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La Quête d'Averroès - Andrei Popescu-Belis

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« Si d’autres que nous ont déjà procédé à quelque recherche [sur la connaissance dusyllogisme rationnel] il est évident que nous avons l’obligation […] de recourir à cequ’en ont dit ceux qui nous ont précédés. Il importe peu que ceux-ci soient ou non denotre religion […], j’entends les Anciens qui ont étudié ces questions avant l’apparitionde l’Islam. […] Puisqu’il en est ainsi, et que toute l’étude nécessaire des syllogismesrationnels a déjà été effectuée le plus parfaitement qui soit par les Anciens, alors certes ilnous faut puiser à pleines mains dans leurs livres. » 43Le discours final d’« Averroès » se présente donc comme le chiasma d’un texte placérétrospectivement sous le signe du divorce entre la narration et l’essai, puisqu’il réunit l’espace dequelques lignes l’auteur véritable et son personnage. Plutôt faudrait-il parler, non d’une fusion desdeux figures, mais d’un dépassement de leur opposition à travers la pure affirmation d’un discoursdont la portée universelle rejette au second plan le problème de son auteur exact. Certes, lanarration n’atteint pas au réel, interrompue qu’elle est par les irruptions personnelles de sonauteur, mais cela – dit précisément le discours chiasmatique – n’a plus guère d’importance. <strong>La</strong>conception du monde poétique ou du monde des idées qui s’en dégage n’est pas d’Averroès ou deBorges, ou de leurs doubles aux guillemets, elle n’est peut-être ni vraie, ni fausse, mais elle laissedifficilement indifférent. Le discours final touche le lecteur, il dure, il possède dans sa forme etdans son essence la dimension du présent intemporel, affirmatif.3. Analyse du discours final« … À la fin, il parla, moins pour les autres que pour lui-même.Avec moins d’éloquence, dit Averroès, mais avec des arguments analogues, il m’estarrivé de défendre la proposition que soutient Abdalmalik… Pour s’affranchir d’uneerreur, il est bon de l’avoir professée. » 44Par cette habile introduction, Borges se glisse lui-même dans le récit, de façon à rendreambivalent le discours et revendiquer pour son propre compte le contenu de celui-ci. Nous avonsrapporté l’erreur dont il est question ici à la période ultraïste de Borges, quand celui-ci cultivait ungoût pour des figures de style qui surprissent le lecteur, goût qu’il devait plus tard désavouer. Ilconvient aussi de noter la modestie teintée de rhétorique, qui semble vouloir détacher l’orateurd’une quelconque ambition d’avoir raison et triompher dialectiquement, modestie qui cadre bienavec les exigences de la politesse arabe, et qui n’est pas sans rappeler cet autre personnageborgesien qui « ne réfute pas les sophismes de son adversaire pour ne pas avoir raison d’une façontriomphale. » 45dérision :Poursuivant son discours, Averroès reprend la métaphore que certains tournaient en« Zuhair, dans une mu’allaka, dit qu’au cours de quatre-vingts ans de douleur et degloire, il a vu souvent le destin renverser soudain les hommes comme le ferait unchameau aveugle ; Abdalmalik entend que cette figure ne peut plus nous émerveiller. »Cette image possède un fort pouvoir d’expression qui déclenche puis éclaire l’intégralitédu discours, voire le texte entier. Il faut aborder le monde de Zuhair pour en comprendrepleinement non le sens et la portée, accessibles probablement à tous, mais le mécanisme et lesidées sur le monde et sur la poésie qui la sous-tendent.43 Discours décisif, trad. M. Geoffroy, §9, pp. 109-111.44 Le discours, que nous allons citer presque intégralement, couvre les paragraphes 24 à 27.45 « L’Approche d’Almotasim », p. 440.<strong>Andrei</strong> <strong>Popescu</strong>-<strong>Belis</strong> 17 25/09/02

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