, est celui des rôles encore fortement marquéset de la fonction « historique » de maîtresse de maison. Selon Vidal (2006),4 Le fait que deux femmes, Gro Harlem Brundtland et Joke Waller Hünter aient tenu un rôle central dans la définition etl’activation d’un projet global d’un DD sur la scène internationale est-il un hasard ? (Zuinen, 2002, p. 109).402


l’appartenance des hommes à la sphère publique et des femmes à la sphère domestique, oriente lesuns vers l’espace et les autres vers le langage et la transmission des savoirs. Cela influencel’estime de soi, souvent inférieure chez les femmes, et la valorisation intégrée. De même, laspécialisation observée entre des entreprises de services réservées aux femmes et des entreprisesindustrielles pour les hommes (APCE, 2001) reste encore une réalité. Mais la culture égalitaireeffacerait les écarts. Ainsi, il a été par exemple démontré que les niveaux de mathématiques desfemmes étaient plus proches de ceux des hommes dans les pays où l’émancipation est plusimportante. Et les différences semblent s’atténuer avec l’arrivée des jeunes générations(OPAMQM, 2010). La fonction de maîtresse de maison donnerait aussi aux femmes une visionplus intégrée des relations entre les êtres humains, leurs activités de consommation et leurenvironnement naturel (Zuinen, 2002). La relation au bénévolat, tout comme l’inclinaison vers lecare (soin aux personnes et relations sociales) semblent également influencées par cette fonction(Drion, 2006 ; Zouiten et Levy-Tadjine, 2005, Degavre, 2005). D’après Drion (2006), cela porteen germe la critique des modèles économiques classiques et permettrait de positionner les femmescomme actrices d’un nouveau type de développement. Mais avant de mener cette observation plusloin, il semble nécessaire de préciser ce qui est couramment admis comme valeur dite féminine.1.3. Féminisation de la société et du managementLe discours ambiant relevé par Jonas et Séhili (2007) exprimerait une tendance croissante del’influence sensitive des femmes, devenant ainsi un enjeu essentiel de la performance desentreprises. Deux angles d’observation seront choisis pour la présentation des valeurs féminines.Le premier à visée plus large, sera celui de la société et de son évolution. Le second concerneradavantage les valeurs féminines développées dans les entreprises.L’analyse de l’évolution des valeurs présentée ici repose principalement sur une présentation deDe Rosnay (2005) et de l’OPAMQM (2010), mais nombreux sont les observateurs qui corroborentimplicitement ses positions, comme nous le verrons plus loin. Historiquement, il semblerait que lessociétés aient été fondées sur des valeurs dites masculines, ayant pour origine la pratique de lachasse ou de la guerre, de la conquête ou la défense des territoires. Les valeurs associées seraientainsi la force, la raison ou le pouvoir et portent le modèle de nos sociétés industrielles decroissance. Par exemple, l’envie de s’affirmer, voire de s’opposer, le goût de la compétition, lesrapports de type hiérarchique (Fondas, 1997), restent des aspirations largement plus masculinesque féminines. La confiance en soi est aussi généralement plus forte (ou plus exprimée) chez leshommes que chez les femmes. De même, le fait de gagner de l’argent, de réussir socialement, esten moyenne jugé plus important par les hommes que par les femmes.Les valeurs féminines, portées par la nature reproductive et la fonction ménagère seraient plutôt del’ordre de la solidarité, du don, du care, de la recherche de consensus et de l’attention à l’autre.Solidarité, complémentarité, respect de la variété, action en réseau, réflexion à long termereprésentent ainsi des comportements ou des modes d’action souvent privilégiés par les femmes….Et même s’il est quelque peu réducteur d’opposer systématiquement les valeurs masculines auxvaleurs féminines, il est intéressant de se placer dans le contexte de leur complémentarité…L’influence des valeurs féminines dans la société amènerait à une nouvelle façon de voir le mondeet d’agir sur lui, à une recherche de coopération plus que de compétition. Au sein de l’entreprise,certains parallèles peuvent être faits. Des questions émergent par exemple au sujet de lacompatibilité des valeurs féminines et de la notion de profit. « La femme, dans ce contexte, peutféconder l’esprit des hommes dans un sens favorable à la vie. Toutes celles que je rencontre, unpeu partout dans le monde,403


Cette relation entre entrepreneure et développement durable, à travers le prisme des valeurs, vadonc maintenant être analysée.2. Le management des entrepreneures face au développement durableLa présentation de cette analyse repose sur la définition du développement durable et va tenterainsi de décliner les relations entre les entrepreneures et les parties prenantes, le managementsocial et environnemental et une position de performance économique durable.L’observation des femmes entrepreneures permet de mettre en évidence certaines constantes dansles différences de gestion entre hommes et femmes. Selon plusieurs auteurs cités par Vier-Machado et Rouleau (2002), la gestion féminine serait caractérisée par une pratique du pouvoirplus horizontale et participative, par une recherche de satisfaction des proches et des employés, etpar un intérêt pour la responsabilité sociale. St-Pierre et al. (2011) évoquent également des étudescomparatives entre hommes et femmes entrepreneurs qui montrent que les entrepreneuresprivilégient l’épanouissement et la maîtrise de soi, la créativité et la recherche de qualité. Parcontre, certaines contraintes sont encore discriminantes (Carrier et al., 2006 ; Vier-Machado etRouleau, 2002). Ce sont principalement le financement et l’intégration dans les réseaux, ainsi quela conciliation travail – famille et l’absence de modèles féminins d’entrepreneuriat.2.1. Les relations avec les parties prenantesCertaines analyses récentes suggèrent que l’entrepreneuriat est « en soi une mentalité et uneexpérience masculine » (De Bruin et al., 2006, p. 586). Ce qui signifierait selon Achtenhagen etWelter (2007) que les chercheurs et la société en général associent plus aisément les actionsentrepreneuriales aux hommes qu’aux femmes (cité par De Bruin et al., 2006, p. 587).Selon Ahl (2006), la féminité serait-elle alors construite comme le contraire de l'esprit d'entreprise? L’auteure a dressé une liste des mots opposés au mot entrepreneur en utilisant un dictionnaired’antonymes et essayé de faire correspondre le mot entrepreneur à des mots de féminité de Bem6.L’auteure constate que l'entrepreneur est construit comme quelque chose de positif (comme lesmots opposés sont largement négatifs). Certains mots liés à la féminité selon Bem, comme fidèle,sensible aux besoins des autres, doux, timide, rendement, crédules et enfantins sont contraires auxmots caractérisant l’entrepreneur. Les autres termes de féminité, affectueuses, sympathiques,compréhension, etc., ne semblent pas être présents dans la discussion de l'entrepreneuriat. Laconclusion est que l'entrepreneur est un concept masculin, c'est-à-dire qu’il n'est pas neutre.L'implication est que toute enquête de femmes chefs d'entreprise qui s'appuie sur les travauxantérieurs courre un risque en les comparant à un archétype masculin-sexe.6 La référence à Bem renvoie à des travaux de Bem qui présente des items relatifs aux valeurs masculines et féminines :Bem, S. L. (1974). The measurement of psychological androgyny. Journal of Consulting and Clinical Psychology, 42, 155-162.Bem, S. L. (1986). Au-delà de l’androgynie. Quelques préceptes osés pour une identité de sexe libérée. In M.-C. Hurtig & M.-F. Pichevin (Éds.), La différence des sexes. Questions de psychologie. Paris : Tierce.404


d’une sous-représentation relative des femmes dans les réseaux, pointée par exemple dans la revuede littérature de Carrier et al. (2006) et dans le travail récent de St-Pierre et al. (2011), ou encored’une difficulté d’accès aux informations stratégiques par les femmes auprès de leurs homologuesmasculins du réseau (Géraudel et al., 2009)8. Il semblerait d’après ces auteurs que le réseautagesoit le point faible des entrepreneures, que les réseaux mobilisés le soient surtout lorsqu’ils sont enlien direct avec l’activité ou le domaine de formation, et qu’ils soient davantage utilisés pour leconseil que pour le contact ou la recherche d’opportunités. L’étude de Cornet et al. (2005) auprèsde 288 entrepreneures fait quand même état de 58,3% membres d’un ou de plusieurs réseauxd’affaires. La proximité avec l’activité et la formation est également constatée et les principauxfreins évoqués sont, dans l’ordre, le manque de temps, le manque d’informations sur les réseauxexistants ou le manque d’intérêt.Parmi ces parties prenantes, les salariés, lorsqu’il y en a, vont également faire l’objet de relationsparticulières.2.2. Le management social et environnementalDe manière générale, il semble que les femmes montrent un plus fort intérêt pour des objectifssocio-environnementaux que les hommes (St-Pierre et al., 2011).Concernant les relations avec les salariés, Fouquet (2005) indique dans une étude élargie auprèsd’entrepreneures, que 90 % d’entre elles voient des divergences dans le style de relationspersonnelles. Par ailleurs, les résultats d’un sondage du cabinet de conseil McKinsey & Company(4ème rapport Women Matter 2010) montrent que la capacité «d’attente et de reconnaissance » desfemmes entrepreneures ainsi que leur tendance à stimuler «l’inspiration » de leurs subalternesauraient joué un rôle déterminant dans le maintien des performances de leur entreprise. Selon lesanalyses de littérature de Carrier et al. (2006) ou de St-Pierre et al. (2001), les femmesprésenteraient des différences dans leurs styles de gestion. On retrouve bien sûr ce qui a été évoquéconcernant la recherche d’effectivité et d’affectivité. Ainsi, l’approche des entrepreneures seraitplus personnelle et plus maternelle et plus proche des préoccupations des salariés. On retrouve latendance à partager le pouvoir dans une démarche plus souvent participative et interactive. Sicertaines qualités liées à l’estime de soi ou à la reconnaissance d’un rôle féminin d’entrepreneuriatleur manquent, elles misent davantage sur l’écoute, l’encouragement et délèguent plus facilement.Cette capacité d’écoute et cette recherche du consensus, ainsi que l’attention envers les autres, sonten effet considérées par les femmes elles-mêmes comme des aspects de management typiquementféminins (Fouquet, 2005).Entre le social et l’environnemental, le sociétal tient également sa place dans l’approche dudéveloppement durable. Certains chiffres interpellent. Par exemple, une étude de la HarvardBusiness School montre un lien fort entre la présence de femmes dans la gouvernance et l’exercicede la philanthropie et des causes humanitaires. En 2007, les entreprises qui avaient au moins 3administratrices ont donné 28 fois plus que celles où ne siègent que des hommes. Une femme enplus dans le CA et c'est 1.7 millions d'euros supplémentaires. Si la femme est PDG c'est 5.7millions d'euros supplémentaires9.8 “The main explanation remains in the relation between the women managers and the alter of their personal networkis based on gender heterophily. That’s why the resource transfer is more difficult for women who must interact with amajority of men to obtain strategic information about market opportunities”.405


Enfin, il y a également certaines informations à relever dans le domaine de la relation des femmes àl’environnement, au point que certains parlent même d’écoféminisme. St-Pierre et al. (2011)obtiennent des résultats allant dans ce sens. En effet, les auteurs concluent que les femmesaccordent une importance significativement plus grande que les hommes à la protection del’environnement par des politiques internes ainsi que par le choix de fournisseurs selon leursbonnes pratiques environnementales. Le déterminisme social évoqué plus haut d’une femmeresponsable de son foyer influence certainement beaucoup ces constats. Partout dans le monde, lesfemmes sont expertes des produits de consommation. Ce sont elles qui décident des produits quivont servir à alimenter leur famille, en fonction de leur prix, de leur qualité et, de plus en plus, enfonction de leur impact sur l’environnement. Parce qu’elles sont plus sensibles à l’impact qu’ellespeuvent avoir sur la santé et le bien-être de leur famille au quotidien, la communauté internationalereconnait aujourd’hui que les femmes sont des agents clés de l'adaptation, notamment face auchangement climatique 10. Et il semblerait que les femmes soient plus soucieuses que les hommesde l’environnement et du devenir de la Terre. Plusieurs auteurs pointent la moindre empreinte desfemmes sur la planète (Drion, 2006), les femmes utilisant une surface inférieure aux hommes pourproduire ce qu’elles consomment et absorber ce qu’elles rejettent11. « L'avènement d'une sociétédurable n'est-il finalement qu'une question de "genre"? C'est ce que laissent entendre des étudesscientifiques et économiques publiées depuis quelques mois. Causes hormonales, comportementsdes femmes en société, sensibilité prononcée pour les causes sociales, les explications sontmultiples…. L’expérience montre que les femmes et les jeunes filles sont les plus vulnérables auxchangements environnementaux »12. Cela peut certainement avoir une influence forte sur les choixde management et les orientations environnementales, même si toutes les études ne sont pas aussicatégoriques.Le dernier élément constituant du développement durable concerne la performance durable. Elleest un pilier essentiel de la réussite d’un projet soutenable, même si, comme nous l’avons vu, laperformance peut relever de réalités multiformes et ne se cantonne pas uniquement au profit. Ladurabilité s’oppose d’ailleurs à une recherche de maximisation du profit à court terme. Au-delà denos propos concernant l’influence des hormones sexuelles sur la recherche de performance à courtterme,Ryall (2009), citée par Spell et Bezrukova (2010, p. 195) constate que la présence defemmes aux échelons les plus élevés diminue la propension à des prises de risques excessifs,notamment en période de crise économique. Spell et Bezrukova, (2010) montrent que la mixité etla cohérence des équipes sont un facteur de performance supérieure, tandis que d’autres chercheursplus critiques, s’inquiètent du détournement des finalités féministes de la notion de mixité du faitqu’elle ne soit envisagée que comme un enjeu de performance et moins comme un levier d’égalitédes sexes (Jonas et Séhili, 2009). Ces dernières vont même jusqu’à considérer que les tenants de ladifférenciation entre les sexes (« …paradoxalement les féministes et les propagateurs del’antiféminisation.. », Jonas et Séhili, 2007) stigmatisent et induisent des hiérarchisationsindirectes entre les sexes.Cela nous conduit à nous interroger sur la performance, et en particulier la performance socioenvironnementale.2.3. La recherche de résultats économiques durables10 Le développement durable est-il féminin ? dans http://femmes.durable.com/11 Do women leave a smaller ecological footprint than men?, Rapport du Ministère suédois du développement soutenable, 2006.http://www.sweden.gov.se/sb/d/574/a/67273;jsessionid=a2gHYR5hpSH7406


Dans ce cadre, les résultats obtenus par la recherche menée par St-Pierre et al. (2011) montrentque tous les indicateurs d’une bonne performance au plan socio-environnemental sont supérieurspour les femmes. Une autre étude sur des statistiques canadiennes réalisée par Robichaud et McGraw et citée par Carrier et al. (2006) mérite également notre attention. En effet, entre 1991 et1994, il semblerait que les entreprises dirigées par des femmes aient créé 4 fois plus d’emplois quela moyenne canadienne. Et selon le rapport Women Matter 2010 (op.cit), la présence de femmesdans les comités d’administration favoriserait l’amélioration des performances.Concernant plus particulièrement les résultats financiers, les débats sont engagés (St-Pierre et al.,2011 ; Carrier et al., 2006). Il ne semblerait pas y avoir de différence significative entre lesaspirations féminines ou masculines. Mais tout cela est à nuancer en fonction des secteursd’activité, de l’âge des personnes ou de la taille des entreprises (Carrier et al., 2006, Lapointe,2006, Labelle et St-Pierre, 2010, Dutta et Banerjee, 2011). Deux profils semblent apparaître :d’une part des femmes qui ont intégré des principes de marché portés par des valeurs masculinesde compétition et de croissance, à la recherche d’une performance maximale et de la valorisationd’objectifs économiques ; d’un autre coté des femmes qui privilégient d’autres valeurs, plus «féminines » comme celles évoquées dans notre présentation.Carrier C., Julien P.-A., Menville W. (2008), « Gender in entrepreneurship research : a criticallook at the literature », in I. Aaltio, P. Kyrö and E. Sundin. (eds.), Women entrepreneurship andsocial capital : a dialogue and construction, Copenhagen Business School Press, Danemark.Carrier C., Julien P-A., Menvielle W. (2006), « Entrepreneuriat féminin : une synthèse des étudesdes 25 dernières années », Gestion, 2(31), p. 36-50.ConclusionCette première clarification des propos, dans un domaine souvent confus, apparaissaitindispensable. Ainsi, certaines caractéristique féminines sont apparemment immuables, alors qued’autres tendent à s’estomper avec l’avènement d’une société où valeurs féminines et masculinesse complètent. Ainsi, on observe que chez les moins de 30 ans aujourd’hui, les points communsentre hommes et femmes sont bien plus nombreux que les différences. Les jeunes générations ontdes définitions plus souples de la masculinité et de la féminité et valorisent la mixité des équipes(OPAMQM, 2010 ; Jonas et Séhili, 2007). Le management n’échappe pas à cette règle, et ainsi, lesentrepreneures naviguent entre des valeurs intrinsèques, liées à leur nature et leur fonction, et desvaleurs empruntées au management, souvent masculines. L’arrivée du développement durabledans les entreprises contribue à ce que l’on pourrait appeler la féminisation du management. Eneffet, portant des valeurs plutôt féminines, et intégrées naturellement par les femmes, ledéveloppement durable provoque un changement profond en termes de positionnement de lapersonne humaine et de renouvellement des objectifs de réalisation, personnelle ouprofessionnelle.Peu de journaux encore ont publié des numéros spéciaux dédiés à l’entrepreneuriat féminin, alorsque ce domaine apparaît comme « vital dans le champ de l’entrepreneuriat » (De Bruin et al.,2006). Les deux numéros spéciaux consacrés à ce thème par Entrepreneurship Theory & Practiceen 2006 et 2007, ont conduit leurs rédacteurs à argumenter pour une théorie distincte del’entrepreneuriat féminin (De Bruin et al., 2007).Comprendre les valeurs dans leur dimension féminine et masculine constitue ainsi une premièreétape dans l’observation de différences éventuelles de management du407


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Atelier 10 : Auditer et mesurer la diversité« Audit des politiques et pratiques de management des diversités » George-AxelleBROUSSILLON-MATSCHINGA (L’Oréal USA) et Soufyane FRIMOUSSE, SanaHENDA-GUERFEL et Jean Marie PERETTI (IAE de Corse).« Relation entre performance sociale et performance financière : évidence actuelle à partird’une revue de la littérature » Béchir BENLAHOUEL et Jean Marie PERETTI (Université deCorse).409


Audit des politiques et pratiques de management des diversitéspar George-Axelle BROUSSILLON-MATSCHINGA, Soufyane FRIMOUSSE, Sana HENDA-GUERFEL & JeanMarie PERETTIL’audit des politiques et pratiques du management des diversités consiste à vérifier quel’entreprise respecte la réglementation, ses engagements conventionnels (audit deconformité), obtient les résultats attendus avec les moyens dont elle dispose pour y parvenir(audit d’efficacité) et qu’elle les utilise au mieux (audit d’efficience). L’audit veilleégalement à évaluer la capacité de réalisation des objectifs fixés. Les pratiques formaliséesde gestion de la diversité doivent s’aligner à la stratégie de l’entreprise (audit stratégique).Faire vivre les diversités est un défi à relever pour les entreprises qui souhaitentprogresser dans la quête de l’égalité des chances et de la lutte contre les discriminations(Frimousse & Peretti, 2009). Les missions d’audit permettent d’identifier et de réduire lesprincipaux risques. Auditer les politiques et pratiques de diversité nécessite des indicateursvalides permettant de réaliser des constats, de mesurer des progrès et de vérifier l’atteinte desobjectifs fixés. Les indicateurs peuvent être quantitatifs ou qualitatifs. Trouver desindicateurs de la diversité n’est possible en France que pour certaines caractéristiques (âge,sexe, handicap reconnu, nationalités) mesurées dans le bilan social et dans les systèmesd’information Ressources Humaines.L’utilité des audits est d’autant plus perçue que les risques sont grands. En matière dediscriminations, il existe un triple risque, social, judiciaire et commercial. Sur le plan social,l’entreprise est interpellée en interne sur l’attention qu’elle porte à la diversité et à la nondiscrimination.Sur le plan judiciaire, le risque de contentieux se développe. La méthodecomparative consistant à établir une différence de traitement par comparaison avec dessalariés se trouvant dans une situation identique s’est développée et enrichie (discriminationdans la rémunération, la carrière et la promotion). Sur le plan commercial, le risque entermes d’image existe. Les procès mettant en cause de grandes entreprises sont largementmédiatisés.L’importance des engagements et des moyens mis en œuvre entraîne une demandecroissante d’audits avec une grande variété de missions (Frimousse & Peretti, 2010).L’auditeur est sollicité pour évaluer les politiques et pratiques de gestion de la diversité, danstoutes ses dimensions, définies et mises en œuvres dans les entreprises. Les obligations et lesresponsabilités légales, conventionnelles ou les engagements volontaires des chartes signéeset des valeurs affichées en ce domaine constituent un référentiel pour les audits deconformité.410


Des audits de diversité très divers.Les entreprises attachent une importance croissante à assumer effectivement leursresponsabilités en termes de diversité. Le nombre élevé des signatures de la Charte de ladiversité depuis 2004 et l’apparition dans les organigrammes des DRH de « directeurs de ladiversité » ou de « chargés de mission diversité » l’illustrent (Frimousse & Peretti, 2008).Aujourd’hui, les auditeurs sociaux sont sollicités de façon croissante pour conduire desmissions d’audit de la mise en œuvre des politiques et pratiques de diversité.Les nouvelles missions répondent en particulier à trois objectifs :- Identifier les risques de non respect des obligations et des engagements en matière de diversité.Les risques liés aux carences en matière de respect de la réglementation de la diversité ou desengagements conventionnel sont de plus en plus forts. Le bilan des engagements dans le domaine de ladiversité permet de mettre à jour les risques que court l’entreprise du fait de la non-conformité de sesactes à ses engagements: risques juridiques, pénaux parfois, civils, commerciaux, financiers maiségalement de réputation. Les audits de conformité permettent de les identifier et de les réduire. Lesmissions se développent aujourd’hui pour quatre raisons : la prise en compte d’exigences croissantesde toutes les parties prenantes, des risques accrus du fait d’une réglementation de plus en plus stricte etcontraignante (ainsi la loi 2006 sur l’égalité des chances a légalisé le « testing » créant un risque élevépour les entreprises dont les pratiques réelles sont discriminatoires), des engagements volontaires prispar l’entreprise (charte de la diversité), le souhait d’obtenir un label (label « égalité » depuis 2005 etlabel « diversité » depuis 2008);- Garantir l’existence effective et la mise en œuvre de politiques formalisées de gestion de ladiversité, pertinentes et en ligne avec la stratégie pour « faire vivre » concrètement la diversité. Ils’agit là d’un audit de gouvernance. L’entreprise a-t-elle intégré dans sa réflexion stratégique les défiset la richesse de la diversité ? A-t-elle défini une politique de la diversité et les moyens de satraduction en plans d’actions concrètes ? A-t-elle identifié les principales sources de diversité et adaptéses pratiques à la diversité des attentes et des caractéristiques ? Veille-t-elle à « faire vivre auquotidien », à travers les comportements et les décisions de chacun, à tous niveaux, la diversité etl’égalité des chances ?- Mesurer les résultats obtenus par l’entreprise en matière de diversité parrapport aux objectifs fixés. Il s’agit souvent d’anticiper les investigations desagences de notation extra financière pour obtenir un rating satisfaisant en matière depolitique RH. La demande porte sur des audits d’efficacité. Au fur et à mesure quedes engagements chiffrés sont pris, l’auditeur doit vérifier leur obtention. L’ensembledes objectifs ont-ils été atteints ? Quels sont les écarts entre objectifs et constats ? Ladiversité vit-elle dans la réalité ou seulement dans les discours et les engagements ?Les missions d’audit de diversité411


Les entreprises sont de plus en plus nombreuses à afficher des objectifs en matière depolitique et de pratique de diversités. L’auditeur vérifie si ces objectifs ont été atteints(Peretti, 2011). Le référentiel utilisé est donc l’engagement pris. Cet engagement est ou nonchiffré. L’auditeur identifie les écarts et les risques qui en découlent et les causes desinsuffisances constatées. Il propose des mesures pour remédier aux carences (Igalens &Peretti, 2008).Les missions d’audit de diversité portent sur les principaux process RH del’entreprise pour lesquels des objectifs explicites ou implicites sont identifiables:Recrutement, Intégration, Formation et développement des compétences, Mobilité etévolution de carrière, Evaluation et détection des potentiels, Organisation du travail,Rémunérations…● Audits de processus diversité / égalitéLes entreprises en France mènent des audits de leurs processus RH et pratiques en faveur dela diversité et l’égalité des chances, soit de manière autonome avec des auditeurs sociauxspécialisés, soit avec l’AFNOR, organisme certificateur pour le label diversité.Le rapport de l’auditeur porte généralement sur quatre grands thèmes : l’égalitéhommes/femmes, l’insertion professionnelle des personnes handicapées, l’égalité deschances des personnes défavorisées et l’emploi des seniors. Il identifie des leviers de progrèspour avancer, se doter d’une politique claire, lisible et partagée et rendre ses actionsmesurables.Créé fin 2008, le label diversité est un outil d’évaluation des pratiques RH et modesmanagériaux des entreprises en matière de non-discrimination et de promotion des diversités.Piloté par l’AFNOR, l’audit porte sur l’ensemble des processus RH, le management et lesrelations de l’entreprise avec ses parties prenantes internes (partenaires sociaux) et externes(fournisseurs). Il s’agit ainsi d’auditer principalement les moyens mis en place par lesentreprises (Guerfel-Henda S., Broussillon G-A., 2010).Depuis 2004, un label égalité professionnelle existe en France. Ce label permet à desentreprises de faire reconnaître et certifier leurs pratiques en faveur de l’égalitéprofessionnelle femmes-hommes. En 2010, la création du 1 er label européen pour l’égalité arendu possible l’audit des processus Ressources Humaines et managériaux des entreprises enmatière d’égalité professionnelle femmes-hommes au niveau Groupe et dans leurs filiales enEurope.● Recrutement et diversité. L’évolution de la réglementation a favorisé dans un premier temps les audits portantsur la diversité dans le recrutement, l’absence de discrimination et la garantie d’égalité deschances. Parmi les constats réalisés lors de l’audit, la comparaison entre la répartition des CVreçus et celle des candidats convoqués fait ressortir d’éventuelles discriminations sur descritères non acceptables. L’auditeur utilise divers indicateurs tels que le ratio de cohérenceentre les CV reçus dans leur diversité et les postulants convoqués, entre les candidats reçusen entretien et ceux retenus. Trois indicateurs quantifiables sont aujourd’hui particulièrementsensibles :- Le pourcentage des seniors (plus de 45 ans ou plus de 50 ans) recrutés est il égal ouinférieur à celui des candidatures de cette classe d’âge.412


- Le pourcentage des femmes dans les recrutements pour les catégories de qualificationsupérieure est il conforme à leur poids dans l’effectif et dans les candidatures reçues ;L’exploitation de ces bases de données du SIRH permet d’identifier des écarts et d’enrechercher les causes avec des investigations qualitatives. Les audits de recrutement reposentégalement sur des entretiens avec les acteurs concernés d’une part et l’étude des donnéesdocumentaires disponibles.Concernant les indicateurs relatifs aux minorités visibles, les auditeurs adoptent desapproches qualitatives puisqu’en France, il est impossible de mesurer la « diversité ethnoraciale». Deux raisons principales à cela : d’une part, à la non-reconnaissance desappartenances ethno-raciales et, d’autre part, à l’impossibilité de recenser celles-ci dans unfichier informatisé (en vertu de la loi « Informatique et Libertés » du 6 janvier 1978). Laméthode du testing ou « test de situation », très utilisée aux Etats-Unis ou en Grande-Bretagne à la fin des années soixante pour mettre en évidence l’existence de discriminationsraciales dans l’accès à l’emploi ou au logement, est présentée également en France commeun moyen de contrôle et d’évaluation.Certaines entreprises ont choisi de confier à un auditeur la réalisation d’auto-testing envérifiant l’absence de pratiques discriminantes en glissant dans les candidatures des dossierspièges. L’auto-testing permet ainsi d’évaluer notamment les procédures de recrutement.Lorsque l’entreprise a choisi d’adopter le CV anonyme, l’auditeur vérifie son efficacité. Lescomportements inappropriés des managers de proximité constituent l’une des principalessources de risque lors des recrutements. Identifier ces comportements pour les corriger estessentiel pour atteindre des résultats pertinents (Peretti, 2006).La législation française a par ailleurs renforcé la sanction des discriminations en élargissantle nombre de motifs illégaux à une quinzaine actuellement. Depuis quelques années, avecune antériorité pour l’égalité entre les femmes et les hommes (Laufer, 2005), certainesgrandes entreprises françaises intègrent ces problématiques dans leur politique de ressourceshumaines et déclinent divers programmes au niveau national (Garner-Moyer, 2006, Barth etFalcoz, 2007, Peretti & al.).●Audit de l’intégrationAu-delà de la diversité du recrutement, la réussite de la diversité repose sur uneintégration réussie au-delà des différences. L’auditeur étudie les taux d’échecs d’intégration(départs en cours de période d’essai, taux d’attrition pendant les premiers mois…) enfonction de facteurs de diversité. Des entretiens avec les acteurs concernés permettentd’identifier les principales sources d’échec et de proposer des mesures correctives. Ainsi lesdifficultés rencontrées pour la réussite de l’intégration d’un candidat atypique reposentsouvent également sur des comportements inappropriés des managers de proximité dus àune insuffisante sensibilisation.Formation et diversitéLes écarts importants des taux d’accès à la formation font ressortir l’inégalité face à laformation continue. L’auditeur examine les écarts par catégories et selon les principalessources identifiées de différence. Il suit leur évolution dans le temps et les efforts faits pouraméliorer l’accès à la formation des populations les plus défavorisées. L’utilisation desdispositifs CIF, VAE, DIF, Bilan professionnel, Bilan de compétences selon divers critèresapporte des informations importantes même si ces droits reposent sur l’initiative des salariés.413


La consommation de ces outils en fonction de divers critères, fait ressortir des écartsimportants. Seules des politiques volontaristes ciblées sur les populations généralementdéfavorisées permettent de redonner une égalité des chances.Auditer la formation, c’est également évaluer soit la formation effective des collaborateursaux diversités, soit l’intégration de modules diversités dans les formations managériales.L’auditeur suit ainsi des indicateurs spécifiques comme le « nombre de collaborateurs formésaux diversités », le « nombre de comités de directions ou managers formés aux diversités »,ou encore le « nombre de séminaires de formations ayant intégré des sensibilisations auxdiversités ».●Mobilité, promotions et carrièresLa diversité des taux de promotabilité (% de promus dans chaque catégorie) fait ressortirun certain nombre d’inégalité des chances. Lorsque l’auditeur constate une anomalie, unemoindre probabilité d’être promu selon le genre, l’âge ou tout autre critère mesurable, ilanalyse les causes et propose des mesures correctives pour atteindre l’objectif d’égalité deschances.●RémunérationsL’auditeur est invité à traquer les éventuelles discriminations en matière derémunérations. Ces discriminations peuvent être dues à des décisions salariales lors durecrutement, à des augmentations individuelles différentes selon les populations, à desavantages bénéficiant à certaines catégories…Les écarts de moyenne entre salaires dediverses catégories peuvent orienter les investigations de l’auditeur. Cependant il doit êtreprudent pour éviter les erreurs d’analyse. Des différences d’âge et d’ancienneté peuventexpliquer des écarts de salaires moyens selon le genre et l’origine par exemple. L’auditeurrecherche toutes les explications des écarts constatés afin de les neutraliser pour conserverl’écart imputable au genre ou à l’origine. Il examine si cet écart provient de discriminationsdirectes ou indirectes afin de proposer des mesures correctives appropriées.●L’audit des discriminationsL’audit des discriminations interdites a pour objectif de garantir que l’entreprise ne violepas, dans l’un ou l’autre de ses lieux de travail, les dispositions légales en vigueur.L’auditeur contrôle les principaux process et notamment les plus sensibles et donc lerecrutement. Les pratiques liées à l’individualisation des rémunérations et celles en matièrede détection des potentiels, de promotion et de mobilité sont des objets d’audit privilégié.Les décideurs sont nombreux et garantir l’absence de discrimination est délicat.Pour une diversité vécue.Après analyse des résultats de l’audit, du constat des écarts et de la recherche des causes,l’auditeur présente ses résultats intermédiaires au donneur d’ordre, et éventuellement auxpersonnes interrogées, et les valide. Cette phase de validation est essentielle pour garantir lapertinence et la faisabilité des recommandations. A l’issue de sa mission, l’auditeur social estamené à formuler des préconisations fixant des axes de progrès. Les recommandations del’auditeur peuvent être très variées. Elles comportent fréquemment des propositions sur troispoints :414


- La mise sous contrôle des principales sources de risque avec des batteriesd’indicateurs, des tableaux de bord et des clignotants, au niveau global et danschaque service ;- La définition d’objectifs stratégiques de diversité, d’axes prioritaires, la mise en placed’un plan d’action et la création de structure dédiée ;- La mise en œuvre d’une formation adéquate des équipes et des collaborateurs ;●Former pour un management par la diversitéLes écarts constatés par l’auditeur le conduisent à recommander des actions en matière deformation des collaborateurs dans différents domaines. Au niveau du recrutement, desformations au tri du CV, un travail sur les tests de personnalité, les schémas et lesreprésentations, les critères de sélection, les freins sont parfois nécessaires. La formation desmanagers est essentielle (sensibilisation aux risques, à la diversité, aux différences, auxbonnes pratiques à mettre en œuvre). Elle permet de limiter les comportements à risque.Depuis quelques années, ces formations des managers à la diversité se développent pouréviter en particulier des discriminations.●Outils de suiviLes rapports d’audit peuvent proposer la mise en place des outils de suivi permettant devérifier que les principales sources de risques sont sous contrôle. Dans la limite des règlesédictées par la CNIL en matière d’informations personnelles, il est nécessaire de construiredes indicateurs de mesure et des tableaux de bord. La recommandation CNIL du 9 juillet2005 limite strictement le recours à des statistiques ethniques. Cependant la CNIL considèreque le recours à un « tiers de confiance » (ce que l’auditeur est) permet de garantirl’anonymat et le volontariat pour les investigations incluant des distinctions ethniques. Lesconclusions du rapport d’audit comportent un relevé circonstancié des observations, unesynthèse des écarts observés sur la base de faits étayés et vérifiés, les causes susceptiblesd’expliquer ces écarts, les conséquences constatées et les risques encourus. En conclusion lerapport propose des actions permettant de réduire l’ensemble des risques découlant d’unmanagement insuffisant de la diversité.La montée des risques en matière de diversité entraîne une demande croissanted’audits en matière de diversité. Ces audits sont d’une grande utilité pour réviser lespratiques, identifier les actions à développer et parvenir à un véritable management de ladiversité. L’entreprise qui assume de façon exemplaire toutes ses obligations légales et sesengagements volontaires peut souhaiter être reconnue et pouvoir mettre en avant cettereconnaissance. Obtenir un label améliore les retombées en termes d’image et l’attractivitéde l’entreprise et éventuellement la fidélisation des salariés.BibliographieBarth, I., Falcoz C. (dir), (2007). Le management de la diversité, Enjeux, fondements etpratiques, Paris : L’Harmattan.Bender, A-F, (2004). Egalité professionnelle ou gestion de la diversité : quels enjeux pourl’égalité des chances ?, Revue Française de Gestion, juin-août 2004, p. 205-217.Frimousse S. & Peretti J.M. (2011), Diversité(s) : approches internationales, <strong>Actes</strong> des 7 èmesRencontre Internationales de la Diversité, IAE de Corse.415


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Relation entre performance sociale et performancefinancière : évidence actuelle à partir d’une revue dela littératureBECHIR BEN LAHOUELDocteur en Sciences de Gestion – IAE de Corte20 rue de Picardie93290 Tremblay en Francebbenlahouel@yahoo.frJEAN-MARIE PERETTIProfesseur à l’ESSEC Business School et à l’IAE de Corte7 Avenue Jean Nicoli 20250 Corteperetti@univ-corse.frRésumé :Conscients des limites du modèle économique fondamentaliste minimaliste relatif à lafonction sociétale de la firme, les théoriciens et les praticiens des sciences de l’organisationet du management, ont tenté, à travers les décennies, d’attribuer un rôle à l’entreprise quipermette de créer de la richesse non seulement pour ses actionnaires mais aussi pour lesautres parties concernées l’activité organisationnelle. Ainsi, la majorité des recherches dansle domaine de la performance sociale des entreprises (PSE) ont cherché à identifier lesconnexions et surtout de démonter l’existence d’une association positive entre laperformance financière et la performance sociale de l’entreprise.L’objectif de cette communication est d’offrir aux nouveaux chercheurs, dans le domaine dumanagement des problématiques sociétales, une synthèse des principaux résultats issues desétudes empiriques récentes sur la relation entre la performance sociale et la performance417


financière (PFE). La revue de la littérature suggère que la détermination d’un signe et unedirection universels de l’association entre PSE et PFE est impossible. Les modélisationsaussi bien conceptuelles qu’économétriques ne permettent pas d’aboutir à un consensusquant à cette relation.Mots clés : performance sociale, performance financière, causalité, partie prenante.Introduction :Depuis que Friedman (1962, 1970) avait annoncé que l’unique responsabilité sociale d’unefirme est de maximiser ses profits, l’exploration de la relation entre la performance socialedes entreprises (PSE dans ce qui suit) et la performance financière (PFE dans ce qui suit) afait l’objet d’un grand volume de recherches empiriques à travers les quatre dernièresdécennies (Beurden et Gössling, 2008 ; Griffin et Mahon, 1997 ; McWilliams et Siegel,2000 ; Orlitzky, 2005, 2008 ; Waddock et Graves, 1997). L’échec dans la fourniture d’unejustification morale de la responsabilité sociale des entreprises (RSE dans ce qui suit)compatible avec les intérêts économiques d’une firme a conduit certains managers etchercheurs à percevoir la RSE comme uniquement un coût non productif (Vance, 1975 ;Aupperle et al, 1985). En effet, malgré les pressions exercées sur les entreprises pours’engager dans des initiatives RSE, plusieurs managers ont résisté à la transformation de laculture et des principes de leurs organisations. Par conséquent, les chercheurs en sciences degestion ont tenté de démontrer l’effet de la RSE sur la profitabilité (McWilliams et Siegel,2000) alors que d’autres managers ont essayé de développer d’autres formes stratégiques deRSE capables de démontrer leurs avantages financiers (Peloza, 2006). Cependant, alors queles entreprises qui « font du bien » (do good) s’attendent à ce qu’elles « gagnent davantage »(do well), les études empiriques relatives à la relation entre PSE et PFE sont peu concluanteset rapportent des relations positives, négatives et neutres (Allouche et Laroche, 2005 ; Bird etal., 2007 ; Fauzi et al., 2007 ; Igalens et Gond, 2005 ;Griffin et Mahon, 1997 ; McWillams etSiegel, 2000 ; Orlitzky, 2008 ; Peters et Mullen, 2009 ; Roman, et al., 1999 ; Simpson etKohers, 2002 ; Ullmann, 1985 ;Waddock et Graves, 1997 ; etc.).Les études empiriques relatives à la PSE cherchent à lui trouver une relation positive avec laPFE qui permettra d’une part, de lever le scepticisme qui règne autour du concept de la RSEpar la légitimation de ses fondements éthiques et économiques et d’autres part, de faireconverger les objectifs organisationnels économiques et sociétaux (Gond et Palazzo, 2008).L’objectif de cette communication est d’offrir, aux jeunes chercheurs dans le domaine dumanagement des problématiques sociétales, un portrait à la fois simple et profond de larelation entre la PSE et la PFE à travers une revue de la littérature empirique. Cette revues’intéresse essentiellement à l’exploration des signes et des directions de causalité entre laPSE et la PFE.1. La responsabilité sociale et les objectifs économiques d’une organisation : entresynergie et antagonismePlusieurs recherches ont tenté de répondre à la question suivante : la RSE complète-t-elle ouest en conflit avec les objectifs économiques de la firme ?Afin de répondre à cette question, Peloza (2006) fournit quatre perspectives relatives à larelation PSE-PFE à travers la figure suivante :418


Horizon temporeldes perspectivesmanagérialesLong termeCourt termeFigure 1. Les perspectives de la relation PSE-PFERelation entre PSE et PFEConflictuelle Complémentaire1 23 4Le cadrant 1 reflète la vision friedmaniste de la RSE et avance les arguments utilisés contrela RSE en la présentant en conflit avec les objectifs économiques de la firme. Le quadrant 2revoie à la vision « gagnant-gagnant » de la RSE. Les entreprises qui adoptent des initiativesRSE sont persuadées que ces investissements permettent d’accroître la profitabilité. Parexemple, les résultats des études événementielles (voir les travaux de Khotari et Warner,2004 ; Krivin et al., 2003 ; McWilliams et Siegel, 1997) conduisant à des relations positivesentre la PSE et la PFE s’insèrent dans cette perspective (Peloza, 2006). La pensée courttermisteautour de la RSE suggère que les entreprises investissent dans des causes sociétalesafin de remédier à des médiatisations négatives (Peloza, 2006).Par ailleurs, les recherches qui considèrent que la PSE affecte la PFE s’inscrivent,généralement, dans un horizon temporel plus étendu. Par exemple, le cadrant 3 indique queles initiatives socialement responsables représentent des coûts additionnels, placent lesentreprises dans des situations de désavantages concurrentiels par rapport à leurs concurrentset conduisent à la baisse de la profitabilité (Auppele et al., 1985 ; McGuire et al, 1988 ;Ullmann, 1985). Selon cette perspective la RSE représente une taxe ou un droit moral etsymbolique (license to operate) pour l’exercice des activités marchandes (Capron, 2007 ;Peloza, 2006). Par contre, certaines recherches considèrent que la RSE est profitable à longterme (quadrant 4). Les objectifs économiques doivent correspondre aux objectifs sociétaux(Porter et Cramer, 2002, 2006). Cette perspective reflète le « Business case » de la RSE où lacomplémentarité de long terme entre la PSE et la PFE s’établit, non seulement dans lacapacité de l’entreprise à acquérir des ressources servant comme sources d’avantagesconcurrentiels (Barney, 1991), mais aussi dans la formation d’un réservoir de Goodwill(Battacharya et Sen, 2004) agissant comme instrument de couverture contre les risques deréputation en cas de crise (Schnietz et Epstein, 2005 ; Ziglidopoulos, 2001) et comme uneassurance de la performance financière (Orlitzky et Benjamin, 2001 ; Peloza, 2006).419


La controverse concernant la relation entre la PSE et la PFE concerne traditionnellementdeux problèmes empiriques : le signe et le sens de la relation entre la PSE et la PFE (Fauzi etal, 2007 ; Preston et O’Bannon, 1997 ; Surroca et Tribo, 2005). En d’autres termes, il s’agitd’une part, de savoir si l’association entre les deux construits est positive, négative ou neutreet d’autre part, de savoir, lorsqu’il y a association, quelle performance agit sur l’autre ? Oubien s’il existe une relation synergique entre les deux ?Le signe et la direction de la causalité entre la PSE et la PFE sont revus dans la sectionsuivante2. Causalité entre performance sociale et performance financière2.1. Signe de causalitéLa relation positive entre la PSE et la PFE symbolise le « Graal » (Holy Grail) desrecherches dans le domaine du Business and Society (Gond et Palazzo, 2008 ; McElhaney,2008). De nombreuses études empiriques ont fourni des résultats différents et contradictoires.De Bakker et al. (2005) notent que la littérature relative à la définition de la RSE et la PSEest non concluante, de même que pour la littérature relative à la relation PSE-PFE (Beurdenet Gössling, 2008).La revue de Griffin et Mahon (1997) a analysé 62 études rapportées dans 51 articles publiésentre 1972 et 1994. Il a identifié 33 études avec un relation positive, 20 études avec unerelation négative et 9 études avec une relation non concluante. Griffin et Mahon (1997)résument les conclusions de leur survey comme suit : 1) il n’existe pas de consensus définitifquant à la relation PSE-PFE, 2) alors que le nombre d’études trouvant une relation négativeest impressionnant, elles concernent essentiellement l’analyse de la réaction des marchésboursiers suite aux activités illégales et aux défauts de qualité, 3) certaines études sont nonconcluantes car elles trouvent des relations positives et négatives au sein d’une même étude,4) la plupart des études trouvent une relation positive entre la PSE et la PFE.La revue de Roman et al. (1999) se présente comme une révision des travaux de Griffin etMahon (1997). Les résultats du survey soutiennent davantage l’évidence d’une relationpositive entre la PSE et la PFE. La re-classification a entraîné une chute du nombre desrecherches montrant une corrélation négative. En effet, les auteurs soulignent qu’un effetnégatif qui cause un résultat négatif doit être interprété comme une relation positive « PoorCFP accompanying poor CSP indicates a positive correlation » (Roman et al., 1999 ; p.112).Ainsi, Roman et al. (1999) ont trouvé une relation positive entre la PSE et la PFE dans 33études, pas de relation dans 14 études et une relation négative dans 5 études.Margolis et Walsh (2003) ont revu la relation PSE-PFE au sein de 127 études établies entre1972 et 2002. Les résultats de cette revue consolident l’hypothèse d’une association positiveentre la PSE et la PFE (Margolis et Walsh, 2003 ; p. 277). En effet, seulement 7 étudesrapportent une relation négative entre la PSE et la PFE, 70 études trouvent une relationpositive, 28 études présentent une association non significative et 24 études trouvent quel’association peut être négative ou positive.Orlitzky et al. (2003) soulignent que la technique du « comptage des votes » (Vote counting)employés par leurs prédécesseurs dans l’analyse de la relation PSE-PFE (Griffin et Mahon,1997 ; Roman et al., 1999 ; Margolis et Walsh, 2003 ; Ullman, 1985), est statistiquementdéfectueuse et conduit à de fausses conclusions. Orlitzky et al. (2003) proposent d’utiliser latechnique de la méta-analyse comme la démarche statistique la plus appropriée pour agréger420


les résultats, généralement contradictoires, à travers un nombre élevé d’étudesindépendantes. Les résultats de la méta-analyse de 52 études antérieures, supportentl’existence d’une relation positive entre la PSE et la PFE. Cette association positive est aussimodérée par le mode d’opérationnalisation de la PSE et de la PFE. En général, les mesuresde réputation sont plus fortement corrélées avec la PFE que d’autres mesures de la PSE(reporting sociétal, audit social). De plus, l’impact économique de la PSE s’avère plusimportant lorsque la PFE est exprimée en mesures comptables (ROI, ROA, ROE) qu’enmesures de marchés (PER, dividendes, gain en capitaux, Q de Tobin).Frooman (1997) a conduit une méta-analyse de 27 études événementielles analysant larelation entre la réaction des cours boursiers et le comportement illégal et socialementirresponsable d’une entreprise. Frooman trouve que le marché réagit négativement lorsqueles firmes commettent un acte socialement irresponsable ou illégal, ce qui implique uneassociation positive entre la PSE et la PFE.Plus récemment, Allouche et Laroche (2005) fournissent une méta-analyse de 82 étudesempiriques rapportant des tests statistiques concernant la relation PSE-PFE. Les résultatssont concluants et montrent que la PSE a une influence positive sur la PFE. L’analyseindique que la mesure de la PSE par les indices de réputation affecte plus fortement la PFEque lorsqu’elle est estimée par le reporting sociétal. De plus, Allouche et Laroche (2005)trouvent que d’autres facteurs modérateurs (p. exp., la taille de la firme, le secteur d’activité,le risque et les dépenses en recherche et développement) agissent sur l’ampleur et l’intensitéde la relation entre la PSE et la PFE. En conclusion, Allouche et Laroche notent que « nosrésultats suggèrent que toutes les dimensions de la PSE ne sont pas influencées par lesmêmes facteurs et que ces dimensions n’affectent pas la performance financière de la mêmemanière » (2005, p. 34).En général, bien que la littérature empirique relative à la relation PSE-PFE soit peuconcluante, il existe, tout de même, un sentiment prépondérant de l’existence d’une relationpositive entre les deux construits (Voir tableau 1.) Ruf et al. (2001) attribuent lacontradiction des résultats à des problèmes d’ordre méthodologiques et théoriques. En effet,ils suggèrent les raisons suivantes : 1) le manque de fondation théorique, 2) le manque demesure systématique compréhensive de la PSE, 3) le manque de rigueur méthodologique, 4)les limites relatives à la taille et à la composition des échantillons, et 5) l’incompatibilitéentre les variables sociales et les variables financières (Ruf et al., 2001 ; p. 144).Tableau 1. Relation entre la performance sociale et la performance financière de l’entrepriseissue des études empiriques récentes (depuis l’année 2000)Relation positive Relation non Relation négativesignificative/mixteMargolis et Walsh (2003) Statman (2000) Brammer, Brooks et Pavelin(2006)Orlitzky, Schmidt et Rynes Bauer, Koedijk et Otten Chong, Her et Philips (2006)(2003)(2005)Allouche et Laroche (2005) Waddock et Graves (2000) Geczy, Stambaugh et Levin(2005)Shen et Chang (2008) Mahoney et Roberts (2007) Hong et Kacperczyk (2009)Antunovich et Laster (2000) McWilliams et Siegel (2000)Goll et Rasheed (2004) Wang, Choi et Li (2005)Ruf, Muralidhar, Brown, Van de Velde, Vermeir etJanney et Paul (2001)Corten (2005)Mill (2006) Bauer, Günster et Otten (2003)Derwall, Günster, Bauer etKoedijk (2005)Bauer,(2007)Derwall et Otten421


Peters et Mullen (2009) Surroca et Tribo (2005)Bird, Hall, Momentè et Moore (2001)Reggiani (2007)Nelling et Webb (2008) Hillman et Keim (2001)Cheng, Collins et Huang Fauzi, Mahoney et Rahman(2006)(2007)Ferreira, Sinha et Varble Seifert, Morris et Bartkus(2008)(2004)Wu (2006)Simpson et Kothers (2002)He, Tian et Chen (2007)Luo et Bhattacharya (2006)Schnietz et Epstein (2005)Barnett et Salomon (2006)Patten (2008)Orlitzky (2007) relève d’autres facteurs contingents dont l’influence sur la relation PSE-PFEest notable. Les orientations scientifiques des chercheurs, des éditeurs de journauxacadémiques et des relecteurs peuvent influencer les résultats des travaux empiriques. Dansune méta-analyse récente, Orlitzky (2007) démontre que les résultats des études empiriquesrelatives à la relation PSE-PFE est influencée par l’orientation académique du journal danslesquelles elles sont publiées. En effet, les relecteurs avec une orientation économique sontplus sceptiques envers une relation positive PSE-PFE que les lecteurs avec une orientationéthique. Les recherches publiées dans des revues économiques et financières tendent àdémontrer une relation neutre ou négative, alors que les travaux publiées dans des revues deRSE et d’éthique des affaires rapportent une relation positive (Gond et Palazzo, 2008 ;Orlitzky, 2007).2.2. Direction de causalitéLe deuxième problème empirique concernant la relation entre la PSE et la PFE questionne ladirection de la causalité entre les deux construits (Fauzi et al., 2007 ; Griffin et Mahon,1997 ; Preston et O’Bannon, 1997 ; Waddock et Graves, 1997) : « what comes first ? »(Orlitzky, 2005). Seifert et al. (2004) ajoutent : « Researchers and theorists cannot agree onwhether firms do good to do well or whether doing well enables a firm to do good » (p. 136).Waddock et Graves (1997) avancent deux théories pour répondre à cette question : la théoriedes fonds disponibles (Slack resources theory) et la théorie du bon management (Goodmanagement theory). Selon la théorie des fonds disponibles, l’investissement dans lesdomaines de la PSE (relations avec les collectivités et les employés, la préservation del’environnement, etc.) requiert la disponibilité de fonds qui doivent résulter du succèsfinancier de la firme. Ainsi, la PFE se présente comme une variable prédictrice de la PSE.Par ailleurs, la théorie du bon management stipule que la PSE entraîne une meilleureperformance financière. En effet, un management efficace des responsabilités sociales et desrelations avec les parties prenantes, améliore la profitabilité de l’entreprise (Berman et al.,1999 ; Freeman, 1984 ; Ullmann, 1985 ; Waddock et Graves, 1997).Ces deux théories ont été confirmées dans plusieurs études empiriques (McGuire et al, 1988 ;Margolis et Walsh, 2003 ; Orlitzky et Benjamin, 2001 ; Orlitzky et al., 2003 ; Seifert et al.,2004 ; Waddock et Graves, 1997). A travers l’utilisation d’un décalage temporel, La PSEpeut être à la fois un déterminant et une conséquence de la PFE (Orlitzky, 2005, 2008 ;Orlitzky et al., 2003 ; Waddock et Graves, 1997).En somme, peu importe l’élément inducteur de la direction de causalité, Waddock et Graves(1997) affirment l’existence d’un impact simultané et interactif qui forme un cercle vertueux422


s’appuyant sur une synergie positive entre les deux construits. Cela implique que la firme estcapable de développer des relations, mutuellement bénéfiques avec ses parties prenantes,pouvant affecter sa profitabilité grâce à ses engagements en matière de RSE. Enconséquence, cet effet financier positif induit par la PSE se transforme, à son tour, enressources disponibles permettant à l’entreprise d’investir, ultérieurement, dans des activitésRSE (Orlitzky, 2008).3. Eléments de synthèse sur la causalité entre performance sociale et performancefinancièreL’étude de la causalité entre la PSE et la PFE continue, malgré l’ambiguïté qui l’entoure, àattirer l’attention des chercheurs (Allouche et Laroche, 2005 ; Peters et Mullen, 2009) et seprésente comme « le thème de recherche le plus prisé et étudié dans le champ Business (and)Society » (Gond, 2006 ; p. 1). En raison de la diversité des résultats et conclusions trouvées,nous tenterons de répondre au questionnement essentiel suivant : comment peut-oncaractériser la relation entre la PSE et la PFE ?Notre point de départ s’appuie sur les deux méta-analyses fournies par Orlitzky et al. (2003)et Allouche et Laroche (2005). Les principales conclusions de ces recherches sont lessuivantes :‣ L’évidence empirique indique que la PSE et la PFE sont positivement corrélées car laPSE renforce d’une part, les connaissances et les habiletés managériales et d’autre part, elleconsolide la réputation de l’entreprise. Toutefois cette corrélation positive estconsidérablement changeante (allant de fortement positive à modestement positive) ;‣ Les différentes dimensions de la PSE n’affectent pas la PFE de la même manière. Parexemple, les indices de réputations utilisés comme proxies de la PSE sont plus fortementcorrélés avec la PFE que les autres indicateurs de PSE ;‣ Il existe des facteurs de contingence qui affectent la relation PSE-PFE (les stratégiesde mesures de la PSE et de la PFE ; le taux de croissance du secteur d’activité). Les deuxrecherches divergent sur la nécessité de l’inclusion de la taille de l’entreprise comme variablede contrôle (Allouche et Laroche sont pour alors que Orlitzky et al. sont contre). De plus,Allouche et Laroche trouvent que le contrôle pour le secteur d’activité, le risque financier etles dépenses en recherche et développement, n’a pas d’effet sur la relation PSE-PFE ;‣ La PSE dérive son instrumentalité essentiellement (en termes de bénéfices financiers)de l’importance de sa réputation qui lui est adressée par ses parties prenantes.En somme, Allouche et Laroche (2005) et Orlitzky et al. (2003) considèrent que la recherched’une formule universelle sur la relation entre la PSE et la PFE est difficilement atteignable.Ils conseillent aux futurs chercheurs que, désormais, l’étude du lien entre les deux construitsdoit passer par la reconnaissance et l’identification de nouveaux mécanismes de contingence.Ces facteurs contingents devront prendre la forme de variables de contrôle ou de modérationlors de la formulation des modèles économétriques. En effet, il existe une certaine évidenceque le lien entre la PSE et la PFE dépend de certaines variables comme le secteur d’activité,l’âge de la firme, sa taille, sa culture, son système national, le dynamisme et la munificencede son environnement, etc. (Aguilera et al., 2007 ; Goll et Rasheed, 2004 ; Halme et Laurilla,2008 ; Salzmann et al., 2005 ; Simpson et Kothers, 2002 ; Roberts, 1992).Les résultats des deux méta-analyses appellent au développement de nouvelles mesures, plussophistiquées et adaptées aux différentes dimensions de la PSE qu’il faut faire correspondre423


aux différents comportements des parties prenantes qui, à leur tour, influencent laprofitabilité. Or, les mesures et les méthodologies de recherche doivent convenir auxcomplexités théoriques relatives à la problématique de recherche. Par conséquent, Alloucheet Laroche (2005) notent qu’il est indispensable de moderniser les modélisationséconométriques du problème afin de comprendre les mécanismes profonds de causalité entreles deux variables. Allouche, Huault et Schmidt (2004) soulignent qu’il est regrettabled’étudier la complexité du lien entre la PSE et la PFE à partir d’une simple analyse decorrélation statistique. Il est préférable d’employer des méthodes statistiques plus élaboréescomme, par exemple, les équations structurelles, les séries temporelles et les régressions àdouble et triple moindres carrés.Enfin, les recherches empiriques futures doivent prendre en compte la dimension temporelledans l’exploration des effets de la PSE sur la PFE et vice versa. La PSE est un processusdynamique dont les résultats observables dépendent, non seulement des pratiques actuellesmais aussi des investissements antérieurs. Presque la totalité des travaux empiriques ontétudié l’effet immédiat ou à court terme de la PSE sur la PFE à travers la conduite d’étudestransversales (Peters et Mullen, 2009). Cependant, certains chercheurs appellent à ce que lesprochaines études doivent chercher à estimer les effets longitudinaux des initiatives RSE(Allouche, Huault et Schmidt, 2005 ; Murray et Vogel, 1997). En effet, les étudeslongitudinales permettent aux chercheurs de savoir si les performances antérieures affectentles performances futures et si cette relation est renforcée à travers le temps (Peters et Mullen,2009).Dans l’intention de dépasser les limites théoriques et méthodologiques dans l’exploration dulien ente la PSE et la PFE, des recherches contemporaines publiées antérieurement à l’une oudes deux méta-analyses citées ci-dessus ont fourni, tout de même, des résultatscontradictoires.Seifert el al. (2004) ont investigué la corrélation ente la PFE et les dépenses philanthropiquesau sein de 157 entreprises américaines de Fortune 1000. Ils ont employés un modèled’équations structurelles pour tester simultanément deux hypothèses relatives d’une part, àl’effet des fonds disponibles sur la philanthropie (Slack resources theory) et d’autre part,l’effet des dons monétaires sur la performance financière (Good management theory). Lesrésultats de la recherche de Seifert et al. (2004) trouvent que les fonds disponibles sous laforme de Cash Flow ont un impact significatif sur les dons monétaires pour des causescaritatives supportant, ainsi, la pensée traditionnelle concernant les activités discrétionnairesdans la littérature managériale selon laquelle : « Doing well enables doing good » (Seifert atal., 2004 ; p. 135). Toutefois, les auteurs ne trouvent pas d’effet significatif sur laprofitabilité de la part de la générosité des entreprises.L’étude de Surroca et Tribo (2005) demeure d’une grande importance dans les études ayantexploré le lien entre la PSE et la PFE. Leur théorie suppose l’absence de lien directe entre laPSE et la PFE. Ces deux mesures interagissent indirectement à travers leur connexionmutuelle avec certaines ressources intangibles détenues par l’entreprise. Cette hypothèse esttestée, en formant un échantillon de 515 entreprises de 26 pays différents, grâce à la base dedonnée du Sustainable Investment Research International (SiRi 130 ). En prenant comme cadrethéorique de leur analyse la théorie de la Resource-Based-View, deux implications majeuresdérivent des travaux de Surroca et Tribo (2005). D’abord, les résultats montrent que toutchangement dans un type de performance qui n’est pas connecté avec une ressource130 SiRi est le plus grand fournisseur au monde de données concernant l’ISR. Basé en Europe, en Amérique dunord et en Australie, SiRi publie des profils détaillés contenant plus de 350 données et informations des 600entreprises leaders dans le monde. Voir http://www.siricompany.com/index.shtml.424


intangible (p. exp., l’investissement en recherche et développement et en capital humain), netraduit aucun changement dans l’autre type de performance. Cela veut dire que les causalitésentre la PSE et la PFE, trouvées dans la littérature empirique, sont fausses et ne dépendentque des variables reliées aux ressources et aux capacités intangibles de l’entreprise. Ensuite,les deux chercheurs ne trouvent pas de support pour les hypothèses inscrites dans les théoriesdes fonds disponibles et du bon mangement soutenues par (Waddock et Graves, 1997 ;Moore, 2001 ; Preston et O’Bannon, 1997).La quête de la relation positive entre la PSE et la PFE est perceptible dans l’étude de Fauzi etal. (2007). Ces auteurs ont développé deux modèles économétriques pour tester la théorie desfonds disponibles et la théorie du bon management à travers l’examen de 383 entreprisesindonésiennes entre 2002 et 2003. A l’instar de Surroca et Tribo (2005), les résultats del’étude n’apportent pas de soutien aux deux théories et ne trouvent aucune corrélationsignificative entre les deux performances. Toutefois, en utilisant la théorie des fondsdisponibles, les auteurs affirment que la taille de l’entreprise a un effet significatif, positif etmodérateur sur la relation PSE-PFE. Cette affirmation va à l’encontre de celle repérée dansles travaux de Orlitzky (2001), Orlitzky et al. (2003) et supporte les résultats de la métaanalysepostérieure de Wu (2006).Nelling et Webb (2008) ont réexaminé la notion de « cercle vertueux » quant à la relationPSE-PFE. Leur étude valide cette notion et leurs résultats concordent avec la littératureempirique existante car ils trouvent que les deux variables tendent à être reliées, seulement,lors de l’utilisation des techniques économétriques traditionnelles, comme la régression parla méthode des moindres carrés ordinaires (MCO). Par contre, l’évidence empiriquetraditionnelle de « cercle vertueux » est faiblement soutenue lorsque les auteurs introduisentl’approche des séries temporelles à effets fixes (études longitudinales). En effet, cetteméthode statistique permet, lors de l’utilisation des données de panel, l’estimation des effetsdes variables indépendantes sur la variable dépendante tout en contrôlant pour les effets desvariables inobservables. Nelling et Webb (2008) concluent que l’interaction entre la PSE etla PFE est surtout conduite par des caractéristiques inobservables de la firme.Peters et Mullen (2009) affirment leur profonde conviction que la relation PFE-PSE doit êtreexplorée à travers le temps au sein d’études longitudinales. Ils soulignent que l’usage del’approche des séries temporelles permettra l’analyse des effets cumulatifs de la RSE sur laPFE future. Peters et Mullen se servent de la même base de données que celle utilisée dansl’étude de Berman et al. (1999). Ils examinent 81 entreprises du top 100 de la liste de Fortune500 entre 1991 et 1996, en employant, contrairement à leurs prédécesseurs (l’étude Bermanet al. repose sur un modèle économétrique transversale) une analyse longitudinale. Lesrésultats de l’étude fournissent un support à l’idée selon laquelle la poursuite et le maintiendes initiatives RSE à long terme est bénéfique aussi bien pour les actionnaires del’entreprises que pour les autres parties prenantes. En effet, comparée à l’analysetransversale, l’analyse longitudinale, qui reconnaît et représente l’impact des décisionsantérieures sur la capacité de réalisation des objectifs, traite les organisations et leurspolitiques comme des entités évolutionnistes (Peters et Mullen, 2009 ; p.10).4. DiscussionNous constatons, à travers la revue de ces études contemporaines, que la déterminationuniverselle du signe et de la direction du lien entre la PSE et la PFE est impossible. Même lamodernisation des modélisations économétriques et la sophistication des études (Vogel,425


