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La Quête d'Averroès - Andrei Popescu-Belis

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d’ennuyeuses explications » 19 , Aboulkassim doit malgré lui défendre « cette séance dont il sesouvenait à peine et qui l’avait fort ennuyé » 20 . Il ne faut pas oublier, cependant, qu’Aboulkassimest le seul convive qui a compris ce qu’était un théâtre, contrairement à Averroès, et que sonexplication apparaît claire, malgré son manque de conviction.Nous pensons qu’il faut voir dans Aboulkassim le personnage le plus réaliste du récit,celui qui réussit le mieux à faire illusion, à se glisser dans l’esprit du lecteur comme le portraitd’un individu réel, ayant véritablement existé, et non comme un symbole ou, pire, une entréeencyclopédique comme c’est peut-être le cas pour Averroès. Cette réussite est d’autant plusmarquée qu’Aboulkassim est, contrairement au philosophe, un personnage entièrement forgé parBorges, et pourtant sa personnalité, souvent négative, paraît bien être la plus vivante de toutes.On perçoit même un certain acharnement de l'écrivain contre Aboulkassim, comme siBorges était jaloux de la réussite de ce personnage non désiré au dépens du préféré, « Averroès ».Pourtant, plus il est chargé de défauts, plus Aboulkassim devient réel, au point que la meilleuretactique sera pour Borges de ne plus en parler du tout. Aboulkassim commence par louer les rosesandalouses sans regarder celles du jardin, puis, ayant repoussé une attaque verbale, est « renduvaniteux par cette victoire dialectique » 21 . Averroès note « que la théologie était un domaineinaccessible à Aboulkassim », et évite de lancer des arguments platoniciens dans la discussion –preuve finalement que les autres interlocuteurs ne comptent pas pour beaucoup 22 . Sans appel, « lamémoire d’Aboulkassim était un miroir d’intimes lâchetés » 23 ; malgré cela, il évoque la Chineavec « un orgueil involontaire », ensuite le théâtre, avant de s’effacer totalement.On le voit, Aboulkassim est un personnage au moins aussi nuancé qu’Averroès, et qui,n’ayant pas à se confronter à la mémoire d’un individu réel ayant porté ce nom, témoigne d’uneprésence et d’une vitalité remarquables. Nous sommes volontiers tentés de lui appliquer cepassage de la conclusion finale : « à mesure que j’avançais, j’éprouvais ce que dut ressentir cedieu […] qui voulut créer un taureau et créa un buffle » 24 . Il faut peut-être voir dans Aboulkassimle « buffle », le résultat malformé et inattendu d’une tentative de création ayant échoué.*Il reste à évoquer les seuls personnages féminins du récit, dont la présence fugitivedemande un éclaircissement. Un paragraphe avant le dénouement, nous apprenons entreparenthèses que « dans le harem, les esclaves brunes avaient torturé une esclave rousse, mais[Averroès] ne devait pas l’apprendre avant l’après-midi. » 25 Cette touche de violence sensuellevient surprendre le lecteur au terme d’un récit paisible et dépassionné. À nos yeux, elle est lesymbole d’un effort désespéré de l’auteur pour ancrer son récit et son personnage principal dans laréalité. L’ajout de détails variés, d’autant plus crédibles qu’ils paraissent appartenir à la vie privéedu personnage, constitue un procédé classique pour donner vie à une narration ou à unpersonnage : ici, l’événement appartient à la plus inaccessible sphère de la vie d’Averroès, la19 §18.20 §21.21 §4.22 §9, fin.23 §10.24 §30.25 §28.<strong>Andrei</strong> <strong>Popescu</strong>-<strong>Belis</strong> 9 25/09/02

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