2005) ne permettent pas d'aboutir à un consensus quant à cette relation, bien que parfois lesmesures de la PSE sont dérivées de la même base de données 131 .Gond et Palazzo (2008) suggèrent que la manière dont le lien entre la PSE et la PFE estperçue, et la conviction des acteurs concernant ce lien, peuvent avoir un impact sur lacausalité entre les deux variables. Il considèrent ce lien comme une construction sociale etcognitive promue par les acteurs agissant dans « un marché de la vertu ». Ainsi, lalégitimation et le succès de ces acteurs et de leurs activités sur ce marché, dépendentétroitement de leur conviction que la RSE est profitable (Gond et Palazzo, 2008).Contrairement à Gond et Palazzo (2008) qui trouvent que la preuve d’une relation positiveentre la PSE et la PFE est nécessaire, Vogel (2005) souligne que cette démonstration estinfructueuse, absurde et inutile car la RSE et les risques qui lui sont associés ne différent pasdes autres stratégies organisationnelles comme la publicité, le marketing et la recherche et ledéveloppement. Vogel s’exprime: « Why should we expect investments in CSR to consistentlycreate shareholder value when virtually no other business investments or strategies do so? »(2005; p. 33).Vogel (2006) ajoute que, la plupart du temps, les bénéfices d’être responsable et les coûts etles risques d’être irresponsable sont ombragés par d’autres pressions concurrentes exercéessur la firme. Par conséquent, la PSE contribue relativement d’une manière faible à lavariation de la PFE : « In fact, the relationship between corporate responsibility andfinancial performance is neither positive or negative ; in reality there is little relationshipbetween the two. The good news is that the market does not penalize corporateresponsibility. The bad news is that also doesn’t reward it » (Vogel, 2006 ; p.38).Par ailleurs, Vogel (2005) s’interroge sur le véritable apport pragmatique d’une découverted’un lien positif entre la PSE et la PFE. Rowley et Berman (2000) ajoutent que l’existenced’un lien positif ne sert que dans la justification du champ d’étude et ne contribue pas à lacompréhension de la raison d’une telle relation. De plus, une association positive ou négativene s’avère pas utile pour savoir comment les firmes doivent se comporter et/ou quelles sontles conditions antécédentes influençant la PSE (Rowley et Berman, 2000 ; p. 401). Vogel(2005, 2006) cite plusieurs cas d’entreprises socialement responsables qui ont rencontré desdifficultés financières (p. exp., Ben and Jerry’s, Marks and Spencer ; Levi Strauss ; ChiquitaBanana) et des entreprises irresponsables selon certaines dimensions (p. exp., Philip Morrisou ExxonMobil) qui ont obtenu des profits considérables sur une longue échéance.ConclusionD’un point de vue normatif, il est préférable que la PSE soit perçue comme l’une desdimensions de la stratégie de l’entreprise plutôt qu’être définie comme une conditionnécessaire à son succès. Moore (2001) défend la présence d’une relation plus complexe,autre que simplement linéaire, entre les deux construits. Il propose l’existence d’un niveauoptimum de PSE au-delà duquel les dépenses dans des activités de RSE peuvent porteratteinte au lieu de contribuer à la PSE. D’un point de vue instrumental, deux raisonsfondamentales expliquent l’incertitude qui entoure le lien PSE-PFE : les problèmes demesures de la PSE et le manque de fondement théorique. Les critiques de Ullmann (1985)demeurent valables jusqu’à nos jours. Les études empiriques ont été conduite sans, pourautant, contribuer au développement d’un cadre théorique qui peut expliquer les résultats quiont été rapportés (Moore, 2001 ; Ullmann, 1985). En évoquant l’ambiguïté des résultats des131 Nelling et Webb (2008) et Peters et Mullen (2009) utilisent la base KLD (Kinder, Lydenberg et Domini)pour l’estimation de la PSE des entreprises composant leurs échantillons respectifs.426


travaux anglo-saxons sur la relation RSE-PSE, Igalens et Gond (2003) reprennentl’expression de Ullmann (1985) et notent que « la recherche dans ce domaine a bien souventpris l’allure pirandellienne de données en quête de théories » (p. 112).427


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Atelier 11 : la contribution de l’enseignement à l’égalité des chances…………………………………………« La gestion de la Diversité dans les Grandes Ecoles. Objectifs et enjeux des programmes detype « Une grande école pourquoi pas moi ? » Gaëlle REDON (ISC Paris) .« La formation au service de la diversité en milieu universitaire » Bachir BOULENOUAR etAssya KHIAT (Université d’Oran).La diversité dans l’apprentissage des sciences de gestion: Une expérience interdisciplinaired’utilisation des médias sociaux » Marcos LIMA (EM Léonard de Vinci) et ThierryFABIANI (Université de Corse).433


Gaëlle RedonEnseignant/chercheur en SociologieManagement, Entrepreneuriat et Stratégie (MEST) – ISC ParisSchool of Managementgredon@iscparis.comDiversité(s), RSE et solidaritéLa gestion de la Diversité dans les Grandes Ecoles.Objectifs et enjeux des programmes de type « Une grande école pourquoi pas moi ? »Introduction« Les seules distinctions légitimes entre les citoyens sont celles qui séparent les talents »,d’après la déclaration des droits de l’homme et l’établissement de la République. Là sont leprincipe et l’esprit de l’élitisme républicain. La sélection par l’excellence scolaire devraitrebattre à chaque génération les cartes de l’origine sociale. Il n’en va malheureusement pasainsi… Créées il y a plus de 200 ans dans le but de faire émerger une nouvelle éliterépublicaine, le système des classes préparatoires aux grandes écoles (CPGE)estrégulièrement accusé de produire des élites socialement prédestinées et de légitimer, par sapropre sélectivité, une large reproduction sociale, en accentuant encore davantage lesinégalités sociales de réussite scolaire (Albouy et Wanecq, 2003).Mais régulièrementdénoncées comme étant un lieu fermé aux jeunes issus des milieux les moins favorisés, lesmédias se font paradoxalement aussi l’écho de multiples initiatives en leur sein, favorisantl’égalité sociales des chances… En effet, en réaction à ces critiques et sous l’impulsion deSciences Po. et l’Essec, de nombreuses grandes écoles aujourd’hui font montre d’un granddynamisme en termes d’engagements et d’actions sur la diversité, avec notamment la miseen place du programme « Une grande école pourquoi pas moi ? ».Jusqu’à présent, les études menées se sont focalisées sur les parties prenantes, le « public »récepteur de ces actions. Il s’agissait ainsi de traiter de la question de la formation des élites,de la méritocratie, de la démocratisation des classes préparatoires, de l’accès (inégal) auxgrandes écoles… Mais qu’en est-il de la stratégie de diversité dans la fonction RH desgrandes écoles ?En confrontant présomption et réalité des faits, nous allons voir apparaîtreun système plus complexe et diversifié qu’il n’y paraît. Au travers de résultats issusd’enquêtes qualitatives réalisées sur le terrain et sur la base d’entretiens semi-directifs, nousaborderons ici, les pratiques de ces grandes écoles, leurs engagements, leurs accords et leursactions en termes d’égalité des chances et de lutte contre les discriminations. Et noustenterons de déterminer si leurs DRH se doivent aussi de répondre à la triple nécessitééconomique, légale et sociale des organisations entrepreneuriales classiques. Nous étudieronsainsi les enjeux d’un pilotage efficace et les impacts que celui-ci engendre sur ce typed’organisations.S’agissant donc plus précisément des règles de déroulement de notre démarche sociologique,nous avons adopté le protocole scientifique consistant à comprendre la gestion de la diversitédans les grandes écoles à partir des données incontournables que sont la parole des acteursconcernés, sans négliger la place de la subjectivité que ces données empiriques provoquent.434


Nous avons donc choisi le parti qui consiste à prendre en considération la complexité dumanagement de la diversité dans ces établissements supérieurs, démarche qui se vérifieratout au long de ce travail. Et si ce dernier, parce qu’il est en cours d’élaboration, ne fait sansdoute, que poser des jalons, ouvrir des perspectives, soulever des problèmes, il s’agittoutefois d’une expérience fructueuse. Tant pour une compréhension plus affinée, plussubtile et plus large de la gestion de l’ouverture sociale dans les grandes écoles, que pour uneappréhension du sens de ces actions de diversité, de leur portée, autrement que dans unedimension ne prenant en compte que le côté législatif, sociétal ou économique.I- La Diversité sociale dans les Grandes Ecoles : constats et impacts1- Les actions du monde de l’éducationEn France, en 2012, il existe environ 220 écoles d’ingénieurs et autant d’écoles de commerceet de gestion, dont les voies d’accès sont diversifiées. Si la classe préparatoire est toujoursconsidérée comme la voie royale, elle n’est plus la voie unique pour accéder aux grandesécoles. C’est ce que l’on appelle les admissions parallèles, dites sur titre, qui permettent à desdiplômés d’université, de BTS ou de DUT d’accéder à ces écoles.Pour autant, et comme l’a souligné L. Schweitzer, président de la HALDE, l’accès auxclasses préparatoires aux grandes écoles est marqué par une « discrimination de fait » (et nonde droit, puisque leur recrutement, démocratique, se fonde sur le critère de l’excellencescolaire).La première difficulté déjà relevée par P. Bourdieu et J-C. Passeron il y a 5décennies (1964) relève de l’ordre du « déterminisme social et familial entretenu », avecnotamment un manque d’information et d’orientation et surtout un phénomène d’autocensureimportant (Sénat, 2007).Bien sûr, viennent s’ajouter à ces obstacles culturels et sociaux, lesobstacles financiers : frais d’inscription aux concours d’entrée aux grandes écoles, frais delogement, coût élevé des grandes écoles… Or, dans ce domaine aussi, l’information estinégale selon l’origine sociale des jeunes. Ainsi, les classes préparatoires et de fait, lesgrandes écoles, sont des études socialement improbables pour tout le monde (Lahire, 2003).Conscient de ces différentes problèmes, le développement du système d’aides sociales a tentéde répondre -bien qu’imparfaitement- au souci de démocratisation de l’enseignementsupérieur.Ainsi, le Ministère de l’éducation nationale et celui de l’enseignement supérieur etde la recherche ont initié plusieurs réformes importantes : l’orientation active au collège, aulycée et dans le premier cycle de l’enseignement supérieur, le plan pour la réussite en licence(2007), le portail d’admission post-bac (2008), les internats d’excellence (2009), la réformedes BTS (2011), la densification du réseau des CPGE et la création de classes préparatoirestechnologiques, etc. (Saa, 2012).Mais s’agissant du problème spécifique de l’accès au classes préparatoires et aux grandesécoles, ce sont les écoles elles-mêmes, parfois aussi les lycées, ainsi que les entreprises, quiont été les premières à adopter une attitude « proactive ».Ces actions ont divers objectifs,dans la mesure où elles visent les différents types de handicaps dont elles ont prisconscience. On peut néanmoins les classer en deux catégories : celle prévoyant uneprocédure dérogatoire de recrutement (initié en 2001 par Sciences Po., avec les« conventions d’éducation prioritaire ») et celle consistant à donner à tous les moyens deréussir les mêmes épreuves pour l’entrée à l’école (on peut également recenser les actions demécénat d’entreprises qui se multiplient). Pour cette étude, nous n’entrerons dans les détailsque pour décrire le second type d’actions.2- L’ESSEC et sa convention « Une prépa, une grande école pourquoi pas moi ? »Il s’agit là, de la plus grande initiative mise en place par une grande école, et dontl’essaimage est aussi le plus significatif.435


Après le pavé dans la marre jeté par Sciences Po Paris en 2001, l’Essec lui emboîte le pas en2002, en lançant le programme « Une grande école, pourquoi pas moi ? »), appelé pluscommunément PQPM. Cette action vise à élargir le recrutement des grandes écoles enexcluant toute politique de quotas. Pour cela, elle met en place une convention signée avecdes lycées partenaires (puis des collèges). Sélectionnés en classe de seconde (ou enquatrième pour les collégiens), les élèves volontaires doivent montrer de réelles capacitésscolaires, avoir le goût de l’apprentissage et du savoir, être motivés par le projet et être issusde famille dont le capital culturel, social et/ou économique limitent la chance d’accéder à deshautes études supérieures.Ces élèves sélectionnés bénéficieront d’un accompagnement sous la forme de tutorat durantles trois années de lycée. Celui-ci vise à développer des comportements et compétencescorrespondant notamment aux attentes des concours d’entrée dans les formationsd’excellence : curiosité intellectuelle, aisance verbale, sens de l’argumentation.Avec les années, ce programme est devenu très cadré et codifié. Ainsi, les partenairesextérieurs du programme sont nombreux : les lycées, les familles, les intervenants extérieurs,mais aussi l’Etat, représenté par la ville et qui apporte une part du financement nécessaire àla mise en œuvre chaque année du programme et l’Inspection d’académie qui participe auchoix des collèges et lycées et qui veille à la bonne articulation entre le cursus et lesprincipes de fonctionnement de l’éducation nationale.Après quelques années, l’Essec a donc entrepris l’essaimage de son programme et ce sontaujourd’hui plus de 250 établissements supérieurs qui sont engagés dans un projetd’ouverture sociale, sur la base établie par celle-ci (voir ci-dessous, la Charte pour l’égalitédes chances, créée en 2005).3- Les impacts sur la législationLes nombreuses actions en faveur de la diversité sociale ont inspiré la rédaction et la créationde chartes, de rapports et de programmes, allant dans le sens d’une dynamique forte enfaveur de l’égalité des chances dans le monde éducatif.En 2005, tout d’abord, la Charte pourl’égalité des chances dans l’accès aux formations d’excellencea été signée par leGouvernement,les universités et les grandes écoles. Elle confirme la volonté politique dedévelopper les initiatives visant à permettre à tous les élèves qui, pour des raisons diverses,s’autocensurent, manquent d’ambition et n’osent pas s’engager dans des voies de formationsd’excellence, d’accéder à des études supérieures valorisantes et ambitieuses.En 2007, le rapport du Sénat sur la diversité sociale se propose d’aller dans le sens de cesactions et développe essentiellement trois leviers : lever l’autocensure ; encourager l’accès etle suivi des élèves dans les classes préparatoires et les grandes écoles ; multiplier, mieuxcoordonner et évaluer les expérimentations.Un autre impact mesurable de ces actions menées en faveur de l’égalité des chances et laréussite des jeunes face à l’entrée dans l’enseignement supérieur, et notamment dans desfilières d’excellence, est la création du programme « Cordées de la Réussite ». Lancé ennovembre 2008 avec comme objectif d’introduire une plus grande équité sociale dans l’accèsaux formations d’excellence, il s’agit d’un label attribué dans le cadre d’un partenariat entrele Ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche et le Ministère chargé de lapolitique de la ville. Ce label est attribué aux « têtes de cordées », c’est-à-dire à desétablissements supérieurs (grandes écoles, universités) porteurs de projets et partenairesd’établissements secondaires situés prioritairement dans des quartiers inscrits dans lapolitique de la ville (dynamique espoir banlieues). Ces programmes prennent le plus souventforme autour d’un tutorat de type PQPM. Il en existe aujourd’hui 254 sur le territoire avec unnombre total d’élèves bénéficiaires qui s’élève à un peu plus de 200 000.436


C’est l’Acsé(agence pour la cohésion sociale et l’égalité des chances) qui finance les cordéesde la réussite et qui assure également une démarche de suivi et d’évaluation de cesinterventions. En moyenne, une cordée de la réussite bénéficie d’un financement de l’Acséde 20 000 euros, souvent complété ensuite par des financements parallèles (conseilsgénéraux et régionaux, communautés d’agglomérations urbaines, fondations d’entreprises…)ou de l’autofinancement. Aujourd’hui, la généralisation des Cordées à toutes les structures deformation, tous les niveaux d’enseignement, tous les territoires font que son inscription dansle code de l’éducation est désormais à l’ordre du jour (Saa, 2012).4- Les impacts sur les populations concernéesLes principales retombées positives sont évidemment envers les élèves directementconcernés par ces diverses actions. Les nombreux travaux de recherche et enquêtes réaliséeset portant sur ce thème vont tous dans ce sens. A titre indicatif, plus de 60% des élèves ayantbénéficié de ce type d’actions sont aujourd’hui dans une filière longue ou en CPGE.Mais l’objectif indirect des programmes est également de créer l’émulation dans l’ensembledes lycées partenaires. Tout d’abord en développant au mieux et pour tous, l’information surles filières et métiers ambitieux et donc, en créant des ponts visibles avec l’enseignementsupérieur. Ensuite, en changeant le regard sur la réussite scolaire, le sens de l’effort etl’ambition professionnelle des jeunes dont ils ont la charge, grâce aux bénéficiaires desprogrammes, « ambassadeurs » de la réussite.Ces programmes basés sur le tutorat étudiant ont aussi à l’évidence, un impact fort sur lesétudiants-tuteurs. D’après leurs témoignageset quelle que soit leur situation, tous sortentgrandis et enrichis par cet engagement personnel et citoyen. Ils vivent une expériencepédagogique très riche et contribuent aussi à l’un des défis majeurs de notre société.Enfin, ce programme touche, bien qu’indirectement, le milieu entrepreneurial. Nous allonsvoir dans la partie suivante, qu’il s’agit pour les entreprises d’intégrer en leur sein ladiversité, composante importante de la responsabilité sociale (RSE) mais aussi véritablerichesse. Les actions établies en amont du monde du travail leur permettent en effet, de nepas se priver de talents, sous prétexte qu’ils viennent de territoires géographiquement ousocialement défavorisés…Pourtant, dans un premier temps, une bonne partie de la communauté éducative elle-mêmes’était montrée plutôt réticente et septique à ces actions, à la fois quant aux motivations desgrandes écoles et quant aux résultats que l’on pouvait en attendre. Aujourd’hui, toutefois,nous voyons que la plupart des grandes écoles se sont elles aussi progressivement lancéesdans l’aventure. Leurs dispositifs d’ouverture sociale s’articulent autour de deux logiques : laredéfinition du mérite démocratique et le maintien de l’égalité devant les concours d’entréeaux grandes écoles. Ces dernières ont majoritairement choisi de se rallier aux actions de typePQPM, c’est-à-dire de travailler sur la gestion de la diversité en amont (en concentrant leursefforts sur la période scolaire et donc, sans remettre pas en cause leur système fondé sur lesconcours). C’est sur ce type d’actions que notre étude va se pencher plus avant, afin de saisirce qui pousse ces établissements supérieurs à participer au développement de la diversitésociale et de l’égalité des chances. Ont-ils les mêmes contraintes, objectifs et enjeux que lesentreprises dites « classiques », qui ont-elles-mêmes mis en place une gestion de la diversité?II- Effet de mode, prise de conscience ou stratégie marketing ?1- La diversité et les obligations légalesdans les grandes écoles437


Parallèlementà la création du « label diversité » qui traduit la volonté du gouvernementd’agir pour la diversité dans l’entreprise, est créée en 2008 la CGE (Conférences des GrandesEcoles). Elle regroupe sous une même commission Diversité, plusieurs groupes travaillantsur des thèmes liés : l’égalité Hommes-Femmes ; le Handicap ; l’Ouverture Sociale. Cettecommission se donne pour projet d’examiner comment, à l’intérieur de l’enseignementsupérieur d’excellence, sont vécues, habitées, considérées, toutes les questions relatives à lagestion des différences et des diversités.La promotion de la diversité est bien devenue un thème fort de notre actualité. Mais il fautdistinguer les politiques de lutte contre les discriminations des politiques de gestion de ladiversité. Et au-delà des déclarations d’intention et des chartes, des actions concrètes sontmenées. Nous allons voir que la fonction RH se doit aujourd’hui de répondre à plusieursnécessités en termes de diversité. Tout d’abord, elle doit faire face au risque juridique, depart les lois sur la Lutte contre les Discriminations. Ensuite, elle doit savoir identifier denouveaux viviers de recrutement permettant une plus grande créativité des salariés et uneperformance économique accrue. Enfin, elle doit être en phase avec un environnement socialet sociétal très mouvant.En France, un certain nombre de textes ont progressivement donné un cadre à la gestion de ladiversité. Ainsi, en entreprise, la législation et les mesures prises concernant la diversités’abordent bel et bien dans une logique de sanction (Alis et Fesser, in Perretti, 2007).Cettelégislation s’applique aussi, à l’évidence, aux établissements supérieurs et concernentl’ensemble de la ligne hiérarchique de ceux-ci. Mais existe-t-il des lois sur la diversité,spécifiques aux grandes écoles ? Et qu’en est-il de leur marché externe, et notamment desrelations de ces organisations avec leurs clients, leurs actionnaires, leurs partenaires, face à ladiversité ?« Les universités et les grandes écoles devront désormais participer activement àl’orientation et à la préparation des jeunes qui en ont besoin, dès leurs études secondaires…(…) Et les classes préparatoires devront porter leur taux d’élèves boursiers à un tiers,comme c’est le cas dans les universités ». Tels furent les vœux du Président de la RépubliqueJ. Chirac, pour l’année 2006.Bien que les grandes écoles n’aient pas attendu d’être mises à l’épreuve pour prendreconscience de leur responsabilité citoyenne, en développant des projets ou des modalitéspédagogiques favorisant la diversité sociale de leurs étudiants, nous voyons bien qu’unedynamique se manifeste depuis quelques années et s’intègre dans le contexte actuel depromotion de l’égalité des chances, autour duquel se mobilisent tous les acteurs de la société(politiques, entreprises, formateurs…). « Nos établissements ont reçu des injonctions fortesde la part du ministère. Et un des signes fort est la création du commissariat à la diversitéprésidé par Y. Sabeg. Cela montre bien qu’il fallait donner un signal fort pour que les élitespuissent se renouveler. Car toutes les critiques qui tournaient autour des grandsétablissements étaient dans la reproduction sociale très forte des élites. Il y avait unedemande sociale et une pression très fortes. A partir de là, si on ne met pas en place unsystème incitatif voire législatif, les institutions évoluent très lentement », nous confirmera ledirecteur général d’une école de commerce de Paris, membre de la CGE.Nous allons voir dans les parties suivantes, comment cette dynamique se manifesteconcrètement dans les grandes écoles, et si ces dernières fonctionnent, face à elle, de lamême manière que le font les entreprises.2- La diversité et les obligations de recrutementA la rentrée 2005-2006, on recensait seulement 18% d’élèves boursiers en CPGE, avec desdisparités très importantes entre les établissements. Le système des grandes écoles était restétrès malthusien. De fait, nous l’avons vu, le Président de la République décida de porter à438


25% en 2009, puis à 30% en 2010, le nombre d’élèves boursiers qui entrent en CPGE danschaque lycée. Les lycées comptant un faible taux de boursiers devront dès lors élargir leurvivier de recrutement.Il décide aussi d’accroître de 30% en 3 ans, les effectifs des grandes écoles d’ingénieurs,développement indispensable pour fournir le pays en ressources humaines hautementqualifiées.Comme nous l’explique ce directeur d’une école de commerce située sur Paris et membre dela CGE, le débat sur le quota de boursiers a été incitatif : « C’est accompagné d’argent si onle met en place. C’est le cas de l’Acsé et d’un certain nombre de dispositifs types Cordées…Ce sont des dispositifs d’incitation et de valorisation de l’institution et en même temps,juridique car la loi vient corriger un certain nombre de discriminations. Sans cela,naturellement, les écoles auraient mis très longtemps à réagir et à le mettre en place, malgréles vrais problèmes dans les banlieues, les guettos, etc. On voyait bien qu’il y avait unereproduction des élites. L’autocensure est très forte. L’environnement est restreint sur leniveau d’études de niveau 5, le monde est étriqué et donc gérer la diversité c’est faire ensorte que ce monde soit moins étriqué ».La plupart des grandes écoles a ainsi considérablement augmenté sa proportion de boursiersdepuis trois ans (l’autre levier important d’ouverture sociale concerne le développement del’apprentissage). Et si la population de ces dernières est encore loin d’être représentative dela société actuelle, à l’image des entreprisesdont la pénurie de talents les conduit à élargir lesviviers de recrutement en s’ouvrant à de nouveaux profils aux caractéristiques plus variées,les grandes écoles s’accordent pour dire que ce manque de visibilité les prive aussi decertains profils. Ceux de nombreux jeunes qui ne s’engagent pas dans des filières de ce type,pour les raisons multiples évoquées plus haut. « L’intérêt de diversifier est aussipédagogique car la richesse nait de la diversité. Dans des MBA par exemple, en mettantseulement des ingénieurs ensemble, tu as une culture d’ingénieur et donc pas autant dediversité de points de vue, de richesses que si tu brasses des géographes, des historiens, desjuristes, des ingénieurs, etc. », affirme le manager réseau d’une grande école de commerce(membre de la CGE) et responsable d’un programme type PQPM.La diversité sociale entermes de recrutement est donc une vitrine nécessaire pour l’évolution et l’enrichissement deleur vivier de recrutement. « Avec les établissements secondaires, on a renforcé nosrelations, nos contacts. On y entre plus facilement. Ca a redonné une confiancesupplémentaire. On nous demande d’entrer dans nos cordées. C’est devenu un label dequalité. Pour eux, faire partie de nos cordées, c’est prestigieux. On joue un peu un rôle dephare, on est connu dans le coin, on joue un rôle moteur. Ca a redynamisé les établissementssecondaires de la cordée, ils mettent ça en avant, les parents sont contents, ça rassure »,explique la responsable des affaires générales et culturelles et responsable du programmePQPM d’une école d’ingénieur de Franche-Comté.Elle leur permet également de correspondre aux attentes des entreprises avec lesquelles ellessont inévitablement en lien. « On a vu les entreprises qui se sont bougées. Elles touchent àla diversité parce qu’il y a un problème de recrutement des cadres lié à la démographie.Elles ont compris que les talents sont partout et qu’il faut aller les chercher partout. Elless’adaptent et nous, on est dans la chaine. C’est l’entreprise qui nous renvoie un certainnombre de choses et nous dit de quels profils elle a besoin… C’est une donne nouvelle dansla mondialisation. Elle nous demande tel type de diversité car sur tel marché international,il lui faut des cadres biculturels, par exemple. A nous de les former », nous explique ledirecteur général d’une école de commerce parisienne membre de la CGE.Car comme nousle dira le manager développement réseau cité plus haut, « l’enjeu pour les grandes écoles,leur finalité est de sortir des produits finis les plus opérationnels possibles, les plus adaptésaux besoins de l’entreprise ».439


Ainsi, il est important pour ces établissements de préparer leurs étudiants à la diversitésociale à laquelle ils seront confrontés sur le marché du travail. Il ajoute : « Si tu prends desétudiants issus de CSP supérieures et que pendant trois ans, ils restent dans leur microcosmeCSP supérieures, demain, s’ils sont en position de cadres dirigeants chez ArselorMittal, çava leur faire tout drôle ». Cet avis est partagé par la directrice prospective et développementde projets d’une école de management basée sur Paris et sur la région Centre : « Je suisconvaincue que les étudiants des grandes écoles ont d’urgence besoin d’être confrontés àcette diversité. Ils vont l’être après, dans les entreprises. Si on ne les amène pas dans cettemixité tout de suite, comment cela va se passer après ?… ».Il est donc essentiel pour les grandes écoles de pouvoir dire aux entreprises qu’elles leurproposent des étudiants qui sont rompus à ces questions de diversité.De nombreuses études révèlent que les entreprises peuvent faire d’une obligation de départ,qu’est la législation sur la diversité, un atout économique important. Recruter des profilsdifférents permet on l’a vu, de pallier la pénurie de talents. Cela répond aussi au besoin deproximité avec des clients et les produits de plus en plus divers, qui nécessite de recruter dessalariés qui leur ressemble. Il s’agit ainsi de répondre aux besoins dans une approcheintégrant marketing et ressources humaines. On est bien là d’un investissement productif :« Gérer la diversité, c’est accepter la non-conformité au service du développement del’entreprise » (Alis et Fesser, in Perretti, 2007). Les partisans de la discrimination positive enfont un argument de poids. Il existerait donc une relation entre performance de l’organisationet diversité au travail. La pluralité des profils, la variété des expériences, l’hétérogénéité descompétences, contribueraient à créer de la valeur en entreprise (Perretti, 2007).Dans les établissements supérieurs étudiés, il semble que les retombées économiques de ladiversité soient également bien présentes, bien que peut-être plus indirectes. On y a aussicompris que recruter des jeunes venant de milieux sociaux, économiques et culturelsdifférents étaient avantageux puisque cela permettait de fournir des stagiaires et des jeunesdiplômés correspondant aux attentes des entreprises. Car comme nous l’explique ce directeurd’une école d’ingénieur parisienne, « au final, les clients de l’école, c’est l’entreprise. Laréalité de l’organisation des entreprises, parce qu’ils demanderont tels types decompétences, de langues, il faut faire en sorte que les jeunes puissent les acquérir. Laformation doit le mettre en conformité de l’entreprise. Par exemple, les codes sociaux,l’orthographe, la culture générale, etc. On ne peut s’en exonérer car cela les rattrapera enrecrutement dans l’entreprise. On ne peut pas baisser l’exigence de notre recrutement carcela se répercutera à l’embauche… On doit travailler dans la diversité tout en étant aussiexigeant. On donne des clés, des repères, on tend la main en disant c’est possible, à lacondition de travailler. Au final, l’entreprise (ou l’organisation) sanctionnera. Tout est lié ».Dès-lors, si la législation apparaît au départ comme une contrainte forte, ces organisations enont fait un outil stratégique non négligeable. A l’image des entreprises, les grandes écolesvoient elles aussi, dans ces recrutements jusqu’à présents peu fréquents, une opportunitéintéressante. Et cette population de boursiers est aussi une clientèle nouvelle et le quotadevient alors un instrument économique important. « Nous, on est sur des quartiers avec deslycées dits moyens, des classes prépas dites de proximité… la diversité s’y exprime. On yrecrute. Notre présence s’améliore car les élèves se disent que c’est possible », témoigne ledirecteur d’une école de commerce parisienne.De fait, ces recrutements diversifiés dans les grandes écoles sont bien une sourceéconomique importante. Directe d’abord, avec une clientèle plus large et diversifiée.Indirecte ensuite, avec les retombées en entreprises, à la fois fournisseuses de stages, departenariats et d’embauches… La réputation et l’image de l’école en dépendent.Face à ces différents constats engendrés par le contexte actuel de promotion de l’Egalité deschances, tant dans le monde entrepreneurial que dans celui de l’éducation, il semble donc440


ien que nous puissions également aborder le sujet de la diversité en termes de stratégies etd’opportunités…3- La diversité et les opportunités stratégiques3-1 La diversité, une prise de conscience ou un effet de mode ?Une de nos questions de départ était de découvrir les raisons de ces multiples actions misesen place dans ces établissements supérieurs, en termes d’ouverture sociale. En plus d’avoirété fortement incitées par le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche,relevaient-elles d’une véritable prise de conscience sociale ou n’étaient-elles finalementqu’un effet de mode à l’avenir incertain ? Car comme toute question au cœur despréoccupations des pouvoirs publics et de l’actualité médiatique, les effets de mode sur laquestion de l’égalité des chances nous semblent inévitables.A cette question, le directeur d’une école d’ingénieur de province nous répondra que« beaucoup d’écoles y sont allées très volontairement. Les directeurs ont compris qu’ilfallait investir sur le terrain. Plus par le côté social que législatif. Il y a toujours un peu lamode, mais elle résiste, quand même. D’autres projets émergent d’ailleurs autour de ladiversité, autour des profils différents (autour du handicap, par exemple) ». Face à cettemême question, le responsable de la diversité d’une école de commerce parisienne nuance :« Mon sentiment est qu’il y a à la fois une prise de conscience et un effet de mode. Dans lesréunions du GOS (Groupe Ouverture Sociale), on pourrait presque faire une typologie desécoles. Celles qui ont rejoint le groupe par conviction, comme l’Essec, par exemple. Après,j’ai aussi vu des écoles arrivées par snobisme au sens propre du terme, c’est-à-dire pourfaire comme les autres. Et parmi celles-là, j’ai distingué 2 catégories : celles qui se sontlaissées convaincre et qui ont finalement fait de belles choses ; et d’autres, qui n’ont pas eula même résonnance. Et ça se voit à leur présence lors des réunions… ».Pour autant, une école étant un acteur économique au même titre que l’entreprise, c’est unenjeu sociétal que de participer à sa façon à l’ouverture sociale et à l’accès à l’enseignementsupérieur d’excellence. « C’est la pression sociale, le fait de devoir ressembler à notre pays,qui fait qu’on a commencé à mettre en place cette notion du multiculturel. C’est l’image dela France », nous explique le directeur d’une école de commerce parisienne. « Quand ondéplore une cause sociétale, quand on identifie un point à améliorer dans la société, il fautque tout le monde puisse y participer quand il en a la possibilité. Les écoles ont un rôle àjouer. Si on veut que les élites de demain représentent la société française, ça passe parl’école qui ne peut être en dehors de ce mouvement », renchérit le chargé de mission à ladiversité d’une école d’ingénieurs.Ce directeur d’une école de commerce parisienne a également pris conscience des problèmesde la société et de ce que le système éducatif pourrait faire pour pallier certains manques :« Je sens que les relations sociales dans notre pays sont tendues et à n’importe quel moment,dans une banlieue, il suffit d’une petite étincelle et c’est reparti. On n’a corrigé qu’à lamarge. Donc, si on ne continue pas, s’il n’y a pas de volonté politique forte, si les écoles nese bougent pas assez, si on continue à gérer ça à cette vitesse de croisière, sans accélérerfortement, à termes, on aura des problèmes. Les émeutes peuvent réapparaitre à toutmoment. Il faut accélérer. Les écoles ont intérêt à travailler… ».Montrer au maximum de jeunes possible l’intérêt d’entrer dans un établissementd’excellence, pour qu’ils aient demain une place intéressante dans la société, tel est un desenjeux de ces grandes écoles. « Ces jeunes seront demain des citoyens. L’idée n’est pas defaire du pré-recrutement. On présente l’ensemble des possibles à ces jeunes, on essaied’élever leurs ambitions… En aucun cas, intégrer un programme de tutorat n’est une carted’entrée à l’école même. Il n’y a pas de caractère publicitaire », enchaîne un chargé demission à la diversité d’une école d’ingénieur de Paris.441


« C’est notre responsabilité collective mais aussi individuelle de faire en sorte que les talentsde notre société fructifient, les nôtres mais aussi ceux des autres afin d’éviter le terriblegâchis qui nous menace. C’est convaincus de la pertinence de ce raisonnement que nouscontribuons, à la place qui est la nôtre, à réduire la fracture scolaire de ce pays en ouvrant desperspectives et en tendant la main à ceux qui font l’effort de la saisir ». (Sibieude T. etDardelet C. in Perreti, 2007).D’ailleurs, précisons à nouveau que les obligations desétablissements supérieurs touchent le recrutement de boursiers, mais que rien ne les oblige àmettre en place ces actions en amont. Alors, quels sont les impacts réels de ce type deprogrammes sur les établissements ?La mise en place de ce type de programmes a, nous l’avons bien compris, un côté incitatif,de part les subventions qui peuvent être accordées aux établissements actifs sur la questionde la diversité. La question est alors de savoir si ces mêmes établissements continueraient cesprogrammes d’ouverture sociale sans ces subventions. La réponse nous est donnée par deuxresponsables PQPM d’une école d’ingénieurs de Franche-Comté et d’une école decommerce parisienne : « Sans les aides financières, on ne compenserait pas. Ils nevoudraient pas mettre autant d’argent si on ne nous en donne plus… On continuerait peutêtremais sans mettre d’argent. D’une autre manière »… « Les directeurs d’écoles que jeconnais sont plutôt pour ce type d’actions. Mais on ne peut pas non plus tout financer, toutsupporter. On aura du mal si la puissance publique ne fait pas un effort, on aura du mal. Sion ne nous finance plus PQPM, certaines écoles, malgré la bonne volonté, auront du mal àcontinuer. Il faut que la puissance publique comprenne que pour rectifier, elle doit faire sonjob. C’est de l’intérêt public et nos institutions suivront cet intérêt et ce bien être commun,mais il faut qu’il soit accompagné par la puissance publique. Les écoles ne pourrontsupporter elles-mêmes sur leur compte d’exploitation. Si on veut faire quelque chose, il fautinvestir… Le financement est prioritaire. Sinon, les écoles reviendront sur leur cœur demétier, la formation, le recrutement des élèves, l’équilibre du budget, etc. Ou alors, il faudrapasser par d’autres modes de financement : les fonds de dotations, les donateurs… ».C’est ce que font déjà certains établissements, dont les financements proviennent aussi biendes fonds publics que privés. Car il faut aussi noter que l’autofinancement de ce typed’actions reste encore exceptionnel. L’enquête enquête annuelle de suivi du programme« Cordée de la Réussite 2011 », montre en effet que celui-ci représente une part extrêmementvariable du budget de la cordée : la proportion moyenne d’autofinancement est d’environ30% mais près d’un quart des établissements n’apporte aucun co-financement.Ainsi, pour séduire à la fois les partenaires, les clients, et le cas échéants, les actionnaires, cesgrandes écoles ont fait de ces contraintes législatives, de ces pressions du ministère sur lesquotas de boursiers comme sur les programmes d’ouverture sociale en amont, un véritableoutil de communication.3-2 La diversité, une stratégie marketingComme toute organisation, les grandes écoles doivent communiquer sur elles-mêmes pourmieux s'intégrer dans leur environnement : les relations publiques, le parrainage, lapublicité..., sont autant de moyens qui leur permettent de renforcer ou de modifier leur imageet de susciter autour d’elles, un climat de confiance au développement de leurs affaires.Comme le soulignait le directeur d’une école de commerce parisienne membre de la CGE,« ce sont des dispositifs d’incitation et de valorisation de l’institution ». Et on l’a vu, lesgrandes écoles ont une image, auprès du grand public, qui repose sur des fondementshistoriques et réels mais qui ne reflète pas toujours leur identité de fonctionnement. Cesétablissements sont toujours considérés comme favorisant très fortement une largereproduction sociale. « De manière générale, les grandes écoles ont besoin de redorer leurimage, donc elles se lancent dans un projet comme PQPM », nous affirme ladirectrice442


prospective et développement de projets dans une école de management basée sur Paris et larégion Centre.De plus, le monde des grandes écoles et les débouchés auxquels elles préparent ne sont passeulement méconnus du grand public et des élèves mais aussi des personnes constituant desrelais essentiels (personnels des centres d’orientation, professeurs, etc.). Ainsi, contribuer àl’accès à l’information de tous sur l’existence des grandes écoles et de leurs débouchés estindispensable. Etre présentes dans les établissements secondaires s’avère être aujourd’huiune vitrine nécessaire pour plusieurs raisons. « Il y a un effet d’image sur les étudiants. Tousles étudiants que j’ai encadrés dans ce projet trouvent ça génial. Après, ils en parlent autourd’eux. Comme les lycéens qui y participent aussi. Il y a un effet d’image aussi bien au niveaudes familles, sur la fratrie, que sur les copains de classe, qui sont les prospects, les futursétudiants (…) Il y a aussi un effet d’image au niveau des lycées. Pour eux, que ce soit auxrectorats ou aux parents d’élèves, pouvoir dire qu’ils ont un partenariat avec une grandeécole, c’est plutôt bien. Et ça permet aussi de faire des ponts avec les grandes écoles », nousexpliquera le manager développement réseau d’une grande école de commerce.Le fait d’avoir un programme d’ouverture sociale permet également à l’école d’entrer dansune communauté des grandes écoles œuvrant en faveur de l’ouverture sociale. Il y en ad’autres, bien sûr, comme le fait d’appartenir à la CGE, le fait de vendre leur habilitationAACSB… « C’est une façon de montrer à ses pairs qu’elle fait partie du sérail des grandesécoles qui œuvrent dans ce domaine », confirme ce même manager.Ainsi, la plupart des établissements supérieurs acteurs de la diversité a une réelle consciencede l’ouverture sociale comme enjeu sociétal nécessaire. La plupart a également prisconscience de l’impact de ces programmes sur l’environnement externe. L’ouverture socialedevient alors un outil marketing notable. « Ce qui est certains, c’est que tous les lycées de larégion connaissent aujourd’hui notre école. C’est important en termes d’image et detransmission d’informations sur l’école », nous confirme la directrice prospective etdéveloppement de projets d’une école de management basée sur Paris et la région Centre.« Il y a un effet marketing important, pour gagner un nouveau public, surtout pour les écolesles plus petites. C’est un moyen de montrer qu’on est ouvert, un outil de communicationintéressant pour se démarquer. Prendre en compte la diversité, c’est tendance, c’est unemode », nous affirme la responsable des affaires générales et culturelles et responsable duprogramme PQPM d’une école d’ingénieurs de Franche-Comté.« Certaines écoles en font un outil de communication. La plus diverse, la plus ouverte, etc. Ilpeut y avoir des atouts pour attirer les élèves. A travers un discours dit de la diversité, onpeut modifier notre image et la rendre plus attractive, c’est un outil de communication.Attractive, ça veut dire que l’école attire plus de candidats, se portent mieux… Le modèleéconomique est là concernant les écoles de commerce et de management, l’argent publicétant de plus en plus rare, ce sont les familles qui vont financer, donc il y a un marchéimportant », confirme le directeur d’une grande école d’ingénieurs parisienne.Un projet d’ouverture dans une grande école peut aussi entraîner des retombées politiques etmédiatiques positives, qui, s’en être l’objectif premier, humanisent les grandes écoles etmodifient leur image. C’est qu’affirme la responsable des affaires générales et culturelles del’école d’ingénieur de Franche-Comté : « En termes de notoriété, ça nous a encore boosté.Déjà que notre établissement était réputé, on donne du crédit à nos actions… Ça montrequ’on est un établissement dynamique. Politiquement, c’est porteur. On est invité partout, onparle de nous… Les partenaires autour, collectivités, préfectures, rectorats…, jouent à fondlà-dessus. Ils nous demandent des infos, des photos, etc., pour leurs sites. On est l’objet detoutes les attentions. Ils mettent ça en avant, organisent des cocktails... C’est bon pour leurimage, c’est politique. Ils nous donnent de l’argent. Il y a de la forme et du fond, ils noussoutiennent. Tout le monde y trouve son compte».443


3-3 La diversité, nouvelle mission des grandes écoles ?Ainsi, pour faire connaître leurs pratiques et mettre en valeur leurs démarches sociales, lesgrandes écoles développent des stratégies de marketing social. De fait, ces établissementscontribuent à la fois à la formation d'une société plus juste, et visent en même temps leurpropre bénéfice (Schiavo, 1999). Leurs dirigeants ont bien compris qu’il est possible de tirerdes bénéfices de la responsabilité sociale, pouvant notamment se traduire par le renforcementde leur image et la différentiation (ou l’analogie) auprès des établissements concurrents. Carface aux demandes pressantes du marché pour une société plus juste et plus éthique, ne pas yrépondre pourrait en effet, être source de risque en termes d’image et/ou de novationsociale… « Si l’école avait refusé de la faire, ça aurait été mal vécu. Il faut le faire »,confirme la directrice prospective et développement de projets de l’école de managementbasée sur Paris et la région Centre.Ainsi que le font les entreprises, le marketing social est aujourd’hui utilisé stratégiquementpar les grandes écoles, comme forme de promotion des actions sociales pratiquées pour qu’ilrejaillisse sur l’ensemble de leur structure. Il s’agit d’affirmer que sa marque n'est passeulement un produit, mais un style de vie, un ensemble de valeurs morales. Et cela peutconstruire, à long terme, une valeur différentielle, une valeur ajoutée, une acquisition declients.Pourtant, il ne suffit pas de développer un projet philanthropique pour être perçuecomme marque citoyenne. Une marque citoyenne doit être l’expression de la citoyenneté demanière continue, contribuant à améliorer la qualité de vie à l’intérieur de l’entreprise et dansla communauté (Pinto, 2001). Est-ce vraiment le cas dans toutes ces grandes écoles ayantdéveloppé des projets d’ouverture sociale et d’égalité des chances ?Il semble que quelques-unes aient véritablement la diversité inscrite dans leur mission, dansleurs valeurs. Les modèles principaux en sont évidemment l’Essec et Sciences Po., mais on ytrouve aussi d’autres écoles dont on parle moins en ces termes. Pour celles-là, un programmede type PQPM fait souvent partie d’un ensemble d’autres actions portant sur l’ouverturesociale, notamment sur le handicap, le suivi des études post-bac, les sportifs de haut niveau,les classes préparatoires aux études supérieures… Comme nous l’explique le directeur d’uneécole de management parisienne : « Dans la stratégie de l’école, il y a « développer ladiversité des publics ». C’est mis en avant dans les plaquettes, dans la mission de l’école...La diversité c’est l’ouverture, c’est dans nos valeurs. On doit s’engager, être curieux, onessaie de mixer des populations, d’ouvrir l’école pour qu’elle attire des gens différents, desprofils divers ».Toutefois, notre enquête révèle aussi que dans beaucoup de ces établissements, lesprogrammes de type PQPM restent isolés et anecdotiques. Pour certains, PQPM est le seulprogramme œuvrant pour la diversité. Pour d’autres, des actions diverses existent mais sontessentiellement destinés aux étudiants déjà en place. Et ces opérations sont très rarementmises en interaction avec le programme d’égalité des chances en amont des étudessupérieures. Comme le note d’ailleurs la directrice prospective et développement de projetsde l’école de management basée sur Paris et la région Centre, « dans notre école, celacommence à être de petites anecdotes considérées comme bouffeur de ressources, des petitesverrues dans le paysage. On se demande à quoi ça sert, ce que ça rapporte et surtout ce queça va prendre comme ressource. C’est pas dans la mission de l’école. On le fait parce qu’ilfaut le faire… Même si dans sa stratégie, on va parler de diversité de manière générale, de lemettre en œuvre en action concrète, il y a vraiment un monde. On a mis en place des chosespour les étudiants en place. L’école fait en sorte que l’argent, une fois entrés, ne soit pas unproblème…la diversité est gérée naturellement. Mais on ne va pas aller les chercher. Ducoup, ce programme PQPM restera toujours une verrue dans le paysage ».444


Au vu de cela, et malgré les nombreux bénéfices que cela apporte à toutes les partiesprenantes, on peut s’interroger sur la manière dont ces projets type PQPM impactentl’environnement interne et externe de ces établissements. Difficile, dans ces conditionsd’isolement, d’affirmer que ces actions rejaillissent sur l’ensemble de leurs structures.Difficile aussi d’attester que la diversité et l’ouverture sociale font partie de leur style de vieet de leurs valeurs morales prégnantes, si PQPM en est le seul ambassadeur….La vision très pessimiste de cette directrice prospective et développement de projets del’école de management basée sur Paris et la région Centre, vient pourtant conforter lesrésultats de notre enquête, parce que le programme PQPM de cet établissement correspond àcelui de la plupart des écoles étudiées : « Des projets PQPM comme le nôtre, à ce petitniveau, porté par une seule personne, ça ne sert à rien, c’est un moyen de dire qu’on le faitaussi, comme les autres… Si on était vraiment dedans, on ne se limiterait pas à un projet, onferait toute une panoplie d’activités sur ce champ-là, on développerait tout un axe.Aujourd’hui, on ne l’a pas. Certaines le font, comme l’Essec, où là, c’est vraiment inscritdans sa stratégie. C’est devenue tellement énorme qu’on va avoir une chaire Management dela diversité, etc. ».Certes, la majorité des écoles ne peuvent se permettre, financièrement, logistiquement etmatériellement, de mettre les mêmes moyens que l’Essec, pour travailler en faveur de ladiversité dans leur établissement. Mais pourquoi ne pas décliner ce projet d’égalité deschances en amont, à d’autres actions du même type (tels que Phares sur le handicap ouPollen sur le suivi post-bac…) ? Ces écoles pourraient aussi proposer des actions deformations aux étudiants, combiner ces programmes aux associations étudiantes, lesincorporer à l’enseignement, les croiser à la recherche, etc. Tout cela permettrait sûrement àces établissements d’intégrer véritablement ce type de programmes au cœur de leurfonctionnement. Ils prendraient là une vraie place dans l’école et ne seraient plus« anecdotiques ». « Le casting est bon quand il décline tout jusqu’en haut », conclut ladirectrice prospective et développement de projets de l’école de management basée sur Pariset la région Centre.Et une partie de la solution pourrait également être trouvée dans la personne désignée commeresponsable du projet. Car tous les enquêtés s’accordent pour dire que la dimension qu’ondonne aux projets type PQPM dans leur école, sa viabilité, son développement (ou sondéclin), est très liée à la personne qui le porte. Parce que comme le pense ce responsable duprogramme PQPM d’une école d’ingénieurs parisienne, « si la personne a un profild’assistante sociale, ça ne se croise jamais avec d’autres projets, elle fait son truc dans soncoin. Ça ne prendra jamais d’autres dimensions ». Ainsi, si le porteur de projet est parexemple un enseignant-chercheur, s’il a une responsabilité dans le contenu des programmespédagogiques de l’école, s’il est intégré à un pôle recherche de son établissement…, peutêtreque ces actions d’ouverture sociale seraient alors ancrées plus fortement dans la missionglobale de l’établissement…3-4 SynthèseLes grandes lignes des résultats empiriques issus de notre enquête de terrain vont àprésentêtre présentées sous la forme d’un tableau analytique. Il permettra de confronter, demanière synthétique, présomptions et réalité des faits, en mettant au clair la stratégie dediversité mise en place par la fonction RH des grandes écoles. Ceci afin de répondre ausystème environnemental complexe de ces établissements.PRINCIPAUXENJEUXDémocratiserACTIONSPRINCIPAUX IMPACTSl’entrée Entre 20 et 30% de Ouverture des GE à des étudiants issus445


aux GE.Elargir le recrutementdes écoles sans politiquede quota. Leverl’autocensure.Répondre aux pressions :- Législatives etpolitiques- Economiques- Socialesboursiers dans les GE.Création de PQPMPlus de 250 GE a la têted’un programme detype PQPMde milieu socio/économique et culturelplus divers.Essaimage national-Charte Egalité des chances dansl'accès à la formation d'excellence(2005).-Rapport du Sénat sur la diversitésociale (2007).-Cordées de la Réussite (2008)→ Financement des actions en faveurde la diversité.Vivier de recrutement élargi :-Plus d’adéquation entre la populationaccueillie dans les GE et les attentesde l’entreprise. Découverte denouveaux talents à recruter = clientèlenouvelle→ Impact économique notable.Impacts humains :-Elèves bénéficiaires = 60% en filièreslongues ou CPGE→ Phénomène d’autocensureamoindri.- Tuteurs étudiants = engagementpersonnel et citoyen très positif. Plusgrande ouverture d'esprit.-Dans les GE = richesse pédagogiquepar la pluralité des profils dans lescours.Impacts sur les lycées partenaires :-Plus d'informations sur les filières etmétiers ambitieux.→ Pont visible avec l'enseignementsupérieur.-Regard positif sur la réussite scolaire,le sens de l'effort, l'ambitionprofessionnelle grâce aux"ambassadeurs de la réussite".446


Modifier l'image élitistedes GEConclusionMarketing social :Communiquerstratégiquement sur lesactions de diversitésociale mises en place.Entrer dans le réseauDiversité des GE.Prise de conscience(enjeu sociétal)-Retombées politiques et médiatiquespositives.Image plus positive et dynamique.→ Les GE davantage perçues commeouvertes et tendant moins à lareproduction sociale des élites.Mais ces programmes d’ouverturesociale s’inscrivent encore troprarement dans les missions et valeursdes GE pour en impacter globalementleur environnement interne et externe.En tout état de cause, qu’il se centre sur le concept d’égalité des chances, sur la valorisationdes différences ou sur l’opportunité de repenser l’organisation et l’approche marketing, cetteétude montre que le management de la diversité permet aux grandes écoles d’optimiser laqualité de leur service, d’améliorer la satisfaction du client et de véhiculer une image positiveet dynamique.La diversité des profils à l’entrée des grandes écoles grâce au quota de boursiers à 30%fortement souhaitée dans ces établissements et fortement suivie, apparaît finalement icicomme une véritable richesse. Richesse pour les étudiants bénéficiaires et qui n’auraientcertainement pas pu intégrer les écoles par les voies classiques de sélection. Richesse pourles autres membres de la promotion qui bénéficient d’un échange de compétences et deconnaissances et d’une plus grande ouverture culturelle. Richesse pour l’école, à conditionqu’elle sache exploiter cette diversité dans ses méthodes pédagogiques, par exemple.Richesse pour les entreprises qui demandent par ailleurs des diplômés aux profils divers etvariés, correspondant à l’image de la société. Sachant que la recherche de la diversité desprofils dans les grandes écoles résulte aussi de cette analyse et non d’un problèmed’appauvrissement des viviers habituels de recrutement, la difficulté pour ces établissementsest donc bien d’adapter leurs méthodes de formation pour éviter de passer à côté de cetobjectif et de fabriquer des clones à partir de profils différents…Concernant les programmes de diversité en amont de type PQPM, on a également vu quetoutes les parties prenantes en tiraient parti, des élèves bénéficiaires aux tuteurs, en passantpar les établissements secondaires et l’école tête de cordée. Ainsi, à l’image du monde del’entreprise, la diversité des individus et de leurs parcours dans le monde éducatif est de plusen plus considérée comme un enjeu économique et stratégique, c’est-à-dire, envisagée dansses rapports à la performance économique, la productivité des équipes, la cohésion sociale,l’adéquation aux marchés, etc. Mais notre enquête révèle aussi que faire de la diversité unerichesse nécessite un management adapté. Si les grandes écoles souhaitent intégrer leursprogrammes d’ouverture sociale au cœur même de leurs missions et de leurs valeurs, celarequiert une véritable transformation des politiques et des pratiques RH. Il ne s’agit pas làd’une relation causale et linéaire mais davantage d’une relation complexe et paradoxale, afind’éviter d’éventuelles difficultés liées à cette hétérogénéité (Habib, 2006). Et parce que lesdirigeants anticipent sans doute les difficultés et les risques que cela entraîne, toutes lesgrandes écoles ne semblent pas encore prêtes à franchir le pas.447


Références bibliographiquesAlbouy V. et Wanecq T., Les inégalités d’accès aux grandes écoles, in Economie et Statistique n° 361, mai2003.Barth I. et Falcoz C., Nouvelles perspectives en management de la diversité. Egalité, discrimination et diversitédans l’emploi (coordonné par), éditions EMS, coll. Gestion en liberté, Paris, 2010.Baudelot, C., « les CPGE au fil du temps », colloque Démocratie, classes préparatoires et grandes écoles,2003.Bourdieu, P. La noblesse d’Etat. Grandes écoles et esprit de corps, Paris, Editions de Minuit, 1989.Bourdieu P. et Passeron C., les Héritiers. Les étudiants et la culture, Paris, Editions de Minuit, 1964.Habib J., « Diversité(s) & Innovation : explorer le lien entre la diversité et l'innovation, l'apport du paradigmede la complexité », Les deuxièmes rencontres internationales de la diversité, IAE de Corte, Octobre 2006.Lahire, B., « Les difficultés scolaires des étudiants issus des milieux populaires », colloque Démocratie, classespréparatoires et grandes écoles, 2003.Perretti J-M. (direction), Tous différents. Gérer la diversité dans l’entreprise, Editions d’Organisation, Paris,2007.Schiavo, M., Conceito e Evolução de Marketing Social.RevistaConjuntura Social, São Paulo, n. 1, mars 1999.Textes officiels :Charte pour l’égalité des chances et la formation d’excellence, 17 janvier 2005.Communiqué de presse, lors du déplacement de Laurent Wauquiez et de Maurice Leroy au Lycée RobertDoisneau de Corbeil-Essonne, janvier 2012.Rapport : « Diversité sociale dans les classes préparatoires aux grandes écoles : mettre fin à une forme de délitd’initié », Sénat, 2007.Rapport final national de l’agence nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances (Acsé): Enquêteannuelle de suivi du programme « Cordées de la Réussite », 2011.Rapport à Monsieur le ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche : « Une chance de réussite pourtous », l’ouverture sociale dans l’enseignement supérieur. Remis pas SalimaSaa, présidente de l’AgenceNationale pour la Cohésion Sociale et l’Egalité des Chances (Acsé), mars 2012.Sabeg Y., Programme d’action et recommandations pour la diversité et l’égalité des chances, 2009.Wauquiez L., Les aides aux étudiants – Les conditions de vie étudiante : comment relancer l’ascenseur social ?,2006.448


La formation au service de la diversité enmilieu universitaireBOULENOUAR BachirDoyen de la faculté des Sciences Economiques, des Sciences de GestionEt des Sciences commercialesUniversité d’Oran Es SéniaMail : bacboulenouar@gmail.comTél : 00 (231) 661 992 440KHIAT AssyaEnseignante- ChercheureUniversité d’Oran Es SéniaMail : assya.khiat@gmail.comTél : 00 (213) 771 24 62 11INTRODUCTIONLa formation en milieu universitaire comme pratique de développement humain etdéveloppement durable tel est le propos de la recherche que nous voulons investir. Nousnous inscrivons dans ce champ en ayant à l’idée que la formation en milieu universitairepermet de mesurer les actions concrètes dans le champ « diversité(s), RSE et solidarité. S’ilest souvent reconnu que « L’existence ‘d’un mur de verre’ lors du recrutement, puis d’un‘plafond de verre’ au cours de la carrière » 132 , nous admettrons à propos de la formation enmilieu universitaire du moins dans le contexte des diplômés de la faculté des Sciences132 Demontrond P.R. et Joyeau A. (2006), Vices et vertus de la diversité ethno culturelle, Cahier Revuemanagement et Avenir, Spécial, n° 10 2006/4.449


Economiques, des Sciences de Gestion et des Sciences commerciales de l’Université d’OranEs Sénia de l’existence ‘d’une porte ouverte’ lors des inscriptions, puis d’une placed’honneur lors de la remise des diplômes et des inscriptions post graduation. L’état de l’artnous renvoie alors aux travaux d’Amadieu J.F. (2008), Besseyer De Horts C.H (2006),Cornet A. (2002, 2005, 2006), Frimousse S. et Peretti J. M. (2007), Lafrance D. et alii.(2012), et ceux de l’ONS (Office National des Statistiques). Nous nous proposons de dresserun aperçu de la tendance générale à travers les statistiques de l’ONS et nous verrons si lestendances de la faculté des sciences économiques, des Sciences de Gestion et des Sciencescommerciales suivent le même trend.Comment, dans ce contexte, se (re)construisent les tendances futures du marché de l’emploi ? Sitous les signes factuels sont dans la tendance annoncée, y-a-il la possibilité d’identification defacteurs clés de succès de la reconstruction d’un processus de diversité mise en marche ? Danscette optique, Diversité et Solidarité se doivent de prendre en compte les spécificités, et les liensde situation, tout en observant les différences de perception des acteurs. Pour répondre à cequestionnement, nous investirons notre terrain et nous tenterons de montrer que la diversité telleque nous l’approchons s’inscrit en fait dans un questionnement de recherche soulevéinternationalement. C’est pourquoi nous avons tenu à éclairer le concept de la diversité par sonrapport à la formation dans un contexte universitaire appuyé de statistiques du terrain. Cela nousa paru une démarche nécessaire. Un processus de diversité mise en marche repose à la fois surdes facteurs individuels (choix des filières) et des facteurs collectifs (dispositifs universitaires). Ildemande pour la compréhension du sujet, à la fois, un éclairage sur le concept, et une inscriptiondans un questionnement dynamique de recherche.Mots clés : Formation, diversité, solidarité, développement humain, développement durable,égalité des chances, discrimination, étudiants.1.- LA FORMATION AU SERVICE DE LA DIVERSITEEntre le ‘Tous Différents’ titre du livre coordonné par Peretti J.M (2007) ou ‘Comment gérerla différence au sein d’une entreprise sans faire la différence de Duranton D ; Forget L etCity D (2007) la question reste posée. Sommes-nous ‘tous les mêmes ?’ (Thevenet M. 2007).L’intérêt de la question de la diversité est à l’origine de plusieurs manifestations à regardscroisés organisés ici et là (Frimousse s. et Peretti J. M. (2008), celle de l’ESSEC en 2010,celle organisé à l’université de Corte et au Maroc sont autant de lieux de rencontre pourdébattre de la question.Outre la HALDE (Haute Autorité de Lutte contre la discrimination et pour l’Egalité)L’Observatoire des Discrimination a pour objectif de mener des études et recherchesconcernant toutes les formes de discriminations : Homme/femmes, ethniques, d'âge,religieuse, géographique, d'apparence, selon les orientations sexuelles, l'état de santé et lehandicap, etc. Par ailleurs, les facteurs de discriminations se cumulent. On peut noter que« l'observatoire soutient activement les associations qui agissent contre les discriminations etcontre l'échec scolaire en mettant en place avec elles des dispositifs d'accompagnement encours de scolarité ou d'études supérieures. L'Observatoire est engagé également dansdes actions d'accompagnement vers l'emploi des diplômés du supérieur ». De nombreuxchercheurs et praticiens vont dans ce sens (Amadieu J.F, Cornet A., Forguet L., Peretti J.M.,Frimousse S., Ouali N. etc.).450


Un regard particulier est aussi porté sur la question en Algérie. Nous citons à ce proposparmi d’autres, les travaux du CERPEQ (Centre d’Etudes et de Recherches sur lesProfessions et les Qualifications conduits par le Ministère de la Formation et del’Enseignement Professionnel dans un projet algéro-canadien en janvier 2006 sur lagénération 1998 cinq ans après la sortie de la formation professionnelle. Il en ressort enautres les tendances suivantes :- Les garçons assument plus de responsabilité.- Les filles ont un niveau d’instruction légèrement plus élevés que les garçons.- Les occupés sont en faveur des garçons.- Pas de différences sur les types de contrats pour un même diplôme.- Les garçons développent l’auto emploi.- Les recherches de l’emploi se font dans les mêmes canaux.- Les filles refusent plus l’emploi que les garçons.- Les deux sexes refusent l’emploi pour de bas salaire.Cette étude montre que l’insertion et le cheminement se conjugue différemmentselon le sexe de la personne, plus souvent au détriment des filles. Nous essaieronsde voir dans notre étude quelles sont les tendances à un niveau d’instructionsupérieure ?2.- CADRE ET METHODOLOGIE DE L’ETUDELa question de la diversité fait l’objet de nombreux écrits, « l’encyclopédie de la diversité »,coordonné par Peretti J.M (2011) a regroupé pas moins de 60 co-auteurs. Ces auteurs se sontintéressés à contourner la question sous les aspects les plus divers : genre, âge, handicap, etc.Le propos de cette étude a pour objectif de dresser un état des lieux de la pratique du genretant dans son positionnement par rapport à la question de l’emploi et celle de la formation.L’étude va être rétrospective et comparative à la fois. Nous tenterons de faire ressortirparallèlement deux tendances. Nous tenterons de faire ressortir la question du genre autravers de la question de l’emploi sur cinq décennies à partir des statistiques de l’ONS(Office National des Statistiques). Nous ferons ensuite un état des lieux des diplômés d’unefaculté de l’université d’Oran Es Sénia.451


Nous pensons qu’il est intéressant de faire un focus, sur une faculté qui mériterait d’êtreexaminé pour faire ressortir les tendances futures au regard de la question de la diversité. Eneffet, pour réaliser notre étude nous nous sommes intéressées à la faculté des scienceséconomiques, des sciences de gestion et des sciences commerciales. Notre choix n’est pasfortuite, cette faculté représente en moyenne 50 % de l’effectif de l’Université d’Oran EsSénia et forme aux métiers demandés sur le marché de l’emploi. Notre terrain globalcomprend en moyenne près de 10 000 étudiants, répartis dans trois départements différents,et dirigés par des responsables au profil très peu différents.Les statistiques qui fondent notre étude quantitative émanent en partie des statistiques del’ONS et des statistiques du service des diplômes de la faculté en question. Si aucuneobjection n’a été faite, cela tient au fait qu’un des co auteur est Doyen de la faculté. Cela, nepeut toutefois élargir les résultats à l’ensemble des facultés de l’université d’Oran Es Sénia.Encore moins à la généralisation de l’université algérienne. Nous avons retenu les facultéssuivantes :- Sciences de gestion : cycle long- Sciences commerciales : cycle long- Informatique de gestion : cycle court- Commerce international : cycle court.Nous avons retenu les statiques de 2002 à 2011, ce qui correspond à la première décenniede l’organisation en facultés. Antérieurement, il s’agissait d’Institut et les cycles courtsn’existaient pas. Nous souhaitons conduire le lecteur à entrevoir le fait que le choix desétudiantes des filières choisies et des résultats obtenus va leur permettre de se doter de réelleschances de positionnement sur le marché de l’emploi dans les années à venir.2.1. PRESENTATION DES RESULTATS DE L’ETUDE‣ LA QUESTION DU GENRE A TRAVERS LES TENDANCES DE L’EMPLOI De 1966 à 2010A la lecture du tableau 1 et de la figure 1, il nous est donné de constater une évolutionconstante de l’évolution du taux de participation de la population active féminine de 1966 àl’horizon 2020. Nous constatons comment la distanciation du rapport homme-femme tend àse réduire. En 1995 notons la part du niveau d’instruction du supérieur dans la structure deschômeurs (tableau 2).Tableau 1 : Evolution des taux de participationSource : ONS : RGPH 66-77-87-98452


Figure 1 : Evolution projetée de la population active par sexeSource : Rapport FémiseTableau 2 : Structure des chômeurs selon le niveau d’instruction en 1987 et en 1995Source : Enquête sur les niveaux de vie (LSMS / ONS / 1995) ; RGPH 198, ONS ; CNESQuand le genre féminin tente l’activité libérale, la satisfaction de la demande de micro créditpar le genre féminin n’est que de 13 % en 2002 (Tableau 3) ce qui leur permet de s’installerdans les services voire l’artisanat et pour moindre dans l’industrie (Tableau 4).Tableau 3 : Satisfaction de la demande de micro crédit par sexe (2002)Hommes 889 87 %Femmes 128 13 %Total 1 017 100 %Source : Agence de développement social (ADS)Tableau 4 : Présence des femmes dans les micros entreprises (ANSEJ) - 2003453


Source : ANSEJDe 2010 à nos joursSelon les premiers résultats du recensement 2011 il y aurait 36,3 millions de personnesrésident en Algérie au 1 ier janvier 2011. Selon les statistiques de l’ONS la population activeen septembre 2010 compte 10 812 000 personnes. Le taux de participation à la force detravail de la population âgée de 15 ans et plus (ou taux d’activité économique) s’établit à41.7 % ; 68.9 % auprès des hommes et 14.2 % chez les femmes. Selon les mêmes sources, lapopulation active occupée du moment a atteint, pour sa part, 9 735 000 personnes, soit untaux d’occupation de 27.2 %. Les femmes constituent 15.1 % de la population occupéetotale, soit un effectif de 1 474 000 occupées.Le taux d’emploi (ou ratio emploi population), défini comme le rapport de la populationoccupée à la population âgée de 15 ans et plus est de 37,6 % au niveau national (63.3 % chezles hommes et 11.5 % chez les femmes) (ONS-2011)La population en Chômage au sens BIT, est estimée à 1.076.000 personnes, soit un taux dechômage de 10,0%. Le taux de chômage s’établit à 8.1% chez les hommes et atteint 19.1 %chez les femmes. Le chômage touche principalement les jeunes ; le taux de chômage desjeunes (16-24 ans) atteint 21.5% ; soit près d’un jeune actif sur cinq, alors que celui desadultes (25 ans et plus) s’établit à 7.1 %. (ONS-2011)Par ailleurs, on relève un chômage qui touche davantage les universitaires et plusparticulièrement les diplômés : Alors que le taux de chômage parmi la population n’ayantaucun diplôme est estimé à 7.3 %, celui des diplômés de l’enseignement supérieur atteint21.4%( 11.1 % chez les hommes et 33.6 % chez les femmes) (ONS-2011).454


‣ LA QUESTION DU GENRE A TRAVERS LA FORMATION ET TENDANCEFUTURE De 1960 à 2000Tableau 5 : Evolution du taux de scolarisation par pallierSource : Barro R. et Lee J.W. (2000)A la lecture du tableau 5, le taux total est passé de 0 à 5 points. Plus de 3 points pour leniveau primaire ; plus d’un point pour le secondaire. Quant au niveau secondaire, s’il n’estque de 0,165, il s’agit d’une évolution certaine compte tenu du taux de l’année des 1960 où iln’est que de 0,009. De 2002 à 2011.Tableau 6 : Diplômés par genre de la faculté des Sciences de GestionSource : Faculté des Sciences Economiques, des Sciences de Gestion et des SciencesCommerciales (FSESGSC)Les années 2008 et 2009 sont marquées pour les filières finances, management à la facultédes sciences de gestion par une part de diplômés du genre féminin supérieur à celui du genremasculin. Les années 2002-2003 présentaient les mêmes tendances. On s’aperçoit aussi dansla filière commerce internationale que cette situation s’inscrit dans un trend sans interruption.Par contre les filles sont moins visibles dans les spécialités comptabilité et marketing à lafaculté des sciences de gestion.455


Tableau 7 : Diplômés par genre de la faculté d’Informatique de Gestion et du CommerceInternationalSource : Faculté des Sciences Economiques, des Sciences de Gestion et des SciencesCommerciales (FSESGSC)Il est à remarquer la part prédominante pour les filles dans deux spécialités fortementdemandées dans les offres d’emploi de part la présence d’importateurs croissants depuis2000.Aujourd’hui, il n’y a pas une offre d’emploi qui ne précise la maîtrise de l’informatique degestion.Souvent cette formation (bac + 3) se poursuit par une licence (Bac + 5) dans l’ancienrégime.Ces étudiantes ont non seulement une chance sur le marché de l’emploi. Elles se positionnentfavorablement ces étudiantes dans les entretiens en master professionnalisant très recherchésur le marché du travail. Ces formations sont de plus en plus appréciées.456


Tableau 8 : Diplômés par genre de la faculté des Sciences CommercialesSource : Faculté des Sciences Economiques, des Sciences de Gestion et des SciencesCommerciales (FSESGSC)A la faculté des Sciences commerciales, les filles sont largement majoritaires dans laspécialité finances, gestion et pour moitié en marketing. Le phénomène l’est depuis lesannées 2002. Les filles s’orientent vers de filières qui leur donneraient la possibilité d’êtreresponsable financier ou manager. Quand elles optent pour le marketing c’est souvent pourdévelopper la spécialité communication.457


Tableau 9 : Diplômés par genre de la faculté des Sciences EconomiquesSource : Faculté des Sciences Economiques, des Sciences de Gestion et des SciencesCommerciales (FSESGSC)Sur trois spécialités dispensées à la faculté des sciences économiques, économie gestion etsurtout économie appliquée ne séduisent pas le genre féminin. Les filles sont principalementmajoritaire dans la spécialité monnaie, finance et banque. Cette présence se justifie en cesens où les banques privées et étrangères se multiplient dans le paysage économiquealgérien. Il n’est donc pas étonnant de voir cette filière investit majoritairement par les fillesqui trouvent du travail dans les banques telles que Société Générale, Natixis, BNP Paribas,etc.3.- DISCUSSIONDes statistiques macros économiques d’exclusion à la diversité : Le genre se prépare....Les statistiques macros économiques valident cette exclusion sur les cinq décennies. Peu deréponses ont été apportées à l’égalité des chances devant l’emploi, les problèmes initiauxn’ont pas tous été solutionné, les politiques s’en préoccupent peu. C’est comme s’il n’y apas eu de véritable politique d’accompagnement de la part des dirigeants pour créer une‘véritable diversité’ 133 . Cela fait même état de freins à la construction de la diversitéengendrant de fait la création d’uns stratégie latente commune émanant du genre féminin.133 Foudad Y. & Khiat A. (2011), Paradoxes de la politique du genre et de la condition féminine en Algérie,dans Encyclopédie des diversités, ouvrage coordonné par Peretti J.M, Editions Eyrolles458


Les résultats avancés reste modestes, mais reste annonciatrice d’une dynamique lente maisdécisive dans le changement de la donne. Il faut lire dans les résultats obtenus unenseignement riche sur les tendances à venir et de comment la question de la diversité vas’inscrire dans le paysage du marché de l’emploi. Une tendance inverse se dessineannonciatrice de changement qui touche l’identité professionnelle 134 . Le genre joue sareconstruction sur un socle : celui de la formation. Les tendances font apparaître descombinaisons créatives de scénarios en ce sens où le genre semble s’inscrire dans unetrajectoire où il est à la recherche de sa ‘reconnaissance’ suppose une construction quis’inscrit de fait dans la dimension temps. Dans ce contexte, le genre en tant que partieprenante conduit le changement doucement, lentement mais sûrement et est acteur du devenirdans la société.CONCLUSIONAu terme de notre étude, la formation en milieu universitaire du moins dans le contexte desdiplômés de la faculté des Sciences Economiques, des Sciences de Gestion et des Sciencescommerciales de l’Université et principalement des formations en informatique de gestion eten commerce internationale de l’université d’Oran es Sénia est bien au service de ladiversité en milieu universitaire. La présence majoritaire des filles en informatique degestion, en commerce international, en monnaie, finance, banque et marketing /communication procède de choix stratégique conscient ou inconscient tant les orientationssont aléatoires. Il n’en demeure pas moins de l’existence ‘d’une porte ouverte’ lors desinscriptions, puis d’une place d’honneur lors de la remise des diplômes et des inscriptionspost graduation.« L’existence ‘d’un mur de verre’ lors du recrutement, puis d’un ‘plafond de verre’ au coursde la carrière » 135 , n’est pas encore l’inquiétude de ces jeunes diplômées. Toujours est-il queleurs parcours leur donne des chances dans une économie fondée sur des présupposés quifont plus appel à des spécificités féminines !La question du genre est alors un élément de paradigme explicatif indispensable à la question dela diversité et de la solidarité. Une manière d’aller à contre sens des résultats des annéesantérieures (Talahite F.)REFERENCESAtlan Landaburu N. & Sutter P.E (2011), La diversité des niveaux de formation, dansEncyclopédie des diversités, ouvrage coordonné par Peretti J.M, Editions EyrollesCornet A. Le genre et la diversité : les enjeux de l’intersectionnalité et de la transversalité,HEC, Université de Liège-Bruxelles.Demontrond P.R. et Joyeau A. (2006), Vices et vertus de la diversité ethno culturelle, CahierRevue management et Avenir, Spécial, n° 10 2006/4.134 Fray A.M. (2012), Quand le changement touche l’identité professionnelle, 14 ième Université de printemps del’Audit Social, Oran.135 Demontrond P.R. et Joyeau A. (2006), Vices et vertus de la diversité ethno culturelle, Cahier Revuemanagement et Avenir, Spécial, n° 10 2006/4.459


Foudad Y. & Khiat A. (2011), Paradoxes de la politique du genre et de la conditionféminine en Algérie, dans Encyclopédie des diversités, ouvrage coordonné par Peretti J.M,Editions EyrollesFray A.M. (2012), Quand le changement touche l’identité professionnelle, 14 ième Universitéde printemps de l’Audit Social, Oran.Frimousse S. & Peretti J.M. (2008), Management prospective, Management & Avenir,2008/4 – n° 18, pp. 9-12.Livre blanc, (2008), Lancé par le Ministère des affaires étrangères du Conseil de l’Europelors de leur 118 ième session ministérielle, Strasbourg.ONS : Office National des StatistiquesOuali, N. (2004). Etudes sur les migrations: l'intérêt d'une approche en termes de genre.Bruxelles, Sophia.Peretti J.M. (2007), Tous Différents, Eyrolles Editions d’Organisation.Peretti J.M. (2011), Encyclopédie des diversités, Eyrolles.Projet algéro-canadien, (2006), Un cheminement professionnel conjugué selon le genre :Etude de la génération 1998 cinq ans après la sortie de la formation professionnelle, Centred’études et de recherche sur les professions et les qualifications (CERPEQ),Rapport annuel de la HALDE (2010).Rapport Femise (2005), Profil pays Algérie, Institut de la Méditerranée.Statistiques de la Faculté des Sciences Economiques, des Sciences de Gestion et desSciences Commerciales.Talahite F. (Le pouvoir, les technocrates et le travail des femmes en Algérie, in http :multitudes.samizdat.net/article.pho3 ?id-atticle=907460


La diversité dans l’apprentissage dessciences de gestion:Une expérienceinterdisciplinaire d’utilisation des médias sociauxMarcosLimamarcos.cerqueira_lima@devinci.fr,ÉcoledeManagementLéonarddeVinci,ParisThierryFabianithierry.fabiani@devinci.fr,ÉcoledeManagementLéonarddeVinci,ParisProfesseurAssociéàl’UniversitédeCorseRésuméCetarticledécritlesrésultatsd’uneexpérienceinterdisciplinaired’utilisationdesmédiassociauxdansuneécoledecommerce,etceafindecomprendrelerôledeladiversitédesprofilscognitifsdansl’apprentissagedessciencesdegestion.Nousprésentonsici,uneexpériencemenéeauseindel’ÉcoledeManagementLeonarddeVinciavecOrganixis,unprojetdesimulationdereprised’entrepriseoùlesacteurs(étudiantsetprofesseursdesfilièresmarketing,financeetressourceshumaines)sesontprêtésaujeudel’échange,dupartagedecontenu,etderéflexionscroisées.L’articleeststructuréentroissections.Dansunpremiertempsnousprocéderonsàunerévisiondelalittératuresurlesréseauxsociauxetleursusagesauseindel’enseignementsupérieur.Ellenouspermettrademesurerl’attirancedesjeunesgénérationsd'élèvesissuesdesécolesdecommercepourlesinterfacesweb.Nousdiscuterons,ensuite,desdéfisd’unprojetd’apprentissageorganisationnelautourd’unmodèledeknowledgemanagementreposantsurladiversitédesprofilsdisciplinaires.Nousaborderons dans une troisième section,laprésentationd’Organixisetl’analysedeprèsde200témoignagesd’étudiantsparticipants.Nousconclurons,comptetenudeceséléments,avecquelquespistespourledéveloppementd’unepédagogieinterdisciplinairebaséesurl’utilisationdesmédias sociauxdanslesécolesdecommerce.Mots-clés:médiassociaux,knowledgemanagement,diversité,apprentissageinterdisciplinaireAbstractThis article describes the results of an interdisciplinary experience of using social media in a business school inorder to understand the role of the diversity of cognitive profiles in management learning. We present anexperiment conducted at EMLV (School of Management Leonardo da Vinci) with Organixis, an interactivecase study project involving students and teachers specialized in the domains of marketing, finance and humanresources. The article is structured into three sections. Initially we will conduct a literature review of socialnetworks and their uses in higher education. Most authors argue that web interfaces have become increasinglyattractive to younger generations of students in business schools. Then we discuss the challenges of organizinga knowledge management project based on diverse disciplinary profiles. The last section presentsthe Organixisexperiment and the analysis of some 200 qualitative inputs from participating students. Taking these conceptualand empirical elements into account, we conclude by suggesting a few guidelines for implementing aninterdisciplinary pedagogy based on the use of social media in business schools.Keywords: social media, knowledge management, diversity, interdisciplinary learning461


XXI. IntroductionUndoublepostulatestàl’originedecetarticle.D’unepart,la littérature montre quelesinterfaceswebdeviennentdeplusenplusattractivespourlesjeunesgénérations ;d’autrepart,ilyaconsensus sur le rôle catalyseur deladiversité interdisciplinaire,avecdesprofilshétérogènestravaillantenéquipe,pourrésoudredesproblèmescomplexes.Ce double postulatsuggèrel’intégrationde cettediversitédansl'apprentissagequotidiendesécolesdecommerce avecl’utilisation des nouvellestechnologies.Cetarticleabordelesdéfispédagogiquesquidécoulentdececonstatetprésenteuncasconcretdedéveloppementd’uneexpérienceinterdisciplinaired’applicationdesmédiassociauxdansl’enseignementsupérieurenFrance.L’articleestdiviséentroissections.Lapremièreviseàdéfinirlesprincipauxusagesdesmédiassociaux,toutendonnantdesillustrationsconcrètesdeleursutilisationsdansl'enseignementsupérieur.Nousdiscuteronsainsidecertainsaspectsfondamentauxdel’apprentissagegrâceauxtechnologiesWeb2.0.Dansunedeuxièmesection,nousprésenteronsunmodèledeknowledgemanagementbasésurlesprincipesdeladiversitédesprofilshumains,maillonessentielducaractèreinterdisciplinairedel’expérienceproposée.Nousprésenteronsenfin,dansunetroisièmesection,leprojetOrganixis,uneplateformed’apprentissageinterdisciplinairetestéeauprèsde320étudiantsdequatrièmeannée.Nousconcluronscetarticle,enprésentantlesenseignementsquenouspouvonsretenirenlamatière,avecuneapprocheinnovanted’utilisationdesmédiassociaux.XXII. LesMédiasSociauxetleursutilisationsdansl'enseignementsupérieurLesmédiassociauxLes«SocialMedia»ou«Web2.0»peuventêtredéfiniscommedesservicesInternetquipermettentnotammentd’encouragerlesutilisateursàcréeretpartagerducontenu.Celuicipeutêtrecopié,déplacé,modifié,remixé,surlabasedesbesoins,intérêtsetcapacités(Alexander,2008)exprimés.Cettecréationdecontenuprendsouventlaformedecommentaires,critiques,misesàjour,etdemessagescourts,parfoisappelé«microcontenus ».Desapplicationscommelesréseauxsociaux(Facebook,Google+),blogs(Blogger,Wordpress),microblogging(Twitter,Tumblr)etwikis(GoogleDocs,Office365)permettentàquiconquedefacilementmodifier,redistribuerdescontenusdanslecadredeleurnavigationquotidiennedanslecyberespace(AjjanetHartshorne,2008).L'enseignementsupérieurnepeutpasresterinsensibleàceschangementsconséquentsetlesattentesquiendécoulent.Eneffet,ilsembleyavoirunconsensusquantàlanécessitédel'apprentissageexpérientiel,l'interactivitéetl'immédiatetédanstouslesdomainesducours,que ce soit sa conception,ousamiseàdisposition(WilliamsetChin,2010).CelasembleêtreconfirméparuneétuderécentemenéeparAjjan&Hartshorne(2008)concernantlesusagesetlesattitudesdesmédiassociaux(etplusparticulièrementdesréseauxsociaux,wikisetblogs)dansl'enseignementsupérieur.Mêmesil'utilisationdesmédiassociauxdanscedomainerestelimitéeàuneminorité,lesbénéficesentermesdepotentielcollaboratifàdistancesontlargementreconnus,etcedefaçoncomplémentaireauxenseignementsenfaceàface(Alexander,2008;Bisoux,2008;Grosseck,2009).Desobservateursmoinsoptimistestrouventquecettetendancen’estpassansinconvénients462


.FranklinetHarmelen(2007),parexemple,attirentnotreattentionsurlefaitquel’usagedepartagedecontenufacilementaccessiblesurlessiteswebpourraitcréeruneculturedu«copiercoller»quivaàl'encontredesnotionstraditionnellesduplagiat.Ilfautaussireconnaîtrequeplusieursproblèmesdelogistiquedoiventêtrerésolusafindecréerunenvironnementsocialmédiatiquefavorable.Cesdéfiscomprennentnotammentl'intégrationdessystèmesdesoutienaveclesressourcesexistantes,l'accessibilitéauxordinateursoutablettes,lespolitiquesdeconfidentialité,ainsiquelapropriétéintellectuellepourlesmatériauxcréésetmodifiésparlesmembresdel'écoleconcernéeou de tiers.Avecdetelsobstacles,iln'estpasétonnantquel'utilisationgénéraliséedesoutilsdemédiassociauxdansl'enseignementsupérieurresteconfinéeàuneminoritéd'adeptes(WilliamsetChin,2010).Àcetégard,lesobstaclesàl'adoptiongénéraliséedesmédiassociauxdansl’enseignementsemblentêtreplutôtducôtédupersonnelenseignantqueducôtédesétudiants,plusjeunesetplusorientésweb.Eneffet,l'étuded’AjjanetHartshorne(2008)montrequemêmesilesprofesseursadmettentquelesmédiassociauxontdesavantagesévidents(améliorerl'apprentissagedesétudiants,faciliterl'interactionaveclesprofesseursetleurspairs,stimulerl'écritureetledegrédesatisfactionconcernantlecours),seulsquelquesunsontfaitlechoixd'utilisercestechnologiesenclassedurantleurscours.Laplupartd’entreeux,n'utilisentpasetn'ontpasl'intentiond'utiliserlesblogs(62%),leswikis(56%),lesréseauxsociaux(74%),oudessignetssociaux(80%).Seulement14%desprofesseursrépondantsrevendiquentutiliserlesblogs,leswikis(24%),etlesdesréseauxsociaux(8%).Celanesignifiepasquedel'autrecôtédel'équation,pourlesétudiants,leproblèmeneseposepas.Lesétudiantsnesontpastoujoursouvertsauchangement(HeckmanetAnnabi,2006).Uneétudeplusrécente(Stefanone&Gay,2008)danslemêmedomaineapportedesrésultatsopposés,cequidémontrebienqu’attentesethabitudesdesétudiantspeuventévoluer.Lescritiquesàl'adoptiondesmédiassociauxdansl'enseignementsupérieurdoiventnouspermettrederappelerquelamiseenœuvredenouvellestechnologiesn'apaspourvocationderemplacerlesméthodestraditionnellesd'enseignement,maisplutôtd'identifierlesmeilleurspratiquesdechacunedesapproches(«blendedlearning»).Lesenseignantssemblentreconnaîtrequ'ilsontbesoind'élargirleurscompétencesentechnologiepourrépondreauxexigencesduWeb2.0.Demême,lesélèvesontbesoindepercevoirquelezappingentredifférentssujetssuperficielsn'estpaslameilleurefaçond'apprendre,etquedenombreusesméthodestraditionnellesd'apprentissageontdémontrélacompréhensiondequestionscomplexestoutendéveloppantunespritcritique.Resterouvertauxdeuxextrémitésdudébatestessentielpourtrouveruncompromis.LesmédiassociauxetlesnouvellescompétencesprofessionnellesdesmanagersBisoux(2008)soutientqu’auvudeleursimportancessociales,lesréseauxsociaux,ferontdeplusenpluspartiedelaviefutureprofessionnelledesétudiantsetàcetitredoiventêtreconsidéréscommepartieintégrantedeleursapprentissages.Danslesdomainesdel'innovationetlagestiondesconnaissances,cesoutilssontdevenusuneressourcestratégique.Ajjan&Hartshorne(2008)citentcommentMotorola,parexemple,tendàdévelopperlepartagedesconnaissancesetderésolutioncollaborativedeproblèmesauseindeleurorganisationavecplusde2600blogsinterneset3200wikis.PlusieursrapportsindiquentquelagénérationduNets’attendàunenrichissementtechnologiquedanslesexpériencesd'enseignementsupérieur(Hartmanetal.,2005).Parmilesétudiantsdesécolesdeco463


mmerce,cettetendanceestnaturellementplusprononcée,comptetenudestransformationsdrastiquesdedomainecommelemarketingetlacommunication.SelonuneétudemenéeparKvavik(2005),64,3%desétudiantsd’écolesdecommerceissuesdetreizedifférentesinstitutionsauxEtats-Unissouhaiteraientvoiruneutilisationintensivedelatechnologieenclasse,contreseulement28,2%quipréfèrentuneutilisationlimitéedecelleci(et1,3%quipréfèrentnepasavoirdutoutdesolutionstechnologiquedansl’enseignement).Cetteétudeindique,aussi,uneproportionbeaucoupplusimportantedepassionnésdetechnologieparmilesétudiantsenécoledecommercequechezlesétudiantsd'autresdomainestelsquelessciencesdelavie(56,3%,35,5%et4,8%,respectivement)ouensciencessociales(44,2%,44,4%,7,9%).Elleestladeuxièmedesattentesdesétudiantsengénie(67,8%;24,4%;4,8%).Comptetenudecesinfluences,lesécolesdecommercesnepeuventpluséviterl’utilisationdecesoutilsdevenusessentiellespourlaformationdesfutursmanagers.XXIII. UnmodèleinterdisciplinairepourladiffusiondesoutilsWeb2.0Jusqu'àprésentnousavonsdiscutédelavaliditédesdeuxprincipesbasiquesdenotreargumentàsavoirque:a)Quelesmédiassociauxsontdevenusincontournablespourlanouvellegénérationdesétudiants.b)Queleurseffetssefontsentirpartoutdanslesmétiersdesfutursmanageurs.Laconclusionnaturelledecesdeuxobservationsc’estqu’ilfautenrichirlescompétencesdesprofesseursdesécolesdecommercepourinclurecesoutilsdansleursplanspédagogiques.Ilnousfautdoncuncadrethéoriquepourcomprendrelesenjeuxdelagestiondeconnaissancesassociéesàuntelprojetdechangementorganisationnel.Lasuitedecetarticlevatenterdecernerlesdéfisàrelever.Lesclefsdesuccèsd’unprojetdeKnowledgeManagementLeknowledgemanagement(KM)oula«gestiondesconnaissances»aétépopulariséparl’articlepionnierdeIkujiroNonakaintitulé«Theknowledgecreatingcompany»,publiéparHarvardBusinessReviewen1991.Danscetarticle,Nonaka,affirmequelemodèleorganisationnelbasésurl’objectivitédesfaitsetdonnéescommeseulesourced’informationetdeprisededécisionn’estpasadaptéàlanaturedynamiqueetinnovatricedesenvironnementscompétitifsmodernes.L’entreprise,danscetteperspective,n’estpasunemachineàtraiterdesinformations,maisunorganismevivant.Commeunindividu,ellepeutavoirunsensdesonidentitéetunevisionquantàsonavenir.L’entreprise,créatricedeconnaissancesestbaséesurunidéald’apprentissageplutôtquesurletraitementdesdonnées.Au-delàdel’information«explicite»quel’onpeuttrouversurlesmanuelsdeprocéduredetoutorganisation,c’estlaconnaissance«tacite»quisouventouvrelaporteàdessolutionsinnovatrices,desnouveauxproduitsoudesmeilleursservices.Cegenredeconnaissanceestmoinsdépendantdessystèmesd’informationquedelalibertédesgensàpenseretagirdifféremment,des’autoorganiserpourtrouverdesnouvellesroutes.Cen’estpasétonnant,alors,queNonakaconsidèreleKMcommeunevocationdudépartementdesressourceshumaines,puisquec’estlàquesetrouventlesoutilspourrecruteretdévelopperlescerveaux,capables,dediffuserlaconnaissancetaciteauseindel’organisation.Laconnaissancetacitesecomposedecroyancespersonnelles,modèlesmentauxetfaçonderegarderunmonderéputéillisiblemaisquipeuventêtrepartagésdansdesgroupesd’apprentissagesilesconditionsinstitutionnellessontbonnes.464


SelonTerra(1999),ces«bonnesconditionsinstitutionnelles»pourlaréussitedesprojetsdeknowledgemanagement(KM)peuventêtrerésumésauxtroisvariablescritiquessuivantes 136 :Lastratégieetlavisiondelahautedirection:sil’initiativedeKMn’apaslesoutiendeshautdirigeants,etsiellen’estpasconsistanteaveclavisiondulongtermedel’organisation,leprojetsera vitecondamné;Lacultureorganisationnelle:ilestbeaucoupplusfaciled’implémenterdesprojetsd’apprentissagedansdesorganisationsnaturellementouvertes,orientéesversl’expérimentationdesnouvellespratiques;Lastructureorganisationnelle:moinshiérarchiséesetplusflexiblessontlesstructures,plusilest alorsfacilededévelopperdesprojetsbaséssurl’apprentissagecollaborative.LadiversitécommeélémentcentralduKnowledgeManagementUnquatrièmeélément,ladiversitédesressourceshumaines,estsouventajoutécommeprérequispourconstruireunenvironnementorganisationnelsouple,quifacilitel’apprentissageetl’innovation(Ellen&HcHugh,2003;Rosenfeld&Euchner,2012).Eneffet,sansunecertainediversitédesprofilspourenrichirlapenséecollective,lesdécisionsstratégiquessontsouventbiaisées.Unmomentclédemarketing(commelelancementd’unnouveauproduit)acertainementdesprofondesimplicationsfinancières(commecoûtd’opportunité,gestiondefluxfinanciersrelatifsauproduit,etc.)delamêmefaçonqu’unproblèmefinancier(commeladécisiondefaireunemprunt)adesimplicationsmarketing(commeladisponibilitédefondspourlarechercheetdéveloppementd’unnouveauproduit).Deséquipesmultidisciplinairessontaucœurdecertainespratiquesàl’origineduKnowledgeManagement,commeles‘CerclesdeQualité’,lesstructuresorganisationnellesplatesetlesparcsd’innovationconstruitssousladénominationdela«fertilisationcroisée»(Grant,2010).Lalittératuretraditionnellesurladiversitémetenévidencelesaspectslespluspolitiquementsensiblesdesenvironnementsorganisationnels,souventsouslaformedediscriminationparrapportàl’âge,sexe,ethnie,nationalité,religion,etc.(AndrewPatrick,2012;Sreedhar,2011).Desapprochesalternativesproposentd’élargirlanotiondediversitépourincluretouteformed’hétérogénéitéhumaine(HollowayetCarnes,2011)oudegroupesidentitaires(AveryetThomas,2004).Cetélargissementpermetdetraiternotammentl’importancedel’interdisciplinaritédanslesstructuresorganisationnellesorientéesversleKM.Dansuneécoledecommerce,onoublietropsouventd’apprendreauxétudiantsàtravaillerdefaçoninterdisciplinaire(ParhametMuller,2008;Nelsonetal.2012).Lesprofesseurssonteuxmêmeenfermésdansleursspécialités,etn’osentpasbriserlescloisonsdeleursdépartementspourcréeruneapprocheinterdisciplinairedansl’enseignementdelagestion.Ilestdifficiledefairecomprendreauxétudiants,l’importancedeladiversitéquandlesstratégiespédagogiquesetdesstructuresrigidesdedépartementsspécialisésnefacilitentpasledéveloppementd’unecultureinterdisciplinaire.Lasessionsuivantedécrierauneexpérienced’applicationdesmédiassociauxconçuepoursurmontercesobstaclesàpartirdesquatreélémentsdiscutés:stratégie,structure,cultureetdiversitéinterdisciplinaire.XXIV. L’expérienceOrganixisàl’EMLVL’expérienceOrganixisaétéconçueetdéployéeparquatreprofesseurs,quiontmobilisédouzecollègues(appartenantauxdépartementsmarketing,financeetressourceshumaines)pouranimerdessessionsenface-à-136 cesvariablessont,d’ailleurs,facilementidentifiablesdansdesmodèlesgénériquesclassiquesd’analyseorganisationnelle,telcommele7SdeMcKinseyproposéparPetersetWaterman(1982)465


face,toutenrestantcommeobservateursactifsdel’expérience.Cellecipeutaideràcomprendrelepotentiel(etlesdifficultés)decombinerdesprincipesdediversitéinterdisciplinaireduKMavecdesoutilsdesmédiassociaux.Unpilote(« Organixis 1 ») avaitétépréalablementtestéavec80étudiantsen3 ème année(Limaetal.,2011).Cettenouvelleexpérience(«Organixis 2 »)comprenaitl’intégralitédelapromotiondela4 ème annéedel’ÉcoledeManagementLéonarddeVinci,soitenviron320étudiants.EnutilisantunecombinaisondeGoogleSites 137 ,Facebook 138 etYoutube,nousavonscrééuneplateformeinteractived’étudedecasquipermetd'enrichirsoncontenuavecdesdizainesdevidéos,desimagesetdesélémentsdecollaboration(commentaires,liens,tags,etc).Lecasproposé,quenousavonsappelé«Organixis2»,décrituneentreprisedejeuvidéopourapplicationsmobiles.Cettedernièreestencrise,etsurlepointd’êtrereprise.Ilafalluunedouzainedeprofesseursdenostroisdépartementsetenvirontroismoisdetravailpourcréerunedescriptionapprofondiedesproblèmesdecettesociétédanschaquedomaine,ycomprisdesliensversdesressourcesexternes,intégréesdansl’arborescencedenavigation.L’idéec’étaitdepermettreauxétudiantsderegarderchaque«arbre»touteengardantunevisiond’ensembledela«forêt».Lecadrepédagogiqueconsistaitàattribuerdesrôlesdanslafinance,les ressourceshumainesetdepraticiensmarketingàchacundes320élèvesdequatrièmeannéequiontparticipéàl'expérience,selonlafilièrechoisie.Desgroupesinterdisciplinaires(avecdesétudiantsdelafilièreMarketing,FinanceetRHdanschaquegroupe)furentformés.Nousavonsensuiteexpliquéàcesélèvesqu'ilsavaientdeuxsemainespourparcourirlesdizainesdepagessurlapageinteractive(Figure1).Ilsont,ensuite,étéinvitésàcollaborersurdesforumsdediscussionsspécifiquespourchaquedomaineenutilisantunepageFacebook(Figure2),ouilsontétéencouragésàpartagerleursidées,desdocumentsconcernantdesquestionsoudesproblèmesspécifiques,liens,vidéo,etcsurcetteplate-forme.Contrairement auxattentes (et aux résultats obtenus avec le pilote, Organixis 1), la participation sur Facebookfut très faible, avec seulement une douzaine d’étudiants actifs.137 https://sites.google.com/site/organixis2/138 http://www.facebook.com/pages/Organixis-2-Business-Game/157887017653353466


Figure1.SiteGoogle–présentationducasOrganixis2Après deux semaines de travail en groupe, les présentations ont eu lieu dans 8 sallesparallèles, ou 8 groupes de 5 étudiants eurent 15 minutes pour « vendre » leur proposition. Ilsdevaient prendre le rôle des repreneurs potentiels pour Organixis et convaincre un jury de« venture capitalists» d’injecter de l’argent pour leur projet de reprise. Les 8 meilleursgroupes de chaque salle ont été invités à faire une deuxième présentation l’après-midi avecdes représentants du MEDEF,et la direction de l’EMLV. Le groupe vainqueur de cettedeuxième étape a reçu comme prix des iPods offerts par le MEDEF.Figure2.SiteFacebookavecdesexemplesdediscussionsRésultats EmpiriquesNous avons demandé aux 320 étudiants participants de répondre à la question ouverte« Racontez votre retour d’expérience en participantau cas Organixis (points forts, pointsd'amélioration ». Nous avons reçu 195 réponses, soit 61% des participants. Nous avons eu 96filles et 99 garçons qui ont eu des réponses exploitables, appartenant au Marketing (56%), àla Finance (36%) et aux Ressources Humaines (7%). Après analyse préliminaire desréponses, nous avons établi les catégories décrites dans le Tableau 1 (forces) et le Tableau 2(faiblesses).Forces (+)+Diversité+Équipe+Concurrence+Sujet+Réalisme+FacebookDescription du CodeMise en pratique des compétences marketing, finance et ressources humaines de façoninterdisciplinaire, complémentaire, avec des équipes mixtesTravailler en équipe avec des personnes qu'on ne connait pas, se voir imposer une équipe nouvelle etexercer ses compétences en dynamique de groupe.Esprit de compétition pour remporter le prix et avoir un livrable concret en très peut de tempsThèmes pertinents et intéressants autour de l'entreprenariat, de la reprise d'entreprise dans uncontexte de e-business, savoir préparer un business planSimulation du monde de l'entreprise, problématique réel, application concrète de concepts apprisdurant les coursInteraction via réseaux sociaux; possibilité de dialoguer avec les tuteurs et d'échanger avec sescollègues467


+Jury+AutresMembres de haut niveau (MEDEF, chefs d'entreprise)Développer des compétences de raisonnement d’analyse, d’évaluation et de synthèse; d’expressionorale; pression du temps comme facteur de motivation.Tableau 1. Description des codes dans la catégorie « forces » de l’expérience OrganixisFaiblesses (-) Description du Code- Temps Pas assez de temps pour préparer la présentation- Informations Informations financières manquantes ou contradictoires avec des sources Xerfi- Retour- AutresManque de retour d'expérience (absence de feed-back ou des pistes d'amélioration pour les groupeséliminés).Manque de diversité dans certains groupes (plus de marketing et de finance que de RH) ; certainsétudiants auraient préféré avoir eu la liberté de choisir leurs collègues ; manque d’organisation(problèmes logistiques de dernière minute dans certaines salles) ; date non adaptée (juste après lespartiels) ;consignes mal comprises par certains étudiants ; difficulté de trouver des horaires communsentre les membres du groupes pour se réunir.Tableau 2. Description des codes dans la catégorie « faiblesses de l’expérience Organixis »Après avoir procédé au classement des commentaires, nous avons obtenu les fréquencesreprésentées par le Graphique 1.Comme nous pouvons le voir, la diversité (Tableau 1) arriveen tête avec 79réponses spontanées (soit 41% des 195 personnes participantes), suivi parl’intérêt du sujet (72 réponses, soit 37%) et le « réalisme »de la mise en scène (66 réponses,soit 34%). L'utilisation de Facebook comme instrument de médiation des discussions /collaborations n'a été mentionné spontanément en tant qu’atout par seulement 6% desrépondants (soit 12 participants).Graphique 1. Fréquence de réponsesspontanées pour la catégorie « forces »Du côté des pistes d'amélioration (Graphique 2), 77 répondants (soit 39%) trouvent que letemps accordé à la préparation de la présentation n'était pas suffisant, suivi par « manqued'informations financières » (59 réponses, soit 16%) et manque de retour / feedback (19468


éponses, soit 10%). On observe que le code « autres » possède un spectre de réponses trèslargedans la catégorie « faiblesses » (30% des réponses).Graphique 2. Fréquence de manifestations spontanées par catégorie « faiblesses»Analyse des RésultatsLes réactions des étudiants montrent à quel point la diversité des profils semble importantepour résoudre des problèmes organisationnels complexes. Le Tableau 3 reproduit quelquesextraits de ces réactions qui illustrent qualitativement ce constat.Prénom Sexe Filière La Diversité Comme ForceAlicia F RHDavid M FinJ'ai trouvé cet exercice très enrichissant!! En effet, nous sommes dans une école de commerce, maisaucune des différentes branches (RH, finance et marketing) ne travaillent ensemble! Alors que cela sepassera comme ça en entreprise!! J'ai pris cela comme une vrai simulation!! Le travail d'équipe a été mis enavant! Ainsi que la créativité!! ...Grâce au cas Organixis, j'ai pu observer comment une équipe au sein d'une entreprise pouvait réussir àtrouverune cohésion entre tous les départements. J'ai pu travailler avec une personne du marketing, une personnede finance et RH avec lesquelles j'ai pu cerner ma place et mon travail au sein d'une entreprise. ...Victoria F RHCe fut l'une des meilleures matières de toute ma scolarité à l'EMLV.[Parmi les] points forts,... collaborer avecdes étudiants de différents profils et apprendre de chacun. ...Léa F Mkt... Les points forts ontdonc été d'apprendre à concilier tous les secteurs d'activités notamment grâce à ladiversité de profils de nos équipes mais aussi letravail en groupe et la cohésion...Mathilde F MktLe cas Organixis était très intéressant et très réaliste. Il nous a permis de travailler sur un cas avec beaucoup dedétails, un site internet entièrement dédié au cas. Les points forts sont que nous avons travaillé dans desgroupeshétérogènes, avec des élèves de finance, marketing, et rh. ...469


Tableau 3. Extraits des témoignages sur l’aspect ‘Diversité’ dans le cas OrganixisNous devons retenir de cette expérimentation deux constats majeurs :a) La diversité des profils interdisciplinaires semble être un élément déterminant dansl’animation de ce type de projet. En effet, presque un étudiant sur deux a mentionné(de façon spontanée) la diversité des membres de l’équipe comme un atout du projet.b) Le rôle des médias sociaux ne semble pas être très important dans un contexte decompétition entre groupes. Comme nous l’avons vu antérieurement, une douzaineseulement des participants d’Organixis 2 ont été interactifs sur Facebook (environ 5%des étudiants) contre plus de 30% lors du pilote Organixis 1. Après quelquesentretiens avec des participants, l’explication est devenueévidente : si Organixis 1 futorganisée comme unemission « collaborative » (les étudiants dans chaque salledevaient travailler ensemble pour trouver une solution), Organixis 2 fut conçu defaçon compétitive (un seul « gagnant » par salle devrait être sélectionné). Lesentretiens ont révélé que les étudiants étaient frileux de partager « leurs secrets » avecleurs collèguesconcurrents en ligne.Ainsi, si l’aspect « concurrence » a été un facteur de motivation pour une trentained’étudiants (soit 16% des participants d’Organixis 2, voir Graphique 1), il a été en revancheun frein pour l’interaction sur Facebook. Ce résultat plaide pour une utilisation des médiassociaux dans un contexte collaboratif plutôt que compétitif.En outre, le facteur « évaluation du temps disponible » semble être fondamental. Unesemaine n’était clairement pas suffisante pour permettre aux étudiants d’échanger entre eux.Même si une minorité a perçu cet aspect comme une pression supplémentaire qui a contribuéau réalisme de l’expérience, plus de temps aurait permis peut être aux participants de mieuxs’organiser entre eux et de plus collaborer en ligne.XXV. ConclusionNosexpériencesempiriques,ainsiquelalittératurequilasupporte,semblentindiquerquelerôledel'enseignantdanslesécolesdecommercesestappeléàchanger.Dansunmondeplusinterdépendant,danslequellacomplexitédesproblèmesorganisationnelsaugmenteaveclacompétitivitédesmarchés,notrerôleseramoinsceluid'unprofesseurqueceluid'unanimateurdel'intelligencecollectivebasésurl’interdisciplinarité.Cetteapprochepédagogiquepeutmieuxpréparerlesélèvesàrépondreauxdéfisdesentreprisesquidemandentdeplusenplusdecompétencesdetravailbaséessurlacollaboration.NotreexpérienceaveclecasOrganixisestunexempledelafaçondontlesprincipesdediversitéduKnowledgeManagementpeuventenrichir l’apprentissage.En effet, comme nous l’avons vu lors de notre révision de littérature, un tel changement destratégie pédagogique nécessite des changements conséquents dans la culturedes écoles decommerce.Cetteexpériencen’auraitpasétépossiblesansunenvironnementfavorableàdespratiquesd’apprentissageorganisationnelauseindel’EMLV,grâceàlaconvergenceentreunestratégiederecrutementdesjeunesprofesseursattirés par l’innovation pédagogique,unecultureinstalléepropiceàlacollaborationinterdisciplinaireetenfinunestructureflexibleetnonhiérarchisée.Mêmesicesélémentsontfavoriséledéveloppementspontanéd’activitésinnovantesautourdemédiassociaux,ilfautunprojetdeknowledgemanagementbienstructurépourquecespratiquessediffusentauseindetoutel’organisation.Ilfautparexemplecréerunestratégiepédagogiqueclairementcentréeautourdel’interdisciplinarité,avecdessystèmesd’évaluationbaséssurlaparticipationdesétudiants de470


différentesfilières.Ilfautétablirunevisionclairementpartagéeparlesenseignantsetlesétudiantssurleursrôlesdanslaconstructiondecettenouvellemanièred’apprendreetd’enseigner.Concernant les médias sociaux, nos deux expériences montrent que ces outils ne doivent pasêtre vu comme une panacée applicable à n’importe quel contexte d’apprentissage. Ilsdemeurent comme des outils de collaboration et doivent être utilisés pour partager desidées.Contrairement à ce qu’on peut constater dans la littérature, les nouvelles générationsn’utilisent pas ces instruments de façon indiscriminée.Même si l’usage de l’internet comme support de cours semble avoir été surestimé,nous nousattendions en revanche à beaucoup plus de commentaires sur les éléments dynamiques etnovateurs du site web conçu pour cette étude de cas.Dans les faits,très peu des étudiantsontmentionné ces caractéristiques comme un atout du projet. On pourrait penser qu’ils sonttellement habitué à ces ressources que leur utilisation dans un contexte pédagogique leursemble une évidence. En tout cas, ce résultat confirme les difficultés de diffusion desnouvelles technologies dans l’enseignement supérieure, évoqués à maintes reprises dansnotre article dans l’article.Enfin, il faut reconnaître les limitesde notre approche. Ces conclusions se basent sur deuxexpériencesseulement. Même si les participants étaient nombreux (320 participants),seulement les plus motivés (presque 200) ont témoigné. Il y a donc forcément un biaisdanscet échantillonnage.Deplus, l’approche qualitative retenue, permet de faire émerger descatégories quantifiables mais ne permet pas de tester l’intensité des réponses. Un prochainpasde cette recherche pourrait consister à préparer un questionnaire avec des échelles deLikert sur chacune des catégories pour évaluer leurs intensités.Le cas Organixis reste néanmoins comme une expérience unique de conciliation des médiassociaux avec les principes de diversité interdisciplinaire du Knowledge Management dans lesécoles de commerce.Ses forces et ses « pistes d’amélioration » doivent enrichir des futuresexpériences. Organixis 3 devra conserver le composant « Web » (Google sites, vidéos YouTube, interactivité) et l’aspect compétitif, tout en éliminant le forum sur Facebook (prouvéinutile) et en augmentant le temps disponible accordé pour la préparation des présentations.XXVI. RéférencesAjjan,H.,etHartshorne,R.(2008).InvestigatingfacultydecisionstoadoptWeb2.0technologies:Theoryandempiricaltests.TheInternetandHigherEducation,11(2),71–80Alexander,B.(2008).Web2.0andemergentmultiliteracies.Theoryintopractice,47(2)AndrewPatrick,H.(2011).KnowledgeWorkersDemographyandWorkplaceDiversity.JournalOfMarketing&Management,2(2),38-73.Avery,D.R.,&Thomas,K.M.2004.Blendingcontentandcontact:Therolesofdiversitycurriculumandcampusheterogeneityinfosteringdiversitymanagementcompetency.AcademyofManagementLearningandEducation,3:380–396.Bisoux,T.(2008).TeachingBusinessinaWeb2.0World.BizEd,7(1),pp.28-35.Ellen,E.K.,Markel,K.S.,&HcHugh,P.P.(2003).IncreasingdiversityasanHRMchangestrategy.JournalofOrganizationalChangeManagement,16(3),328-328.Franklin,T.&Harmelen,M.(2007).Web2.0forContentforLearningandTeachinginHigherEducation.Availableonlineathttp://ie-repository.jisc.ac.uk/148/1/web2-content-learning-and-teaching.pdf.ConsultedonFebruary2011.471


Grant,K.(2010).KnowledgeManagement,anEnduringFashion.ProceedingsOfTheInternationalConferenceOnIntellectualCapital,KnowledgeManagement&OrganizationalLearning,207-220.Grosseck,G.(2009).ToUseorNottoUseWeb2.0inHigherEducation?PaperpresentedattheProcediaSocialandBehavioralSciences,WorldConferenceonEducationalScience2009.Hartman,J.,Dziuban,C.&Moskal,P.(2005).Preparingtheacademyoftodayforthelearneroftomorrow.InD.G.Oblinger&J.L.Oblinger(Eds.),EducatingtheNetGeneration.Educause.Heckman,R.&Annabi,H.2006,HowtheTeacher'sRoleChangesinOnlineCaseStudyDiscussions.JournalofInformationSystemsEducation,17(2),p.141.Holloway,M.,&Carnes,W.J.(2011).UsingtheNewApproachToDiversityInAssessingTheEffectivenessOfAchievingManagingWorkforceDiversityCourseObjectives.ReviewOfManagementInnovation&Creativity,4(9),79-91.Kvavik,R.B.(2005).Convenience,Communications,andControl:HowStudentsUseTechnology.InD.G.Oblinger&J.LOblinger(Eds.)EducatingtheNetGeneration.Educause.Lima,M.;Fabiani,T.;Namaci,L.;Fabiani,T.(2011).SocialMediaasaLearningResourceforBusinessStudentsoftheNetGeneration:UsingActiveLearningPrinciplestoEmpowerCreativeandCriticalThinking.ProceedingsofGEBA2011–GlobalizationandHigherEducationinEconomicsandBusinessAdministration.Iasi,20-22Octobre.Nelson,J.K.,Poms,L.,&Wolf,P.P.(2012).DevelopingEfficacyBeliefsforEthicsandDiversityManagement.AcademyOfManagementLearning&Education,11(1),49-68.doi:10.5465/amle.2009.00115Nonaka,I.(1991).TheKnowledgeCreatingCompany.HarvardBusinessReview69(6Nov-Dec):96–104.Parham,P.A.,&Muller,H.J.2008.Reviewofworkforcediversitycontentinorganizationalbehaviortexts.AcademyofManagementLearningandEducation,7:424–428.Peters,T.J.,etWaterman,R.(1982).Insearchofexcellence:lessonsfromAmerica'sbestruncompanies.NewYork:Harper&Row.Rosenfeld,R.,&Euchner,J.(2012).Culture,People,andInnovation.ResearchTechnologyManagement,55(2),13-17.doi:10.5437/08956308X5502007Sreedhar,U.(2011).WorkforceDiversityandHRChallenges.AdvancesInManagement,4(10),33-36.Stefanone,M.&Gay,G.(2008).Structuralreproductionofsocialnetworksincomputermediatedcommunicationforums.Behaviour&InformationTechnology,27(2),pp.97-106Terra,C.(1999).GestãodoConhecimento:ograndedesafioempresarial.NegócioEditora.Williams,J.,&Chin,S.J.(2010)UsingWeb2.0toSupporttheActiveLearningExperience.JournalofInformationSystemsEducation,20(2),pp.165-174.472


Atelier 12: Diversité(s), altérité et conflit(s)…………………………………………………………………………. « L’altérité, facteur de développement des connaissances et de renouveau du management »Michelle DUPORT (Université Montpellier 3) Les tensions dans la relation d’emploi des cadres logistiques seniors face au culte de laperformance » Marc VALAX (IAE de Lyon).« Une diversité de pressions pour les responsables : L’art de dénouer les nœuds ennégociation » Alain LEMPEREUR (Université de Brandeis et Harvard Law School, Boston, USA)…..« L’expatriation comme outil de transfert de compétences et de savoir-faire ? Regards croisésd’expatriés et de cadres locaux de filiales multinationales en Tunisie » Yassine SLAMA(Université de Tunis/ESSEC Tunis) et Nathalie MONTARGOT (Université Cergy-Pontoise)...473


L’altérité, facteur de développement des connaissances et derenouveau du managementMichelle DUPORT – Université Paul Valéry – Montpellier 3MRM-CREGOR-ORHA Michelle.duport@univ-montp3.frFace à la montée des pays émergents, l’Occident prend conscience que le centre de gravitédu monde s’est déplacé et que des recompositions et des mutations sont en œuvre. Ilredécouvre depuis une décennie l’inéluctable existence de la variété qu’il s’était efforcé deconfiner, de minimiser ou de tolérer dansune homogénéisation hégémonique. Dans un mondeglobalisé où les échanges et les mutations s’accélèrent, il devient très difficile de maintenir etdéfendre les idées d’homogénéité et d’universalisme. C’est ainsi que dans les sociétésoccidentales, la reconnaissance de la diversité (biologique, ethnique, de genre… et l’idéed’un pluralisme de la pensée, que l’on avait oublié) font chemin. Le foisonnementd’ouvrages sur la pensée « des autres » en est la démonstration. On y redécouvre une richessede la pensée philosophique, scientifique et littéraire « qui n’a rien à envier à celle del’Occident » (Dortier, 2009), et une nouvelle vision du sud de la planète voit le jour.Les sciences de gestion sont, elles aussi, prises dans ce mouvement d’altérité, définie commeles phénomènes de reconnaissance de l’autre identique et différent de soi (Vinsonneau, 1997)et de transformation, qu’elles ne peuvent plus méconnaître. Sur le terrain, l’agir estnécessairement déterminé par le système de la vicissitude, c’est-à-dire le changement etl’altération.Depuis deux décennies, la pertinence des structures organisationnelles classiquesoccidentales est largement remise en cause dans une abondante littérature et les grandesentreprises occidentales ont expérimenté des formes organisationnelles nouvelles adaptables,flexibles, apprenantes, conscientes et soucieuses de l’altérité. Paradoxalement, placées dansdes situations d’extrême diversité, notamment quand elles s’implantent en Chine, ces mêmesentreprises semblent n’avoir exporté que le discours de l’altérité, de la reconnaissance del’autre et de la diversité et un modèle organisationnel rigide universalisant.Est-il utile de rappeler que variété et vicissitude 139 , s’inscrivent dans les lois de la nature,qu’elles sont indissociables (Loys le Roy, 1575), que « le changement et la diversificationrègnent partout. Tout obéit à un cycle vital et se renouvelle, rien ne se maintient à l’état pur,par exemple les langues se mêlent, évoluent et meurent. Contraires et dissemblablescoexistent et s’équilibrent. En outre, plus ils sont marqués plus ils se renforcent selon lephénomène de l’antipéristase 140 » (D. Duport, 2011 à propos de L. le Roy).La pluralité, ladiversité, l’existence des contraires font partie des lois de la nature et sont au cœur de la vie.La variété(ou diversité) est donc une loi de la nature que l’entreprise ne peut ignorer. Variététraduite, au sein des organisations, sous le terme « diversité »quand elle traite de la variété139 Vicissitude : « Changement qui s'effectue sous forme d'une succession d'événements généralement trèsdifférents les uns des autres », définition du CNRTL, http://www.cnrtl.fr/definition/vicissitude140 Antipéristase : Action de deux qualités contraires dont l'une sert à rendre l'autre plus vive et plus puissante.,définition du Littré.474


des statuts, des genres, des métiers, des origines, des langues pratiquées, desindividualités…, mais variété qui semble absente quand il s’agit du modèle organisationneloccidental universalisant exporté aux quatre coins de la planète. Variété qui semble êtrearasée par le rouleau compresseur de l’homogénéisation et de la normalisation.La recherche de l’homogénéité, y compris dans des fictions organisationnelles (M. Duport,2010),ainsi que la rhétorique de l’universalité d’un modèle managérialet de celle duparadigme de l’action empêchent de saisir les recompositions et les mutations à l’œuvre dansles organisations.Ce sont ces mutations que nous voudrions mettre en avant en portant l’accent sur l’altéritécomme forme sociale,facteur de développement des connaissances et facteur de renouveaudu management. Nous nous appuierons sur les observations et les visites d’entreprises quenousmenons en Chine depuis 2007, en nous efforçant de montrer que la portée de notrepropos va au-delà des frontières de la Chine. Le passage par « un ailleurs », en l’occurrencela Chine, est un formidable révélateur à la fois du rôle de l’altérité dans les mutationsorganisationnelles mais aussi des mutations en cours et du renouveau du management desressources humaines ici et ailleurs.XXVII. L’ALTERITE COMME FACTEUR DE DEVELOPPEMENT DESCONNAISSANCES ET DU CHANGEMENT DES PRATIQUES / DEFACTEUR DE CHANGEMENTL’altéritéenjoint l’interaction (Duport, 2010, 2012). Les interactions et les apprentissagesréciproques sont effectivement inhérents à la rencontre et l’on peut donc supposer qu’ilsexistent et qu’ils contribuent à la transformation des pratiques, c’est ce que confirment nosobservations.Bien qu’inscrite dans l’ordre de la nature, la variété dérange. Présentée sous le vocable dediversité, elle est source d’intentionnalité et d’une littérature prolifique. Présentée sousl’angle de l’« hétérogénéité » et des différences« elle est appréhendée dans lesorganisations comme un handicap, comme une source de dysfonctionnements qu’ilconvient de remédier par des mesures subséquentes d’homogénéisation et deremédiation destinées à compenser le handicap. Dans cette vision contre-nature, déni dela variété, la norme est celle de l’homogénéité » (Duport, 2012).Variété signifie pluralité, diversité, existence des contraireselle est donc soumiseauchangement et à l’altération (vicissitude). La variété suppose donc interactions ETapprentissages ET changement. « Tout apprentissage exige ce voyage avec l’autre, versl’altérité » (M. Serres, 1991). Les interactions et les apprentissages sont inhérents à larencontre il en est de même pour la transformation des pratiques.A. 1.1 Un contexte de recomposition du système internationalpropice aux mutationset au partage des connaissancesLe passage à la deuxième mondialisation despays émergents qui comptent jouer un rôle dansle système international nous inviteà étudier les dynamiques de changement mises en œuvreetà s’intéresser à eux, à leur pensée, à leurs cultures. Cette deuxième mondialisationmet enlumièrel’affaiblissement des modèles occidentaux dominants, leurs adaptations et leursmutations mais aussi la nécessaire désoccidentalisation du monde.L’étude des pays émergents permet de définir des typologies et des dynamiques communes àces pays (Morel, 2012) et notamment :Une ambition collective,475


La définition de stratégies majeures pour le court et le long terme,Un ajustement régulier du modèle qui a permis la première réussite,Le rôle de l’État et des entreprises championnes dans la diffusion du changement,La maitrise de la postmodernité,La rivalité idéologique, économique,… avec les Etats-Unis,Le regain croissant de la diaspora économique,Les investissements dans la recherche,…Le changement dans les rapports de force symbolise la revanche des pays émergents sur lespuissances dominantes, il est aussi un aiguillon interne à ces pays pour la recherche d’autresmodèles de développement. Pour la Chine et l’Inde c’est « la fin d’une anomalie de deuxsiècles », « une parenthèse qui se referme ». « N’oublions pas qu’en 1820, la Chine etl’Inde représentaient 50% du PIB mondial » (Morel 2012). Il ne s’agit pas d’un antioccidentalismeradical, dans la mesure où les critères de réussite de ces pays sont ceux desnormes occidentales, mais chacun des pays émergents, à partir d’un fond commun, définit lesmodalités de sa propre émergence. La Chine, par exemple, adopte progressivement lesmodèles, les valeurs occidentales de la réussite économique et les grandes normesinternationales tout en les adaptant. Elle fait preuve, dans la nation comme dans lesorganisations, de pragmatisme en agrégeant progressivement à l’existant des élémentsdifférents, importés, en mettant en place des systèmes ouverts fait de coopérations entre Étatset avec les firmes multinationales. C’est dans cet esprit qu’elle choisit la voie « du socialismede marché » ou qu’elle adhère à l’OMC.De façon symétrique, les pays occidentaux s’intéressent à la pensée des autres, et enredécouvrent la richesse. Au-delà d’un regain pour l’exotisme, qui résume, catégorise,comptabilise les différences et enferme la pensée de l’autre et les cultures dans un « prêt àpenser » réducteur, de nombreusespublications alimentent la vie intellectuelle, la recherche etnous font découvrir les travaux des chercheurs étrangers. Les regards croisés se multiplient,et les mutations ne se cantonnent pas à l’agir mais se diffusent dans la pensée. En effet, leschercheurs « du Sud » utilisent le même langage que leurs homologues occidentaux « maisleur origine les amène à renouveler leur discipline en introduisant de nouveaux thèmeset points de vue », « des univers mentaux qui nous sont voisins : ni tout à fait les mêmes,ni tout à fait autres » (Dortier, 2009).Les visions ethnocentrées n’ont pasdisparues pourautant, mais une brèche est ouverte propice à l’échange de connaissances et à un renouveauréciproque. L’occident ne peut plus considérer ses idées comme originales, singulières ethégémoniques. Ce voyage dans la pensée des autres bénéfice aussi aux sciences de gestion.Les mutations économiques sont comme une invitation à s’intéresser aux autres, àdévelopper ses connaissances, à voir le monde et à le penser sous sa diversité, une invitationà suivre Victor Segalen (1907) : « Mais pour moi, c’est une aptitude de ma sensibilité,l’aptitude à sentir le divers, que j’érige en principe esthétique de ma connaissance dumonde ».B. 1.3 La « moralisation » du mondeLa globalisation qui s’est traduite dans sa première vague par la multiplication des échangeset dans sa deuxième vague par un changement de gravité du centre économique a remis ladiversité, le pluralisme et l’altérité au centre de la vie sociale et nul ne peut plus les nier. Laconfrontation des sociétés modernes occidentales à d’autres systèmes de valeurs participe decette prise de conscience de la diversité morale, de l’existence d’un pluralisme moral, de ladiversité des valeurs, des normes et des justifications morales mais aussi de leurincommensurabilité, aucun système de valeurs n’étant supérieur à un autre (Berlin, 1969).C’est donc la fin « des vastes systèmes moraux englobants » (Halpern, 2006) et la mise à476


mal de l’universalisme. Pour concilier universalisme et diversité, Rawls parle de « pluralismeraisonnable » et de « consensus par regroupement », Walzer (1994) propose de distinguerune morale « minimale » (thin) et une morale « maximale » (thick), Canto-Sperber (2006)défend l’idée d’une « universalité mise en contexte ». La diversité morale explique ledéveloppement des conflits éthiques et le recours croissant au registre de la justificationmorale, le souci étant pour chacun (entreprises comprises) de justifier les règles et lespratiques qu’il se donne. Même si « l’éthique sert aussi, parfois, de caution decrédibilité », la moralisation du monde s’accompagne de mutations, de la mise en place denormes. Deux catégories d’acteurs générateurs du changement de pratiques, les activistesassociatifs et les institutions participent à ce mouvement et exigent, entre autres, desentreprises un comportement éthique et la reconnaissance de la diversité.1. Activisme associatif et numériqueLa mobilisation de l’opinion publique et des consommateurs a obligé les entreprises à« moraliser » leurs pratiques notamment sur le travail des enfants, les conditions de travail…et les a conduites à s’en justifier. Cet engagement est connu sous l’acronymeRSE(Responsabilité Sociale de l’entreprise) -qui a fait sienne la question de l’altérité-, ils’est opéré sur la base du volontariat et dans le souci de maintenir leur réputation.L’argument développé pour amener à l’amélioration des pratiques étant,d’une part,celui de lasanction par le marché des comportements non éthiqueset, d’autre part, celui del’amélioration de la performance économique par l’altérité et le respect de la diversité.Cependant force est de constater que les marchés boursiers restent indifférents aux pratiqueséthiques, les entreprises les plus critiquées étant parfois celles qui bénéficient de la meilleureperformance boursière.Aujourd’hui, les pratiques salarialessont la composante la plus visiblede la RSE dans les entreprises et, à l’intérieur de ces pratiques, le respect de la diversitéculturelle et la reconnaissance de l’altérité figurent de façon emblématique. Les conditionssalariales sontles plus fréquemment mises en avant par les activistes qui dénoncent lesmauvaises pratiques des entreprises multinationales en dehors de leur territoire. La stratégiede « name and shame » (nommer et jeter l’opprobre) a montré son efficacité pour obtenir unchangement dans les pratiques (Vogel, 2006). La peur de la sanction publique va inciterd’autres entreprises à améliorer leurs pratiques mais ces changements restent modestes et trèslocalisés. Ils représentent un coût, ils concernent les grandes entreprises et leurs fournisseursdirects, les autres entreprises comme les PME, les fournisseurs des fournisseurs sontbeaucoup moins concernés. Les codes de bonne conduite semblentse limiterau niveau de lamédiatisation qui en est faite par des mouvements associatifs et par les entreprises ellesmêmesquitentent par le déclaratif de justifier leur action, notamment en ce qui concerne ladiversité.L’activisme associatif s’est traduit parune prise de conscience plus large de la questiondel’amélioration des pratiques salariales et les réseaux sociaux s’en sont emparée. Ilsgénèrent des forces de résistance et, désormais, ils relaient sur la toile, parfoissous le modede la dénonciation et de la délation les difficultés qu’ils rencontrent dans leur entreprise,obligeant ces dernières à réagir (Duport, 2011). Des formes nouvelles d’organisationssociales voient le jour et « l’activisme numérique » vise aujourd’hui l’entreprise. Les tweets(gazouillis) envahissent la toile, ilsconcernent l’actualité immédiate économique, politique,évènementielle mais aussi managériale. Lesréseaux sociaux sont devenus un nouveau modede médiation, un mode alternatif de résolution des conflits dans le monde comme dans lesentreprises, les internautes assurant une vigilance tournante. Porter un problème sur la placepublique peut être suffisant pour obtenir une réponse rapide, ce que ne permettent pas lesmodes de négociation traditionnels.La mobilisation en ligne représente souvent la seulemodalité d’expression de la conflictualité sociale, d’une opposition à un pouvoir quel qu’il477


soit (Duport, 2011). Sous la pression numérique, les entreprises sont parfois contraintes à unetrès grande réactivité. Relayées par les réseaux sociaux, des causes peuvent franchir lesbarrières de l’entreprise, recueillir l'assentiment d’un public plus large, devenir de véritablesproblèmes publics ou commerciaux et nécessiter des réponses managériales.2. Activisme institutionnelL’activisme institutionnel recouvre l’action d’organisations internationales nongouvernementales mais également celles des gouvernements.Les entreprises sont confrontées aux forces antagonistes d’un univers « ultranormalisé » quiles poussent à des comportements éthiques,à tenir compte de la diversité sous toutes sesformes,à respecter les différences, donc à s’adapter,tout en les enfermant, dans le mêmetemps, dans un carcan de normes qui appellent à l’homogénéité et à la permanence descomportements. Cette incohérence est renforcée par la prolifération « de normescontradictoires et disparates,s’abattant sur les entreprises », « les managers sont réduità choisir leurs « infractions préférées », et soumis à un état d’infraction potentiellepermanente » (Savall, Zardet, Bonnet, 2009). Ceci explique aussi que devant les difficultésou l’impossibilité de suivre cette avalanche de normes, les entreprises en retiennentprincipalement l’intentionnalité et que le changement, par ailleurs indiscutable, se situeprincipalement au niveau rhétorique et non dans l’action stratégique.Les ONG ontdonc édicté des chartes régissant les conditions de la production auxquelles sont« contraints » d’adhérer tous les acteurs économiques. L’adhésion reste volontaire mais lapression internationale est forte. Le volontariat a ses limites et ne contraint, dans les faits, niles États ni les entreprises. Devant la faible diffusion, la complexité etle coût d’application decet ensemble de normes et de procédures de contrôle, certains pays émergents élaborent leurspropres normes et procédures. Les gouvernements se substituent ainsi aux producteursexternes du marché de l’éthique, le politique devenant l’arbitre suprême, partie prenante etgénérateur du changement. Dans les pays émergents et en Chine en particulier, legouvernement oblige les entreprises multinationales, par le biais du code desinvestissements,à favoriser les transferts de connaissance et de savoir-faire, notamment, enmatière d’organisation du travail, de santé et sécurité au travail, de protection del’environnement ou d’éthique. L’esprit de départ étant l’essaimage et l’adaptation, puis lesincitations au changement sont ensuite reprises dans des politiques publiques et dans la loisur le travail.XXVIII. DE LA REFONDATION DU MANAGEMENT DESRESSOURCESHUMAINES ET DE LA PRISE EN COMPTE DE L’ALTERITEMalgréun environnement générateur d’altérité, d’interactions, d’altérations et d’innovation,et en dépit de la rhétorique croissante sur la diversité et l’interculturalité, la construction d’ununiversalisme organisationnel clos s’est imposée peu à peu dans les entreprises et n’est pasvraiment discutée.Une idéologie managériale et organisationnelle s’est constituée, renforçant ainsi lemécanisme de clôture. Exporté, sacralisé, érigé en idéal vers lequel devrait tendre touteorganisation, le modèle occidental est devenu objet de foi. Il s’exporte et s’immisce danstoutes les organisations, ici et ailleurs. Outre ses promesses économiques il se pare de vertuet d’humanisme. Paraphrasant Pierre Rosanvallon décrivant l’expérience française de ladémocratie, nous pouvons dire que le modèle organisationnel et managérial occidentaldiffusé dans le monde est marqué par « un universalisme réthorique-formaliste », « un universalisme del’abstraction ». Sa force réside non pas tant dans le contenu que dans le message, dans l’idée. Il478


envoie à « une culture managériale pleine » et à « une forme managérialevide ». « Chacun peut se l’approprier, mais nul ne peut s’en servir. C’est un modèleenchanté, fondé sur la négation des tensions, des conflits, de la diversité et desinteractions. Parce qu’il est un modèle abstrait, il est un modèle généreux qui se prêtevolontiers au langage de l’équité, de la diversité, de la RSE », de l’interculturalité et del’altérité… (Duport, 2010).Se pose alors la question du sens de la finitude d’un modèleconsidéré à tort comme intemporel et universel (Duport, 2010, Duport et Janicot, 2010).A. 2.1 Processus de refondation du MRHLes figures de la légitimité du modèle font système avec deux types d’institutions : larhétorique ou propagande et les processus, cela s’exacerbe pour la gestion des ressourceshumaines et en particulierpour l’éthique et pourla prise en compte de l’altérité. Lagouvernance et les figures émergentes se retrouvent autour d’une légitimité de proximité,c’est dans ce cadre que sont développés un discours faisant référence à l’écoute, à l’équité, àla compassion, à la reconnaissance de l’autre et à l’interculturalité, et des processus qui senomment management participatif, management de proximité, RSE ou managementinterculturel.La légitimité de proximité doit être maniée avec prudence du fait même de la particularitédes attentes sociales, les mots : équité, interculturalité, reconnaissance, recouvrent aussi biendes exigences citoyennes accrues que l’habileté rhétorique des communicants qu’ils soientdirigeants ou consultants. Les attentes sociales citoyennes connaissent un accroissement dufait de la société de communication qui est la nôtre, de la propagation des informations. Ellessont amplifiées par l’activisme numérique et institutionnel et par l’engagement déclaratif desentreprises affiché dans les chartes etles certifications diverses.Déçues, les attentes socialespeuvent devenir une arme économique à sous-munitions qui se retourne contre laperformance des entreprises sous des formes diverses. Elles peuvent faire l’objet d’unemédiatisation numérique redoutable entachant la réputation des entreprises. En matière degestion des ressources humaines les conséquences peuvent se décliner en difficultés àfidéliser les salariés et à en recruter de nouveau, dégradation du climat social, démotivation...Les entreprises sont alors contraintes à réagir et à adapter leurs pratiques à leur discours maisplus encore à anticiper et à innover. Des mutations sont en cours qui s’observent au traversdu questionnement sur les fictions organisationnelles, sur la marque employeur, sur l’eréputation,sur un management humaniste…Les avancées sont embryonnaires et ambivalentes. La démocratisation des sociétés civilescomme la prise en compte de l’altérité dans les organisations est autant l’acceptation de ladivergence d’intérêts et d’opinions que l’obligation de composer avec. L’écart entre lediscours et les pratiques a un coût, le management virtuel et déclaratif n’est pas unmanagement opérationnel, il suppose donc un second niveau organisationnel. Dans les paysémergents, les filiales sont obligées de composer avec la diversité, elles ont pu, pourcertaines, pendant un temps l’ignorer, différer la rencontre en laissant à leurs partenaireslocaux (joint venture) le soin de gérer les ressources humaines, la relation avec lesfournisseurs (Duport & Janicot, 2010). Elles ont également pu occulter la diversité enprônant l’homogénéité, en exportant des procédures uniformes dans tous les pays,en laréduisant à un outil méthodologique : la comparaison à charge, dans une comptabilisationdes différences, alors que la diversité est hostile à la radicalisation. L’entreprise est un lieud’interactions, elle ne peut ni être réduite à une simple addition de groupes ni à une additionde différences.Occulter l’altérité et les interactions s’est pour les entreprises se priver de saisir lesrecompositions en œuvre en leur sein. En effet, qu’on les minimise ou qu’on les ignore les479


interactions sont là, et, sur le terrain, les filiales expérimentent l’altérité comme pratique. Lelocal expérimente la pluralité de pensée et la coproduction de connaissances mais aussil’altérité, faisant preuve d’inventivité et d’innovation organisationnelle. Les sièges semblentêtre dans l’incapacité de penser la complexité, qui estsource d’incertitude et érigentl’homogénéité comme la norme (Duport, 2012). À trop vouloir réduire l’incertitude,simplifier le monde, nier la complexité et la diversité, en s’efforçant de comptabiliser lesdifférences, les sièges ne voient pas l’essentiel, les mutations silencieuses, ce qui se structureau niveau local, ce qui change.En inversant le postulat actuel dominant de l’homogénéité, et « en posant l’hétérogénéitécomme la norme et l’homogénéité comme le résultat d’un acte coercitif, contre-nature » lemanagement gagnerait en cohérence et en effectivité. Au niveau des filiales, des« transformations silencieuses »sont en cours, influençant l’action et le devenir,l’hétérogénéité y joue un rôle majeur. « Le principe « d’intérité » cher à Devereux (1943),sort alors de l’exception pour devenir central et fécond et laisse présager la refondation duparadigme de l’action » (Duport, 2010). L’altérité et l’ouverture à une pensée multipleoffrent l‘opportunité de repenser le paradigme de l’actionet nous invite à considérer lechangement sous un angle différent, non pas comme intentionnel, décrété et vertical maisaussi en tant que processus « pervasif », « inassigné » pouvant conduire à un changement deparadigme(Jullien, 1995,2009, Duport, 2010).B. 1.2 La Chine un exemple révélateurConcernant l’altérité, les observations que nous menons en Chine, depuis 2007, révèlent,d’une part, l’existence de forces antagonistes entre les discours et les procédures, entre lessièges et les filiales, entre homogénéité et hétérogénéité et, d’autre part, undéveloppementréel, amplifié par la crise, des innovations au niveau de la pratique. L’impression premièreest celle de l’incohérence entre le global et le local, due à la coexistence entre une entreprisevirtuelle homogène, une « fiction organisationnelle » (Duport, 2010) voulue par les sièges etune organisation en contexte, parallèle, concrète et innovante,fruit de l’altérité. Les derniersrésultats de nos observations attestent le changement, les mutations en cours fruit de l’altéritéet des politiques publiques mises en œuvre par le gouvernement.Ces évolutions concernent autant les entreprises chinoises que les filiales des entreprisesétrangères implantées en Chine.1. L’altérité planifiéepar l’ÉtatLa Chine a fait le choix d’une structuration progressive, avec un système de régulationinterne. Elle a débuté, à partir de 1984 par une politique d’ouverture et la création de ZEE(Zone économique d’expansion) qui fonctionnaient comme des laboratoires d’analyse et dediffusion du changement.Cette politique a été encadrée par le code des investissements et leslois sur le travail de 1994 et de 2008 et complétée par l’adhésion à l’OMC. Le choix duchangement de modèle organisationnel se diffuse lentement et ne peut être assimilé à unesimple transposition d’un modèle occidental. Le processus de changement a débuté, d’unepart, par une meilleure connaissance de la pensée, des méthodes et processus occidentaux enenvoyant des jeunes se former à l’étranger, en accueillant les « returnees » issus de ladiaspora, en accueillant les entreprises à investissements étrangers, et par une confrontationavec ses propres savoir-faire.La Chine a absorbé la modernité à une vitesse vertigineuse, certains parlent de mutations oude révolutions quand il vaudrait mieux parler d’évolutions, de transformations dans lacontinuité de cinq mille ans d’histoire et de valeurs. « La Chine a « sinisé » la modernité »,elle ne s’est pas adaptée à la modernité, mais l’utilise pour atteindre ses propres objectifs,480


« elle emprunte la poule pour récolter les œufs » 141 .« The "Macdonaldization" in Chinais only a superficial phenomenon that should not mislead the interpretation of the truenature of the changes. The process is the following : collection of new elements,sedimentation of those elements within the Chinese system, then digestion and finallyre-use within the Chinese metabolism. In the words of a Chinese businessman, the pointis just to « borrow the hen to get the eggs »(Faure, 2002).Les entreprises chinoises, les « champions » de l’industrie n’ont rien a envié à leurshomologues occidentales mais il serait erroné de penser que ce succès est lié à latransposition stricto sensu du modèle occidental. Si l’examen des plaquettes d’informations,des procédures, de l’organisation et même la dénomination semblent familiers, l’analyse etles entretiens traduisent une réalité autre, pour partie une organisation cosmétique quimaintient l’ancienne organisation et se contente de changer la forme et, pour l’autre, de réelschangements. En 2009, à Pékin le DRH chinois d’une FMN française témoigne : « Lesgrandes entreprises d’État, vous font des présentations très modernes et quand vousrencontrez le DRH, c’est le secrétaire du Parti ». Les entreprises adoptent levocabulairedes FMN tout en maintenant, dans un souci de cohérence, le cœur de leur modèleorganisationnel traditionnel.2. L’altérité comme facteur d’évolution du paradigme de l’actionS’intéresser à la Chine, c’est mesurer que le paradigme de l’action tel qu’il est conçu par lessociétés occidentales n’est pas universel et que d’autres paradigmes existent.En Occident, la sociologie de l’action répertorie traditionnellement les différentescomposantes de l’action : les acteurs, les ressources, la pertinence des ressources, lareconnaissance de la valeur d’échange, l’intégration aux normes et le degré d’implicationdans l’action. L’analyse de l’action s’opère classiquement selon quatre pôles reliés deux àdeux : d’une part conflit acceptation, et d’autre part coopération soumission(indifférence).Le thème du changement de paradigme de l’action est assez présent dans la littérature quitend vers une redéfinition de ce paradigme, est alors soulignée son aporie, est évoquée sanécessaire évolution. Pour une meilleure prise en compte de l’action, l’accent est mis sur leniveau « micro ».Notre propos n’est pas d’entamer la dispute au regard du seul paradigmemais de le confronter à un autre paradigme, celui en vigueur dans la pensée chinoise. Pourcela nous utiliserons principalement les réflexions du philosophe Jullien, (1995, 2009) maisd’autres auteurs confirment l’intuition de la nécessaire prise en compte non pas du seul agentacteur de l’action et du changement mais du processus lui-même. Ainsi chez Demorgon(2000),Weick (1995), Pharo (1993), Allard-Poesi et al. (2003), par exemple, nous retrouvonscette préoccupation qui est parfois clairement évoquée mais le plus souvent suggérée.Nous confrontons les deux visions, occidentale et chinoise, de l’action et de son corollaire lechangement, que nous synthétisons dans le tableau qui suit.Les visions de l’action et du changement en Occident et en ChineVariablesParadigmeVisionoccidentaleParadigme del’ACTIONVision chinoiseParadigme de laTRANSFORMATION141 Proverbe chinois.481


PrincipedirecteurOrganonLogiqueActionChangementLe sujet agentAGIRModernitéoccidentaleLogiqueontologicoprédictiveLogique definalitéActionlocalisée risqued’incohérenceRuptureDésidentificationStade entredésidentification etréidentificationImposition etpersuasionModedistensionnelModèle Modèle del’action et dela viséeStratégie Stratégie del’actionHéroïsme del’actionModesd’actionModesd’effectivationOpérativitéObservationChampnotionnelpour enrendrecompteRévolution,coupure,action,combat, force résistanceDiscontinuitéd’étatssuccessifsOpérativitédiscontinuequi morcelle,isole etcatégoriseObserver lesruptures et lesformesCausalitésLa transformation(le processus)TRANSFORMERContinuitéLogiquetransitiondeTransformationprogressive dutout cohérenceContinuation(Héritage)IndémarcationTout ce quichange, Ying etYang sont lesopposés entrelesquels lechangements’opèreFécondationModetransitionnelModèleprocessusduStratégie de lanon-action, dutemps mort,Tactiqued’enveloppementInfiltration,ramification absence derésistance et derejetContinuité d’unprocessusOpérativitécontinue,inassignée (sanssujet régissantl’action)Observer lesinfléchissementset l’in-formePolarités482


Éthique Intentionnelle FonctionnelleResponsabilitéEssor /déclinResponsabilitéet culpabilitédu sujetRôle del’acteurResponsabilité devigilance etd’adaptabilitéInterne auprocessusItinéraire Affrontement Obliquité,insinuationGestionGestion par lamodélisation,prédiction,déterminismeGestionprocessus,maturationFormeEfficacité :Maturation,idéaledevoir être,rencontres,but, modèle,induire l’effetparadigmesHorizonsde sensTempsTempslexicalÀ partir de lareprésentativitéDurée,Temps abstraitTempsuniverselÉternitéTemps érigéen sujet totalConjugaisonPassé/Présent/futurTrilogieÉvénementÉvénementcommerupture qu’ilproduit,commerésultat del’actionManagemCulture deentl’événementÉlaborationsdereprésentationsProcessus devéritéSource : Duport (2010), libre synthèse réalisée d’après F. JullienparparModulation, modeindiciel,renouvellementdes chosesSaison,mouvement,occasionmaisaussi durée quiprocède del’alternanceNon pas éternelc’est-à-direidentique mais lesans fin oul’inépuisablePasdeconjugaison maispossibilitéd’utiliser desmarqueurs detempsDeux polarités(s’en aller et s’envenir)N’est qu’unfragment ou partied’un processus,d’une situationCulture de latransition et del’adaptation dansla continuitéRéalité commeprocessusd’actualisation etd’interactionNous retenons de cette synthèse et de nos observations que les deux visions sont éloignées etque la vision chinoise est plus pragmatique et décrit mieux la complexité, la variétéet les483


vicissitudes. En effet, aborder le changement dans la rupture ne fait pas suivre le sens, aumieux il impose un nouveau sens. La production de sens suppose que l’on établisse le lienentre les choses, que l’on maintienne une cohérence ce que ne permet pas le changementbasé sur la discontinuité des états. Il ne se décrète pas, mais il peut être favorisé par desconditions adaptées. Les travaux de Pichault(1996) sur la cohérence entre les modèles demanagement et la culture d’entreprise dans le changement vont dans ce sens.Le changement en tant que processus inassigné, donc non imputable à un acteur, est pluscomplexe à décrire, le changement est de « nature pervasiveque l’on voudrait capter ».Concrètement le chercheur peut s’attacher à repérer une ambiance, profiter des « fenêtresétroites de perceptibilité » pour en voir les affleurements visibles, notamment sur le terrain de lagestion des ressources humaines.3. L’altérité comme facteur d’apprentissage et de changementdans les filiales étrangèresEn Chine, les filiales étrangères, emblèmes des puissances économiques et d’un système devaleurs qu’elles représentent sont confrontées à des attentes salariales et sociales fortes et àdes missions de transfert de compétences imposées par le gouvernement. Elles affichent unmodèle organisationnel emprunt d’éthique, de valeurs humanistes, de respect de la diversiténotamment culturelle mais les pratiques observées sont en décalage avec ce modèle discursifet virtuel. Parmi les dirigeants et DRH rencontrés, certains étaient conscients de l’absurditéde la fiction organisationnelle qu’ils étaient en train de présenter et n’hésitaient pas à lever levoile sur la réalité. La critique pouvait être ouverte ou sous-entendue, elle montrait l’effectifet le rationnel, par opposition au fictif et à l’irrationnel, elle traduisait aussi ledésenchantement, le questionnement sur la légitimité, sur l’efficience de procédures lourdes,coûteuses et douteuses quant à leurs effets.En matière de gestion des ressources humaines les deux catégories majeures de difficultésdéclarées par les DRH des filiales étrangères sont des taux de rotation très élevés et desdifficultés à recruter du personnel. Les DRH justifient les taux élevés de défection par destraits culturels supposés résumer la culture chinoise : l’appât du gain, le manque de fidélité etde loyauté... Les raisons évoquées par les employés chinois sont autres, elles s’apparententplus à la non conformité des pratiques avec leurs attentes et leurs représentations, en premierlieu, avec ce qu’ils espéraient trouver dans la filiale étrangère.Motifs de défection selon les salariésRangMotifs de défection selon les salariés1 Opportunité de développement du salarié limitée2 Inéquité externe dans les salaires3 Manque de reconnaissance4 Inéquité interne dans les salaires5 Stagnation dans l’emploi6 Equilibre vie professionnelle/vie privée7 Managers8 Sous-utilisation des compétencesLes résultats de nos observations et l’analyse des entretiens montrent que la déception dessalariés est double, la filiale étrangère n’est pas l’Eldorado imaginé, elle n’est pas conformedans ses pratiques à ce qu’ils avaient imaginé notamment en matière d’équité, de progressionde carrière, de niveau de rémunération…, les efforts des filiales sont, en effet, principalement484


tournés vers les hauts potentiels (Duport & Janicot 2010). De plus, l’entreprise étrangère nefournit ni les repères de l’organisation traditionnelle chinoise ni les avantages de la grandeentreprise d’État. Interrogés sur leur souhait d’insertion professionnelle, les jeunes diplôméschinois placent les entreprises d’État chinoises en première position. Les difficultés derecrutement sont quant à elles expliquées par le manque de formations adaptées, le manquede professionnalisme, le manque de culture managériale et par des différences culturellessansque jamais ne soit abordés l’écart par rapport aux attentes, les pertes de repères ou l’aporied’un modèle conçu en d’autres temps et pour d’autres lieux, un modèle qui posel’homogénéité comme la norme quand la réalité est celle de l’hétérogénéité.Dans les filiales étrangères, les DRH chinois sont contraints d’agir, d’expérimenter, de faireensemble. On observe des «procédures de créativité quotidiennes »(Foucault, 1975), des« mutations silencieuses ». L’altérité va permettre la construction d’une activité sociale« par les actions, les interactions et les négociations entre les nombreux acteurs, et lespratiques en situationauxquelles ils font appel » (Jarzabkowski, 2005).Conscients de ces attentes et de ces pertes de repères,les DRH imaginent des solutionsinnovantes qui sont un entre-deux entre deux modèles organisationnels différents. C’estainsi, par exemple, que les filiales proposent contractuellement des plans de carrièresdétaillés, créent des niveaux hiérarchiques intermédiaires et virtuels, développent la marqueemployeur, se conforment aux pratiques de la « danwei » (unité de production) enfournissant le transport, le logement, le repas de midi, en fêtant les anniversaires et les fêtesimportantes, en prenant en charge les frais médicaux, les frais de scolarité des enfants,…Dans la sphère managériale, la première étape de l’apprentissage de l’altérité serait àl’évidence, et a minima, la connaissance des formes organisationnelles en vigueur dans lepays d’implantation et non l’apprentissage de quelques stéréotypes exotiques supposésreprésenter la culture de l’autre.Modalités d’évolution du management dans les EIEThèmes Singularités Modalités exemplairesStratégieMissionsdesDRHActionSource : Duport (2010)Stratégie de dissimulationStratégie du temps mortManagement de lanotoriétéMissions extraéconomiquesde formationet transfert de savoir-faireMission de régulationChangement diffusTransformationssilencieusesDouble liste, hiérarchieparallèleManagement d’attenteMécénat, fondations,subventions,communicationFormation des fournisseurs,création d’écolesFaire coexister le virtuel etla réalité, managementdélégué, gentlemanagreementPlan de carrièrecontractualisé, adaptationdes outils managériauxAutonomie de l’action parrapport au siègeUtiliser les fictionsorganisationnelles pourjustifier l’autonomie485


L’activisme numérique des salariés chinois favorise, également, le changement et conduit lesfiliales à développer des compétences spécifiques.Par exemple, réalisant que les salariéspratiquent le « benchmarking » et qu’ils comparent sur les réseaux sociaux les diversavantages proposés, des filiales étrangères ont décidé de mener une enquête comparative surleurs propres périphériques de rémunération dans le but de limiter la surenchère ( Duport &Janicot, 2011). Dans plusieurs zones économiques reculées, nous avons constaté des formesde « gentleman agreement » pour contrer les processus de débauchage/réembauchage et laspirale inflationniste des salaires qui en découle.La prise en compte de l’altérité dans les organisations est autant l’acceptation de ladivergence d’intérêts et d’opinions que l’obligation de composer avec. Concernant lemanagement, elle se situe à trois niveaux, dans la relation avec l’environnement, dans larelation interpersonnelle mais également dans la relation entre le siège et les filiales. Lesmutations dans les pratiques managériales sont longtemps restées cantonnées au niveau localmais le transfert de technologie, de savoir-faire et de savoir-être ne se fera pas à sens unique,l’échange a déjà commencé et récemment certains sièges ont institutionnalisé le partaged’expériences à travers des réunions mensuelles intra groupe (Duport, 2012),favorisantl’altérité, la prise en compte la diversité des expériences et la « désoccidentalisation duregard ».C’est l’idée même de modèle qui fait obstacle à l’ouverture, l’observation des pratiques enChine a pour intérêt de montrer le caractère ouvert, sous tensions de l’expérience notammentde celle des DRH. L’universalisme normatif pourrait devenir un universalisme expérimental,en Chine comme ailleurs, en abandonnant l’idée de modèle pour celle de l’expérience.4. ConclusionLa refondation du management, pourrait venir de l’extérieur, c’est de là que pourrait naîtrel’innovation, que pourraient être importées d’autres logiques. La logique ethnocentristedominante pourrait laisser la place à une logique polycentrique déjà intégrée dans lemarketing avec l’approche multidomestique et observable dans les solutions émergentesmises en œuvre par les DRH en Chine. Comme le dit Todorov on progresse en acceptant devoir dans les autres cultures des éléments positifs dont chacun peut s’inspirer. « Prendre enconsidération le point de vue des autres ne signifie pas qu’on opte pour l’altruisme au détriment de l’égoïsme,ou pour la xénophilie contre la xénéphobie : il est dans notre intérêt d’enrichir ainsi notre compréhension dumonde » (Todorov, 2008, p.64).La métamorphose, les mutations ou la refondation du modèle ne reposent pas sur lareproduction de structures existantes mais bien sur l’innovation constante liée à l’expérience,sur l’intégration de l’innovation organisationnelle et sur un management de fonctionnalité auniveau global. Le processus de refondation est en cours, il est accéléré par l’installation desentreprises multinationales dans les pays émergents et en Chine en particulier et nouspouvons nous risquer à prédire l’irréversibilité de ces mutations.Les entreprises sont influencées par la société dans laquelle elles fonctionnent et par lavirtualité qui la caractérise : virtualité de la finance, virtualité des biens comme la vented’accès (Rifkin, 2000) à ... La crise financière a montré les dangers de cette virtualité qui neconnaît pas de limite et les risques de la déraison. L’entreprise qui par ses fictionsorganisationnelles s’est éloignée de la réalité est, par certains aspects, tombée dans ladéraison et dans l’irrationnel et comme la finance fait « commerce de promesses » (Frison-Roche, 2010), l’entreprise fait acte de langage et « management de promesses ». La criseoblige à porter un autre regard sur la financiarisation de l’économie, à prévoir desmécanismes de régulation il en est de même pour les entreprises qui sont le reflet de lasociété. La régulation de l’agir ne peut se faire par un carcan de normes et de règles mais486


dans des systèmes souples d’interaction entre les sièges et les filiales, dans lesquels lesindividus peuvent, en amont, se rencontrer et discuter des normes et des décisions qu’ils vontappliquer contrairement à la conception managériale qui consiste à considérer que les siègesont le primat sur l’édiction des règles et des normes et que la régulation intervient après parle truchement des systèmes d’informations. Notons que cette régulation électronique nerésout rien mais masque des dysfonctionnements. Les DRH des EIE essaient de remplir cettemission de régulation, ils demandent une adaptation des normes et quand ils ne l’obtiennentpas, ils « bricolent » des solutions innovantes. La solution réside dans des normes qui soienten permanence rediscutées et partagées.Le management à l’image du monde globalisé est traversé par des dynamiques antagonistes,des dynamiques de désordre. L’entreprise est donc un lieu de rencontre de processusantagonistes, de processus de transformation, de processus hétérochroniques voire régressifset d’une pluralité des modes d’action dont la compréhension nécessite des regards et desapproches plurielles.RéférencesAllard-Poesi, F., Koenig, G., Laroche, H., Roux-Dufort, C., - Vidaillet, B., Le sens de l'action : KarlWeick : sociopsychologie de l'organisation, Vuibert, 2003Berlin, Isaiah (1969), Éloge de la liberté, Calmann-Lévy, 1988.Canto-Sperber Monique, (2006), « Il existe un cœur de valeurs partagées par toutes les cultures»,Sciences Humaines, La moralisation du monde, Grands dossiers, N°2, Mars-Avril-Mai.Demorgon, J., (2000) L'interculturation du monde, anthropos, Economica.Dortier, J-F. (2009), « Au-delà des clichés », Sciences Humaines, La pensée en Asie, N°200, janvier.Duport Danièle (2011),LoysLe Roy, renaissance et vicissitude du monde, Presses Universitaires deCaen.Duport Michelle (2010), « De l’usage de l’altérité dans le management des ressources humaines -entre hétérologie et homologie dans les EIE en Chine», Thèse de Doctorat en Sciences degestion, - .Duport Michelle (2011), Management interculturel en Chine : Du dialogue au « dyslogue »,Bordeaux, Identité, diversité et management responsable, 8ème journée Humanisme & Gestion, avril.Duport Michelle et Luc Janicot, (2010), L’idéologie managériale de la diversité, entre rhétorique etpratiques- Le cas des FMN en Chine », Bordeaux, Identité, diversité et management responsable,7ème journée Humanisme & Gestion, avril.Duport Michelle et Luc Janicot, (2010). De l’usage de la diversité culturelle dans l’idéologiemanagériale - Le cas des entreprises multinationales en Chine, Revue Humanisme et Entreprise,Culture et gestion, N° 300, novembre-décembre.Duport Michelle et Luc Janicot, (2011) « Pour une GRH bienveillante et harmonieuse : santé, sécuritéet RSE dans les entreprises en Chine », 22 ème congrès de l’AGRH, Marrakech.Duport, M. (2011). « À la recherche du bien-être au travail, les nouvelles voies d’expression »,29 ème Université d’été de l’IAS, Bien-être au travail, Montpellier, 1 er et 2 septembre, 13 p.Duport, M., (2012) « L’altérité comme pratique : d’une logique comptable de la différence à unelogique humaniste interactionniste »,Bordeaux,Regards croisés sur la Responsabilité Sociale :Mutuellisme, solidarité et management interculturel , 9ème journée Humanisme & Gestion, avril.Duport, M., De l’exotisme managérial à l’altérité, AGRH, Billet d’humeur, février 2009.Duport, M., Janicot, L. (2010). « Les EIE en Chine et la refondation du MIRH : entre tyrannieprocédurale et management de crise », Nouveaux comportements, nouvelle GRH, 21 ème congrès de487


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Les tensions dans la relation d’emploi des cadreslogistiques seniors face au culte de la performanceMarc VALAXMaître de Conférences HDRMagellan – IAE de LyonRésumé:Le management de la diversité est une réalité à multiples facettes dans le secteur de lalogistique. Au sein de la supply chain, la mobilisation forte des salariés seniors et del’encadrement s’accompagne pour les entreprises les plus innovantes d’un plan d’actionsenior. Les priorités de ce plan concernent le maintien dans l’emploi des seniors ainsi quel’amélioration de leurs conditions de travail. Notre étude prend pour base une plateformelogistique d’un grand magasin suédois d’ameublement ayant mis en place un tel plan et leservice procurement d’une entreprise japonaise en France peu enclin à la gestion de ladiversité. Les résultats de cette étude exploratoire laissent apparaitre des comportements autravail contrastés avec pour certains un épanouissement affiché des seniors et pour d’autresune souffrance au travail tenace renforcée par la logique performance.Mots-clés: Rôles des cadres seniors, régulation conjointe, stress organisationnel, contratpsychologique.490


La responsabilité sociale des entreprises (RSE) prend pour référence un caractère volontaristeet légal (Igalens, 2009). De nombreuses Directions générales posent comme impératif auservice logistique la maîtrise des coûts et une logique de performance sans se positionnerclairement sur le terrain de la législation et de la responsabilité sociale (Benoit, 2005).L’intégration volontaire des préoccupations sociales (de diversité) et écologiques desentreprises à leurs activités et à leurs relations avec les parties prenantes n’est pas toujoursprioritaire dans le secteur logistique (Cornet & Warland , 2008)). La mobilisation forte dessalariés seniors et de l’encadrement s’accompagne pour les entreprises les plus innovantes dusecteur d’un plan d’action senior. Les priorités de ce plan concernent le maintien dansl’emploi des seniors ainsi que l’amélioration de leurs conditions de travail. Alors que lescadres logisticiens seniors sont soumis à une logique de réduction des coûts et deperformance, certains d’entre eux doivent témoigner encore davantage d’un dépassement desoi et d’exemplarité face à des jeunes cadres (Allard, 2011). Cette frénésie du travail nuit àl’efficacité de tous ; elle présente des risques individuels (burn-out), interpersonnels (conflitsde rôles) et organisationnels (erreurs décisionnelles et stratégiques). Conscients de ce fait, lesDRH tentent de gérer les contraintes de ces cadres logisticiens seniors par une philosophie degestion de la diversité, un état d’esprit, empreint du souci de mieux faire auprès des séniors,d’attention à une plus grande participation et d’ouverture aux leçons de l’expérience (Aubert,2004 ; Marbot & Peretti, 2004). Il est important que les cadres logisticiens seniors soientperçus avec une proximité relationnelle et émotionnelle (Bellini, 2007) permettant de motiveret communiquer, d’être intègre et courageux dans des logiques collectives de régulationconjointe (Reynaud, 1989) et de contrat psychologique (Rousseau, 1995). Nous avonsprivilégié cette double approche afin de revisiter la vision de la gestion des seniors. Lagestion des cadres seniors s’avère fragilisante pour certains (Dejours, 1998) 142 et rejoindraitpour d’autres les problèmes d’agence 143 rencontrés dans les formes autonomisantes (Coutrot,1999) 144 .Notre question de recherche vise à décrire et à comprendre que derrière cette image desmanagers logisticiens intrinsèquement dynamiques et enthousiastes, s’investissant sanscompter pour le bien de leur entreprise, il conviendrait de nuancer la réalité des rapportssociaux (Bouffartigue, 2001) 145 . Nous souhaitons questionner le contexte de développementde la diversité notamment envers les séniors dans le secteur logistique qui apparait commefreiné par l’accroissement de la pression de la demande et des obligations de résultatsétroitement contrôlés par des systèmes de pilotage et d’anticipation des performances.Notre problématique s’oriente sur une interrogation de la logique collective des cadreslogisticiens seniors dans le secteur logistique : pourquoi et comment rendre possiblel’implication organisationnelle des cadres logisticiens seniors et la montée en puissancecollective vers une plus grande performance de l’entité de travail logistique ?142 Dejours, C. (1998) Souffrance en France. La banalisation de l’injustice sociale, Editions du Seuil, Paris.143 « Ce qui dicte actuellement les décisions managériales n’est pas la maximisation de l’efficacité économique mais celle duprofit : produire mieux ou moins cher peut s’avérer moins rentable si cela conduit à renforcer la position des salariés dansla négociation pour le partage de la valeur ajoutée ».144 Coutrot, T. (1999) L’entreprise néo-libérale, nouvelle utopie capitaliste, Edition La Découverte, Paris.145 Bouffartigue, P. (2001) Les cadres : fin d’une figure sociale, Editions La Dispute, Paris.491


Pour éclairer cette problématique une étude longitudinale a été conduiteauprès des cadres de deux services logistiques :- le service flux marchandises d’une plateforme logistique d’un géantde l’ameublement suédois- le service procurement d’une filiale française d’une grande entreprisejaponaise de produits audio et vidéo de haute technologie.Dans un premier temps, nous préciserons les fondements humains de la politique de diversitéenvers les seniors dans le secteur de la logistique. Nous préciserons aussi notre protocole derecherche.Dans un deuxième temps, nous porterons une attention particulière sur l’évaluation desrisques organisationnels liés à des dysfonctionnements dans la gestion de la diversité.Les cadres séniors et les tensions dans les relations d’emploiDans l’environnement concurrentiel qui est celui des entreprises de logistique aujourd’hui, la capacité àgénérer des taux de rendement annuels supérieurs à 10% et à améliorer régulièrement les indices desatisfaction des clients fait maintenant partie des attentes normales des dirigeants des entreprises. Pourprendre cet avantage compétitif, les entreprises doivent contrôler chaque maillon de la chaîne logistique,depuis les matières premières juqu’au magasin, en passant par la production et la distribution (Dornier,2001). Ce défi permanent imposé au service logistique répond à de multiples objectifs à la fois : réduireles temps de cycle depuis la production jusqu’à la mise en marché, éliminer les stocks inutiles à tous lesniveaux, améliorer la rapidité et la précision des livraisons.Cette démarche d’optimisation de la chaîne logistique et du réseau interentreprises fait appel àla compétence des managers et des collaborateurs et à une logique de stress généralisé. Lescadres séniors sont particulièrement exposés à une pression accrue et des rythmes de travailnécessitant une endurance à l’alternance jour/nuit (Volkoff & alii, 2000). Face à un possibledéficit de performance, Kanfer & Ackerman (2004) soulignent que les salariés seniorsmobilisent des capacités cérébrales différentes de celles des plus jeunes par une« restructuration neuronale ». Ils développent une « intelligence cristallisée », c’est-à-dire unmode de raisonnement qui mobilise la mémoire et les connaissances du passé pour résoudreun problème quotidien.Pour cerner cette approche particulière, nous avons défini un protocole de recherche dans unelogique d’investigation approfondie au sein d’une entreprise d’origine japonaise soumise àune innovation organisationnelle et d’une plateforme logistique d’une enseigne suédoised’ameublement.Le protocole de rechercheLes données théoriques et d'investigation ont été articulées au sein d’un protocole derecherche par la conduite d'une étude longitudinale exploratoire de nature qualitative avec 11entretiens de cadres logisticiens de plus de 54 ans. Les recherches ont été conduites auprès dela filiale française d’une entreprise japonaise au sein du service procurement et au sein d’uneplateforme logistique d’une enseigne suédoise en France. L’objectif de cette approcheexploratoire a été de rendre compte des difficultés au quotidien dans le service logistique par492


la conduite de séries d’entretiens auprès des cadres du service logistique (N= 11) selon unelogique de rencontres régulières sur un an. Un guide d’entretien a été établi. Une analyse decontenu a mis en valeur les différents enjeux et représentations des cadres logistiques seniorsà différents moments de leur vie au travail.La démarche de recherche qualitative peut s'apparenter au premier abord à un assemblage deméthodes. Elle est avant tout pragmatique dans le sens où nous avons été amené à élaborerpar choix successifs des méthodes de questionnement du terrain en fonction d’aléas. Nousavons ainsi commencé une série d'entretiens et une analyse de contenu avec une premièreanalyse succincte. Par la suite, nous avons formulé une lecture interprétative approfondie aufur et à mesure que les obstacles humains à la réussite de l’organisation d’une chaînelogistique ont été explicités.La pertinence des résultats réside dans la vérification de la scientificité de notre recherchequalitative. L'objectivité souhaitée correspond au souci non pas d'éliminer la subjectivité quiconstitue en fait la nature essentielle du matériel mais d'obtenir une rigueur de lecturepermettant des interconnexions. Le traitement des données a ainsi été réalisé par une analysede contenu des discours développant un certain formalisme tout en laissant une placeconfortable à l'induction.Les éléments ont été codés selon leur nature explicative causale tels des exemples serapportant à leurs vies professionnelles ou faisant partie d'une analogie, des énoncés, desthéories personnelles des logisticiens seniors, des postulats relatifs aux conditions de réussiteet aux échecs dans leurs relations de travail. Ces éléments ont été codés en intégrant un pôlenégatif et un pôle positif sous la forme de construits et d’isotropies permettant à terme dedéfinir les obstacles humains à la réussite de l’organisation d’une chaîne logistique.Le terrain d’étudeLa performance du service logistique est considérée comme la référence des deux cas étudiés.Thévenet (2002) distingue trois éléments essentiels de la performance (le style demanagement, les règles et les valeurs). Les théories des relations humaines ont montrél’importance de l’orientation du cadre vers les subordonnés pour atteindre la performanceorganisationnelle en étant à la fois le bras et le représentant de l’autorité.Le cadre senior doit être soutenu en termes psychologique par un système de gestionqui lui permette d’exercer sa pleine responsabilité de management à partir des règles forgéesdes expériences vécues en différents lieux de socialisation (école, université, stage enentreprise). Ces règles pour être efficaces doivent être l’expression de valeurs partagéesconstituant une forme de contrôle et d’influence des comportements.Cas n°1L’entreprise S étudiée est connue pour la conception et la commercialisation de produitsaudio et vidéo de haute technologie. D’origine japonaise, elle possède des filiales dans lemonde entier et notamment en France. Le service procurement intégré à la chaîne logistique etbasé sur le site de production, a pour mission essentielle d’approvisionner tout le marchéeuropéen grâce à la gestion des commandes passées aux principaux fournisseurs. C’est dansce service que la pression concurrentielle a été renforcée. Initialement, la gestion descommandes était assurée par un système peu fiable et qui nécessitait un travail manuel desaisie.493


Le mécontentement grandissant des clients ainsi que des employés a amené l’entreprise S à seremettre en question et à opter pour une restructuration générale de son processus de gestion.La solution de gestion intégrée SAP R/3 a été retenue pour pallier les problèmes existants. Laculture d’entreprise très forte s’exprime quotidiennement dans la charte du groupe qui affirmequ’il faut :- faire ce que les autres ne font pas,- avoir toujours une longueur d’avance,- utiliser le plus haut niveau de technologie possible ,- avoir une vision résolument mondiale,- encourager au maximum le développement des talents de chacun,- fonder l’organisation sur la valeur de l’individu.Un certain nombre de valeurs fondamentales viennent compléter l’esprit maison : uneautonomie donnée à chaque personne, le sens des responsabilités et la libre circulation del’information. Cela se traduit par une organisation de type cellulaire qui assure à l’entrepriseS une certaine souplesse de fonctionnement et une capacité d’adaptation.Cet « espace de liberté » donné à chaque salarié s’accompagne d’une insistance marquée surle culte de la performance organisationnelle et de la cohérence interne. L’entreprise prendsouvent une place disproportionnée dans la vie quotidienne des salariés (60h de travailhebdomadaire en moyenne est monnaie courante au sein du service procurement).Cette nécessité de cohésion au sein du service logistique renvoie à deux actions attribuées au cadre :- coordonner : assurer un fonctionnement conjoint d’activités différentes (animation,motivation d’équipes, être autonome dans la gestion d’un centre de profit).- Intégrer : faciliter l’épanouissement de chacun dans un environnement de travailrespectueux.De plus, l’entreprise S a soudainement changé de cap en GRH. Elle a pris sesdistances par rapport à des pratiques de management à la « japonaise » du service logistiquecomme le recrutement réservé majoritairement aux jeunes diplômés, l’avancement et lesprimes d’ancienneté pour s’orienter sous la pression de la concurrence vers une politique derecrutement de cadres confirmés seniors, la promotion au savoir-faire et des primes deperformance.Cette évolution a fait l’effet d’une révolution au sein du service procurement.L’implémentation du progiciel de gestion intégré SAP R/3 est venue renforcer cette tensionet faire évoluer la relation d’emploi notamment auprès des cadres seniors.Cas n°2Le deuxième cas étudié est la super plateforme logistique en France d’un géant suédois del’ameublement. Elle a été crée en 2008 et compte 130 000 m2 d’entrepôt pour les magasinsde l’Europe du Sud. L’entreprise I bénéficie d’une expertise en logistique. Pour maintenirdes prix bas, l’enseigne I a besoin d'acheminer les marchandises du fournisseur auconsommateur de la façon la plus directe, la plus rationnelle et la plus respectueuse del'environnement possible. Cette règle vaut pour le transport (routier, maritime, ferroviaire) etpour la manutention dans les centres de distribution et les magasins. Les paquets plats et lesarticles empilables, par exemple, lui permettent de transporter de plus grandes quantités à la494


fois dans une démarche de responsabilité sociale avec moins de camions sur les routes etmoins d'émissions de CO2.Les valeurs affichées de cette entreprise sont :Humilité et volontéLe leadership par l'exempleOser la différenceCohésion et enthousiasmeConscience des coûtsDésir constant de renouveauDonner et prendre des responsabilités.L’entreprise I fait aussi partie de ses entreprises qui ont récemment ouvert leur portes à desseniors. Ainsi les magasins de l’enseigne I ont été incités par la DRH à utiliser la méthoded’embauche par simulation où l’unique critère d’embauche est la performance dans unesituation réelle favorable aux seniors. Les résultats ont été probants pour la population seniorqui postulait puisque celle-ci a su prouver toute son efficacité et son expérience dans ce typed’entretien. Avec plus de 17% de ses salariés seniors, l’enseigne est satisfaite de sesembauches remarquant que les seniors apportaient une présence rassurante pour les plusjeunes, et étaient une source positive d’ambiance au travail. « Les uns apportent avec leurardeur un coup de boost aux autres, les autres apportent calme et sérénité à une jeunesseparfois issue de milieux défavorisés » explique ainsi le DRH de l’entreprise I. Cette entreprisea mis un plan d’action senior en 2010 pour favoriser le recrutement et l’amélioration desconditions de travail des salariés seniors en situation de pénibilité notamment au sein de lachaine logistique.Les tensions observées dans les relations d’emploi des seniorsDans le contexte actuel où le sentiment de sécurité diminue et laisse une place croissante àl’incertitude, l'entreprise S et l’enseigne I accordent plus d’importance aux performances, auxclients, tout en suscitant moins de consultation pour avis et en développant les formesd'évaluation et de contrôle (Hallier & James, 1997). En parallèle, on observe undéveloppement de comportements opportunistes et une baisse de la fidélité, notamment chezles cadres juniors (Turnley & Feldman, 2000, Guérin, 2006). Plutôt que d'adopter un regardcentré sur l'organisation et sur ses règles, il s'agit dès lors de se centrer sur les cadreslogistiques seniors et sur la manière dont ils perçoivent les tensions, et par suite y réagissent.Les cadres logistiques seniors ont bien souvent un statut de marginal sécant. Ils doivent à lafois gérer un processus espace-temps visant la régularisation et la coordination intraorganisationnelledes flux physiques et informationnels. Ils doivent aussi mobiliser toutes lesressources internes (celles de l’entreprise) mais surtout externes (celles des partenaires) envue de favoriser la fluidité de la supply chain. Colin (1996) précise à ce sujet que les salariéssont soumis à « une culture de la complexité et de l’effectivité » qui repose sur l’adhésion detous les acteurs, en conflit, à un but commun. La source du conflit relève de la captation desgains logistiques à travers la notion de performance individuelle et de maintien d’un collectif.Le succès des chaînes logistiques réside dans la mise sous tensions des flux mais aussi dessalariés. Les cadres seniors sont un maillon de la chaîne absolument vital. La moindredéfaillance dans leur emploi engendre des dysfonctionnements en cascade tant dans495


l’entreprise qu’entre les entreprises. La fragilité des chaînes logistiques provient pour unegrande part du rôle déterminant d’acteurs humains faillibles dans un système orienté sur laperfection. L’enjeu humain est au centre du dispositif de recherche à la fois d’efficacité et desatisfaction des clients. Or, la vision du lien salarial au sein du service logistique divise lescadres. Certains s’estiment managers (cadres généralistes majoritairement seniors) alors qued’autres se perçoivent prestataires spécialistes (cadres experts essentiellement des juniors).Les relations d’emploi s’en trouvent fortement affectées.Tableau 1 : La relation d’emploi vue par les cadres juniors et seniors.Cadres logistiques seniors avec une visiongénéralisteCadres logistiques juniors avec unevision d’expertiseOrganisation aplatie du service logistiqueavec une approche réticulaired’interdépendance interne/externeRémunération fondée sur l’apport et le savoirfaire.Conviction dans sa relation d’emploiAvantages personnels salariaux minimaOrganisation pyramidale du servicelogistique avec une spécialisation desfonctions et des tâches.Rémunération basée la compétence.Loyauté dans sa relation d’emploiAvantages personnels salariaux nombreuxPerformance par la création de valeur ajoutée. Performance par la réduction des coûts.Consolider la supply chain en mettant enplace une flexibilité collectiveLégitimité charismatique dans l’équipe Légitimité traditionnelle dans l’équipePromouvoir l’uniformité et l’efficacité de la supplychain.Les cadres logistiques seniors interrogés (N=11) précisent qu’ils n’ont pas toujours de« priorités clairement définies », qu’ils parent au plus pressé en perdant quelquefois de vuel’important. Leurs compétences seraient de produire des succès partiels que certains qualifientmême de demi-échecs où tout est sans cesse à refaire au niveau organisationnel.Les objectifs de performance visés par l’encadrement sont constants mais reste souvent austade d’objectifs : créer un système qui élimine les erreurs, développer un partenariat interopération,réduire au minimum les coûts et les stocks, communiquer presque exclusivementpar voie électronique et donner totalement satisfaction au consommateur final.Ce vaste défi confié à l’encadrement n’est pas sans aboutir à des tensions dans les moyensd’atteinte de ces objectifs. Dans les deux entreprises étudiées, des logiques d’actiondifférenciées de la relation d’emploi peuvent être observées entre les cadres juniors etseniors. Une analyse de contenu a permis de différencier les cadres dans leurs visions destensions dans la supply chain. L’enjeu humain dans l’encadrement de la supply chain relèved’une certaine vision diamétralement opposée des compétences et habiletés nécessaires aubon fonctionnement logistique. Cette tension s’accompagne d’une mise en évidence desgroupes humains en interaction dans la supply chain.Une première analyse de contenu vient témoigner du fait que les compétences des cadreslogistiques seniors sont avant tout transversales (Bellini, 2007). Mais une organisation de lasupply chain avec des postes standardisés, des procédures et des objectifs rigides caractérisenttoujours l’entreprise S. Ainsi, le service logistique est encadré mais pas toujours dirigé.Cette première impression peut être précisée à travers les différents obstacles humainsrépertoriés par les cadres logistiques.496


Il est dénoncé dans l’entreprise S étudiée le fait que les diverses fonctions logistiquess’avèrent dispersées.Si les interventions de certains consultants ou de la Direction Générale tentent de réduire cesur-stress intense des cadres logisticiens seniors, la GRH in situ fait face à des conduitescompulsives de conflits de rôles. Inversement, si les interventions se préoccupentdémesurément de la vie affective au sein du service logistique, la GRH affronte des pressionsvers toutes sortes d'enjeux opérationnels.Au delà d'un ajustement mutuel entre les cadres, la GRH parait assurée non sans difficultésune articulation entre les niveaux effectifs de compétences et leurs reconnaissancesprofessionnelles des cadres seniors.Tableau n° 2 : les confrontations des cadres seniors au quotidienObstaclesLa difficile dynamisation du travailcollectifLa mobilisation complexe deslogisticiens seniors et le souci dela DG de leur implicationLe pilotage délicat deschangementsL’aménagement conflictuel de lastructure organisationnellePerceptions au quotidien par les cadres seniorsDans la supply chain, les logisticiens seniors travaillentdavantage en équipe que les juniors et consacrent beaucoup plusde temps aux réunions mais les rémunérations et les primesrécompensent toujours les résultats individuels.La Direction Générale ne peut se résoudre àabandonner les systèmes de contrôle classiques pourpermettre aux logisticiens seniors de prendre desinitiatives et de répondre aux besoins du client entemps réel.Malgré le pouvoir, les ressources et les moyensd’action d’une grande entreprise, le service logistiquedoit agir avec le mordant, la souplesse, l’esprit etl’ardeur d’une petite entreprise prestataire de service.Le service logistique est la fois dedans et dehors de lastructure organisationnelle en termes d’informationstratégique.Le supply chain management permet dans l’entrepriseS et l’enseigne I de traiter l’information et de créerdes infrastructures de communication à la hauteur desbesoins de l’entreprise qui a l’ambition d’être à la foispetite et grosse. Le service logistique notamment ledépartement procurement et flux manchandises estdécentralisé au maximum mais en gardant unreporting et un contrôle centralisé permanent.La mise en évidence de ces obstacles amène à s’interroger sur les possibilités de lagestion des cadres logistiques seniors dans un contexte de changement à travers l’approche dela régulation sociale et du contrat psychologique.497


Nouvelles perspectives théoriques d’analyse de la relationd’emploi de l’encadrement seniorPour aller au-delà d’une réalité de façade, nous avons envisagé au sein decette deuxième partie de questionner la gestion de la relation d’emploi descadres logisticiens à partir d’un cadre théorique élargi permettantd’introduire la vision d’acteur collectif et de contrat psychologique.Nécessité d’approfondissement des logiques d’actions individuelles et collectivesdes cadres seniorsLa théorie de la régulation conjointe 146 permet d’éclairer la réalité de larelation d’emploi des seniors sous un angle sociologique en cherchant ledépassement de la dichotomie autonomie/contrôle. J-D Reynaud abordecette problématique à partir des travaux de M. Crozier et de E. Friedberg etde la théorie de l’Analyse Stratégique. Pour cerner l’encadrement senior, ilconvient de considérer les acteurs organisationnels concernés dans unedimension à la fois stratégique et identitaire où «les règles généralesacceptables constituent un ensemble raisonnablement cohérent » (Reynaud,2004, p.113). De même, il ne suffit pas qu’il existe un intérêt commun descadres logisticiens seniors pour qu’une action collective se développe; ilfaut une mobilisation s’appuyant sur des règles d’action pour enclencher unprojet commun de diversité.« La théorie de la régulation sociale est bien une théorie du pouvoir puisqu’elle consiste àessayer de comprendre comment se forment des règles et comment se définissent les rapportsnon symétriques, les rapports de dépendance. C’est tout l’intérêt à mes yeux, d’unrapprochement de la sociologie avec l’économie des conventions…La théorie de la régulationsociale n’est pas un dogme et ne constitue pas une chapelle…Elle peut offrir un paradigmepour un grand nombre de situations d’échange et de relations sociales ». (Entretiens avec J-D. Reynaud, 2003, p.13) 147 .L’angle d’approche de la problématique de la gestion des seniors est ici systémique : elleintègre la compréhension du système social d’interaction des cadres logisticiens seniors endépassant la notion d’acteur individuel et en se positionnant selon une théorie de l’acteurcollectif (Reynaud, 2007) 148 . La régulation structurerait l’action collective des cadreslogisticiens seniors autour d’un projet commun de diversité. Cette approche de la diversité et146 Les hypothèses de travail de JD Reynaud explicitées dans son ouvrage réédité et réactualisé (Reynaud, J-D. (2004)Les règles du Jeu. L’action collective et la régulation sociale, Edition Armand Collin, Paris) montrent que « lesindividus interagissent dans un système social et ce sont des règles qui structurent leurs comportements. Une règle est unprincipe organisateur qui va orienter l’action. Les règles sont liées à un projet d’action commune et ne sont rien d’autre queleur capacité réelle à régler des interactions. C’est la régulation, et non la règle elle seule, qui va permettre à l’actioncollective de se pérenniser et d’évoluer ».147 Louart, P. & Pezet, E. (2003) « De l’analyse des relations professionnelles à la théorie de la régulation sociale. Entretienavec Jean-Daniel Reynaud », Revue Gérer et Comprendre, N°73, Septembre, pp.4 -13.148 Reynaud, J-D. (2007) « La construction des acteurs collectifs. Relire François Sellier », Revue Française de Sociologie,Vol. 48, n°2, pp.369-386.498


de la solidarité « n’est pas incompatible avec celle de la théorie des Conventions, ou de laTraduction » (de Terssac, 2003) 149 . « Le compromis, la notion de convergence autour d’unprojet commun de diversité , vont aussi s’appuyer sur des régulations et ces théoriesinstituent elles aussi des acteurs collectifs autour de règles ».J-D Reynaud a élaboré une théorie des régulations, qui place la négociation des règles aucœur de la dynamique des organisations. Les règles (qu’elles concernent les salaires, lesclassifications, le temps de travail) sont le produit de négociations entre les acteurs juniors etseniors, négociations issues de jeux dont les règles ne sont jamais fixées une fois pour touteset qui aboutissent à des compromis de type contrat psychologique.Qu'elles retiennent la terminologie de "relation d'emploi", d' "échange salarial" ou de "contratpsychologique", les recherches actuelles sur la gestion des seniors visent à analyser commentl'exigence de cohésion et de performance modifie le lien entre les salariés et l’encadrementsenior. Le contrat psychologique présente pourtant des caractéristiques qui lui sont propres etqui permettent de l'identifier comme un concept unique et discriminant.Rousseau (1995) aborde le contrat psychologique comme "les croyances individuelles sur lesobligations mutuelles qui existent entre employeur et salarié". Cette définition s'est imposéeet c'est désormais celle qui est retenue dans la plupart des recherches. Elle permet de préciserles caractéristiques du contrat psychologique:- il s'agit d'une perception subjective qui varie d'un individu à l'autre;- la notion est dynamique et évolue au cours du temps, puisque la relation entre employeuret salarié change avec les années;- la perception porte sur des obligations mutuelles, fondées sur des promesses que chaquepartie s'engage à respecter en échange d'une contrepartie.Le contrat psychologique est donc abordé dans une perspective individuelle et nonorganisationnelle, et se distingue en cela de la relation d'emploi, qui regroupe les exigences etles attentes fixées par l'employeur (Rousseau, 1989). Afin de prendre en compte la variété descontrats psychologiques implicites qui peuvent émerger chez les cadres logisticiens seniors,nous pouvons reprendre les apports de McNeil (1985) qui distingue le contrat relationnel,fondé sur une relation de satisfaction mutuelle et sur des attentes à long terme, et le contrattransactionnel, centré sur un échange à court terme entre contributions et rétributions.Dans le contrat relationnel, supposé être le type de contrat le plus répandu dans le passé, lescadres seniors verraient leur entreprise comme une famille qui apporte des rétributionssécurisantes (emploi à long terme, perspectives de carrière). Leur identification à l'entrepriseest forte et s'exprime à travers le souhait de rester. Ils peuvent éprouver un sentiment deviolation de ce contrat si l'employeur ne leur apporte pas la sécurité qu'ils attendent.Dans le contrat transactionnel, présenté comme le type de contrat qui tend à se développerdepuis une dizaine d'années, les cadres seniors percevraient leur lien à l'entreprise commeponctuel et économique, consistant à démontrer performances et flexibilité en échange deperspectives d'évolution, qu'elles soient salariales ou promotionnelles. Les cadres perçoivent149 de Terssac, G. (dir.) (2003) La théorie de la régulation sociale de Jean-Daniel Reynaud : débats et prolongements, Paris,Edition La Découverte.499


alors leurs obligations à l'égard de l'entreprise comme ponctuelles et adoptent des attitudesplus individualistes à l'égard de leur carrière (Cavanaugh & Noe, 1999).Tsui et al. (1997) ont ainsi démontré que c'est dans le cadre de contrats transactionnels que lesperformances au travail des salariés sont les meilleures, alors que le contrat relationnel tend àdévelopper des comportements plus fidèles et plus citoyens.En outre, cette recherche souligne que les salariés adoptent les comportements les plusnéfastes au bon fonctionnement de l'entreprise lorsqu'ils ont le sentiment que l'échange avecleur employeur se fait à leur détriment. Les conséquences d'une telle perception sont négativespour toutes les dimensions du comportement organisationnel, qu'il s'agisse des performancesau travail, de la fidélité ou des attitudes à l'égard de l'entreprise et de ses membres. Ce résultatest particulièrement marqué lorsque c'est un contrat de type transactionnel qui est jugéinéquitable. Se pose dès lors le problème du respect des promesses faites aux salariés, et de lacapacité à proposer un échange qui satisfasse les deux parties.Tensions issues de la violation du contrat psychologiqueDu point de vue des cadres logisticiens seniors de l’entreprise S, il est déterminant decomprendre et d’interpréter le processus par lequel les cadres seniors, en interaction avec lecontexte organisationnel, construisent leur expérience et donnent du sens à leur vécu. Cetteperspective considère que les cadres seniors s’engageraient dans une logique deresponsabilisation par rapport à des promesses faites par l’employeur plutôt que par rapport àdes préférences stables dont ils seraient porteurs. Or, dans l’environnement de changementavec l’avènement de SAP R/3, les promesses des employeurs ont été revues et réorientées surle culte de la performance.En effet, la perte de la sécurité de l'emploi, couplée aux demandes croissantes de flexibilité,d'efforts et de performances, a été vécue par les cadres logisticiens seniors comme une rupturedes obligations initialement fixées. Cette rupture aboutit à une impression d'injustice, liée ausentiment que le contrat psychologique est déséquilibré, au détriment du cadre logisticiensenior. La violation du contrat psychologique est définie comme "une expérienceémotionnelle et affective de déception, de frustration, de colère, de ressentiment, qui peutémaner de l'interprétation du salarié de la rupture du contrat et des circonstances quil'accompagnent "(Morrison & Robinson, 1997).Ce sentiment d'injustice est au cœur du processus de violation, et explique les réactionsconséquentes des individus. C'est l'injustice procédurale qui est supposée aboutir auxcomportements les plus négatifs, à savoir le retrait et le départ (McFarlane Shore & Tetrick,1994). Le sentiment de violation lié à une injustice distributive ou relationnelle conduiraitplutôt à la recherche d'une révision des termes du contrat.La revue de littérature sur le contrat psychologique et sa rupture permet de souligner la naturede la relation d’emploi tout d'abord –allant d'un continuum entre relationnel et transactionnel-,selon la manière dont l'entreprise la développe ensuite –allant d'un continuum entre lesentiment d'un parfait respect et le sentiment de violation totale-, modifie les comportementsdes cadres seniors, notamment leur fidélité et leurs performances.Cette hypothèse est au cœur des recherches sur le contrat psychologique. Elle a conduit à demultiples travaux qui visent à tester la relation entre la nature et la rupture du contrat, et unensemble d'attitudes et comportements. La violation du contrat psychologique ouvre unchamp réaliste à l’action des entreprises confrontées dans leur gestion des cadres seniors aux500


exigences de cohésion interne et condamnées à la performance organisationnelle. Elleparticipe à un certain paradoxe où les cadres logisticiens seniors ne peuvent plus gagner deprotection de l’entreprise, ils doivent par eux-mêmes s’armer en développant leurpolyvalence. Les chaînes logistiques seraient marquées par une violation du contratpsychologique réclamant toujours plus d’implication de la part des cadres logisticiens seniors.De ce fait , l’entreprise S étudiée en vient à s’intéresser à la personne dans son ensemble. Ledéveloppement de l’implémentation de SAP R/3 au sein du service procurement dans uncontexte de sur-stress amène les cadres logistiques seniors , malgré eux, à privilégier l’actionorganisationnelle. Celle-ci est soumise à des exigences passablement contradictoiresengendrant des conflits d’intérêts.Cet état de fait est constaté par le service GRH de l’entreprise étudiée sans qu’une actioncorrective ne soit entreprise. Le sur-stress existe chez les cadres logistiques seniors mais ilpermet d’atteindre « le stade de l’optimisation » aux dires du directeur logistique. Ce cynismen’est pas une attitude constructive, car il ne produit aucune valeur durable pour le réseau, pasplus que les fonds nécessaires pour investir dans des efforts futurs de cohérence interne oul’amélioration de la performance organisationnelle à long terme de la supply chain.Une autre démarche plus acceptable, consiste à prendre l’initiative d’associer des actionsGRH spécifiques de gestion de la diversité envers les cadres logistiques seniors afin dedéterminer comment mettre en commun des ressources humaines âgées qui permettent dedégager des sources d’économies de temps, d’argent et d’énergie plus importantes, dont unepartie sera partagée au sein de la supply chain.La mise en place d’actions de gestion de la diversité spécifiques au sein de l’enseigne I detype plan d’action senior a permis de favoriser la compréhension, la confrontation, lacirculation et la cohésion. Les cadres logistiques seniors sont au centre de la démarche quis’appuie sur un double renforcement : celui de la performance organisationnelle et celui de ladiversité culturelle. Ces deux renforcements à prévoir en GRH permettraient précisémentd’obtenir une amplification de quatre leviers d’action (diffuser, développer, faciliter etconstruire collectivement).Derrière ces quatre leviers se profilent une problématique concertée de gestion de lapopulation senior en entreprise. Pour la manager, il convient que les cadres logistiques seniorset juniors, la Direction Générale et la DRH aient le sentiment que leur engagement communélève réellement leurs niveaux de connaissances et les possibilités d’échange dans la supplychain.Cette gestion collective du projet de changement fait de ce processus un apprentissagecollectif complexe de gestion de la diversité concernant plusieurs domaines : celui desconnaissances logistiques (dimension cognitive), celui de l’affect (attitudes, sentiments, surstress),celui des relations interpersonnelles et celui du développement du potentiel humaindes seniors.Les attributs propres à chaque cadre logistique seniors sont susceptibles d’apprentissagecollectif mais les méthodes d’acquisition vont être différenciées selon la nature du contratpsychologique. Un contrat psychologique transactionnel exigera moins de capacitésinterpersonnelles qu’une situation très marquée par l’affectif. Par contre, une situation à fortenjeux personnels comme dans le contrat psychologique relationnel relativisera le domaine ducognitif. L’apprentissage collectif dans la gestion des cadres seniors de la supply chain feraappel à la fois au domaine du cognitif (explicite et implicite) au sein d’une politique dedéveloppement des ressources humaines mais il se doublera d’un apprentissage501


comportemental du cadre orienté vers le « vécu » et « l’expression » au sein d’une politiquede communication interne et de développement des compétences.La régulation des tensions par les pratiques de gestion de la diversitéL’action menée par l’enseigne I dans la gestion des cadres seniors s’opère selon deux axes:un axe de compréhension réciproque de l’action collective des cadres seniors et un axeclarification des enjeux organisationnels. Ce travail sur les deux axes à la fois permettrait declarifier le sens de l’effort individuel et collectif des cadres seniors dans les chaîneslogistiques. Leur situation d’encadrement étant identifiée et analysée par la DG et la DRH, lediagnostic aboutirait à des actions visant la diminution de la résistance au changement.Le développement de la communication interne est indispensable pour canaliser au mieux lesrésistances des cadres logisticiens seniors. Dans l’enseigne I, le plan d’action senior s’estinscrit dans un système organisé de gestion de la diversité en travaillant en collectif sur lacontrainte du supply chain management, en le fractionnant pour le rendre tolérable et plusaisément pensable par l’ensemble (DG, DRH, cadres opérationnels).Il a été essentiel dans la démarche de l’enseigne I que la DG accepte de travailler avec chaquecadre logistique senior sur l’élévation du seuil d’instabilité à savoir le seuil proche du burnoutà partir duquel une contrainte motrice devient inhibitrice par une action de formationactionà la reconnaissance de problèmes et au développement de compétences d’appropriationdu changement. Un travail en équipe de projets s’est avéré positif pour faciliter une logiquecollective des cadres seniors et éviter de monter les cadres logistiques seniors et juniors contreles autres cadres de l’entreprise (notamment des services production ou marketing). L’enjeuen gestion de la diversité dans l’enseigne I a consisté à privilégier au niveau des cadreslogistiques seniors la mise en mouvement au détriment de l’analyse par un passage depuis unesituation d’incertitude permanente à un apprentissage accéléré de son rôle d’encadrement.Ainsi, sans se préoccuper seulement du travail des cadres logistiques seniors en tant que tel, lagestion de la diversité par une action de développement des RH seniors au sein de l’enseigne Ia conduit à modifier la façon dont les cadres logistiques seniors envisageaient leurs proprescarrières. Il ne s’agissait plus de rechercher dans le passé la cause des blocages mais derechercher dans le présent la possibilité d’agir sur ce présent. La gestion de la diversité acontribué à une régulation conjointe des tensions en énonçant des diagnostics et despropositions propres à développer de la motivation, un contrat psychologique renouvelé et àrésoudre des conflits et des insatisfactions latentes des cadres logisticiens seniors.Par contre dans l’entreprise S les cadres logistiques seniors ne font toujours pas l’objet enGRH et auprès de la DG de discours convergents sur un plan d’action senior quiproclameraient que la fonction logistique soit à la croisée de plusieurs compétences. Dans lesdiscours des cadres seniors eux-mêmes qui d’un coté décrivent leur fonction comme unemosaïque de rôles et d’un autre lui assignent une violation du contrat psychologique, ilapparaît difficile d’y voir un rôle précis.Les cadres logistiques seniors représentent l’ensemble des intérêts collectifs de la supplychain et en même temps leurs intérêts personnels liés à la gestion du service procurement.Cette double nature leur permet de jouer sur plusieurs tableaux dans une démarche empreinteà la fois d’autonomie et de contraintes d’optimisation de la chaîne logistique.Les cadres logistiques seniors dans l’enseigne I visent quant à eux la totalité : tout savoir, toutsavoir faire, avoir l’œil à tous les coûts et les coups possibles. Mais devant être attentifs à tout,502


les cadres logistiques seniors de l’enseigne I seraient amenés à ne s’intéresser à rien de précisd’où l’expression d’une certaine vacuité de la fonction qui n’est qu’apparente.ConclusionLa théorie de la régulation conjointe permet de mieux comprendre les décalages entre desnormes de diversité et des pratiques de gestion des seniors en saisissant « les constructionsparticulières, les arrangements, les compromis des logiques organisationnelles ainsi qu’uneréflexion sur la légitimité des règles » (Reynaud, 1999) 150 . « Chaque acteur organisationnelva alors, à la fois jouer autour des règles (pour les interpréter ou les détourner à sonavantage) et sur les règles (pour contribuer à éprouver ou à transformer le système de règlesexistant sous un mode conflictuel et éventuellement constructif). La régulation conjointes’articule alors autour de confrontations multiples et d’ajustements permanents ».Les règles du jeu des cadres logistiques seniors (Minni & Topiol, 2004) dans une supply chainrelèvent d’un contrat psychologique fragile autour de quatre fonctions à menersimultanément : la gestion quotidienne de l’activité, la supervision technique, la négociationcommerciale et les relations avec les partenaires.Les cadres logistiques seniors jouent certes un rôle fort dans l’entreprise mais les autresacteurs organisationnels (Direction Générale, DRH, subordonnés et autres salariés) jouent euxun rôle clé dans la gestion indirecte de la supply chain; ils ont une appréhension de plus enplus forte car tous participent sur une grande échelle à sa mise en place et à son paramétrage.Ce changement organisationnel est induit aussi bien par la structure que par le moderelationnel. Le niveau des interlocuteurs des chaînes logistiques a changé avec l’évolution dela société de l’information. Au préalable, les logisticiens étaient orientés vers des tâchestechniques : la planification et la gestion des ressources. A présent, la maîtrise de la chaînelogistique requiert une mobilisation totale des logisticiens, des compétences métier et uneintégration de la stratégie de l’entreprise.Dans une supply chain, les logisticiens seniors sont contraints d’investir non seulement leurstemps, leurs compétences, leurs savoir-faire, leurs dimensions économiques mais aussi leursvies privées, leurs attentes personnelles, leurs espoirs et leurs craintes. Dans le cas étudié del’entreprise S, la Direction Générale ne fait pas appel à un renforcement de l’autonomie descadres logisticiens seniors comme source de mobilisation organisationnelle mais elle s’appuieau contraire sur un principe de contrat psychologique bien souvent violé.Ainsi, les logiques organisationnelles agiraient en déplaçant les rôles du planéconomique au plan psychologique. Les logisticiens seniors dans l’entreprise S et dansl’enseigne I seraient moins soumis à des exigences explicites de productivité mais à celles dese donner au maximum dans l’emploi ; elles ne leur demandent pas de faire de nombreusestâches logistiques, mais d’être les meilleurs ensemble et de travailler beaucoup pour sedépasser eux-mêmes sans cesse.Plus généralement, la gestion de la régulation conjointe et du contrat psychologique met audéfi la GRH de concevoir de nouvelle manières de gérer la place et l’influence de cadresseniors dans des entreprises en réseau interconnectés et solidaires envers cette catégorie depopulation.150 Reynaud, J-D. (1999) Le conflit, la négociation et la règle, Editions Octarès, Paris, p.15.503


Ce management contemporain des cadres logisticiens seniors suggère, incite, tout autant qu’ilcontraint (Louart, 1996). Il en appelle à la fois à l’initiative et à la docilité des cadres seniors.Responsabilisés et pas toujours émancipés des juniors, les cadres logisticiens seniorsdevraient assumer des rôles collectifs, des attitudes et des comportements renouvelés. Ilconvient encore actuellement de se demander quel est le degré réel d’autonomie et departicipation des seniors à la définition des orientations stratégiques dans la gestion de ladiversité des entreprises? La réponse tient en une gestion spécifique de cette génération desalariés sans attendre des résultats rapides et sans risques pour l’organisation (Falcoz, 2007).BibliographieAllard, M.J. (2011) « the diversity awards : what do they mean ? » in Harvey, C.P. & Allard,M.J., (Eds) Understanding and managing diversity, Pearson, pp.355-375Altman, B. Post, J. (1996), "Beyond the social contract: an analysis of the executive view attwenty-five larger companies", in Hall, D., The career is dead- long live the career, SanFrancisco, Jossey Bass, p. 46-71.Aubert P. et Crépon B. (2004), « La productivité des salariés âgés : une tentatived’estimation », Economie et statistique, n°368, INSEE, avril.Bellini S. (2007), « L’expérience professionnelle : capital ou fardeau pour les seniors »,Travail et Emploi, n°109, Janvier-mars.Cappelli, P (2008) Employment relationships: New models of white-collar work. New York:Cambridge University Press.Colin, J . (1996) « la logististique : histoire et perspectives », Logistique et management, vol4, n°2, pp.97-107.Cornet, A. & Warland, P. (2008) GRH et gestion de la diversité, Ed Dunod, Paris.Dornier, JP. & Fender, M. (2001) La logistique globale, Ed d’Organisation, Paris.Falcoz C., « L’âge : un motif de discrimination en construction », in Barth I. et Falcoz C.(dir) (2007), Management de la diversité. Enjeux, fondements, pratiques, L’Harmattan, coll.Recherches en gestion, 75-90.Fried, Y. & Tiegs, R-B. (1995) « Supervisor’s role conflict and role ambiguity differentialrelations with performance ratings of subordinates and the moderating effects of screeningability », Journal of applied Psychology, vol 80 , n°2, pp.282-291.Gautié J. (2004), « Les travailleurs âgés face à l’emploi », Economie et statistique n°368,avril.Igalens, J (2009) La RSE, Ed Que sais-je ?, Paris.Guérin S. (2006), Manager les quinquas, Editions d’organisation, Paris.Guerrero, S. (2001) « Le contrat psychologique au cœur de la relation d’emploi : bilanthéorique et perspectives de recherche », Working paper Lihre, Toulouse.Guillemard A.-M. (2003), L’âge de l’emploi. Les sociétés à l’épreuve du vieillissement, Paris,Armand Colin.Kanfer R. & Ackerman P.L. (2004), « Aging, adult development motivation », Academy ofManagement Journal, vol. 29, n°3, 440-458.504


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Une diversité de pressions pour les responsables :L’art de dénouer les nœuds en négociationAlain LempereurProfesseur Alan B. Slifka à la Heller School for Social Policy and Managementet Directeur des Programmes de Master en Coexistence et Conflit à l’Université de BrandeisMembre du Comité exécutif du Program on Negotiation à la Harvard Law School.Professeur visitant à l’Université de MannheimDocteur de l’Université de HarvardAdresse personnelle : Pendant l’été :80 Drabbington Way NegruWeston, MA0249320217 Olmeta du CapUSAFranceAdresse profesionnelle :Heller School for Social Policy and ManagementUniversité de Brandeis415 South StreetWaltham, MA 02453Pendant l’année académique : Pendant l’été :Téléphone personnel : 00 1 781 894 31 05 Téléphone personnel : 04 20 03 74 16Téléphone professionnel : 00 1 781 736 39 59 Téléphone mobile: 06 80 81 62 83Adresse électronique : Lempereur@brandeis.eduXXIX. Une diversité de pressions pour les responsables :L’art de dénouer les nœuds en négociationXXX.XXXI.RésuméLa négociation est un processus de résolution de problèmes entre personnes (échange social),qui expriment chacune, dans un déséquilibre de départ, une demande au moins (échange réel).Les responsables sont donc confrontés à la gestion d’une diversité de demandes ou pressions(managériale, commerciale, salariale et collégiale), qui constituent des nœuds distributifs, plusintenses encore en période de crise. La mission des responsables est souvent de dénouer cettediversité de demandes.507


Mots-clés : négociation, diversité de pressions, demande, échange, crise, nœud distributif,responsablea)Managers under a Diversity of Pressures.How to Overcome Negotiations Knotsb) AbstractLa négociation est un processus de résolution de problèmes entre personnes (échange social),qui expriment chacune, dans un déséquilibre de départ, une demande au moins (échange réel).Les responsables sont donc confrontés à la gestion d’une diversité de pressions (managériale,commerciale, salariale et collégiale), qui constituent des nœuds distributifs, plus intensesencore en période de crise. La mission des responsables est souvent de dénouer cette diversitéde pressions.Negotiation is a process of problem-solving between at least two people (social exchange),where each party expresses at least one demand (economic exchange). Therefore managersare often confronted with a diversity of pressures with their principals, clients, staff andcolleagues. These pressures create distributive knots, which are often more intense during aperiod of economic crisis, and which leaders must succeed in overcoming.Keywords : negotiation, diversity of pressures, demand, exchange, crisis, distributive knot,leadership508


XXXII. Une diversité de pressions pour les responsables :L’art de dénouer les nœuds en négociation« Tu veux, je veux » : toute négociation, dans sa structure la plus simple, se conçoit à partird’une demande croisée de deux personnes au moins. L’accord éventuel suppose de surmonter« les difficultés qu’il y a d’ajuster des intérêts souvent opposés » (F. de Callières 1716).Bien entendu, les circonstances d’une crise, telle que nous en faisons l’expérience, rendentplus difficile encore la satisfaction de cette double demande : « Tu veux, mais je ne peuxpas » ou « Je veux, mais tu ne peux pas. » La pression qui s’exerce sur un responsable luipèse, parce que non seulement il est confronté à la multiplicité de forces convergeant vers luide toutes parts, mais aussi à leur intensité. De nombreuses variables insolubles rendentl’équation extrêmement difficile à résoudre, empêchant la conclusion de nombreux accords.1. La négociation comme rapport question/réponseDans sa compréhension la plus fondamentale, une négociation est la rencontre d’au moinsdeux personnes (échange social entre A et B), qui expriment chacune, dans un déséquilibre dedépart, une demande au moins (échange réel ou économique sur deux objets a et b), que leprocessus de communication entre elles vise à satisfaire.Demande aPersonne A≠ demande bPersonne BFigure 1Au départ, les demandes des personnes A et de B ne sont pas compatibles et constituent un« nœud » à dénouer : la négociation se conçoit donc comme une énigme, un problème dont onignore à son origine s’il peut se résoudre. Le temps de la négociation, le processus de sondéploiement, vise à trouver un accord qui satisferait les motivations, besoins, intérêts dechacun mieux que l’absence d’accord.509


Prenons par exemple une négociation intra-organisationnelle entre un candidat à un emploi etun recruteur potentiel : réduite aux besoins les plus simples, elle s’exprime comme unedemande croisée, qu’on peut capturer par la formule « travail contre salaire » et inversement.Cette demande croisée se retrouve au même titre entre deux organisations, comme entre unfournisseur et un client : « paiement contre livraison » ; entre deux groupes sociaux« augmentation des salaires contre fin de la grève », voire entre deux pays : « paix contreterritoire », etc. La clarté de cette formule (W. Zartman et M. Berman 1982) est souvent leprélude de la découverte de l’accord et ensuite de ses détails.Bien entendu, la plupart des négociations complexes comportent bien plus qu’une seuledemande de chaque côté, ou plus exactement la demande générale qui souvent consiste en uneposition est à décomposer suivant une série de micro-demandes spécifiques à découvrir. Ainsiun client demande plus qu’un bien de son fournisseur : il veut une livraison de qualité, àéchéance déterminée, des garanties dans le temps contre tout dysfonctionnement, unepossibilité d’étalement du paiement, etc. Une « simple » demande de services comporte unemultiplicité de demandes qui rencontrera ou non du côté du fournisseur autant d’offrespossibles, mais aussi par effet en retour, une multiplicité de demandes connexes ou non de sapart, comme un paiement partiel à la commande, une prise en charge des risques de transport,rendant l’échange riche et parfois long avant que l’ajustement éventuel des demandesrespectives multiples puisse intervenir par construction progressive. La création de valeur ennégociation est souvent concomitante de l’identification d’équilibres optimaux intégrant cettedouble demande jusque dans ses composantes spécifiques, avec des échanges (trade-offs)possibles qui jouent de manière subtile et féconde sur cette multiplicité de la demande,comme d’autant de notes sur un clavier pour écrire la partition.L’accord en négociation est donc une co-construction ; il n’est rien d’autre que la solution à latable trouvée par les parties à la rencontre de leurs deux demandes (et de leurs constituants),accord qui convient mieux pour chacune de ces personnes que leurs solutions hors tablerespectives (Alain Lempereur et A. Colson 2010). Elle n’est rien d’autre en ce sens quel’illustration de la loi générale de l’offre et de la demande, sauf que chacune des partiesdemande et offre en même temps. Dans un rapport réciproque contractuel, l’offre de l’autrepersonne (sa réponse x) répond à ma demande, tandis que mon offre (réponse y) répond à lasienne.510


Réponse x = Réponse yPersonne A Personne BFigure 2La description de l’écart entre le déséquilibre de départ (figure 1) et l’équilibre attendu maisincertain d’arrivée (figure 2) résume une structure générale de questionnement où lanégociation part d’un problème social exprimé par une demande croisée « réelle » (sur deschoses), se déploie comme un échange riche d’interactions entre deux personnes sur lescomposantes de cette demande, pour constituer une tentative de résolution de problème etaboutir à une solution d’équilibre (s’il y a accord).Paul Valéry (1973) résumait cette conceptualisation par « Tout en D.R. », c’est-à-dire que,dans les interactions humaines, tout est Demande et Réponse, à l’image de ce que relevaitArnold Toynbee (1934) dans sa conception de l’histoire des civilisations comme unesuccession de « défi et réponse ». Qu’il y ait crise ou non, cette différence question/réponse –que Michel Meyer (1996) appelle problématologique – est structurante et invariable desinteractions. Elle sert aussi de fondement aux interactions de négociation (A. Lempereur2009, 2011).L’existence d’une crise comportera toutefois une variation dans l’intensité de la demandequ’il s’agira de capturer, intensité qui rende le passage à l’accord plus difficile. Elle prendraaussi en compte la multiplicité des acteurs en demande, que nous traitons au point suivant.2. Le nœud distributif, ou le négociateur confronté à une demande multipartiteIl est fréquent qu’un même négociateur – un responsable d’entreprise par exemple – soitsoumis à une multiplicité de négociations quasi concomitantes et reliées, c’est-à-dire à unedemande émanant de plusieurs personnes quasiment en même temps, rendant la découverted’un équilibre encore plus problématique, par une multitude de pressions exercées sur lui.Par exemple, imaginons un responsable négociant la vente d’une machine auprès d’un client.Comme à la figure 1, une demande croisée marque la négociation entre le fournisseur et leclient. Il est certain qu’une première pression « commerciale » (P1) sur notre responsables’exercera de la part de l’acheteur qui tentera d’obtenir les meilleures conditions possiblespour l’acquisition de cette machine. Cette pression P1 sera sans doute renforcée à travers leservice des achats (procurement) du client, visant à obtenir le meilleur prix possible, au risque511


de réduire encore la marge du vendeur. Mais ce n’est pas la seule pression comme le montrela Figure 3.Le vendeur – le responsable A – est aussi en négociation interne au sein de son entrepriseavec son propre patron, qui veut s’assurer que la vente comporte une marge confortable pourl’entreprise. Les instructions émanant du mandat exercent donc une pression « managériale »supplémentaire (P2) qui est en tension avec P1. Plus P1 est forte de la part du client àl’ « est », plus P2 le sera aussi au « nord », car à mesure que la marge fond comme neige ausoleil, la pression sur notre négociateur A de la part de sa hiérarchie sera puissante aussi. Ilcherche à satisfaire le client, en même temps que son patron. S’il privilégie le premier, ilrisque de perdre sa promotion ou son bonus ; s’il se reporte sur le second, il risque l’échec ducontrat. Il est soumis à un déchirement personnel, entre loyauté à son patron et volonté de lasatisfaction client. L’équilibre est déjà très difficile à établir entre ces deux contraintes.512


MANDANTS(Mandat)P2ETATSAUTORITES DE REGULATIONP7COLLEGUES(Influence)NP4OLeresponsable“A”EP1CLIENTSou FOURNISSEURSSP5PP6SUBORDONNES(Délégation)P3COMPETITEURSNEGOCIATIONS INTERNESNEGOCIATIONS EXTERNESFigure 3La demande externe/interne place désormais le négociateur au centre d’un nœud distributif,mais d’autres pressions supplémentaires sont prêtes à lui rendre la vie dure. Car pour mener àbien son activité de ventes, il doit aussi gérer ses ressources propres et compter sur seséquipes qu’il doit motiver. Plus ses équipes sont fournies et de qualité, plus elles lui coûtent,plus là encore elles rognent sur la rentabilité générale des ventes, mettant une nouvellepression « salariale » cette fois sur notre manager (P3). Il est normal aussi que ses équipes lepressent notamment par des demandes d’augmentation de salaires ou de participation au513


chiffre des ventes. Le nœud distributif se précise à trois points cardinaux déjà : le manager« responsable » – littéralement celui qui doit rendre la réponse au problème possible – doittenter d’arbitrer entre les demandes du client, du patron et de ses salariés.Il reste que souvent les contrats que l’on décroche ne sont pas sans demander des effortsd’adaptation. Ils demandent le concours de collègues sur lesquels on n’a aucun pouvoirhiérarchique (à l’« ouest »). Ainsi il n’est pas rare qu’un client, tout en maintenant le prixstandard, demande des aménagements spécifiques à un produit. La mise en œuvre techniquede ces nouvelles spécifications devra passer par des démarches auprès de collègues de ladirection recherche et développement par exemple. Pour que ses aménagements soientréalisés, les collègues sollicités par notre responsable A devront être compensés, puisqu’ilsdoivent consacrer des ressources à cette customisation, ce qui constitue une nouvelle pression« collégiale » (P4), laquelle a toujours pour point central notre manager.En gros, le gâteau n’est pas simplement partagé entre le client et « l’entreprise », leresponsable est au cœur, si vous m’autorisez cette expression, d’un sac de nœuds, que nousappellerons pour simplifier « nœud distributif ». Il subit une quadruple pression :commerciale, managériale, salariale et collégiale. Il est contraint de gérer les demandes auxmultiples sources, non seulement de négociations externes, mais aussi internes. Il n’est passimplement astreint à satisfaire le client qui demande des gestes commerciaux ; c’est aussi lepatron qui demande de la marge, et les subordonnés et les collègues qui demandent de justescompensations. On conçoit bien l’exercice d’équilibrisme pour un responsable qui tente dedénouer ces multiples nœuds, pour satisfaire chacun, ou en tout cas, pour ne pas mécontentertrop de monde. Si au bout du compte le responsable a réussi dans le partage de la manne devaleur, avec un peu de chance, il lui reste encore de quoi espérer un bonus pour soi…On ne mesure pas assez les pressions usuelles que, des quatre points cardinaux, subit toutresponsable au cœur d’un nœud distributif. Au-delà de l’exemple du manager, nous pouvonségalement citer celui de la direction générale d’une entreprise. Elle est soumise elle aussi àdes pressions similaires, qui exigent d’elle d’arbitrer avec soin entre les demandes desdiverses parties prenantes (stakeholders) : les actionnaires, l’encadrement et le personneld’exécution, les clients et fournisseurs, voire l’état et les autorités de régulation (P7). Cettepression multipartite vaut aussi pour les décideurs politiques qui, avant de prendre unedécision, négocient tout azimuts, avec leurs constituants, leurs collègues du gouvernement ou514


de leur parti, les acteurs économiques et sociaux, les associations de défense desconsommateurs ou de l’environnement, etc. A chaque fois, dans le cadre de négociationscomplexes, de concertation de la sphère publique ou privée, une cartographie précise de cesdiverses sources de demande est indispensable. Une concertation préalable à une bonnedécision, nécessite pour chaque responsable des compétences de facilitation qui luipermettront d’assurer une prise en compte optimale de ces diverses demandes, ou en tout cas,la meilleure décision possible (best call).Aux prises avec des assauts de toutes parts, les responsables font de leur métier une« négociation continuelle [qui] ne contribue pas peu aux bons succès des affaires ». » (A. deRichelieu 1688). Il reste que les demandes multiples et incessantes venant de chacun et detous génèrent un fort niveau de stress. Il n’est pas étonnant que dans ce contexte, lesresponsables se sentent parfois littéralement assiégés. Ils en ont « plein les mains » et nesavent parfois plus trop où donner de la tête, c’est-à-dire comment naviguer entre lesdemandes souvent contradictoires des parties prenantes qui en veulent toujours plus etdonnent le sentiment de n’en avoir jamais assez. La négociation la plus apparente, externe, denature commerciale, est souvent l’arbre qui cache la forêt interne et ses pièges. Le nœuddistributif met en évidence le maquis intra-organisationnel derrière le combat interorganisationnel.Ce maquis interne, avec ses demandes multiples et ses divisions, est souventaussi difficile à défricher, car l’apparence de l’unité organisationnelle et le déni desdifférences d’intérêts font écran. Dans ce contexte de tension multiple, de nombreux analystesconsidèrent que de nombreuses négociations échouent tout autant en raison de difficultésinternes aux organisations (behind the table) qu’externes (across the table). La théorie del’agent (J. Pratt et R. Zeckhauser 1985) a amplement traité de ce point, y compris ennégociation (R. Mnookin et L. Susskind 1999).Les paragraphes précédents ont voulu montrer que la théorie de la demande croisée ennégociation doit s’accompagner d’une théorie de la demande multipartite, rendant les termesde l’équation plus complexes et ardus à résoudre. Quid ensuite de l’émergence de la crise ? Enquoi la demande se fait-elle encore plus pressante dans ces circonstances ?3. L’intensification des nœuds distributifsQuand une crise intervient, l’équilibre décrit qui est déjà si malaisé à identifier à la rencontredes demandes spécifiques et multiples des divers protagonistes est rendu encore plus515


aléatoire.Toute la chaîne commerciale est tendue en situation de récession. De crainte de dépenser sanscompter, avec la volonté de se protéger contre l’incertitude, les clients se font plus prudents ;ils temporisent, retardent leurs achats. Ils se focalisent sur l’essentiel et se débarrassent dusuperflu. C’est vrai autant pour les consommateurs que pour l’entreprise cliente finale. Lemarché devient clairement plus favorable aux acheteurs de plus en plus hésitants à toute prisede risques. Les fournisseurs se retrouvent nombreux avec un stock qu’ils n’écoulent plus ;leurs offres concurrentielles poussent les prix à la baisse ; ils sont obligés de mettre leurssalariés en chômage technique, voire de les licencier. Et, suivant la chaîne de production, lesfournisseurs des fournisseurs subissent eux aussi les effets cumulés de la dépréciation de lademande. Ainsi par exemple, les responsables que l’on envoyait se former à l’étranger enséminaires dans des hôtels de prestige sont priés de se montrer plus parcimonieux ; lesfournisseurs de formation voient leur carnet de commandes diminuer ; les hôtels louent moinsde chambres ; les compagnies aériennes vendent moins de sièges en classe affaires ; etc. C’estla spirale qui, par une baisse de la consommation, en dépit des efforts de relance, mène à ladéflation.Le sombre tableau qui précède accrédite la forte baisse générale de la demande quiparallèlement accroît les demandes multipartites sur les managers et l’intensité du nœuddistributif.3.1 Les patrons intensifient la demande de rentabilitéAu nord, en raison de la dépression même de la demande client, les patrons inquiets quivoient une bonne partie des revenus de leur organisation baisser mettent davantage la pressionsur les cadres qui rapportent encore des affaires et qui doivent compenser pour ceux qui n’enrapportent plus ou peu, augmentant encore leur stress, surtout après des dégraissages depersonnel (D. François-Philip de Saint Julien 2010). Là où un patron se contentait de 30% demarge, il demande désormais 40%, voire 50% de rentabilité. Il fixe des objectifs qu’il saitirréalistes, dans une fuite en avant pour se prémunir lui-même contre les demandes de sespropres actionnaires. Les résistances des responsables contre cette pression hiérarchiqueaccrue sont souvent minimales, en raison de la crainte de beaucoup d’entre eux de perdre leuremploi en période de récession. Ceux qui résistent au nom de la nécessité de ne pas tuer lapoule aux œufs d’or sont en général remis à leur place, écartés, voire remplacés par des cadres516


serviles. On demande aux vaches à lait de produire encore davantage, au risque de lesdémotiver et aussi de s’aliéner le client. On nous rapporte par exemple un jeu récent demouvement subtil qui a consisté à un simple déplacement sur un échiquier organisationnel dela figure 4 à la figure 5.A (Patron)A (Patron)B (Responsable)C B .C (Subordonné)(Nouveauresponsable)(Responsabledépouillé)Figure 4 (temps T)Figure 5 (temps T+1)Au point de départ, le responsable B a la charge des liens commerciaux et des ressourceshumaine du service ; il encadre une équipe, dont fait partie C, mais le patron A veut« recadrer » B, qu’il ne trouve peu malléable. Donc il promeut un subordonné C avide depouvoir dans la position de son ancien supérieur hiérarchique, en ôtant à ce dernier laresponsabilité des contrats dont il s’occupe avec succès depuis des années, en le privant de sesressources humaines et en le mettant en quelque sorte sur la touche, sous pression collégialede son ancien subordonné C. Le patron A favorise C qu’il trouve plus rassurant, alors que Bpar sa prise de risques passée a prouvé sa capacité à ramener de nombreux clients, mais sonindépendance d’esprit l’indispose. Alors que la crise devrait pousser A à privilégier B, il s’enremet à C, qui n’a jamais apporté de preuve de sa capacité commerciale. Il intime mêmel’ordre à B de « coopérer » avec son ancien collaborateur C, lequel n’a de cesse de leconsidérer désormais moins comme un collègue que comme un subordonné. Si cecomportement de mise au placard et d’erreur de casting n’est pas l’apanage de la crise, il estexacerbé par la crise, qui multiplie les opportunités de conduites prédatrices et d’abus depouvoir des petits chefs, qui n’ont de cesse de saisir les opportunités de désappropriation,voire de trahison pour « le bien » de l’organisation. La crise est parfois la revanche des gagnepetit,sans créativité, à la solde de patrons manipulateurs sans envergure. Les clients ne sontparfois pas dupes de ces manœuvres, mais il leur est difficile de résister à l’effort combinéd’un A et d’un C. Les clients ont en général d’autres chats à fouetter ; et ils n’ont pas detemps à consacrer au nettoyage des écuries d’Augias de l’autre.517


Il reste que de manière plus générale, les demandes en grande partie irréalistes posées parcertaines hiérarchies en période de crise et certaines solutions mal ficelées se heurtentnaturellement à la demande tout aussi forte des clients ; elles augmentent le risque nonseulement d’implosion du responsable démotivé, mais aussi d’explosion du contrat.3.2. Les clients intensifient la demande par la concurrence accrueA l’est, là où l’espoir se lève d’un jour meilleur et de nouveaux contrats, les clients comme lesconsommateurs se font plus rares et plus exigeants. Subrepticement, en période de crise, lepouvoir glisse aussi de leur côté. Auparavant, les fournisseurs éprouvaient des difficultés àsatisfaire la demande ; aujourd’hui, il faut aller chercher le chaland, avec une plus forteincertitude quant au succès de la démarche. Plus que jamais une bonne fonction commercialeest clé pour le succès d’une entreprise. Confrontés à une multiplicité d’offres de fournisseursaux aguets, les clients jouent davantage la concurrence (dans la figure 3, P5 sur lescompétiteurs, qui exercent en retour une force P6 sur les fournisseurs attitrés). Les clients sontobligés de justifier le choix de leurs fournisseurs, moins en favorisant l’ancienneté de larelation ou le rapport qualité/prix que le moins disant. Ils doivent démontrer à tous qu’ils enretirent plus pour moins d’argent. Là où certains marchés se faisaient de gré à gré sans miseen concurrence, se généralisent les procédures compétitives où les services des achatsfinissent par jouer un rôle prépondérant au détriment de la qualité et de longues relations deconfiance. Là où auparavant un consultant aurait été engagé pour une tâche, on regardedésormais si une personne en interne ne pourrait pas suffire. Là où un consultant aurait étéengagé pour trois semaines par le passé, il l’est maintenant pour une période plus courte avecréduction de la portée de la mission (scope creeping).3.3. Le personnel intensifie la demande de compensation socialeAu sud, l’augmentation générale du chômage et sa traduction en licenciements au sein del’entreprise devraient plutôt atténuer la pression de la base sur les responsables. On devraits’attendre ainsi à plus de modération des prétentions salariales. Mais c’est sans compter surles mouvements sociaux dont la multiplication peut venir contrecarrer cette tendance.3.3.1 Dans un premier temps, les entreprises ne se défont que des contrats d’emploiprécaires (travail temporaire, intérimaire, CDD, etc.). Si dans cette hypothèse elles ne518


isquent que peu de troubles sociaux auprès du personnel restant, ce dernier souffretoutefois déjà de la pression d’un travail accru et de la suppression éventuelle deprimes de nuit ou de travail le week-end, qui constituaient des compléments de salairesappréciés et qui sont désormais autant de manque à gagner pour eux. Quand une partiedes travailleurs voient sa feuille de paie se réduire, la grogne monte et la motivation enprend aussi un coup. Une contradiction se fait jour entre une demande accrue deproductivité et une réduction ou une stagnation, de fait, du salaire.3.3.2 Dans un second temps, quand les entreprises commencent à mettre leurpersonnel au chômage technique en raison de l’atrophie de la demande client, ellesravivent encore les inquiétudes de la base. Outre que cette activité sporadique signifieune baisse de revenus pour le personnel, elle représente aussi un coût social fort, avecdes remises en route de la production chaque fois plus difficiles.3.3.3 Dans un troisième temps, la baisse de la demande peut obliger une entreprise àdemander des sacrifices supplémentaires à son personnel, sacrifices salariauxnotamment, qui peuvent être plus ou moins bien répartis et accueillis, et qui peuvent serévéler en définitive inutiles si on en vient à un plan social de toute façon.3.3.4 Dans un quatrième temps, une entreprise peut être amenée à réduire des emploispermanents qui paraissaient sécurisés, voire à fermer des sites tout entiers. Ceslicenciements économiques amènent des débrayages de personnel – localisés, oumême généralisés – qui mettent à mal une productivité déjà fragilisée, sans parler ducombat syndical pour des primes de départ amplifiées qui implique une augmentationdu coût du licenciement pour l’entreprise.Ce contexte général d’incertitude et de détérioration sociales crée un fort malaise au sein deséquipes, mais se révèle aussi coûteux économiquement, rendant le fameux nœud distributifplus difficile à gérer « au sud ». Il n’est pas certain en effet que la crise améliore le rapportproductivité/coût du travail, car le premier terme a tendance à baisser, tandis que le secondterme demeure en l’état, voire augmente si on le rapporte aux personnes demeurant dansl’entreprise souvent avec une ancienneté plus longue.Dans cette ambiance morose, les personnels les plus performants de l’entreprise sont tentésd’anticiper le risque de baisse de revenus ou de perte d’emploi en recherchant une positiondans un secteur moins touché par la crise. S’ils ne sont pas compensés à leur juste valeur au519


sein de leur organisation pour la forte pression qu’ils subissent pour une productivité accrue,ils risquent d’aller monnayer leurs services ailleurs, mettant encore davantage à mal lesressources humaines dédiées à l’outil de travail. Plus que jamais, parce que les personnes dequalité au sein des équipes sont les plus mobiles sur le marché, on ne les retient qu’avec dumiel, mais la ruche se vide.Donc si la réduction des offres d’emploi crée un marché favorable à l’employeur, réduisant lapression, on notera que d’autres facteurs parmi ceux cités, surtout liés à la démotivation et aurisque induit sur la productivité, modèrent cet effet, sans parler du risque de nonrenouvellementdes cadres, du manque d’apport de sang neuf, qui sont autant de freins à lacompétitivité des entreprises et à leur capacité d’emporter de nouveaux marchés.3.4. Les collègues intensifient le cloisonnementA l’ouest, la crise exacerbe les effets de renfermement et de fonctionnement en silo, où lessolidarités qui devraient prévaloir en interne au sein des organisations, en vue de satisfaireune demande multiple, cèdent le pas au règne du chacun pour soi et du sauve-qui-peut à tousles niveaux hiérarchiques, comme si en écartant ou ignorant par exemple la demandeexprimée par un collègue, on pouvait mieux dénouer à son bénéfice le nœud distributif auquelon est confronté.Là où la demande externe de services ou de produits se réduit, chacun essaie de protéger sonbout de gras et de s’approprier une part léonine du gâteau. Si un contrat est emporté, l’entitélocale le monopolisera, sans rien laisser à la succursale de la région d’à côté. Si unresponsable dispose de sept personnes ressources dans son service et si un collègue moinsbien loti ne peut compter que sur l’aide d’une seule personne, il sera tenté de ne rien partager.La logique compétitive l’emporte sur une attente de partenariat gagnant/gagnant, qui semblaitplus facile à exaucer en période de croissance. Des comportements prédateurs risquent ainside se multiplier au sein de l’entreprise, alourdissant l’ambiance générale, avec desphénomènes de dévaluation de l’autre et de surévaluation de soi (Lempereur 2004).L’exemple fourni un peu plus tôt par le jeu de chaises musicales, enclenché à l’instigationd’un patron avec la complicité d’un salarié, illustre ce phénomène. Mais le repli sur soi n’estpas limité au niveau individuel des managers ou des services, il se marque à d’autres niveauxégalement des organisations.520


Là où les subventions pleuvent, on les veut pour soi, chez soi. Souvent l’Etat qui verse unsoutien financier conforte cette tendance, car il entend favoriser un protectionnisme nationalau sein de l’entreprise. Il peut mettre par exemple comme condition à l’octroi d’unesubvention que telle unité de production soit relocalisée sur le territoire national, peu importesi cette décision emporte la mise au chômage de centaines de salariés dans un autre payseuropéen. Si une usine doit fermer, qu’elle ferme ailleurs. Si un investissement doit être fait,qu’il demeure ici.Chaque entité ou service se recroqueville sur ses activités, avec une moindre volontéd’associer les collègues de manière transverse, d’investir dans la collaboration avec les autres.Elle tend à opposer une fin de non-recevoir à la demande externe de collègues. Alors que lacrise trouve en grande partie sa source dans un manque de supervision d’activités, notammentfinancières, exercées en silo, au lieu de se débarrasser de ces comportements decloisonnement, on les exacerbe à grande échelle ; on communique moins et moins bien.L’obsession de réduction des coûts ne favorise pas les rencontres non plus. Là où avant onaurait pris l’avion pour parler en face-à-face, aujourd’hui, on hésite à la dépense et on s’enremet au courrier électronique, source de frustration et de malentendus en chaîne. Là où desmoments de convivialité ou des repas prolongés servaient de soupape de sécurité auxnégociations, de « jachère », aujourd’hui ils sont vécus comme des dépenses somptuaires etdes pertes de temps. Avec la crise, monte en puissance une nouvelle forme de rigorisme, où ilne fait pas bon d’exhiber un mode de vie professionnelle synonyme de détente et de bonnevie.4. L’espoir ? Retrouver une logique partenariale aux quatre points cardinauxLe nœud distributif en négociation constitue un point de confluence de demandes multiples oùdifférents acteurs exercent chacun leur propre pression sur un même acteur. La plupart desnégociations complexes obligent le responsable à trouver une solution d’équilibre entre cesdiverses demandes et c’est le lot de tout responsable de tenter de dénouer ce nœud. Il s’agit des’insérer dans une logique de co-production des solutions illustrée notamment pour réussir leschangements technologiques (Ph. Bernoux et Y.-C. Gagnon 2008).La crise accroît les tensions nées de ce nœud distributif ; elle les intensifie, en quelque sorte.Elle oblige chaque responsable à plus de vigilance et à rechercher, en dépit des circonstances,à renouveler un partenariat loyal à quatre composantes : commerciale avec ses fournisseurs et521


clients en externe, et en interne, managériale avec son supérieur hiérarchique, salariale avecson personnel et collégiale avec ses pairs. En gérant au mieux cette tension aux quatre pointscardinaux, le responsable accroît ses chances d’accords en négociation, y compris en situationde crise.BibliographieBERNOUX Philippe, GAGNON Yves-C. Une nouvelle voie pour réussir les changements technologiques: laco-construction. La Revue des Sciences de Gestion – 2008/5, n°233. p. 51-58.CALLIERES François de. De la manière de négocier avec les souverains (1716). Genève : Droz, 2002.FRANÇOIS-PHILIP de SAINT-JULIEN Delphine. Le stress des « survivants » à un plan social. La Revue desSciences de Gestion – 2010, n°241. p. 85-100.LEMPEREUR Alain. Négociation: au-delà d'une vision déformante de l'autre et de soi. La Revue des Sciencesde Gestion – 2004, n°208-209. p. 41-48.LEMPEREUR Alain. Le questionnement, comme philosophie fondatrice de la négociation. Négociations – 2009,10, p. 69-80.LEMPEREUR Alain. A la recherche du fondement en négociation : la philosophie du questionnement. In :Entrer en négociation. Mélanges Christophe Dupont. A. Colson – dir., Bruxelles : Larcier, 2011, p. 101-124.LEMPEREUR Alain et COLSON Aurélien. Méthode de négociation. Paris : Dunod, 2010.MEYER Michel. Problématologie. Philosophie, science et langage. Bruxelles : Mardaga, 1986.MNOOKIN Robert et SUSSKIND Lawrence – dir. Negotiating on Behalf of Others: Advice to Lawyers,Business Executives, Sports Agents, Diplomats, Politicians and Everybody Else. Thousand Oaks : SagePublications, 1999.PRATT John et ZECKHAUSER Richard – dir. Principals and Agents: The Structure of Business. Boston :Harvard Business School Press, 1985.RICHELIEU Armand Jean du Plessis, duc de. Testament politique (1688). Paris : Société de l’Histoire deFrance, 1995, chapitre 6.TOYNBEE Arnold J. A Study of History. Oxford: Oxford University Press, 1934-1961.VALERY Paul. Cahiers. Paris : Gallimard, Pléiade, 1973.ZARTMAN William et Maureen BERMAN. The Practical Negotiator, New Haven : Yale University Press,1982.ZARTMAN, William. Concevoir la théorie de la négociation en tant qu’approche de résolution de conflitséconomiques, Revue française de Gestion – 2004, 6, 153, p. 15-27.522


Yassine SLAMADocteur en Sciences de GestionAssistant permanent à la Faculté des SciencesEconomiques et de Gestion de Sfax-Tunisie.Membre du laboratoire de recherche LARIMEà l’ESSEC de Tunis-Tunisie91. Avenue de l’Union du Maghreb Arabe-2036-La Soukra- Tunisie.Tél : +21622710720y.slama@gmail.comNathalie MONTARGOTDoctoranteProfesseure agrégée d’Economie-GestionUniversité de Cergy-PontoisePôle universitaire de Gennevilliers1 Avenue Marcel Paul92230 GennevilliersTél : +331 41 21 74 58Nathalie.montargot@u-cergy.frL’expatriation comme outil de transfert de compétences et de savoir-faire ?Regards croisés d’expatriés et de cadres locaux de filiales multinationales en TunisieIntroductionL’internationalisation des entreprises et le développement de la mobilité des cadres peuventconstituer des vecteurs privilégiés de transferts de ressources et compétences. Toutefois, touteentreprise décidée à opérer sur les marchés étrangers est de plus en plus confrontée à lacontrainte des transferts de cadres (Ghertman, 1977). Plus particulièrement, les entreprisesmultinationales rencontrent de nouvelles problématiques de management des ressourceshumaines, notamment au niveau de la gestion des cadres à l'international et de l'expatriation(Romelaer et Huault, 1996).Avec des acteurs divers et des équipes elles-mêmes différentes, la compréhension et la gestionde la diversité sont désormais devenues indispensables pour les entreprises qui visentl'expansion ou la consolidation de leurs opérations à l'étranger (Grenier, 1998).Cette diffusion se réalise à travers les interactions humaines et organisationnelles. Elles’inscrit dans un processus continu d’apprentissage et de mise en place de « bonnes pratiques» managériales dans le but d’accroître les performances (Frimousse, 2007). La différence doitêtre vécue comme une opportunité et non comme une menace (Bachiri, Frimousse et Jennane,2006). Il semble donc utile de s’intéresser à l’efficacité des approches permettant d’accroîtrel’efficience des expatriés. Dans cette perspective, le management interculturel permet demieux comprendre les comportements rencontrés dans les modes de management denombreux pays.Le transfert de compétences de l’expatrié vers l’organisation après son retour de mobilitéconstitue également un enjeu fondamental pour l’entreprise (Berthier, 2007). Festing etMueller (2007) parlent de retour sur investissement. La réussite d’un expatrié dépend de sonadaptation à sa nouvelle situation à l’étranger.523


Cet article présente les résultats d’une étude qualitative menée à l’aide d’entretiens semidirectifsauprès de treize expatriés, quinze salariés locaux de multinationales installées enTunisie. L’objectif est de compléter les travaux antérieurs sur ce thème et de s’intéresser auxperceptions et visions des personnes rencontrées en ce qui concerne l’expatriation enproposant une trame permettant aux expatriés d’enrichir leur culture d’entreprise au contactd’autres entités culturelles évoluant dans des contextes organisationnels différents.Dans un premier temps, l’article présente une synthèse du corpus théorique sur lemanagement de l’expatriation et de la mobilité internationale. Une seconde partie s’attarde surla gestion de la diversité ethnique et culturelle dans l’entreprise, depuis la sélection ducandidat jusqu’au management de la diversité dans les entreprises hôtes comme enjeu de laResponsabilité Sociale de l’Entreprise. Enfin, une enquête qualitative auprès de quinze cadreslocaux et de treize cadres expatriés dans des multinationales en Tunisie est présentée.L’exploitation des données par un logiciel d’analyse textuelle permet de mettre en évidencedes différences de perceptions entre cadres locaux et expatriés. Trois univers sémantiques sontainsi mis en évidence que nous analysons et discutons.1. Le management de l'expatriation : quelques aspects conceptuelsIl existe diverses situations possibles pour un salarié appelé à travailler à l’étranger. Cessituations diffèrent selon qu'il s'agit de salariés détachés ou de salariés expatriés. Or ces deuxnotions sont souvent confondues dans un langage commun. On entend souvent parlerindifféremment de détaché ou d'expatrié comme si ces derniers constituaient une catégoriehomogène, clairement définie et soumise aux mêmes statuts. Elles ont cependant unesignification précise et distincte, notamment si l’on se réfère au droit de la sécurité sociale ouau statut juridique. Pour la sécurité sociale, le critère de différenciation est celui de la durée dela mission exercée à l’étranger. En revanche le critère juridique pour la détermination dustatut réside dans les conditions d’embauche et de rémunération.Il convient de ne pas confondre expatriation avec mobilité internationale. Cependant certainsauteurs emploient ces notions de manière interchangeable. A cet égard, Cerdin (1996) précisequ’il utilise le terme d’expatriation, de transfert international ou de mobilité internationale demanière interchangeable pour représenter la mobilité internationale temporaire intraentreprise. L’expatrié est alors comme l’indique Guzzo (1996), une personne qui quittetemporairement l’entreprise de son pays d’origine pour une affection de 2 à 3 ans dans unpays étranger avec une forte perspective de retour. On assiste ainsi à une simple évolution auniveau du langage dans la mesure où l'on parle davantage de mobilité internationale car lapopulation visée et les statuts changent du fait de la globalisation de l'économie.Selon le dictionnaire le Grand Robert, s'expatrier, c'est « quitter sa patrie pour s'établirailleurs». Cette référence à la patrie, que la même source définit comme : « nation,communauté politique à laquelle on appartient ou à la quelle on a le sentiment d’appartenir »confère à l’expatriation une connotation nationaliste.De façon générale, l'expatrié est celui qui pour des raisons diverses vit à l'étranger. Lesmotivations, le lieu de résidence et la durée de l'expatriation rendent délicate une définitionexhaustive. Indépendamment des définitions proposées, certains travaux de rechercheprésentent l'expatriation selon une vision intégrée (Mendenhall et Oddou, 1985) en identifiantquatre dimensions de l'expatriation, à savoir les dimensions individuelle, interpersonnelle,perceptuelle et situationnelle. Par conséquent, les entreprises ayant recours à l'expatriationdoivent nécessairement se doter d'une approche multidimensionnelle afin d'adapter leurspratiques de gestion des ressources humaines au contexte de l'expatriation. Dans cetteperspective, de nombreuses études montrent que l'un des atouts fondamentaux d'uneentreprise multinationale est son personnel international (Hedlund et Rolander, 1990; Lorangeet Probst, 1990). A cet égard, l'articulation des pratiques de recrutement, de formation, de524


gestion des carrières, de mobilité géographique internationale, ainsi que la gestion de ladiversité et des équipes de travail multiculturelles s'avèrent cruciales.2. La gestion de la diversité ethnique et culturelle dans l’entreprise comme enjeu de laResponsabilité Sociale de l’EntrepriseIl est capital de gérer l’expatriation en amont (sélection et formation du personnel) puis enaval en menant un véritable management de la diversité.Pour développer cette question du management de la diversité, nous nous appuyons sur desconstats et propositions issus des travaux de recherche en management interculturel de(Garcia, 2007).Pour faire de l’expatriation une véritable opportunité pour l’organisation, il s’agit tout d’abordde tenir compte d’un premier point essentiel en terme d’apport de l’expatrié relativement autype d’adaptation qu’il a développé. Il existe en fait trois types d’adaptation relativement auxtravaux de (Garcia, 2007) :• la non adaptation – ou non acculturation (et ses conséquences : le turn-over),• l’adaptation ou acculturation à apport nul,• l’adaptation (ou acculturation)- apport où l’enrichissement mutuel est rendu possiblepar l’organisation accueillante et les facultés d’échanges des accueillants et desaccueillis.Naturellement, l’objectif de l’entreprise est de parvenir au troisième type d’adaptation. Lesactions doivent donc être envisagées en amont (sélection, formation des personnels candidatsà l’expatriation), et en aval (management de la diversité culturelle).2.1. En amont : la sélection puis la formation des candidats à l’expatriation2.1.1. La volontéLes compétences interculturelles sont certes nécessaires mais non suffisantes. La base, c’estavant tout la volonté. A l’échelle individuelle, cette volonté s’exprime simplement chezl’expatrié par sa motivation à partir.A l’échelle de l’organisation, la volonté s’exprime dans la mise en œuvre d’une politique de ladiversité : c’est entre autre pour l’organisation accueillante, la prise en compte des référentsculturels potentiellement différents de l’arrivant ou de l’équipe arrivante. Une véritableanalyse des référents culturels différents et mis en présence doit être établie.2.1.2. Les compétences socioculturellesLes compétences socioculturelles, encore appelées interculturelles ne sont pas innées. Ellesimpliquent la langue, mais aussi un ensemble de savoirs qui sont :- La prise de conscience et la connaissance des différences culturelles (référents) de l’autre,- La prise de conscience du déterminisme culturel de nos modes de fonctionnements (langageet représentations…) et donc du caractère relatif de nos modes de pensée,- La prise de conscience des mécanismes de l’ethnocentrisme tels que les préjugés et lesstéréotypes qui renforcent la perception des différences culturelles, mécanismes que nousavons déjà évoqués par ailleurs.Il y a par ailleurs 4 étapes pour l’acquisition de ces compétences :- La connaissance de soi,- La connaissance de l’autre,- La prise de conscience des difficultés impliquées par la relation,- La gestion du conflit (Groupe Conseil Continuum, 2005).2.1.3. La formationL’objectif de la formation, c’est de construire et de développer des compétencesinterculturelles, définies comme les capacités d’un individu à savoir analyser et comprendreles situations de contacts entre personnes (et entre groupes) de cultures différentes, puis à lesgérer et les valoriser dans le sens des objectifs de l’entreprise (Meier, 2004).525


L’apprentissage interculturel réussi, c’est la reconnaissance du caractère relatif et spécifiquede son modèle culturel. Ce processus d’apprentissage peut être décrit comme une interactionentre l’individu et la culture (Yamazaki et Kayes, 2004).Reconnaître l’autre comme différent, c’est accepter de relativiser mon propre système devaleurs, c’est admettre qu’il puisse y avoir d’autres motivations, d’autres références, d’autreshabitudes que les miennes. Il s’agit d’effectuer une décentration par rapport à la positionégocentrique que constitue l’ethnocentrisme. Mais une telle décentration suppose la prise deconscience de sa propre identité culturelle. Dans les perceptions, les représentations, lesappréciations que j’ai de l’autre, il s’agit d’abord de saisir mon propre regard.« Les jugements que portent les nations les unes sur les autres nous informent sur ceux quiparlent, non sur ceux dont on parle » (Todorov, 1988, p. 28).2.2. En aval : le management de la diversité et la culture d’entreprise comme outilfédérateurLa politique de la diversité commence par concevoir la culture d’entreprise comme un outilfédérateur. La notion clé ici est celle de l’identification. Les personnels de quelque origineculturelle qu’ils soient doivent pouvoir s’identifier à leur entreprise. Ainsi, c’est tout d’abordpar l’information culturelle, que doit être déposé le ciment liant les acteurs de l’entreprise.Le rôle fédérateur de la culture d’entreprise dans la gestion de la diversité est connu(Gauthey, Xardel, 1990, Blaquiere, Bossard et Carron, 1984). Il est important de faire sentirau nouvel arrivant qu’il est un acteur de l’organisation. En plus des compétencessocioculturelles à la base d’une expatriation potentielle, il faut en effet aussi nourrir l’envied’interagir.Il faudra focaliser l’attention sur les points suivants (Blaquiere, Bossard et Carron, 1984, p.115) :- Avoir une raison d’être clairement exprimée.- Quelles sont nos valeurs ? Nos objectifs ? Nos finalités ? Quelle est la raison qui sert deréférence, de plate-forme de communication interne à l’équipe ?- Construire un langage commun : il ne s’agit pas simplement de la langue de travail mais dessignifications attribuées par chacun à différentes notions techniques ou managériales, àcertaines procédures et bien sûr aux valeurs-clés.- Clarifier : la clarification doit intervenir dès lors qu’un langage commun est créé. Elle portesur l’action à mener, la personne à convaincre, la nature d’une décision, l’enjeu d’unenégociation. Elle permet d’éviter les malentendus et d’assurer une communication optimale.Exploiter les supports sociaux et les différences culturelles. La formation, la discussion, leséchanges doivent permettre de les faire accepter comme sources d’enrichissement pour tous etpour l’entreprise.3. Démarche de la recherche empiriqueL’objectif de cette recherche est d’acquérir une vision aussi complète que possible desperceptions des salariés locaux et des expatriés à l’égard de l’expatriation. Dans cette optique,l’entretien individuel a été privilégié pour le recueil des informations de par la naturequalitative de notre enquête (Blanchet, 1987 ; Mucchielli, 1991). Il s’agit d’alimenter par « lesmots des acteurs » afin de comprendre les pratiques organisationnelles (Wacheux, 1996).Après avoir décrit les guides d'entretien bâtis, nous indiquons la méthodologie de réalisation,l’échantillon interrogé ainsi que l’analyse des informations recueillies.3.1. Le mode de recueil des informations : l'entretien semi-directifPour réaliser cette enquête, nous avons élaboré deux guides d'entretien. Le premier, destinéaux locaux tunisiens composé de quatre grands thèmes. Dans ce guide d’entretien, le premierthème est consacré aux données signalétiques sur le salarié local : (formation, expérience, âge,sexe, mission et activité de la filiale). Le second s’intéresse aux expériences de travail avec lesexpatriés. Le troisième est axé sur l’adaptation des salariés locaux avec les expatriés (la526


situation vis-à-vis des expatriés de la multinationale, le transfert des pratiques de gestion desressources humaines, le rôle des expatriés). Le quatrième thème s’articule autour desperceptions qu’ont les salariés locaux de l’expatriation et de l’expatrié.Le deuxième guide, décliné en cinq thèmes est destiné aux cadres expatriés en Tunisie. Dansce guide, le premier thème est consacré aux informations sur l’expatrié et la filiale locale(nationalité, âge, mission, date d’arrivée dans le pays d’accueil, situation familiale et activitéde la filiale locale). Le second s’intéresse au choix de l’expatriation. Le troisième est axé surles expériences de travail avec les locaux marocains. Le quatrième thème s’articule autour desperceptions qu’ont les cadres expatriés des locaux marocains : la situation vis-à-vis desexpatriés de la multinationale. Enfin, le dernier traite des perceptions des cadres expatriés àl’égard de leurs collègues locaux marocains.3.2. Présentation de l’échantillonLa réalisation des entretiens a nécessité au préalable la sélection de plusieurs firmesmultinationales localisées sur le territoire tunisien. A cet égard, nous avons constitué unepremière liste d'entreprises à partir de la documentation existante sur les multinationales ayantdes filiales en Tunisie. Nous avons eu ensuite recours à la base de données de l'Associationdes Responsables de Formation et de Gestion Humaine des Entreprises (ARFORGHE) enTunisie pour établir une deuxième liste d'entreprises.Les principales caractéristiques des entreprises sélectionnées sont reproduites dans le tableau1 : présentation de l’échantillon de filiales des multinationales. Il s’agit essentiellementd’entreprises industrielles ou de services.Tableau 1: Présentation de l’échantillon des filiales de multinationales en TunisieEntreprises Secteurs Taille1 Industrie de l’automobile 50 à 2002 Industrie de l’automobile 50 à 2003 Industrie de l’automobile 201 à 5004 Industrie électronique 50 à 2005 Industrie électronique 201 à 5006 La grande distribution Supérieure à 5007 La grande distribution Supérieure à 5008 Secteur pétrolier 50 à 2009 Secteur bancaire Supérieure à 50010 Secteur bancaire Supérieure à 50011 Secteur bancaire Supérieure à 50012 Services, télécommunication Supérieure à 50013 Services, télécommunication Supérieure à 50014 Services 50 à 20015 Agroalimentaire 50 à 200Quinze cadres locaux et treize cadres expatriés ont été interrogés. La population des cadreslocaux est composée de quatre femmes et onze hommes, relativement jeunes, ayant un niveaude formation universitaire (bac+4 et plus) à caractère général et occupant essentiellement unefonction en étroite relation avec la gestion de ressources humaines.En ce qui concerne la population des expatriés, il s’agit de 13 personnes (une femme et douzehommes), plus âgés, ayant un niveau de formation universitaire à caractère technique (bac+3et bac +4) et exerçant des responsabilités dans différentes fonctions de l’entreprise. Lespersonnes interviewées forment un échantillon non probabiliste, choisi par convenance, detaille réduite et dont la taille n’a pas été spécifiée à priori (Miles et Huberman, 1994). Leprincipe de saturation a été appliqué, les entretiens ont pris fin au moment où aucun apportadditif n’a été effectué durant les derniers entretiens menés.527


3.3. La démarche de réalisation et d'analyse des entretiensLes entretiens ont été réalisés à la date et aux heures convenues par les répondants. Avec leuraccord, les entretiens ont été enregistrés afin de conserver l’ensemble du contenu. D’unedurée d’une heure environ, ils se sont déroulés suivant quatre étapes (Giannelloni et Vernette,2001) : la présentation (explication, interaction), le développement (discours conventionnels),l’approfondissement (discours plus personnel), la conclusion (recueil des derniers propos).Une analyse de contenu thématique, à la fois verticale (entrevue par entrevue) et transversale(inter-entrevues) a été utilisée comme méthode de traitement des informations qualitatives(Poirier et alii, 1993 ; Giannelloni et Vernette, 2001).La retranscription effectuée après chaque entretien s’est accompagnée de l’élaboration d’unefiche de synthèse comprenant les principales informations. Un journal de rechercheregroupant les impressions et détails observés lors des entretiens a été tenu. Dans le mêmetemps, les thématiques abordées ont permis d’élaborer un dictionnaire de thèmes liés à lamaîtrise progressive des données qualitatives (Frimousse, 2006).Le matériel recueilli parnotre étude qualitative a donné lieu à une analyse de contenu visant à réduire les informationsafin de les catégoriser et de les mettre en relation avant d’aboutir à une description ou uneexplication (Aktouf, 1992 ; Wacheux, 1996). Cette analyse comprend un ensemble detechniques à savoir l’analyse lexicale, la syntaxique et la thématique (Giannelloni et Vernette,2001).3.4. Traitement des donnéesLes 28 entretiens retranscrits ont été compilés dans un fichier texte commun et uneclassification descendante hiérarchique a été utilisée afin de repérer les oppositions les plusfortes entre les discours et d’en extraire ensuite des classes d'énoncés représentatifs. Nousavons choisi de traiter les données avec le logiciel Alceste (pour Analyse des LexèmesCooccurrents dans un Ensemble de Segments de Texte) afin de découvrir l'informationessentielle contenue dans les données textuelles et de dégager ainsi des univers sémantiques.Ce logiciel procède par fractionnements successifs du texte et repère les oppositions les plusfortes entre les mots du texte pour extraire ensuite des classes d'énoncés représentatifs, ce quiétait l’objet de notre travail.Le corpus a donc été analysé en utilisant un paramétrage standard, pour lequel les valeurs sontprédéfinies en fonction de la taille du corpus. Alceste, après avoir découpé le corpus en unitéstextuelles, effectue deux classifications successives sur ces unités en faisant varier légèrementleur taille. Cette méthode permet d'assurer la stabilité en écartant tout biais dû au découpagedes unités textuelles. Nous avons alors obtenu une classification hiérarchique descendantemettant en évidence quatre univers sémantiques que nous exposons maintenant.4. Les résultats et analyse de la pratique4.1. Les classes identifiées permettent de mettre en évidence trois univers sémantiquesQuatre classes ou univers sémantiques ont été dégagées. 66 % des unités de contexteélémentaires (unités textuelles du corpus) ont été réparties en trois groupes comme le montrel'arbre de classification du tableau 2.Tableau 2 : Arbre de classification issue du traitement des données par le logiciel Alceste528


4.1.1. Les typologies dégagées par classeLa présence significative de mots marqués par un Khi2 et un effectif élevé, l’absence d’autres,les concordances et proximité nous ont permis d’étudier les quatre univers sémantiques misen évidence. De plus, l’analyse factorielle de correspondances présentée en Annexe A (AFCissue du traitement des données par le logiciel Alceste) permet de visualiser les classesobtenues par la classification descendante hiérarchique. Nous avons donc interprétés les axesdégagés grâce aux variables qui mettent en tension des valeurs opposées voire contraires.Classe 1 : Univers sémantique des apports de l’expatriationLe carré des spécificités nous indique que la classe 1 est la première à s'être démarquée dansl'arbre de classification. Elle représente 53 % des unités textuelles classées. Elle estcaractérisée par des formes telles que « expatrier », « savoir-faire », « compétences »,« apports », « nous», «technologie» et « expérience ». Ces indicateurs renvoient à la valeurajoutée de l’expatriation. Les absences les plus significatives portent sur les formes telles que« culture », « langue », « comprendre ».Classe 2 : Univers sémantique des différences culturellesLa classe 2 représente 22 % des unités textuelles classées. Ses formes significatives sont« culture», « mentalité », « vision», « différent », «respect» et « appréhender ». Ce secondunivers sémantique est celui de l’organisation de l’expatriation au niveau international.Alceste relève que cette classe est constituée plutôt de marqueurs de la personne « nous »,« nos », qui rappellent l’importance de l’appartenance à un collectif. Nous nous situons bienau niveau groupal dans ses dimensions nationales et internationales.Classe 3 : Univers sémantique de l’adaptation à l’environnementLa classe 3 représente 25 % des unités textuelles classées. Ses formes significatives sont« langue », « apprendre», « équipe» et « environnement ». Nous sommes bien dans l’universde socialisation et d’intégration des expatriés et des rapports interpersonnels entretenus avecles individus et les équipes. Nous notons les absences significatives des formes « expatrier »,« pays » et « entreprise ».Les résultats du traitement du corpus de documents par classification hiérarchique ascendantenous permettent d’étudier le discours des expatriés et travailleurs locaux tunisiens et d’en tirerdes enseignements.4.2. Résultats529


L’analyse faite par le logiciel Alceste a fait l’objet d’une interprétation que nous livronsmaintenant et illustrons par quelques verbatims.4.2.1. Une remise en cause du recours à l’expatriationIl apparaît une évolution dans la perception de l’expatriation, il s’agit désormais d’apporterune réelle plus-value dans une relation gagnant-gagnant Pour certains, le recours àl’expatriation apparait même dépassé du fait de la globalisation et des technologies del’information et de la communication. C’est ce qu’exprime l’expatrié 8 «Peut-on encoreparler d’expatriation dans un contexte de globalisation ou les frontières n’existent plus ? Jepréfère utiliser le terme de mobilité internationale à la place d’expatriation afin de rendre cephénomène plus commun dans la gestion de la carrière du salarié ».4.2.2. L’expatriation, assurance qualité ?Traditionnellement, lorsque les entreprises recourent à l’expatriation, elles le fontprincipalement pour trois raisons : l’affectation du personnel, le développement del’organisation à l’international et enfin le développement des compétences. Cependant,plusieurs cadres locaux indiquent une raison supplémentaire d’avoir recours à l’expatriation :la garantie de rassurer la clientèle. Comme l’indique le cadre local 16, «nous avons toujoursfait appel à des expatriés notamment à des français, tout d’abord il faut avouer que celarassure les clients, ils pensent effectivement qu’avec la présence d’un cadre étranger au seinde l’entreprise le niveau de la qualité est supérieur. Il s’agit donc dans un premier temps deles satisfaire. Mais j’aimerais rectifier cette idée reçue, puisque si nous en sommes à zérodéfaut aujourd’hui, cela est principalement grâce aux techniciens tunisiens et non pas grâceaux techniciens français ». Ce que confirme le cadre local 21, « il a fallu faire appel à desingénieurs étrangers expérimentés pour implanter cette nouvelle technologie. Une fois lestechniciens Tunisiens formés, la présence d’expatriés n’a plus lieu d’être, mais nous lesgardons dans un but purement psychologique qui est celui de rassurer notre clientèle ».4.2.3. La perception de l’apport de l’expatrié : entre plus-value et transfert de compétencesDe fait, quelles que soient les raisons du recours à l’expatriation, le discours glisse trèsrapidement sur les notions de plus-value et de compétences. Qu’apporte réellementl’expatrié ? Un transfert de compétences apportées dans les filiales par le siège ? Parl’expatrié lui-même envers les équipes locales ? Ou bien l’apprentissage de nouvellescompétences au bénéfice des expatriés ?En termes de compétences, les expatriés reconnaissent le haut-niveau technologique rencontréen Tunisie en général. C’est ce que relate l’expatrié 3, « il est réconfortant de voir que lesemployés sont dotés d’ordinateurs de haute performance et d’une forte technologie. Il estagréable aussi de noter que le matériel informatique et les outils de gestion sont trèssophistiqués. Le personnel est jeune, l’ambiance de travail est conviviale et saine ». Leniveau de qualification des collaborateurs apparaît également élevé pour l’expatrié 3, «Jetrouve que mes collaborateurs sont d’un certain niveau de qualification. Ils maîtrisent lalangue française. Ce qui est remarquable c’est que je ne trouve pas des fautes d’orthographedans la rédaction alors qu’en France c’est encore le cas ».Dans le discours, une réelle plus-value est exigée et ce d’autant plus que le coût d’un expatriéapparait surévalué, entraînant des réactions contrastées, comme c’est le cas pour le cadre local25. « Sur le plan salaire, un expatrié peut bouffer les deux tiers d’un business, il touche 2 à 4fois le salaire d’un local et en plus avec les avantages liés a l’expatriation ». Le recours à unétranger et le surcoût occasionné doivent donc être parfaitement justifiés par un apport réel detransmission de savoir-faire. L’expatrié doit réellement démontrer également uneopérationnalité et une valeur ajoutée dont l’équipe tunisienne doit pouvoir bénéficier enretour. Comme l’exprime le cadre local 19, « si le rôle qui lui est attribué consistaitégalement à la formation des cadres locaux, la satisfaction serait totale. Puisque leur530


intégration de ce fait se ferait plus rapidement et leur rémunération importante serait moinsremise en cause ou serait plus justifiée aux yeux des locaux ».Dans ce contexte, le haut niveau de qualification et d’éducation des cadres locaux invite à uneexigence de réciprocité des avantages de l’expatriation. Comme le remarque le cadre local 25un peu amer, avec «Internet, l’intranet, avec l’ouverture, la valeur n’est plus la même, lescompétences sont presque les mêmes, les référentiels des compétences sont les mêmes, notrestaff a des compétences similaires, parfois même qui dépassent celles des expatriés. Si onreçoit des expatriés aujourd’hui c’est plus pour le développement de l’expatrié lui-même ».4.2.4. La nécessité d’une relation gagnant-gagnant s’inscrivant dans une temporalitéPour que l’expatriation soit réellement justifiée, une stratégie gagnant-gagnant doit apparaître.Cette contribution réciproque peut prendre plusieurs formes. Comme l’indique le cadre local26 « L’expatrié doit montrer un savoir-faire, une opérationnalité, et une valeur ajoutée plusque le Tunisien. Ça marche dans les deux sens. C’est une transmission réciproque». Il s’agitdonc pour l’entreprise tunisienne de gagner du temps, de rester à la pointe de la technologie etdes innovations. Ainsi, pour le cadre local 28, «Si la France nous a devancé pour certainsoutils, nous pouvons en bénéficier. Les outils et expériences ont fait leurs preuves. On lesprend et cela nous évite de tarder, de subir des échecs».Une autre dimension temporelle apparaît dans l’analyse des discours. L’expatrié est perçucomme un homme de passage qui a une vision à court terme des affaires. « Moi, je vois leschoses à long terme et lui à court terme. L’expatrié est en Tunisie pour une mission biendéterminée, je peux dire qu’il est de passage, mais moi je reste, je suis là » indique le cadrelocal 25. Le fait d’être donc vu comme « de passage » entraîne un manque de connaissancesdu mode de fonctionnement culturel, économique et social du nouveau contexte. Pour le cadrelocal 22, les expatriés « n’ont pas conscience des réalités de l’entreprise au niveau local ». Eneffet, le contexte tunisien local est bien différent. Ce que confirme le cadre local 18, « on nepeut pas calquer un système qui fonctionne totalement autrement. La réglementation estdifférente, le code social est différent »,et le cadre local 15 complète ainsi « c’est unedimension qui échappe complètement aux expatriés ».4.2.5. La mise en conformité des réalités locales avec les contraintes organisationnellesLe discours fait apparaître des difficultés de la part des expatriés qui doivent s’adapter àl’environnement tout en restant fidèle aux objectifs fixés par le siège. Cette position entreisomorphisme local et cohérence organisationnelle est parfois jugée inconfortable pourl’expatrié 1, « je reconnais qu’il y a des différences dans la manière de penser et de secomporter. Donc il faut faire de sorte pour que les intérêts concordent, ce n’est pas toujourssimple ».Ce que confirme l’expatrié 12 « nous utilisons des systèmes et des théoriesessentiellement françaises mais nous les adaptons au contexte Tunisien réputé différent ducontexte français ».Cette position quelquefois difficile à tenir entraîne quelques impairs. La préoccupation del’expatrié apparaît comme factuelle, basée sur les chiffres, les résultats sans réellement sesoucier de l’humain, des relations, des traditions. Cette posture entraîne quelquefois desimpairs, comme le relate le cadre local 21. «Il y a quelque temps un canadien charge de lapromotion et du marketing a voulu nous imposer un modèle publicitaire qui allait àl’encontre de nos traditions, de nos coutumes. Cet exemple frappant montre encore une foisqu’il y a des choses que l’on ne peut transposer».De même, la prise en compte du rapport à la hiérarchie et de fluidité de la circulation del’information nécessite un ajustement de la part des expatriés. Concernant la visionhiérarchique, des différences apparaissent entre expatriés et cadres locaux. Pour le cadre local15, « les Tunisiens appréhendent l’aspect hiérarchique de manière différente. Même si lerespect est identique, les relations humaines transcendent cet ordre établi ».531


De même, concernant de la circulation de l’information, l’expatrié 13 est obligé de ruser.« L’information ne m’est communiquée qu’après l’autorisation de responsable local, c’estune chose que j’ai apprise. Il y a des choses qui se disent et des choses qui ne se disent pas,ce qui n’est pas normal. Pour être à l’abri des informations erronées, je dois avoir cettemême information à travers un autre canal ».ConclusionNous avons défini le concept d’expatriation, illustré par la démarche de recherche surl’expatriation dans les multinationales en Tunisie. Nous établissons ainsi un enjeu de lagestion de la diversité pour la RSE: tenir compte des risques et connaître les apports del’expatriation comme outil de transfert de compétences et de savoir-faire. Pour dépasser lesimple constat, nous développons les questions de sélection et de formation du personnelcomme enjeu managérial en amont, puis en aval, les principes relatifs au managementinterculturel. C’est par ce processus que l’entreprise pourra passer d’un simple contrôle desfiliales à une ouverture d’acquisition des compétences aux salariés expatriés et locaux de lamultinationale.532


Annexe 1 : Analyse factorielle de correspondancesissue du traitement des données par le logiciel Alceste533


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Atelier 13: Enjeux et risques de la diversité………………………………………………………………………. « RISQUES ET LIMITES DE LA DIVERSITE » Luc BOYER (IAE de Caen) et George-Axelle BROUSSILLON MATSCHINGA (L’Oréal)…………………………………………… « Le rôle des tactiques individuelles d’intégration dans la Socialisation organisationnelle :Essai de modélisation, Cas des Entreprises au Maroc » Omar El AMILI (EST Berrechid)….536


Luc Boyer, Président Management et AvenirUniversité Paris-Dauphine, IAE CaenGeorge-Axelle Broussillon Matschinga,Responsable Diversité International (L’OREAL)RISQUES ET LIMITES DE LA DIVERSITEDepuis plusieurs années, nous avons été de plus en plus nombreux à lutter pour imposer leconcept de diversité, de l'acceptation de (ou des) l'autre avec ses différences, sa singularitéc'est à dire sa richesse spécifique. Le législateur est heureusement venu appuyer notredémarche. Certes les résistances existent encore, parfois très fortes, avec ce refus d'une équitépourtant porteuse non seulement d'une évidente éthique mais aussi d'un progrès économiqueet social. Ce credo en faveur de la diversité sera d'autant plus crédible -nous semble-t-il- quenous serons conscients de ses limites, voire de ses risques.Le risque peut-être le plus important est d'ordre culturel : une communauté, un groupe n'existequ'avec des valeurs partagées, l'effacement partiel de certaines singularités au profit d'unconsensus qui entrainent sinon l'abandon du moins une réserve sur certains points discordants.La communication, par exemple dans les échanges internationaux, devra faire l'objet d'unegrande attention. La cohésion internationale dépendra, en grande partie, de cettecommunication bien gérée. Le respect de la diversité de chacun ne saurait entamer le degré deconfiance qui repose en partie sur des objectifs communs et partagés. La gestion des cadresexpatriés, de la dimension internationale de la firme est un des cas fréquemment rencontrés.La gestion de la diversité peut parfois avoir comme effet pervers de faire repérer plusfacilement les "meilleurs "(ce qui est souhaitable ! ) mais de ce fait marginaliser les plusfaibles :retenir les meilleurs (ce que souhaite chaque Organisation ) ne saurait entrainer lerejet des plus faiblesLa cohésion interne passe fort souvent par la standardisation des tâches, par l'utilisation deméthodes ou outils communs : la gestion de la diversité risque parfois de compromettre cettecohésion sociale, ce travail solidaire. La limite et les risques de la diversité apparaissent biendans cette hypertrophie des différences, des pratiques managériales divergentes ou unecommunication hétérogène1. Les risques majeurs d’ordre culturela. La gestion des différences nationales : le cas des cadres internationauxDe nombreuses entreprises ont compris que la diversité culturelle de leurs clients appelait unediversité de leurs collaborateurs. Cette stratégie de diversification des équipes permettrait demieux répondre aux attentes des clients (Cox, 1991 ; Gosselin et Chouat, 1993) et seraitsource d’innovation (Orlando, 2000).Toutefois, les relations interculturelles sont également source d'incompréhensions et d'erreursd'interprétation qui peuvent rapidement mener à des tensions, voire à des conflits. Lesdifférences culturelles des salariés qui s'expriment dans leurs comportements sont en réalité lamanifestation d'un ensemble de normes profondes définissant un "modèle culturel". Cox(1994) définit la diversité culturelle comme une représentation, dans un système social,537


d’individus issus de cultures, de pays et de groupes linguistiques multiples. Pour Nicklas(1995 : 37), "chaque culture possède un système complet de règles qui définissent lesrelations des êtres humains entre eux. Ces règles sont nécessaires pour établir la mesure deconformité de comportement dont une culture a besoin pour son fonctionnement".Intériorisées par l'individu, ces normes s'expriment généralement de manière inconsciente. Laculture véhicule des valeurs, à savoir des croyances à propos de ce qui est important, beau,bien, mal ou juste (Sarbaugh, 1979). En offrant un cadre de référence, elle limite lescomportements possibles : "les êtres humains vivent captifs pourrait-on dire, dans la cagequ'ils ont eux-mêmes construite, que sont les normes et les règles" (Nicklas, 1995).Dans le cas des cadres internationaux en entreprise, ignorer la diversité culturelle et seslimites peut conduire à des "mismanagement", à des erreurs de gestion (Dupriez, 1999),lesquelles entraînent des coûts supplémentaires. Les anthropologues Camilleri et Cohen-Emerique (1989) citent, par exemple, la perception de l'espace et du temps ainsi que lasociabilité (hospitalité, codes de bienséances) comme étant deux domaines dans lesquels lestensions dans la rencontre d'une autre culture sont les plus fortes. Ainsi, vouloir conclure tropvite une négociation commerciale avec un client d'Extrême-Orient peut avoir un effetcontraire à celui recherché ; un style de management réputé efficace d'un cadre français peutprovoquer des réactions de rejet de la part de ses collaborateurs anglo-saxons ; la ponctualitéet l'assiduité seront valorisées par des managers allemands alors qu'elles le seront moins pardes managers d’une autre culture; l'attitude de réserve de certains orientaux peuventprovoquer critiques à leur égard de la part de leurs collègues occidentaux (Blaquière, Bossard& Mc Carron, 1984).b. La gestion des spécificités culturelles : le cas des groupes non traditionnels ouminoritairesEn France, le débat sur les minorités et sur la question ethnique a longtemps été une démarcheà « haut risque », pour quiconque se refusait de se satisfaire pleinement de l’universalismeabstrait associé à la République une et indivisible. Avec l’émergence du concept de diversité,et la création et signature de la Charte de la diversité, dès 2004, la question de la gestion desspécificités ethno-culturelles s’est posée de manière plus directe en entreprise.Jusqu’alors, d’après Chouat et Gosselin (1993), l’on assistait à un gaspillage des ressourceshumaines : « nous [voyions] de nombreux employés issus de groupes non traditionnelss’adapter, se conformer, réduire leur potentiel, perdre leur identité ainsi que leur estime desoi et, à l’occasion, s’épuiser à essayer d’être quelqu’un qu’ils ne sont pas… ». Selon cesdeux auteurs « la grande quantité d’énergie que les individus dépensent dans leurs effortspour s’assimiler, pourrait être mieux utilisée à résoudre des problèmes, à identifier desnouvelles occasions d’affaire ou à développer de nouveaux produits ».Pour remédier à ce gaspillage des ressources humaines : la reconnaissance et la valorisationdes différences, en somme la gestion de la diversité. Mais comment, par exemple, reconnaîtreet valoriser les appartenances et pratiques religieuses de catégories de salariés (musulmans,chrétiens, juifs) sans risquer de ne pas être exhaustif et d’oublier, d’exclure ou de marginaliserune autre catégorie ? Les bouddhistes, par exemple ? Comment gérer d’un point de vueorganisationnel, managérial les préférences alimentaires, les vacances, les lieux de prièressans porter atteinte au collectif en termes de performance, de cohésion, voire de cultureentenduecomme culture d’entreprise ?Au nombre des risques d’ordre culturel, les risques cultuels semblent être les plus importantsdans la gestion de la diversité. En France, la liberté de culte fait partie des droits538


fondamentaux, reconnue par le code du travail, mais aussi la déclaration des Droitsuniverselle de l'Homme (article 7 et 18), la Convention Européenne des Droits de l'Homme(article 14) ou le traité CE (article 13). Et bien que, dans la fonction publique, les principes delaïcité et de neutralité soient de mise, dans le privé, ces principes ne s'appliquent pas et lecode du travail en matière de pratique religieuse est assez flou. La jurisprudence érigetoutefois quelques obligations. L'entreprise ne peut pas par exemple : exiger d'un ou d'unesalarié(e) le retrait de signes religieux ostentatoires sans raison objective, interdire dansson règlement intérieur le port de signes religieux ou refuser d'attribuer un jour decongé pour fête religieuse à un ou une salarié(e) si cela n'est pas justifié pour des raisonsde service.Ainsi la mise en place de certaines pratiques inclusives restent-elles à la discrétion desentreprises. Le challenge et les risques restent du côté des managers sur le terrain : tout enévitant de discriminer, ils doivent valoriser la diversité religieuse de leurs collaborateurs sansaccepter les comportements déviants.2. Les limites de certaines pratiques de gestion des diversitésa. Le cas des formations diversitéDans toute bonne formation à la gestion de la diversité, l’objectif est, au-delà de sensibiliserles collaborateurs sur l’existence d’un cadre légal proscrivant les discriminations sur le lieu detravail, d’aller à la rencontre de l’Autre dans ses différences. Il s’agit, bien plus que de savoirlutter contre les discriminations, de d’apprendre à reconnaître l’Autre en chacun pour pouvoirréellement promouvoir Ses diversités. Toutefois, la première limite à cela reste l’ouvertureaux autres. En effet, s’ouvrir aux autres lors d’une formation n’est pas aisé, est nullementautomatique et prend du temps. Chacun reste libre de se libérer de ses évidences, de sespréjugés. C’est pourquoi une entreprise comme L’Oréal a dû créer des modules de formationdiversité non pas de deux heures mais d’une journée et demie par collaborateur. De plus, dansune formation diversité, il s’agit non pas de stigmatiser le fait de faire des catégories (ce quien soi n’est ni bon ni mauvais) mais de rappeler au salarié ce qui est « différent » en lui et quipossède, en germe, des caractéristiques susceptibles de déclencher chez les autres, desmécanismes de discrimination ou de valorisation des différences. Par exemple, lasensibilisation sur le handicap du Groupe Areva réalisée avec une troupe de théâtre a pourobjectifs d’identifier et de comprendre les préjugés dont sont victimes les personneshandicapées. La question des modes et moyens pédagogiques pour « former aux diversités »reste entière : comment former à penser la complexité, à passer d’un système de référence àun autre, à prendre l’habitude du déchiffrage, de l’utilisation simultanée de plusieurs codesculturels et identitaires ? Force est de constater, là encore, que les entreprises déploient despratiques qui rencontrent des limites sur le terrain. Même si les facteurs de succès desformations diversités sont l’utilisation d’une pédagogie interactive (étude de cas,simulations…) et la prise d’exemples d’intégration ou d’exclusion de l’entreprise même,apprendre à penser la complexité et à discerner les chaînes de discrimination qui lientstéréotypes, préjugés et représentations nécessite un temps long et des espaces de discussionssécurisés.539


A.b. La limite de la mesure de la diversité ethniqueB.En France, il n’est pas possible de mesurer la diversité ethnique, ce qui reste une véritablelimite dans l’évaluation des politiques diversités. Certaines entreprises ont utilisé desméthodes, telles que la méthode patronymique, pour notamment analyser leurs recrutements(Casino, L’Oréal…). D’autres entreprises font souvent un détour par le lieu d’habitation. Elless’intéressent ainsi à des populations issues des quartiers sensibles en supposant qu’elles sontmajoritairement « issues de l’immigration ». Par exemple, dans le dans le cadre du PlanEspoir Banlieues, les entreprises se sont engagées sur des moyens et sur des objectifs derecrutement de jeunes de moins de 26 ans issus des ZUS/ CUCS.Mais comment allez plus loin et mesurer la diversité dite ethnique ? Présidé par FrançoisHéran, ancien directeur de l’Ined, le Commed (Comité pour la mesure de la diversité etl’évaluation des discriminations) mis en place en 2009 a eu pour missions de d’identifier et deproposer aux organisations des méthodes de mesure des discriminations et de la diversitéethnique. Il a ainsi préconisé parmi ses 43 recommandations, l’institution, dans les entreprisesde plus de 250 salariés, d’un rapport de situation comparée sur les différences de traitementliées aux origines (RSC-diversité). Il s’agirait, pour les employeurs, de recueillir des donnéessur l’origine des salariés aux principaux moments du processus ressources humaines :recrutement, promotion, accès à la formation, etc. Les origines seraient identifiées à traversles pays de naissance et les nationalités de la personne interrogée – de manière volontaire etanonyme – et de ses parents. Pour garantir la confidentialité de la collecte de ces données, unopérateur extérieur assurerait le recueil et le traitement des questionnaires. Ces RSC-diversitéseraient ensuite adressés à un observatoire des discriminations indépendant.Même si cette proposition d’analyse reposant sur la comparaison de la structure des effectifsdes entreprises d’après l’origine géographique à celle de la population active environnantesemble être une réelle avancée, cette recommandation fait l’économie de la question de lavisibilité, souvent à l’origine des discriminations raciales (Blivet, 2004).ConclusionLa gestion des diversités entraîne des risques pour les entreprises et les managers et connaît deréelles limites sur le terrain, notamment lorsque l’on considère les pratiques de formation etd’évaluation. Les risques d’ordre culturel sont les plus importants dans les entreprisesinternationales. En effet, la différence du référent culturel commun accentue les possibilitésd'incompréhension au sein des équipes de travail. Or "face à l'incompréhension que nousabhorrons dans ces situations multiculturelles, nous manifestons souvent de la peur et unrepli sur nous-mêmes, suivis, très vite, par des clichés, des stéréotypes et des jugements"(Marsan, 2005 : 138). Ainsi, tout comportement observé par une personne non sensibiliséeaux diversités, comportement qui diffère de sa propre norme culturelle ou cultuelle, risqued’être interprété par cette dernière comme étant "anormal". Un jugement de valeur hâtif et uneinterprétation erronée peuvent ainsi générer des malentendus.Toujours d’actualité, même huit ans après la création de la Charte de la Diversité et la mise enplace des premières politiques diversités dans les entreprises, l’impossible mesure de ladiversité ethnique perdure. Bien que les indicateurs RSC-diversité aient séduit en 2009 etsemblaient faire consensus malgré leurs propres limites, ceux-ci n’ont jamais été utilisés demanière opérationnelle par les entreprises…et sont restés à l’état de simple proposition.Tout cela nous conduit à penser que l’obstacle réel de la diversité reste bien au niveau desreprésentations sociales, au niveau cognitif : il s’agit toujours, quelles que soient les pratiques540


d’entreprises, de s’ouvrir à l’Autre et d’aller à Sa rencontre. Comment alors prendre le temps(long) de s’ouvrir et d’aller à la rencontre de l’Autre dans des organisations où, de nos jours,le temps court, la culture de l’urgence et de la performance égotique sont de mise?BibliographieBlaquière, H., Bossard, P., Mac Carron, B. (1984). Le choc des cultures : atout au handicappour l'entreprise ? Revue Française de Gestion, Septembre-Octobre, 111-118.Blivet L. (2004) L’Entreprise et l’égalité positive, Institut MontaigneBoyer L.(2011)et Broussillon G.A., Gérer la diversité : vers un nouveau style de leadership ?in Tous leaders(J.M.Peretti)Broussillon, G-A et Guerfel-Henda Sana, (2010) Audit Social et diversité culturelle, 12 èmeUniversité de Printemps de l’IAS, LibanChouat, N. & Gosselin, A. (1993). La diversité culturelle comme facteur de contingence de lagestion des ressources humaines, AGRH, Jouy-en-Josas, 142-146.Commed (2010), Rapport sur la mesure de la diversité et l’évaluation des discriminationsCox, T. (1994). Cultural Diversity in Organization : Theory research, and Practice. SanFrancisco, Berrett-Koehler.Cox, T. & Blake, S. (1991). Managing Cultural Diversity : Implications for OrganizationalCompetitiveness. Academy of management Executive, 5 (3), 45-58.Dupriez, P. (1999). Le management interculturel : mode éphémère ou réalité d’entreprise?Gestion 2000, 3, 60-77Camilleri, C., Cohen-Emerique, M. (1989). Chocs de cultures : concepts et enjeux pratiquesde l'interculturel, L'Harmattan, Paris.Marsan, C. (2005). Gérer les conflits de personnes, de management, d'organisation, Dunod,Paris.Orlando, C.R. (2000). Racial Diversity, Business Strategy, and Firm Performance: AResource-Based View. Academy of Management Journal, 43 (2), 164-177.Sarbaugh, L.E. (1979). Intercultural communication, Hayden Book Cy.541


« Diversité(s) : RSE et Solidarité »Le rôle des tactiques individuelles d’intégration dans laSocialisation organisationnelle :Essai de modélisation, Cas des Entreprises au MarocOmar El Amili 1 ,1Omar El Amili, Professeur Assistant à L’Ecole Supérieure de Technologie ,Berrechid.Maroc . Tél. : 05.22.32.47.58 Fax :05.22.53.45.30, elamiliomar@yahoo.frLe rôle des tactiques individuelles d’intégration dans la Socialisation organisationnelle :Essai de modélisation, Cas des Entreprises au MarocOmar EL AMILI,RésuméCette communication a pour objectif d’éclaircir le rôle des tactiques individuelles surla socialisation organisationnelle. L’utilisation de sept tactiques individuelles d’intégration aété étudiée sur un échantillon de 322 personnes travaillant dans plusieurs secteurs. Cette étudetransversale a permis de dégager les résultats qui prouvent qu’au début de leur entrée dans uneorganisation, les nouvelles recrues passent du temps à rechercher l’information. Certes,l’expérimentation, la surveillance et la demande sont accompagnées de la rationalité, desactivités cognitives permettant la mémorisation et la structuration de l’information. En outre,542


les nouvelles recrues développent les bonnes relations avec leurs collègues, ainsi que lestactiques d’auto-management durant les différentes phases de l’intégration.Mots-clés : Socialisation organisationnelle, tactiques individuelles d’intégration, recherchesd’information, rationalité, activités cognitives, auto-managementSummaryThis paper aims to clarify the role of individual tactics on socialization organizational.Organizational entry is a transition phase, often stressful to new employees.. The use ofseven individual integration tactics, has been studied of 322 persons working in différentsectors. The results show that newcomers are seeking information during the first period ofjob. Certainly, experimenting, observing and asking are often used in the same time asrationality, cognitive activities that allow the storage and structuring of information.Relationship building and self management tactics are developed by newcomers at any timeduring the integration.Key-words : organizational socialization, individual integration tactics, information seeking,rationality, cognitive activities, self management.INTRODUCTION :Nombreuses sont les organisations qui éprouvent des difficultés pour maintenir en leur seindes ressources humaines qui deviennent de plus en plus rares et y constituent un des facteursclés de succès. Les organisations sont dans l’obligation de gérer les recrutements et lesdémissions ou les licenciements qui deviennent de plus en plus fréquents. En somme,l’approfondissement du processus de gestion de l’entrée des nouveaux recrutés nécessited’identifier un cadre théorique qui correspond à ce qu’on appelle la « socialisationorganisationnelle ».Les premiers chercheurs présentent la socialisation organisationnelle comme un ensemble deprocédures mises en place par l’organisation et destinées à influencer, voire à endoctriner lessalariés (Van Maanen et Schein, 1979). L’organisation contrôle l’individu, elle le contraint àse conformer à ses valeurs et à adopter les comportements appropriés. Elle peut séduire lessalariés (Lewicki, 1981).Un nouveau tournant dans la conceptualisation de la socialisation organisationnelle apparaîtavec les travaux de Louis (1980 ) qui adopte le point de vue de l’individu. L’auteur s’intéresseaux processus cognitifs. L’idée d’un rôle non seulement réactif mais aussi pro-actif desnouvelles recrues a émergé. S’est alors développée la littérature sur les comportements mis enœuvre par les nouvelles recrues en phase d’intégration (Ostroff et Kozlowski, 1992 ; Morrison1993a , 1993b ; Ashford et Black, 1996 ; Saks et Ashforth, 1997 a ; Delphine Lacaze, 2001).C’est dans cette perspective que les recherches récentes, en nombre limité, s’intéressent aurôle de l’individu dans la socialisation organisationnelle. Les individus mettent en œuvre desactions leur permettant de réussir l’intégration au sein des organisations. Il s’agit destactiques individuelles qui consistent en la recherche d’information d’une part et, d’autre parten le développement d’autres comportements pro-actifs tels que l’intégration au sein del’équipe du travail, la rationalité, le développement des activités cognitives et l’automanagement.543


Le présent article tentera de répondre à la question de recherche qui se formule comme suit :Quelles sont les actions que les salariés mettent en œuvre, de leur propre initiative, afinde s’intégrer au sein des organisations ?La première partie de cet article dressera une revue de littérature liée au concept de lasocialisation organisationnelle ainsi qu’un essai de modélisation de l’influence des tactiquesindividuelles sur la socialisation organisationnelle. La seconde partie sera consacrée auxdifférentes étapes du choix de l’échelle de mesure, aux résultats liés à la fiabilité, ainsi que lesrésultats liés à l’épuration de cette échelle par le biais de l’ACP relative à l’étude qui a étémenée sur le cas de 322 entreprises marocaines. Nous conclurons par une discussion sur lesrésultats obtenus et les perspectives de recherche.I .LA REVUE DE LITTERATURE:Les origines du concept de la socialisation organisationnelle nous renvoient aux sources desthéories de la socialisation, il s’agit des disciplines comme la sociologie, la psychologie etl’anthropologie (Lacaze, 2001). L’étude de la socialisation s’est donc réalisée dans uncontexte large, la société humaine. De fait, les chercheurs en gestion ont été conduits àrestreindre et à spécialiser le champ d’étude au monde professionnel (Sainsaulieu, 1977;Dubar, 1991) puis aux organisations. La socialisation s’impose alors en sciences demanagement sous le concept de socialisation organisationnelle.Une présentation chronologique des définitions de la socialisation organisationnelle faitapparaître les évolutions de la recherche dans ce domaine. Alors que les premiers travauxmettent l'accent sur l'organisation (à travers les procédures mises en œuvre par lesresponsables d'entreprise), les recherches récentes explorent le processus vécu par le nouvelarrivant. Selon Schein (1968). « La socialisation est le processus d'apprentissage des "ficelles"d'un emploi, d'endoctrinement et de formation, le processus par lequel un individu reçoitl'enseignement de ce qui est important dans une organisation et dans les sous-unités ».Pour Louis (1980), « La socialisation est le processus par lequel un individu vient à apprécierles valeurs, les capacités, les comportements attendus et les connaissances sociales essentielspour assumer un rôle et participer en tant que membre d'une organisation».La socialisation organisationnelle intervient lors des transitions professionnelles que ce soitlors d’un changement de poste par promotion ou mutation. Cependant, il est reconnu que c’estau moment de l’entrée dans l’entreprise que la socialisation est la plus intense (Feldman,1976). Chao et al. , (1994) confirment en effet que la socialisation a lieu tout au long de lacarrière des individus en fonction des frontières qui sont franchies, mais qu’elle est plus fortelorsque les individus changent d’organisation.Dans la littérature, certains auteurs ont abordé la socialisation organisationnelle en fonction deson processus, d’autres l’ont étudiée en fonction de son contenu c’est ce que nous allonsaborder dans la première section.1- Contenus et processus de la socialisation organisationnelle :Certains chercheurs se sont intéressés à la manière dont se déroule l’entrée du nouvel individudans une organisation ; c’est à dire la manière «par laquelle les employés passent du statutd’outsider au statut d’insider (ou au statut de membre effectivement participant et efficace)»(Feldman, 1976). Ce passage s’effectue par des étapes progressives .Dans la littérature,plusieurs modèles séquentiels de la socialisation organisationnelle existent. Ils identifient lesdiverses étapes qui jalonnent l’entrée dans une organisation (Feldman, 1976, 1981 ; VanMaanen, 1976 ; Wanous, 1992). Ces modèles se distinguent par les noms attribués aux544


différentes phases et par leur contenu. Néanmoins, les chercheurs s’accordent généralementsur trois étapes par lesquelles le nouveau membre passe durant sa socialisationPremière étape : la socialisation anticipatoireLes chercheurs constatent que la socialisation organisationnelle débute dès la phase derecherche et de choix de l’emploi, donc avant l’entrée d’un individu dans sa nouvelleorganisation. L’étape intitulée de la « socialisation anticipée » (notamment Feldman 1976,1981) ou de « pré-entrée » (Porter, Lawler et Hackman (1975)) caractérise la périodeprécédant l’entrée effective du nouveau dans l’organisation.Deuxième étape : la confrontation initialeCette deuxième étape de la socialisation organisationnelle se caractérise par une multitude determes (notamment « accommodation » par Feldman (1976), « rencontre » par Porter, Lawleret Hackman (1975), « confrontation initiale » par Graen (1976). Les acteurs considèrent, àl’unanimité, que cette étape est cruciale dans le processus vu que la recrue va y vivre unvéritable choc de la réalité. Ce dernier naît à la fois de l’écart entre les attentes et la réalité (eneffet, dans la plupart des cas, les informations diffusées au cours de la phase anticipatoireaccentuent les points positifs de l’organisation et minimisent les points négatifs (Van Maanen,1976)). Cette phase du processus et marquée par le stress relativement important ressenti parle nouveau embauché.Troisième étape : l’adaptation à l’organisation, La métamorphose ou l’acceptation mutuelleEnfin, l’étape finale d’entrée organisationnelle se caractérise par le passage du statutd’outsider à celui d’insider, par la résolution des conflits et des ambiguïtés, par l’affirmationd’une identité qui s’adapte aux normes d’engagement, de performance et de loyauté del’organisation. Dans la littérature, un individu est intégré dès lors qu’il est considéré commeun « membre à part entière » (Louis, 1980) dès lors qu’il est devenu un « membre efficace »(Feldman, 1976).Le processus de socialisation décrit, nous nous interrogeons désormais sur le contenu de lasocialisation organisationnelle pour expliquer comment mener un individu à être socialisé etmesurer son efficacité dans l’entreprise.Afin de permettre l’évaluation de l’efficacité du processus de la socialisationorganisationnelle, les chercheurs se sont intéressés, à partir du milieu des années 1990, aucontenu de la socialisation. Dans la littérature, les recherches récentes considèrent que leniveau de socialisation ou d’intégration dans un entreprise peut être mesuré par les« domaines de socialisations » (résultats directs) tandis que les recherches « classiquesretiennent des variables plus traditionnelles (résultats indirects)1.1 Les résultats directs de la socialisation :Les domaines clés du concept de la socialisation organisationnelle ont fait l’objet d’analysesthéoriques et d’investigations empiriques et sept échelles de mesure ont été développées à cejour. Plusieurs modèles d’évaluation de la réussite du processus de socialisation ont étéproposés. Ainsi, Fisher (1986) et Bauer et al (1998) identifient quatre dimensions qui sont lesrésultats directs de la socialisation, en l’occurrence : (1) La maîtrise de la tâche , (2) La clartédu rôle, (3) L’intégration dans la groupe de travail ,(4) L’internalisation des valeursorganisationnellesA partir d’une revue de littérature sur la socialisation, Chao et al. , (1994) identifient sixdimensions de la socialisation sur lesquelles les organisations peuvent avoir une certaineinfluence : (1) La compétence professionnelle ; (2) Les relations interpersonnelles ; (3)Politique ; (4) Langage ; (5) Objectifs et valeurs ; (6) Histoire de l’organisation .545


Parallèlement aux recherches de chao et al, Taormina (1994) définit le contenu de lasocialisation comme un concept à quatre dimensions : (1) l’apprentissage du travail, (2) dufonctionnement de l’organisation, (3) des relations sociales et (4) les projections dans unavenir professionnel en rapport avec l’organisation et développe un inventaire de la rechercheorganisationnelle (« organisationnel Socialization Inventory »-OSI). Dix ans après, cetteéchelle est reprise par son auteur (Taormina, 2004) afin de proposer une comparaison avecl’échelle de Chao et al. (1994).Pour leur part, Anakwe et Greenhaus (1999) formulent l’hypothèse selon laquelle lasocialisation est un construit comprenant six dimensions : (1) la maîtrise des tâches, (2) lefonctionnement au sein du groupe de travail, (3) la connaissance et (4) l’acceptation de laculture organisationnelle, (5) l’apprentissage personnel et (6) la clarté du rôle. L’inclusion dela notion d’apprentissage personnel, qui renvoie à l’apprentissage que fait un individu sur sapropre personne lorsqu’il est confronté à une nouvelle situation, constitue un ajout par rapportà l’échelle de Chao et al. (1994).Ces trois approches définissent le contenu de la socialisation de façon proche, puisque toutesproposent une conceptualisation de la socialisation organisationnelle comme un construit àmultiples dimensions plus ou moins indépendantes, relativement similaires d’un modèle àl’autre.1.2 Résultats indirects de la socialisation organisationnelleActuellement, la littérature reconnaît que les domaines de la socialisation sont pertinents pourdéterminer si un individu est ou non socialisé (Ostroff & kozlowski, 1992).Cependant, les recherches antérieures s’orientent plutôt vers une mesure des conséquencesattendues de cette socialisation en utilisant des variables indirectement liées au concept(Bauer et al, 1998). On aboutit ainsi à des résultats indirects ou « secondaires » (Asforth &Taylor, 1990) des variables plus traditionnelles de Gestion des Ressources Humains.L’efficacité de la socialisation est mesurée par des indicateurs classiques tels que lasatisfaction au travail, l’engagement et l’implication envers l’organisation, l’intention dedépart et le sentiment de performance.2- Les différentes approches de la socialisation organisationnelle et tactiques desocialisationLa socialisation organisationnelle a fait l’objet de nombreuses études pour la plupart anglosaxonnespour permettre la gestion de l’entrée organisationnelle. Les apports, d’un point devue managérial, témoignent à ce sujet d’une évolution de la recherche dans ce domaine. Nousallons nous limiter à dégager les grandes lignes directrices des multiples approches duconcept. A côté des mesures que prennent les organisations pour socialiser les nouveauxsalariés, ces derniers fournissent également des efforts pour y devenir des membres actifs etparticipatifs. C’est ce qui nous traitons dans cet article.Les recherches anciennes considèrent les nouvelles recrues en contondant un rôle passif lorsde leur entrée dans l’organisation. En revanche, les recherches actuelles sur la socialisationorganisationnelle étudient les conduites « activées » par les nouvelles « recrues » qui ne fontpas que subir passivement l’influence de l’organisation. Il s’agit de comportements« proactifs » des nouvelles recrues. Si Jones (1983) décrit théoriquement la socialisation entant qu’activité de traitement de l’information, les études empiriques n’ont commencé quedepuis quelques années. Dans cette orientation, la majeure partie des travaux portent sur larecherche d’information initiée par les nouveaux. Par ailleurs, la littérature fait émerger546


d’autres comportements proactifs à savoir l’attitude, les nouvelles « recrues » comme un réelfacteur de socialisation.2.1-La recherche et la production d’informationsDans la littérature, la recherche d’information représente l’activité principale que l’onreconnaît aux nouvelles recrues (Miller et Jablin, 1991 ; Morisson, 1993 ; Ostroff etKoslowski, 1992). L’information est en effet essentielle pour deux raisons (Morisson, 1993) :d’une part, l’information permet de réduire l’incertitude et rend ainsi le nouveau capable decomprendre, de prédire et de contrôler son nouvel environnement organisationnel ; et, d’autrepart, la recherche d’information d’une manière consciente et volontaire permet de pallier lefait qu’il se sente « privé d’informations » (Jablin, 1984). La recherche de l’information estune activité très intense durant la période d’entrée organisationnelle, laquelle est chargée degrands enjeux organisationnels et individuels. Cette période représente un passage frontièreassocié à de forts niveaux d’incertitude (Miller et Jablin, 1991). Le terrain confirme ce besoinde recherche d’information par le nouveau venu.Deux types de sources d’information sont disponibles :- Les sources impersonnelles : elles sont constituées des écrits de l’organisation, tels queles documents internes officiels. Ces derniers fournissent des informations précises, claireset objectives (Daft et Lengel, 1984). Au niveau empirique, nous pouvons constaterl’absence des résultats concernant les effets de l’information obtenue par la documentationqui peut exister dans l’organisation. Ostroff et Korlowski (1992) incluent deux autressources d’information impersonnelles qui sont l’expérimentation et l’observation.- Les sources interpersonnelles sont constituées par l’ensemble des personnes dans et horsde l’organisation en contact avec le nouveau membre, auprès desquelles il peut s’adresserpour acquérir les informations dont il a besoin. Les travaux de recherche considèrent que lescollègues (pairs) et les supérieurs hiérarchiques semblent essentiel être les plus sollicités(Louis et al, 1983).L’étude des tactiques distingue les modes de recherche et les sources d’information (Miller etJablin, 1991). La recherche active de l’information opposée à l’obtention passived’information .Un nouveau recherche activement de l'information lorsqu'il s'adressedirectement à une autre personne et lui pose des questions. L'information peut être obtenuepassivement en assistant à une situation impliquant d'autres membres de l'organisation.L'utilisation des tactiques est influencée par les caractéristiques de l'individu. Miller et Jablin(1991) proposent que les niveaux d'efficacité personnelle, de tolérance à l'ambiguïté et decomplexité cognitive déterminent le choix des tactiques. Les individus avec un haut niveaud'efficacité personnelle sont plus enclins à chercher des informations ; ceux avec une faibletolérance à l'ambiguïté cherchent des informations plus directes que ceux avec une fortetolérance ; les personnes avec une forte complexité cognitive diversifient davantage lessources d'information. Les personnes avec un fort désir de contrôle sont plus susceptibles derechercher des informations que les personnes avec un faible désir de contrôle (Ashford etBlack, 1996). Par contre, le niveau de confiance en soi n'influence pas la fréquence de larecherche d'information (Morrison, 1993a ; Ashford, 1986).2.2-Autres types de comportements proactifsLes nouvelles recrues adoptent également des comportements d'auto-management (Saks etAshforth, 1996). L'auto-management correspond à s'observer, se fixer des objectifs, serécompenser et se sanctionner seul. L'étude des comportements d' "auto-management" peutdéboucher sur une meilleure compréhension des facteurs qui affectent la socialisation (Bauer,547


Morrison et Callister, 1998). Intégrer différents comportements proactifs dans un modèlepermet également de mieux donner sa place à la recherche d'information parmi l’ensembledes comportements.La littérature n'offrant pas de modèle généralement accepté, nous nous basons sur desrésultats élaborés précédemment et s'inscrivant dans la lignée de la recherche actuelle.Définies comme « des actions – de type comportemental ou psychologique – qui permettentaux nouvelles recrues de s'intégrer, c'est à dire de devenir des membres efficaces d'uneorganisation », six tactiques d'intégration ont été identifiées par Lacaze et Roger (2000 ) lorsd'une étude qualitative réalisée auprès d'employés dans la restauration rapide et l'hôtellerie.Les nouvelles recrues recueillent des informations par trois tactiques : apprendre par lapratique, surveiller son environnement (observer, écouter, lire des documents), et demanderaux autres membres de l'organisation. Deux autres tactiques, qui n'impliquent pas descomportements mais des activités psychologiques, complètent le modèle. Associées à larecherche d'information, les activités cognitives permettent de mémoriser et de structurerl'information. La rationalisation est utilisée pour donner un sens positif à sa situation dans lenouvel emploi.3- Emergence du modèle conceptuelLa revue de littérature a permis, d’une part, de repérer les principaux thèmes de rechercheconsacrés à la socialisation organisationnelle et, d’autre part, d’identifier les indicateurspermettant d’évaluer le degré de socialisation des individus en situation d’«entréeorganisationnelle » (Perrot, 2000).Une fois les indicateurs de socialisation organisationnelle identifiés, des choix doivent êtreeffectués concernant leur mesure par des échelles et / ou items appropriés, afin de pouvoirrépondre à la question de recherche posée.Concernant notre recherche, pour dépasser l’ambiguïté concernant le degré de mesure del’intégration organisationnelle par ces indicateurs, nous opterons comme indicateurs demesure les résultats directs de la socialisation..Les variables explicatives du modèle sont les tactiques individuelles d’intégration. Dans lalittérature, quatre tactiques individuelles, d’intégration sont souvent évoquées, la recherched’information le développement des relations sociales, et les tactiques psychologiques. Peu dechercheurs se sont intéressés à la négociation de changements dans le travail (Nicholson,1984). Nous allons retenir les trois dimensions de tactiques précitées.En se basant sur la revue de la littérature, nous allons conduire notre recherche en prenant enconsidération la définition élargie du concept de la socialisation organisationnelle. Autrementdit, en considérant et les processus d’apprentissage et d’intériorisation et les domaines lesplus généralement cités, à savoir « le travail », « l’équipe du travail » et « l’organisation »Dans le courant des travaux de recherche sur le rôle des tactiques comportementales etpsychologiques mises en œuvre par les individus en vue d’une intégration organisationnelle,nous allons opter pour un modèle intégrateur qui découle d’un questionnement sur les effetsdes dites tactiques548


Tableau : Le modèle conceptuelTACTIQUES INDIVIDUELLESD’INTEGRATIONNN1) Recherche d’information- Observer- Demander- Expérimenter2) Intégration socialeHG1HG2LA SOCIALISATIONORGANISATIONNELLE1) Apprentissage- Du travail- Du groupe de travail- De l’organisation3) Tactiques psychologiques- Rationalité- Activités cognitives- Auto-managementHG32) Intériorisation- Du travail- Du groupe de travail- De l’organisationLa nature et le nombre de dimensions des variables constituant notre modèle théorique,comme il a été schématisé précédemment, nous conduisent à formuler trois hypothèsesgénérales correspondant aux degrés d’association des trois dimensions des tactiquesindividuelles d’intégration (Recherche d’information, intégration sociale et tactiquespsychologiques ) à la socialisation organisationnelle .Par la suite, chacune de ces troishypothèses générales sera déclinée en six hypothèses relatant chacune le degré d’associationentre les dimensions précitées et les six dimensions de la socialisation organisationnelle. Hypothèse générale n° 1 : La recherche d’information influence positivement lesdimensions de la socialisation organisationnelle. Hypothèse générale n° 2 : L’intégration sociale influence positivement lasocialisation organisationnelle. Hypothèse générale n° 3 : Les tactiques psychologiques d’intégration influencentpositivement la socialisation organisationnelle.Ainsi, notre modèle de recherche porte sur les hypothèses formulées entre les tactiquesindividuelles d’intégration comme variables explicatives et dimensions de la socialisationorganisationnelle comme variables à expliquer, dans la deuxième partie de notre recherche,nous présenterons la méthodologie et les résultats .549


II- METHODOLOGIE ET RESULTATSNotre modèle de recherche est composé de deux groupes de concepts : les « tactiquesindividuelles d’intégration », variables explicatives (indépendantes) et les « dimensions de lasocialisation organisationnelle », variables dépendantes (à expliquer). Les hypothèses portentsur les relations causales entre les divers concepts.1. Instruction du questionnaire et choix de l’échelle de mesureNotre objectif étant de tester les hypothèses que nous avons proposées, nous souhaitons doncconstruire l’outil pour tester la structure de la relation entre les tactiques individuellesd’intégration et les dimensions de la socialisation organisationnelle.Pour ce qui est des tactiques individuelles d’intégration, la littérature a révélée l’existence desept tactiques qui ont été identifiées (Delphine Lacaze, 2001). Il s’agit de : 1) l’apprentissagepar essai et erreur expérimentation), 2) la surveillance, 3) la demande, 4) l’intégration sociale,5) la rationalisation, 6) le développement des activités cognitive et 7) l’auto-management.Concernant la socialisation organisationnelle, suite à la revue de la littérature, nos itemscorrespondent au concept socialisation organisationnelle au sens large. Autrement dit, définiet par le contenu et par les processus sous – jacents. Ils correspondent donc à ceux développéspar Serge Perrot (2009) .Cela étant, rappelons que l’approche de contenu la socialisation organisationnelle en troisgrands domaines (travail, groupe de travail, organisation) durant les deux phasesd’apprentissage et d’intériorisation constitue un cadre apparemment consensuel et cohérent,qui a servi de socle commun des échelles de mesures.Pour compléter notre questionnaire, on y a intégré des variables sociodémographiques (ou decontrôle) pour tenir compte des effets de taille, telles que suggérées Kim, Cable et Kim(2005). Il s’agit de la taille de l’organisation, du sexe, de la situation familiale, de l’âge, duprofil, du niveau d’instruction et de l’ancienneté des répondants dans l’organisation. Parailleurs, d’autres caractéristiques contextuelles peuvent influer sur les relations observées. Ils’agit du secteur d’activité. Ces variables ont donc été intégrées dans nos analyses statistiques.Ainsi, au total, le questionnaire contient 61 énoncés (29 énoncés pour les tactiquesindividuelles d’intégration, 12 énoncés pour le processus d’apprentissage et 12 énoncés pourle processus d’intériorisation et enfin 08 items propres aux caractéristiquessocioprofessionnelles.Concernant le développement des échelles de mesure, un examen de la littérature se basantprincipalement sur les recherches empiriques à été entrepris. Un soin particulier a été consacrépour sélectionner les échelles les plus pertinentes. Dans cette recherche, des échelles validéeset adaptées dans les travaux antérieurs ont été mobilisées et adaptées au contexte de notreétude. Ce travail a été réalisé en essayant de ne pas modifier les échelles initiales. Ainsi, nousmesurons les tactiques individuelles d’intégration et les dimensions de la socialisationorganisationnelle sur une échelle de Likert à cinq points et ce en adaptant l’échelle deDelphine Lacaze (2001) et Serge Perrot (2009) respectivement pour les variablesindépendantes et dépendantes.Le questionnaire utilisé pour la recherche a été pré-testé afin de purifier l’instrument demesure utilisé. En effet, il a été administré auprès des professionnels en face à face. L’objectifpoursuivi à travers ce test consiste en la vérification de la bonne compréhension des items(pré-test de compréhension). Les commentaires obtenus ont ainsi permis la reformulation de550


certains items L’élaboration de l’instrument de mesure étant achevée, il nous a été possiblede collecter les données et d’appliquer le modèle de la recherche aux différentes catégoriessocioprofessionnelles représentant notre population d’étude.En vue de permettre à notre recherche d’avoir une valeur ajoutée pour la communautéscientifique, notre population d’étude est hétérogène comme le suggère Delphine Lacaze(2002) comme piste de recherche vu que l’étude qu’elle a menée portait uniquement sur lepersonnel en contact dans les services. Notre recherche s’inscrit donc dans cette perspective.Nous ciblons, conséquemment, les différentes catégories socioprofessionnelles relevant dessecteurs de l’industrie, de bâtiments et travaux publics, de l’agriculture, bancaire et financier,du tourisme, de l’hôtellerie, des administrations publiques, ….etc. Le poids de chaque secteursera mis exergue dans la partie réservée aux résultats de la recherche.Concernant la collecte des données, les données utilisées dans le présent travail ont étérecueillies par questionnaire auto-administré à 400 salariés exerçant dans différents secteursd’activité au sein des organisations relevant de la région de Souss Massa Draa au Sud duMaroc..322 questionnaires ont été exploitables.2. RésultatsNotre échantillon est composé de 322 individus dont 71% sont des hommes. L’âge médian estde 34 ans. 61% des répondants ont un âge inférieur à 36 ans et plus de 80% ont uneancienneté, au sein des organisations, supérieure à 6 mois. En s’alignant aux recherchesantérieures (Perrot, 2008), notre échantillon est, par conséquent, constitué des personnesmajoritairement socialisées.Du point de vue organisationnel, 49% des organisations peuvent être assimilées à des petitesentreprises (nombre de salariés inférieur à 50). 8% des organisations ont plus de 350 salariés.Le secteur B.T.P. est grandement représenté avec un pourcentage de 36 % par rapport àl’ensemble des secteurs. Les secteurs de l’hôtellerie et banque + finances sont les moinsreprésentés avec une totalité de 4,7% des répondants.Ensuite Nous avons mené une ACP afin d’épurer notre échelle de mesure, en tenant comptede l’indice KMO supérieur à 0.5 , des facteurs dont les valeurs propres sont supérieurs à 1 etqui restituent plus de 50 pourcent de la variance expliquée .les tests de fiabilités générale etpartielles ont été effectués avec le logiciel SPSS 17 ,De même que les tests dedimensionnalité.Les résultats de l’ACP ont permis de réduire notre échelle à 50 items, les items suppriméssont : item08(demander) , item 14 (intégration sociale), et item 22 (activités cognitifs). Lesrésultats montrent une bonne cohésion interne entre les items retenus d’une part et l’unicitédes dimensions des construits, d’autre part. Les coefficients alpha de Gronbach sontglobalement supérieur à 0,7 (donc acceptables).ConstruitNombre deFacteursVarianceexpliquéetotale ΑlphadeCronbachEchelle tactiques individuellesRecherche d’informationExpérimentation 1 0.52551


Surveillance 1 0.57 0.80Demande 1 0.50Tactiques d’intégration sociale 2 0.67 0.83Rationnaliser 1 0.53Activité cognitive 1 0.54Automanagement 2 0.50Echelle de socialisation organisationnelleApprentissageTravail 1 0.5Equipe de travail 1 0.61Organisation 1 0.63IntériorisationTravail 1 0.63Equipe de travail 1 0.59Organisation 1 0.700.710.870.923. DiscussionLa revue de littérature nous a permis de concevoir une définition élargie de la socialisationorganisationnelle selon les processus d’apprentissage et d’intériorisation appliqués auxdomaines (travail – équipe du travail – organisation) du concept. Elle s’est présentée en tantque piste de recherche ouverte par Serge Perrot (2009), suggérant de mener des recherches surles échelles de mesure de la socialisation organisationnelle tout en prenant en considération ladéfinition élargie du concept de la socialisation organisationnelle, à savoir, tenir compte et duprocessus d’apprentissage et de celui de l’intériorisation, appliqués aux trois domaines quifont la taxonomie et la convergence entre les domaines généralement évoqués par leschercheurs.Les recherches antérieures sur les tactiques individuelles d’intégration étant appliquées auxsecteurs d’activités de manière individualisée. Notre recherche est, par contre,multisectorielle. D’où le caractère représentatif des résultats obtenus. Aussi Les résultats del’ACP nous ont permis de conclure que notre modèle peut appréhender l’influence destactiques individuelles sur la socialisation organisationnelle d’une façon pertinente .De ce faitpar le biais de notre modèle nous pourrons répondre à notre problématique et de vérifier ledegré d’influence des tactiques individuelles des salariés sur la socialisationorganisationnelles.CONCLUSIONSoucieux de démontrer le caractère stratégique important de l’intégration des salariés, nousavons retenu la socialisation organisationnelle comme cadre théorique de notre recherche.Concernant les évolutions de la recherche dans ce domaine, les premiers travaux mettentl’accent sur l’organisation, les recherches récentes explorent le processus vécu par le nouvelentrant. Dans cette perspective, nous avons mené la présente recherche, son objectif consisteà étudier le rôle des tactiques individuelles d’intégration dans la socialisationorganisationnelle. La problématique de la recherche repose sur la question suivante : quellessont les actions que les individus mettent en œuvre, de leur propre initiative, pour s’intégrerau sein des organisations ? Afin de répondre à problématique, l’élaboration d’une grille de552


lecture et d’une grille d’analyse nous ont permis d’appréhender certaines, tactiques qui fontréussir l’intégration organisationnelle des individus.Notre recherche nous a permis de dégager que dans le cadre du contexte marocain, lestactiques individuelles d’intégration, représentées par la recherche d’information, l’intégrationsociale, la rationalité, le développement cognitive et l’auto-management, et la socialisationorganisationnelle définie par les processus d’apprentissage et d’intériorisation des domaines« Travail, équipe du travail et organisation » ,peuvent présenter un cadre pertinent pourapprécier l’influence des tactiques individuelles sur la socialisation organisationnelle .Notre étude souffre de nombreuses limites et ouvre en même temps plusieurs voies derecherche futures .De point de vue méthodologique, la technique de recueil et de traitement des données possèdeses propres limites malgré les choix justifiés. En effet, les données collectées peuvent ne pasêtre objectives et donc ne mettent pas au diapason les comportements réels des individus. Auregard de l’échantillonnage, il nous semble insuffisant, il aurait pu être intéressant de collecterun nombre plus important de questionnaires auprès des individus afin d’aboutir à des résultatsplus pertinents. D’autre part, notre étude a porté sur les organisations situées dans la région duSouss massa Draa. Ce qui nous conduit à se questionner sur l’existence du facteur culturel quipeut renforcer les interactions sociales au sein des organisations. Une autre limite de notreétude réside dans le fait du caractère transversal de l’étude. Les résultats obtenuscorrespondent à un instant donnée ; ce qui ne nous a pas permis de restituer la naturedynamique du processus de socialisation.Enfin, une autre limite qui porte sur le caractère non intégratif du modèle conceptuel. Eneffet, d’autres variables individuelles telles que la personnalité, la motivation à l’emploi, lesobjectifs de carrière, (Wamberg et Kammeyer – Mueller, 2000) peuvent influencerl’intégration des nouvelles recrues.Plusieurs voies de recherches peuvent être envisagées suite à ce travail. Nous en exposonsdeux, tout en soulignant qu’elles ne sont en aucun cas exhaustives. La première a trait àl’étude des relations entre les tactiques individuelles d’intégration et la socialisationorganisationnelle, en menant une étude qualitative, suivie d’une étude quantitative. Laméthode des équations structurelles est suggérée d’être utilisée au niveau des analysesstatistiques. La seconde voie de recherche consiste à mener une étude longitudinale, portantsur la thème de notre recherche, tout en prenant en considération les tactiquesorganisationnelles de socialisation et en incorporant dans des variables sociodémographiquesd’autres variables telles que la relation avec le supérieur hiérarchique et celles propres à labiographie de l’individu.Bibliographie- Anakwe, U. et Greenhaus, J. 1999. «Effective socialization of employees : A socializationcontent perspective». Journal of Management Issues, 11, 3, 315-329..- Ashford, S.J. 1986. Feedback seeking in individual adaptation: A resource perspective.Academy of Management Journal, 29(3): 465‐ 487.- Ashford, S.J. et Black S.J., «Proactivity during organizational entry : The role of desire forcontrol », Journal of applied psychology, 1996, vol.81, 199-214.- Ashforth, B.E., & Saks, A.M. (1996). Socialization tactics: Longitudinal effects onnewcomer adjustment. Academy of Management Journal, 39, 149-178.- Ashford, Susan et Black Stewart J., «Proactivity during organizational entry: The role ofdesire of control», Journal of Applied Psychology, 1996, vol. 81, 199-214.553


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Atelier 14 : diversité et PME…………………………………………………………………………………………….« La diversité des caractéristiques des PME et leur effet sur L’Internationalisation et lesmoyens de mesure de la performance » Abderrahman JAHMANE et Donia JLASSI (IAE de Lille)« Travailler ensemble » dans l’artisanat du bâtiment : De la diversité des profils d’artisans auprojet entrepreneurial collaboratif » Isabelle CALME et Marion POLGE (Université Montpellier 1).556


La diversité des caractéristiques des PME et leur effet surL’Internationalisation et les moyens de mesure de laperformance.Abderrahman JAHMANEATER Université du MaineDoctorant IAE de LilleLille Economie & Management LEMajehmen@yahoo.frDonia JLASSIDoctorante IAE de LilleLille Economie & Management(LEM)donia_jlassi@yahoo.frRésumé :Dans un contexte de mondialisation, l’internationalisation des petites et moyennes entreprises(PME) devient un enjeu fondamental. Toutefois, un pourcentage relativement faible de PMEconçoit leur développement hors de leurs frontières nationales.En effet, la vente à l’étranger pose des difficultés que les PME ne rencontrent pas sur lemarché local et des coûts de production plus élevés provenant des exigences particulièresdues aux différences culturelles et au respect des normes. Ainsi, pour réussir sur le marchéétranger la PME peut adopter des pratiques de gestion avancées, par exemple le juste àtemps ou la qualité totale. Ces pratiques sont accompagnées par des changements de557


procédures, d’habitudes et de structures. La décision d’internationalisation nécessite doncdes changements de comportement organisationnels et individuels.À part ces changements organisationnels, l’internationalisation d’une PME nécessitebeaucoup de ressources et en particulier les ressources financières. D’où cette contributionqui a pour but de citer les caractéristiques d’une PME classique dans une première partie etvoir si ces caractéristiques aident ou inhibent l’internationalisation de la PME. Et de voir siune bonne performance financière sur le marché local facilitera l’internationalisation de laPME.Mots clés : Internationalisation, caractéristiques d’une PME, performance financière,indicateurs de performance financièreINTRODUCTIONLes progrès technologiques ont donné naissance à des grandes entreprisesindustrielles qui, grâce à la spécialisation des tâches et plus généralement au développementdu taylorisme, produisent en grandes quantités et avec les moindres coûts. Dans cesconditions, la petite taille est considérée par beaucoup d’analystes comme un inconvénient,car elle ne se situerait pas dans une logique de prix bas et d’économie d’échelle. Les PME àcette époque suscitent peu d’intérêt : leur développement potentiel semble bien moindre quecelui des grandes entreprises.Plus tard, le nouveau contexte économique oblige les entreprises à remplacer le principe deproduction massive par le principe de la qualité de produit. De cette façon, les enjeux dumoindre prix, même s’ils restent importants, ne sont plus uniques pour améliorer laperformance de l’entreprise. En effet, la durabilité de la performance de l'entreprise supposela considération de l'intérêt des salariés, des territoires, des clients, de l'environnement naturel,et désormais des générations futures. Autrement dit, la performance de l’entreprise supposeune certaine complémentarité entre les indicateurs de performance financiers et nonfinancièrs.Devant cette nouvelle situation, les petites et moyennes entreprises se sont orientées vers ladiversification des domaines d’activité stratégiques. La DAS a ses avantages à savoirl’accroissement de puissance et d’efficacité grâce à une prise de position plus large surl’ensemble du marché. Et elle a aussi des inconvénients à savoir les difficultés de gérerl’organisation. En effet, la dispersion des forces entrave la réalisation de l’objectif fixé parl’entreprise ce qui engendre des pertes. Dans ce contexte, suivant Fabien Piliu (2012) 151trouve que : « Si l’on compare la France avec des économies qui lui ressemblent davantage,l’écart est également flagrant. De l’autre de la Manche, « seules » 35.122 ont disparu. EnItalie, le nombre de défaillances s’élève à 20.718. Si le nombre de faillites est assezcomparable en Allemagne, il faut rappeler que l’on y recense 3,5 millions d’entreprises ».Pour compenser ces pertes, les grandes entreprises ont cédé des actifs, ce qui a entrainé ladiminution de la taille. C’est ainsi que les PME reprennent leur place dans le tissuéconomique (Boutary, 1998). Les PME sont alors considérées comme une alternative à unsystème non fiable atteint par sa taille gigantesque et gagnent ainsi une forme de légitimité151 Fabien Piliu (2012) la Tribune. Fr le 19/04/2012 ; La France, championne du monde des défaillancesd'entreprises : http://www.latribune.fr/actualites/economie/20120419trib000694447/la-francechampionne-du-monde-des-defaillances-d-entreprises.html558


(Julien 2005, p36). Elles passent donc de l’idée de structures transitoires à l’idée de structuresdifférentes (Torrès 1998, p 10).Cette nouvelle définition n’est toutefois, pas encore acceptée dans tous les milieux. Certainscontinuent à considérer les PME comme des grandes entreprises en miniature (Julien 1994,p3) qui ont les mêmes caractéristiques des grandes entreprises et dont on peut appliquer lesmêmes concepts et théories qu’une grande entreprise.D’autres considèrent que ce type d’entreprises ne nécessite l’étude que s’il est en marche dedevenir grand « se sont principalement les macro-économistes qui pensent que seules lesgrandes entreprises et en particulier les multinationales dirigent et conditionnent l’économieen se basant sur la théorie des économies d’échelle » (Julien 2005, p 53).Pourtant, les PME représentent une majorité. Ainsi, l’OCDE en 2006 a montré que les PMEreprésentent de 95% à 99% des entreprises des pays membres. Et elles créent entre 60% et70% des sources d’emplois pour les économies nationales des pays membres. D’ailleurs, ellesconstituent pour plusieurs régions la seule source d’emploi et de renouvellement del’économie du fait de la lourdeur des grands investissements qui restent hors de leur portée(Pantin 2006).De ce fait, les PME paraissent comme un domaine d’étude en soi et une meilleureconnaissance de leurs particularités ne peut que profiter aux économies surtout dans uncontexte économique global.En effet, il est de plus en plus difficile de parler de développement des PME sans faire le lienavec la mondialisation des marchés et ainsi de l’économie. La capacité de ces entreprises àdévelopper leurs activités hors de leurs frontières nationales est devenue un enjeufondamental puisqu’elles se trouvent concurrencées par des produits étrangers mêmes surleurs marchés locaux (Julien, 1996).La dimension internationale constitue aujourd’hui une réalité s’imposant aux PME.Cependant, peu de PME conçoivent leur développement hors de frontières nationales (stpièrre, 2003). En effet, seulement 6% des PME françaises font des ventes à l’étranger(l’observatoire européen des PME, 2008). D’où l’intérêt de comprendre pourquoi une faibleproportion de PME seulement s’internationaliseÀ travers notre procédure de recherche, il s’agit de présenter dans une première partie lescaractéristiques des PME pour voir si ces caractéristiques aident la PME à s’internationaliserou si c’est le contraire. Dans une seconde partie, nous évoquons le principe de la performancefinancière ; nous essayons de mesurer cette performance à travers une diversité d’indicateursde mesure et nous cherchons si une forte performance financière sur le marché local facilitel’internationalisation de la PME?Section 1 : PME classique diversité de Taille, stratégie et centre desdécisions.Avant d’aller plus loin dans cette recherche, il convient de préciser la définition del’internationalisation et des principaux concepts de la recherche.Pour cela, nous essayons de présenter les principales théories et approchesd’internationalisation avant d’en évaluer la portée et les limites dans un contexte de PME.I. les fondements théoriques de l’internationalisationI.1. Présentation des théories d’internationalisationLa théorie initiale d’internationalisation était développée par Hymer (1960, 1976) inspirée destravaux de Coase (1952). Elle était approfondie en 1969 par les travaux de Kindleberger.Toutes ces théories d’internationalisation (Hymer, Kindelber, Dunning, Coase) y comprit lathéorie de Vernon (1966) se basent sur le faite que le marché soit imparfait (marché enmonopole ou oligopole) et s’intéresse aux grandes firmes multinationales. En effet, ces559


théories considèrent que l’internationalisation réussit là où les marchés sont imparfaits, où lesprix fluctuent, où les informations sont rares et où l’oligopole règne, car dans cette situationl’internationalisation devient un moyen d’atténuer le manque d’efficacité et de gaspillage(Hymer, 1976).Ces théories sont souvent associées aux grandes firmes ce qui fait qu’elles perdent leursignification dans le contexte des PME. En effet, la spécificité des PME rend ces théories peuréalistes (Allali, 2003). Car, du fait de sa petite taille, une PME choisit un marché où lesconditions d’entrée sont plus faciles (Hirsch et Adar, 1974). De plus, un marché oligopolerassemble souvent des firmes de taille importante.I.2. l’approche behavioristeLa théorie behavioriste a largement dominé les théories de l’internationalisation desentreprises. Deux voies d’analyse de l’internationalisation sont proposées par cette approche àsavoir : le modèle Uppsala (Johanson et Wiedersheim paul (1975) et Johanson et Vahlne(1977)) et le I-modèle ou l’internationalisation par l’innovation (Bilkey et Tesar, 1977 ;Cavusgil, 1981 ; Czinkota, 1982 ; Reid, 1981).Ces théories se basent sur le principe que le manque de connaissance sur le marché étranger etle manque des ressources pour l’affranchir constituent un obstacle devantl’internationalisation de la firme. C’est pour cette raison que les entreprises choisissent despays proches psychologiquement (Johanson et Wiedersheim paul, 1975 Johanson et Vahlne,1977; Bilkey et Tesar, 1977 ; Cavusgil, 1981 ; Czinkota, 1982 ; Reid, 1981). Ce qui veut direque ces marchés sont proches dans la langue, la culture, l’éducation, les pratiquesmanagériales, les systèmes politiques, le développement industriel, etc.Selon cette approche, l’internationalisation est une série d’étapes successives. Léonidou etKatsikeas (1996) résument l’I-modèle en trois principaux stades à savoir : le pré-engagement,la phase initiale et la phase avancée. Et Johanson et Vahlne (1990) résument le modèleUppsala comme l’indique la figure ci-dessous.Figure1 : le processus d’internationalisation de la firme selon Johanson et Vahlne (1990)AspectstatiqueConnaissancedu marchéAspectdynamiqueDécisionsd'engagementL'engagementdans lemarchéActivités encoursSource :khayat, 2004L’internationalisation pareille donc un processus long, réactif et évolutif où l’apprentissageprogressif et l’engagement graduel sur les marchés étrangers constituent la clé dudéveloppement international (Ageron, 2001).560


Cependant, cette approche a été souvent critiquée. D’une part, cette approche fait référence àla théorie de cycle de vie (Vernon, 1966) qui, elle aussi, a été sévèrement critiquée et surtoutnon adaptée avec le contexte des PME (ses postulats d’avance technologique des firmes et lesdifférentiels de coûts de production ont été remis en question surtout dans le contexte de PME(Allali, 2003). D’autre part selon les étapes de cette théorie une PME ne peuts’internationaliser que si elle renforce sa part de marché local et donc que si elle devient plusou moins une grande entreprise (Calof, 1994). Ce même principe est fort présent dans lesthéories par étapes ce qui n’est pas toujours vrai dans la réalité. En effet, plusieurs PMEnaissent internationales (at fundation) (Oviatt et Mc Dougall, 1994), d’autress’internationalisent l’année même de la création (Torres, 1998). Cette tendance est accentuéepar les progrès technologiques et la vision même de l’entrepreneur (Wolf et Pett, 2000). Deplus, les PME ne sont pas obligées de suivre ce même ordre, elles peuvent sauter des étapes,ou choisir de rester dans une étape particulière tel que l’exportation (Julien, 2005).Il s’avère donc que cette approche behavioriste est incapable d’expliquer certainscomportements de la PME à l’international ce qui a orienté la recherche vers d’autresapproches notamment l’approche par les réseaux.I.3. L’approche par les réseauxCette approche est issue de l’école Uppsala. C’est une amélioration du modèle de Johanson etVahlne (1977). Dans le modèle d’internationalisation par les réseaux, Johanson et Vahlne(1990) insistent sur la position de la firme dans le réseau. Ils reprennent les concepts utilisésdans le premier modèle (internationalisation par étape) mais dont les relations ne sont plus lesmêmes : engagement, connaissance du marché, activité actuelle, décision. Ils les examinentdans cette approche d’une façon multilatérale plutôt qu’unilatérale et le processusd’internationalisation devient un processus inter et intra-organisationnelle. En effet, la firmes’engage d’abord dans un réseau local. Une extension internationale de ce réseau aura uneimplication sur les membres. L’internationalisation est donc définie selon cette approchecomme des relations d’affaires établies entre les pays via 3 étapes : la prolongation, lapénétration et l’intégration (Johanson et Mattson, 1988). La prolongation est la première étapedes entreprises pour intégrer un réseau. Cette étape est accompagnée par des investissementsnouveaux pour la firme (Khayat, 2004). La pénétration est liée au développement desressources et de la position de l’entreprise dans le réseau. L’intégration est une étape avancéeoù l’entreprise est liée à plusieurs réseaux localisés dans plusieurs pays et dont elle doitcoordonner entre ces différents réseaux.L’internationalisation selon cette approche est le résultat de l’internationalisation d’une autreentreprise membre du réseau (Johanson et Vahlne, 1990). L’internationalisation devient doncun processus cumulatif dans lequel des relations sont établies, développées et maintenues defaçon continue afin de réaliser les objectifs de la firme (Laghzaoui, 2006). La position de lafirme dans le réseau dépend du degré d’internationalisation du marché et du degréd’internationalisation de la firme ce qui donne naissance à quatre types d’entreprises(Johanson et Mattson, 1988).Degré d’internationalisation du marchéDegréd’internationalisationde la firmeFaibleFortFaible Premier entrant Dernier entrantFort Seul à l’international Plusieurs à l’internationalFigure2 : l’internationalisation selon l’approche réseau selon Johanson et Mattson (1988)Malgré la diversité des définitions du processus de l’internationalisation l’exportation reste laforme essentielle de l’implantation des PME à l’étranger (Pett et Wolf, 2000). C’est le moded’entrée le plus approprié aux capacités et ressources des PME (Marc Valax, 2008) car ellepermet une flexibilité importante et elle demande un changement de structure limité (Namiki,561


1988 ; Monnoyer Longé, 1990). C’est pour cette raison que nous choisissons de parler dans lapartie qui suit de l’exportation.II.1. Taille et l’internationalisation des PMELa taille de la firme a été souvent considérée comme proportionnelle aux ressources de lafirme qui peut affecter le comportement d’exportation.Pour ce fait, plusieurs recherches ont inclus la taille de la firme comme une variableindépendante dans leurs études empiriques afin de trouver la relation entre la taille etl’internationalisation de la PME.On note une divergence des avis bien qu’il y a tendance à admettre que plus la firme estgrande plus elle a tendance à vendre à l’étranger (Miesenbock, 1988). Ainsi, certains auteursmontrent dans leurs études que la taille est positivement corrélée avec l’internationalisation dela PME ainsi qu’avec son succès, d’autres disent que cette relation est plutôt une relationnégative.II.1.1. Relation positive entre taille et internationalisationSuite à une revue de la littérature, Miesenbock (1988) stipule que les résultats empiriques surcette relation ont été mixtes, mais dans l’ensemble ils tendent à montrer que plus la taille de lafirme est grande plus est facile d’initier et de développer l’exportation.Cette même idée est confirmée par les travaux de Moini (1995) qui montrent que la taille de lafirme est positivement corrélée avec l’activité d’export et avec le succès de cette exportation.St-Pierre (2003) dégage d’après des données statistiques issues des résultats d’un sondageauprès de 8141 PME de divers secteurs une relation positive entre la taille de l’entreprise(mesurée en nombre d’employés) et le degré d’exportation. Ces statistiques, ainsi que cellesproduites par la bank of England (1998) montrent que la taille de l’entreprise estproportionnelle aux ventes à l’étranger. Ces résultats ont été vérifiés par une étude empirique,qui a montré que les entreprises exportatrices sont les entreprises les plus grandes. (Il est ànoter que la taille de l’entreprise est mesurée en volume d’activité ou en nombre d’employés.)La littérature existante conclut que les petites firmes exportent une faible part de leurs ventesà cause des ressources limitées, des économies d’échelle et des facteurs managériaux entermes de perception élevée du risque de l’activité internationale, le conservatisme et la faibleorientation des dirigeants à la vente de leurs produits à l’étranger (Castanias et Helfat (2001)).Ainsi, Ndjambou (2008) a indiqué que les petites entreprises sont, souvent, des exportateurspassifs ou réactifs. Cette observation est valable pour d’autres recherches qui suggèrent que lemanque de connaissance concernant les marchés étrangers et l’incapacité de profiter desopportunités offertes sur ces marchés sont les majeurs problèmes qui empêchent lesorganisations de petite et moyenne taille de s’engager dans l’exportation (Chtourou (2006)).D’autres ajoutent à cela la patience et la flexibilité du dirigeant et sa bonne volonté à prendreun risque additionnel (Ageron, (2001) ; Pantin (2006)).II.1.2. Relation négative entre taille et internationalisationContrairement aux résultats des études précitées, certains auteurs concluent que la relationentre la taille et l’internationalisation des PME est négative.En effet, Reuber et Fisher (1997) montrent que l’important n’est pas la taille en tant que telle,mais c’est plutôt la qualité des compétences du personnel et par conséquent la spécialisationstructurelle au sein de la PME. L’internationalisation est donc un concept à l’ampleur de cescompétences.De plus, les résultats d’une étude empirique faite par Wolf et Pett (2000) sur les entreprises demanufacture américaine dont l’effectif est inférieur à 500 employés ont montré, contrairementà ce qui est attendu, que les PME ayant un nombre d’effectifs de moins de 25 employés ontl’intensité des ventes à l’étranger la plus élevée (l’intensité des ventes à l’international562


mesurée par le ratio des ventes exportées sur le total des ventes). Dans le même ordre d’idée,Monnoyer (1990) a montré que la taille influence le volume du chiffre d’affaires, mais pasl’intensité des ventes et l’étude empirique faite par Pope (2002) a montré que l’intensité desventes à l’étranger est la même quelque soit la taille (mesurée en nombre d’employés).Sur la base de cette revue de la littérature, nous pouvons conclure qu’il n’y a pas un accordconcernant la relation entre la taille de la firme et l’internationalisation de la PME. Ladivergence dans les résultats de ces études peut être expliquée par les différences dedescription et de mesure de la variable taille de l’entreprise. En effet, la majorité des étudesont utilisé comme mesure de la taille le nombre d’employés à temps complet, le chiffred’affaires annuel ou l’actif de la firme, d’autres ont utilisé le nombre des employés techniqueset administratifs ou le nombre des lignes de produits, d’autres ont utilisé le volume des ventesannuelles ou les investissements en capitaux (Reid (1982)). Ainsi, il semble que l’impact de lataille varie avec la multitude des indicateurs de mesures employés et avec la dimension ducomportement d’exportation étudiée (Léonidou et Katsikeas 1996).Ce débat peut être expliqué, aussi, par le fait que les termes petites et moyennes entreprises etgrandes entreprises sont très relatifs dans un contexte international (Ndjambou, 2008). Eneffet, une PME en France ou en Allemagne est une entreprise qui a un nombre d’effectifsinférieur à 500 employés. Ce nombre est plus faible dans d’autres pays, en Espagne ou auSuède, par exemple, les PME sont les entreprises ayant un nombre d’effectifs inférieur à 250employés et au Portugal les PME sont les entreprises qui ont un nombre d’effectifs inférieursà 50 employés (Julien 2005. p6). Ce nombre varie aussi selon les secteurs d’activité, parexemple, une entreprise de textile qui a 100 employés est considérée comme petite, alorsqu’une entreprise de camionnage ayant 50 employés est considérée comme moyenne (Julien,2005, p7). Ces différences peuvent créer des problèmes de comparabilité des résultatsempiriques (Reid, 1983).Malgré ce débat, un consensus apparaît sur le fait que les grandes firmes disposent de plus deressources nécessaires pour la réussite du processus d’expansion.II.2. Stratégie et l’internationalisation des PME : Stratégie intuitiveLa décision stratégique dans une PME est le plus souvent une décision à court terme,axée sur la réaction plutôt que sur l'anticipation. En effet, pour résoudre les problèmes qui seposent, le dirigeant élabore des logiques d’actions à court terme (Torrès, 1999) ce qui donnenaissance à des stratégies réactives (Boutary et Durand, 2008). De plus, le processusdécisionnel d’une PME est vu comme étant plus intuitif, moins basé sur des informations etdes modèles formels de prise de décision. Ainsi, dans les PME, le processus de décisionfonctionne le plus souvent selon le schéma intuition-décision-action. Ce qui fait que lastratégie est avant tout implicite et très souple (Julien, 2005).Les caractères informels et intuitifs qui spécifient la stratégie de la PME trouvent leursorigines dans la proximité. En effet, dans les petites entreprises, le propriétaire-dirigeant estsuffisamment proche de ses employés-clés pour leur expliquer au besoin tout changement dedirection, alors que les grandes entreprises doivent préparer des plans pour les actions à venirpour que toute la direction puisse s'y référer. Donc, ces caractéristiques spécifiques aux petitesentreprises constituent des avantages qui leur sont propres, telles que la rapidité avec laquelleles décisions sont exécutées (qui est essentiel pour un marché international non stable), laproximité des marchés (le dirigeant se déplace pour rencontrer ses clients, fournisseurs etconcurrents. Il est donc à l’écoute du marché et de ses changements) ainsi qu'une grandecapacité de s'adapter et de changer d'orientation à court terme. Ces caractéristiques sontessentielles pour une entreprise qui cherche à réussir dans un environnement concurrentiel,comme les marchés internationaux.En définitive, la préférence pour le court terme, l'aspect intuitif de la formulation stratégique,les qualités de flexibilité, de souplesse, de réactivité, facilite la réussite de la PME à563


l’étranger. Il faut également tenir compte du fait que les principaux outils de l’analysestratégique ont été développés pour et par les grandes entreprises qui ont des caractéristiqueset des modes de gestion différents de ceux des PME. Ce qui fait que l’utilisation de ces outilspar des PME peut donner des résultats non rentables et entrainer l’échec de la PME surtoutsur le marché international où le risque augmente et la concurrence est importante.D’autre part, la complexité du marché international appelle la stratégie planifiée à long terme(Schmitt, Julien et Lachance, 2002). La planification permet aux preneurs de décisions deprendre en considération dans la fixation des objectifs, les moyens disponibles. Mais, avec lecaractère informel de la PME, le dirigeant se trouve incapable d’estimer concrètement lesmoyens existants au sein de son entreprise, ce qui donne naissance à des objectifs irréalistes etnon praticables. C’est ainsi que souvent, les analystes dénient à la plupart des PME toutecapacité à définir objectifs et moyens qui forment le corps d’une stratégie (Klantaridis, 2004).De plus, le dirigeant fait appel, souvent, à son intuition. Ce qui fait que la décision ne peut pasêtre objective et elle ne peut réussir que dans un environnement stable bien connu par ledirigeant. Or l’environnement international est un environnement changeant et les PME ontsouvent des problèmes d’information sur ces marchés étrangers (Chtourou, 2006). En plus deces problèmes de manque de formalisation et de manque d’information, exporter est rarement,pour une PME, un objectif en soi (Bilkey et tesar, 1977). En effet, d’après l’école suédoise del’internationalisation par étapes, les PME sont dans un premier temps totalementdésintéressées par l’international. L’objectif de s’internationaliser n’apparait qu’avec desdemandes sollicitées, donc plutôt aléatoire et ne se base pas sur une planification claire ouanticipée (Laghzaoui, 2009). Ces caractéristiques de la stratégie augmentent le risque etpeuvent être des obstacles devant la réussite de la PME à l’étranger.Cependant, Léo (1990) pense que la dimension stratégique n’est pas absente despréoccupations des responsables de PME mais elle est moins formalisée par rapport auxgrandes entreprises et ne se traduit pas toujours par une planification, car le dirigeant penseque la discrétion sur ses intentions peut constituer un avantage concurrentiel (Marchesnay etCarrier (2005), p 185). De ce point de vue, sur des marchés internationaux peu stables ouconcurrentiels, une stratégie intuitive peut être un avantage spécifique des PME face à desstratégies plus formalisées de grandes entreprises.II.3. Centralisation de la décision et l’internationalisation des PME.II.3.1. DirigeantLa direction d’une PME est souvent entre les mains d’une seule personne dirigeante del’entreprise, cette personne est le personnage capital d’une PME, ainsi, il prend part et mêmeil est le maître de l’ensemble des décisions stratégiques, administratives et opérationnelles(Ageron, 2001).Le dirigeant est donc la personne qui guide le groupe vers des objectifs précis, désirables etdésirés, consciemment ou inconsciemment, par le groupe (Pope, 2002). Il engage souventl’organisation dans de nouvelles voies de développement et nouvelles lignes de conduite donton cite l’internationalisation.La réussite de la PME à l’étranger est basée sur la capacité de réponse du dirigeant, c'est-àdirele faite d’être simultanément sensibilisé aux stimuli et aux barrières des marchésétrangers et d’avoir la capacité de profiter de la potentialisation des marchés et des occasionsintéressantes (Namikie, 1988). Elle dépend aussi de son savoir, attitudes et motivations (Julienet Marchesnay, 1996), en d’autres termes, de sa vision qui est d’ailleurs une source demotivation et de mobilisation des ressources au sens où, non seulement elle offre àl’entrepreneur un cadre d’actions qui l’aident à se rendre là où il désire, mais aussi et surtoutdes moyens d’attirer, stimuler et motiver son équipe (Allali, 2003). Cela se traduit par unimpact sur les performances à travers les décisions et les actions.II.3.2. Caractéristiques du dirigeant564


La PME a toujours considéré le dirigeant comme la force principale à l’origine del’initiation, du développement et du succès des efforts d’exportation de la firme, et ce, à causede sa grande responsabilité et de son engagement dans les décisions d’exportation. Ainsi, lescaractéristiques du dirigeant et leur influence sur les activités d’exportation ont été l’objet derecherche de plusieurs études (Léonidou, Katsikeas et Piercy, 1996).En effet, plusieurs caractéristiques managériales sont identifiées comme ayant une relationavec les activités d’exportation. Un premier groupe de facteurs concerne les caractéristiquesobjectives du preneur de décision qui ont un effet sur l’exportation. De ces facteurs, les plusfréquemment cités sont l’âge (Mc Connel, 1979), le niveau d’instruction (Garnier, 1982),l’expérience professionnelle et l’ouverture sur les pays étrangers (Reid, 1983). Un secondgroupe de facteurs est plus subjectif de nature contenant des caractéristiques associées auxperceptions, attitudes et comportement du preneur de décision. Ainsi, Allali (2003) trouve quel’engagement à l’étranger dépend principalement des attitudes du dirigeant. Il trouve que si ledirigeant a des attitudes positives vis-à-vis de l’internationalisation, la décision aura lieu, ellesera proactive et l’engagement sera actif. Cependant, si le dirigeant est indifférent vis-à-vis àcet engagement tout dépendra des stimuli rencontrés. En effet, s’il rencontre des stimulipositifs, l’internationalisation aura lieu, mais l’engagement sera expérimental et la décisionsera réactive. Si les stimuli rencontrés sont des stimuli négatifs, la décisiond’internationalisation sera bloquée.Figure 3 : l’influence de l’attitude du dirigeant sur l’internationalisation565


Source : ALLALI (2003)D’autres auteurs ont ajouté aux attitudes et objectifs du dirigeant, les objectifs et vision de lafamille (Menzies, Filion, Brenner et Elgie, 2007). La famille influence même le type dudirigeant par sa mode de vie et sa culture. Ainsi les socio économistes ont distingué deuxtypes de dirigeants en partant des 3 aspirations socio-économique chez celui-ci : pérennité,indépendance et croissance (Julien et Marchesnay (1996), p 58), ces aspirations sont fortinfluencées par la famille.Le premier type est le type PIC: pérennité, indépendance et croissance : ce dirigeant cherchela pérennité de son entreprise, il cherche aussi à garder son indépendance matérielle etdécisionnelle, c’est pourquoi il se base souvent sur un autofinancement. Cependant, lacroissance n’est pas son premier objectif, il cesse de croître dès qu’il atteint un niveausatisfaisant. Ce dirigeant préfère les activités sans risques même si elles sont à des gainsfaibles.Le deuxième type de dirigeant est du type CAP : croissance, autonomie, pérennité : le premierobjectif de ce dirigeant est la croissance synonyme pour lui la réussite personnelle etl’accomplissement de soi, c’est pourquoi il se base sur une structure de financement ouverte àtravers des financements directs et indirects, mais à condition qu’il garde son pouvoirdécisionnel. Il ne considère pas son entreprise comme une extension de sa personne.566


L’effet de ces caractéristiques a été étudié sur différentes dimensions de l’activité à l’étranger,à savoir la tendance de la firme à initier cette activité, son avancement et sa performance ouson échec (Léonidou, Katsikeas et Piercy, 1996). En effet, ces caractéristiques façonnent saperception à l’internationalisation et sa perception aux problèmes et difficultés associés à cettedécision.La littérature ci-dessus montre que les caractéristiques classiques de la PME peuventêtre des freins à son internationalisation pour quatre raisons principales: la petitesse de lataille exprimée par le manque des ressources, des stratégies intuitives et réactives nonplanifiées et non pas compatibles avec un environnement international, une centralisation dela décision et enfin de leur faible spécialisation. De plus, la production pour l’international estplus couteuse que la production pour le marché national. Ces charges sont dues au respect desnormes culturelles et des normes de productions, des frais de transport, etc. donc la PME abesoin de mobiliser plus de ressources. Elle est appelée alors à chercher d’autres voies demobilisation de ressources et de financement pour améliorer sa performance à l’international.En effet, certains relient la performance internationale à la performance de l’entreprise,d’autres pensent que c’est une comparaison entre les résultats obtenus à l’étranger avec lesobjectifs qui étaient fixés. L’évaluation de la performance par des indicateurs appropriés estun exercice crucial pour les PME qui veulent réussir (Morin, Guindon et Bouliane, 1996).Cependant, nous enregistrons une hétérogénéité des indicateurs de mesures de performancesrésultant probablement du caractère multidimensionnel du concept. Dans cette deuxièmepartie, nous nous concentrons à étudier les indicateurs de la performance financière.Section 2 : La performancemesure.globale : une diversité des Indicateurs deDans la théorie de l'agence, les dirigeants d'entreprise qui agissent en tant que mandatairesdes actionnaires ont l’obligation de gérer l’entreprise conformément aux intérêts de cesderniers. Cependant, sous l'effet de leur opportunisme, ils peuvent s’engager dans des actionsqui maximisent leur propre utilité (Jensen et Meckling, 1976).L’information contenue dans les rapports publiés chaque année permet de juger laperformance financière de l’entreprise. La comptabilité en tant que système de mesures nousfournit plusieurs indicateurs de rentabilité dont le plus connu et le plus exposé en raison de saposition centrale est le résultat net comptable (Jahmane A. 2011b). Ce solde final fait l’objetde toutes les attentions lors des assemblées générales, mais aussi des publications financières.Son influence est telle que nombre de décisions majeures dépendent de son montant constatéou attendu : embauches ou licenciements, investissement ou abandon d’activité,restructuration, acquisition, fusion … La fébrilité des opérateurs sur les marchés et lavariation des cours boursiers qui font souvent suite aux communications relatives au résultattémoignent de l’importance qu’on lui accorde. Amblard M. (2008 p.2). Suivant Modigliani etMiller (1958), le rôle de la structure du capital dans l’explication de la performance desentreprises fait l’objet de nombreuses recherches depuis près d'un demi-siècle. Alors quesuivant Ngobo et Capiez (2004) l’endettement constitue un choix de financement risqué, etqu’on peut penser que ses effets sur la performance de l’entreprise doivent aussi varier d’uneculture à une autre. Mais aussi, L'endettement global apparaît toujours lié négativement à laperformance, qu'elle soit commerciale, financière ou de marché, un endettement plus élevépeut obliger les dirigeants à réduire les investissements dans des projets qui pourraient567


accroître les bénéfices obtenus par les autres parties prenantes ou handicaper l’entreprise faceà la concurrence (Simerly et Li, 2000). Alors que, Lang et al. (1996) se sont penchés sur lerôle modérateur des opportunités de croissance d’une entreprise, selon l'importance de tellesopportunités, la dette n’aurait pas la même influence sur la performance de l’entreprise enraison des asymétries d’information.Suivant Wanda (2001), il s’avère que la performance (actionnariale et globale) estindépendante de la dette financière et marginalement dépendante de la forte concentration ducapital. Suivant une étude de Wanda (2001) sur des entreprises camerounaises non cotéesl’endettement n’a aucune influence sur la performance de l’entreprise, qu’il s’agisse en termed’enrichissement des actionnaires qu’en terme de la valeur globale de l’entreprise. Laconcentration du capital a un effet positif relatif sur la valeur globale de l’entreprise. Cetteétude confirme le caractère discriminant du marché financier, car sans indicateurs boursiers lastructure financière n’explique pas la performance.I. La diversité des rapports de mesureHossfeld et Klee (2003 p. 3), affirment que « Le but de tout indicateur de performance estde permettre aux utilisateurs des informations financières de juger la situation économiqued’une entreprise dans le temps, mais aussi par rapport à d’autres entreprises. Pour cette raison,il est particulièrement intéressant de regarder si les entreprises utilisent des indicateurscomparables, renforçant ainsi la qualité des informations financières, ou si la diversité desindicateurs utilisés conduit au contraire à une situation de confusion».Dans la théorie de l'agence, les dirigeants d'entreprise qui agissent en tant quemandataires des actionnaires ont l’obligation de gérer l’entreprise conformément aux intérêtsde ces derniers. Cependant, sous l'effet de leur opportunisme, ils peuvent s’engager dans desactions qui maximisent leur propre utilité (Jensen et Meckling, 1976). La performancefinancière est jugée à travers une analyse de la performance passée et présente d’uneentreprise. Cette analyse se fait à partir de quatre rapports de base. La performance financièreest jugée donc à travers une analyse de la performance passée et présente d’une entreprise.Cette analyse se fait à partir de quatre rapports de base :L’état de résultat ; Profit : Verschoor, (1998), Le bilan financier ; Ruf et al., 2001 ; Seifert,Morris et Barktkus 2003., Le rapport des bénéfices réinvestis ; Rendement surinvestissement : Preston et O’Bannon, (1997), L’état d’évolution de la situation financière ;Verschoor, 1998 ; Moore, 2001; Ruf et al., 2001, Seifert, Morris et Barktkus, 2003. Laperformance financière peut être mesuré aussi par la rentabilité des actifs (Return on Assets)(Ngobo et Cappiez 2004) .Cependant, il convient de rappeler, comme pour la performancefinancière, que le choix des indicateurs est un arbitrage politique. Ils doivent se construire aucours d’un processus stratégique avec l’accord des dirigeants et la participation des partiesprenantes de l’entreprise (Said et al. (2003), Cumby et Conrod (2001). Dans cette perspective,la performance globale peut être analysée comme une convention sociale co-construite etnégociée entre les dirigeants de l’entreprise et ses différentes parties prenantes (Miloud T.(2002).II. Limites des seuls indicateurs financiers :Depuis le début des années 1980, un certain nombre d’auteurs ont critiqué lesmodèles comptables pour mesurer la performance des organisations, dans un mode d’affairestrès compétitif (Gomes et al. 2004; Said, et al, 2003). Cumby et Conrod (2001) ont ajouté queles limites des mesures comptables ou financières sont encore plus importantes pour descompagnies innovantes, dont la valeur est fortement liée à des actifs intangibles et à du capital568


En %intellectuel (Amir et Lev, 1996). On reproche ainsi aux mesures issues des états financiers lefait qu’elles sont historiques et offrent peu d’indications sur la performance future, neprennent pas en compte les éléments intangibles de la valeur d’une entreprise et ne sont pasliées à la stratégie poursuivie par les dirigeants (Kennerley et Neely, 2003; Ittner et al. 2003;Kaplan et Norton, 2001). Ces indicateurs demeurent axés sur le passé et n’indiquent pas auxgestionnaires comment améliorer leur performance. Ils n’indiquent pas davantage si cetteperformance est en cohérence avec les objectifs et les stratégies de l’entreprise (Ittner et al.2003). Comme a montré l’étude de Lingle and Schiemann (1996) 152 , le poids des indicateursfinanciers reste très important et les indicateurs relatifs aux domaines de la RSE sont jugéspeu crédibles par les dirigeants (cf. tableau 1).IndicateursfinanciersSatisfactionclientIndicateurs sur lesopérationsIndicateurssur laPerformanceDupersonnelCommunautéetenvironnementEst-ce une 82 85 79 67 53 52informationimportante ?Avez-vous confiance 61 29 41 16 25 16dans les informationsfournies ?La mesure est-elle 92 48 68 17 25 13clairement définie ?La mesure est-elle 98 76 82 57 44 33utilisée dans lesrevuesde management ?La mesure sert-elle à 80 48 62 29 9 23gérer le changement?La mesure sert-elle à 94 37 54 20 6 12calculer des bonus ?Tableau 1 : Le poids des indicateurs financiers et RSE (source, Berland 2007)InnovationetchangementNorton (1992) a critiqué sévèrement la concentration sur les mesures financières, lesmesures financières ne reflètent pas la performance globale de l’entreprise (Kaplan et Norton2001) et que des mesures non financières sont nécessaires pour évaluer et piloter laperformance de l’entreprise. En l’occurrence Gibert P. soutien cette idée (2000) : « mêmepour les organisations qui sont finalisées sur une fonction d’objectifs financiers, par exemplela rentabilité des capitaux engagés (ROCE), il est dangereux de s’en tenir au seul suivi desindicateurs de nature financière (la marge brute d’une ligne de produits, la rotation descréances clients …) disséquant la situation au regard de cette fonction d’objectif. Ce genred’indicateurs appréhende en effets des résultats, c'est-à-dire par essence les conséquences destratégies, de décisions, d’ajustements d’un passé plus ou moins proche (indicateurs « lag »).Or, pour aider à la gestion, au pilotage de l’organisation comme de ses subdivisions, on a152 Citée par Ittner, C. D. and Larcker, D. F., 1998, “Are nonfinancial measures leading indicators of financial performance?An analysis of customer satisfaction.” Journal of Accounting research 36 (Supplement) : 1-35.569


esoin de suivre des chiffres appréhendant des phénomènes qui déterminent la performance àvenir. Il faut donc rééquilibrer les indicateurs financiers par des indicateurs amont « lead »indiquant où en est l’organisation en ce qui concerne les sources (inducteurs ou drivers) de laperformance future ».III. La performance globale de l’entreprise ; quelles méthodes de mesure ?Autre que la performance financière, la mesure de la performance globale del’entreprise revêt une dimension essentielle au sein de toute organisation dont l’existencedépend de l’efficience. Le concept est cependant, loin d’être unidimensionnel ; il existe,pourrait-on dire, autant d’approches de la performance que de parties prenantes :performances économique, technique, humaine, environnementale, citoyenne, éthique…Chacun la construit en fonction des objectifs qu’il assigne à l’organisation. Amblard M.(2007 p.4) il y a trois points qui méritent d'être développés succinctement, afin de montrer lacomplexité du choix d'une mesure de performance: la pertinence du critère de maximisationde la valeur, le conflit "maximisation de la valeur des fonds propres / maximisation de lavaleur de la firme", le problème des mesures ex-post et ex-ante. Charreux G. (1989 p. 9). Onpeut citer aussi l’exemple de White (1996), qui a établi une taxonomie des mesures deperformance pour les entreprises manufacturières, à partir d’une vaste recension de littératurequi lui a permis de classer 125 indicateurs selon les aspects suivants : source (interne ouexterne), type (mesure objective ou subjective), analyse (autonome ou par comparaison(benchmark)), orientation du processus (intrants au processus ou extrants (résultats) auprocessus). Les indicateurs permettent de mesurer les aspects de coûts, de qualité, deflexibilité, de fiabilité et de rapidité de livraison. Le but de cette classification est de permettreaux dirigeants d’une entreprise, selon les objectifs poursuivis par l’évaluation de laperformance, de privilégier un indicateur plutôt qu’un autre. Il y a eu une grande diversité desindicateurs de performance : rendement comptable, rendement boursier ou une combinaisonentre les deux (Omri A. et Mehdi B. (2003).1. La performance économiqueLa performance économique se rapporte à la création de valeur ajoutée par l’entreprise.Celle-ci contribue à l’amélioration de la rentabilité. La performance économique est analyséeà partir des comptes de résultat qui informent sur la rentabilité ou le rendement del’entreprise. (Marmuse, 1997). Dans leur rapport annuel, les entreprises ne communiquent passeulement l’indicateur principal de performance : le résultat net mais également et de plus enplus d’autres indicateurs, considérés comme plus « modernes », à savoir :La production : McGuire et al., 1988 ; Verschoor, 1998 ; Moore, 2001; Ruf et al., 2001Elle représente à la fois : La mesure de l’importance de l’entreprise sur le marché (sa position concurrentielle)pouvant conduire au calcul de sa part de marché L’appréciation de l’utilisation de son potentiel productif (en comparaison avec sacapacité de production liée à ses équipements) La mesure de l’efficacité de l’utilisation des ressources de l’entreprise, le ratio(Production/ actif) traduit ainsi la capacité de l’entreprise à produire en utilisant au mieuxl’ensemble des actifs disponibles.La valeur ajoutée : McGuire et al., 1988 ; Verschoor, 1998 ; Moore, 2001; Ruf et al., 2001Ce concept économique mesure la valeur économique créée au sein de l’entreprise parl’utilisation de tous ses facteurs de productions (matériels, personnel).570


Calculée, après avoir soustrait de la production, tous les achats réalisés auprès des tiers, ellepermet d’apprécier : La contribution de l’entreprise à la création de valeur économique. Cette contributionest reconnue comme le point de départ d’une analyse d’efficacité interne. Le niveau d’intégration de l’entreprise : le taux de valeur ajoutée augmentera au fur età mesure que l’entreprise intégrera de nombreux niveaux de transformation. Le taux de marge de l’entreprise : ce taux pourra renseigner sur la marge de manœuvrede dont dispose l’entreprise par rapport à un prix de marché. Ce taux doit être comparé auxdifférentes données du secteur.L’excédent brut d’exploitation : ( Moore, 2001 ; Ruf et al, 2001 ; Seifert, Morris et Barktkus2003) Il mesure la performance économique globale à travers l’exploitation de ses moyensses matériels : cet agrégat représente le surplus économique dégagé par les seules opérationsd’exploitation, il désigne la véritable rentabilité d’exploitation.Cet excédent brut d’exploitation représente : Un indicateur de la richesse produite par l’entreprise avant l’impact de la politiquefinancière La mesure de la capacité de financement de l’entreprise permettant de couvrir lescharges financières à court terme déjà engagées et les charges financières à long terme.Le résultat brut d’exploitation : (Griffin et Mahon, 1997 ; Preston et O’Bannon, 1997 ;Verschoor, 1998)Calculé après l’impact de la politique financière, il traduit le niveau de rentabilité del’entreprise. Il traduit l’efficacité économique avant l’intégration du coût du facteur capital(matériels).Le bénéfice net : Verschoor, 1998, Moore, 2001; Ruf et al., 2001. Il est la mesure finale de larentabilité de l’entreprise permettant d’en apprécier la performance « vue de l’extérieur ». Ils’interprète de plusieurs points de vue : Le profit distribuable (la rémunération des bailleurs de fonds) Un signe de santé de l’entreprise, base de sa valeur financière.2. Performance BoursièreA l’inverse des mesures économiques et financières, les mesures boursières tiennent comptedu risque et des particularités du secteur dans lequel évolue l’entreprise Omri A. et Mehdi B.(2003). En effet, de plus en plus d’entreprises se sont orientées, ces dernières années, vers lesmarchés financiers pour satisfaire leurs besoins en capitaux. Une conséquence de cemouvement est le rôle de plus en plus important des actionnaires qui se manifesteprincipalement dans l’exigence de création de valeur (actionnariale).Enfin, les mesures de la performance boursière constituent un test puissant de la performancede la firme pour les chercheurs en management stratégique (Lubatkin et Shrieves 1986), etsont particulièrement pertinentes dans le cadre d’études sur le thème de la diversification(Palich et al. 2000).3. Performance socialeLa performance financière ne suffit plus pour apprécier la performance d’une entreprise.C’est au cours du 20 ème siècle que la performance s’élargit pour prendre en compte la« responsabilité sociale 153 » ou responsabilité sociétale de l’entreprise vis-à-vis de ses partiesprenantes. Le respect de l’éthique en entreprise répond bien à un double enjeu : répondre aux153 Pour plus d’information, merci de bien consulter Chapitre « la responsabilité sociale des entreprises»571


attentes des parties prenantes et améliorer la compétitivité de l’entreprise en renforçant sonimage.Dans le cadre du protocole de Kyoto, la réintroduction, à partir de 2005, dans la sphèreéconomique des externalités liées aux émissions de gaz à effet de serre, par le mécanisme dumarché des permis d’émission, fait entrer directement, pour les entreprises concernées, cetaspect de la performance environnementale dans leur performance comptable etfinancière.Plus largement, l’impact direct sur le résultat des risques environnementaux selonles normes comptables internationales 154 doit être pris en compte dans les provisions etnotamment les coûts futurs de démantèlement et de remise en état des sites et les coûtsrésultant d’engagements volontaires pris dans ce domaine. Il en est de même pour lesprovisions pour restructurations et plans sociaux, sans compter les risques croissants de miseen cause de la responsabilité de l’entreprise devant les tribunaux.4. La performance organisationnelleSuivant la définition de Morin, (1994) ,l’efficacité organisationnelle est un jugementque porte un individu ou un groupe sur l’organisation et plus précisément sur les activités, lesproduits, les résultats ou les effets qu’il attend d’elle .pour être performante, l’organisationdoit, tout d’abord, réaliser les objectifs de l’entreprise, puis créer du différentiel pourremporter les défis des concurrences. Mais, dans tout cela, elle doit ouvrir les horizons :garantie de sa survie.D’où la trilogie de la performance organisationnelleréaliser les objectifs de l’entrepriseCréé du différentielOuvrir les horizons5. La performance stratégiqueLes entreprises utilisent depuis longtemps des indicateurs de performance de naturegénéralement financière. Le bénéfice net, le bénéfice par action et le rendement sur capitalinvesti figurent parmi les indicateurs traditionnels connus et utilisés par les entreprises. Dansun environnement de plus en plus complexe et turbulent, Kaplan et Norton (1996) avancentque ce type d’indicateurs ne suffit plus à saisir toutes les facettes de la performance desentreprises. Les entreprises elles-mêmes reconnaissent qu’il faut adapter les systèmes actuelsde mesure de la performance. Comme le souligne Chow et al. (1997), une étude récente arévélé que 80% des grandes entreprises américaines voulaient changer leur système de mesurede la performance. Ainsi, le développement, l’implantation et l’évaluation des mesures de laperformance innovatrices est un des grands défis auxquels doivent faire face les entreprises.Le développement pourrait se faire, d’une part, en se basant sur un cadre général d’analysequant au contenu. D’autre part, la conception de mesures de la performance devrait suivrecertains principes pour en assurer l’efficacité. En particulier les objectifs et stratégies del’entreprise devraient être pris en compte au moment de la conception.6. La performance commercialeLes conclusions de Ittner et Larcker (1999) confirment que la satisfaction de laclientèle est un indicateur de performance économique associé à la performance boursière,alors qu’elle n’est pas reflétée dans les indices de performance comptables traditionnels.Banker et al.(2000) obtiennent des résultats semblables et concluent que les mesures nonfinancières de la satisfaction de la clientèle sont significativement associées à la performance154 Norme IAS 37 et Recommandation européenne du 30 mai 2001.572


financière future et qu’ils contiennent de l’information supplémentaire qui ne se retrouve pasdans les mesures financières historiques.ConclusionDans le contexte de la théorie et l’agence et la théorie des parties prenantes, apparaît leconcept de mesure de la performance globale. En effet, la performance ne saurait se mesureruniquement à l’aide du résultat financier, et de la maximisation de la valeur pourl’actionnaire, mais doit intégrer de plus en plus, dans sa construction comme dans sarécompense, les autres parties prenantes de l’entreprise. La durabilité de la performance del'entreprise suppose la considération de l'intérêt des salariés, des territoires, des clients, del'environnement naturel, et désormais des générations futures. Rééquilibrer le poids de chaqueperformance et établir entre elles une articulation correcte c’est finalement le sens de l’analysede la performance en responsabilité sociale. Elle consiste à évaluer la tangibilité et l’efficacitéde la prise en compte par l’entreprise des intérêts de ses parties prenantes.Si l’on dispose d’outils éprouvés pour mesurer la performance financière, il est plus délicat derendre compte de la «performance humaine», au sens de l’efficience du capital humain del’entreprise. Cette difficulté vaut d’ailleurs pour l’ensemble des actifs immatériels- capitauxde notoriété, capital de réputation, capital client, ou encore capital actionnaire qui ne se réduitpas à la valeur des capitaux apportés -. Or ces actifs immatériels pèsent fortement lorsqu’ils’agit d’établir la valeur d’une entreprise. En effet, « Considérer qu’une organisation secomportant en entreprise citoyenne influencera favorablement sa valeur actionnariale, telleque le supposent Kaplan et Norton, constitue, pour le moins, une assertion restant àdémontrer. » (Germain, Trébucq, 2004, p. 40).La littérature ci-dessus montre que même si on dispose d’un moyen efficace de mesurede la performance, les caractéristiques classiques de la PME peuvent être des freins à soninternationalisation pour quatre principales raisons : à cause du manque de ressources, deleurs stratégies intuitives et réactives, du manque de savoir du faite de la centralisation de ladécision et enfin de leur faible spécialisation.De plus, la production pour l’international est plus couteuse que la production pour le marchénational. Ces charges sont dues au respect des normes culturelles et des normes deproductions, des frais de transport, etc. donc la PME a besoin de mobiliser plus de ressources.Elle est appelée alors à chercher d’autres voies de mobilisation de ressources et definancement. C’est ainsi que beaucoup d’entre elles se sont orientées vers le travail enréseaux.Enfin pour les PMEs, la performance globale semble entendue comme couvrant lesimpacts des activités de l’entreprise auprès de ses parties prenantes internes, externes etglobalement au niveau sociétal 155 et d’autre part, un élargissement équilibré des objectifsstratégiques et des performances 156 (Elkington, 1997).BIBLIOGRAPHIE155 Le bilan carbone® de l’ADEME précise que « toutes les émissions directes ou indirectes de CO2 ou autres gaz à effet de serre sont prisen compte au niveau interne, intermédiaire (transport des salariés, transports des produits) et global (production incorporée, déchets, transportdes fournisseurs .156 Par exemple modèle du Triple P : People-Planet-Profit ou modèle de la Triple Bottom Line.573


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« Travailler ensemble » dans l’artisanat du bâtiment :De la diversité des profils d’artisans au projet entrepreneurial collaboratifIsabelle CalméMaître de Conférences, IAE de Tours, VAOLLREM (EA6293)Marion PolgeMaître de Conférences HDR, ERFI-MRMUniversité de Montpellier ILe Grenelle de l’environnement a initié un mouvement de réformes impactant les pratiquesdes entreprises artisanales du bâtiment. Le secteur connaît par ailleurs d’importantesmutations technologiques, sociologiques et culturelles. La convergence d’évolutionsintrinsèques au métier avec une nouvelle normalisation liée au développement durable vasoutenir un changement majeur que nous proposons d’étudier dans cette communication.A la demande de plusieurs organisations professionnelles et institutionnelles 157 , nous avonsréalisé une recherche durant dix mois auprès d’un groupe d’artisans afin d’établir des fichesoutils d’aide. Les objectifs de l’étude ont évolué au fur et à mesure de l’avancement dutravail et des attentes exprimées par les partenaires : la méthodologie par la recherche actée apermis d’ajuster les résultats attendus ainsi que le cadre de travail.Travaillant avec un groupe d’artisans du bâtiment installés à Paris et en région parisienne,nous avons cherché à identifier les pratiques de travail collaboratif : les motivations et lesfreins au regroupement, les indicateurs de choix des partenaires, les modes d’animations etd’ajustement, les volontés de pérenniser les rapprochements… nous avons ainsi établi unechronologie autour de quatre temps clés dans la démarche.Au-delà de l’enjeu instrumental de ce travail, le souhait de nos partenaires est de valoriserchaque artisan rassemblant la diversité des comportements. Nous avons repéré commentchaque profil d’artisan peut apporter (et attendre) des éléments différents d’un « travailensemble ». Les quatre profils d’artisans que nous avons élaborés constituent la clé decompréhension des fiches outils : A chaque étape, chacun peut se reconnaître et être mis enalerte quant à sa participation au groupe.La recherche que nous présentons prend ancrage dans des problématiques praticiennes. C’estpourquoi nous allons expliquer dans un premier temps comment la mutation du contexteprofessionnel de l’artisanat du bâtiment conduit à un questionnement d’ordre académique.Nous exposerons dans un deuxième temps comment la démarche méthodologique a faitévoluer notre positionnement en mobilisant un cadre théorique à la fois autour de l’approcheresource based view et des travaux relatifs aux réseaux. Notre travail se termine par unediscussion autour des résultats interpelant le lecteur sur la complexité de l’actionnabilitécompte tenu de la diversité des profils d’artisans.1- Contexte professionnel en mutationFace aux évolutions socio-économiques, politiques et environnementales, le secteur dubâtiment doit aujourd’hui répondre à de nouveaux défis. Dans ce climat de changement, la157 L’étude a été réalisée à l’initiative de la CAPEB, de la DGCIS et de l’ISM.CAPEB : Confédération de l’Artisanat et des Petites Entreprises du BâtimentDGCIS : Direction Générale du Commerce, de l’Industrie et des ServicesISM : Institut Supérieur des Métiers577


question du « travailler ensemble » devient une des préoccupations majeures des acteurs dusecteur. Ouvrant la voie à de nouveaux marchés, elle implique aussi de nouvelles pratiques. Ilva s’agir alors pour les entreprises artisanales du bâtiment de s’y préparer au mieux.1.1- La genèse : le Grenelle de l’environnement‣ « Travailler ensemble » : des opportunités réelles pour de nouveaux marchés.L’évolution des normes énergétiques pour améliorer la performance des bâtiments, issues desdiscussions amorcées dans le cadre du grenelle de l’environnement, offre au secteur dubâtiment l’opportunité de s’ouvrir vers de nouveaux marchés comme le marché de l’énergie(les marchés de la performance énergétique représentent environ 15 % du marché de laréhabilitation) et celui de la rénovation énergétique (qui concerne près de 31 millions delogements en France).Afin de faciliter l’accès à ces marchés et coordonner les prestations des entreprises, lesorganismes professionnels ont mis en place des labels comme celui de l’ECO Artisan®.Pour répondre à ses exigences, les entreprises artisanales devront certes se former à denouveaux matériaux et à de nouveaux métiers du développement durable, mais elles devrontaussi travailler et se développer différemment. Un des enjeux majeurs pour ces entreprises,sera notamment de considérer tout chantier au-delà de leur cœur de métier et de pouvoirproposer au client une offre globale s’appuyant sur un réseau de compétences transversales.Cette transversalité recherchée aujourd’hui par le client, va conduire les entreprises dubâtiment à travailler de plus en plus ensemble de manière plus ou moins formalisée.Au-delà des marchés du développement durable, l’action groupée pourra offrir d’autresopportunités non négligeables pour les entreprises artisanales du bâtiment. Elle pourraconstituer un moyen pour améliorer leur offre vis-à-vis des offres concurrentes des réseauxfranchisés, de la grande distribution spécialisée ou des grands du BTP. Elle pourra aussiconstituer un moyen de conquête de marchés jusqu’ici difficiles d’accès pour elles : lesmarchés publics.Si la question du « travailler ensemble » ouvre de nombreuses perspectives dedéveloppement pour les entreprises artisanales, elle n’en reste pas moins un défi.‣ « Travailler ensemble » : de nouvelles pratiques à adopterL’action groupée peut revêtir des formes variées. Sur le plan juridique, il existe d’ailleursdifférentes possibilités. De manière générale, deux outils peuvent être mobilisés : le contrat oula structure collaborative. Cette dernière peut ensuite se décliner en GIE, GME, Association,SARL ou coopérative, offrant des degrés de formalisme variés. En règle générale, plusieurssolutions sont possibles. Le choix entre ces outils va dépendre d’un certain nombre de facteurscomme les objectifs et les buts poursuivis, la nature du marché visé (marchés privés, marchéspublics), le type et la taille des chantiers recherchés (chantier classique, chantier nouveau), leterritoire visé (local, régional, national) ou encore la durée d’engagement envisagée par lesdifférentes entreprises et les nombres d’entreprises impliquées dans la collaboration. Cesdeux derniers critères, sans être dissociés d’ailleurs des autres, jouent bien souvent un rôleimportant dans l’orientation du choix.Ainsi le contrat et la forme du groupement sont à considérer selon la nature et la durée de lacollaboration. Quelle que soit la forme que peut revêtir l’action groupée, elle va surtoutnécessiter au préalable de la confiance, de l’engagement mutuel et le respect de certainesrègles. Pour un artisan qui travaille spontanément de manière individuelle en s’appuyant surses relations personnelles, l’engagement dans une action collaborative, en co-traitance et sanshiérarchie risque d’impliquer des changements en profondeur de pratiques professionnelles.1.2- Les enjeux : les nouvelles voies de compétitivité de l’artisanatA la différence des autres très petites entreprises, les entreprises artisanales bénéficient d’unedouble identité : l’identité individuelle et l’identité collective sectorielle. Dans la578


eprésentation sociale, l’artisanat est ressenti comme un secteur porteur de valeurs autourdesquelles se retrouvent les artisans. Les conséquences en terme de caractérisation de lacompétitivité ne sont pas négligeables. L’arrivée de nouveaux profils d’artisans (néo-artisans)peut atteindre les fondements identitaires du secteur qui se combine aux capacités dynamiquesindividuelles.‣ Considérer l’entrée de néo-artisansL’une des évolutions les plus sensibles des dernières décennies concerne les profils desartisans. La diversité des origines professionnelles, culturelles et sociologiques de cesnouveaux créateurs freine les possibilités d’identification. C’est dans le cadre des structuresprofessionnelles, des centres de formation ou encore des organisations tutélaires de l’artisanat,que l’on voit l’émergence de nouveaux discours adossés à de nouvelles compétences. Lamosaïque que constitue l’artisanat ne reflète plus seulement la variété des savoir-faire : elletraduit une variété d’approche de chaque métier. La conception traditionnelle de l’artisanatcède le pas face à une approche plus moderniste, mais dont les traits restent encore flous.Le mouvement en cours montre que les néo-artisans sont bien présents dans les activités etqu’ils ouvrent vers une conception renouvelée de l’artisanat. L’intérêt de leur arrivée restetoutefois suspendu à deux conditions :- Qu’ils soient intégrés au même titre que les professionnels formés par le secteur,- Que les évolutions qu’ils impulsent à l’artisanat ne se fassent pas au détriment desfondements culturels et historiques du secteur.‣ Préserver les valeurs distinctives de l’artisanatL’artisanat français se présente comme l’unique secteur au monde, dont l’histoire s’enracinedans la construction productive et culturelle d’un pays. Depuis le moyen âge, la structurationéconomique ainsi que les pratiques d’intégration au corps artisanal sont moulées dans lesmécanismes d’organisation de la société. De ce patrimoine persiste aujourd’hui un système deformation puis de reconnaissance entre artisans.Ceux-ci ne se définissent pas seulement comme des dirigeants de TPE pratiquant telle ou telleactivité. Ils adhèrent à des valeurs distinctives de déontologie professionnelle : transmissiondes savoir et savoir-faire, échanges entre confrères, l’humain au cœur de l’entreprise. Lesfutures voies de compétitivité sectorielle trouvent dans ces piliers, de formidables valeursdistinctives.‣ Valoriser les capacités dynamiques de chaque entrepriseLes artisans rencontrent parfois des difficultés pour identifier leurs compétences propres : ilssous-estiment leur capacité à évoluer avec les attentes de clients. Avec l’espritcommunautaire, les risques de cloisonnement corporatiste s’accroissent. Pourtant, la diversitédes entreprises et de leurs dirigeants associée à la force sectorielle se présentent comme desmoyens de stimuler les capacités dynamiques, c’est-à-dire, la capacité à engager de nouvellescompétences stratégiques vers une position singulière de l’entreprise.2- Méthodologie porteuse de sens académique2.1- La recherche actée revisitéeLa démarche méthodologique s’enracine dans des principes fondateurs à partir desquels sedéclinent des modes opératoires. L’un des fondements siège dans la dynamique de groupedirigeants/institutionnels/chercheurs qui impulse un processus de co-construction de laconnaissance. En plaçant la co-construction au cœur de l’esprit de la recherche, il est possiblede décliner plusieurs techniques d’opérationnalisation. Celle que nous proposons dans cette579


communication s’appuie une finalité opérationnelle claire, mais dans un cadre d’applicationrelativement flexible.‣ Principes méthodologiques de co-constructionLa création de connaissances se déroule dans le cadre d’un groupe (le plus souvent sous formede club) composé de personnes appartenant à des organisations différentes (Koenig, 1997). Ala différence de la recherche action (Greenwood et Lazes, 1991 ; Resweber, 1995 ; Allard-Poesi, 2003) ou de la recherche intervention (Argyris, 1993), les participants ne bénéficientpas directement des résultats des travaux : ils apportent des témoignages, relatent desexpériences susceptibles d’enrichir le recueil des données (sous la forme d’indicateurs ou designes). Aucune enquête complémentaire ne vient valider les données traitées à partir dugroupe.Dans l’absolu, le déroulement de la démarche est fortement connoté d’incertitude quant à lanature des données recueillies, au sens général de la démarche et aux résultats obtenus ennature et en forme. Pour engager une telle méthodologie, le chercheur ne peut prédéfinir sesobjectifs de recherche de façon irréversible : tout peut évoluer à tout moment.La recherche actée, menée dans l’interaction, s’inscrit dans une recherche actionnable sansintervention directe (Polge 2008, 2009). Elle présente un intérêt académique de découverte enprofondeur de phénomènes nouveaux, mais surtout un intérêt entrepreneurial auprès dedirigeants confrontés à des questions encore inexplorées.‣ Mode opératoire particulierCadre professionnel de la rechercheDans d’autres expériences, la recherche actée a été menée durant plusieurs années, avec ungroupe sensiblement identique dont les problématiques ont évolué avec les attentesprofessionnelles. La recherche que nous traitons ici s’inscrit dans un cadre de travail différent.A la demande de la CAPEB, de la DGCIS et de l’ISM, un groupe de chercheurs a été sollicitépour établir un protocole de formation en vue de la mise en pratique du GroupementMomentané d’Entreprises (GME) sur le plan managérial. En réponse aux dispositions duGrenelle de l’environnement, le GME offre un cadre juridique à la réalisation de prestationsglobales par un ensemble d’artisans, pour un chantier donné, afin de respecter les nouvellesnormes écologiques.Objectifs de travail clairement établis… mais évolutifsA priori, la démarche s’apparente plus à un acte de consultation appliquant directement lemécanisme de recueil de données sans véritable apport du point de vue académique. Enréalité, l’approche méthodologique par la recherche actée par la création d’un club sectoriel arévélé des éléments beaucoup plus riches. Tout d’abord, le GME a montré des limites en tantqu’outil juridique pour les artisans, ouvrant en même temps de nouvelles perspectivesd’opérationnalisation. Les partenaires de l’opération ont décidé d’élargir le champ dequestionnement à toutes les formes de « travail ensemble » pour s’attacher au cœur de laproblématique : « comment animer un groupe d’artisans ? ».Au fil du temps, les échanges au sein du club ont révélé le besoin des dirigeants de disposerd’un outil utilisable quand ils le souhaitent pour se repérer dans leur vie professionnelle encollectif. Il a d’abord été évoqué le besoin de concevoir des fiches pratiques utilisablespendant et après un séminaire de formation. Finalement, l’idée d’établir un catalogue defiches outils à disposition, sans formation préalable a semblé retenir l’approbation del’ensemble des participants.580


Calendrier à court termeL’opération s’est déroulée en quelques mois durant lesquels ont été réalisés des entretienstéléphoniques auprès de tous les participants, puis trois séminaires de recherche (d’unejournée chacun) et enfin des entretiens en face à face auprès d’entreprises non membres dugroupe. Le déroulement montre le repositionnement progressif de la problématique puisl’émergence progressive des résultats attendus :Tableau 1 : Démarche opératoire de la rechercheTechniquesderechercheEntretienstéléphoniquesSéminaire 1Séminaire 2EntretiensmembresextérieursSéminaire 3Travail recueildes donnéesRésultats escomptés Avancées du travail ImplicationsIdentificationContactDécouverteCréer une dynamiqueLancer la trame derechercheComprendre les aspectsjuridiques du GMEExplorer les stratégiesindividuelles dans letravail collaboratifDistinguer les aspectsjuridiques, techniqueset entrepreneuriaux du« travail ensemble »Etude approfondie d’ungroupeChangement deterritoired’expérimentationPrésentation de grillesd’analyses structuréesApplication à des casd’entreprises (membresou non)Fiches outils de lacréation à l’animationdu groupeCaractérisation del’échantillon étudiéDifficultés desartisans par rapportau GMERichessed’expérience entravail collaboratifEcarts entre discourset pratiques(observés par jeux derôles)Création de grillesd’analyse (diagnosticindividuel/collectif)Découverte denouvelles stratégiesEmergences despécificitésculturelles etterritorialesGrilles d’analyseaboutiesRéalisation de 7fiches outilsarticulées autour desthèmes et profilsPréparation animationPointage des profils et desproblèmes clésRepositionnement de laproblématiqueLarge exploration duprotocole de formationIntégration du profil dudirigeant dans les pratiquescollaborativesOrientation vers des fichesoutils établies à partir desgrilles d’analyseLancement de la rédactiondes fiches outilsDiffusionCritères de choix des membres581


Les membres du club sectoriel « travailler ensemble » sont des artisans élus de la CAPEBtravaillant à Paris ou en région parisienne. Ces artisans ont été choisis pour des raisonspratiques d’organisation des séminaires. La conduite de l’étude et les entretiens réalisés dansdeux régions de province (Touraine et Languedoc-Roussillon) ont montré des écartssignificatifs d’attitudes et de stratégies entre territoires. En revanche, les signaux indiquant lesprofils ainsi que les moments clés dans le processus restent stables.2.2- Du cadre institutionnel au cadre conceptuel‣ « Travailler Ensemble » : entre réseau et filialisationMême si le travail réalisé émane d’une demande professionnelle concrète, il est adossé à unancrage théorique fort à la fois pour les questions relatives aux réseaux pour le développementde capacités dynamiques expliqué par la Resource Based View.Quel qu’en soit le phénomène déclencheur (subi/choisi), le choix de construction d’un grouperejoint les problématiques de réseaux d’entreprise en termes de vision, de positionnement etde perspectives de développement (Peillon, 2005 ; Loup et Paradas, 2006).Le tableau 2 (Fourcade et Polge, 2009) propose de distinguer la vision interne et la visionexternalisée. La première concerne le potentiel propre à l’entreprise tandis que la secondeassocie les implications liées au réseau. Les relations entreprise/réseau peuvent êtreconsidérées à la fois du point de vue du positionnement concurrentiel et du point de vue desperspectives de développement.Tableau 2 : Les pré-requis : entreprise-réseau (Fourcade et Polge, 2009)Relations Entreprise-RéseauVision interneVision externaliséeStratégied’entreprisePositionnementconcurrentiel- Métier- Profil du dirigeant- Bases de compétitivité- Stabilité de l’activité- Mutualiser des ressources- Apporter / partager descompétences- Apports distinctifs ?Perspectives dedéveloppement- Nature du développement =volume / activité- Développement des moyenshumains / techniques- Réduction des moyens- Préservation cœur de métier ?- Axes stratégiques à partager ?- Attentes vis-à-vis du réseau ?Les indications de ce tableau montrent un double niveau de réflexion : l’un concerne lesenjeux liés au réseau, l’autre touche les possibilités de valorisation individuelle. Les enjeuxliés au réseau dépendent d’abord de la forme du réseau. Au de-là du cadre juridique proposépar le GME, plusieurs formes de réseaux peuvent être mises en place :Le réseau productif est constitué à partir de relations de métier (de type additif oucomplémentaire).‣ Vers une problématique dialogiqueL’animation du « travail ensemble » relie deux formes d’implications : l’une concernel’entreprise, l’autre touche le collectif.Deux formes organisationnelles co-existent avec des liens étroits, bien que leurs trajectoiresrestent autonomes. L’intensité de leurs liens, leur durée ainsi que la forme de performanceengendrée vont dépendre de la nature du groupe (forme/structure/contexet) et des objectifs ou582


des motivations de chacun des participants. Le « travail ensemble » peut ainsi être considérécomme un moyen de développement de compétences stratégiques d’entreprise et de groupe.La notion de compétence stratégique renvoie à ce que l’entreprise fait mieux et/oudifféremment de ses concurrents. Selon l’approche resource based view (RBV), les capacitésdynamiques sont généralement considérées comme les supports à la mise en œuvre descompétences stratégiques (Teece et al., 1997).Les travaux de Penrose (1959), initiatrice de cette approche, s’attachent à comprendre leschoix stratégiques selon les ressources dont dispose l’entreprise. La dotation et la mobilisationde ressources expliquent l’unicité de l’entreprise : les ressources représentent les actifstangibles ou intangibles liés définitivement à l’entreprise (Wernerfelt, 1984 ; Barney, 1990).Les entreprises artisanales s’inscrivent dans les principes de la RBV du fait de l’actionpersonnalisée du dirigeant qui réalise la mobilisation et la combinaison des ressources. Lacombinaison de ressources (Hofer et Schendel, 1978 ; Reed et de Fillippi, 1990) s’appuie surdes compétences particulières, donnant lieu à un déploiement dans l’environnement (Amit etSchoemaker, 1993) soutenu par les capacités dynamiques. Ce terme recouvre plusieursacceptions : le processus d’insertion environnementale rassemble les capacitésorganisationnelles issues des routines itératives, non linéaires et incrémentales (Nelson etWinter, 1982), les capacités d’adaptation à un environnement donné (Teece et Pisano, 1994) etsurtout les capacités entrepreneuriales 158 développées à partir d’un comportement stratégiqueorienté vers le changement. Teece (2007) nous enseigne que « l’élément des capacitésdynamiques qui entraîne un modelage (et pas seulement une adaptation) de l’environnementest entrepreneurial». En plaçant le comportement entrepreneurial au cœur des capacitésdynamiques, l’auteur insiste sur l’exploration, la découverte, la curiosité du dirigeant tournéesvers une mise en dynamique de l’organisation (Helfat et Peteraf, 2003) pour créer sonenvironnement. Du fait de son double rôle de fabricant 159 et de dirigeant, l’artisan incarne lecœur d’un système de compétences pour lesquelles il peut être à la fois : le détenteur, leconstructeur, l’animateur, le coordonnateur ou encore le diffuseur.Chaque artisan impliqué dans un « travail ensemble » peut être considéré comme unique. Legroupe d’artisans formé construit à son tour un potentiel organisationnel et identitairespécifique : les capacités dynamiques individuelles et collaboratives se rejoignent dans unprocessus combinatoire continu. D’un point de vue entrepreneurial se pose alors la questionsuivante : dans quelle mesure les trajectoires entrepreneuriales individuelles soutiennent un« travail ensemble » ? Nous considérons par notre positionnement, qu’il existe une diversitéde trajectoires entrepreneuriales individuelles et collectives. La réponse opérationnelle quenous proposons s’appuie sur une approche par les profils d’artisans.3- Résultats et discussion : diversité des pratiques de collaboration entre artisansDe nature opérationnelle, la recherche menée débouche sur les fiches outils utilisables par lesartisans de façon auto-administrée (voir Annexe 1).La construction des fiches est confrontée à deux formes d’impératifs :- Identifier la diversité des profils d’artisans expliquant le rôle que chacun aspire à occuperdans un groupe. Etant entendu qu’un groupe équilibré rassemble des profils variés.158 Nous retiendrons la définition suivante de l’entrepreneuriat « initiative portée par un individu (ou plusieursindividus s’associant pour l’occasion) construisant ou saisissant une opportunité d’affaires, dont le profit n’estpas forcément d’ordre pécuniaire, par l’impulsion d’une organisation pouvant faire naitre une ou plusieursentités, et créant de la valeur nouvelle pour des parties prenantes auxquelles le projet s’adresse » (Verstraete etFayolle, 2005)159 Rappelons que l’inscription au registre des métiers exige la détention d’un diplôme professionnel attestant dela connaissance du métier.583


- Indiquer clairement quelles stratégies individuelles et collectives peuvent être suivies danschaque situation (profil/type de groupe).Pour répondre à ces enjeux, nous dressons une typologie de profils à laquelle nous associonsensuite les comportements stratégiques possibles.3.1- Diversité des profils versus diversité des pratiques :« Dis-moi qui tu es, je te dirai comment tu considères la collaboration »Les profils sont établis dans le respect des aspirations, comportements et craintes de chaqueparticipant potentiel. Bien que les principes de construction apparaissent relativementcomplexes, nous avons rassemblé leur identification autour de dix questions clés quipermettent de dégager les caractéristiques dominantes de chaque profil.‣ Respecter la diversité des profils sans aprioriIl n’existe pas de profil idéalChaque profil correspond à des attentes, des méthodes de travail, ou encore à une conceptiondu travail différente. L’identification d’un profil aide à :- piloter un groupe d’artisans en vous appuyant sur des outils d’animation quicorrespondent à vos pratiques.- comprendre le comportement de vos confrères au sein du groupe et à leur donner unrôle en harmonie avec leur profil.Le profil sert de guide à l’ensemble des fichesIl sert à repérer la clé qui permettra de lire l’ensemble des fiches d’animation. Tous lesconseils qui sont adressés s’appuient sur des profils différents.Un groupe réussi s’appuie sur la diversité des profilsL’animation consiste à orchestrer des personnalités différentes. Dans la vie d’un grouped’artisans des moments intenses sont à partager : tout le monde peut trouver sa place.Selon les problèmes à traiter, il faut solliciter le relationnel ou bien la rigueur, le dynamisme,ou bien la prise de recul. Considérons que chaque participant est indispensable à des momentsdifférents.‣ Etablir un profil d’artisan en dix questionsLes praticiens ont besoin de réponses précises et rapides. Pour définir leur profil par unnombre limité de questions, nous avons retenu quatre thématiques rassemblées autour de deuxaxes :L’ambivalence entre réflexion et actionLa réflexion menée avant de prendre une décision peut pour certains être lente, approfondieet mesurée, tandis que pour d’autres elle s’estompe face à l’importance de l’action.L’action peut être vécue comme la conséquence d’une mûre réflexion et finalement ne pasapparaître comme une variable clé. Mais pour certains dirigeants, l’action se situe au cœur deleur vie professionnelle. La prise de recul ne se fait qu’à postériori ou de manière intuitive etfurtive.La priorité donnée aux objectifs ou aux relations humainesL’atteinte des objectifs occupe une place essentielle dans la vie d’un chef d’entreprise. Ilconvient toutefois de nuancer l’importance qui leur est accordée. Deux conceptions sedistinguent : d’un côté, les objectifs peuvent justifier l’ensemble des choix qui tendent à les584


soutenir. En quelque sorte, la fin justifie les moyens. D’un autre côté, il peut paraîtrepréférable de ne pas atteindre certains objectifs pour préserver ses valeurs, métiers oupartenaires.De la même manière, les relations humaines sont parfois considérées comme centrales dansla vie professionnelle. Selon les valeurs et la culture professionnelle de l’artisan, la prioritépeut être donnée aux liens avec les confrères au détriment d’un meilleur niveau deperformance.Sans opposer les objectifs aux relations humaines, nous avons distingué ces deux variablesqui ne sont pas associées aux mêmes critères de performance.‣ Présentation de la typologie autour de quatre profilsChaque profil correspond au score obtenu dans le questionnaire présenté en annexe 1. Ilpermet de décrire les traits distinctifs par rapport à la situation et d’indiquer les choix les pluscohérents pour l’artisan.Pour un maximum de a : profil Observateur« Vous savez ce que vous voulez, mais vous prenez le temps de réfléchir à chaqueengagement. »Le projet professionnel est clair et on ne veut prendre aucun risque pour accélérer oumodifier la trajectoire. Chaque étape est importante. C’est pourquoi il est préférable deprendre de la distance avant chaque décision pour mesurer l’impact qu’elle peut avoir surl’ensemble de l’activité. Dans un travail en groupe, on reste en retrait afin d’apprécierl’intérêt du collectif et les comportements de chacun.Pour un maximum de b : profil Initiateur« Vous aimez les défis mais vous avez des difficultés à supporter la lenteur des groupesde travail. »C’est une personne en quête d’affaires et qui n’hésite pas pour cela à se lancer des défis. Elleapprécie d’ailleurs quand les affaires s’enchaînent vite. Toutefois l’initiateur a tendance à necompter que sur lui-même. Pour lui, gagner en efficacité passe avant tout par plus deméthode, d’exigence pour lui-même et pour les autres. Les discussions qui s’attardent sur unprojet l’ennuient : perte de temps, perte d’argent.Pour un maximum de c : profil Animateur« Vous aimez aller vers les autres mais ce n’est que l’échange avec les autres qui vousfait avancer. »Ce dirigeant cherche à progresser. Pour acquérir de l’expérience et de la connaissance, iln’hésite pas à s’entourer, à se tourner vers les autres. Il aime prendre des responsabilitésdans des organisations collectives (professionnelles ou civiles). Les échanges sont égalementun moyen de le rassurer dans le regard des autres. Le groupe entretient sa force et le portevers de nouveaux défis.Pour un maximum de d : profil Protecteur« Vous aimez avancer, mais à votre rythme. »Pour être bien dans son travail, il faut qu’il sente une vraie maîtrise technique. Les nouveauxprojets l’effraient, surtout s’il faut rapidement décider de s’y lancer. Il aime prendre conseilauprès d’experts qui le rassurent dans ses choix : le comptable, le fournisseur d’outils, leconseiller qui l’accompagnent… Il règne une bonne ambiance dans son entreprise, parcequ’il reste toujours à l’écoute de ses collaborateurs : il considère qu’ils portent la réussiteautant que lui. Avec les confrères, son état d’esprit est parfois délicat à partager : certainscomprennent mal comment il fait avancer ses équipes de cette manière car certains ont besoind’installer leur autorité ; d’autres privilégiant les initiatives, n’admettent pas que l’ons’attache autant à l’ambiance au travail.Schéma 1 : Profils d’artisans engagés dans un « travail ensemble »585


Priorité à laréflexion1- OBSERVATEURRéfléchi Prudent MesuréDans l’expectative3-PROTECTEUREvoluer en douceurImportance accordée auxobjectifsêtre à l’écoute Importance accordée auxCoopératifrelationso2- INITIATEURFonceur BusinessExigeant Méthodique4- ANIMATEUREnthousiaste social ouvert àla nouveautéPriorité à l’action3.2- Diversité des situations versus diversité des stratégies entrepreneuriales collaborativesSept fiches outils ont été élaborées afin de décomposer les étapes clés de la démarche detravail ensemble.L’objet des fiches est d’apporter des éléments de repère sur la manière de gérer et d’animerles relations que l’on peut tisser avec les autres. La question du management et du pilotage del’action groupée est donc au cœur de notre réflexion. Il va s’agir d’aider tout artisan désireuxde s’orienter vers cette manière de travailler à se poser les bonnes questions.‣ Comment les entreprises artisanales du Bâtiment peuvent-elles travailler ensemble ?‣ Selon quelles modalités de pilotage et de management peuvent-elles élaborer uneaction groupée?‣ Selon la forme collaborative envisagée, quelles sont les conditions requises pourassurer le bon fonctionnement d’une action groupée ?Chaque fiche vient illustrer un ou plusieurs points d’une étape clé du processus de mise enrelation et d’engagement des individus dans un travail collaboratif autour d’un chantier. Leschéma 1 permet de visualiser les quatre étapes clés qui décrivent de manière chronologiquece processus.Ces fiches ont été conçues pour être des outils d’aide à la décision. Elles se présentent pour laplupart sous forme de grilles d’auto-évaluation, d’auto-analyse. Elles invitent le lecteur à seposer les questions essentielles à chaque étape du processus menant à l’action groupée. Ellesproposent également des actions et des moyens susceptibles d’être mobilisés pour gérer etanimer une action groupée.Leur construction s’appuie sur les profils d’artisans : pour chaque profil est proposé unensemble d’actions susceptibles d’adhérer au mieux à leur attentes, leurs craintes ou encore ausens qu’ils donnent à leur travail (voir annexe 2).Quatre temps sont à distinguer :- Je suis seul : qui -suis-je ?Cette première étape accompagne l’artisan dans une meilleure compréhension de ce qu’ilattend, espère et redoute dans le travail à plusieurs. Selon les craintes et les motivations dechacun, les conseils proposés dans les étapes suivantes seront sensiblement différents.A l’issue de cette étape chacun peut identifier un profil proche de ce qu’il ressent : le cheminmenant à l’animation du groupement est commencé.586


- Je contacte ou je suis contactéLa manière dont s’amorce la prise de contact avec les partenaires va déterminer la nature de larelation. On en trouve les conséquences dans la finalité donnée au travail, puis la confianceaccordée aux confrères.- Je me mets en relationLe repérage des partenaires peut être effectué à partir de quelques indicateurs simples. Laquestion centrale reste l’objectif que l’on s’est fixé dans le projet commun.- J’anime le groupementChacun a sa propre conception de l’animation. Les deux fiches qui lui sont consacréesprésentent d’abord les différentes approches possibles de l’animation, ensuite les processuspar lesquels peuvent être animés les groupes d’artisans.Schéma 2 : Le processus d’engagement dans le travail ensembleJe suis seul :Qui suis-je ?Je contacte ou jesuis contactéJe me mets enrelationJ’anime legroupement F 1 : Comment puis-jeme préparer à travailleravec d’autres ? F 2 : Pourquoi travaillerensemble ?F 3 : Comment faireconfiance à mespartenaires ? F 4 : Comment réussirla mise en relation avecles partenaires ? F 6 : En quoi consistel’animation ? F 7 : Comment animer legroupement ?587


ConclusionLe travail que nous avons réalisé montre les enjeux liés à l’application d’une normalisationdes pratiques de développement durable. Nous avons notamment montré les difficultés d’unsystème fortement encadré par la règlementation avec les limites du GME.Plusieurs apports peuvent être relevés :- La réactivité des partenaires institutionnels face aux limites réglementairesLes partenaires institutionnels n’ont pas hésité à faire évoluer le cœur du travail de l’étudelorsque les artisans ont montré leur défiance vis-à-vis du cadre juridique proposé par leGME. Le glissement vers une approche entrepreneuriale ouverte au libre arbitre de chaquedirigeant offre la possibilité à chacun de s’approprier la démarche de développementdurable. Pourtant, force est de constater que cette posture institutionnelle dénaturel’ambition initiale des partenaires institutionnels.- L’intérêt d’une remise à plat des pratiques au-delà de l’étude en coursLes artisans ont montré une certaine résistance à s’exprimer sur le processus de « travailensemble ». Evoquant fréquemment le « feeling », ils ont lentement dévoilé leurs critèresde choix de partenaires. Pourtant, tous ont reconnu que les séminaires successifs les ontamenés à se poser de nouvelles questions et à porter un autre regard sur les collaborationsqu’ils engagent.- La diversité des stratégies entrepreneuriales collaboratives d’un double point devueLa diversité des profils d’artisans qui malgré leurs différences, se lancent dans des actionspartagées. Ce qu’ils espèrent retirer, le rôle qu’ils occupent ainsi que leur contribution aucollectif montrent la richesse de la démarche pour chacun des participants.La diversité des stratégies entrepreneuriales partagées qui s’entrecroisent avec les profilset présentent une grande richesse opérationnelle.Le « travail ensemble » montre ainsi que la puissance sectorielle de l’artisanat regardel’avenir en offrant aux praticiens de nouvelles perspectives de développement.588


Eléments bibliographiquesAllard-Poesi F. (2003), « La recherche-action », in Giordano Y. (sous la direction), Conduireun projet de recherche, EMS, Paris, 318 p.Amit R. et P.J. Schoemaker ,(1993) “Strategic assets and organisational rent”, StrategicManagement Journal, Vol 14; janvier, pp 33-46.Argyris C. (1993), Knowledge for Action. A Guide to Overcoming Barriers to OrganizationalChange, Jossey-Bass Publishers. Traduction française (1995), Savoir pour agir : surmonterles obstacles à l’apprentissage organisationnel, InterÉditions.Barney, J.-B. (1990), « Firm resources and sustained competitive advantage », Journal ofManagement. V 1, p 99-120.Fourcade C. et Polge M. (2009), « Réseaux d’entreprises artisanales : le hasard ou lanécessité ? », Journée de Recherche l’Entreprise Artisanale et le Réseau, Dunkerque, 13Janvier.Greenwood D.J. et Levin M. (1998), Introduction to Action Research, Social Research forSocial Change, Sage.Helfat, C.-E. ; Petaraf, M.-A. 2003. «The dynamic-resource-based view : capabilitylifecycle», Strategic Management Journal, V24 (Special Issue), pp 997-1010.Hofer, C. et Schendel, D (1978), Strategy formulation : analytical concepts. St Paul, WestPublishing.Koenig G. (1997), « Pour une conception informationniste de la recherche-actiondiagnostique », Management International, V 2 n° 1, Automne, p 27-35.Loup S. et Paradas A. (2006), « L’apprentissage dans le cadre d’une mise en réseaudynamique : une application à des artisans d’art », Sociologies Pratiques, cahier spécial, avriln°13.Nelson, R.-R. ; Winter, S.-J. 1982. An evolutionary theory of economic change. Boston,Harvard University Press.Peillon S. (2005), « une analyse dynamique du pilotage des groupements de PME », RevueInternationale PME, vol.18, n°1.Penrose, E.-T. 1959. The theory of growth of the firm. New York, John Wiley.Polge M. (2008), « Les stratégies entrepreneuriales de développement : le cas de l’entrepriseartisanale », Revue Française de Gestion, Dossier l’Entrepreneuriat en action, été, p 125-140.Polge M. (2009), « La diversité des relations humaines impulsée par la démarche innovantedans les TPE artisanales », Rencontres de la diversité, Corte, Octobre.Polge, M. 2009. « La recherche actée en TPE : l’exemple d’un club de dirigeants ».Management et Avenir, n°30, décembre.Reed, R. et de Filippi, R.-J. (1990), «Causal ambiguity, barriers to imitation, and sustainablecompetitive advantage», Academy of Management Review. V 1, p 88-102.Resweber J.P. (1995), La recherche-action, Paris, Presses Universitaires de France, Que saisje?, Paris.Teece D.-J. ; Pisano, G. 1994. « The dynamic capabilities of firms : an introduction ».Industrial and Corporate Change. V 3 n°3, p 337-356.Teece, D.-J. (2007), «Explicating dynamic capabilities : the nature and microfoundations of(sustainable) enterprise performance». Strategic Management Journal. V 28, p 1319-1350.589


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ANNEXE 1Q.1. Je cherche à aller toujours de l’avant même si parfois je me rends compte que j’ai le « nez dans le guidon ».a. Ce n’est pas ma façon d’agir, je préfère prendre le temps de réfléchir à des objectifs raisonnables, que je pourrai réellementatteindre.b. C’est ma façon d’agir, parce que je veux atteindre des objectifs plus élevés (délais, qualité…).c. C’est ma façon d’agir : je veux entretenir la motivation de mon équipe et mon image auprès des clients.d. Ce n’est pas ma façon d’agir, je préfère prendre conseil avant de lancer des projets, pour être sûr d’y arriverQ.2. Quand je veux changer ma façon de travailler (par exemple : passage à de nouvelles techniques, nouveaux outils, nouveauxclients).a. Je cherche plutôt des solutions par moi-même en m’informant de tout côté.b. Je mets en place les nouvelles pratiques et si ça ne marche pas, j’en tire les leçons et je change encore… jusqu’à ce que çamarche !c. Je n’hésite pas à en parler autour de moi, je prends conseils puis je choisis ce qui me semble le plus efficace.d. Je n’hésite pas à partager la décision avec mes proches pour que tout le monde adhère au changement.Q.3. Je me lance dans un chantier d’un nouveau genre. Mais je m’aperçois que je vais affronter d’importantes difficultés.a. Je me donne le temps nécessaire pour prendre conseil et pour résoudre ces difficultés.b. Je ne perds pas de temps, je m’oriente sur autre chose que je connais mieux.c. Je cherche des partenaires de mon entourage qui vont m’aider à surmonter les difficultés.d. Je discute avec mon entourage et ensemble, on décide de la position à adopterQ.4 Pour vous, la qualité essentielle pour un artisan c’est d’abord….a. Approfondir ma maîtrise du métier pour atteindre l’excellence.b. Savoir évaluer les bons projets pour développer l’entreprise.c. Créer de nouvelles relations pour partager de beaux chantiers ensemble.d. Etre à l’écoute de son entourage pour faire ensemble les bons choix.Q.5 Je me suis lancé dans une nouvelle activité mais les objectifs de CA espérés ne sont pas atteintsa. Je me donne un peu de temps pour que l’activité démarre.b. Je trouve ça agaçant et je change ma façon de travailler (ou carrément mon activité).c. Je prends l’avis d’un expert pour rapidement rectifier mes choix.d. J’écoute les remarques de mes collaborateurs pour mesurer l’ampleur du problème et agir ensemble.Q .6 Face à un nouvel outil….a. Je préfère attendre un peu et m’assure qu’il est vraiment performant.b. J’essaie d’être parmi les premiers à l’adopter pour apporter un meilleur service au client.c. Je consulte les spécialistes techniques pour m’assurer rapidement que j’e fais le bon choix.d. Je demande au collaborateur qui l’utilisera de le tester, puis de choisir lui-même.Q.7 Dans un groupe de confrères…a. Je suis plutôt discret(e), les autres ont une expérience tellement riche.b. Je prends les initiatives, sinon les discussions traînent trop et on ne fait rien.c. Je porte les projets collectifs parce que j’adore échanger avec les autres.d. Je suis là pour partager des connaissances et des expériences et non pour mener une équipe.Q.8 Pendant une négociation délicate où les avis divergenta. J’écoute et j’évite d’intervenir.b. J’essaie de résoudre le problème en argumentant mon point de vue.c. J’essaie de comprendre les enjeux de mon interlocuteur pour mieux l’amener à adhérer à ma position.d. J’écoute et je fais un pas vers mon interlocuteur pour trouver un terrain d’entente.Q.9 Je préfère travailler sur les chantiers quand…a. Je connais les compétences des confrères et les missions avant le chantier pour estimer le projet.b. Les tâches de chacun sont clairement définies dès le début.c. Je peux discuter des conditions de travail avec les confrères.d. Je sais que je vais travailler avec des confrères qui ont le même état d’esprit que moiQ.10 Dans mon entreprise je préfère…a. Evoluer pas à pas dans mon travail.b. Toujours trouver des nouvelles idées et les mettre en œuvre.c. Repérer les collaborateurs dynamiques et valoriser leurs initiatives.d. Partager avec mes collaborateurs une aventure sans cesse renouvelée et le plaisir du travail bien fait.ouinonCatégoriea.b.c.d.Total591


ANNEXE 2Extrait de la fiche 2 : pourquoi travailler ensemble ?LES ACTIONS MENER : QUEL « TRAVAIL ENSEMBLE » CORRESPONDLE MIEUX A MES ATTENTES ?Aller plusloin avec lagrille …- Repérer les avantages et les risques liés à chaque situation- Réfléchir à la manière dont je peux évoluer dans le travail collaboratif- Cas 1 : Je valorise mon travailNiveaud’implication1ObservateurLes « plus » Les « moins » Commentprogresser ?Je sais mesurer la valeurd’une opportunité d’affaire.Je rencontre des difficultéspour franchir le pas : jerisque de réduire monimplication… peut-être trop ?Se donner un calendrierd’action et s’y tenir.Définir clairement ceque l’on apporte augroupe.Comment consoliderle collectif ?Je m’efforce d’être une personnefiable, mais peu encline à assumerun rôle de leader.2EntrepreneurMa personnalité dynamisantereste très réactive : j’ai denombreuses idées et les actessuivent.Je me concentre sur le courtterme : négligence des enjeuxà long terme d’une affaireponctuelle.Se donner le tempsd’observer les autres etde réfléchir.Ne pas seulement j’utiliser legroupe, mais je pense à ce que je luiapporte.34AnimateurProtecteurJe suis une force deproposition pour initier unprojet nouveau : je suiscapable de souder le groupe.Je peux participer comme unsoutien complémentairerelationnel ou pour unecompétence particulière.Je risque de partir trop vitesans prendre du recul.Mon excès de prudencefreine les actions spontanées.Evaluer l’apport réel dugroupe en se centrant surles objectifs.Se lancer accordant uneconfiance progressiveaux autres.J’ai une personnalité susceptiblede rassembler autour de moi.Je propose de nouvelles idées ;J’échange avec les confrères sur desquestions non confidentielles pourcréer un lien.592

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